Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE XV

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SOLITUDE. -
MARIAGE DE MLLE LYDIA MÜLLER. -
SECOND MARIAGE DE M. MÜLLER. -
M. WRIGHT DEVIENT CO-DIRECTEUR. -
SEMAILLES PAR LE LIVRE. - LE RÉVEIL EN IRLANDE. -
« ÉCONOMES DU SEIGNEUR ». - QUELQUES DÉTAILS SUR MA GÉRANCE.


 

SOLITUDE. - Par les lignes qui précèdent, le lecteur a pu voir, qu'au moment de l'épreuve, Dieu m'avait soutenu de façon extraordinaire. Toutefois, bien qu'il m'eût rendu capable de le glorifier par une soumission entière à sa volonté, je ressentais chaque jour plus vivement, plus douloureusement, toute l'étendue de ma perte. En Jésus je trouvais des consolations et un adoucissement à ma peine ; en lui je discernais que l'épreuve était entre ses mains un moyen de bénédictions inexprimables. Mais, qu'était devenu mon bonheur ici-bas ?... Le soir, lorsque je quitte les Orphelinats, entre huit et neuf heures, pour rentrer à Bristol, seul sur la route que nous avons si souvent suivie à deux, je pense à mon céleste Ami. Lui est toujours là... Je pense aux raisons que j'ai d'être reconnaissant, à ma chère fille qui veille au moment de mon arrivée pour m'accueillir, et essayer par ses prévenances d'adoucir ma peine... Cependant mon épreuve est très grande, la blessure profonde ; et loin de rien cicatriser, le temps donne plus d'acuité à ma peine... Je suis généralement heureux en Dieu, et même, je le loue pour cette dernière dispensation à mon endroit, bien que la séparation me soit tous les jours plis douloureuse.

31 décembre 1870. - Il a plu au Seigneur de me donner cette année cinquante-et-un mille six cent quatre-vingt-sept francs.


1871

FIANÇAILLES DE Mlle MÜLLER. - 4 août 1871. - [Un an et demi après la mort de Mme Müller]. - Aujourd'hui, M. Wright, l'un de mes principaux collaborateurs de l'Institut biblique, m'a demandé la main de ma fille bien-aimée. Cette demande m'a extraordinairement surpris, et en même temps je suis obligé de convenir qu'il n'existe aucune autre personne à qui je confierais aussi volontiers le plus précieux trésor qui me reste ici-bas. Pendant une quinzaine, un douloureux combat s'est livré dans le coeur de ma chère fille, parce qu'elle ne pouvait se faire à l'idée de me laisser seul. Mais je la suppliai de ne pas permettre que je fusse un obstacle sur sa route et lui ai dit quelle joie et quelle consolation ce serait pour moi de la savoir unie à un tel homme. Elle a donc agréé la demande de M. Wright.


SEGOND MARIAGE DE M. MULLER.
- Les fiançailles de ma chère fille et beaucoup d'autres raisons m'ont amené finalement à considérer la possibilité d'une nouvelle union. Qu'il s'agisse de l'Oeuvre des Orphelinats à laquelle ma chère femme s'était consacrée et où elle me manque à tout instant, qu'il s'agisse de moi, je crois que tout bien considéré, il est préférable que je me marie. J'ai apporté cette question devant Dieu et je suis arrivé à la conviction que cette décision avait l'approbation de mon Père céleste, et qu'il la sanctionnait.

Le 10 novembre le mariage de ma chère fille avec M. Wright a été célébré.

Le 30 novembre 1871 (1), j'ai épousé Miss Susannah Grace Sangar, que je connais depuis plus de vingt-cinq ans, comme chrétienne éprouvée, et qui, j'ai toutes les raisons de le croire, m'apportera le concours dont j'ai besoin dans mes diverses activités.

31 décembre. - Il a plu au Seigneur de me donner cette année cinquante-quatre mille deux cent soixante-quinze francs.


1872

M. WRIGHT EST NOMMÉ CO-DIRECTEUR. - Depuis plus de vingt ans il m'a été dit un nombre incalculable de fois, et par bien des gens : « Que deviendront les orphelinats, quand vous ne serez plus là, Monsieur Müller ? » Et, invariablement, j'ai répondu que la propriété bâtie et le terrain avaient été remis entre les mains de onze administrateurs, de sorte que sous ce rapport il en était des Orphelinats d'Ashley Down, comme des autres établissements similaires. - « Mais, après vous, qui dirigera l'Oeuvre dans le même esprit que vous l'avez fait, en s'attendant uniquement à Dieu ? demande-t-on encore.

Et je réponds : Quand il plaira au Seigneur de me rappeler à lui, il montrera que lui, l'Éternel, ne dépend pas de moi et qu'il peut facilement pourvoir à mon remplacement... » Des amis chrétiens m'ont aussi souvent représenté que je devrais prier Dieu au sujet d'un successeur. Sur ce point je leur disais généralement que je le faisais. Et, maintenant, j'ai la joie d'annoncer que Dieu a accordé ce que mon coeur désirait. J'ai trouvé en mon gendre, M. James Wright, ce après quoi mon coeur soupirait, le collaborateur que j'avais, demandé à Dieu afin d'être aidé dans la direction de l'Institut ; et, quand il me rappellera, un successeur.

Pour ceux qui, ne connaissant ni M. Wright ni moi, pourraient s'imaginer que je l'ai choisi parce qu'il est mon gendre, je donne ci-après quelques détails : Voilà trente-et-un an que je le connais, c'est-à-dire depuis que, jeune garçon, il se convertit au Seigneur. Et, depuis plus de vingt ans, j'ai eu toute facilité pour suivre son développement et sa vie qui est d'accord avec son titre de chrétien ; enfin, voilà plus de treize ans, qu'il est l'un de mes meilleurs collaborateurs ; je dirai même : mon bras droit, dans toutes les affaires importantes. De sorte que voici plus de douze ans que la chère femme que Dieu me reprit et moi priions pour lui, demandant à Dieu qu'il voulût bien préparer M. Wright à être mon successeur. Cette prière nous l'avons formulée des centaines de fois et nous avions toujours plus le sentiment que Dieu nous accorderait. l'objet de notre requête.

En février 1870, après que ma chère femme m'eût été reprise, je tombai malade. C'est alors que j'envoyai chercher M. Wright et m'ouvris à lui des pensées de mon coeur. Mme Wright vivait ; et à vues humaines il ne semblait pas que Dieu fût sur le point de la prendre à lui ; donc aucune probabilité que M. Wright devînt jamais mon gendre. Mais il ne répondit pas tout de suite à mes ouvertures. Son humilité lui suggérait quantité de raisons pour lesquelles il se jugeait peu propre à devenir mon successeur. Connaissant ses capacités comme je le faisais, je ne pouvais admettre qu'aucune devînt un obstacle. Une seconde difficulté, ce fut l'opposition de sa femme, une excellente chrétienne, qui prévoyait que l'Oeuvre allait absorber tout le temps de son mari. Cette opposition ne subsista pas ; après quelques semaines, Mme Wright tomba d'accord qu'il devait accepter s'il y voyait la volonté de Dieu ; et il accepta. C'est dix-huit mois après, qu'étant devenu veuf à son tour, M. Wright demanda ma chère fille en mariage...

Par la bonté de Dieu, je puis travailler comme autrefois... Cependant je ne pouvais ignorer qu'il était bon que je pusse me décharger partiellement de mon travail. Ceci n'était possible que si quelqu'un partageait avec moi la direction. C'est pourquoi, à partir du 26 mai 1872, j'associai M. Wright à la Direction après l'avoir, quelques mois auparavant, désigné comme successeur.


1874

SEMAILLES PAR LE LIVRE. - INFLUENCE DE M. MÜLLER SUR LE RÉVEIL EN IRLANDE. - La lecture des Rapports de l'Oeuvre et celle du « Récit des Dispensations de Dieu à l'égard de G. Müller » a été le moyen dont Dieu a daigné se servir pour la conversion de bien des âmes. D'autre part, des milliers de chrétiens ont été fortifiés et encouragés par cette lecture ; ils ont été ramenés aux Écritures, conduits à se confier davantage en Dieu et à entrer plus ou moins dans le sentier de la foi où je marche moi-même avec le secours d'En-Haut. Depuis trente-six ans, il ne se passe presque pas de journée sans que j'en aie de nouvelles preuves ; et ce sont des milliers et des milliers d'exemples de bénédictions reçues que je pourrais citer. Ceci m'a conduit à prier avec plus d'ardeur encore pour que Dieu voulût bien continuer de bénir ces publications pour l'édification des croyants et la conversion des incrédules. Je crois donc bien faire en donnant les détails suivants qui encourageront les chrétiens à prier, en même temps qu'ils fourniront le récit exact de faits souvent cités en relation avec le Réveil :

En novembre 1856, un jeune Irlandais, M. James Quilkin, fut amené à la connaissance du Seigneur. Peu après, voyant l'annonce des deux premiers volumes du « Récit », il ressentit un grand désir de les lire, et se les procura en janvier 1857. Leur lecture fut par la bonté de Dieu une source de grandes bénédictions pour son âme. Il y vit surtout ce que la prière pouvait obtenir, et se dit à peu près ceci : « Vois ce que M. Müller obtient uniquement en priant. Tu peux donc, toi aussi, obtenir la bénédiction par la prière. »

Et il se mit à prier, et demanda en premier lieu que Dieu lui fît trouver un ami chrétien à la piété vraiment spirituelle, quelqu'un qui connût le Seigneur. Peu après, il faisait la connaissance du compagnon qu'il cherchait. Tous deux commencèrent alors une réunion de prière dans l'une des Écoles du dimanche de Connor. M. Mac Quilkin demanda à nouveau que Dieu voulût bien le conduire vers d'autres chrétiens (2) et le Seigneur lui donna deux autres jeunes gens... Cette même année, à l'automne, il dit à ceux que Dieu lui avait donnés en réponse à la prière de la foi, quelle bénédiction il avait reçue en lisant le « Récit », et il proposa que tous ensemble se réunissent pour chercher la bénédiction du Seigneur sur leurs diverses activités : écoles du dimanche, réunions de prière, évangélisation. Tous quatre tombèrent d'accord, et en conséquence ils se réunirent pour la prière tous les vendredis soirs dans une petite école près du village de Kells (paroisse de Connor). C'est à cette époque que le Saint-Esprit agissait avec puissance aux États-Unis. M. J. Mac Quilkin se dit : « Et pourquoi cela n'arriverait-il pas aussi chez nous ; puisque M. Müller a fait de si grandes choses, uniquement en priant. »

Le 1er janvier 1858, le Seigneur leur accorda un remarquable exaucement en convertissant un domestique de ferme qui, dès lors, se joignit à eux. Puis ce fut le tour d'un jeune homme de vingt ans. Ils furent alors six ; ce qui encouragea puissamment le groupe des trois premiers. D'autres se convertirent aussi qui s'unirent à eux pour la lecture de la Parole, la prière et l'exhortation en commun. Tout cela se passait sur le territoire de la paroisse de Connor. Aux approches de Noël, un jeune homme d'Aboghill, converti à Connor, retourna chez lui et parla à ses amis de leurs âmes, et de ce qui se passait à Connor. Ceux-ci exprimèrent le désir de rencontrer quelques-uns des convertis. C'est ainsi que J. Mac Quilkin et deux autres allèrent à Aboghill et tinrent une réunion dans l'une ides églises presbytériennes le 2 février 1859.

Quelques-uns crurent, d'autres se moquèrent, d'autres jugèrent que ces jeunes convertis avaient bien de la présomption, plusieurs réclamèrent une nouvelle réunion. Elle eut lieu le 16 février, et c'est à cette occasion que l'Esprit de Dieu commença de travailler avec puissance. Il y eut plusieurs conversions, et le nombre de celles-ci ne cessa de croître. Quelques-uns des convertis se déplacèrent, apportant avec eux la flamme du Réveil, de sorte que l'action divine s'étendit en bien des endroits...

Tel fut le commencement du puissant Réveil qui provoqua la conversion de centaines de milliers d'âmes... On n'a pas oublié comment il s'étendit à l'Angleterre, au pays de Galles, à l'Écosse et passa en Europe... Inutile d'ajouter qu'aucun honneur ne doit revenir aux instruments, mais au Saint-Esprit uniquement ; et si je rappelle ces faits dans l'ordre qui convient, c'est pour montrer que Dieu prend plaisir à exaucer magnifiquement et abondamment la prière de ceux de ses enfants qui croient à l'exaucement.


« ÉCONOMES DU SEIGNEUR » : QUELQUES DÉTAILS, SUR LA GÉRANCE DE G. MÜLLER.
- 29 mai 1874. - Durant les trente ans écoulés, j'ai souvent souligné que l'enfant de Dieu était l'économe du Seigneur, et qu'il y avait lieu de donner de façon systématique à mesure que Dieu bénissait, sans s'amasser de trésors sur la terre ; j'ai dit les bénédictions temporelles et spirituelles qu'il y avait à obéir au Seigneur, les fruits abondants que récoltaient ceux qui agissaient selon les principes qu'il pose lui-même..., mais je n'ai pas donné en chiffres l'état de ma gérance. C'est ce que je veux faire passer maintenant sous les yeux du lecteur en remontant à l'époque où j'ai commencé d'appliquer ces principes. Je ne recherche pas la louange des hommes mais la gloire de Dieu et le bénéfice que mes frères pourront tirer de mon exemple. Je laisserai les derniers mois, de 1830 et commencerai avec 1831. Cette année-là, il plut au Seigneur de me donner trois mille sept cent quatre-vingt-quinze francs sur lesquels nous avons donné mille deux cent cinquante francs. Je dis nous, car ma bien chère femme partageait absolument ma façon de voir et elle désirait autant que moi vivre de façon simple et économique à cause du Seigneur.

En 1833, je reçus quatre mille huit cent quatre-vingts francs. Remarquez que le Seigneur nous rendit et bien au delà, ce que nous avions donné pour lui, non seulement les douze cent cinquante francs, mais presque quatre fois cette somme. C'est ainsi qu'il fait ; j'ai souvent eu l'occasion de l'observer durant ces quarante-quatre ans passés. Cette année-là, nous avons donné au Seigneur dix-sept cent cinquante francs. Une petite fille était née à notre foyer, mais cela ne modifia pas notre manière de faire ; nous ne fûmes que plus désireux de nous amasser des trésors dans le ciel afin qu'elle aussi en eût le bénéfice.

En 1833, je reçus comme pasteur six mille six cent quatre-vingt-treize francs. Le Seigneur me rendait ce que je lui avais donné et bien au delà. Il veille à ce que nous soyons toujours ses débiteurs, et ne veut pas être en reste avec nous. Sur cette somme, nous avons donné deux mille sept cent cinquante francs ; car alors nous vivions à Bristol parmi des frères dont un grand nombre étaient pauvres, et nous considérions comme un honneur et un privilège de pouvoir les aider. Cette somme ne fut pas donnée en une seule fois.... mais selon que le Seigneur nous en fournissait les moyens, et plaçait sur notre route ceux qui en avaient besoin. »

Avec les années, G. Müller reçoit davantage : en 1839, quelque neuf mille francs et il donne aussi toujours davantage. Mais en 1840, il ne reçoit que six mille soixante-deux francs :
« Le Seigneur change souvent de méthode, écrit-il à ce propos. Non seulement cette année-là il n'y eut pas d'augmentation, mais encore une sérieuse diminution. C'est ainsi que Dieu éprouve souvent la foi de ses enfants ayant en vue leur plus grand bien : il leur enseigne de très précieuses leçons et permet certaines difficultés pour éprouver leur coeur.

Et que fîmes-nous, ma chère femme et moi ? Nous n'avons pas dit : « Le Seigneur nous a oubliés ! » Nous n'avons pas dit non plus que, dorénavant, il y aurait lieu d'économiser l'argent dont nous n'avions pas besoin ; mais nous continuâmes de donner dans la mesure du possible.


LA CHAMBRE DES VISITEURS TELLE QU'ON L'ARRANGEAIT POUR LA RÉUNION DE PRIÈRE QUOTIDIENNE.
DEVANT LA CHEMINÉE, SUR LA CHAISE OU M. MÜLLER S'ASSEYAIT, LA BIBLE EN GROS CARACTÈRES DONT IL SE SERVAIT.

En 1841, l'épreuve de notre foi continua. Mais l'année suivante, il plut au Seigneur de nous confier davantage, soit huit mille deux cent quarante-quatre francs. Sur cette somme, nous avons donné trois mille deux cent cinquante francs. Nous ne nous sommes pas dit alors que la maison que nous habitions et qui était louée nous convenait, et qu'il serait sage de mettre de l'argent de côté pour l'acheter. Mais nous souvenant que nous sommes ici-bas étrangers et voyageurs, que nos possessions sont célestes et à venir, et que nous ne sommes que les économes de ce que le Seigneur nous confie, nous lui avons consacré tout ce que nous possédions. Je ne crains pas de me placer à côté du chrétien qui, en 1842, a essayé d'amasser des richesses pour lui-même et a persévéré dans cette voie, et de lui demander s'il est plus heureux que moi, et s'il a de plus brillantes espérances que les miennes pour l'éternité. Oh ! si les chrétiens voulaient s'attacher à la Parole de Dieu et conformer leur vie à ce qu'elle enseigne ! ...

En 1845, je reçus dix mille huit cent trente-trois francs. Remarque, cher lecteur, qu'il plut au Seigneur de me rendre les deux mille cinq cents francs que j'avais donnés en son nom, en 1844. Cette année nous eûmes la grande joie de pouvoir donner cinq mille cinq cents francs. Non pas dans le but d'obtenir davantage, mais pour que Dieu fût glorifié, avec les moyens qu'il lui plaisait de mettre, à notre disposition. « Tel répand son bien qui l'augmente encore davantage, et tel épargne outre mesure pour n'aboutir qu'à la disette. » (Prov. XI : 24).

En 1852, je reçus onze mille cent trente-sept francs, Que le lecteur veuille bien se souvenir que je n'avais pas de traitement, que je ne recevais rien pour les actes pastoraux.... que ni ma femme ni moi nous ne touchions rien comme directeurs des Orphelinats où cependant nous travaillions beaucoup tous les jours, et année après année. J'aurais pu, en toute justice, attribuer à chacun de nous un salaire, car pour parler à la manière des hommes, nous le gagnions bien !
Mais pour plusieurs raisons nous avons préféré ne pas le faire, et dépendre uniquement du Père céleste qui est toujours si bon et si tendre envers ses enfants.

En 1858, je reçus vingt-cinq mille sept-cents vingt-sept francs trente-sept centimes et demi. Le total est exact, même pour les centimes. Il y a des centimes dans les sommes qui me sont envoyées anonymement.

Tu es peut-être surpris du chiffre de cette somme, cher lecteur ? C'est effectivement un chiffre élevé... mais tu as certainement découvert mon secret... Ce n'est pas à cause de mes mérites, ni parce que je demandais quoi que ce soit aux hommes directement ou indirectement en leur laissant entendre mes besoins... Je n'en parle qu'à Dieu. Et quand il lui plaît de me donner plus que le nécessaire pour ma famille et pour moi, je le consacre avec joie à son oeuvre ou au service des pauvres ou aux membres de la famille qui peuvent en avoir besoin ; je me considère comme l'économe du Seigneur ; du moins j'essaye de l'être. Et il lui plaît de me confier toujours davantage, ce qui me procure la joie et l'honneur de pourvoir aux nécessités des autres et de donner pour son oeuvre. Sur la somme ci-dessus, nous avons donné dix-neuf mille neuf cents francs. »

L'année suivante, G. Müller reçut encore davantage et après avoir donné des chiffres, il ajoute :

J'entends encore la chère femme que Dieu m'a reprise : lorsque je lui annonçais que j'avais pu attribuer deux mille, cinq cents, ou cinq mille francs au fonds de construction des Orphelinats ou à celui de la Mission, elle me répondait alors avec son affectueux sourire : « Merci, mon ami. » Ou bien, si je la consultais, j'avais immédiatement la plus chaude des approbations ; non seulement cela, mais elle éprouvait une grande joie à la pensée que nous pouvions donner autant. Je me souviens aussi de lui avoir dit souvent, ainsi qu'à ma chère fille : Mes bien-aimées, s'il plaisait à Dieu de me reprendre avant vous et que vous eussiez besoin de quelque chose, allez à lui avec unesimplicité enfantine ; demandez qu'il vous rende un peu de ce que j'ai donné aux pauvres et pour son oeuvre. Certainement il ne vous fera pas défaut... »

En 1862... Dieu nous a fait la grâce de pouvoir donner vingt et un mille neuf cent vingt et un francs vingt-cinq. Je dis que Dieu nous a fait cette grâce. Car n'imagine pas, cher lecteur, que l'argent m'est indifférent, et que c'est pour cela que je le donne... Non, tu te tromperais fort. En cela comme en toutes choses j'ai besoin de faire monter vers Dieu la prière du psalmiste : « Aide-moi, et je serai sauvé » (Ps. CXIX : 117.). Si J'étais laissé à moi-même et malgré toutes les expériences faites, je me laisserais aller à aimer l'argent, à l'entasser, à essayer d'augmenter ce qu'on me donne ; car je suis calculateur par nature, et mon tempérament naturel est celui de l'homme d'affaires. Mais Dieu me fait la grâce de calculer pour l'éternité.... de calculer que le Seigneur Jésus s'est fait pauvre pour que je fusse enrichi, de considérer qu'il a versé son sang pour me sauver ; il convient donc que je lui donne en retour ce qu'il lui a plu de me confier à titre d'économe. »

Fin 1870, l'année de la mort de Mme Müller, G. Müller reçut cinquante et un mille six cent quatre-vingt-sept francs quinze... sur lesquels il donna quarante-deux mille huit cent trente-neuf francs quarante-cinq.

Durant les années suivantes, Müller garda davantage par devers lui ; et il explique que cela ne provenait pas d'une augmentation de dépenses personnelles, oui de ce qu'il s'était décidé à placer de l'argent... Non ! mais il n'avait pas eu l'occasion de tout dépenser utilement. Par contre, en 1874, il fuit amené à donner durant les cinq premiers mois douze mille cinq cents francs DE PLUS QUE CE QU'IL AVAIT REÇU.

À cette époque, les dons pour l'Oeuvre restant constamment en-dessous des dépenses, G. Müller considéra la situation en face. C'étaient deux mille cent bouches qu'il fallait nourrir chaque jour, sans compter tous les frais de vêtements, d'entretien, les soins médicaux, etc... De plus, il aidait cent quatre-vingt-neuf missionnaires, soutenait cent écoles ayant ensemble quelque neuf mille élèves, il fournissait des millions de traités et des milliers d'exemplaires de l'Écriture. Enfin, à côté des dépenses courantes, il y avait les dépenses imprévues avec lesquelles il fallait aussi compter. Allait-il se trouver devant une caisse vide ? Voici ce qu'il écrivit à ce propos :

« Dieu notre trésorier, notre trésorier infiniment riche nous reste. C'est cette pensée qui me donne la paix... Lorsque j'ai vu se dresser devant moi la possibilité d'une caisse vide, je me suis dit presque invariablement : Puisque Dieu s'est servi de moi pour fonder cette Oeuvre et qu'il m'a conduit à l'agrandir, puisqu'il a subvenu jusqu'ici, c'est-à-dire durant quarante ans, à tous ses besoins, il donnera encore le nécessaire. J'ai mis ma confiance en lui ; il ne permettra pas que je sois confus. »

C'est à propos des sommes gardées pendant les années d'abondance, surplus qui lui permit de traverser les mois de disette, que G. Müller écrivit les lignes suivantes :

« Ce serait une erreur de croire que je me hâte de dépenser ce que je reçois, comme si c'était un crime que de posséder quelques billets de banque. Non ! Mais ce que je veux, c'est de ne jamais me considérer comme le propriétaire de ce que j'ai, peu ou beaucoup, et d'avoir présent à l'esprit que cela appartient à Dieu et non à moi... J'ai donc pu donner du 11 janvier au 26 mai 1874, beaucoup plus que je ne recevais et subvenir aux dépenses de l'Oeuvre que les dons ne couvraient plus. »

Bien des lecteurs diront j'en suis sûr : Qu'il fait bon pouvoir donner ainsi ! Qu'il est agréable de pouvoir répandre si largement. - Que j'aimerais pouvoir faire de même ! Effectivement ! C'est là une expérience bénie. Ne voulez-vous pas la faire aussi ? Donnez, à mesure que Dieu vous bénit et qu'il vous accorde l'aisance. Ne donnez que peu si vous n'avez pas assez de foi pour donner beaucoup : mais ce que vous faites, faites-le de tout votre coeur, avec fidélité, avec persévérance. Ne faites pas un essai de quelques semaines seulement..., continuez quelles que soient vos circonstances..., et vous aurez toujours plus de joie à donner.

Encore un mot. Comme économes du Seigneur, il ne convient pas que nous dépensions largement pour nous-mêmes. Je me suis toujours accordé le nécessaire, et même ce qui rend la vie confortable, facile, surtout depuis que j'avance en âge ; mais je me suis toujours gardé du luxe...

Et maintenant, au soir de la vie, pensez-vous que je regrette les six cent soixante-quinze mille francs que j'ai donnés jusqu'ici ? Certainement pas ! Et je bénis Dieu de l'honneur qu'il m'a conféré en me permettant de les donner.


(1) Près de deux ans après la mort de sa première femme. Il avait alors soixante-six ans. 

(2) « Some more of His Hidden Ones ». 
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