À ASHLEY DOWN. - VISITE
AUX ORPHELINATS. -
LA
MAISON.
-
AVEC
LES
ENFANTS. -
QUELQUES
DÉTAILS : MENUS, INSTRUCTION,
PRÉPARATION. - CHEZ LES
TOUT-PETITS. - RÉVEILS ET CONVERSIONS. -
« LA CHÈRE MAISON ». -
QUELQUES INDICATIONS UTILES POUR MESURER
L'ÉTENDUE DE L'OEUVRE FONDÉE PAR
GEORGE MÜLLER. - « DIEU POURVOIT
À TOUT ». -
RÉPARATIONS
URGENTES À LA CHAUDIÈRE DU CHAUFFAGE
CENTRAL À L'ENTRÉE DE L'HIVER. -
EXAUCEMENTS.
- CONVERSION D'EMMA BUNN. -
COUP
D'OEIL
RÉTROSPECTIF. -
MORT
D'HENRY
CRAIK.
« Ta Grâce n'est-elle plus
aujourd'hui aussi puissante
Qu'aux jours d'Elie
qui connut
son pouvoir ?
Qu'au temps de Moïse
dont
le front fut nimbé de ta gloire, Qu'au temps
de Job qui, sans faiblir, traversa
l'épreuve ? »
VISITE
AUX
ORPHELINATS. - « Nous voulons
proposer à nos lecteurs de nous accompagner
jusqu'à Ashley Down où
s'élèvent les nouveaux Orphelinats
pour qu'ils les visitent avec nous. »
C'est ainsi que F.-G. Warne commence l'un des
chapitres de sa biographie, chapitre qu'il a
intitulé : « Une visite aux
Orphelinats ». Il connaissait bien
ceux-ci, lui qui habitait Bristol, lui qui
était contemporain de George Müller et
avait le privilège de le rencontrer. Nous ne
saurions donc avoir de meilleur guide.
« Lorsqu'on
avait
construit la première Maison, nous dit-il,
son fondateur avait été souvent
peiné d'entendre les gens la désigner
sous le nom d'Orphelinat de M. Müller, donnant
ainsi à l'homme
la gloire qui n'appartient qu'à Dieu.
« Ce n'est pas mon Orphelinat, disait-il,
non plus que celui d'aucun parti ou d'aucune secte,
c'est l'Orphelinat que Dieu a
élevé. »
Lorsqu'on atteint les
hauteurs
d'Ashley Down où souffle une brise
vivifiante et qu'on est arrivé aux
Orphelinats, on peut embrasser d'un coup d'oeil
l'importance de l'Oeuvre accomplie. Les cinq
groupes de constructions sont bâtis sur un
modèle identique... Autrefois ces
bâtiments s'élevaient au milieu des
champs. Aujourd'hui, des fenêtres des
Orphelinats la vue s'étend sur des
rangées de villas entourées de beaux
jardins.
Chaque Maison a son
jour de
visite. C'est une règle qui ne souffre
d'exception pour personne : prince ou paysan.
La Maison n° 1 est
ouverte
aux visiteurs le mercredi après-midi. Elle
abrite cent quarante filles, quatre-vingts
garçons au-dessus de huit ans et
quatre-vingts garçons au dessous de cet
âge.
La Maison n° 2 qui
abrite
deux cents petites filles et deux cents fillettes
plus âgées peut être
visitée les mardis après-midi.
La Maison n° 3 (trois
cent
cinquante filles) le jeudi après-midi.
La Maison n° 4 deux
cent
dix garçons de huit ans et au-dessus, deux
cent trois petits garçons et trente-sept
jeunes filles âgées qui restent comme
« ménagères », le
vendredi seulement.
Enfin, la maison n° 5
(deux
cent dix bébés fillettes, deux cent
quarante plus âgées), le samedi
après-midi.
Le premier groupe de
visiteurs
est introduit à deux heures et demie, le
second à trois heures, et, s'il est
nécessaire, le troisième à
trois heures et demie. Il faut une heure et demie
pour visiter une maison. Durant l'hiver, on ne
conduit jamais que deux groupes de visiteurs :
à deux heures et demie et à trois
heures. La Maison qu'on préfère voir,
c'est la première ; non qu'elle
diffère des autres mais comme elle abrite
à la fois des garçons, des fillettes
et des tout-petits, elle offre une miniature des
Orphelinats et une vue d'ensemble.
LA MAISON. - Le
visiteur se présente à la
loge du portier ; une fois admis, il traverse
les jardins où quelques orphelins
transformés momentanément en
jardiniers sont à l'ouvrage. Les terrains
à l'entour sont transformés en vastes
potagers ; il y règne un ordre
admirable qui retient l'attention. Ceci frappe
encore
plus quand on pénètre dans les
Maisons : La propreté, la
netteté, la méthode, se voient
partout, même avant qu'on atteigne la chambre
des visiteurs où l'on est conduit. Rien ne
traîne nulle part, rien qui ne soit à
sa place, tout donne l'impression de la
méthode, de la
régularité.
Exactement à l'heure
dite, l'une des aides paraît et invite les
personnes rassemblées à la suivre.
Nous traversons des dortoirs qui contiennent
jusqu'à soixante-dix lits, chacun avec sa
couverture d'une blancheur immaculée, sa
paire de draps blancs. Les planchers sont si
brillants qu'on a peine à croire que
quelqu'un y marche. Les murs peints sont parfaits
de propreté. L'ordre et la propreté
doivent être profondément
enracinés chez les orphelins : ils y
vivent... Les dortoirs, comme toutes les autres
pièces, sont vastes, les plafonds
élevés, la lumière y entre
à flots. C'est le seul luxe. M. Müller
se considérant comme l'économe des
biens que Dieu lui confie ne croit pas pouvoir en
distraire quoi que ce soit pour des questions de
décoration, d'autant que l'un des buts qu'il
poursuit, c'est de donner l'exemple d'une vie
simple, et de décourager le luxe chez les
chrétiens.
Nous passons ensuite
dans la
chambre des vêtements. Chaque enfant y
possède un compartiment avec le
numéro qu'il a reçu à son
entrée aux Orphelinats. C'est là
qu'il, ou elle, place ses vêtements. Dans
chaque section, six orphelines à tour de
rôle prennent soin de cette chambre des
vêtements. Les garçons ont trois
costumes, les filles qui font elles-mêmes et
raccommodent leurs effets en ont cinq.
L'été elles portent la robe de
percale bleue et le tablier blanc ; le
dimanche un costume couleur lilas qui est
remplacé en hiver par la robe de
mérinos brun. Pour les sorties, elles ont
des châles en été, des manteaux
en hiver, et des chapeaux de paille, genre bonnet,
comme coiffure. Les garçons portent la veste
bleue, le pantalon de sergé, le
béret. Chaque enfant a trois paires de
souliers.
LES ENFANTS. - Mais
le spectacle le plus intéressant
est sans contredit celui qu'offre la nursery
où l'on s'occupe des tout-petits. Il est
touchant de voir ces petits êtres dont certains
sont
si frêles, jouer avec des livres ou de menus
objets... Quelques-uns n'ont que quelques mois
lorsqu'on les amène à Ashley. Les
orphelinats sont leur foyer, ils y resteront,
quelques-uns en tout cas, quinze, seize ou
même dix-sept ans ! Quelquefois on admet
trois, quatre et cinq enfants de la même
famille pour empêcher que les liens familiaux
soient brisés ; bien plus, on travaille
à resserrer ceux-ci.
Il est rare que les
parents des
orphelins soient morts d'accident.
Généralement, ils ont
été emportés par la phtisie.
Il s'ensuit donc que les enfants sont le plus
souvent de constitution débile. Mais la vie
si saine d'Ashley Down, le grand air, la nourriture
hygiénique, la vie régulière,
tout ceci améliore
généralement la santé des
orphelins de façon surprenante. Comme le dit
M. Müller : la proportion si faible des
décès donne la preuve des soins dont
les enfants sont entourés.
Ils se lèvent à
six heures. Les grands aident les jeunes à
faire leur toilette et à s'habiller. Tous
doivent être prêts à sept
heures. Les filles se mettent alors à
tricoter et les garçons prennent leurs
livres jusqu'à huit heures, le moment du
déjeuner. Celui-ci terminé, de huit
heures et demie à neuf heures, culte de
famille. Alors la plupart des enfants se rendent
dans leurs classes respectives à l'exception
de quelques-uns des plus grands qui aident à
faire les lits et n'entrent en classe qu'à
neuf heures et demie. Les leçons sont
terminées à midi et demi. Tous
sortent jouer dehors jusqu'à ce que la
cloche sonne à une heure pour le
déjeuner.
Il y a de nouveau
classe de deux
à quatre, puis récréation
jusqu'à cinq heures et demie. À ce
moment, les orphelins sont réunis pour le
service du soir, qui est suivi du
thé-dîner à six heures.
Ensuite, les filles font quelques travaux à
l'aiguille, les garçons du jardinage,
jusqu'à huit heures. C'est le moment d'aller
au lit pour les plus jeunes ; les plus
âgés n'y vont qu'à neuf heures.
Lorsque le temps est favorable, il arrive
qu'instituteurs et institutrices emmènent
leurs enfants pour de longues promenades dans les
environs. Parfois on les conduit à la ville
pour qu'ils puissent admirer les jolis objets
exposés aux étalages des magasins.
MENUS. - Pour le
matin, les
enfants ont de la soupe d'avoine, le soir du
thé, du pain et du beurre, du lait
coupé d'eau. Pour le déjeuner
à une heure (que nos voisins anglais nomment
dîner), le menu diffère avec le
jour : lundi, viande et pommes de terre ;
mardi, soupe et viande (celle-ci dans la
soupe) ; mercredi et jeudi, comme lundi et
mardi ; le vendredi, du riz et de la
mélasse ; le samedi, viande et pommes
de terre; dimanche, riz et mélasse pour que
tous, autant que possible, puissent assister au
service divin.
Lorsqu'il fait beau,
une partie
des plus grands vont jusqu'à Bristol et
assistent au service dans l'une des chapelles dont
M. Müller est l'un des pasteurs. Des services
sont célébrés dans chaque
Maison pour ceux qui restent, services
présidés par des chrétiens
à la piété
éprouvée, qui appartiennent à
toutes les dénominations. Le soir, nouveaux
services où assistent toutes les servantes
qui n'ont pu assister au culte du matin, et les
ménagères qui restent dans
l'établissement et s'occupent uniquement des
soins du ménage.
Et maintenant que nous
sommes
à peu près initiés à la
vie des orphelins, suivons notre guide en compagnie
des autres visiteurs : nous voici dans une
salle de classe tous les enfants se lèvent,
et aussitôt, maître ou maîtresse
nous donnent un exemple de ce que peuvent faire
leurs élèves comme chant et exercice
physique ; les exercices sont parfaits et la
marche et les chants qui l'accompagnent feraient
honneur comme précision et cadence à
un régiment de soldats. Dans la salle des
petits, ce sont de jolies récitations,
d'agréables chansons dites par des bambins
dont les figures heureuses et les regards confiants
en disent long sur les soins et l'affection dont
ils sont entourés. Ils chantent si
joyeusement « le Pays de
Bébé », « les
Petites Poupées », etc ..., qu'on
regrette d'avoir à les quitter lorsque la
personne qui sert de guide donne le signal du
départ.
Nous voici dans les
chambres de
récréation avec leurs casiers remplis
de jouets de toutes sortes. Voici les terrains de
jeux, les buanderies, les lavabos, les salles
d'approvisionnement, la salle à manger, la
lingerie, nous jetons un coup d'oeil aux chambres
des directrices, à celles
des maîtres, aux salles de couture où
travaillent des jeunes filles. La plupart sont
formées pour devenir servantes, mais un bon
nombre d'entre elles arrivent à de plus
hautes situations, grâce à
l'excellente instruction qu'on leur donne. Elles
reçoivent des leçons de grammaire, de
géographie, d'histoire d'Angleterre,
d'histoire générale, elles apprennent
le ménage et tous les travaux à
l'aiguille. « Le but que nous visons, dit
souvent G. Müller, c'est de faire de nos
jeunes filles des personnes utiles à la
société, et si l'une d'elles ne
réussit pas à gagner sa vie ou tourne
mal, du moins ce ne sera pas de notre
faute. »
Les garçons
reçoivent la même instruction que les
filles, ils font leurs lits, tricotent leurs bas,
travaillent au jardin ; enfin on leur enseigne
un métier de leur choix.
L'âge de sortie n'est
pas
fixé de façon absolue ; on prend
en considération le bien de chacun
individuellement. Mais en général les
jeunes filles quittent l'orphelinat à
dix-sept ans ; les garçons à
quatorze ou quinze ans. Des centaines de
garçons qui ont passé par les asiles
sont maintenant dans les affaires, les uns sont
directeurs, contre-maîtres, d'autres patrons,
certains sont devenus associés dans de
grandes maisons de commerce, d'autres sont commis,
d'autres instituteurs, évangélistes,
missionnaires. Le tout premier orphelin reçu
dans la première maison, est devenu pasteur
de l'Eglise anglicane.
On s'occupe beaucoup
du
développement spirituel des orphelins, et de
temps à autre des vagues de
bénédiction sont accordées. En
février 1887, l'inspecteur des
écoles, M. Herne, écrivait à
M. Müller, alors à Singapour, en
tournée missionnaire : « Le
15 janvier, deux garçons de la Maison IV
sont allés demander à leurs
maîtres la permission de se réunir
pour prier, ce qui leur fut accordé. Ils se
réunirent donc le même jour et
plusieurs se joignirent à eux... Le
lendemain, ils étaient cent cinquante et ils
prièrent pendant deux heures. Maintenant les
réunions se tiennent après le repas
du soir jusque vers sept heures. Ils sont souvent
plus de cent. C'est surtout parmi les grands que
l'Esprit de Dieu est à l'oeuvre. L'un des
maîtres a remarqué que le travail est
maintenant mieux fait, que les manières sont
plus douces et que les garçons ne boudent
plus comme autrefois...
« Quelques-uns
prient
pour des camarades dont ils ont dressé une
liste. D'autres sont allés trouver leur
maître en particulier pour lui parler de leur
âme ; deux lui ont dit :
« S'il vous plaît, Monsieur, faites
de nous des chrétiens ». Enfin un
autre a confessé ceci : « Sur
son lit de mort, papa m'a fait promettre de le
retrouver au ciel, mais je sens que je ne suis pas
prêt ». Dimanche dernier les
garçons de quatorze ans et au-dessus ont
été réunis, ils étaient
cinquante-cinq à peu près ;
trente-cinq firent profession de croire en Christ,
et leur conduite ne dément pas leur
profession. Toute la Maison IV est
transformée ».
C'est ainsi qu'à
plusieurs reprises, le Saint-Esprit accomplissait
son oeuvre de façon plus
générale, plus manifeste ; et
sur les milliers d'enfants qui ont passé et
passent par les Orphelinats, beaucoup se sont
convertis alors qu'ils y vivaient.
Ce serait une erreur
de croire
que les enfants étaient toujours d'humeur
facile et qu'ils avaient tous d'heureux
caractères. Quiconque a eu à
s'occuper de nombreux enfants sait le contraire. Il
est même arrivé qu'après un
long temps de patience, qu'après avoir
essayé de tous les moyens, on ait dû
recourir à l'expulsion de certains
élèves. Même alors, M.
Müller ne cessait de prier pour eux,
espérant quand même que la semence
répandue lèverait avec le
temps.
D'autres enfants au
contraire
étaient un sujet de joie ; beaucoup
restaient en relations épistolaires avec
leur bienfaiteur, joignant à leurs lettres
quelque don pour l'Oeuvre quand ils le pouvaient,
Certains, une fois parvenus à de belles
situations envoyèrent même de
très grosses sommes. C'est surtout à
la date du 27 septembre, anniversaire de M.
Müller, que le Fondateur de l'Orphelinat
recevait un volumineux courrier. Presque tous les
« anciens » accompagnaient
leurs lettres d'un don, presque tous disaient
vouloir vivre chrétiennement ; et ils
en donnaient la preuve par la façon dont ils
parlaient des années passées à
Ashley Down, dans « la chère
Maison », par leurs sentiments
d'affection et la reconnaissance qu'ils
manifestaient. Certes, ils pouvaient entourer de
leurs prières et de leur amour celui qui,
pour montrer que Dieu entend la prière, leur
avait consacré sa vie, une vie de rude labeur. Ce
labeur
est tel qu'il est difficile de l'embrasser en
pensée : demandes d'admission qu'il
faut examiner (certains jours on en recevait trois
ou quatre), questions multiples se rapportant aux
pensionnaires (il fallait parfois se
résoudre à décider une
expulsion pour empêcher que le vice ou
l'insubordination contaminassent les autres), au
personnel, au recrutement de celui-ci, au placement
des orphelins dont la préparation
était terminée. M. Müller
cherchait pour ses pupilles des patrons et des
maîtresses qualifiés donnant toutes
les garanties désirables.
Que de sagesse il
fallait, quel
esprit de prière, que de foi, que de
grâces étaient nécessaires pour
embrasser toutes ces questions et leur donner les
solutions favorables ! Quelle
persévérance dans la prière et
dans la foi il fallait pour présenter
quotidiennement à Dieu tous les besoins
d'une oeuvre sans cesse grandissante.
« Que le
lecteur se
représente nos charges, écrit M.
Müller. Plus de deux mille personnes à
nourrir chaque jour... Mais la nourriture n'est pas
la seule dépense, il y a les
vêtements, le blanchissage, l'entretien, et
tout cela absorbe des dizaines de mille francs
chaque année. Les chaussures !
Réfléchissez à ce seul
article ! Il nous en faut des milliers !
Nos enfants ont six mille paires de
chaussures ! Chaque année nous recevons
des centaines de nouveaux orphelins et orphelines
et des centaines d'autres partent comme apprentis,
comme servantes, comme
élèves-maîtres. Tous emportent
un trousseau complet. De plus, nous payons aux
patrons trois cent trente francs par
apprentis. »
Pour tout ce petit
monde
d'enfants, nous avons un nombreux état-major
d'inspecteurs, de directeurs et directrices,
d'instituteurs et d'institutrices, tout un
personnel médical, enfin de multiples aides
dans tous les services.
À côté des
dépenses faites pour les choses qui touchent
directement aux orphelins, à leur entretien,
leur éducation, leur instruction, à
côté des frais de maladie, et
hélas ! parfois aussi de ceux
qu'entraîne la mort, il y toutes les
dépenses occasionnées par les
réparations des immenses
édifices.
M. Müller, qui ne
possédait rien en propre, connaissait
cependant les charges que supportent les
propriétaires :
« Nous avons
les frais
d'entretien de nos cinq groupes de constructions
qui réunissent dix-sept cents grandes
fenêtres et cinq cents salles ! Essayez
d'imaginer les seuls frais de crépissage, de
badigeonnage, de peinture, et les
réparations en tous genres que
nécessitent les bâtiments... Il faut
nettoyer, entretenir, réparer, renouveler
les meubles de cinq cents salles ; entretenir
les toitures, les canalisations, etc...
« Nous avons
de lourds
impôts à payer, et, chaque
année des sommes considérables pour
les choses imprévues... Cependant Comme NOUS
NOUS ATTENDONS À VOIR DIEU QUI EST
INFINIMENT RICHE, tout va bien ; il pourvoit
à tout ».
Les cinq orphelinats
avaient
coûté trois millions de francs, ils
n'étaient pas assurés. G. Müller
les remettait à Dieu, pour qu'il les
gardât, du feu, et chaque année, il
remerciait Dieu, de ce qu'il l'avait
exaucé.
Nous ne pouvons
transcrire
toutes les pages intéressantes qui aident
à saisir l'étendue de l'Oeuvre de G.
Müller et à comprendre les
responsabilités qui pesaient sur lui ;
nous ne pouvons dire tous les faits qui font
pénétrer dans sa vie de chaque jour,
publier toutes les pages qui révèlent
le développement intérieur et la vie
de communion avec Dieu. Il faut se borner à
choisir. Voici quelques extraits :
RÉPARATIONS URGENTES À LA
CHAUDIÈRE DU CHAUFFAGE CENTRAL. -
Novembre 1857. - Vers la fin du mois, j'appris de
la façon la plus inattendue qu'il y avait
une fuite à la chaudière de notre
appareil de chauffage, que la chose était
grave et demandait des réparations
immédiates. L'appareil se compose d'une
immense chaudière cylindrique, au centre de
laquelle se trouve le foyer. Cette chaudière
alimente les conduites d'eau chaude et d'air chaud
de nos radiateurs.... et on m'avait assuré
qu'elle pouvait suffire pour l'hiver. Comme elle
est complètement enfermée dans des
travaux de maçonnerie, il fallait commencer
par démolir ceux-ci pour s'assurer de son
état exact. Depuis huit ans que l'appareil
fonctionne, rien de semblable ne s'était
produit. J'étais très ennuyé
et pensais particulièrement aux petits
enfants. Que faire pour qu'ils n'eussent pas
à souffrir du froid ? Remplacer la
chaudière demanderait plusieurs semaines
probablement : quant à la
réparer, était-ce possible ? De
toutes façons, il fallait, pour s'en rendre
compte, abattre la maçonnerie, cela devait
prendre, semblait-il, plusieurs jours. Pendant ce
temps, comment chauffer nos trois cents
enfants ? Je pensais à des poêles
à gaz, mais notre installation était,
paraît-il insuffisante, et ne pouvait fournir
le chauffage en même temps que
l'éclairage. J'aurais volontiers
donné deux mille cinq cents francs pour
cette installation ou toute autre chose afin que
les enfants n'eussent pas froid. Ne voyant aucune
solution, je décidai de remettre toute
l'affaire entre les mains de Dieu, qui est toujours
miséricordieux et compatissant, et de faire
ouvrir la chambre de maçonnerie.
Le jour fut fixé pour
les
réparations, il fallait naturellement
laisser éteindre le feu. Et maintenant, considérez
ce qui se
passa : Nous avions fixé le jour des
réparations à la semaine
suivante : le mercredi ; or dès le
jeudi (ou le vendredi ?), un vent du Nord,
glacial se mit à souffler. C'était
les premiers grands froids de l'hiver qui nous
arrivaient avec le commencement de décembre.
Impossible de remettre à plus tard les
réparations. Je demandai alors deux choses
au Seigneur : qu'il voulût bien changer
la direction du vent et le faire souffler du
Sud ; qu'il mît au coeur des ouvriers de
travailler avec ardeur. Car je me souvenais de la
besogne accomplie en cinquante-deux jours, au temps
de Néhémie, parce que « le
peuple avait pris à coeur le
travail ». Le jour approchait, le
mardi soir, le vent du Nord soufflait toujours,
mais le mercredi, le vent du Sud s'établit
comme je l'avais demandé à Dieu. Le
temps était si doux que le chauffage
était inutile. Le mur de briques
enlevé, on découvrit rapidement
l'endroit à réparer, et les ouvriers
de la Maison qui avaient fait l'installation, se
mirent à travailler avec ardeur. Vers huit
heures et demie du soir, alors que je retournais
chez moi, on m'avertit, près de la loge du
portier, qu'un des directeurs était
arrivé pour se rendre compte du travail
qu'il y avait à faire ; je me rendis
aussitôt dans le sous-sol pour le rencontrer
ainsi que les ouvriers. Il me dit que les hommes
seraient de nouveau là, le lendemain, de
bonne heure. Nous étions près des
ouvriers et ceux-ci avaient entendu la
conversation. Alors le contre-maître, prenant
la parole au nom de tous, dit :
« Pardon, Monsieur, mais nous
préférerions travailler toute la
nuit ». Je me souvins alors de la seconde
partie de ma requête. Dieu leur avait
vraiment mis au coeur de travailler avec ardeur. Au
matin, la réparation était
terminée ; trente heures après,
la maçonnerie était refaite ; tout le
temps
qu'elle dura, le vent du Sud continua de souffler,
comme nous l'avions demandé à
Dieu...
Tout alla bien durant
trois
mois. An commencement de février, nouveaux
dommages, nouvelle fuite. Nous recourûmes
à la prière, et les
réparations furent faites très
rapidement, en trente heures à peu
près. Au printemps, nous fîmes
remplacer la chaudière.
EXAUCEMENTS.
- Voici d'autres détails que nous ne
trouvons pas dans l'autobiographie Bergin et que
nous empruntons au livre du Dr
Pierson :
« Il y eut
une grande
sécheresse en 1864. Les trois Maisons alors
achevées possédaient quinze grandes
citernes, neuf puits très profonds et une
excellente source qui, de mémoire d'homme,
n'avait jamais été tarie. Tout cela
était presque à sec, le niveau de
l'eau était très bas, et il fallait
chaque jour trois mille gallons d'eau ! On
cria à Dieu demandant l'eau
nécessaire et qu'il voulût bien
envoyer la pluie. Dieu exauça les
requêtes en inclinant le coeur d'un voisin,
un fermier, à fournir la moitié de
l'eau qu'il fallait (ses puits étaient plus
profonds que ceux des Orphelinats), l'autre
moitié se trouva sur place. Au bout de
quelque temps, ce fermier avertit qu'il ne fallait
plus compter sur lui. Vingt-quatre heures ne
s'étaient pas écoulées qu'un
autre fermier venait offrir à M. Müller
l'eau d'un ruisseau qui traversait ses
champs.
Cette provision dura
jusqu'à ce que la pluie fût à
nouveau donnée (1).
Cette même année,
une triple épidémie de fièvre
scarlatine, de fièvre typhoïde et de
petite vérole dévastait Bristol et
les environs ; cela dura trois ans !
À nouveau, M. Müller et ses
collaborateurs prièrent Dieu qu'il
voulût bien étendre sa protection sur
les Orphelinats, et les Maisons furent à
peine touchées : pas de scarlatine, pas
de typhoïde, quinze cas bénins de
petite vérole parmi les enfants, un seul
sans gravité, dans le personnel.
En janvier 1865, ce
sont de
terribles tempêtes qui s'abattent sur la
ville et les environs de Bristol. Bien des
immeubles eurent à souffrir. À Ashley
Down, les toitures furent endommagées en
plus de vingt endroits, de grandes vitres
brisées, etc... C'était un
samedi ; impossible d'avoir les vitriers et
les couvreurs. À nouveau, on pria Dieu qu'il
voulût bien faire cesser la
tempête : Le vent se calma, la pluie
diminua, et dès le lundi on put se mettre
aux travaux de réparation
urgents.
M. Müller notait
fidèlement toutes ces choses avec leurs
détails ; elles faisaient partie du
témoignage qu'il rendait au Dieu de
miséricorde et d'amour qui entend la
prière, et entoure ses serviteurs de sa
bonté.
En l'année 1866, une
vague de Réveil atteignit l'orphelinat des
jeunes filles, comme cela avait eu lieu
l'année précédente pour celui
des garçons. Plus de cent d'entre elles
furent dans l'angoisse au sujet de leur âme
et recherchèrent le salut. M. et Mme
Müller et leurs collaborateurs priaient Dieu
pour que ce Réveil gagnât en
profondeur et en étendue. Une jeune fille de
dix-sept ans qui était aux Orphelinats
depuis l'âge de trois ans était
restée dans la plus complète
indifférence des choses spirituelles
malgré tous les soins et tout l'amour dont
l'entouraient M. et Mine Müller et leurs
collaborateurs. Délicate de santé,
Emma Bunn était devenue poitrinaire, et bien
que la maladie fût grave et ne laissât
aucun espoir, son insouciance subsistait. On ne
cessait de prier pour elle. Enfin, il plut à
Dieu de donner à la jeune fille une
révélation de Jésus comme son
Sauveur. Immédiatement elle se vit telle
qu'elle était, se prit en
dégoût et confessa ses
péchés ; en même temps une
joie inexprimable remplissait son coeur et
remplaçait l'indolence, l'apathie et la
froideur des jours passés : Maintenant
elle avait un profond sentiment de sa
misère, maintenant elle pensait au salut des
autres. Comme son indifférence, son apathie
l'avaient rendue tristement célèbre
aux Orphelinats, sa conversion et les messages de
ses derniers moments eurent un très grand
retentissement : ils furent le moyen que Dieu
voulut bien bénir pour la conversion de
très nombreux orphelins. Dans une seule
Maison, trois cent cinquante enfants furent
amenés à chercher la paix qui se
trouveuniquement en
Jésus, et à la saisir par la foi. La
conversion et le témoignage d'Emma Bunn
furent l'occasion du plus grand réveil qui
eût encore éclaté à
Ashley Down..
Ce fait comporte bien,
des
enseignements :
1° le coeur le plus
dur
peut être brisé par la
prière ;
2° la connaissance de
la
Bible, même si elle ne semble porter aucun
fruit immédiat, n'est jamais inutile ;
dès que la grâce de Dieu a
pénétré le coeur et
délié la langue, elle devient une
source de bénédiction ;
3° en général
on s'occupe trop peu de l'instruction religieuse
des enfants et on ne donne pas assez de confiance
aux conversions des jeunes. En avançant dans
la vie, M. Müller était de plus en plus
frappé par les triomphes de la grâce
qu'il observait chez de tout jeunes enfants,
convertis à l'âge de neuf et dix ans,
lesquels restèrent toujours fidèles
à la foi de leur enfance.
Dans la traduction
qu'il a faite
du livre du Dr Pierson, feu le pasteur Lortsch
publie en renvoi les lignes suivantes:
« Une visite
aux
Orphelinats d'Ashley Down, le 29 mars 1901 nous a
laissé l'impression qu'il y a quelque chose
de plus extraordinaire encore que la manière
dont l'argent y arrive. C'est la manière
dont il est employé. L'ordre, la discipline,
l'hygiène morale et spirituelle qui
règnent dans ces établissements sont
tout simplement admirables. Il n'y a pas d'enfants
dans la plus heureuse des familles
chrétiennes qui aient l'air plus
épanoui, plus heureux que ces
enfants-là. On sent qu'ils sont
enveloppés et pénétrés
par les saintes et victorieuses influences de
l'amour chrétien... Il n'est pas
étonnant que Dieu envoie en abondance un
argent dont on fait un tel usage. Ne manquons pas
à Dieu, et rien ne nous
manquera. » D. Lortsch.
COUP
D'OEIL RÉTROSPECTIF. - En 1865, trente
et un ans après l'ouverture du premier
orphelinat de la rue Wilson, George Müller
jetant un coup d'oeil en arrière remarque
que, par la grâce de Dieu, il est
resté fidèle aux principes
posés à la base de l'Oeuvre, Il n'a
jamais contracté de dettes, il n'a jamais
recherché d'autre soutien que celui de Dieu,
d'autre patronage que celui du Père
céleste. Quant à ses collaborateurs, il les
a
choisis parmi ceux qui craignent Dieu et le
servent. Il rappelle que son but primordial c'est
de glorifier Dieu en montrant ce que peuvent
accomplir la foi et la prière, et il peut
rendre ce témoignage, c'est que
« jusqu'ici le Seigneur a
secouru ». Si pendant cinq ans à
peu près, ses collaborateurs et lui ont vu
presque quotidiennement leur foi mise à
l'épreuve ils ont été
quotidiennement aussi les témoins de la
fidélité de Dieu. L'oeuvre n'avait
fait que croître, mais le secours divin avait
grandi dans la même proportion.
Ce serait une erreur
de croire
que les diverses branches de l'institut biblique
que dirigeait M. Müller étaient
oubliées, et qu'il se laissait uniquement
absorber par l'Oeuvre des Orphelins et son rapide
développement. Ni la mission et les
missionnaires, ni l'oeuvre de distribution de
traités et de la Bible ni les écoles
chrétiennes n'étaient
oubliées. M. Müller veillait à
attribuer à l'Oeuvre qui en avait le plus de
besoin, les fonds qu'il recevait
(2) et
ce qu'il
donnait lui-même sur ce qu'on destinait
à son usage particulier.
Mais dans ce travail
forcément abrégé, il est
impossible de mentionner l'envoi des missionnaires,
les envois de fonds, les nombreuses écoles
fondées ou subventionnées, le
colportage et la vente de Bibles et de
traités religieux.
En cette année 1865
lorsqu'il s'occupe de la répartition des
sommes dont il dispose pour l'Oeuvre missionnaire,
il se trouve en présence de cent vingt-deux
noms de missionnaires. Pour envoyer à chacun
les fonds qu'il leur destine, il lui faut onze
mille six cent cinquante francs. Il lui manque deux
mille trois cents francs. Alors il demande à
Dieu cette somme et reçoit successivement
vingt-cinq, deux mille cinq cents et douze cent
cinquante francs ; plus qu'il n'avait
demandé.
MORT
DE M. HENRY
CRAIK. - 22 janvier 1866. - Ce soir,
vers onze heures et demie, mon bien-aimé
collègue, mon ami depuis trente-six ans,
vient d'entrer dans son repos.
Il était malade depuis sept mois à
peu près. Tous deux nous connaissions le
Seigneur depuis plus de quarante ans, tous deux
nous avions dépassé la soixantaine.
Mon bien-aimé frère et ami a
maintenant achevé sa course. J'ai l'honneur
et le privilège de continuer à
travailler pour le Seigneur ici-bas, mais sans
lui ! sans celui qui a été si
souvent mon conseiller ! Comme dans mes
précédentes épreuves et toutes
mes difficultés, je regarde à
Dieu ; c'est sur lui que je m'appuie depuis
plus de trente-six ans.
Le
nom
de M. Craik avait d'abord été
associé à celui de M. Müller
dans les Rapports de l'Institut biblique, mais en
1844, comme c'était son collègue qui
s'occupait à peu près exclusivement
de cette oeuvre, il jugea préférable
que son nom n'y parût plus.
Également
distingué
par
sa bonté, son humilité, ses dons
intellectuels, M. Craik avait publié
plusieurs ouvrages d'une haute valeur. En
reconnaissance de quoi l'université de
St-André lui avait offert le titre de Docteur.
Il le
refusa, demandant en
même temps que l'Université
voulût bien accorder ce titre à une
tierce personne qu'il nomma et à laquelle
cela pourrait être utile. Le conseil de
l'Université fit ce qui lui était
demandé ; puis à nouveau, offrit
le titre de Docteur à M. Craik, lequel crut
devoir maintenir son refus. (Ch.
Challand).
30 janvier. -
Aujourd'hui
a été remise à la tombe, la
dépouille mortelle de, mon bien cher ami. Je
suis malade, retenu à la maison. État
plus grave ce soir. Il s'agissait d'une
extrême faiblesse ; avec des hauts et
des bas. Cet état inquiétant dura
trois mois.
L'OEUVRE DU
COLPORTAGE. - 1867 ! L'exposition de Paris vient
d'ouvrir ses portes. C'est une occasion unique pour
annoncer l'Évangile aux foules qui
traversent la capitale ou y séjournent. Et
George Müller est heureux de recourir aux services
de
deux
frères que Dieu a envoyés dans la
grande ville pour y travailler. L'un parle trois
langues ; l'autre huit. Par leur moyen, douze
mille exemplaires de la Bible ou portions de la
Bible furent distribués en treize langues
différentes, à l'Exposition surtout.
On a calculé que pendant cette Exposition,
il fut distribué plus d'un million deux cent
soixante mille Bibles en seize langues
différentes. La Bible fut reçue avec
reconnaissance même par les prêtres. De
sorte qu'en six mois ceux qui surent profiter de
l'occasion que leur offrait l'Exposition
répandirent plus d'exemplaires de la Bible
que n'eussent pu le faire dix mille colporteurs en
vingt fois plus de temps dans les conditions
ordinaires.
L'année suivante, c'était
l'exposition du Havre. À nouveau G.
Müller s'occupa de faire distribuer les
Écritures. Et lorsque de façon,
inattendue une porte s'ouvrit en Espagne, au pays
de l'Inquisition, il se hâta de prendre les
mesures nécessaires pour y faire distribuer
la Parole de Dieu. Pour la première fois, on
vit alors la Bible ouverte dans les rues, de
Madrid. On vendit jusqu'à deux cent
cinquante exemplaires par heure, et bientôt
les demandes dépassaient les stocks
disponibles.
Parmi les pages les
plus
captivantes du
« Récit », il faut
placer les lettres que G. Müller recevait de
ses colporteurs et dont il publiait quelques-unes.
Pour lui, le champ d'activité c'était
le monde ; et il saisissait avec ardeur toutes
les occasions d'y semer abondamment... Il faisait
aussi faire des distributions de traités...
Les foires, les champs de courses, les voyages, les
exécutions capitales, autant d'occasions de
rassemblements dent il savait profiter pour ses
distributions. Dès le début, cette
activité produisit d'abondantes moissons.
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