Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE XVII

xxxxxxxxx

-------

NOUVEAU DEUIL. - UN MESSAGE A LA SOCIÉTÉ, BIBLIQUE BRITANNIQUE ET ÉTRANGÈRE. -
LA DERNIÈRE PRÉDICATION. -
L'APPEL. -
« JE FAIS UNE CHOSE ».




 MORT DE LA SECONDE Mme MÜLLER. - 13 janvier 1895. - « Il a plu à Dieu de reprendre à lui la chère compagne des vingt-trois années écoulées ; exactement vingt-trois ans et six semaines... Plus que jamais je veux garder les yeux fixés sur Dieu et cette promesse de sa Parole : « Toutes choses concourent ensemble au bien de ceux qui aiment Dieu. » (Rom. VIII : 28).

... C'est en mars 1875 qu'ensemble nous avions commencé la série des voyages missionnaires.. Mme Müller n'a jamais parlé en public ; mais sa collaboration était extrêmement précieuse. Elle m'aida à placer et à distribuer des milliers et des milliers de Bibles et de traités en de nombreuses langues ; elle reçut de nombreux visiteurs et s'entretint avec des milliers de personnes inquiètes au sujet de leur âme.

Je considère que mes voyages missionnaires constituent la partie la plus importante de l'oeuvre que le Seigneur m'a demandée. Or, pour bien des raisons, je n'aurais pu voyager seul, et la chère femme de mes premières années, si elle avait vécu, aurait été bien trop avancée en âge pour supporter les fatigues de longs voyages. J'ai donc compris, plusieurs années après ma grande épreuve, les dispensations de Dieu à mon égard ; et j'ai pu constater dès ici-bas que toutes choses ensemble concourent au bien de ceux qui aiment le Seigneur.

Peut-être dis-tu, cher lecteur : « Et maintenant ? » - Maintenant je m'attends toujours à ce que se vérifie la promesse de Romains VIII...

Ma solitude est très grande ; mais je loue Dieu sans cesse pour tout ce qu'il m'a donné pendant tant d'années, et pour ce qu'il a maintenant repris : étant bien convaincu qu'il agit toujours pour le plus grand bien de ceux qui l'aiment. Ma chère femme m'a dit bien souvent qu'elle avait constamment demandé à Dieu qu'il voulût bien la remplir de son Esprit. Elle possède maintenant parfaitement ce après quoi elle soupirait, et possède en la présence du Seigneur un bonheur qui dépasse ce que les mots terrestres peuvent exprimer. Sa joie m'aide à supporter ma solitude ; bien plus, elle m'amène à louer Dieu... Si je publie ces réflexions, c'est parce que je crois que mon service ici-bas consiste très particulièrement à consoler les affligés, et à fortifier la foi des enfants de Dieu...

Ce ministère de consolation et d'édification qu'il considère comme celui que le Seigneur lui a confié, G. Müller s'en acquitte avec fidélité ; et il atteint le but proposé. Nous en trouvons une nouvelle preuve dans le récit fait par une personne qui assista au service funèbre de la deuxième Mme Müller :

« J'ai pu assister vendredi dernier à « Stokes Croft Chapel » au service funèbre de Mme Müller, cérémonie d'une austère simplicité qui est peut-être unique dans l'histoire du monde. Là, le patriarche vénérable et vénéré, officia lui-même malgré son grand âge, soutenu par cette foi qui le rendit capable d'accomplir de grandes choses, et qui le porta dans toutes les vicissitudes, toutes les épreuves, tous les travaux d'une longue vie, laquelle manifeste un christianisme peut-être sans précédent dans l'histoire de notre race.

Sa foi ne semble pas touchée par l'épreuve ni par l'âge : sous le coup du plus douloureux dépouillement, elle semble inébranlable. Quel fait de l'histoire classique chanté par les plus grands poètes, quel sujet fixé sur la toile par les anciens maîtres, ou devenu le thème de l'éloquence des plus grands orateurs, pourrait soutenir la comparaison avec celui dont je parle : ce grand homme, cet homme bon, disant devant la mort, en ce siècle de doute, de négation et de ritualisme, sa foi illimitée en Dieu ; tandis que de toute sa personne émanait quelque chose qui affirmait les réalités de la communion avec le Seigneur, d'une communion intense, personnelle, réelle, directe, et toute suffisante... Il semblait vivre en une sphère supérieure. Quant à ses paroles, il était évident qu'elles n'étaient pas seulement une prédication pour les autres, mais que sa foi le portait vraiment dans la plus douloureuse des épreuves... »

FOI INÉBRANLABLE EN LA PAROLE DE DIEU. - Invité à prendre la parole en 1897 à une réunion de la Société biblique britannique et étrangère à Birmingham, et ne pouvant s'y rendre, Ci. Müller écrivit ces lignes :

« Auriez-vous la bonté de lire à l'assistance ce message : « Depuis soixante-huit ans et trois mois, c'est-à-dire depuis juillet 1829, je suis « a lover » (1) de la Parole de Dieu ; et cela sans interruption. Je l'ai lue bien plus de cent fois avec méditation et prières, en général quatre fois dans l'année. Mon grand amour de la Bible et mon intime conviction qu'il fallait la répandre m'ont amené à demander à Dieu qu'il m'employât comme instrument de sa diffusion et m'en donnât les moyens. Il a bien voulu m'exaucer de sorte que j'ai pu envoyer des exemplaires en grand nombre par toute la terre et en diverses langues. Avec ce résultat : que des milliers de personnes ont été amenées à la connaissance de Jésus par leur seule lecture. »

DERNIÈRES ANNÉES. - La direction de l'Institut biblique, celle des Orphelinats et le ministère pastoral occupèrent les dernières années de 6. Müller ; mais il cessa de prêcher le soir. Il donnait toujours son concours aux églises qui l'invitaient à le faire, et ses discours où la vérité était soulignée par des exemples tirés de sa vie extraordinaire, étaient en grande bénédiction, surtout aux jeunes. Il n'était jamais fatigué de dire ce que Dieu avait fait pour lui.

Sa santé était généralement bonne. Cependant, au cours de l'été 1897, les grandes chaleurs le fatiguèrent beaucoup. Il tomba malade, et on craignit pour sa vie : le coeur s'affaiblissait, le pouls devenait irrégulier et il dit à son docteur : « C'est la fin, n'est-ce pas ? » Cependant il se rétablit pour quelque temps encore.


LA DERNIÈRE PRÉDICATION DE G. MÜLLER
(6 mars 1898). - « Le dimanche matin 6 mars, écrit M. Bergin père, M. Müller prêcha à Alma Road Chapel, Clifton. Nous donnons ci-après quelques notes du sermon qu'un auditeur, un ami, nous a communiquées. Il lut d'abord le chapitre VI du prophète Esaïe, puis le chapitre XII de l'évangile selon saint Jean, versets trente-sept à quarante et un.

« Esaïe dit ces choses lorsqu'il vit sa gloire et qu'il parla de lui ». Ce verset prouve que ce que nous venons de lire au chapitre sixième d'Esaïe s'applique bien à notre adorable Sauveur Jésus-Christ et à sa gloire. Dans toutes les Écritures, nous n'avons pas d'autre passage qui décrive à un plus haut point sa majesté et sa gloire.

Lisons-le donc à nouveau et étudions-le verset par verset, en l'appliquant à notre adorable et cher Sauveur.
Le verset premier nous donne l'époque (de la vision : « L'année de la mort du roi Ozias ». Ces quelques mots évoquent à notre pensée la vie de ce roi. Tout alla bien pour lui jusqu'à ce qu'il devînt puissant et qu'il fut exalté ; alors il s'enorgueillit, alla dans le Temple et offrit l'encens à l'Éternel, au mépris du commandement de Jéhovah, lequel confie ce soin aux seuls sacrificateurs. C'est alors qu'il fut frappé de la lèpre. Il y a là pour nous, une grande leçon, une importante leçon, où nous trouvons une invitation à rechercher l'humilité, à prier pour être gardés de l'orgueil et du contentement de soi, ce qui fut le péché d'Ozias.

Au verset deux, nous lisons : « Des séraphins se tenaient au-dessus de LUI ». Il est environné par les anges de l'ordre le plus élevé : les séraphins. « Chacun avait six ailes, de deux ils couvraient leurs faces ». L'humilité de ces créatures qui occupent cependant une situation si élevée leur interdit de regarder le Seigneur. Voilà qui nous convie à essayer de nous considérer avec plus d'horreur encore, à cause de nos multiples transgressions, à nous juger indignes de regarder celui qui est Saint...

Verset cinq : Malheur à moi ! Tel est le cri du prophète qui a conscience de son péché, en la présence de celui qui est infiniment saint : « Malheur à moi, je suis perdu » à cause de mon iniquité.

Versets six et sept : L'autel représente le Seigneur Jésus-Christ, et le charbon ardent est le symbole de son sang. De même que le charbon qui toucha les lèvres du prophète le purifia de son péché, le nettoya, et lui permit de rester en la présence divine, ainsi du sang du Jésus pour nos péchés innombrables, le sang qui fait que nous sommes purs et sans tache au regard de Dieu. Position extraordinaire, joie indicible que celles du racheté qui a saisi par la foi dans le sang du Seigneur Jésus [dont nous allons rappeler la mort en rompant le pain], tout ce qui lui est conféré.

Verset 8 : Ce que fit le prophète en s'offrant au Seigneur dès que retentit l'appel, nous devons aussi le faire. Quels que soient le travail, les affaires, le service, que le Seigneur demande de nous, que nos coeurs soient prêts à répondre par l'affirmative, comme le fit Esaïe... Suivre l'appel, répondre à l'appel, impose souvent un travail pénible, douloureux. Le prophète doit endurcir le coeur des enfants d'Israël et aveugler leurs yeux... Ministère douloureux. Mais comme serviteurs du Très-Haut, nous avons à faire ce que le Seigneur demande : que ce soit agréable ou non...

Versets 10-12 : Il est rare que nous trouvions dans la Bible des jugements aussi terribles que celui-ci. Si celui dont il est ici question tombe sur Israël, c'est que Dieu lui a envoyé ses prophètes, et qu'il ne les a pas écoutés. Ce jugement subsiste encore aujourd'hui ; cependant Israël est toujours et quand même le peuple élu, et les promesses faites à Abraham Isaac et Jacob auront leur accomplissement...

Quant à nous, nous devons réfléchir à ceci : qu'une sentence identique aurait pu nous atteindre. Ainsi en ce qui me concerne, mes yeux auraient pu ne plus voir, mes oreilles ne pas entendre, mon coeur aurait pu s'endurcir si, me châtiant avec justice, Dieu m'avait fait selon mes péchés... Avec quelle pitié, quelle miséricorde, quelle tendresse, il s'est penché vers nous en Jésus-Christ... Ce qu'il a commencé il l'achèvera... Encore un peu de temps et il nous prendra à lui... Glorieuse promesse, brillante perspective, qui nous appartiennent à nous misérables pécheurs, par la foi en Jésus-Christ ! Enfin nous demeurerons dans la Maison du Père ! Enfin nous le verrons... celui qui a donné sa vie pour nous, et nous pourrons baiser ses pieds et ses mains ! Espérance infiniment précieuse ! Encore un peu de temps, ENCORE UN PEU DE et tout sera accompli ! Nos coeurs devraient être un continuel cantique de louanges et de reconnaissance à Jésus-Christ... O le précieux sang de Jésus-Christ ! ».

Le lendemain, le lundi soir, 7 mars, il assista à la réunion de prière de Béthesda, à l'issue de laquelle il salua très chaleureusement quelques amis. Le mardi et le mercredi, il fit son travail habituel aux Orphelinats, mais sur le soir, il dit à M. Wright s'être senti très faible le matin en se levant, et avoir dû se reposer trois fois en s'habillant. Cette sorte de faiblesse avait disparu au cours de la journée, et ajouta-t-il : « je me sens à nouveau tout à fait bien ». « [I feel quite myself again]. M. Wright suggéra qu'il ne devrait pas se lever d'aussi bonne heure, et garder quelqu'un près de lui. - « Et le courrier ? », répondit M. Müller. M. Wright qui demeurait à Bristol, offrit de venir plus tôt chaque jour. « Disons que je commencerai demain, ajouta-t-il ? ». Mais M. Müller fit un geste de la main pour protester en disant : « Ne parlons pas de demain ». Ce même soir il dirigea lui-même la réunion de prière hebdomadaire de la Maison n° 3, celle qu'il habitait. Il fit chanter l'un de ses cantiques préférés :

The countless multitude on high,
Who tune their songs to Jesu's name
All merit of their own deny
And Jesu's worth alone proclame.

[Là-haut la multitude innombrable - Dans ses cantiques de louange, chante le Nom de Jésus - Elle récuse tous mérites personnels, - mais elle proclame uniquement ceux de Jésus ... ].

Pour terminer, il indiqua le cantique : « We will sing of the sheperd that died - That died for the sake of the Rock ». Ce fut le dernier cantique qu'il fit chanter ici-bas.


LE BUREAU DE M. MÜLLER, TEL QU'IL LE LAISSA

L'APPEL. - Lorsque la réunion du soir fut terminée 6. Müller se retira à l'heure accoutumée ; et quand il dit bonsoir à M. Wright, il semblait jouir de la santé habituelle.

Le lendemain matin, le jeudi 10 mars, à sept heures, la servante porta le thé qu'il prenait généralement à ce moment. Elle frappa, et comme on ne répondait pas elle entra, et vit M. Müller étendu sur le plancher près de son lit. Le docteur, Eubulus Williams, appelé à la hâte, déclara que la mort devait remonter à une heure à peu près, et qu'elle avait été causée par la syncope. Depuis quelque temps déjà, M. Müller avait pris l'habitude d'absorber un peu de nourriture pendant la nuit. Il se leva probablement pour prendre le verre de lait et le biscuit qu'on avait placés sur la table de toilette, et dut tomber à ce moment-là.

« Cher M. Müller ! s'exclama une chrétienne en apprenant la nouvelle, Dieu lui aura murmuré : « Viens », et il s'est tranquillement évadé pour gagner la Maison du Père. »

La nouvelle de sa mort souleva dans tous les milieux une très grande et très profonde émotion. Au Synode national des Églises Libres qui se tenait à ce moment-là à Bristol, une motion de reconnaissance envers Dieu, fut votée pour la vie et l'oeuvre de G. Müller. Le dimanche suivant, presque tous les prédicateurs de Bristol, à quelque Église qu'ils appartinssent firent au moins une allusion au départ de celui qui avait si fidèlement servi le Seigneur, tellement aimé les déshérités, et ajouté de la sorte un nouveau chapitre aux glorieuses annales du Christianisme.

George Müller avait pris pour devise quelques mots de ce verset de l'épître aux Philippiens : « Frères, pour moi Je ne crois pas avoir encore atteint le but, mais JE FAIS UNE CHOSE : oubliant ce qui est derrière moi et m'élançant vers ce qui est devant moi, je cours vers le but pour obtenir le prix de la vocation céleste de Dieu en Jésus-Christ (Philippiens III : 13) ».

« JE FAIS UNE CHOSE »

Telle était sa devise, et elle peint bien son constant idéal, son unique désir, et l'élan de sa course vers le ciel. Dès que Christ l'eut saisi, Christ seul compta pour lui. Sans arrêt, sans faiblesse, il suivit le Sauveur, parcourant sur sa trace l'extraordinaire carrière dans laquelle sa foi grandissant sans cesse des exaucements obtenus atteignait ces sommets sublimes où dès ici-bas, elle se transforme en vue.

Cette vie de constante communion avec Dieu avait forcément une répercussion sur le physique. Le Docteur Pierson raconte que lorsqu'il rentra en Amérique en 1866, après son premier voyage en Europe, il rencontra à bord du « Persia » un pasteur uniturien de Boston, qui était allé voir G. Müller à Bristol. Ce pasteur racontant l'entrevue disait à ses compagnons de voyage : « J'ai eu très vivement l'impression de parler avec l'un des princes de la Maison de Dieu ; avec quelqu'un qui, comme Moïse, lui parle face à face ».

Parmi les nombreuses personnes qui montèrent jusqu'à Ashley Down pour y saluer le vétéran que Dieu venait de rappeler on put remarquer une dame manifestement très âgée. Elle avait voulu revoir celui qui, soixante ans auparavant, l'avait recueillie et élevée, alors qu'elle était seule et sans soutien ici-bas.

JE FAIS UNE CHOSE.

Cette chose : manifester que Dieu est, et qu'il est le rémunérateur de ceux qui croient, G. Müller l'a accomplie. Sa vie a manifesté et manifeste encore que Dieu entend toujours la prière, qu'aujourd'hui encore, toutes choses sont possibles à celui qui croit, et « il a obtenu le témoignage d'être agréable à Dieu ».


(1) On pourrait traduire : « J'ai un grand amour pour la parole de Dieu » mais la pensée de G. Müller perdrait de sa force. 
Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant