NOUVEAU DEUIL. - UN MESSAGE A LA
SOCIÉTÉ,
BIBLIQUE BRITANNIQUE ET ÉTRANGÈRE. -
LA
DERNIÈRE PRÉDICATION. -
L'APPEL.
-
« JE
FAIS UNE CHOSE ».
MORT
DE LA SECONDE
Mme MÜLLER. - 13 janvier 1895. -
« Il a plu à Dieu de reprendre
à lui la chère compagne des
vingt-trois années
écoulées ; exactement
vingt-trois ans et six semaines... Plus que jamais
je veux garder les yeux fixés sur Dieu et
cette promesse de sa Parole :
« Toutes choses concourent ensemble au
bien de ceux qui aiment Dieu. »
(Rom.
VIII : 28).
... C'est en mars 1875
qu'ensemble nous avions commencé la
série des voyages missionnaires.. Mme
Müller n'a jamais parlé en
public ; mais sa collaboration était
extrêmement précieuse. Elle m'aida
à placer et à distribuer des milliers
et des milliers de Bibles et de traités en
de nombreuses langues ; elle reçut de
nombreux visiteurs et s'entretint avec des milliers
de personnes inquiètes au sujet de leur
âme.
Je considère que mes
voyages missionnaires constituent la partie la plus
importante de l'oeuvre que le Seigneur m'a
demandée. Or, pour bien des raisons, je
n'aurais pu voyager seul, et la chère
femme de mes premières années, si
elle avait vécu, aurait été
bien trop avancée en âge pour
supporter les fatigues de longs
voyages. J'ai donc compris, plusieurs années
après ma grande épreuve, les
dispensations de Dieu à mon
égard ; et j'ai pu constater dès
ici-bas que toutes choses ensemble concourent au
bien de ceux qui aiment le Seigneur.
Peut-être dis-tu, cher
lecteur : « Et
maintenant ? » - Maintenant je
m'attends toujours à ce que se
vérifie la promesse de Romains
VIII...
Ma solitude est très
grande ; mais je loue Dieu sans cesse pour
tout ce qu'il m'a donné pendant tant
d'années, et pour ce qu'il a maintenant
repris : étant bien convaincu qu'il
agit toujours pour le plus grand bien de ceux qui
l'aiment. Ma chère femme m'a dit bien
souvent qu'elle avait constamment demandé
à Dieu qu'il voulût bien la remplir de
son Esprit. Elle possède maintenant
parfaitement ce après quoi elle soupirait,
et possède en la présence du Seigneur
un bonheur qui dépasse ce que les mots
terrestres peuvent exprimer. Sa joie m'aide
à supporter ma solitude ; bien plus,
elle m'amène à louer Dieu... Si je
publie ces réflexions, c'est parce que je
crois que mon service ici-bas consiste très
particulièrement à consoler les
affligés, et à fortifier la foi des
enfants de Dieu...
Ce
ministère
de consolation et
d'édification qu'il considère comme
celui que le Seigneur lui a confié, G.
Müller s'en acquitte avec
fidélité ; et il atteint le but
proposé. Nous en trouvons une nouvelle
preuve dans le récit fait par une personne
qui assista au service funèbre de la
deuxième Mme
Müller :
« J'ai
pu
assister vendredi
dernier à « Stokes Croft
Chapel » au service funèbre de Mme
Müller, cérémonie d'une
austère simplicité qui est
peut-être unique dans l'histoire du monde.
Là, le patriarche vénérable et
vénéré, officia lui-même
malgré son grand âge, soutenu par
cette foi qui le rendit capable d'accomplir de
grandes choses, et qui le porta
dans toutes les vicissitudes, toutes les
épreuves, tous les travaux d'une longue vie,
laquelle manifeste un christianisme peut-être
sans précédent dans l'histoire de
notre race.
Sa
foi
ne semble pas touchée par
l'épreuve ni par l'âge : sous le
coup du plus douloureux dépouillement, elle
semble inébranlable. Quel fait de l'histoire
classique chanté par les plus grands
poètes, quel sujet fixé sur la toile
par les anciens maîtres, ou devenu le
thème de l'éloquence des plus grands
orateurs, pourrait soutenir la comparaison avec
celui dont je parle : ce grand homme, cet
homme bon, disant devant la mort, en ce
siècle de doute, de négation et de
ritualisme, sa foi illimitée en Dieu ;
tandis que de toute sa personne émanait
quelque chose qui affirmait les
réalités de la communion avec le
Seigneur, d'une communion intense, personnelle,
réelle, directe, et toute suffisante... Il
semblait vivre en une sphère
supérieure. Quant à ses paroles, il
était évident qu'elles
n'étaient pas seulement une
prédication pour les autres, mais que sa foi
le portait vraiment dans la plus douloureuse des
épreuves... »
FOI INÉBRANLABLE EN LA
PAROLE DE DIEU. - Invité à prendre la
parole en 1897 à une réunion de la
Société biblique britannique et
étrangère à Birmingham, et ne
pouvant s'y rendre, Ci. Müller écrivit
ces lignes :
« Auriez-vous
la
bonté de lire à l'assistance ce
message : « Depuis soixante-huit ans
et trois mois, c'est-à-dire depuis juillet
1829, je suis « a
lover » (1) de la Parole
de
Dieu ; et
cela sans interruption. Je l'ai lue bien plus de
cent fois avec méditation et prières,
en général quatre fois dans
l'année. Mon grand amour de la Bible et mon
intime conviction qu'il fallait la répandre
m'ont amené à demander à Dieu
qu'il m'employât comme
instrument de sa diffusion et m'en donnât les
moyens. Il a bien voulu m'exaucer de sorte que j'ai
pu envoyer des exemplaires en grand nombre par
toute la terre et en diverses langues. Avec ce
résultat : que des milliers de
personnes ont été amenées
à la connaissance de Jésus par leur
seule lecture. »
DERNIÈRES ANNÉES.
- La direction de l'Institut biblique, celle des
Orphelinats et le ministère pastoral
occupèrent les dernières
années de 6. Müller ; mais il
cessa de prêcher le soir. Il donnait toujours
son concours aux églises qui l'invitaient
à le faire, et ses discours où la
vérité était soulignée
par des exemples tirés de sa vie
extraordinaire, étaient en grande
bénédiction, surtout aux jeunes. Il
n'était jamais fatigué de dire ce que
Dieu avait fait pour lui.
Sa santé était
généralement bonne. Cependant, au
cours de l'été 1897, les grandes
chaleurs le fatiguèrent beaucoup. Il tomba
malade, et on craignit pour sa vie : le coeur
s'affaiblissait, le pouls devenait
irrégulier et il dit à son
docteur : « C'est la fin, n'est-ce
pas ? » Cependant il se
rétablit pour quelque temps
encore.
LA DERNIÈRE
PRÉDICATION DE G. MÜLLER (6 mars
1898). - « Le dimanche matin 6 mars,
écrit M. Bergin père, M. Müller
prêcha à Alma Road Chapel, Clifton.
Nous donnons ci-après quelques notes du
sermon qu'un auditeur, un ami, nous a
communiquées. Il lut d'abord le chapitre VI
du prophète Esaïe, puis le chapitre XII
de l'évangile selon saint Jean, versets
trente-sept à quarante et un.
« Esaïe dit
ces
choses lorsqu'il vit sa gloire et qu'il parla de
lui ». Ce verset prouve que ce que nous
venons de lire au chapitre sixième
d'Esaïe s'applique bien à notre
adorable Sauveur Jésus-Christ et à sa
gloire. Dans toutes les Écritures, nous
n'avons pas d'autre passage qui décrive
à un plus haut point sa majesté et sa
gloire.
Lisons-le donc à
nouveau
et étudions-le verset par verset, en
l'appliquant à notre adorable et cher
Sauveur.
Le verset premier nous
donne
l'époque (de la vision :
« L'année de la mort du roi
Ozias ». Ces quelques mots
évoquent à notre pensée la vie
de ce roi. Tout alla bien pour lui jusqu'à
ce qu'il devînt puissant et qu'il fut
exalté ; alors il s'enorgueillit, alla
dans le Temple et offrit l'encens à
l'Éternel, au mépris du commandement
de Jéhovah, lequel confie ce soin aux seuls
sacrificateurs. C'est alors qu'il fut frappé
de la lèpre. Il y a là pour nous, une
grande leçon, une importante leçon,
où nous trouvons une invitation à
rechercher l'humilité, à prier pour
être gardés de l'orgueil et du
contentement de soi, ce qui fut le
péché d'Ozias.
Au verset deux, nous
lisons : « Des séraphins
se tenaient au-dessus de LUI ». Il
est environné par les anges de l'ordre le
plus élevé : les
séraphins. « Chacun avait six
ailes, de deux ils couvraient leurs
faces ». L'humilité de ces
créatures qui occupent cependant une
situation si élevée leur interdit de
regarder le Seigneur. Voilà qui nous convie
à essayer de nous considérer avec
plus d'horreur encore, à cause de nos
multiples transgressions, à nous juger
indignes de regarder celui qui est
Saint...
Verset cinq : Malheur
à moi ! Tel est le cri du
prophète qui a conscience de son
péché, en la présence de celui
qui est infiniment saint : « Malheur
à moi, je suis perdu » à
cause de mon iniquité.
Versets six et
sept :
L'autel représente le Seigneur
Jésus-Christ, et le charbon ardent est le
symbole de son sang. De même que le charbon
qui toucha les lèvres du prophète le
purifia de son péché, le nettoya, et
lui permit de rester en la présence divine,
ainsi du sang du Jésus pour nos
péchés innombrables, le sang qui fait
que nous sommes purs et sans tache au regard de
Dieu. Position extraordinaire, joie indicible que
celles du racheté qui a saisi par la foi
dans le sang du Seigneur Jésus [dont nous
allons rappeler la mort en rompant le pain], tout
ce qui lui est conféré.
Verset 8 : Ce
que fit le
prophète en s'offrant au Seigneur dès
que retentit l'appel, nous devons aussi le faire.
Quels que soient le travail, les affaires, le
service, que le Seigneur demande de nous, que nos
coeurs soient prêts à répondre par
l'affirmative, comme le fit Esaïe... Suivre
l'appel, répondre à l'appel, impose
souvent un travail pénible, douloureux. Le
prophète doit endurcir le coeur des enfants
d'Israël et aveugler leurs yeux...
Ministère douloureux. Mais comme serviteurs du
Très-Haut, nous avons
à faire ce que le Seigneur demande :
que ce soit agréable ou non...
Versets
10-12 : Il est rare
que nous trouvions dans la Bible des jugements
aussi terribles que celui-ci. Si celui dont il est
ici question tombe sur Israël, c'est que Dieu
lui a envoyé ses prophètes, et qu'il
ne les a pas écoutés. Ce jugement
subsiste encore aujourd'hui ; cependant
Israël est toujours et quand même le
peuple élu, et les promesses faites à
Abraham Isaac et Jacob auront leur
accomplissement...
Quant à nous, nous
devons
réfléchir à ceci : qu'une
sentence identique aurait pu nous atteindre. Ainsi
en ce qui me concerne, mes yeux auraient pu ne plus
voir, mes oreilles ne pas entendre, mon coeur
aurait pu s'endurcir si, me châtiant avec
justice, Dieu m'avait fait selon mes
péchés... Avec quelle pitié,
quelle miséricorde, quelle tendresse, il
s'est penché vers nous en
Jésus-Christ... Ce qu'il a commencé
il l'achèvera... Encore un peu de temps et
il nous prendra à lui... Glorieuse promesse,
brillante perspective, qui nous appartiennent
à nous misérables pécheurs,
par la foi en Jésus-Christ ! Enfin nous
demeurerons dans la Maison du Père !
Enfin nous le verrons... celui qui a donné
sa vie pour nous, et nous pourrons baiser ses pieds
et ses mains ! Espérance infiniment
précieuse ! Encore un peu de temps,
ENCORE UN PEU DE et tout sera accompli ! Nos
coeurs devraient être un continuel cantique
de louanges et de reconnaissance à
Jésus-Christ... O le précieux sang de
Jésus-Christ ! ».
Le lendemain, le lundi
soir, 7
mars, il assista à la réunion de
prière de Béthesda, à l'issue
de laquelle il salua très chaleureusement
quelques amis. Le mardi et le mercredi, il fit son
travail habituel aux Orphelinats, mais sur le soir,
il dit à M. Wright s'être senti
très faible le matin en se levant, et avoir
dû se reposer trois fois en s'habillant.
Cette sorte de faiblesse avait disparu au cours de
la journée, et ajouta-t-il :
« je me sens à nouveau tout
à fait bien ».
« [I feel quite myself again]. M. Wright
suggéra qu'il ne devrait pas se lever
d'aussi bonne heure, et garder quelqu'un
près de lui. - « Et le
courrier ? », répondit M.
Müller. M. Wright qui demeurait à
Bristol, offrit de venir plus tôt chaque
jour. « Disons que je commencerai demain,
ajouta-t-il ? ». Mais M. Müller
fit un geste de la main pour protester en
disant : « Ne parlons pas de
demain ». Ce même soir il dirigea
lui-même la réunion de prière
hebdomadaire de la Maison n° 3, celle qu'il
habitait. Il fit chanter l'un de ses cantiques
préférés :
- The countless multitude on high,
- Who tune their songs to Jesu's name
- All merit of their own deny
- And Jesu's worth alone proclame.
[Là-haut la multitude innombrable -
Dans ses cantiques de louange, chante le Nom de
Jésus - Elle récuse tous
mérites personnels, - mais elle proclame
uniquement ceux de Jésus ...
].
Pour terminer, il
indiqua le
cantique : « We will sing of the
sheperd that died - That died for the sake of the
Rock ». Ce fut le dernier cantique qu'il
fit chanter ici-bas.
L'APPEL. - Lorsque la
réunion du soir fut terminée 6.
Müller se retira à l'heure
accoutumée ; et quand il dit bonsoir
à M. Wright, il semblait jouir de la
santé habituelle.
Le lendemain matin, le
jeudi 10
mars, à sept heures, la servante porta le
thé qu'il prenait généralement
à ce moment. Elle frappa, et comme on ne
répondait pas elle entra, et vit M.
Müller étendu sur le plancher
près de son lit. Le docteur, Eubulus
Williams, appelé à la hâte,
déclara que la mort devait remonter à
une heure à peu près, et qu'elle
avait été causée par la
syncope. Depuis quelque temps déjà,
M. Müller avait pris l'habitude d'absorber un
peu de nourriture pendant la nuit. Il se leva
probablement pour prendre le verre de lait et le
biscuit qu'on avait placés sur la table de
toilette, et dut tomber à ce
moment-là.
« Cher M.
Müller ! s'exclama une chrétienne
en apprenant la nouvelle, Dieu
lui aura murmuré :
« Viens », et il s'est
tranquillement évadé pour gagner la
Maison du Père. »
La nouvelle de sa mort
souleva
dans tous les milieux une très grande et
très profonde émotion. Au Synode
national des Églises Libres qui se tenait
à ce moment-là à Bristol, une
motion de reconnaissance envers Dieu, fut
votée pour la vie et l'oeuvre de G.
Müller. Le dimanche suivant, presque tous les
prédicateurs de Bristol, à quelque
Église qu'ils appartinssent firent au moins
une allusion au départ de celui qui avait si
fidèlement servi le Seigneur, tellement
aimé les déshérités, et
ajouté de la sorte un nouveau chapitre aux
glorieuses annales du Christianisme.
George Müller avait
pris
pour devise quelques mots de ce verset de
l'épître aux Philippiens :
« Frères, pour moi Je ne crois pas
avoir encore atteint le but, mais JE FAIS UNE
CHOSE : oubliant ce qui est derrière
moi et m'élançant vers ce qui est
devant moi, je cours vers le but pour obtenir le
prix de la vocation céleste de Dieu en
Jésus-Christ
(Philippiens
III :
13) ».
Telle était sa devise, et elle peint bien
son constant idéal, son unique désir,
et l'élan de sa course vers le ciel.
Dès que Christ l'eut saisi, Christ seul
compta pour lui. Sans arrêt, sans faiblesse,
il suivit le Sauveur, parcourant sur sa trace
l'extraordinaire carrière dans laquelle sa
foi grandissant sans cesse des exaucements obtenus
atteignait ces sommets sublimes où
dès ici-bas, elle se transforme en
vue.
Cette vie de constante
communion
avec Dieu avait forcément une
répercussion sur le physique. Le Docteur
Pierson raconte que lorsqu'il rentra en
Amérique en 1866, après son premier
voyage en Europe, il rencontra à bord du
« Persia » un pasteur
uniturien de Boston, qui était allé
voir G. Müller à Bristol. Ce pasteur
racontant l'entrevue disait à ses compagnons
de voyage : « J'ai eu très
vivement l'impression de parler avec l'un des
princes de la Maison de Dieu ; avec quelqu'un
qui, comme Moïse, lui parle face à
face ».
Parmi les nombreuses
personnes
qui montèrent jusqu'à Ashley Down pour y saluer
le
vétéran que Dieu venait de rappeler
on put remarquer une dame manifestement très
âgée. Elle avait voulu revoir celui
qui, soixante ans auparavant, l'avait
recueillie et élevée, alors qu'elle
était seule et sans soutien ici-bas.
Cette chose : manifester que Dieu est, et qu'il est le rémunérateur de ceux qui croient, G. Müller l'a accomplie. Sa vie a manifesté et manifeste encore que Dieu entend toujours la prière, qu'aujourd'hui encore, toutes choses sont possibles à celui qui croit, et « il a obtenu le témoignage d'être agréable à Dieu ».
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