SOLITUDE.
-
MARIAGE
DE MLLE LYDIA MÜLLER. -
SECOND
MARIAGE
DE M. MÜLLER. -
M.
WRIGHT
DEVIENT CO-DIRECTEUR. -
SEMAILLES
PAR LE LIVRE. - LE RÉVEIL EN IRLANDE. -
« ÉCONOMES
DU SEIGNEUR ». - QUELQUES DÉTAILS
SUR MA GÉRANCE.
SOLITUDE. -
Par les lignes qui précèdent, le
lecteur a pu voir, qu'au moment de
l'épreuve, Dieu m'avait soutenu de
façon extraordinaire. Toutefois, bien qu'il
m'eût rendu capable de le glorifier par une
soumission entière à sa
volonté, je ressentais chaque jour plus
vivement, plus douloureusement, toute
l'étendue de ma perte. En Jésus je
trouvais des consolations et un adoucissement
à ma peine ; en lui je discernais que
l'épreuve était entre ses mains un
moyen de bénédictions inexprimables.
Mais, qu'était devenu mon bonheur
ici-bas ?... Le soir, lorsque je quitte les
Orphelinats, entre huit et neuf heures, pour
rentrer à Bristol, seul sur la route que
nous avons si souvent suivie à deux, je
pense à mon céleste Ami. Lui est
toujours là... Je pense aux raisons que j'ai
d'être reconnaissant, à ma
chère fille qui veille au moment de mon
arrivée pour m'accueillir, et essayer par
ses prévenances d'adoucir ma peine...
Cependant mon épreuve est très
grande, la blessure profonde ; et loin de rien cicatriser,
le temps donne
plus
d'acuité à ma peine... Je suis
généralement heureux en Dieu, et
même, je le loue pour cette dernière
dispensation à mon endroit, bien que la
séparation me soit tous les jours plis
douloureuse.
31 décembre
1870.
- Il a plu au Seigneur de me donner cette
année cinquante-et-un mille six cent
quatre-vingt-sept francs.
FIANÇAILLES DE Mlle MÜLLER. - 4 août 1871. - [Un an et demi après la mort de Mme Müller]. - Aujourd'hui, M. Wright, l'un de mes principaux collaborateurs de l'Institut biblique, m'a demandé la main de ma fille bien-aimée. Cette demande m'a extraordinairement surpris, et en même temps je suis obligé de convenir qu'il n'existe aucune autre personne à qui je confierais aussi volontiers le plus précieux trésor qui me reste ici-bas. Pendant une quinzaine, un douloureux combat s'est livré dans le coeur de ma chère fille, parce qu'elle ne pouvait se faire à l'idée de me laisser seul. Mais je la suppliai de ne pas permettre que je fusse un obstacle sur sa route et lui ai dit quelle joie et quelle consolation ce serait pour moi de la savoir unie à un tel homme. Elle a donc agréé la demande de M. Wright.
SEGOND
MARIAGE
DE M. MULLER. - Les fiançailles de ma
chère fille et beaucoup d'autres raisons
m'ont amené finalement à
considérer la possibilité d'une
nouvelle union. Qu'il s'agisse de l'Oeuvre des
Orphelinats à laquelle ma chère femme
s'était consacrée et où elle me manque
à tout instant, qu'il s'agisse de moi, je
crois que tout bien considéré, il est
préférable que je me marie. J'ai
apporté cette question devant Dieu et je
suis arrivé à la conviction que cette
décision avait l'approbation de mon
Père céleste, et qu'il la
sanctionnait.
Le 10
novembre le mariage
de ma chère fille avec M. Wright a
été
célébré.
Le 30
novembre 1871
(1),
j'ai
épousé Miss Susannah Grace Sangar,
que je connais depuis plus de vingt-cinq ans, comme
chrétienne éprouvée, et qui,
j'ai toutes les raisons de le croire, m'apportera
le concours dont j'ai besoin dans mes diverses
activités.
31 décembre. -
Il
a plu au Seigneur de me donner cette année
cinquante-quatre mille deux cent soixante-quinze
francs.
M. WRIGHT
EST
NOMMÉ CO-DIRECTEUR. - Depuis plus de
vingt ans il m'a été dit un nombre
incalculable de fois, et par bien des gens :
« Que deviendront les orphelinats, quand
vous ne serez plus là, Monsieur
Müller ? » Et, invariablement,
j'ai répondu que la propriété
bâtie et le terrain avaient été
remis entre les mains de onze administrateurs, de
sorte que sous ce rapport il en était des
Orphelinats d'Ashley Down, comme des autres
établissements similaires. -
« Mais, après vous, qui dirigera
l'Oeuvre dans le même esprit que vous l'avez
fait, en s'attendant uniquement à
Dieu ? demande-t-on encore.
Et je
réponds :
Quand il plaira au Seigneur de me rappeler à
lui, il montrera que lui, l'Éternel, ne
dépend pas de moi et qu'il peut facilement
pourvoir à mon remplacement... »
Des amis chrétiens m'ont aussi souvent
représenté que je devrais prier Dieu
au sujet d'un successeur. Sur ce point je leur
disais généralement que je le
faisais. Et, maintenant, j'ai la joie d'annoncer
que Dieu a accordé ce que mon coeur
désirait. J'ai trouvé en mon gendre,
M. James Wright, ce après quoi mon coeur
soupirait, le collaborateur que j'avais,
demandé à Dieu afin d'être
aidé dans la direction de l'Institut ;
et, quand il me rappellera, un
successeur.
Pour ceux qui, ne
connaissant ni
M. Wright ni moi, pourraient s'imaginer que je l'ai
choisi parce qu'il est mon gendre, je donne
ci-après quelques détails :
Voilà trente-et-un an que je le connais,
c'est-à-dire depuis que, jeune
garçon, il se convertit au Seigneur. Et,
depuis plus de vingt ans, j'ai eu toute
facilité pour suivre son
développement et sa vie qui est d'accord
avec son titre de chrétien ; enfin,
voilà plus de treize ans, qu'il est l'un de
mes meilleurs collaborateurs ; je dirai
même : mon bras droit, dans toutes les
affaires importantes. De sorte que voici plus de
douze ans que la chère femme que Dieu me
reprit et moi priions pour lui, demandant à
Dieu qu'il voulût bien préparer M.
Wright à être mon successeur. Cette
prière nous l'avons formulée des
centaines de fois et nous avions toujours plus le
sentiment que Dieu nous accorderait. l'objet de
notre requête.
En février 1870,
après que ma chère femme m'eût
été reprise, je tombai malade. C'est
alors que j'envoyai chercher M. Wright et m'ouvris
à lui des pensées de mon coeur. Mme
Wright vivait ; et à vues humaines il ne
semblait pas
que
Dieu fût sur le point de la prendre à
lui ; donc aucune probabilité que M.
Wright devînt jamais mon gendre. Mais il ne
répondit pas tout de suite à mes
ouvertures. Son humilité lui
suggérait quantité de raisons pour
lesquelles il se jugeait peu propre à
devenir mon successeur. Connaissant ses
capacités comme je le faisais, je ne pouvais
admettre qu'aucune devînt un obstacle. Une
seconde difficulté, ce fut l'opposition de
sa femme, une excellente chrétienne, qui
prévoyait que l'Oeuvre allait absorber tout
le temps de son mari. Cette opposition ne subsista
pas ; après quelques semaines, Mme
Wright tomba d'accord qu'il devait accepter s'il y
voyait la volonté de Dieu ; et il
accepta. C'est dix-huit mois après,
qu'étant devenu veuf à son tour, M.
Wright demanda ma chère fille en
mariage...
Par la bonté de Dieu,
je
puis travailler comme autrefois... Cependant je ne
pouvais ignorer qu'il était bon que je pusse
me décharger partiellement de mon travail.
Ceci n'était possible que si quelqu'un
partageait avec moi la direction. C'est pourquoi,
à partir du 26 mai 1872, j'associai M.
Wright à la Direction après l'avoir,
quelques mois auparavant, désigné
comme successeur.
SEMAILLES
PAR LE
LIVRE. - INFLUENCE DE M. MÜLLER SUR LE
RÉVEIL EN IRLANDE. - La lecture des
Rapports de l'Oeuvre et celle du
« Récit des Dispensations de Dieu
à l'égard de G.
Müller » a été le
moyen dont Dieu a daigné se servir pour la
conversion de bien des âmes. D'autre part,
des milliers de chrétiens ont
été fortifiés et
encouragés par cette lecture ; ils ont
été ramenés
aux Écritures, conduits à se confier
davantage en Dieu et à entrer plus ou moins
dans le sentier de la foi où je marche
moi-même avec le secours d'En-Haut. Depuis
trente-six ans, il ne se passe presque pas de
journée sans que j'en aie de nouvelles
preuves ; et ce sont des milliers et des
milliers d'exemples de bénédictions
reçues que je pourrais citer. Ceci m'a
conduit à prier avec plus d'ardeur encore
pour que Dieu voulût bien continuer de
bénir ces publications pour
l'édification des croyants et la conversion
des incrédules. Je crois donc bien faire en
donnant les détails suivants qui
encourageront les chrétiens à prier,
en même temps qu'ils fourniront le
récit exact de faits souvent cités en
relation avec le Réveil :
En novembre 1856, un
jeune
Irlandais, M. James Quilkin, fut amené
à la connaissance du Seigneur. Peu
après, voyant l'annonce des deux premiers
volumes du « Récit », il
ressentit un grand désir de les lire, et se
les procura en janvier 1857. Leur lecture fut par
la bonté de Dieu une source de grandes
bénédictions pour son âme. Il y
vit surtout ce que la prière pouvait
obtenir, et se dit à peu près
ceci : « Vois ce que M. Müller
obtient uniquement en priant. Tu peux donc, toi
aussi, obtenir la bénédiction par la
prière. »
Et il se mit à prier,
et
demanda en premier lieu que Dieu lui fît
trouver un ami chrétien à la
piété vraiment spirituelle, quelqu'un
qui connût le Seigneur. Peu après, il
faisait la connaissance du compagnon qu'il
cherchait. Tous deux commencèrent alors une
réunion de prière dans l'une des
Écoles du dimanche de Connor. M. Mac Quilkin
demanda à nouveau que Dieu voulût bien
le conduire vers d'autres
chrétiens (2) et le Seigneur lui
donna deux
autres jeunes gens... Cette même
année, à l'automne, il dit à
ceux que Dieu lui avait donnés en
réponse à la prière de la foi,
quelle bénédiction il avait
reçue en lisant le
« Récit », et il proposa
que tous ensemble se réunissent pour
chercher la bénédiction du Seigneur
sur leurs diverses activités :
écoles du dimanche, réunions de
prière, évangélisation. Tous
quatre tombèrent d'accord, et en
conséquence ils se réunirent pour la
prière tous les vendredis soirs dans une
petite école près du village de Kells
(paroisse de Connor). C'est à cette
époque que le Saint-Esprit agissait avec
puissance aux États-Unis. M. J. Mac Quilkin
se dit : « Et pourquoi cela
n'arriverait-il pas aussi chez nous ; puisque
M. Müller a fait de si grandes choses,
uniquement en priant. »
Le 1er janvier 1858,
le Seigneur
leur accorda un remarquable exaucement en
convertissant un domestique de ferme qui,
dès lors, se joignit à eux. Puis ce
fut le tour d'un jeune homme de vingt ans. Ils
furent alors six ; ce qui encouragea
puissamment le groupe des trois premiers. D'autres
se convertirent aussi qui s'unirent à eux
pour la lecture de la Parole, la prière et
l'exhortation en commun. Tout cela se passait sur
le territoire de la paroisse de Connor. Aux
approches de Noël, un jeune homme d'Aboghill,
converti à Connor, retourna chez lui et
parla à ses amis de leurs âmes, et de
ce qui se passait à Connor. Ceux-ci
exprimèrent le désir de rencontrer
quelques-uns des convertis. C'est ainsi que J. Mac
Quilkin et deux autres allèrent à
Aboghill et tinrent une réunion dans l'une
ides églises presbytériennes le 2
février 1859.
Quelques-uns crurent,
d'autres
se moquèrent, d'autres jugèrent que
ces jeunes convertis avaient bien de la
présomption, plusieurs
réclamèrent une nouvelle
réunion. Elle eut lieu le 16 février,
et c'est à cette occasion que l'Esprit de
Dieu commença de travailler avec puissance.
Il y eut plusieurs conversions, et le nombre de
celles-ci ne cessa de croître. Quelques-uns
des convertis se déplacèrent,
apportant avec eux la flamme du Réveil, de
sorte que l'action divine s'étendit en bien
des endroits...
Tel fut le
commencement du
puissant Réveil qui provoqua la conversion
de centaines de milliers d'âmes... On n'a pas
oublié comment il s'étendit à
l'Angleterre, au pays de Galles, à
l'Écosse et passa en Europe... Inutile
d'ajouter qu'aucun honneur ne doit revenir aux
instruments, mais au Saint-Esprit uniquement ;
et si je rappelle ces faits dans l'ordre qui
convient, c'est pour montrer que Dieu prend plaisir
à exaucer magnifiquement et abondamment la
prière de ceux de ses enfants qui croient
à l'exaucement.
« ÉCONOMES
DU SEIGNEUR » : QUELQUES
DÉTAILS, SUR LA GÉRANCE DE G.
MÜLLER. - 29 mai 1874. - Durant les
trente ans écoulés, j'ai souvent
souligné que l'enfant de Dieu était
l'économe du Seigneur, et qu'il y avait lieu
de donner de façon systématique
à mesure que Dieu bénissait, sans
s'amasser de trésors sur la terre ;
j'ai dit les bénédictions temporelles
et spirituelles qu'il y avait à obéir
au Seigneur, les fruits abondants que
récoltaient ceux qui agissaient selon les
principes qu'il pose lui-même..., mais je
n'ai pas donné en chiffres l'état de
ma gérance. C'est ce que je veux faire
passer maintenant sous les yeux du lecteur en
remontant à l'époque où j'ai commencé d'appliquer
ces
principes. Je ne recherche pas la louange des
hommes mais la gloire de Dieu et le
bénéfice que mes frères
pourront tirer de mon exemple. Je laisserai les
derniers mois, de 1830 et commencerai avec 1831.
Cette année-là, il plut au Seigneur
de me donner trois mille sept cent
quatre-vingt-quinze francs sur lesquels nous avons
donné mille deux cent cinquante francs. Je
dis nous, car ma bien chère femme partageait
absolument ma façon de voir et elle
désirait autant que moi vivre de
façon simple et économique à
cause du Seigneur.
En 1833, je reçus
quatre
mille huit cent quatre-vingts francs. Remarquez que
le Seigneur nous rendit et bien au delà, ce
que nous avions donné pour lui, non
seulement les douze cent cinquante francs, mais
presque quatre fois cette somme. C'est ainsi qu'il
fait ; j'ai souvent eu l'occasion de
l'observer durant ces quarante-quatre ans
passés. Cette année-là, nous
avons donné au Seigneur dix-sept cent
cinquante francs. Une petite fille était
née à notre foyer, mais cela ne
modifia pas notre manière de faire ;
nous ne fûmes que plus désireux de
nous amasser des trésors dans le ciel afin
qu'elle aussi en eût le
bénéfice.
En 1833, je reçus
comme
pasteur six mille six cent quatre-vingt-treize
francs. Le Seigneur me rendait ce que je lui avais
donné et bien au delà. Il veille
à ce que nous soyons toujours ses
débiteurs, et ne veut pas être en
reste avec nous. Sur cette somme, nous avons
donné deux mille sept cent cinquante
francs ; car alors nous vivions à
Bristol parmi des frères dont un grand
nombre étaient pauvres, et nous
considérions comme un honneur et un
privilège de pouvoir les aider. Cette somme
ne fut pas donnée en une seule fois.... mais
selon que le Seigneur nous en fournissait les
moyens, et
plaçait sur notre route ceux qui en avaient
besoin. »
Avec les années, G.
Müller reçoit davantage : en 1839,
quelque neuf mille francs et il donne aussi
toujours davantage. Mais en 1840, il ne
reçoit que six mille soixante-deux
francs :
« Le Seigneur
change
souvent de méthode, écrit-il à
ce propos. Non seulement cette
année-là il n'y eut pas
d'augmentation, mais encore une sérieuse
diminution. C'est ainsi que Dieu éprouve
souvent la foi de ses enfants ayant en vue leur
plus grand bien : il leur enseigne de
très précieuses leçons et
permet certaines difficultés pour
éprouver leur coeur.
Et que fîmes-nous, ma
chère femme et moi ? Nous n'avons pas
dit : « Le Seigneur nous a
oubliés ! » Nous n'avons pas
dit non plus que, dorénavant, il y aurait
lieu d'économiser l'argent dont nous
n'avions pas besoin ; mais nous
continuâmes de donner dans la mesure du
possible.
En 1841, l'épreuve de notre foi continua.
Mais l'année suivante, il plut au Seigneur
de nous confier davantage, soit huit mille deux
cent quarante-quatre francs. Sur cette somme, nous
avons donné trois mille deux cent cinquante
francs. Nous ne nous sommes pas dit alors que la
maison que nous habitions et qui était
louée nous convenait, et qu'il serait sage
de mettre de l'argent de côté pour
l'acheter. Mais nous souvenant que nous sommes
ici-bas étrangers et voyageurs, que nos
possessions sont célestes et à venir,
et que nous ne sommes que les économes de ce
que le Seigneur nous confie, nous lui avons
consacré tout ce que nous possédions.
Je ne crains pas de me placer
à côté du chrétien qui,
en 1842, a essayé d'amasser des richesses
pour lui-même et a
persévéré dans cette voie, et
de lui demander s'il est plus heureux que moi, et
s'il a de plus brillantes espérances que les
miennes pour l'éternité. Oh ! si
les chrétiens voulaient s'attacher à
la Parole de Dieu et conformer leur vie à ce
qu'elle enseigne ! ...
En 1845, je reçus dix
mille huit cent trente-trois francs. Remarque, cher
lecteur, qu'il plut au Seigneur de me rendre les
deux mille cinq cents francs que j'avais
donnés en son nom, en 1844. Cette
année nous eûmes la grande joie de
pouvoir donner cinq mille cinq cents francs. Non
pas dans le but d'obtenir davantage, mais pour que
Dieu fût glorifié, avec les moyens
qu'il lui plaisait de mettre, à notre
disposition. « Tel répand son bien
qui l'augmente encore davantage, et tel
épargne outre mesure pour n'aboutir
qu'à la disette. »
(Prov.
XI : 24).
En 1852, je reçus onze
mille cent trente-sept francs, Que le lecteur
veuille bien se souvenir que je n'avais pas de
traitement, que je ne recevais rien pour les actes
pastoraux.... que ni ma femme ni moi nous ne
touchions rien comme directeurs des Orphelinats
où cependant nous travaillions beaucoup tous
les jours, et année après
année. J'aurais pu, en toute justice,
attribuer à chacun de nous un salaire, car
pour parler à la manière des hommes,
nous le gagnions bien !
Mais pour plusieurs
raisons nous
avons préféré ne pas le faire,
et dépendre uniquement du Père
céleste qui est toujours si bon et si tendre
envers ses enfants.
En 1858, je reçus
vingt-cinq mille sept-cents vingt-sept francs
trente-sept centimes et demi. Le total est exact,
même pour les centimes. Il y a des centimes
dans les sommes qui me sont envoyées
anonymement.
Tu es peut-être
surpris du
chiffre de cette somme, cher lecteur ? C'est
effectivement un chiffre élevé...
mais tu as certainement découvert mon
secret... Ce n'est pas à cause de mes
mérites, ni parce que je demandais quoi que
ce soit aux hommes directement ou indirectement en
leur laissant entendre mes besoins... Je n'en parle
qu'à Dieu. Et quand il lui plaît de me
donner plus que le nécessaire pour ma
famille et pour moi, je le consacre avec joie
à son oeuvre ou au service des pauvres ou
aux membres de la famille qui peuvent en avoir
besoin ; je me considère comme
l'économe du Seigneur ; du moins
j'essaye de l'être. Et il lui plaît de
me confier toujours davantage, ce qui me procure la
joie et l'honneur de pourvoir aux
nécessités des autres et de donner
pour son oeuvre. Sur la somme ci-dessus, nous avons
donné dix-neuf mille neuf cents
francs. »
L'année
suivante,
G.
Müller reçut encore davantage et
après avoir donné des chiffres, il
ajoute :
J'entends encore la
chère
femme que Dieu m'a reprise : lorsque je lui
annonçais que j'avais pu attribuer deux
mille, cinq cents, ou cinq mille francs au fonds de
construction des Orphelinats ou à celui de
la Mission, elle me répondait alors avec son
affectueux sourire : « Merci, mon
ami. » Ou bien, si je la consultais,
j'avais immédiatement la plus chaude des
approbations ; non seulement cela, mais elle
éprouvait une grande joie à la
pensée que nous pouvions donner autant. Je
me souviens aussi de lui avoir dit souvent, ainsi
qu'à ma chère fille : Mes
bien-aimées, s'il plaisait à Dieu de
me reprendre avant vous et que vous eussiez besoin
de quelque chose, allez à lui avec
unesimplicité
enfantine ; demandez qu'il vous rende un peu
de ce que j'ai donné aux pauvres et pour son
oeuvre. Certainement il ne vous fera pas
défaut... »
En 1862... Dieu nous a
fait la
grâce de pouvoir donner vingt et un mille
neuf cent vingt et un francs vingt-cinq. Je dis que
Dieu nous a fait cette grâce. Car n'imagine
pas, cher lecteur, que l'argent m'est
indifférent, et que c'est pour cela que je
le donne... Non, tu te tromperais fort. En cela
comme en toutes choses j'ai besoin de faire monter
vers Dieu la prière du psalmiste :
« Aide-moi, et je serai
sauvé »
(Ps.
CXIX : 117.). Si
J'étais laissé à
moi-même et malgré toutes les
expériences faites, je me laisserais aller
à aimer l'argent, à l'entasser,
à essayer d'augmenter ce qu'on me
donne ; car je suis calculateur par nature, et
mon tempérament naturel est celui de l'homme
d'affaires. Mais Dieu me fait la grâce de
calculer pour l'éternité.... de
calculer que le Seigneur Jésus s'est fait
pauvre pour que je fusse enrichi, de
considérer qu'il a versé son sang
pour me sauver ; il convient donc que je lui
donne en retour ce qu'il lui a plu de me confier
à titre
d'économe. »
Fin 1870, l'année de
la
mort de Mme Müller, G. Müller
reçut cinquante et un mille six cent
quatre-vingt-sept francs quinze... sur lesquels il
donna quarante-deux mille huit cent trente-neuf
francs quarante-cinq.
Durant les années
suivantes, Müller garda davantage par devers
lui ; et il explique que cela ne provenait pas
d'une augmentation de dépenses personnelles,
oui de ce qu'il s'était décidé
à placer de l'argent... Non ! mais il
n'avait pas eu l'occasion de tout dépenser
utilement. Par contre, en 1874, il fuit
amené à donner durant les cinq
premiers mois douze mille cinq cents francs DE PLUS
QUE CE QU'IL AVAIT REÇU.
À cette époque,
les dons pour l'Oeuvre restant constamment
en-dessous des dépenses, G. Müller
considéra la situation en face.
C'étaient deux mille cent bouches qu'il
fallait nourrir chaque jour, sans compter tous les
frais de vêtements, d'entretien, les soins
médicaux, etc... De plus, il aidait cent
quatre-vingt-neuf missionnaires, soutenait cent
écoles ayant ensemble quelque neuf mille
élèves, il fournissait des millions
de traités et des milliers d'exemplaires de
l'Écriture. Enfin, à
côté des dépenses courantes, il
y avait les dépenses imprévues avec
lesquelles il fallait aussi compter. Allait-il se
trouver devant une caisse vide ? Voici ce
qu'il écrivit à ce
propos :
« Dieu notre
trésorier, notre trésorier infiniment
riche nous reste. C'est cette pensée qui me
donne la paix... Lorsque j'ai vu se dresser devant
moi la possibilité d'une caisse vide, je me
suis dit presque invariablement : Puisque Dieu
s'est servi de moi pour fonder cette Oeuvre et
qu'il m'a conduit à l'agrandir, puisqu'il a
subvenu jusqu'ici, c'est-à-dire durant
quarante ans, à tous ses besoins, il donnera
encore le nécessaire. J'ai mis ma confiance
en lui ; il ne permettra pas que je sois
confus. »
C'est
à
propos des sommes
gardées pendant les années
d'abondance, surplus qui lui permit de traverser
les mois de disette, que G. Müller
écrivit les lignes
suivantes :
« Ce serait
une erreur
de croire que je me hâte de dépenser
ce que je reçois, comme si c'était un
crime que de posséder quelques billets de
banque. Non ! Mais ce que je veux, c'est de ne
jamais me considérer comme le
propriétaire de ce que j'ai, peu ou
beaucoup, et d'avoir présent à
l'esprit que cela appartient à Dieu et non
à moi... J'ai donc pu donner du 11 janvier
au 26 mai 1874, beaucoup plus que je ne recevais
et subvenir aux
dépenses de l'Oeuvre que les dons ne
couvraient plus. »
Bien des lecteurs
diront j'en
suis sûr : Qu'il fait bon pouvoir donner
ainsi ! Qu'il est agréable de pouvoir
répandre si largement. - Que j'aimerais
pouvoir faire de même !
Effectivement ! C'est là une
expérience bénie. Ne voulez-vous pas
la faire aussi ? Donnez, à mesure que
Dieu vous bénit et qu'il vous accorde
l'aisance. Ne donnez que peu si vous n'avez pas
assez de foi pour donner beaucoup : mais ce
que vous faites, faites-le de tout votre coeur,
avec fidélité, avec
persévérance. Ne faites pas un essai
de quelques semaines seulement..., continuez
quelles que soient vos circonstances..., et vous
aurez toujours plus de joie à
donner.
Encore un mot. Comme
économes du Seigneur, il ne convient pas que
nous dépensions largement pour
nous-mêmes. Je me suis toujours
accordé le nécessaire, et même
ce qui rend la vie confortable, facile, surtout
depuis que j'avance en âge ; mais je me
suis toujours gardé du luxe...
Et maintenant, au soir
de la
vie, pensez-vous que je regrette les six cent
soixante-quinze mille francs que j'ai donnés
jusqu'ici ? Certainement pas ! Et je
bénis Dieu de l'honneur qu'il m'a
conféré en me permettant de les
donner.
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