Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE X

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AUTREFOIS ET AUJOURD'HUI. - TEMPS DE PAUVRETÉ. - UNE DÉLIVRANCE. -
NOUVEAU DÉPART POUR L'ALLEMAGNE. -
LES DERNIERS ADIEUX DE G. MÜLLER À SON PÈRE. RÉUNION DE « FRÈRES » CHEZ UN TISSERAND. -
NOTRE TRÈS PRÉCIEUX SECRET. -
CEUX QUI S'ATTENDENT À L'ÉTERNEL. -
JÉHOVA-JIRÉ. -
À NAILSWORTH. -
L'ASSURANCE DU PARDON DES PÉCHÉS. -
TOUJOURS JOYEUX. -
SUPPRESSION DES TRONCS POUR LES SUBSIDES AUX PASTEURS. -
BÉNÉDICTIONS QU'ENTRAÎNE LA VIE DE LA FOI. -
PAUVRETÉ. -
DIEU PEUT-IL OUBLIER ? -
« ENVOYÉ » -
QU'IL VAUT LA PEINE D'ÊTRE PAUVRE.




DANS, ce travail qui est nécessairement un résumé de la vie de George Müller, il nous est impossible de suivre celui-ci semaine après semaine, mois après mois ; de signaler tous les exaucements, toutes les délivrances de ce chemin de la foi où il marchait d'un pas résolu, les yeux uniquement fixés sur Dieu et sur ses promesses. Depuis que Dieu « l'avait saisi », pour employer l'expression du prophète, George Müller n'avait plus qu'une ambition : glorifier l'Éternel et manifester qu'Il est toujours le Dieu vivant qui entend la prière. Mais cette sainte ambition devait avoir comme corollaire une vie complètement vécue dans la communion du Père céleste, en la présence de celui dont les yeux sont trop purs pour voir le mai. Effectivement, pour que Dieu répondit à tout instant à son enfant, il ne fallait pas que le péché s'immisçât, qu'aucun nuage ou qu'aucune barrière s'élevassent qui eussent à coup sûr empêché l'exaucement. Aussi voyons-nous de plus en plus chez George Müller, cette constante recherche de la volonté de Dieu, et cette résolution d'obéissance absolue, dans la mesure qu'il discerne ce que Dieu veut. Loin des chemins battus, des habitudes prises, des conseils de la prudence, des doctrines qui ont cours, des règles et des méthodes admises par les Sociétés de Mission ou d'Évangélisation... - Que dit Dieu ? Que révèle-t-il dans sa Parole ? - Pour lui tout est là.
Et nous voyons cet homme qui autrefois, dans les sentiers du monde, avait poursuivi avec opiniâtreté l'accomplissement de sa volonté propre, poursuivre maintenant avec non moins d'énergie, mais dans l'humilité, le sentier de l'obéissance et de la foi ; celui de la Volonté de Dieu.

Autrefois, il avait chéri l'indépendance, ignoré les scrupules, choisi sa route, dilapidé son argent et celui des autres, méprisé toute autre loi que celle de son bon plaisir. Aujourd'hui il a les yeux fixés sur Jésus-Christ. Jésus est son but, sa loi, son mobile, sa force, son tout. Comme l'apôtre Paul, il aurait pu dire s'il ne l'a pas fait : George Müller, « esclave de Jésus-Christ ». Autrefois, il était fort, indépendant ; aujourd'hui, il est faible et dépendant il n'oserait faire un seul pas de son propre motivement il est pauvre, et cependant il possède toutes choses. Aujourd'hui, sa conscience est devenue si délicate qu'il n'accepte pas toujours l'argent qu'on veut lui donner, lui, qui autrefois, puisait sans scrupules dans la bourse des autres. 0 merveilles de l'Amour rédempteur ! Fruits merveilleux de la Vie du Cep qui se communique au sarment !

C'est ainsi qu'au service de fin d'année du 31 décembre 1839, il avait reçu d'une dame une certaine somme pour les orphelins. Mais se rappelant tout aussitôt que la donatrice avait des dettes non encore payées, malgré toutes les réclamations des créanciers, il prit la résolution de rendre ce qu'elle donnait, puisque personne n'a le droit de disposer de ce qui est dû. « Et je le fis, dit-il, tout en sachant qu'il n'y avait pas assez dans la caisse des orphelinats pour faire face aux dépenses du 11 janvier ».

Les années de complète dépendance de Dieu, cette existence qui attendait tout de lui, avaient nécessairement développé la vie de prière, la foi, la communion avec le Seigneur. D'aucuns s'imaginaient volontiers que les difficultés de toutes sortes, l'anxiété, les soucis faisaient peser sur George Müller un accablant fardeau. C'est ainsi que certain jour, sous le toit d'un ami qui avait réuni quelques frères, une dame chrétienne lui dit « qu'elle pensait souvent à la lourde charge que l'oeuvre des orphelinats faisait peser sur ses épaules ». George Müller note cette réflexion dans son « Journal » puis il ajoute sa réponse :

« Comme il est possible, écrit-il, que d'autres personnes partagent cette façon de voir, je tiens à dire ici que, par la grâce de Dieu, il n'en est rien, et que je n'ai aucune espèce d'inquiétude ni de souci. Les enfants, je les ai remis à Dieu dès longtemps. Quant à l'Oeuvre, c'est la sienne ; il convient donc que j'aie confiance et sois sans crainte. Si en bien des choses je ne suis pas ce que je devrais être, en cette affaire du moins , et avec le secours de sa Grâce, je puis déposer aux pieds du Père Céleste tout ce qui pourrait devenir un fardeau ou un sujet de souci. »

C'est cette foi toujours agissante, toujours vivante, qui lui faisait accepter des orphelins aussi longtemps qu'il y avait de la place, même quand la caisse était vide. C'est elle qui lui fit envisager la possibilité d'ouvrir un quatrième orphelinat quand les nombreuses demandes auxquelles on ne pouvait donner satisfaction, en firent sentir la nécessité. C'est elle qui l'amena à ouvrir ce quatrième asile, et à accepter les dépenses que cet agrandissement de l'oeuvre entraînerait. C'est par elle qu'il faisait descendre ici-bas, d'auprès du Trône des Miséricordes, tout ce qui était nécessaire à la subsistance et à l'entretien des orphelins et de ceux qui s'occupaient d'eux.

C'est à cause de cette foi toujours puissante, toujours en éveil que le quatrième orphelinat fut ouvert, malgré la longue période de pauvreté que l'Oeuvre venait de traverser. Si la foi de George Müller et de ses collaborateurs ne s'était pas développée, fortifiée, élevée pendant la période difficile qui la mit à l'épreuve, jamais plus on n'aurait ouvert de nouvelles « Maisons », ni rien ajouté à l'oeuvre existante. Bien plutôt on aurait envisagé la possibilité des restrictions.

Mais retournons à l'Autobiographie, pour y noter rapidement les faits saillants qui nous permettent de suivre la vie de Müller, en même temps que son développement spirituel et les phases successives de l'Oeuvre qu'il fonda ; monument élevé par sa foi Au DIEU QUI ENTEND LA PRIÈRE.


NOUVEAU VOYAGE EN ALLEMAGNE.
- 25 janvier 1840. - J'ai beaucoup prié cette semaine au sujet d'un nouveau voyage dans mon pays : 1° il s'agit de rencontrer les frères qui offrent de partir pour l'Inde comme missionnaires ; 2° ceci me permettra de revoir mon père ; 3° ma santé laisse beaucoup à désirer en ce moment, et il semble préférable que je quitte Bristol. Je pourrais ainsi me reposer, sans cesser de travailler pour Dieu. « Seigneur garde-moi d'errer en cette affaire ! »

3 février. - J'ai maintenant la certitude que je dois quitter Bristol et aller en Allemagne. Je pars demain.


DERNIÈRE RENCONTRE AVEC M. MÜLLER PÈRE.
- Après un séjour à Berlin, George Müller partit pour Heimerslebein. Il trouva son père très affaibli et toussant beaucoup, et il eut le pressentiment que c'était la dernière rencontre qu'il avait avec lui ici-bas. Il occupa chez son père les deux mêmes chambres qu'il avait habitées autrefois, alors qu'il vivait sans Christ. Cette fois, le temps qu'il y passa fut surtout consacré à la prière, à l'étude de la Parole de Dieu et à confesser le nom de Jésus.

« J'ai eu à nouveau l'occasion d'exposer l'oeuvre du salut devant mon père, en parlant longuement avec une visiteuse, écrit-il dans son journal. J'ai montré, d'après les Écritures, que ce ne sont pas les oeuvres qui nous sauvent, mais la seule foi au Seigneur Jésus, lequel a porté la peine de nos péchés et accompli la loi à notre place. Mon père pouvait suivre toute la conversation de la place où il se trouvait.

« Je l'ai quitté le 26 février. C'est un grand privilège pour moi d'avoir encore pu le voir, lui témoigner mon amour filial et mon respect, annoncer la vérité à ses côtés. Quant à lui, il s'est montré plein d'affection et d'attentions à mon égard, comme il l'avait déjà fait lors des précédentes rencontres. J'aurais eu le coeur moins gros en le quittant ce matin si j'avais eu la certitude qu'il se reposait uniquement sur Christ. Mais hélas ! je sais qu'il n'en est pas ainsi, bien qu'il soit religieux et lise la Bible. »

Après avoir quitté son père, George Müller se rendit à Sandersleben pour y rencontrer quelques frères. Comme les lois de cette époque interdisaient les réunions privées, celles-ci se tenaient en secret et dans les endroits les plus divers pour éviter toute surprise. Les frères risquaient effectivement, soit une très lourde amende qui dépassait leurs moyens, soit l'emprisonnement. Cette fois c'était chez un pauvre tisserand qu'on se réunissait. On offrit à G. Müller le seul siège de la chambre. Les autres personnes, une trentaine, s'étaient casées dans le métier ou autour ; le métier tenait à lui seul la moitié de cette petite pièce.

Ces instants de réunion furent très précieux, écrit G. Müller, et je crois que Dieu fit reposer sur nous une double bénédiction. J'ai parlé aussi longtemps que je l'ai pu, et mes chers auditeurs semblaient boire la Parole de Dieu. Si je note ces faits, c'est afin que les enfants de Dieu en Angleterre apprécient comme il convient leurs très grands privilèges, et qu'ils sachent en profiter pendant qu'ils les possèdent (1)...

9 mars. - Je suis rentré en paix à Bristol. J'y ai retrouvé ma bien chère femme en bonne santé, et toutes choses avaient bien marché pendant mon absence. Dieu a abondamment béni le voyageur et ceux qui étaient restés.

26 mars. - J'ai reçu il y a quelque temps d'un frère qui nous a souvent aidés dans le passé la lettre suivante : « J'ai une petite somme d'argent venant de... En avez-vous besoin maintenant pour votre établissement ? Je sais que vous ne demandez rien qu'à Celui dont vous faites l'oeuvre ; mais répondre à quiconque demande, ce n'est pas la même chose, et c'est même une chose juste. J'ai des raisons pour désirer ce renseignement ; car si vous n'aviez pas besoin de la somme susdite, je pourrais l'affecter à quelque autre branche de l'oeuvre du Seigneur, ou à d'autres serviteurs de Dieu à qui elle est peut-être nécessaire ? Avez donc la bonté de me dire combien il vous faut, c'est-à-dire la somme nécessaire pour maintenant ou pour toute autre dépense prévue. »

En vérité, au moment de la réception de cette lettre nous avions grand besoin d'argent :

1° pour l'école maternelle qui allait être ouverte ;
2° pour l'achat de Bibles ;
3° pour les Orphelinats, dont l'encaisse n'était que de deux francs quatre-vingt-cinq à ce moment-là ! Mais puisque le but de l'Oeuvre, c'était justement de fortifier la foi des saints et de les amener à vivre dans une plus grande dépendance de Dieu, il me sembla ne pouvoir répondre à la question posée sans nuire au but que je poursuivais, et j'écrivis donc comme suit : « Tout en vous, remerciant pour la marque d'amour chrétien que vous me donnez, et bien que je reconnaisse la différence qu'il y a entre demander de l'argent, on répondre à une question au sujet de l'Oeuvre cependant je ne me sens pas libre de vous donner le renseignement demandé puisque le premier objet de l'Oeuvre des Orphelins, c'est justement d'amener les faibles en la foi à constater que ce n'est pas en vain qu'on s'adresse à Dieu seul, et qu'on place en Lui seul son attente... »

Ma réponse une fois expédiée, je me sentis pressé à plusieurs reprises de faire monter vers Dieu cette prière : « Seigneur, tu sais que c'est par amour pour toi que je n'ai pas dit à ce frère nos besoins. Et maintenant Seigneur, montre que ce n'est pas en vain que nous nous adressons uniquement à toi, et parle à ce frère pour qu'il nous vienne en aide ». Aujourd'hui en réponse à ma requête, il nous a envoyé deux mille cinq cents francs.

7 avril. Reçu ce soir la nouvelle que mon père était mort le 30 mars. C'est mon jeune demi-frère qui me l'écrit. Son état a empiré quelques jours après mon départ. Dieu est bon de m'avoir permis de le revoir... Je ne sais pas comment il est mort ; je ne sais pas s'il s'est endormi dans la foi ?... À aucune époque je n'avais prié avec plus d'intensité et aussi fréquemment pour la conversion de mon cher père que durant la dernière année de sa vie. Il n'a pas plu au Seigneur de me laisser voir l'exaucement.

4 mai. - Depuis le 1er avril, quarante et une personnes sont venues nous trouver pour nous parler de leurs âmes. Que le Seigneur suscite des aides dans son oeuvre. En vérité la moisson est grande.

6 mai. - Il y a en ce moment quatre chrétiens sous mon toit ; et je n'avais plus que quelques francs. J'ai donc demandé à Dieu le nécessaire, il m'a envoyé cent vingt-cinq francs.

22 juin. - Demain D. V., nous nous proposons ma femme et moi d'accompagner jusqu'à Liverpool, les huit missionnaires qui partent pour l'Inde : cinq soeurs et trois frères allemands... Le soir, réunion de prière spéciale à l'occasion de ce départ. Nous avons très particulièrement remis à Dieu les partants.

23 juin. - Nous avons quitté Bristol ce matin et sommes arrivés à Liverpool le même soir.

2 juillet. - J'ai accompagné mes frères et soeurs jusqu'au vaisseau. Au moment de monter à bord, l'un des frères m'a remis cent soixante-deux francs cinquante pour les orphelinats. Il avait vendu son argenterie à Bristol parce qu'il avait pensé qu'un serviteur du Maître qui veut prêcher Christ à de pauvres hindous n'en a pas besoin. Il s'était acheté des livres et me donnait le surplus. « La somme que nous avons en commun, mes frères et moi, pour le voyage nous suffit, dit-il ; durant les mois de la traversée nous n'aurons besoin de rien, et cet argent peut vous être utile. Si nous manquons de quelque chose, le Seigneur y pourvoira. Mes compagnons de voyage n'ont pas d'argent de poche et je désire être comme eux. Le Seigneur a très particulièrement placé l'oeuvre des Orphelinats sur mon coeur, ainsi vous ne pouvez refuser d'accepter. » Ce frère ignorait que j'avais à plusieurs reprises demandé à Dieu des subsides pour les orphelins. De quelle façon remarquable le Seigneur m'exauçait en se servant de lui ! En partance pour l'Inde, il donnait tout ce qui lui restait, s'attendant uniquement au Seigneur pour ses besoins temporels. J'ai immédiatement envoyé cent vingt-cinq francs à Bristol.

4 juillet. - Ce matin, j'ai reçu de Bristol la lettre dont je donne ci-après copie :

Mon cher Frère,
Après les derniers comptes que je vous ai envoyés nous étions extrêmement pauvres. Nous avions assez pour le présent, mais l'argent manquait pour l'achat de pain. L'après-midi, quelqu'un nous a envoyé un habit de cheval pour que nous le vendions au profit de I'Oeuvre, J'en ai eu dix francs soixante-quinze ; j'ai aussi vendu quelques livres dont ou m'a donné six francs vingt-cinq, deux vieux dés d'argent et une bague pour un franc quatre-vingt-cinq. Le total nous a permis d'acheter le déjeuner pour les trois maisons. À midi, nous nous sommes réunis pour prier. Nous avions le plus grand besoin de fonds. Il fallait du pain, du lait, la provision de charbon des trois maisons est épuisé et d'autres stocks sont aussi bien près de l'être. En réalité jusque-là nous n'avions manqué de rien, mais il ne nous restait presque plus rien. Or, tandis que nous priions, votre lettre est arrivée.
L'une des soeurs est allée à la porte, et on la lui a remise ; la réunion terminée, on me l'a donnée. Vous comprendrez notre joie en l'ouvrant et en découvrant le contenu ; je ne puis dire tout ce que j'ai ressenti...
L'argent est très précieux pour ceux qui, comme nous, voient derrière le don, LA PENSÉE ET LE COEUR du Père céleste...
Votre frère affectionné,

R. B.


29 août. - Pour les autres branches d'activité aussi, nous sommes très pauvres. Nos principales rentrées proviennent de la vente des Bibles. Samedi dernier je n'ai pas pu payer tous les salaires de nos aides dans les écoles de semaine ; toutefois je ne suis pas leur débiteur, puisqu'il est entendu qu'ils doivent s'attendre au Seigneur pour leurs traitements. J'ai vu là une indication à leur dire notre situation, comme je l'ai fait pour le personnel des Orphelinats, afin qu'eux aussi puissent prendre part à l'épreuve de la foi, comme aux joies de la foi. Je les ai donc réunis et leur ai parlé. Puis après avoir placé sur leur conscience la nécessité du silence à cause du Seigneur, et l'importance qu'il y avait à ce qu'ils gardassent secret l'état de nos finances, nous avons prié ensemble.


NOTRE TRÈS PRÉCIEUX SECRET.
- 8 septembre. - Comme le Seigneur est bon d'avoir dispensé toutes choses de telle façon que j'ai été amené à exposer la situation aux aides des Écoles qui partagent aujourd'hui nos joies comme aussi les épreuves de notre foi. Il y a deux ans que j'ai dû faire cette communication au personnel des Orphelinats, ce qui a été un moyen de bénédictions pour tous. Pour moi, cela m'a permis de quitter Bristol, et l'oeuvre n'en a pas souffert. Je ne doute pas que nos aides des écoles de semaine ne trouvent aussi de grandes bénédictions à partager notre très précieux secret.


« CEUX QUI S'ATTENDENT À L'ÉTERNEL ».
- 21 septembre. - Aujourd'hui, un frère qui habite les environs de Londres m'a donné deux cent cinquante francs pour que je les emploie à ce qui est le plus urgent. Depuis plusieurs jours nous priions pour recevoir les subsides nécessaires aux Écoles, au Fonds Missionnaire, et à notre stock de Bibles ; j'ai donc versé la totalité de la somme pour ces trois branches d'activité. Jusqu'à ce qu'il vînt à Bristol, c'est-à-dire trois jours auparavant, ce frère ignorait tout à fait notre activité. Ainsi le Seigneur, pour nous montrer qu'il continue de nous entourer de ses soins, nous envoie de nouveaux concours. Ceux qui s'attendent à Dieu ne seront jamais confondus. Quelques-uns de ceux qui nous ont aidés pendant un certain temps se sont endormis dans le Seigneur ; d'autres ont laissé leur zèle se refroidir ; d'autres qui désirent aider autant que jamais n'en ont plus les moyens ; d'autres dont le coeur est bien disposé et qui possèdent peuvent être conduits par Dieu à aider d'autres oeuvres ; bref si pour une cause ou l'autre nous nous appuyions sur l'homme nous pourrions être confondus ; mais puisque nous nous attendons à Dieu seul, les déceptions NE PEUVENT NOUS ATTEINDRE et nous ne risquons pas d'être oubliés du fait que les premiers amis de l'Oeuvre sont morts, ou n'ont plus de ressources, ou à cause du manque d'amour de quelques-uns, ou parce que d'autres oeuvres les sollicitent qui ont aussi besoin d'être soutenues. Qu'il est précieux d'avoir appris en une certaine mesure à s'appuyer uniquement sur Dieu et d'être heureux dans l'assurance que celui qui marche dans ses voies ne manquera jamais d'aucun bien.


8 novembre, jour du Seigneur. - JÉHOVA JIRÉ. - Dieu nous a montré sa bonté ; il a pris garde à notre pauvreté. En plus des trente-sept francs cinquante versés pour les loyers, j'ai reçu cent vingt-cinq francs, accompagné de ce passage de l'Ecclésiaste : IX : 10. J'ai aussi reçu l'avertissement que deux grands sacs de farine d'avoine destinés aux asiles étaient partis de Glasgow. C'est un cadeau. D'autre part, un frère m'offre de choisir chez lui pour une valeur de deux cent cinquante francs de lainages à mon choix, pour confectionner des vêtements d'hiver. Enfin quelqu'un a déposé dans l'une des boîtes de Béthesda un franc vingt cinq pour les orphelins, petite somme enveloppée d'un papier sur lequel étaient inscrits ces mots : « Jéhova Jiré ». J'aime ces paroles qui, depuis plusieurs années, sont un rafraîchissement pour mon âme. Je les ai écrites avec les diamants d'une bague de grand prix sur l'une des vitres de ma chambre. Ceci me rappelle de quelle façon remarquable cette bague a été donnée, ce qui m'a souvent fortifié quand, aux heures de grande pauvreté, mes yeux s'arrêtaient sur les mots gravés « JÉHOVA JIRÉ", c'est-à-dire l'Éternel y pourvoira ». (Genèse XXII : 14).

31 décembre 1840. - Janvier 1841. - Depuis le 20 décembre, Dieu a abondamment pourvu à tous nos besoins ; et nous pouvons penser à faire imprimer le rapport de l'Oeuvre.

19 mars. - Voici quelque temps que je me sens très faible physiquement. Je crois qu'un changement d'air m'est nécessaire, mais ces jours passés, je manquais d'argent. Or ce matin j'ai reçu un chèque de trois cent soixante-quinze francs, dont cent vingt-cinq pour moi personnellement. Je vais donc pouvoir quitter Bristol.


À NAILSWORTH.
- 20 mars. - Aujourd'hui, à mon arrivée, et lorsque je fus mis au courant de l'état de choses existant parmi les frères de Nailsworth et des environs, je n'ai pu m'empêcher de penser que le Seigneur m'avait envoyé pour travailler quelque temps au milieu d'eux.

22 mars. - C'est vraiment Dieu qui m'a envoyé. Certaines affaires qui sont mises à jour du fait de ma venue, m'en donnent la preuve...


COMMENT AVOIR L'ASSURANCE DU PARDON DES PÉCHÉS.
- Une soeur irlandaise qui n'a pas l'assurance d'être une enfant de Dieu, d'être née de nouveau et pardonnée, qui ne possède pas la certitude du salut, m'écrit pour m'exposer sa détresse. Son cas n'est pas unique malheureusement ; il y a bien des enfants de Dieu qui ignorent leur état de fils et de filles... C'est pourquoi je donne ici quelques réflexions sur cet important sujet.

Comment puis-je avoir l'assurance d'être enfant de Dieu, d'être né de nouveau, que mes péchés sont pardonnés, que je ne mourrai point et que j'aurai la vie éternelle ? - C'est la Parole de Dieu qui donne la réponse à cette question, et elle est la seule règle, le seul code du chrétien... Que dit-elle ? « Vous êtes les enfants de Dieu par la foi en Jésus-Christ (Galates III : 26). À tous ceux qui l'ont reçu (Jésus), il a été donné (le droit ou le privilège) d'être faits enfants de Dieu », savoir ceux qui croient en son nom et ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais qui sont nés de Dieu » (Jean I : 11-13).

La question qui se pose est donc celle-ci : Ai-je reçu Jésus ? Est-ce que je crois en son Nom ? Si oui, je suis né de Dieu, je suis son enfant. Comment puis-je savoir que mes péchés sont pardonnés ? Dois-je attendre de le sentir. Ou bien faut-il que, quelque passage de l'Écriture, qui affirme le pardon, se présente à mon esprit avec puissance ? - C'est encore la Parole de Dieu qui nous donne la réponse : Non ; nous n'avons pas à tenir compte de ce que nous ressentons. Personnellement, voilà plus de dix-neuf ans que je suis croyant (2). Depuis combien de temps n'ai-je aucun doute sur le pardon de mes péchés ? - Je ne puis le dire exactement. En tout cas depuis que je suis en Angleterre (il y a de cela seize ans), je n'ai jamais eu l'ombre d'un doute à cet égard ; or, je n'ai jamais ressenti ce pardon. Savoir est une chose, et sentir en est une autre. Pour savoir, allons à la Parole de Dieu. Nous lisons dans le livre des Actes au sujet du Seigneur Jésus : « Tous les prophètes rendent de lui ce témoignage que quiconque croira en lui recevra la rémission de ses péchés par son nom » (Chap. X : 43). Quiconque s'attend à lui pour être sauvé, et non à soi-même, quiconque croit qu'Il est ce que Dieu déclare dans sa Parole, reçoit la rémission de ses péchés. La question est donc celle-ci : Est-ce que je vis sans Christ ? Est-ce que je compte sur mes efforts pour être sauvé ? Est-ce que je crois que mes péchés seront pardonnés parce que j'amenderai ma vie à l'avenir ? Ou bien ma seule attente est-elle en Jésus, mort sur la croix pour sauver les pécheurs ? En Jésus qui a accompli la loi pour que les pécheurs fussent justifiés ? Si je suis de ceux qui regardent uniquement au Sauveur, mes péchés sont pardonnés, que je le sente ou non. Le pardon m'est acquis d'ores et déjà. Je n'ai pas à attendre de mourir, ou que Jésus revienne... Mais je dois prendre Dieu au mot, croire que ce qu'il dit est vrai... Et quand je crois ce que Dieu dit j'en éprouve aussitôt de la paix et de la joie...

Lorsque ceux qui ne placent pas leur confiance en eux-mêmes ni dans leur bonté naturelle, mais regardent uniquement aux mérites et aux souffrances du Christ, ne savent pas s'ils sont enfants de Dieu, si leurs péchés sont pardonnés, et s'ils sont sauvés, cela provient généralement de l'une ou l'autre des causes énumérées ci-après :

1° Ils ignorent la simplicité de l'Évangile ;
2° Ils veulent régler la question avec ce qu'ils ressentent, ce qu'ils éprouvent ;
3° Ils attendent une puissante impulsion, ou un rêve, ou une voix du ciel, ou quelque passage qui se précisera avec force à leur esprit pour leur donner l'assurance du salut
4° Ou bien ils vivent dans le péché.

S'il s'agit de cette dernière cause, c'est bien inutilement qu'ils comprendraient parfaitement l'Évangile, et qu'ils chercheraient dans la Parole de Dieu quelque assurance de salut, même s'ils avaient joui autrefois de cette assurance... Aussi longtemps qu'il y a péché, la joie et la paix ne peuvent habiter dans le coeur. Il peut y avoir chez le chrétien beaucoup de faiblesse et d'infirmités, mais le Saint-Esprit ne console pas, et ne consolera jamais quiconque se laisse aller à faire le mal en opposition avec la pensée de Dieu... Il est très important d'avoir un coeur droit et honnête devant Dieu pour posséder l'assurance du salut, du pardon des pêchés, de la nouvelle naissance, et d'avoir été fait enfant de Dieu.

7 mai. - Nous quittons aujourd'hui Nailsworth, où j'arrivai le 20 mars. J'y ai travaillé au service de la Parole, et j'ai préparé pour l'impression la deuxième partie du « Récit ».


COMMENT FAIRE POUR ÊTRE TOUJOURS JOYEUX EN CHRIST
. - Il a plu au Seigneur de m'enseigner durant ce séjour à Nailsworth, et sans le secours d'instruments humains, pour autant que je puisse m'en rendre compte, une vérité dont je n'ai jamais perdu le bénéfice depuis. Voici : J'ai discerné à Nailsworth plus clairement que jamais jusqu'ici que la grande affaire, l'affaire principale de chaque journée, c'était que mon âme fût heureuse en Dieu mon Sauveur. La première chose que je doive rechercher, ce n'est pas comment je pourrai servir le Seigneur durant la journée, ou comment je pourrai le glorifier, mais comment je pourrai remplir mon âme de joie, nourrir l'être intérieur.

Car même si je m'emploie à exposer la vérité devant les inconvertis, même si j'essaye de la communiquer aux fidèles, même si je cherche à secourir les affligés, et si je fais des efforts pour me conduire en ce monde comme il convient à un enfant de Dieu, si, en même temps, je ne suis pas heureux en Christ mon Sauveur, si je ne suis pas nourri et fortifié dans l'être intérieur jour après jour, toute mon activité ne procède pas de l'esprit qu'il faut, d'un esprit dans les conditions d'équilibre normal.
Jusqu'à ce temps de retraite à Nailsworth, et au moins durant les dix dernières années, voici comment je procédais le matin : je m'habillais puis je me mettais à prier.

Maintenant je comprends que la chose la plus importante, c'est de lire la Parole de Dieu et de la méditer pour que mon coeur soit par là fortifié, encouragé, repris, instruit, et que dans cette méditation je sois amené à faire l'expérience de la communion avec le Seigneur. Je me suis donc appliqué à méditer sur le Nouveau Testament dès le matin en commençant aux premières pages, après avoir demandé à Dieu sa bénédiction sur cette étude de sa Parole. Puis je m'applique à trouver une bénédiction dans chaque verset ; non pas en pensant à de futures prédications mais dans le seul but de nourrir mon âme.
Et généralement voici le résultat : presque invariablement je suis amené à la confession, ou à l'action de grâce, ou à l'intercession ou à la supplication, si bien que, tout en commençant par la méditation et non par la prière, je me trouve cependant presque aussitôt amené à prier.

Lorsque j'ai été conduit à la confession ou à l'intercession, à la supplication ou à l'action de grâce durant quelque temps, je passe au verset suivant en transformant aussi le contenu en prière pour moi ou les autres selon que j'y suis guidé par la Parole ; gardant toutefois en pensée que mon but essentiel c'est de nourrir mon âme... Et quand vient l'heure du déjeuner, l'être intérieur avant été sensiblement nourri et fortifié, presque invariablement je jouis d'une grande paix intérieure, ou même d'une grande joie. C'est aussi de la sorte que le Seigneur me communique ce qui devient, par la suite, de la nourriture pour les autres ; bien que je m'adonne quotidiennement à la méditation de la Parole, non pour les autres, mais pour nourrir mon âme.

Autrefois, quand je me mettais à prier aussitôt levé, n'ouvrant la Bible que lorsque mon âme desséchée avait particulièrement besoin de nourriture et de rafraîchissement, que se passait-il ? - Il m'arrivait souvent de passer à genoux un quart d'heure, une demi-heure, ou même une heure, avant d'obtenir quelque réconfort, quelque encouragement, avant de parvenir à humilier mon âme..., et c'est après que j'avais souffert assez longtemps du vagabondage de ma pensée, que je commençais à prier vraiment.

Aujourd'hui, il est extrêmement rare que ceci survienne encore. Bien que je sois vil et que j'en sois indigne, comme je me nourris de la vérité, j'entre aussitôt en communion avec Dieu, et je parle à mon Père et à mon Ami, de ce qu'il vient de me dire par sa très précieuse Parole.

Maintenant qu'il a plu à Dieu de me révéler ces choses sur lesquelles, jusque-là, aucune lecture, aucune personne n'avaient attiré mon attention, il m'apparaît comme absolument lumineux et évident que la chose essentielle chaque matin, c'est d'obtenir la nourriture nécessaire à l'être intérieur. De même que nous ne saurions travailler longtemps sans donner au corps la nourriture qu'il réclame, et que cette nourriture est l'une des premières choses de la journée, il en va de même pour l'être intérieur. L'homme doit se nourrir et sur ce point tout le monde est d'accord. Et quelle est la nourriture de l'être intérieur ? Ce n'est pas la prière, mais c'est LA PAROLE DE DIEU. Non pas une simple lecture de celle-ci, de sorte qu'elle traverse seulement la pensée comme l'eau la conduite qui la transporte, mais une méditation du texte qui devient un sujet de réflexions et que nous appliquons à notre âme.

Quand nous prions, nous parlons à Dieu. Or la prière, la vraie prière, celle qui n'est pas purement formaliste, ne peut se prolonger sans une certaine somme de puissance et de saints désirs ; c'est donc lorsque nous avons nourri notre âme par la méditation. de la Parole que nous pouvons le mieux prier. Si faibles que nous soyons au point de vue spirituel, nous pouvons toujours méditer les Écritures, de façon profitable, avec la bénédiction de Dieu ; bien plus, plus nous sommes faibles, plus cette méditation nous est profitable (3)...

29 mai. - J'ai reçu ce jour deux mille cinq cents francs de l'Inde. En réponse à la prière, le Seigneur daigne nous envoyer de temps à autre de fortes sommes ; elles proviennent même des endroits les plus éloignés.


SUPPRESSION DES TRONCS POUR L'ENTRETIEN DES PASTEURS A BÉTHESDA CHAPEL.
- 7 juin. - Depuis quelques temps nous nous demandons, frère Craik et moi, s'il est utile, dans les circonstances actuelles, que nous laissions encore les troncs dans la chapelle, avec l'inscription de nos noms au-dessus, et l'indication de la destination des dons. Est-ce encore là, la meilleure manière de faire ? Nous avons donc décidé aujourd'hui de faire la communication ci-dessous par la presse:

« Aux Saints en Jésus-Christ qui se réunissent à Béthesda Chapel, Bristol,
« Chers Frères,

« Il nous a semblé bon d'enlever de la Chapelle, les troncs qui recevaient les offrandes volontaires destinées à nos frais d'entretien. C'est pour éviter les malentendus, et empêcher que cet acte soit dénaturé que, dans un sentiment d'affection, nous exposons aujourd'hui nos raisons devant vous.

En arrivant à Bristol, nous avons refusé d'accepter aucun salaire régulier, non plus que le produit de la location des bancs. Ce n'était pas que nous eussions aucune objection à être assistés dans le domaine temporel par ceux que nous servons dans le domaine spirituel.
Mais : 1° nous ne voulions pas que la libéralité des frères fût contrainte, forcée ; elle doit être libre, volontaire ;
2° La location des sièges est contraire à l'enseignement de l'Écriture. (Jacques Il : 1-6). Nous avons donc eu recours à des troncs où chacun pouvait déposer ses dons, selon que Dieu lui mettait au coeur de le faire, pour se conformer à ce qu'enseigne ce passage de l'épître aux Galates : « Que celui à qui on enseigne la Parole de Dieu fasse part de tous ses biens à celui qui l'enseigne (Ch. VI : 6) ».

À cette époque, il semblait que nous dussions être les seuls à travailler parmi vous au service de la Parole et de la doctrine. Depuis, les circonstances ont bien changé. À cause de cela et aussi parce que nous avons reçu plus de lumière, il nous a semblé bon de supprimer les troncs qui reçoivent les offrandes volontaires des saints. Qu'il soit bien entendu toutefois que nous n'avons pas changé, quant aux grands principes qui ont dicté notre première manière de faire. Au contraire, une expérience de dix ans a fortifié notre jugement d'alors sur la question du traitement, et celle de la taxe sur les bancs. Voici pourquoi nous avons enlevé les troncs :

1° Aussi longtemps qu'ils existaient, il fallait une indication de l'affectation des dons ; il était donc nécessaire de mettre nos noms au-dessus des troncs dont les offrandes nous étaient destinées. Ceci nous donnait l'apparence de nous élever au-dessus des autres frères, de nous arroger un pouvoir sur eux, alors que nous cherchons uniquement à remplir l'emploi que le Saint-Esprit nous a départi dans l'Assemblée.

2° Il est possible que le Seigneur veuille appeler et qualifier de plus en plus d'autres frères, pour diriger l'église et y enseigner. Aussi longtemps qu'on nous considère comme spécialement préposés sur l'Assemblée, parce que nos noms étaient apposés à ces boîtes, cela pouvait créer des difficultés pour ceux que les saints reconnaissent ouvertement et pleinement comme occupant avec nous, la place que le Seigneur leur donne.

3° Il était possible qu'on posât cette question (et même maintenant on pourrait la poser) : Sont-ils les seuls ouvriers ? Et voici la réponse : d'autres travaillent aussi qui ne sont pas aidés de la même manière. À ceux qui ne nous connaissent pas, cela pourrait donner l'impression que nous essayons de garder une place prépondérante par quelque marque extérieure, alors que nous voulons l'occuper uniquement dans l'obéissance au Seigneur en laissant à son Esprit le soin d'amener les saints à reconnaître notre direction.

4° Enfin, du fait que nos noms étaient affichés de la sorte en public, quelques frères (nous avons des raisons de le croire) nous considèrent comme les seuls ministres, et ils se tiennent pour négligés parce que nous ne les visitons pas personnellement. Or c'est une erreur que de supposer que deux personnes peuvent suffire pour faire les visites pastorales et s'occuper de la cure d'âme de cinq cent cinquante fidèles à peu près. En ce qui nous concerne, nous n'oserions pas assumer cette responsabilité. Selon le don et la force qui nous sont départis, nous désirons gouverner, enseigner, nourrir de façon générale les brebis du Seigneur, mais nous n'osons pas entreprendre la direction spirituelle personnelle de tous ceux qui se sont joints où se joindront à nous, sur la base de la foi au Seigneur Jésus.

Voilà, en résumé, pourquoi nous décidons de ne plus recourir à ces troncs publics où nos noms sont apposés pour recevoir vos offrandes. Nous demandons à Dieu la grâce de vous servir plus fidèlement que dans le passé, et nous nous confions, comme nous l'avons fait jusqu'ici, en Celui qui a dit : « Si quelqu'un ME sert... mon Père l'honorera » (Jean XII : 26).
Bristol, ce 7 juillet 1841.

HENRY CRAIK, GEORGE MÜLLER.


BÉNÉDICTIONS ATTACHÉES ONT LA VIE DE LA FOI. - La décision prise m'a donné une nouvelle preuve des bénédictions qu'entraîne l'obéissance de la foi. Dans d'autres circonstances, je me serais demandé : « Que va-t-il se passer ? Comment les offrandes seront-elles transmises ? Y aura-t-il encore des offrandes ? » Pas un seul instant une seule de ces questions ne m'a troublé ! J'étais bien convaincu que, de façon on d'autre, le Seigneur pourvoirait à mes besoins, si ce n'était par l'intermédiaire des saints de Bristol, par ceux qui vivent au loin. Tout ce qui m'incombait c'était de servir le Seigneur et de me confier en lui ; et lui prendrait soin de moi. Et c'est bien là ce qui a eu lieu. Comme par le passé, on nous a apporté ou envoyé des dons en nature, des vêtements, des provisions diverses, dons provenant des saints parmi lesquels nous travaillons et de ceux qui sont au loin. De petits paquets d'argent avec les noms des destinataires, celui de frère Craik ou le mien, ou les deux réunis, ont été déposés dans le tronc qui reçoit les offrandes pour les pauvres parmi les saints, ou dans celui qui reçoit les dons pour les frais du culte, l'entretien de la chapelle, etc... et les diacres nous ont remis ces offrandes. Parfois des frères et des soeurs m'ont remis directement de l'argent ; enfin le Seigneur a continué d'incliner le coeur de bien des chrétiens éloignés à m'envoyer des dons : quelques-uns proviennent de personnes que je n'ai jamais vues, et dont je ne connais même pas le nom.

La seule chose que je craignisse lorsque la décision d'enlever les troncs fut prise, ce n'était pas de perdre par là quelque secours, mais que quelques enfants de Dieu en prissent prétexte pour négliger de nous donner quelque chose, ou que les pauvres hésitassent à donner les oboles qu'ils pouvaient mettre de côté, les uns et les autres se privant par là d'une bénédiction. Par la grâce de Dieu, je puis dire en quelque mesure avec l'apôtre Paul : « Ce n'est pas que je recherche des présents, mais je cherche à faire abonder le fruit qui vous en doit revenir » (Phil. IV : 17). Je vise aussi à atteindre, avec l'aide de Dieu, cet état d'esprit que manifestent ces paroles de l'Apôtre : « Et pour moi je dépenserai très volontiers pour vous tout ce que j'ai, et je me donnerai encore moi-même pour vos âmes bien que vous aimant avec tant d'affection, je sois moins aimé » (Il Corinth. XII : 15). C'était donc pour ceux qui s'abstiendraient de donner que je craignais un préjudice ; pour ceux que Satan tenterait à ne plus rien faire à cause de la suppression des troncs. Toutefois, à cause des raisons exposées ci-dessus, nous avons cru préférable d'agir selon ce qui nous paraît être la pensée du Seigneur en cette affaire...

2 septembre 1841. - Durant les quatre derniers mois, nous avons reçu au delà du nécessaire pour les Orphelins. Les cours d'eau des bienfaits de Dieu n'ont cessé de couler vers nous, apportant de l'argent et des dons en nature. Ceci succède à une longue période qui a commencé en juillet 1838 et durant laquelle notre foi a été souvent mise à l'épreuve... »


PAUVRETÉ.
- À nouveau, un temps d'épreuve succéda à la période d'abondance. Dieu dispensait le secours jour après jour, souvent repas après repas, et cela dura six mois. George Müller écrivit dans son journal à la fin de l'année 1841 :
« À cause de notre grande pauvreté et bien que le moment de l'Assemblée générale de l'Oeuvre soit venu, nous avons décidé de remettre à plus tard sa convocation, et de ne pas publier de rapport financier. Il nous semble que nous donnons ainsi la meilleure preuve que nous regardons uniquement au Dieu vivant. »

Cette période de pauvreté se prolongea assez longtemps. À la date du 8 février 1842, après quelques remarques sur les conditions dans lesquelles l'oeuvre se poursuit, George Müller écrivait :
« Si le Seigneur ne nous envoyait pas le nécessaire avant neuf heures du matin, demain, son nom serait déshonoré. Mais j'ai l'assurance qu'il ne nous abandonnera pas. »

Effectivement, avant huit heures, le lendemain, le secours était arrivé, et voici comment :
« Un monsieur se rendant à ses affaires avait déjà fait deux kilomètres à peu près, lorsque sa pensée fut absorbée par les orphelins, au point qu'il s'arrêta : « Je ne puis cependant retourner sur mes pas maintenant, se dit-il, je leur porterai quelque chose ce soir », et il continua son chemin. Toutefois, sa conscience parlant très haut, et comme cette pensée d'un secours immédiat nécessaire ne lui laissait pas de repos, il revint sur ses pas pour aller aux Orphelinats. Mais chemin faisant, se souvenant d'une très importante affaire qui l'attendait au bureau, il partit derechef dans cette direction. Cependant il ne pouvait trouver la paix ; ces paroles ne cessaient de résonner en lui : « Va maintenant, va maintenant, n'attends pas à ce soir », de sorte qu'il prit résolument le chemin des Orphelinats et remit soixante-quinze francs pour l'Oeuvre. Müller arriva aux asiles ce même matin, avant le déjeuner, pour s'assurer que le secours était bien là ; il y trouva la petite somme que M. X. venait de remettre. »

Quinze jours plus tard, c'est un samedi soir, l'argent manque pour acheter le pain du dimanche. Il est huit heures et demie ! Un visiteur arrive, qui ne sait rien, et il laisse à M. Müller douze francs cinquante, ce qui permet de se procurer le pain du lendemain, avant la fermeture des magasins. Le surlendemain, les provisions sont extrêmement réduites, et on manque de thé. Un visiteur vient qui, pressé par l'heure, parcourt rapidement les trois maisons, et laisse vingt-cinq francs dans chacune des boîtes.

« S'il avait eu plus de temps, dit G. Müller, il aurait parlé plus longtemps et nous n'aurions pas eu son don au moment voulu pour l'heure du thé. Quiconque connaît ces détails ne peut que s'écrier : C'est ici l'oeuvre du Seigneur, et c'est une chose admirable à nos yeux. »

Plus tard, quand l'abondance fut revenue, jetant un coup d'oeil en arrière sur ces journées durant lesquelles il fallait s'attendre à Dieu instant après instant, George Müller écrit :

« L'épreuve de notre foi a été si prolongée, si aiguë, que c'est uniquement par la grâce de Dieu que la confiance de nos collaborateurs n'a pas sombré, qu'ils ne se sont pas fatigués de donner leur concours à une oeuvre comme la nôtre (4), qu'ils ne sont pas retournés aux coutumes et aux maximes de ce monde mauvais. Je ne puis dire ce qu'ils ressentaient alors ni ce qu'ils pensaient, mais je puis parler pour moi et dire à la louange de Dieu que, durant tout ce temps, ma foi n'a pas bronché ! Cependant elle fut souvent si durement éprouvée que ma requête se réduisait alors à demander à Dieu qu'il daignât me la conserver, et qu'il prît pitié de moi comme un père prend pitié de son enfant. Au milieu de l'épreuve, je conservais l'assurance inébranlable que Dieu interviendrait à son heure, et que s'il permettait ces semaines et ces mois durant lesquels nos circonstances étaient si difficiles, c'était pour que cela concourût de quelque façon au bien de l'Eglise de Christ en général, et que ces paroles de l'apôtre Paul se vérifiassent aussi par ma vie : « Si nous sommes affligés, c'est pour votre consolation. »


DIEU PEUT-IL OUBLIER ?
- En parcourant ces pages, plus d'un lecteur aura pensé sans doute : « Et s'il n'y avait plus d'argent, s'il arrivait que vous n'en ayez plus, et vos aides non plus, et que l'heure du repas fût là sans que vous ayez rien à donner aux orphelins ? » - En vérité, la chose n'est pas impossible, car nos coeurs sont désespérément mauvais ! Et je dis que si nous étions laissés à nous-mêmes, que nous ne nous attendions plus au Dieu vivant, ou que nous tolérions l'iniquité dans nos coeurs, cela pourrait arriver. Mais, bien que nous soyons loin d'être ce que nous devrions être, aussi longtemps que nous nous confions en Dieu et que nous ne vivons pas dans le péché, cette chose-là est impossible.


« ENVOYÉ »
. - 5 mars. - Ce ne fut pas une petite délivrance que celle que nous accorda aujourd'hui le Seigneur : Entre dix et onze heures, j'ai reçu soixante-deux francs cinquante d'Edimbourg, alors que nous n'avions pas assez d'argent pour acheter ce qu'il fallait pour le déjeuner. Ce soir, à huit heures, un visiteur s'est présenté en me disant ceci : « Je viens bien tard, mais j'espère être reçu quand même. Je vous apporte un peu d'argent pour les orphelins. » Et il me tendit cinquante francs. Quand je lui demandai son nom, il me répondit qu'il le donnerait volontiers s'il y voyait aucune utilité. Ce n'était pas le cas. « Pour le Rapport, dit-il, vous n'avez qu'à mettre à côté du don : « Envoyé », car je suis sûr que c'est Dieu qui m'a envoyé. »
Certes je le crois aussi ; car ce don se produisait à un moment des plus opportuns et en réponse à la prière.


IL VAUT LA PEINE D'ÊTRE PAUVRE.
- 17 mars. - Ce matin, nous étions extrêmement pauvres. Je quittai la maison peu après sept heures pour me rendre aux Orphelinats et voir si on avait assez d'argent pour prendre le lait que le fournisseur apporte vers les huit heures. Je priais en marchant, demandant à Dieu « qu'il eût pitié de nous, comme un père a pitié de ses enfants ». Certainement il ne voulait pas nous imposer un fardeau dépassant ce que nous pouvions porter ; qu'Il daignât donc verser en nos âmes quelque rafraîchissement en nous envoyant de l'aide. « Je lui rappelai aussi que si nous devions interrompre l'Oeuvre, faute d'argent, cela aurait les répercussions les plus déplorables sur les croyants aussi bien que sur les incrédules. Enfin je m'humiliai à nouveau devant Dieu confessant que j'étais indigne d'être son instrument dans l'Oeuvre des Orphelinats. »

Tandis que j'étais ainsi en prière, et presque arrivé à destination, je rencontrai un frère qui se rendait à ses affaires à cette heure matinale. Nous échangeâmes quelques paroles et je continuai mon chemin ; mais il courut après moi, et me remit vingt-cinq francs pour les orphelins. Le Seigneur avait répondu immédiatement à ma requête. En vérité, il vaut la peine d'être pauvre et d'avoir de ces grandes épreuves de la foi pour avoir aussi, jour après jour, les preuves si précieuses de l'Amour du Père qui s'intéresse aux détails de nos vies. Celui qui nous a envoyé la preuve la plus éclatante de son Amour en nous donnant son propre Fils, nous donnera aussi toutes choses avec lui. Il vaut la peine d'être pauvres et que notre foi soit éprouvée si, par là, les coeurs des enfants de Dieu sont réjouis et leur foi affermie ; si ceux qui ne connaissent pas le Seigneur, apprenant ce qu'il a fait en se servant de nous, sont amenés à comprendre par cette démonstration que la foi en Dieu n'est pas une simple notion, mais une puissance, et que le Christianisme est une réalité. »

George Müller dit plus tard de cette époque de la vie des Orphelinats pendant laquelle Dieu m'exauçait que dans l'instant même :
« Il est impossible de raconter avec détails comment, jour après jour, repas après repas, Dieu étendit sa main pour donner tout ce dont nous avions besoin. »


(1) Ces paroles de Müller ne s'adressent-elles pas aussi actuellement aux populations protestantes de langue française ? Que de privilèges dont ne jouissaient pas nos pères, et dont elles n'usent même pas, elles qui les possèdent. Attendront-elles que le régime appliqué à la Russie s'étende sur le monde, et que ces privilèges soient retirés ? 

(2) Ces lignes ont été écrites en 1845. 

(3) Si j'insiste sur cette pratique de la méditation de la Parole, c'est que j'en reçois le plus grand bien, que j'en tire un immense profit spirituel, et qu'elle est un moyen de rafraîchissement unique pour l'âme. Aussi je supplie mes frères en Christ de bien vouloir en essayer. C'est par elle, avec la bénédiction de Dieu, que j'ai reçu les secours et la force nécessaires pour traverser en paix, par la suite, de très douloureuses épreuves ; des épreuves qui ont dépassé tout ce que j'avais connu jusque-là. Voici quarante ans que je fais ainsi. C'est donc en toute connaissance de cause et dans la crainte du Seigneur que je recommande cette méditation matinale de la Parole. Quelle différence lorsque l'âme s'est rafraîchie, rassasiée, lorsqu'elle a été rendue joyeuse dès le matin ! Alors elle n'est pas débile pour le service, et elle est prête pour la rencontre des épreuves et des tentations quotidiennes. [Ces lignes ont été ajoutées en 1881 à l'occasion d'une nouvelle édition. Müller avait alors 76 ans.] 

(4) Sans fonds de roulement, sans banquiers ici-bas, et devant tout attendre de Dieu instant après instant. 
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