Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE XIII

-------

À ASHLEY DOWN. - VISITE AUX ORPHELINATS. -
LA MAISON. -
AVEC LES ENFANTS. -
QUELQUES DÉTAILS : MENUS, INSTRUCTION, PRÉPARATION. - CHEZ LES TOUT-PETITS. - RÉVEILS ET CONVERSIONS. - « LA CHÈRE MAISON ». - QUELQUES INDICATIONS UTILES POUR MESURER L'ÉTENDUE DE L'OEUVRE FONDÉE PAR GEORGE MÜLLER. - « DIEU POURVOIT À TOUT ». -
RÉPARATIONS URGENTES À LA CHAUDIÈRE DU CHAUFFAGE CENTRAL À L'ENTRÉE DE L'HIVER. -
EXAUCEMENTS. - CONVERSION D'EMMA BUNN. -
COUP D'OEIL RÉTROSPECTIF. -
MORT D'HENRY CRAIK.




« Ta Grâce n'est-elle plus aujourd'hui aussi puissante
Qu'aux jours d'Elie qui connut son pouvoir ?
Qu'au temps de Moïse dont le front fut nimbé de ta gloire, Qu'au temps de Job qui, sans faiblir, traversa l'épreuve ? »


VISITE AUX ORPHELINATS.
- « Nous voulons proposer à nos lecteurs de nous accompagner jusqu'à Ashley Down où s'élèvent les nouveaux Orphelinats pour qu'ils les visitent avec nous. » C'est ainsi que F.-G. Warne commence l'un des chapitres de sa biographie, chapitre qu'il a intitulé : « Une visite aux Orphelinats ». Il connaissait bien ceux-ci, lui qui habitait Bristol, lui qui était contemporain de George Müller et avait le privilège de le rencontrer. Nous ne saurions donc avoir de meilleur guide.

« Lorsqu'on avait construit la première Maison, nous dit-il, son fondateur avait été souvent peiné d'entendre les gens la désigner sous le nom d'Orphelinat de M. Müller, donnant ainsi à l'homme la gloire qui n'appartient qu'à Dieu. « Ce n'est pas mon Orphelinat, disait-il, non plus que celui d'aucun parti ou d'aucune secte, c'est l'Orphelinat que Dieu a élevé. »

Lorsqu'on atteint les hauteurs d'Ashley Down où souffle une brise vivifiante et qu'on est arrivé aux Orphelinats, on peut embrasser d'un coup d'oeil l'importance de l'Oeuvre accomplie. Les cinq groupes de constructions sont bâtis sur un modèle identique... Autrefois ces bâtiments s'élevaient au milieu des champs. Aujourd'hui, des fenêtres des Orphelinats la vue s'étend sur des rangées de villas entourées de beaux jardins.

Chaque Maison a son jour de visite. C'est une règle qui ne souffre d'exception pour personne : prince ou paysan.
La Maison n° 1 est ouverte aux visiteurs le mercredi après-midi. Elle abrite cent quarante filles, quatre-vingts garçons au-dessus de huit ans et quatre-vingts garçons au dessous de cet âge.
La Maison n° 2 qui abrite deux cents petites filles et deux cents fillettes plus âgées peut être visitée les mardis après-midi.
La Maison n° 3 (trois cent cinquante filles) le jeudi après-midi.
La Maison n° 4 deux cent dix garçons de huit ans et au-dessus, deux cent trois petits garçons et trente-sept jeunes filles âgées qui restent comme « ménagères », le vendredi seulement.
Enfin, la maison n° 5 (deux cent dix bébés fillettes, deux cent quarante plus âgées), le samedi après-midi.

Le premier groupe de visiteurs est introduit à deux heures et demie, le second à trois heures, et, s'il est nécessaire, le troisième à trois heures et demie. Il faut une heure et demie pour visiter une maison. Durant l'hiver, on ne conduit jamais que deux groupes de visiteurs : à deux heures et demie et à trois heures. La Maison qu'on préfère voir, c'est la première ; non qu'elle diffère des autres mais comme elle abrite à la fois des garçons, des fillettes et des tout-petits, elle offre une miniature des Orphelinats et une vue d'ensemble.


LA MAISON.
- Le visiteur se présente à la loge du portier ; une fois admis, il traverse les jardins où quelques orphelins transformés momentanément en jardiniers sont à l'ouvrage. Les terrains à l'entour sont transformés en vastes potagers ; il y règne un ordre admirable qui retient l'attention. Ceci frappe encore plus quand on pénètre dans les Maisons : La propreté, la netteté, la méthode, se voient partout, même avant qu'on atteigne la chambre des visiteurs où l'on est conduit. Rien ne traîne nulle part, rien qui ne soit à sa place, tout donne l'impression de la méthode, de la régularité.

Exactement à l'heure dite, l'une des aides paraît et invite les personnes rassemblées à la suivre. Nous traversons des dortoirs qui contiennent jusqu'à soixante-dix lits, chacun avec sa couverture d'une blancheur immaculée, sa paire de draps blancs. Les planchers sont si brillants qu'on a peine à croire que quelqu'un y marche. Les murs peints sont parfaits de propreté. L'ordre et la propreté doivent être profondément enracinés chez les orphelins : ils y vivent... Les dortoirs, comme toutes les autres pièces, sont vastes, les plafonds élevés, la lumière y entre à flots. C'est le seul luxe. M. Müller se considérant comme l'économe des biens que Dieu lui confie ne croit pas pouvoir en distraire quoi que ce soit pour des questions de décoration, d'autant que l'un des buts qu'il poursuit, c'est de donner l'exemple d'une vie simple, et de décourager le luxe chez les chrétiens.

Nous passons ensuite dans la chambre des vêtements. Chaque enfant y possède un compartiment avec le numéro qu'il a reçu à son entrée aux Orphelinats. C'est là qu'il, ou elle, place ses vêtements. Dans chaque section, six orphelines à tour de rôle prennent soin de cette chambre des vêtements. Les garçons ont trois costumes, les filles qui font elles-mêmes et raccommodent leurs effets en ont cinq. L'été elles portent la robe de percale bleue et le tablier blanc ; le dimanche un costume couleur lilas qui est remplacé en hiver par la robe de mérinos brun. Pour les sorties, elles ont des châles en été, des manteaux en hiver, et des chapeaux de paille, genre bonnet, comme coiffure. Les garçons portent la veste bleue, le pantalon de sergé, le béret. Chaque enfant a trois paires de souliers.


LES ENFANTS.
- Mais le spectacle le plus intéressant est sans contredit celui qu'offre la nursery où l'on s'occupe des tout-petits. Il est touchant de voir ces petits êtres dont certains sont si frêles, jouer avec des livres ou de menus objets... Quelques-uns n'ont que quelques mois lorsqu'on les amène à Ashley. Les orphelinats sont leur foyer, ils y resteront, quelques-uns en tout cas, quinze, seize ou même dix-sept ans ! Quelquefois on admet trois, quatre et cinq enfants de la même famille pour empêcher que les liens familiaux soient brisés ; bien plus, on travaille à resserrer ceux-ci.

Il est rare que les parents des orphelins soient morts d'accident. Généralement, ils ont été emportés par la phtisie. Il s'ensuit donc que les enfants sont le plus souvent de constitution débile. Mais la vie si saine d'Ashley Down, le grand air, la nourriture hygiénique, la vie régulière, tout ceci améliore généralement la santé des orphelins de façon surprenante. Comme le dit M. Müller : la proportion si faible des décès donne la preuve des soins dont les enfants sont entourés.

Ils se lèvent à six heures. Les grands aident les jeunes à faire leur toilette et à s'habiller. Tous doivent être prêts à sept heures. Les filles se mettent alors à tricoter et les garçons prennent leurs livres jusqu'à huit heures, le moment du déjeuner. Celui-ci terminé, de huit heures et demie à neuf heures, culte de famille. Alors la plupart des enfants se rendent dans leurs classes respectives à l'exception de quelques-uns des plus grands qui aident à faire les lits et n'entrent en classe qu'à neuf heures et demie. Les leçons sont terminées à midi et demi. Tous sortent jouer dehors jusqu'à ce que la cloche sonne à une heure pour le déjeuner.

Il y a de nouveau classe de deux à quatre, puis récréation jusqu'à cinq heures et demie. À ce moment, les orphelins sont réunis pour le service du soir, qui est suivi du thé-dîner à six heures. Ensuite, les filles font quelques travaux à l'aiguille, les garçons du jardinage, jusqu'à huit heures. C'est le moment d'aller au lit pour les plus jeunes ; les plus âgés n'y vont qu'à neuf heures. Lorsque le temps est favorable, il arrive qu'instituteurs et institutrices emmènent leurs enfants pour de longues promenades dans les environs. Parfois on les conduit à la ville pour qu'ils puissent admirer les jolis objets exposés aux étalages des magasins.




MENUS. - Pour le matin, les enfants ont de la soupe d'avoine, le soir du thé, du pain et du beurre, du lait coupé d'eau. Pour le déjeuner à une heure (que nos voisins anglais nomment dîner), le menu diffère avec le jour : lundi, viande et pommes de terre ; mardi, soupe et viande (celle-ci dans la soupe) ; mercredi et jeudi, comme lundi et mardi ; le vendredi, du riz et de la mélasse ; le samedi, viande et pommes de terre; dimanche, riz et mélasse pour que tous, autant que possible, puissent assister au service divin.

Lorsqu'il fait beau, une partie des plus grands vont jusqu'à Bristol et assistent au service dans l'une des chapelles dont M. Müller est l'un des pasteurs. Des services sont célébrés dans chaque Maison pour ceux qui restent, services présidés par des chrétiens à la piété éprouvée, qui appartiennent à toutes les dénominations. Le soir, nouveaux services où assistent toutes les servantes qui n'ont pu assister au culte du matin, et les ménagères qui restent dans l'établissement et s'occupent uniquement des soins du ménage.

Et maintenant que nous sommes à peu près initiés à la vie des orphelins, suivons notre guide en compagnie des autres visiteurs : nous voici dans une salle de classe tous les enfants se lèvent, et aussitôt, maître ou maîtresse nous donnent un exemple de ce que peuvent faire leurs élèves comme chant et exercice physique ; les exercices sont parfaits et la marche et les chants qui l'accompagnent feraient honneur comme précision et cadence à un régiment de soldats. Dans la salle des petits, ce sont de jolies récitations, d'agréables chansons dites par des bambins dont les figures heureuses et les regards confiants en disent long sur les soins et l'affection dont ils sont entourés. Ils chantent si joyeusement « le Pays de Bébé », « les Petites Poupées », etc ..., qu'on regrette d'avoir à les quitter lorsque la personne qui sert de guide donne le signal du départ.

Nous voici dans les chambres de récréation avec leurs casiers remplis de jouets de toutes sortes. Voici les terrains de jeux, les buanderies, les lavabos, les salles d'approvisionnement, la salle à manger, la lingerie, nous jetons un coup d'oeil aux chambres des directrices, à celles des maîtres, aux salles de couture où travaillent des jeunes filles. La plupart sont formées pour devenir servantes, mais un bon nombre d'entre elles arrivent à de plus hautes situations, grâce à l'excellente instruction qu'on leur donne. Elles reçoivent des leçons de grammaire, de géographie, d'histoire d'Angleterre, d'histoire générale, elles apprennent le ménage et tous les travaux à l'aiguille. « Le but que nous visons, dit souvent G. Müller, c'est de faire de nos jeunes filles des personnes utiles à la société, et si l'une d'elles ne réussit pas à gagner sa vie ou tourne mal, du moins ce ne sera pas de notre faute. »

Les garçons reçoivent la même instruction que les filles, ils font leurs lits, tricotent leurs bas, travaillent au jardin ; enfin on leur enseigne un métier de leur choix.

L'âge de sortie n'est pas fixé de façon absolue ; on prend en considération le bien de chacun individuellement. Mais en général les jeunes filles quittent l'orphelinat à dix-sept ans ; les garçons à quatorze ou quinze ans. Des centaines de garçons qui ont passé par les asiles sont maintenant dans les affaires, les uns sont directeurs, contre-maîtres, d'autres patrons, certains sont devenus associés dans de grandes maisons de commerce, d'autres sont commis, d'autres instituteurs, évangélistes, missionnaires. Le tout premier orphelin reçu dans la première maison, est devenu pasteur de l'Eglise anglicane.

On s'occupe beaucoup du développement spirituel des orphelins, et de temps à autre des vagues de bénédiction sont accordées. En février 1887, l'inspecteur des écoles, M. Herne, écrivait à M. Müller, alors à Singapour, en tournée missionnaire : « Le 15 janvier, deux garçons de la Maison IV sont allés demander à leurs maîtres la permission de se réunir pour prier, ce qui leur fut accordé. Ils se réunirent donc le même jour et plusieurs se joignirent à eux... Le lendemain, ils étaient cent cinquante et ils prièrent pendant deux heures. Maintenant les réunions se tiennent après le repas du soir jusque vers sept heures. Ils sont souvent plus de cent. C'est surtout parmi les grands que l'Esprit de Dieu est à l'oeuvre. L'un des maîtres a remarqué que le travail est maintenant mieux fait, que les manières sont plus douces et que les garçons ne boudent plus comme autrefois...

« Quelques-uns prient pour des camarades dont ils ont dressé une liste. D'autres sont allés trouver leur maître en particulier pour lui parler de leur âme ; deux lui ont dit : « S'il vous plaît, Monsieur, faites de nous des chrétiens ». Enfin un autre a confessé ceci : « Sur son lit de mort, papa m'a fait promettre de le retrouver au ciel, mais je sens que je ne suis pas prêt ». Dimanche dernier les garçons de quatorze ans et au-dessus ont été réunis, ils étaient cinquante-cinq à peu près ; trente-cinq firent profession de croire en Christ, et leur conduite ne dément pas leur profession. Toute la Maison IV est transformée ».

C'est ainsi qu'à plusieurs reprises, le Saint-Esprit accomplissait son oeuvre de façon plus générale, plus manifeste ; et sur les milliers d'enfants qui ont passé et passent par les Orphelinats, beaucoup se sont convertis alors qu'ils y vivaient.

Ce serait une erreur de croire que les enfants étaient toujours d'humeur facile et qu'ils avaient tous d'heureux caractères. Quiconque a eu à s'occuper de nombreux enfants sait le contraire. Il est même arrivé qu'après un long temps de patience, qu'après avoir essayé de tous les moyens, on ait dû recourir à l'expulsion de certains élèves. Même alors, M. Müller ne cessait de prier pour eux, espérant quand même que la semence répandue lèverait avec le temps.

D'autres enfants au contraire étaient un sujet de joie ; beaucoup restaient en relations épistolaires avec leur bienfaiteur, joignant à leurs lettres quelque don pour l'Oeuvre quand ils le pouvaient, Certains, une fois parvenus à de belles situations envoyèrent même de très grosses sommes. C'est surtout à la date du 27 septembre, anniversaire de M. Müller, que le Fondateur de l'Orphelinat recevait un volumineux courrier. Presque tous les « anciens » accompagnaient leurs lettres d'un don, presque tous disaient vouloir vivre chrétiennement ; et ils en donnaient la preuve par la façon dont ils parlaient des années passées à Ashley Down, dans « la chère Maison », par leurs sentiments d'affection et la reconnaissance qu'ils manifestaient. Certes, ils pouvaient entourer de leurs prières et de leur amour celui qui, pour montrer que Dieu entend la prière, leur avait consacré sa vie, une vie de rude labeur. Ce labeur est tel qu'il est difficile de l'embrasser en pensée : demandes d'admission qu'il faut examiner (certains jours on en recevait trois ou quatre), questions multiples se rapportant aux pensionnaires (il fallait parfois se résoudre à décider une expulsion pour empêcher que le vice ou l'insubordination contaminassent les autres), au personnel, au recrutement de celui-ci, au placement des orphelins dont la préparation était terminée. M. Müller cherchait pour ses pupilles des patrons et des maîtresses qualifiés donnant toutes les garanties désirables.

Que de sagesse il fallait, quel esprit de prière, que de foi, que de grâces étaient nécessaires pour embrasser toutes ces questions et leur donner les solutions favorables ! Quelle persévérance dans la prière et dans la foi il fallait pour présenter quotidiennement à Dieu tous les besoins d'une oeuvre sans cesse grandissante.

« Que le lecteur se représente nos charges, écrit M. Müller. Plus de deux mille personnes à nourrir chaque jour... Mais la nourriture n'est pas la seule dépense, il y a les vêtements, le blanchissage, l'entretien, et tout cela absorbe des dizaines de mille francs chaque année. Les chaussures ! Réfléchissez à ce seul article ! Il nous en faut des milliers ! Nos enfants ont six mille paires de chaussures ! Chaque année nous recevons des centaines de nouveaux orphelins et orphelines et des centaines d'autres partent comme apprentis, comme servantes, comme élèves-maîtres. Tous emportent un trousseau complet. De plus, nous payons aux patrons trois cent trente francs par apprentis. »

Pour tout ce petit monde d'enfants, nous avons un nombreux état-major d'inspecteurs, de directeurs et directrices, d'instituteurs et d'institutrices, tout un personnel médical, enfin de multiples aides dans tous les services.
À côté des dépenses faites pour les choses qui touchent directement aux orphelins, à leur entretien, leur éducation, leur instruction, à côté des frais de maladie, et hélas ! parfois aussi de ceux qu'entraîne la mort, il y toutes les dépenses occasionnées par les réparations des immenses édifices.

M. Müller, qui ne possédait rien en propre, connaissait cependant les charges que supportent les propriétaires :
« Nous avons les frais d'entretien de nos cinq groupes de constructions qui réunissent dix-sept cents grandes fenêtres et cinq cents salles ! Essayez d'imaginer les seuls frais de crépissage, de badigeonnage, de peinture, et les réparations en tous genres que nécessitent les bâtiments... Il faut nettoyer, entretenir, réparer, renouveler les meubles de cinq cents salles ; entretenir les toitures, les canalisations, etc...
« Nous avons de lourds impôts à payer, et, chaque année des sommes considérables pour les choses imprévues... Cependant Comme NOUS NOUS ATTENDONS À VOIR DIEU QUI EST INFINIMENT RICHE, tout va bien ; il pourvoit à tout ».
Les cinq orphelinats avaient coûté trois millions de francs, ils n'étaient pas assurés. G. Müller les remettait à Dieu, pour qu'il les gardât, du feu, et chaque année, il remerciait Dieu, de ce qu'il l'avait exaucé.

Nous ne pouvons transcrire toutes les pages intéressantes qui aident à saisir l'étendue de l'Oeuvre de G. Müller et à comprendre les responsabilités qui pesaient sur lui ; nous ne pouvons dire tous les faits qui font pénétrer dans sa vie de chaque jour, publier toutes les pages qui révèlent le développement intérieur et la vie de communion avec Dieu. Il faut se borner à choisir. Voici quelques extraits :


RÉPARATIONS URGENTES À LA CHAUDIÈRE DU CHAUFFAGE CENTRAL.
- Novembre 1857. - Vers la fin du mois, j'appris de la façon la plus inattendue qu'il y avait une fuite à la chaudière de notre appareil de chauffage, que la chose était grave et demandait des réparations immédiates. L'appareil se compose d'une immense chaudière cylindrique, au centre de laquelle se trouve le foyer. Cette chaudière alimente les conduites d'eau chaude et d'air chaud de nos radiateurs.... et on m'avait assuré qu'elle pouvait suffire pour l'hiver. Comme elle est complètement enfermée dans des travaux de maçonnerie, il fallait commencer par démolir ceux-ci pour s'assurer de son état exact. Depuis huit ans que l'appareil fonctionne, rien de semblable ne s'était produit. J'étais très ennuyé et pensais particulièrement aux petits enfants. Que faire pour qu'ils n'eussent pas à souffrir du froid ? Remplacer la chaudière demanderait plusieurs semaines probablement : quant à la réparer, était-ce possible ? De toutes façons, il fallait, pour s'en rendre compte, abattre la maçonnerie, cela devait prendre, semblait-il, plusieurs jours. Pendant ce temps, comment chauffer nos trois cents enfants ? Je pensais à des poêles à gaz, mais notre installation était, paraît-il insuffisante, et ne pouvait fournir le chauffage en même temps que l'éclairage. J'aurais volontiers donné deux mille cinq cents francs pour cette installation ou toute autre chose afin que les enfants n'eussent pas froid. Ne voyant aucune solution, je décidai de remettre toute l'affaire entre les mains de Dieu, qui est toujours miséricordieux et compatissant, et de faire ouvrir la chambre de maçonnerie.

Le jour fut fixé pour les réparations, il fallait naturellement laisser éteindre le feu. Et maintenant, considérez ce qui se passa : Nous avions fixé le jour des réparations à la semaine suivante : le mercredi ; or dès le jeudi (ou le vendredi ?), un vent du Nord, glacial se mit à souffler. C'était les premiers grands froids de l'hiver qui nous arrivaient avec le commencement de décembre. Impossible de remettre à plus tard les réparations. Je demandai alors deux choses au Seigneur : qu'il voulût bien changer la direction du vent et le faire souffler du Sud ; qu'il mît au coeur des ouvriers de travailler avec ardeur. Car je me souvenais de la besogne accomplie en cinquante-deux jours, au temps de Néhémie, parce que « le peuple avait pris à coeur le travail ». Le jour approchait, le mardi soir, le vent du Nord soufflait toujours, mais le mercredi, le vent du Sud s'établit comme je l'avais demandé à Dieu. Le temps était si doux que le chauffage était inutile. Le mur de briques enlevé, on découvrit rapidement l'endroit à réparer, et les ouvriers de la Maison qui avaient fait l'installation, se mirent à travailler avec ardeur. Vers huit heures et demie du soir, alors que je retournais chez moi, on m'avertit, près de la loge du portier, qu'un des directeurs était arrivé pour se rendre compte du travail qu'il y avait à faire ; je me rendis aussitôt dans le sous-sol pour le rencontrer ainsi que les ouvriers. Il me dit que les hommes seraient de nouveau là, le lendemain, de bonne heure. Nous étions près des ouvriers et ceux-ci avaient entendu la conversation. Alors le contre-maître, prenant la parole au nom de tous, dit : « Pardon, Monsieur, mais nous préférerions travailler toute la nuit ». Je me souvins alors de la seconde partie de ma requête. Dieu leur avait vraiment mis au coeur de travailler avec ardeur. Au matin, la réparation était terminée ; trente heures après, la maçonnerie était refaite ; tout le temps qu'elle dura, le vent du Sud continua de souffler, comme nous l'avions demandé à Dieu...

Tout alla bien durant trois mois. An commencement de février, nouveaux dommages, nouvelle fuite. Nous recourûmes à la prière, et les réparations furent faites très rapidement, en trente heures à peu près. Au printemps, nous fîmes remplacer la chaudière.


EXAUCEMENTS.
- Voici d'autres détails que nous ne trouvons pas dans l'autobiographie Bergin et que nous empruntons au livre du Dr Pierson :

« Il y eut une grande sécheresse en 1864. Les trois Maisons alors achevées possédaient quinze grandes citernes, neuf puits très profonds et une excellente source qui, de mémoire d'homme, n'avait jamais été tarie. Tout cela était presque à sec, le niveau de l'eau était très bas, et il fallait chaque jour trois mille gallons d'eau ! On cria à Dieu demandant l'eau nécessaire et qu'il voulût bien envoyer la pluie. Dieu exauça les requêtes en inclinant le coeur d'un voisin, un fermier, à fournir la moitié de l'eau qu'il fallait (ses puits étaient plus profonds que ceux des Orphelinats), l'autre moitié se trouva sur place. Au bout de quelque temps, ce fermier avertit qu'il ne fallait plus compter sur lui. Vingt-quatre heures ne s'étaient pas écoulées qu'un autre fermier venait offrir à M. Müller l'eau d'un ruisseau qui traversait ses champs.
Cette provision dura jusqu'à ce que la pluie fût à nouveau donnée (1).

Cette même année, une triple épidémie de fièvre scarlatine, de fièvre typhoïde et de petite vérole dévastait Bristol et les environs ; cela dura trois ans ! À nouveau, M. Müller et ses collaborateurs prièrent Dieu qu'il voulût bien étendre sa protection sur les Orphelinats, et les Maisons furent à peine touchées : pas de scarlatine, pas de typhoïde, quinze cas bénins de petite vérole parmi les enfants, un seul sans gravité, dans le personnel.

En janvier 1865, ce sont de terribles tempêtes qui s'abattent sur la ville et les environs de Bristol. Bien des immeubles eurent à souffrir. À Ashley Down, les toitures furent endommagées en plus de vingt endroits, de grandes vitres brisées, etc... C'était un samedi ; impossible d'avoir les vitriers et les couvreurs. À nouveau, on pria Dieu qu'il voulût bien faire cesser la tempête : Le vent se calma, la pluie diminua, et dès le lundi on put se mettre aux travaux de réparation urgents.

M. Müller notait fidèlement toutes ces choses avec leurs détails ; elles faisaient partie du témoignage qu'il rendait au Dieu de miséricorde et d'amour qui entend la prière, et entoure ses serviteurs de sa bonté.

En l'année 1866, une vague de Réveil atteignit l'orphelinat des jeunes filles, comme cela avait eu lieu l'année précédente pour celui des garçons. Plus de cent d'entre elles furent dans l'angoisse au sujet de leur âme et recherchèrent le salut. M. et Mme Müller et leurs collaborateurs priaient Dieu pour que ce Réveil gagnât en profondeur et en étendue. Une jeune fille de dix-sept ans qui était aux Orphelinats depuis l'âge de trois ans était restée dans la plus complète indifférence des choses spirituelles malgré tous les soins et tout l'amour dont l'entouraient M. et Mine Müller et leurs collaborateurs. Délicate de santé, Emma Bunn était devenue poitrinaire, et bien que la maladie fût grave et ne laissât aucun espoir, son insouciance subsistait. On ne cessait de prier pour elle. Enfin, il plut à Dieu de donner à la jeune fille une révélation de Jésus comme son Sauveur. Immédiatement elle se vit telle qu'elle était, se prit en dégoût et confessa ses péchés ; en même temps une joie inexprimable remplissait son coeur et remplaçait l'indolence, l'apathie et la froideur des jours passés : Maintenant elle avait un profond sentiment de sa misère, maintenant elle pensait au salut des autres. Comme son indifférence, son apathie l'avaient rendue tristement célèbre aux Orphelinats, sa conversion et les messages de ses derniers moments eurent un très grand retentissement : ils furent le moyen que Dieu voulut bien bénir pour la conversion de très nombreux orphelins. Dans une seule Maison, trois cent cinquante enfants furent amenés à chercher la paix qui se trouveuniquement en Jésus, et à la saisir par la foi. La conversion et le témoignage d'Emma Bunn furent l'occasion du plus grand réveil qui eût encore éclaté à Ashley Down..

Ce fait comporte bien, des enseignements :
1° le coeur le plus dur peut être brisé par la prière ;
2° la connaissance de la Bible, même si elle ne semble porter aucun fruit immédiat, n'est jamais inutile ; dès que la grâce de Dieu a pénétré le coeur et délié la langue, elle devient une source de bénédiction ;
3° en général on s'occupe trop peu de l'instruction religieuse des enfants et on ne donne pas assez de confiance aux conversions des jeunes. En avançant dans la vie, M. Müller était de plus en plus frappé par les triomphes de la grâce qu'il observait chez de tout jeunes enfants, convertis à l'âge de neuf et dix ans, lesquels restèrent toujours fidèles à la foi de leur enfance.

Dans la traduction qu'il a faite du livre du Dr Pierson, feu le pasteur Lortsch publie en renvoi les lignes suivantes:
« Une visite aux Orphelinats d'Ashley Down, le 29 mars 1901 nous a laissé l'impression qu'il y a quelque chose de plus extraordinaire encore que la manière dont l'argent y arrive. C'est la manière dont il est employé. L'ordre, la discipline, l'hygiène morale et spirituelle qui règnent dans ces établissements sont tout simplement admirables. Il n'y a pas d'enfants dans la plus heureuse des familles chrétiennes qui aient l'air plus épanoui, plus heureux que ces enfants-là. On sent qu'ils sont enveloppés et pénétrés par les saintes et victorieuses influences de l'amour chrétien... Il n'est pas étonnant que Dieu envoie en abondance un argent dont on fait un tel usage. Ne manquons pas à Dieu, et rien ne nous manquera. » D. Lortsch.


« IL N'Y A PAS D'ENFANTS DANS LA PLUS HEUREUSE DES FAMILLES CHRÉTIENNES QUI AIENT L'AIR PLUS ÉPANOUI,
PLUS HEUREUX, QUE CES ENFANTS LA. » (D. LORSTCH).

COUP D'OEIL RÉTROSPECTIF. - En 1865, trente et un ans après l'ouverture du premier orphelinat de la rue Wilson, George Müller jetant un coup d'oeil en arrière remarque que, par la grâce de Dieu, il est resté fidèle aux principes posés à la base de l'Oeuvre, Il n'a jamais contracté de dettes, il n'a jamais recherché d'autre soutien que celui de Dieu, d'autre patronage que celui du Père céleste. Quant à ses collaborateurs, il les a choisis parmi ceux qui craignent Dieu et le servent. Il rappelle que son but primordial c'est de glorifier Dieu en montrant ce que peuvent accomplir la foi et la prière, et il peut rendre ce témoignage, c'est que « jusqu'ici le Seigneur a secouru ». Si pendant cinq ans à peu près, ses collaborateurs et lui ont vu presque quotidiennement leur foi mise à l'épreuve ils ont été quotidiennement aussi les témoins de la fidélité de Dieu. L'oeuvre n'avait fait que croître, mais le secours divin avait grandi dans la même proportion.

Ce serait une erreur de croire que les diverses branches de l'institut biblique que dirigeait M. Müller étaient oubliées, et qu'il se laissait uniquement absorber par l'Oeuvre des Orphelins et son rapide développement. Ni la mission et les missionnaires, ni l'oeuvre de distribution de traités et de la Bible ni les écoles chrétiennes n'étaient oubliées. M. Müller veillait à attribuer à l'Oeuvre qui en avait le plus de besoin, les fonds qu'il recevait (2) et ce qu'il donnait lui-même sur ce qu'on destinait à son usage particulier.
Mais dans ce travail forcément abrégé, il est impossible de mentionner l'envoi des missionnaires, les envois de fonds, les nombreuses écoles fondées ou subventionnées, le colportage et la vente de Bibles et de traités religieux.

En cette année 1865 lorsqu'il s'occupe de la répartition des sommes dont il dispose pour l'Oeuvre missionnaire, il se trouve en présence de cent vingt-deux noms de missionnaires. Pour envoyer à chacun les fonds qu'il leur destine, il lui faut onze mille six cent cinquante francs. Il lui manque deux mille trois cents francs. Alors il demande à Dieu cette somme et reçoit successivement vingt-cinq, deux mille cinq cents et douze cent cinquante francs ; plus qu'il n'avait demandé.


MORT DE M. HENRY CRAIK.
- 22 janvier 1866. - Ce soir, vers onze heures et demie, mon bien-aimé collègue, mon ami depuis trente-six ans, vient d'entrer dans son repos. Il était malade depuis sept mois à peu près. Tous deux nous connaissions le Seigneur depuis plus de quarante ans, tous deux nous avions dépassé la soixantaine. Mon bien-aimé frère et ami a maintenant achevé sa course. J'ai l'honneur et le privilège de continuer à travailler pour le Seigneur ici-bas, mais sans lui ! sans celui qui a été si souvent mon conseiller ! Comme dans mes précédentes épreuves et toutes mes difficultés, je regarde à Dieu ; c'est sur lui que je m'appuie depuis plus de trente-six ans.

Le nom de M. Craik avait d'abord été associé à celui de M. Müller dans les Rapports de l'Institut biblique, mais en 1844, comme c'était son collègue qui s'occupait à peu près exclusivement de cette oeuvre, il jugea préférable que son nom n'y parût plus.
Également distingué par sa bonté, son humilité, ses dons intellectuels, M. Craik avait publié plusieurs ouvrages d'une haute valeur. En reconnaissance de quoi l'université de St-André lui avait offert le titre de Docteur. Il le refusa, demandant en même temps que l'Université voulût bien accorder ce titre à une tierce personne qu'il nomma et à laquelle cela pourrait être utile. Le conseil de l'Université fit ce qui lui était demandé ; puis à nouveau, offrit le titre de Docteur à M. Craik, lequel crut devoir maintenir son refus. (Ch. Challand).

30 janvier. - Aujourd'hui a été remise à la tombe, la dépouille mortelle de, mon bien cher ami. Je suis malade, retenu à la maison. État plus grave ce soir. Il s'agissait d'une extrême faiblesse ; avec des hauts et des bas. Cet état inquiétant dura trois mois.

L'OEUVRE DU COLPORTAGE. - 1867 ! L'exposition de Paris vient d'ouvrir ses portes. C'est une occasion unique pour annoncer l'Évangile aux foules qui traversent la capitale ou y séjournent. Et George Müller est heureux de recourir aux services de deux frères que Dieu a envoyés dans la grande ville pour y travailler. L'un parle trois langues ; l'autre huit. Par leur moyen, douze mille exemplaires de la Bible ou portions de la Bible furent distribués en treize langues différentes, à l'Exposition surtout. On a calculé que pendant cette Exposition, il fut distribué plus d'un million deux cent soixante mille Bibles en seize langues différentes. La Bible fut reçue avec reconnaissance même par les prêtres. De sorte qu'en six mois ceux qui surent profiter de l'occasion que leur offrait l'Exposition répandirent plus d'exemplaires de la Bible que n'eussent pu le faire dix mille colporteurs en vingt fois plus de temps dans les conditions ordinaires.


À PURDOWN, POUR LA FÊTE ANNUELLE

L'année suivante, c'était l'exposition du Havre. À nouveau G. Müller s'occupa de faire distribuer les Écritures. Et lorsque de façon, inattendue une porte s'ouvrit en Espagne, au pays de l'Inquisition, il se hâta de prendre les mesures nécessaires pour y faire distribuer la Parole de Dieu. Pour la première fois, on vit alors la Bible ouverte dans les rues, de Madrid. On vendit jusqu'à deux cent cinquante exemplaires par heure, et bientôt les demandes dépassaient les stocks disponibles.

Parmi les pages les plus captivantes du « Récit », il faut placer les lettres que G. Müller recevait de ses colporteurs et dont il publiait quelques-unes. Pour lui, le champ d'activité c'était le monde ; et il saisissait avec ardeur toutes les occasions d'y semer abondamment... Il faisait aussi faire des distributions de traités... Les foires, les champs de courses, les voyages, les exécutions capitales, autant d'occasions de rassemblements dent il savait profiter pour ses distributions. Dès le début, cette activité produisit d'abondantes moissons.


(1) Vingt ans plus tard un système de canalisation assurait la provision d'eau nécessaire aux Orphelinats. 

(2) Lorsque l'expéditeur n'avait pas spécifié lui-même à quel chapitre de l'Oeuvre il attribuait ce qu'il donnait. 
Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant