LES DOLÉANCES D'UN
HABITANT DE LA RUE WILSON. -
FAUT-IL ENVISAGER LE TRANSFERT DES
ORPHELINATS ? - APPELÉ A CONSTRUIRE. -
DE
L'ARGENT,
UN ARCHITECTE, UN TERRAIN. -
CONVERSION
DE LYDIA MÜLLER. - LA
NOUVELLE MAISON DES ORPHELINS A ASHLEY DOWN. -
LYDIA. -
TROIS
CENTS
ENFANTS. - G. MÜLLER PENSE
CONSTAMMENT AUX MALHEUREUX ENFANTS
DESTITUÉES DE TOUT. -
MORT
DE M.
A.-N. GROVES, MISSIONNAIRE A BAGDAD. -
MALADIE
DE
LYDIA MÜLLER. -
LE
SERVICE DE
CHRIST. -
LETTRE
D'UN
ORPHELIN. -
UNE
TENTATION. -
GOÛTEZ
ET VOYEZ
COMBIEN L'ÉTERNEL EST BON. -
SEMAILLES
ET MOISSON. -
LE
DOCUMENT QUE
RÉDIGEA M. COBB, DE BOSTON. -
OUVERTURE
DE LA
DEUXIÈME MAISON POUR QUATRE CENTS
ORPHELINS.
LES DOLÉANCES D'UN
VOISIN. - Quelques semaines seulement
après le retour de M. Müller en
Angleterre, l'un des habitants de la rue Wilson
prenait l'initiative de lui écrire une
lettre polie et amicale sans doute, mais où
il signalait cependant les nombreux
inconvénients qu'entraînait le
voisinage des Orphelinats pour les habitants du
quartier. Le signataire s'en remettait à M.
Müller lui-même et à son esprit
d'équité pour prendre la
décision qui s'imposait. Sollicité
par de nombreuses occupations le jour qu'il
reçut cette lettre le 30 octobre 1845, G.
Müller la mit de côté pour la
relire à tête reposée
dès qu'il le pourrait. Le 3 novembre, il se
ménagea quelques heures de liberté
pour examiner avec soin et prière la
question devant Dieu.
Je le suppliai de me
guider en
cette affaire, écrit-il dans son journal, et
de m'amener à une décision
équitable. Le résultat fut que je me
mis à envisager la possibilité du transfert des Orphelinats.
Je pris un papier et
me mis
à écrire les raisons qui
m'apparaissaient militer en faveur d'un
déplacement, et celles qui semblaient s'y
opposer.
I. Les voisins se
plaignent du
bruit aux heures de récréation.
Certes, cette plainte est justifiée !
Je sais que personnellement je ne supporterais que
difficilement tout ce tapage. Ma pauvre tête
en serait brisée. Je dois donc faire pour
les autres ce que je voudrais qu'ils fissent pour
moi. Jamais encore je n'avais
considéré la chose sous ce
jour.
Il. Le nombre des pensionnaires
de
nos maisons est si grand qu'à plusieurs
reprises les canalisations des eaux
ménagères ont été
bloquées, et les voisins fort
incommodés.
III. Nous n'avons pas de
terrains de
jeux au sens exact de ce mot. Nous disposons d'un
seul emplacement qui en tient lieu et ne peut
servir que pour les enfants d'une seule maison
à la fois.
IV. Pas de terrain de culture
non
plus dans les alentours de Wilson Street. Si nous
nous transportions ailleurs et que nous puissions
avoir une propriété entourée
de champs pour le jardinage et autres travaux
manuels, il en résulterait de très
sérieux avantages, pour nos garçons
surtout. Nous pourrions alors les occuper de
façon plus utile qu'au tricotage qui est
actuellement leur seul travail manuel. [Ils font
aussi leurs lits, le nettoyage des maisons et
aident à la préparation des repas.]
Mais il est bien certain que le travail en plein
air serait le meilleur des
exercices physiques et qu'il favoriserait le
développement de l'organisme.
V. Nous pourrions avoir une
blanchisserie, ce qui est impossible à
Wilson Street faute de place, de sorte qu'une
partie du linge seulement est blanchi aux
Orphelinats. Nos filles auraient alors plus de
travail manuel à fournir, un point
très important, car il leur semblerait moins
dur ensuite d'aller en service.
VI. L'air de Wilson Street n'est peut-être pas
assez tonique pour des
enfants de constitution généralement
débile, fils et filles de parents malades le
plus souvent. Un air plus vif leur serait donc
favorable.
VII. La situation actuelle n'est certainement
pas enviable pour le personnel.
Nos collaborateurs n'ont pas de jardin, pas de
champ à proximité, où se
détendre et se refaire pendant les heures de
repos.
VIII. En temps de maladie
l'espace
manque ; nos maisons sont trop petites pour le
nombre d'occupants.
IX. Même en temps ordinaire,
il serait désirable d'avoir plus de
place.
Or il n'y a pas de
propriétés à Bristol ni dans
les environs immédiats qui nous donneraient
les avantages requis. Voici une dizaine
d'années que je pense à cela et que
je cherche inutilement dans toutes les
directions. Je ne puis songer à avoir
une maison d'un côté, l'autre
ailleurs. Pour les réunions de
prière, pour la répartition des
vivres ou des fonds aux époques durant
lesquelles nous vivons au jour le jour, pour les
réunions du personnel, pour les
visiteurs.... nos orphelinats ne peuvent être
dispersés ici et là.
De plus, les difficultés
d'adaptation ou de transformation des maisons
particulières m'apparaissent toujours plus
clairement. Ces maisons ne sont pas faites pour
répondre aux besoins d'oeuvres du genre de
la nôtre. Aucune maison
particulière, par exemple, n'offre de
moyens de ventilation suffisants pour
l'agglomération des pensionnaires d'une
institution charitable. Il n'y a donc qu'une
chose à faire construire.
Et maintenant quelles raisons
pourraient nous induire à rester à
Wilson Street ?
I. Le fait que c'est Dieu qui
nous y
a manifestement conduits. - Oui, mais ne
désire-t-il pas maintenant nous conduire
ailleurs ?
Il. Il ne serait peut-être pas
impossible de louer rue Wilson les immeubles No 2,
5 et 7 ; d'aménager deux de ces maisons
comme orphelinats et la troisième en
infirmerie ? Mais les protestations des
voisins subsisteraient ; les canalisations
seraient encore plus insuffisantes, et faire faire
les travaux d'une nouvelle installation serait
extrêmement coûteux. Notre unique
terrain de jeu deviendrait aussi plus insuffisant
encore. Enfin rien ne prouve qu'on nous louerait
les immeubles en question.
III. Je vois trois grandes
objections à l'idée de
construction :
- 1° La dépense ; les sommes que cela nécessitera et qu'autrement on pourrait affecter aux orphelins ;
- 2° Bâtir fait perdre de vue le caractère du chrétien qui est ici-bas « un étranger et un voyageur » ;
- 3° Cela prendra beaucoup de temps.
Mais toutes ces objections seraient valables si
je pouvais faire autrement, et si j'entreprenais de
construire sans que la chose
s'imposât...
Je consacrai quelques heures
à la prière, après quoi je
commençai de discerner que Dieu m'appelait
à faire construire ; que ceci serait
non seulement pour le plus grand bien des orphelins
et une meilleure organisation du travail, mais
surtout un nouveau témoignage rendu à
celui qui peut et qui veut dispenser largement ses
bienfaits à quiconque en a besoin et
s'attend à lui... J'ajouterai qu'à
aucune époque je n'avais reçu autant
de demandes d'admission que pendant les mois qui
précédèrent le moment
où j'envisageai la possibilité de
bâtir.
Le jour même, je réunis
ceux qui travaillent avec moi dans l'église
afin qu'ils appréciassent la situation et me
donnassent leur opinion sur la question d'un
transfert possible des orphelinats. Tous
tombèrent d'accord qu'il fallait quitter
Wilson Street ; personne ne fit d'objection au
projet de construction.
Le 4, ma chère femme et moi
nous commençâmes à prier pour
cette affaire, décidant de le faire chaque
matin. Nous demandions plus de lumière sur
tout ce qui touchait à ce projet de
construction, et, convaincus que nous agissions
selon sa volonté, nous
commençâmes aussi à demander
à Dieu l'argent nécessaire.
Le 7 novembre, il m'apparut que
l'achat du terrain, les constructions et les
dépendances, etc.... pour trois cents
enfants pris en bas âge et gardés
jusqu'à quinze ou seize ans, pour le
personnel et les aides... pourraient coûter
environ dix mille livres sterling, soit 250.000 fr.
Je ne me laissai pas décourager par ce
chiffre et je regardai à Dieu.
... Bien que nous priions depuis
quelque temps, je n'ai encore rien reçu.
Cependant, plus que jamais encore, j'ai la
certitude que Dieu me demande de bâtir, et
cette certitude va en augmentant. J'ai
déjà dit quelques-unes des raisons
qui ont amené cette assurance. L'une des
principales, celle qui a pour moi le plus de poids,
je la trouve dans l'ordre que donne l'apôtre
dans sa lettre aux Philippiens :
« Que votre douceur soit connue de
tous les hommes »
(IV :
5).
J'ai vu que ce ne serait pas
agir
selon la pensée de Christ que d'ignorer les
réclamations fort justes de la lettre que
j'ai reçue.
Le 9 décembre. - DE
L'ARGENT, UN ARCHITECTE, UN
TERRAIN. - Trente-cinq jours après que
nous avions commencé de prier, quelqu'un a
envoyé vingt-cinq mille francs. Ce don, le
plus important que j'ai reçu jusqu'ici, n'a
pas provoqué chez moi d'excitation ou
d'exaltation. J'avais prié pour obtenir des
fonds et je ne fus pas étonné d'en
recevoir...
13 décembre. - Ma belle-soeur
rentre de Londres. Elle y a rencontré un
monsieur qui avait lu avec un vif
intérêt le « Récit
des dispensations de Dieu envers George
Müller », et désirait
avoir le plus de détails possibles sur
l'Oeuvre. Apprenant par elle que nous pensions
bientôt faire construire, il offrit
d'établir les plans et d'en surveiller
l'exécution gratuitement. La main de
Dieu est manifeste dans cette offre non
sollicitée de la part d'un architecte
chrétien.
G.
Müller avait parlé à quelques
amis seulement de ses projets de construction. Il
s'était gardé d'envoyer des
circulaires ou de faire aucune communication aux
journaux, voulant tout attendre et tout recevoir de
Dieu. Fin décembre, quelques dons lui
parvinrent : l'un d'eux était de douze
cent cinquante francs, un autre de vingt-cinq mille
francs ; alors il pensa que le moment
d'acheter un terrain était venu. Il fallait
que celui-ci eût une étendue
suffisante, et ne fût pas trop loin de
Bristol. À vues humaines, cela
coûterait très cher, car la
spéculation achetait les terrains des
environs et faisait bâtir.
LE TERRAIN EST TROUVÉ. - 2
février 1846. - J'ai entendu parler
aujourd'hui d'un terrain à Ashley Down qui
conviendrait à
nos projets et n'est pas trop cher.
3 février. - Je suis
allé le voir. C'est assurément ce que
j'ai trouvé de mieux jusqu'ici...
4 février. - J'ai
essayé de rencontrer le propriétaire.
Il n'était pas à la maison, mais
à son bureau. Je m'y rendis
aussitôt ; il venait de partir... J'ai
pensé alors que Dieu n'avait pas permis que
je le rencontrasse, et je suis rentré chez
moi.
5 février. - J'ai vu le
propriétaire. Il me dit que de trois
à cinq heures ce matin il n'avait pas pu
dormir et que ma demande de la veille dont on
l'avait averti n'avait cessé d'occuper sa
pensée durant les heures d'insomnie. Il
avait décidé que si je me
présentais comme acheteur du terrain pour
faire construire les orphelinats, il consentirait
une diminution de quatre-vingts livres sterling
(deux mille francs) par acre (un demi-hectare
à peu près). Combien le Seigneur est
bon ! J'ai immédiatement conclu le
marché et acheté le terrain qui a
près de sept acres à trois mille
francs l'un. Remarquez la bonté de Dieu qui
n'a pas permis que je trouvasse le
propriétaire avant que lui-même
n'eût parlé à son
serviteur.
11 février. - J'avais
écrit le 6 février à
l'architecte qui m'a fait faire des offres de
service ; voici sa
réponse :
« Mon
cher
Monsieur, II me
sera extrêmement agréable, au
delà de ce que je puis dire, d'apporter mon
concours a l'oeuvre d'amour que vous poursuivez, et
c'est pour moi un privilège que d'être
l'architecte et le surveillant
des constructions que vous vous proposez de faire
élever pour les Orphelins... Je vous
fournirai volontiers les plans et sections de plans
avec les détails et le prix de revient
approximatif, le tout gratuitement ; enfin je
vous offre aussi de surveiller, sans frais,
l'exécution du
travail. »
19 février. - L'architecte
est venu de Londres. Il trouve que la situation est
excellente, très favorable pour les fosses
et les canalisations d'eau, etc...
George
Müller
ne put prendre possession du terrain
aussitôt qu'il le pensait, le vendeur
était mort peu après, et bien des
difficultés surgirent de ce
chef.
Il écrit à ce
sujet :
« Mon coeur fut
gardé dans la plus grande paix, car j'avais
la conviction que si Dieu permettait que le terrain
fût repris, il nous en donnerait un
meilleur. »
La possession du terrain lui fut garantie, et les dons affluèrent aussitôt, alors qu'auparavant ils s'étaient fort ralentis. Dons infimes, dons de pauvres gens et dons princiers que George Müller reçut comme lui étant également envoyés par Dieu et avec une égale reconnaissance, depuis soixante centimes (six pence) jusqu'à douze mille cinq cents francs, vingt mille francs et même cinquante mille francs ! Il reçut à cette époque deux dons de cinquante mille francs. « Rien de tel que de s'adresser directement à Dieu », disait-il. Certain jour, alors que Dieu, venait de lui envoyer en réponse à la prière l'une de ces fortes sommes en vue de la construction projetée, il fut plongé dans un profond sentiment d'adoration, et s'étendant sur le sol, la face contre terre, il éclata en actions de grâce et en louanges, se consacrant à nouveau et tout entier au service du Seigneur.
CONVERSION
DE
LYDIA MÜLLER. - 29 avril 1846. -
Aujourd'hui, à Chippenham où nous
sommes pour le service du Seigneur, ma femme
bien-aimée et moi, nous avons eu l'immense
joie de recevoir de notre chère fille la
lettre ci-après, de sorte que nos
prières se transforment en actions de
grâce et en louanges :
« MES BIEN CHERS PAPA
ET
MAMAN,
Je suis extrêmement heureuse
que vous alliez mieux, et très
reconnaissante à Maman pour son gentil petit
billet. J'aurais voulu vous dire que j'avais
maintenant trouvé le bonheur ; puis je
ne l'ai pas fait pensant qu'il me serait plus
facile de l'écrire que de le dire. Je ne
puis préciser quand j'ai commencé
d'être heureuse en pensant à la mort
et à l'éternité... Dieu a fait
son oeuvre en moi très graduellement. Je
puis dire maintenant :
« Grâces soient rendues à
Dieu pour son don ineffable. » S'il
vous plaît, chers Papa et Maman, priez pour
moi afin que je ne déshonore pas le
Seigneur, afin que j'aie toujours plus de
reconnaissance pour le don de son Fils, et pour mes
chers Parents, ma chère Tante, mes chers
professeurs et pour tous les bons amis qui m'aiment
et prient pour moi.
« Avec tout l'amour de
votre petite fille bien affectionnée, je
reste, chers Papa et Maman, votre
« Lydia MÜLLER. »
Elle était si jeune, écrit G.
Müller, qu'il m'a semblé bon d'observer
un peu l'oeuvre qui s'accomplissait en elle.
À la fin de l'année, mes
collègues étant d'accord, elle fut
baptisée et admise à la communion.
Elle venait d'avoir quatorze ans. »
Dans
l'espace de treize mois, du 10 décembre 1845
au 25 janvier 1847 exactement, G. Müller
reçut neuf mille deux cent quatre-vingt-cinq
livres sterling, uniquement en réponse
à la prière (au pair 232.125
francs).
Le 5 juillet 1847, on
commença de construire. Les dons
affluèrent derechef. En juin 1849, les
constructions étaient achevées. Avant
cette date, G. Müller s'adonna à la
prière pour les dépenses
d'ameublement qui s'imposaient. Dieu
l'exauça et lui accorda au delà de ce
qu'il avait demandé.
Le 9 février 1849, il
écrivait : « Plus cette
pensée d'ameublement m'occupait, plus je me
rendais compte des sommes nécessaires. Or
aujourd'hui j'ai eu la visite d'un chrétien
qui m'a remis de la main à la main deux
mille livres sterling (cinquante mille francs) pour
que je les emploie comme je le jugerais le plus
utile. »
TROIS
CENTS
ENFANTS. - Le nouvel orphelinat avait
été construit pour cent quatre-vingts
filles, quatre-vingts garçons et
quatre-vingts enfants des deux sexes au-dessous de
six ans, au total trois cents orphelins au lieu des
cent vingt enfants qu'abritaient les maisons de
Wilson Street. À la date du 9 mars, nous
lisons dans le Journal de G.
Müller :
« Le Nouvel Orphelinat
est
presque prêt. Il faut penser au tissu
nécessaire pour vêtir les nouveaux.
J'ai donc commandé des milliers de
mètres d'étoffe et il en faudra des
milliers d'autres, pour ne rien dire des provisions
de toutes sortes auxquelles il faut penser. Je
viens de recevoir sept mille cinq cents francs qui
vont être affectés à ces
dépenses uniquement... Ce don a
été pour mon esprit comme une brise
rafraîchissante. En ce moment, alors que
commence la grande augmentation de dépenses
qu'entraîne l'adoption de
trois cents enfants au lieu de cent vingt, j'aime
à considérer cette somme comme un
gage venant de Dieu, une promesse qu'Il subviendra
encore à tous les
besoins. »
Que Dieu soit loué pour tous
ses bienfaits !
Jusqu'ici nous avons reçu
pour le Fonds de Construction quinze mille sept
cent quatre-vingt-quatre livres sterling, dix-huit
shellings, dix pence (au pair 394.623 fr.
50).
Au 31 mars, toutes dépenses
payées pour l'achat de la terre, les droits
d'enregistrement, la construction, l'ameublement,
l'acte de cession, il restait une encaisse de
dix-neuf mille cinq cents francs à peu
près.
Le 18 juin 1849, et les jours
suivants, un peu plus de douze ans après la
fondation de l'Oeuvre, rue Wilson, on
transféra successivement les orphelins dans
leur nouvelle Maison. Quelques mois
après leur nombre atteignait deux cent
soixante-quinze, avec le personnel enseignant et
les aides, les nouvelles constructions abritaient,
en mai 1850, trois cent huit personnes.
LA
MAISON DES ORPHELINS fut remise par M. Müller
entre les mains de onze administrateurs et l'acte
de cession enregistré. On décida
qu'on n'admettrait les visiteurs que le mercredi
après-midi. Il fallait effectivement une
heure et demie pour voir entièrement
l'Orphelinat d'Ashley Down.
Et
maintenant que voici réalisé le grand
projet, George Müller va probablement se
consacrer à l'Oeuvre existante, aux affaires
courantes de la Nouvelle Maison, à
l'éducation des jeunes, au service
d'intercession, et dans la mesure du possible, il
va se reposer ? Il n'en fut pas ainsi.
Jour
et
nuit il était comme poursuivi par la
pensée des déshérités,
des enfants sans soins, sans foyer, sans
éducation, sans Dieu. Le 5 décembre
1850, il écrivait :
« Il y a maintenant
trois
cents enfants au « Nouvel
Orphelinat », et un personnel de
trente-cinq personnes. J'ai beaucoup à
faire ; et comme je dois être ici une
bonne partie de la journée, je suis
constamment séparé de ma femme et de
ma fille, ce que je ressens très
douloureusement. Et cependant, je suis comme
poursuivi par la pensée de faire davantage
pour les Orphelins, et j'ai commencé de
prier à ce sujet... Que le Seigneur daigne
me montrer quelle est sa
volonté... ».
26 décembre. - Je n'ai pas
d'ambition personnelle en cette affaire. Ce que je
désire uniquement, c'est de faire la
volonté de Dieu. À cause de l'immense
paix qui habite en mon coeur, j'ai la certitude que
l'agrandissement auquel je songe ne procède
pas de pensées mauvaises qui auraient le moi
pour mobile... Toutefois, et pendant que
j'écris, je sens bien que je ne puis faire
autrement que soupirer après l'honneur et le
privilège d'être un instrument dont le
Maître voudra bien se servir encore
davantage. J'ai assez longtemps servi Satan pendant
les années d'autrefois, pour désirer
ardemment de servir Dieu de toute ma force pendant
les années de pèlerinage terrestre
qu'il me reste à vivre. Je viens d'avoir
quarante-cinq ans. Chaque jour enlève
quelque chose au nombre de ceux qu'il me reste
à passer ici-bas ; et je désire
intensément travailler... Il y a des
multitudes d'orphelins qui ont besoin de secours.
Un frère en Christ m'a dit avoir eu sous les
yeux un rapport officiel, établissant qu'il y
avait dans les
prisons
d'Angleterre six mille jeunes orphelins
(1).
Je désire ardemment que Dieu
m'emploie à apporter un remède
à cet état de choses, et à
empêcher que d'aussi jeunes enfants soient
obligés d'habiter en prison. Par dessus
tout, je veux qu'il soit manifeste aux yeux de tous
et toujours davantage, que notre Dieu entend et
exauce la prière... L'honneur de Dieu est
pour moi la chose principale en cette affaire. Si
je le glorifie mieux en m'abstenant d'agrandir
l'Oeuvre et d'aller de l'avant, j'abandonne toute
idée de recueillir un millier
d'orphelins.
« Certainement, ô
mon céleste Père, puisque par ton
Saint-Esprit tu m'as conduit en cet état de
joie parfaite, dans lequel je veux ce que tu veux,
tu ne permettras pas que ton enfant se laisse
égarer... Je m'attends à toi ;
je ne voudrais pas faire un seul pas en avant aussi longtemps
que tu ne le demanderas
pas. »
En janvier 1851, G. Müller
reçut un don de soixante-quinze mille
francs. D'autres suivirent, gros dons et petits
dons, qui ont pour la plupart une histoire
intéressante ou même touchante.
L'oeuvre se poursuivait avec les activités
diverses qu'elle entraînait (l'une d'elles
était le placement des orphelins) et Dieu
qui, en réponse à la prière,
avait nourri les cent vingt enfants des maisons de
la rue Wilson, subvenait maintenant aux besoins des
trois cents orphelins de la maison d'Ashley Down.
Dans le courant de l'année
1852, M. A.-N. Groves [beau-frère de G.
Müller, et dont l'exemple avait
été pour celui-ci en
bénédiction] rentra de Bagdad avec sa
famille pour la troisième fois. Il arrivait
à Bristol à l'automne, et cette fois,
très gravement malade.
MORT
DE M.
A.-N. GROVES. - 20 mai 1853. - Mon cher
beau-frère, malade depuis quelques mois
vient de s'endormir en Jésus. Il demeurait
avec nous et a rendu jusqu'à la fin, un
fidèle témoignage qui a
été en bénédiction
à plusieurs.
Juillet 1853. - MALADIE
DE
LYDIA
MÜLLER. - Il a plu au Seigneur
d'éprouver ma foi d'une manière que
j'ignorais jusqu'ici. Ma fille bien-aimée
est tombée malade le 20 juin. Il s'agissait
de la typhoïde. Le 8 juillet, notre
chère enfant était condamnée
par les docteurs. Le Seigneur nous a aidés
ma femme et moi à la lui remettre. Il nous a
soutenus. Mais je ne parlerai que de ce qui me
concerne. Bien que mon unique enfant, mon enfant
bien-aimée, fût aux portes du tombeau,
mon âme resta dans une paix parfaite, toute
prête à acquiescer à la
décision du Père Céleste, bien
assurée que cette décision serait
pour le plus grand bien de l'enfant et celui de ses
parents. L'état d'extrême
gravité continua jusqu'au 20 juillet, puis
une amélioration se produisit. Le 18
août, bien qu'elle fût très
faible encore, notre enfant était assez bien
pour supporter le voyage de Clevedon. Il y avait
cinquante cinq jours qu'elle était
tombée malade.
Durant ce temps d'affliction, de
très grande affliction, non seulement je fus
gardé dans un parfait repos d'esprit, au
sujet de l'épreuve elle-même, mais
aussi quant à la raison de
l'épreuve.
Précédemment, il
était arrivé que la main de Dieu s'appesantit sur
moi et
j'avais
compris alors tout de suite qu'il voulait, dans sa
sagesse et son amour, me guérir de
l'état de tiédeur dans lequel
j'étais tombé. Cette fois, je n'avais
pas du tout ce sentiment-là. Tout en avant
conscience de bien des faiblesses, de nombreux
manquements dans mon service, et d'erreurs, et bien
que je fusse prêt à m'écrier
avec l'apôtre Paul : Oh !
Misérable que je suis ! cependant je
savais qu'il n'y avait pas cette fois-ci une
répréhension du Seigneur, mais une
épreuve... Ma foi était mise à
l'épreuve.
On s'imagine
généralement que celle-ci n'est
éprouvée qu'à propos de
questions d'argent, bien que j'aie souvent en
l'occasion de déclarer qu'il n'en
était pas ainsi. Cette fois-ci, plus
particulièrement, le Seigneur
m'éprouvait dans ce que j'avais de plus cher
ici-bas : l'un de mes plus précieux
trésors, la plus précieuse de mes
possessions terrestres après ma femme
bien-aimée. Les parents savent ce qu'est un
enfant unique, un enfant bien-aimé, et plus
particulièrement ce qu'est, pour des parents
chrétiens, l'enfant qui craint et sert le
Seigneur. Et bien cette épreuve-là
m'atteignait, et le Père Céleste me
disait : « Es-tu prêt à
me donner ton enfant ? ». Et mon
coeur put répondre : « comme
il te semblera bon mon Père, que ta
volonté soit faite ». Mais comme
le coeur des parents étaient prêts
à lui remettre celle qu'il avait
donnée, lui aussi était prêt
à la laisser, et elle vécut. Fais
de l'Éternel tes délices et il te
donnera ce que ton coeur désire
(Psaume
XXXVII : 4). Or je
voulais par dessus tout ce que Dieu voulait, et ne
garder ma chère enfant que si la chose
était conforme à sa
volonté ; et le moyen de la garder
c'était justement de trouver la
volonté divine bonne, agréable et
parfaite, quelle qu'elle dût être.
De toutes les épreuves de la
foi que j'ai eu à traverser, celle-ci a
été la plus douloureuse ; et par
la grande bonté de Dieu, je le dis à
sa louange, je fus rendu capable de faire de sa
volonté mes délices... C'est pourquoi
mon coeur fut gardé en paix, une paix
parfaite, sans un seul moment
d'anxiété. C'est ainsi qu'il en
serait toujours pour le chrétien, si sa foi
en Dieu était agissante.
31 décembre 1853. - Cette
année, il a plu au Seigneur de me donner
quinze mille neuf cent soixante-quatre
francs.
LE SERVICE
DE CHRIST. - Quelques lecteurs diront
peut-être : Près de seize mille
francs ! Quelle somme ! Il n'y a pas un
pasteur sur cent qui touche cela ! ... Et je
leur répondrai que ma manière
d'obtenir ce qu'il me faut pour vivre est
évidemment la bonne. Mais si quelqu'un
désire entrer dans cette voie, qu'il le
fasse vraiment et ne se contente pas de le
dire. Quelques-uns disent se confier uniquement
en Dieu, mais saisissent toutes les occasions
directes ou indirectes d'exposer leurs besoins aux
autres pour les induire à offrir leur
concours ou leur secours. Je ne dis pas qu'il soit
mal de faire connaître ses besoins ;
mais je dis qu'il ne convient pas de les exposer
pour trouver de l'aide autour de soi quand on fait
profession de s'attendre uniquement à
Dieu... Si vraiment nous nous attendons à
lui uniquement, il nous suffit de demeurer avec lui
et de lui parler, à lui seul...
Quiconque se confie uniquement
en
Dieu doit vouloir être riche ou pauvre comme
le Seigneur le voudra. Il doit être
prêt à savoir ce que c'est que
d'être dans l'abondance et dans la
disette ; et à laisser ce monde sans y rien
posséder. Il doit être prêt
à recevoir de la manière qu'il plaira
à Dieu de lui donner : sommes infimes,
oboles, ou dons importants... Il doit être
prêt à se considérer comme
l'économe du Seigneur, et à partager
avec d'autres ce qu'il reçoit. Autrement, si
le serviteur se mettait à entasser, à
thésauriser ou à tout dépenser
pour lui, le Seigneur ne tarderait pas à
faire tarir les canaux utilisés pour
subvenir à ses besoins, en
influençant autrement les coeurs des
chrétiens qu'Il emploie pour ce
service.
Pour bien des raisons, je
pourrais
juger préférable de ne pas publier
chaque année le total des sommes
reçues, mais je le fais en n'ayant en vue
que la gloire de Dieu et parce que je trouve mes
délices à proclamer la bonté
du Maître que je sers. Ce que j'écris,
je l'écris pour le réconfort et
l'encouragement de mes compagnons de voyage, afin
qu'ils soient conduits à se confier toujours
davantage en Dieu...
28 mars 1855. - LETTRE
D'UN
ORPHELIN. - Nous
relevons
dans le
journal de M. Müller toute une liste de dons,
les uns fort importante. ; nous ne pouvons les
signaler tous, il s'en faut ! Mais voici,
à la date du 28 mars 1855, l'indication d'un
petit don et une lettre que nous tenons à
transcrire ici :
« Reçu
ce
jour douze
francs cinquante d'un Orphelin confié
autrefois à nos soins, et dont nous nous
sommes longtemps occupés. Il est aujourd'hui
domestique. Le don est accompagné de cette
lettre.
CHER MONSIEUR,
Voulez-vous accepter cette obole de la part de
quelqu'un qui pense souvent à vous et aux
vôtres avec
reconnaissance. C'est vraiment bien peu de
chose ! Je regrette de ne pouvoir donner plus
pour votre si noble entreprise, Cela sera peut
être assez pour l'une des pierres d'angle du
nouvel édifice que vous pensez faire
élever ? J'aimerais travailler pour le
Seigneur dans ce nouveau Foyer qu'on va construire,
si la chose est selon sa volonté, et amener
beaucoup de jeunes orphelins à la
connaissance de Jésus. C'est dans la Maison
de Wilson Street, en 1846, que pour la
première fois la lumière de la vie
pénétra dans les
ténèbres de mon âme ignorante.
C'est là que pour la première fois,
j'appris à appeler Dieu, mon Père.
Aussi je ne puis autrement qu'aimer
l'Orphelinat ; non seulement parce que c'est
là qu'on s'est occupé de mes besoins
matériels, mais parce que c'est là
que je suis né à la vie spirituelle.
Que le Seigneur vous récompense, cher
Monsieur, pour tout ce que vous avez fait pour moi.
Je sais qu'il le fera...
Veuillez me croire, cher
Monsieur,
votre bien respectueusement... »
X...
C'est à cette époque que George
Müller s'occupa de chercher un terrain pour
les Nouvelles Maisons qu'il avait pris la
résolution d'élever. Ne pouvant
acheter l'emplacement qu'il considérait
comme le plus favorable, il lui sembla qu'il
pourrait faire construire sur le terrain même
qu'il possédait déjà ; ce qui
fut décidé après examen du
terrain et consultation avec des architectes. Il
vit alors qu'en plus de l'économie
réalisée, ce plan avait de grands
avantages qui rendraient la direction et la
surveillance plus faciles.
31 décembre 1855. - Durant
l'année écoulée, il a plu au
Seigneur de me donner dix-huit cent trente-cinq
francs vingt-cinq.
Voici vingt-cinq ans que j'ai
réglé ma vie d'après les
principes exposés dans le
Récit ; il ne s'agit donc pas de
l'expérience d'une semaine, d'un mois, d'un
an ; et voyez ce que le Seigneur a fait pour
moi !
LA SECONDE MAISON. - Janvier
1856. -
En mai 1853, G. Müller avait
déjà trois cent quinze mille francs
pour l'érection d'une nouvelle Maison
d'orphelins ; mais il estimait qu'il lui en
fallait le double avant de commencer à
bâtir. En janvier 1856, des amis
chrétiens s'engagèrent à
verser solidairement cent quarante-deux mille
francs... M. Müller avait reçu huit
cents demandes d'admission auxquelles il n'avait pu
répondre favorablement. Il décida
donc de faire commencer les travaux de la SECONDE
MAISON. Les dons en argent et en nature soutenaient
et encourageaient sa foi. À cette
époque, il reçut en une seule fois
cent mille francs. Un ami s'engagea à faire
poser à ses frais les vitres des trois cents
grandes fenêtres. « Or,
écrit George Müller, il se trouve que
cette fois, la dépense n'avait pas
été comprise dans le contrat comme
pour la première Maison. » Les
gros travaux toujours à leur terme, et on
s'occupait de l'aménagement intérieur
de ce que le langage moderne nommerait :
« le Palais des Orphelins ».
Certain jour que M. Müller rentrait chez lui
après avoir vérifié les
installations de gaz et les cent cinquante
brûleurs, il trouva en arrivant un
chèque de vingt-cinq mille francs avec cette
note : « Il me semble bon et
avantageux de placer cette somme sur les
orphelinats... ».
12 octobre 1856. - UNE TENTATION.
-
J'ai
reçu aujourd'hui un chèque de deux
mille cinq cents que le donateur désire me
voir placer. Dans sa pensée, ce don doit
commencer un fond destiné à mes
besoins et à ceux des miens lorsque la
vieillesse sera là. Cette proposition, si
pleine de bonté, si bienveillante, m'est
cependant apparue comme une subtile tentation,
destinée à me faire sortir de la voie
que je me suis tracée
depuis vingt-six ans, et à me faire
délaisser les principes directeurs de ma vie
et de l'Oeuvre des Orphelinats. Je donne
ci-après la lettre en question et ma
réponse, pensant que ceci pourra avoir
quelque utilité pour le lecteur.
« Cher Monsieur,
j'admire
les services que vous rendez à la cause des
Orphelins et à l'humanité en
général, c'est pourquoi je crois
qu'il est juste de penser à vous. J'envoie
donc deux mille cinq cents francs pour vous et les
vôtres. Dans ma pensée, c'est
là le commencement d'un fonds que bien
d'autres personnes augmenteront de leurs dons.
J'espère que vous voudrez bien tenir compte
du désir que j'exprime.
« Que Dieu daigne
continuer de vous bénir, vous et vos
travaux, comme il l'a fait jusqu'à
maintenant... »
Par la grâce de Dieu, je n'ai
pas eu un instant d'hésitation sur ce que
j'avais à faire. Tout en appréciant
la grande bonté du donateur, je vis
là une tentation permise par Dieu, une
sollicitation à me confier en quelque chose,
au lieu de regarder à lui seul. Je
répondis donc comme suit :
Mon cher Monsieur, je me hâte
de vous accuser réception de votre aimable
communication que j'ai bien reçue, ainsi que
le chèque qui l'accompagnait.
Je n'ai rien, non plus que ma
chère femme ; depuis vingt-six ans j'ai
renoncé au traitement de pasteur, et je ne
touche rien de ce chef, non plus que comme
directeur des Orphelinats et autres Oeuvres de
notre Institut biblique. Quand j'ai besoin de quoi
que ce soit, je m'agenouille devant Dieu et lui
demande qu'il lui plaise de me l'accorder ;
alors il met au coeur de quelqu'un de ses enfants
de me le donner. C'est ainsi que depuis vingt-six
ans, il a subvenu à tous mes besoins, et je puis
dire
à sa louange que je n'ai jamais
manqué de rien. Ma chère femme et ma
chère fille sont tout à fait d'accord
avec moi sur cette façon de vivre...
Je n'ai jamais cru devoir mettre
quoi que ce soit de côté pour moi,
pour ma chère femme ou ma fille, si ce n'est
de cette manière : quand je suis en
contact avec quelque veuve âgée et
pauvre, quelque personne malade, quelque enfant
sans secours, je les ai aidés de tout mon
pouvoir, dépensant sans compter sur ce que
Dieu me donnait, pleinement persuadé que si
jamais j'étais dans le besoin, ou ma femme
ou ma fille, le Seigneur rendrait largement ce que
nous lui avions prêté, puisque
quiconque donne au pauvre, prête à
Dieu.
Je ne puis donc accepter la
somme
que vous m'offrez pour le commencement d'un Fonds
en vue de l'avenir. Tout ce qu'on veut bien
m'envoyer pour moi personnellement, ou ma famille,
ou les Orphelinats, je l'accepte avec
reconnaissance ; mais je craindrais de
déplaire à Dieu qui m'a si
généreusement donné mon pain
quotidien jusqu'ici, en constituant une
épargne pour l'avenir. Je tiens donc le
chèque à votre disposition... Croyez,
cher Monsieur, que je suis touché de votre
bonté à mon endroit et je demande
à Dieu qu'il lui plaise de vous
récompenser au point de vue temporel et
spirituel... »
Deux jours après je recevais
une réponse de mon correspondant, il donnait
la somme pour les orphelins. Le lendemain je
recevais un autre chèque de deux mille cinq
cents francs du même donateur pour les
orphelins, enfin quatre jours après une
somme identique, avec la même destination.
« GOÛTEZ ET
VOYEZ
COMBIEN L'ÉTERNEL EST BON ». Décembre
1856. - À la fin de
l'année 1855, j'ai dit que le Seigneur avait
pourvu à tous mes besoins avec munificence.
Je l'ai dit, en toute dépendance de Dieu et
pour le glorifier. Je n'ai pas été
sans penser qu'en lisant le chiffre de la somme
mise à ma disposition, quelques chers amis
chrétiens qui jusqu'ici se sont
intéressés à mes affaires
temporelles, penseraient que leur dons
étaient désormais superflus puisque
j'avais une telle abondance... Malgré cela
j'ai voulu publier à la gloire de Dieu ce
qu'avaient été ses dispensations
à mon endroit, sans m'occuper de mes
intérêts temporels et des
répercussions que cela pourrait avoir pour
moi.
Et quel a été le
résultat ? - Quelques-uns de mes amis
chrétiens se sont dit effectivement :
« M. Müller est si largement pourvu
qu'il n'est plus nécessaire que nous
pensions à lui ». Et qu'a fait le
Seigneur ? Il savait lui, que je me
considérais uniquement comme
l'économe de l'abondance qu'il m'envoyait,
que je ne mettais rien de côté, et
considérais comme un honneur de
dépenser pour lui, ce qu'il me confiait, de
sorte que si certains se sont tenus à
l'écart à cause de mon abondance, lui
au contraire a honoré de plus en plus la foi
que j'ai mise en lui et les principes auxquels
j'obéis en me considérant comme son
économe. Au lieu d'avoir moins, j'ai eu
davantage. Le mois qui suivit la publication du Récit, j'ai
reçu plus d'argent
que je n'en avais encore jamais eu en aucun
mois ; depuis, le fleuve de l'abondance n'a
cessé de couler pour moi. Et lorsque j'ai
établi mes comptes, il s'est trouvé
que j'avais reçu sept cent quatre-vint-une
livres sterling sept pence (soit au pair :
14.525 fr. 70).
Ainsi, le pauvre étranger qui
n'avait que cent vingt-cinq
francs en poche, quand il commença de
travailler pour Dieu en ce pays, a reçu au
cours de l'année, qui vient de finir, cette
très forte somme en réponse à
la prière... 0 goûtez et voyez combien
l'Éternel est bon : heureux l'homme qui
se confie en lui
(Psaume
XXXIV : 8).
SEMAILLES
ET
MOISSON. - 21 février 1857.
J'ai reçu la lettre dont je donne la teneur
ci-après :
« CHER ET BIEN-AIMÉ MONSIEUR,
Ci-inclus deux cent cinquante francs ( Le fruit
d'une graine semée »). Veuillez
les attribuer aux orphelins, à moins que
vous n'en ayez encore besoin pour la construction.
En ce cas, la moitié pour chaque objet.
L'année dernière, dans ma très
humble situation, j'ai consacré au Seigneur
une certaine partie de mon revenu annuel :
deux cent cinquante francs, et je vous les ai
envoyés par anticipation ; le
résultat, c'est que j'ai cette année
presque deux mille cinq cents francs à
consacrer au service du
Seigneur. »
Cher lecteur, accorde quelques
instants d'attention à cette lettre.
L'expéditeur dit que les deux cent cinquante
francs sont le fruit d'une graine semée.
Souviens-toi qu'il y a dans ce domaine des
semailles et des moissons selon que le dit
l'apôtre Paul : « Sache-le,
celui qui sème peu moissonnera
peu... » (Lire tout le passage Il Cor.
IX : 6-12). L'enseignement des jeunes, les
visites de maison en maison pour faire du bien au
point de vue temporel ou spirituel, donner aux
pauvres de l'argent, du pain, des vêtements,
etc..., employer son argent d'une manière
qui honore et glorifie Dieu, tout cela,
d'après ce passage, c'est semer.
Et la récompense que donne le
Seigneur à celui qui sème pour ce
temps et l'éternité se nomme la
moisson. Généralement le temps de la
moisson commence plus ou moins dès
ici-bas ; celle-ci donne souvent le dix et
même le cent pour cent, car le Seigneur nous
rend avec munificence, même dans les choses
de cette vie, en suscitant des amis et en mettant
sa bénédiction sur notre
activité terrestre. Mais supposons que la
moisson n'ait pas lieu ici-bas ; elle se fera
certainement dans le monde à venir.
LE DOCUMENT QUE RÉDIGEA
M. COBB. - L'histoire de ce que fit M. Cobb, un
marchand de Boston, est très
instructive ; elle illustre ce que je viens
d'écrire. À l'âge de
vingt-trois ans, il rédigea et signa ce
document :
« Par la grâce de
Dieu, je ne posséderai jamais plus de
cinquante mille dollars ;
« Avec le secours de sa
grâce, je donnerai le quart de mes
bénéfices nets pour les oeuvres
religieuses et charitables,
« Si jamais je
possède vingt mille dollars, je donnerai la
moitié de mes bénéfices
nets ;
« Si j'arrive à
trente mille dollars, je donnerai les trois quarts
de mes bénéfices nets, et le tout
au-dessus de cinquante mille dollars. Veuille donc
m'aider, ô Dieu ! Ou bien donne à
un économe plus fidèle et laisse-moi
de côté. »
M. Cobb resta fidèle à
cet engagement. Il ne cessa d'augmenter ses
contributions aux diverses oeuvres à mesure
que ses affaires prospéraient jusqu'à
ce qu'il eût atteint la somme qu'il
s'était fixée comme maximum de
fortune, alors il donna tous ses
bénéfices.
S'apercevant un jour que sa
fortune
atteignait cinquante-sept mille dollars cinq cents,
il s'empressa de consacrer à Dieu le
surplus.
À l'heure de la mort, M. Cobb
disait à un ami en faisant allusion à
cette résolution du temps de sa
jeunesse : « Je n'ai jamais
gardé rien de plus ! Par la grâce
de Dieu qui m'a aidé à tenir ferme,
j'ai pu donner ainsi plus de quarante mille
dollars. Il s'est montré plein de
bonté envers moi ! ... » Et
un peu plus tard : « Qu'il est beau
de mourir ! (glorious). J'ai connu les temps
d'activité, j'ai connu bien des jouissances
ici-bas. Dieu m'a grandement béni !
Tout, semble-t-il, devrait me retenir. Je suis
heureux au sein de ma famille. J'ai des biens de ce
monde en suffisance. Mais sur un lit de maladie,
que ce monde paraît donc petit et mesquin ~
Rien ne peut égaler la joie que
j'éprouve à savoir le ciel tout
proche. Mon espérance en Christ
dépasse infiniment comme valeur toutes les
choses d'ici-bas. Le sang de Christ ! le
sang de Christ ! Rien que Christ ! Mon
coeur déborde de reconnaissance envers Dieu
de ce que, bien que je sois pécheur, je puis
grâce à son Fils bien-aimé
saluer avec joie le monde à venir
(2). »
12 octobre 1857. - J'ai appris aujourd'hui la conversion d'un gentleman pour qui je prie quotidiennement depuis novembre 1844 : il y a donc douze ans et onze mois ! Seuls ceux qui ont longtemps attendu quelque exaucement du Seigneur peuvent comprendre l'immensité de ma joie.
OUVERTURE
DE
LA DEUXIÈME MAISON. - 12 novembre
1857. - Le jour si longtemps attendu et pour
lequel j'ai si longtemps prié est enfin
arrivé. Le désir de mon coeur m'est
accordé, et je puis ouvrir la seconde
Maison, celle-ci est faite pour recevoir quatre
cents orphelins... J'avais aussi prié Dieu
que, dans sa bonne Providence, il voulut bien par
son Saint-Esprit préparer les aides
nécessaires ; et quand la Maison fut
prête, eux aussi étaient prêts,
sans que j'eusse recouru à la voie des
annonces. Ainsi je recueille la précieuse récolte
des milliers de prières que j'ai fait monter
vers Dieu.
Tous frais payés, il restait
entre les mains de M. Müller cinquante-sept
mille francs qu'il mit de côté en vue
de l'érection de la troisième
Maison ; car il désirait pouvoir
recueillir mille orphelins. Dès le
commencement de l'année suivante, il
recevait une somme de trois mille livres sterling
(soixante-quinze mille francs). D'autres dons
suivirent et il s'occupa de l'achat d'un terrain,
pensant qu'il était préférable
de ne pas construire à nouveau sur la
propriété où
s'élevaient les deux Maisons, comme il
l'avait d'abord projeté. En septembre, il
fit l'acquisition d'une pièce de terre
à côté des Orphelinats, ce qui
était essentiel. Les demandes d'admission
dépassant toujours les places vacantes, M.
Müller, après avoir consulté les
architectes, décida qu'on construirait en
vue de recevoir quatre cent cinquante enfants. Ceci
donnerait un total de places de mille cent
cinquante, au lieu des mille qu'il pensait recevoir
à l'origine.
L'armée des malheureux
enfants destitués de tout, écrit
Müller, l'immensité des
bénédictions de Dieu, le sentiment
profond que je ne puis vivre qu'une vie ici-bas
pour le Seigneur, et une vie si brève !
ceci surtout m'a décidé à
prendre cent cinquante orphelins de plus que je
n'avais résolu, bien que cette augmentation
doive entraîner un surplus de dépense
d'au moins quarante-cinq mille francs par
an.
On commença de bâtir le
17 juillet 1859. Il y eut certaines lenteurs
d'exécution, provenant d'une
difficulté rencontrée par l'un des
entrepreneurs. Le 12 mars 1862, la Maison
était enfin ouverte : il y avait une
encaisse de deux cent cinquante mille francs pour
les dépenses courantes.
Mais les demandes d'admission d'orphelins se multipliaient, en même temps que Dieu, subvenait à tous les besoins et faisait reposer ses plus riches bénédictions sur l'oeuvre de foi et d'amour de son serviteur ; aussi celui-ci continua-t-il de regarder en avant. De nouvelles constructions se précisèrent en sa pensée qui furent élevées an cours des années suivantes, et le 6 janvier 1870, lorsque furent terminées les quatrième et cinquième maisons, les Orphelinats d'Ashley Down pouvaient abriter deux mille orphelins et tout le personnel nécessité par ce nombre d'enfants.
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