MARS 1838 - OCTOBRE
1839. -
SECOND SÉJOUR EN ALLEMAGNE, NOTES DE
VOYAGE. - GUÉRISON. -
LA
FOI MISE A
L'ÉPREUVE. - LE DANGER
DES CHEMINS DE TRAVERSE. -
RÉDUITS
À L'EXTRÉMITÉ. - LA SITUATION
EST EXPOSÉE AUX
COLLABORATEURS. -
RÉUNION
DE PRIÈRE QUOTIDIENNE AVEC LE PERSONNEL. - LE
« PÈRE DES
ORPHELINS ». - JÉSUS-CHRIST
TOUJOURS LE MÊME. - RÉSOLUTION DE
PAYER COMPTANT TOUS LES FOURNISSEURS. - L'ARGENT DU
LOYER MIS DE CÔTÉ CHAQUE SEMAINE. -
LES SAINTS SECOURUS. QUELQUES SEMAINES A TEIGNMOUTH
ET À PLYMOUTH. - LE MEILLEUR DE LA
JOURNÉE CONSACRÉ A DIEU.
À
NOUVEAU,
la possibilité d'un voyage en Allemagne se présenta pour G.
Müller. Il
hésita, il pesa le pour et le contre ;
il pria pour connaître la pensée de
Dieu. Les maux de tête continuaient... Il ne
pouvait faire aucun service public. Un changement
d'air, le retour au pays natal, lui seraient
peut-être favorables ? Enfin il pourrait
aider frère X. dans sa mission. Voici ce
qu'il écrivit à ce
sujet :
11 mars.
- Après
avoir beaucoup prié, j'ai
décidé d'accompagner frère X.
en Allemagne :
1° Je pourrai l'aider
à atteindre le but de son voyage ;
2° Avec la
bénédiction de Dieu, ce
déplacement et l'air natal pourront
concourir à mon rétablissement ;
3° J'aurai par là une
nouvelle
occasion d'exposer la vérité devant
mon père et mon frère.
... J'ai relu de
nouveau, ces
semaines passées, les livres du
prophète Samuel et des Rois et j'y ai
trouvé autant d'intérêt que
jamais, si ce n'est plus.
12 mars. -
Ma
pensée est tout à fait en repos au
sujet de ce voyage en Allemagne. Je crois qu'il est
bien dans la volonté de Dieu que je
l'entreprenne, et que la suite le
prouvera.
3 avril.
- SECOND VOYAGE
EN ALLEMAGNE. - J'ai quitté Bristol ce
matin. Avant de partir, j'ai choisi pour le lire
avec ma chère femme le psaume CXXI, et tous
deux nous avons senti combien il était
approprié.
6 avril.
- J'ai pris
passage ce soir à bord du vapeur en partance
pour Hambourg.
7 avril.
- Souffert toute
la journée du mal de mer.
8 avril.
- Jour du
Seigneur. - J'ai pu me lever ce matin et prendre
les repas. Je croyais être le seul à
bord qui servit Dieu, mais ce matin, j'ai
découvert une soeur en Christ parmi les
passagers, et nous avons conversé tous deux
longuement. Au déjeuner, elle a eu plus de
courage que moi pour s'élever contre le mal.
Au thé, le Seigneur m'a aidé et j'ai
reçu assez de grâce pour parler de
Jésus à mes compagnons de voyage,
pour le confesser devant eux.
9 avril.
- Hambourg. -
Nous sommes arrivés ici à une heure
du matin après une très rapide
traversée de quarante-huit heures. À
sept heures, je suis descendu à terre
(1).
14 avril.
- Berlin. - Ici
depuis avant-hier. J'ai rencontré quelques
frères qui désirent partir comme
missionnaires. Nous avons prié ensemble et
lu les Écritures. - Reçu ici deux
lettres de ma chère femme. Dieu a repris
à lui Harriett Culliford, l'une de nos
orphelines qui avait autrefois l'un des
caractères les plus difficiles. Elle est
morte en chrétienne. Voilà certes qui
dédommage de bien des peines. Ma femme
mentionne aussi de nouvelles
bénédictions accordées
à la publication du
« Récit ». Aujourd'hui
21 avril, après avoir beaucoup prié
à ce sujet, j'ai décidé de
quitter, Berlin pour aller chez mon père. Il
y a trop à faire ici pour moi ; plus
que je n'en puis supporter, car je souffre beaucoup
de la tête.
22 avril. -
Jour de
confirmation à Berlin. Le fils de la
personne chez qui nous logeons à
été confirmé, et on
célèbre le fait, ce soir, avec un
violon et des danses ! Que c'est
affreux !
On m'a parlé ces
jours-ci
d'un de mes chers amis, un frère, qui a
été mis en prison pour ses
idées religieuses. Ceci
m'a fait penser à nouveau aux
privilèges dont jouissent les enfants de
Dieu en Angleterre.
24 avril.
- J'ai
quitté Berlin hier soir à destination
de Magdebourg. Dans la diligence, j'ai eu une
longue conversation avec deux déistes.
J'avais prié Dieu qu'Il me fît la
grâce d'être un fidèle
témoin. Il m'a exaucé et j'ai pu
confesser hardiment son bien-aimé Fils
Jésus. Je suis arrivé cet
après-midi à Heimersleben. J'ai revu
mon cher père, maintenant très
âgé ; il semble s'incliner
rapidement vers la tombe et je me demande s'il
passera l'hiver qui vient ?
25-28 avril.
-
HEIMERSLEBEN. - J'ai eu de nouveau l'occasion
d'exposer devant mon père, de façon
plus complète, plus simple, et qui, je
crois, a touché son coeur, le plan du salut.
J'ai obtenu ce résultat qu'il est bien
convaincu maintenant qu'il lui manque quelque
chose. Il s'est montré plein d'affection
pour moi. J'ai aussi parlé très
nettement à mon pauvre frère qui vit
ouvertement dans le péché... Quelle
dette n'ai-je pas contractée envers
Dieu !...
28 avril. -
En route pour
Magdebourg ! Mon père a voulu
m'accompagner la distance de dix kilomètres
à peu près. Comme notre
séparation serait moins douloureuse si mon
cher père était chrétien. J'ai
vu à Magdebourg un frère qui va
quitter l'armée où il est musicien,
pour partir comme missionnaire. J'ai aussi
rencontré un autre frère, un soldat,
qui, pour pouvoir se recueillir et prier, doit
chercher un refuge dans le souterrain où
l'on garde le sable. Qu'il est grand le
privilège de ceux qui jouissent d'un endroit
favorable et du temps nécessaire à la
communion avec Dieu. Ce soir j'ai pris passage
à bord d'un vapeur qui
descend l'Elbe jusqu'à Hambourg, où
nous arrivons le 30 au matin.
BRISTOL. - 8
mai. - J'ai
quitté Hambourg le 2 ; je suis
arrivé à Londres le 4 et à
Bristol le 7. J'ai pu aller ce soir à la
réunion de prière de
« Gideon Chapel », et y
remercier Dieu publiquement pour l'épreuve
qu'il m'avait envoyée. C'est la
première fois que je prends une part active
à un service public depuis le 6 novembre
1837.
11 juin. -
J'ai eu la
visite d'un étranger qui m'a demandé
de remettre de sa part, avec les
intérêts, une petite somme qu'il a
dérobée il y a quelque temps. Il
avait lu le « Récit »,
ce qui l'amenait à se confier en moi et
à me demander ce service. Il me donna donc
les noms et adresses des deux personnes
lésées, cent francs pour chacune,
plus vingt-cinq francs à mon intention comme
gage d'amour chrétien. J'ai fait l'envoi de
cet argent ; non par la poste, comme il me
l'avait demandé, mais par une banque, afin
d'avoir les reçus en cas de besoin. En ce
genre d'affaires, on ne saurait être trop
prudent. Peut-être quelque lecteur ayant sur
la conscience une indélicatesse lira-t-il
ces lignes ? En ce cas qu'il n'hésite
pas à rendre ce qu'il a pris, comme
Zachée, et s'il en a les moyens qu'il le
rende avec les intérêts simples, et
même les intérêts
composés.
Le
13
juin 1838, Mme Müller donna naissance
à un enfant mort-né. Ce fut une
douloureuse épreuve pour le père et
la mère. Mme Müller fut quinze jours
entre la vie et la mort. Une fois de plus, Dieu
exauça la prière fervente qui montait
vers lui en sa faveur, et ses jours furent
prolongés (Pierson).
12
juillet. - LA FOI MISE A
L'ÉPREUVE. - Depuis la fondation des
orphelinats jusqu'à la fin de juin 1838,
Dieu n'a cessé de nous montrer sa faveur en
subvenant très largement à tous les
besoins de l'Oeuvre. Mais maintenant, il semble que
le « Père des
orphelins » veuille nous dispenser les
ressources d'une autre manière. Il y a un an
nous avions en caisse dix-neuf mille cinq cents
francs ; aujourd'hui nous n'avons plus que
cinq cents francs par devers nous. Cependant,
grâce à Dieu, ma foi est aussi ferme
aujourd'hui qu'auparavant, et même elle est
peut-être encore plus affermie. Jamais je
n'ai douté du Seigneur.
Toutefois, comme Il
veut que
nous allions à lui, et comme la foi
véritable conduit à la prière,
je me suis adonné plus
particulièrement à la prière
avec frère T., de l'orphelinat des
garçons, afin de recevoir le
nécessaire. Il est la seule personne
à qui je parle de l'état de nos
finances, en dehors de ma femme et de frère
Craik. Tandis que nous vaquions à la
prière, on amena un orphelin de Frome ;
quelques chrétiens de l'endroit
s'étaient cotisés et envoyaient en
même temps que lui cent vingt-cinq francs. Ce
fut la première réponse à nos
requêtes. Nous venons de décider
l'admission de sept enfants ; et nous pensons
en recevoir cinq autres, bien que la caisse soit
presque vide ; mais nous comptons que Dieu
subviendra à nos besoins. Remarquez la
bonté du Seigneur : quand le secours
est nécessaire, il intervient
aussitôt, il répond
immédiatement à la prière pour
fortifier la foi, et pour préparer en
même temps ses enfants à des
épreuves encore plus grandes.
22 juillet. -
Je me
promenais ce soir dans notre petit jardin en
méditant
sur ces paroles :
« Jésus-Christ est le
même hier, aujourd'hui, et
éternellement (Héb.
XIII : 8). Et
tandis que je réfléchissais à
cet amour, à cette puissance, à cette
sagesse immuables, je me disais que ceux-ci ayant
dispensé jusqu'ici tout ce qu'il fallait
à nos orphelins, continueraient de le faire
à l'avenir, puisqu'ils sont toujours les
mêmes. Un courant de joie remplit alors
mon âme, tandis que je réalisais l'inaltérable amour de mon
adorable
sauveur. Une minute après, on m'apportait
une lettre contenant cinq cents francs
accompagnés de ces lignes :
« Veuillez employer au mieux le montant
du billet inclus : pour l'Institut biblique ou
les orphelins, ou de quelque façon que le
Maître vous l'indique. Ce n'est pas une
grosse somme, mais elle est suffisante pour le jour
présent... ».
26 juillet.
-
Aujourd'hui, trois soeurs et douze frères
allemands se sont embarqués à
Liverpool, à destination de l'Inde. C'est
ici le résultat du voyage en Allemagne, que
frère X. et moi nous avons entrepris au
printemps.
6 août.
- J'aurais
à payer au moins huit cent soixante-quinze
francs pour les orphelins cette semaine et je n'ai
en mains que quatre cent soixante-quinze francs.
Mais j'ai les yeux fixés sur
« le père des
orphelins », et je crois qu'il
nous aidera, bien que je ne sache pas
comment.
7 août.
- Dieu
s'est manifesté à nouveau. Et si
promptement ! envoyant le secours du
côté où nous ne l'aurions pas
attendu. J'avais prié avec ardeur hier et
aujourd'hui, suppliant Dieu d'agir, de manifester
sa puissance, afin que les ennemis ne puissent pas
dire :
« Où est maintenant son
Dieu ? ». Je lui ai
rappelé comment j'avais commencé
l'Oeuvre pour manifester à notre
siècle qu'il est toujours prêt
à répondre à la prière,
et que la subsistance des orphelins était
cette preuve. Et maintenant, voyez ! Hier,
frère Craik m'annonça qu'on lui avait
remis deux cent cinquante francs pour l'Institut
biblique, les orphelinats, et le fonds
missionnaire. Comme il y avait six cent vingt-cinq
francs à payer aujourd'hui et que je n'avais
pas assez d'argent, je pris avec moi les clefs des
boîtes placées dans nos Maisons, et
passai voir frère T. à l'orphelinat
des garçons, sachant qu'il avait aussi
reçu quelque chose. Dans la boîte de
l'orphelinat des garçons, je trouvai trente
quatre francs cinquante ; de son
Côté, frère T. avait
reçu quatre cent neuf francs. Tout cela
réuni me donnait plus que la somme
nécessaire. Encore une fois, notre adorable
Sauveur avait envoyé la délivrance.
J'ai eu mains plus qu'il ne me faut pour les
dépenses courantes.
29 août.
-
Aujourd'hui, seize chrétiens ont reçu
le baptême. Parmi eux, un frère de
quatre-vingt-quatre ans, et un autre de
soixante-dix ans pour lequel sa femme priait depuis
trente-huit ans !
5 septembre. -
L'épreuve continue. Dieu donne jour
après jour le nécessaire, et
presque heure après heure. Il semble
qu'il dise que « son moment n'est pas
encore venu ». Mais j'ai foi en lui, et
je sais qu'il enverra le secours... Tandis que
j'étais en prière cet
après-midi, je reçus l'assurance de
l'exaucement, et j'ai loué le Seigneur par
anticipation... Hier j'avais demandé
à Dieu que ma foi ne défaillît
point. Frère T. est arrivé, apportant
cent un francs, produit de plusieurs dons. Il m'a
annoncé en même temps qu'il allait
m'envoyer les comptes de la Maison des Petits, qui
a besoin d'argent pour les dépenses
courantes. Un instant j'ai pensé à
garder la somme apportée en prévision
de ces dépenses. Mais à chaque
jour suffit sa peine : le Seigneur peut
donner à nouveau pour demain, et j'ai
envoyé soixante-quinze francs à une
soeur pour le paiement du trimestre échu, et
le reste pour l'orphelinat de garçons. Je
suis donc derechef sans le sou. Mon espoir est en
Dieu. Il pourvoira.
8 septembre. -
Samedi
soir. L'épreuve continue. Avant-hier, j'ai
assisté an service de frère
Craik ; il a prêché sur Abraham
(Genèse
XII) et a
montré que tout alla bien pour lui aussi
longtemps qu'il marcha par la foi, et selon la
volonté de Dieu. Mais dès qu'il
perdit confiance, et qu'au lieu de regarder
à Dieu il suivit ses propres pensées,
il rencontra la détresse, Je me suis
aussitôt appliqué les paroles
entendues : que Dieu me garde de prendre les
chemins de traverse, ou de recourir à
quelque moyen qui ne serait pas « le
sien ». J'ai cinq mille cinq cents francs
en banque, somme que m'ont remise un frère
et une soeur pour une autre branche de l'oeuvre. Je
pourrais en distraire une partie et les en avertir.
Ils aiment les orphelinats et l'ont souvent
montré par leurs dons
généreux ; le frère m'a
même dit de lui laisser savoir si j'avais
besoin d'argent. Mais ce serait là une
délivrance de ma façon ; ce ne
serait pas celle de Dieu. Et quelle pierre
d'achoppement pour la foi, lorsque l'épreuve
surviendrait à nouveau. En entendant
frère Craik, j'ai aussi discerné le
danger de déshonorer le Seigneur sur le
point même que j'ai voulu le glorifier en me
confiant en lui. J'ai plaidé avec Dieu hier
et
aujourd'hui, lui
présentant onze arguments, onze raisons
d'envoyer du secours ! Mon esprit jouit
maintenant d'une grande paix, d'une paix qui
devient de la joie. Je dois ajouter que
« le fardeau » de ma
prière ces jours passés, la
pensée dominante de mes requêtes,
c'était que dans sa bonté, le
Seigneur voulût bien empêcher ma foi de
chanceler. Mes yeux sont sur lui. Il peut
intervenir à tout instant. Et je suis
sûr qu'il le fera à sa manière
et à son heure. Voici les onze arguments que
j'ai plaidés devant lui :
1) L'oeuvre des
Orphelinats est
pour la gloire de Dieu, pour donner la preuve
visible que par le seul exaucement de la
prière, il subvient aux besoins des
orphelins. Qu'il se révèle donc comme
le Dieu vivant qui, encore aujourd'hui, entend la
prière et qu'il lui plaise d'envoyer des
secours.
2) Il est le
« père des
orphelins ». Qu'il veuille donc bien
les assister en conséquence
(Psaume
LXVIII : 5).
3) J'ai reçu les
enfants
au Nom de Jésus. C'est donc Lui que j'ai
reçu en les recevant, en leur donnant la
nourriture et le vêtement. Qu'il plaise
à Dieu de le prendre en considération
(Marc
IX : 36, 37).
4) L'oeuvre de
l'orphelinat a
jusqu'ici fortifié la foi de beaucoup. Si
Dieu n'intervient pas, la foi des faibles en sera
ébranlée, au lieu que s'il envoie le
secours, elle en sera fortifiée.
5) S'il n'envoyait pas
le
nécessaire, il donnerait aux ennemis
l'occasion de rire et de dire :
« N'avions-nous pas annoncé que
toute cette affaire finirait
ainsi ? ».
6) Si le Seigneur
n'envoyait pas
le secours, les enfants de Dieu encore peu
développés ou encore charnels se sentiraient
justifiés à s'allier au monde pour
l'oeuvre du Seigneur ; ils s'autoriseraient de
notre échec pour continuer à recourir
à des moyens non scripturaires, afin de
trouver les subsides nécessaires aux oeuvres
similaires.
7) Plaise au Seigneur
de se
souvenir que je suis son enfant, Qu'il veuille donc
avoir pitié de moi puisque je ne puis pas
nourrir tous ces orphelins. Qu'il ne permette pas
que ce fardeau pèse plus longtemps sur moi
et qu'il daigne envoyer le secours.
8) Qu'il daigne aussi
se
souvenir de mes collaborateurs qui, eux aussi, ont
mis leur confiance en lui, mais qui seraient
extrêmement éprouvés, s'il ne
venait pas à notre aide.
9) Qu'il veuille bien
se
souvenir que, faute de secours, j'aurais à
renvoyer les orphelins auprès de leurs
anciens compagnons, alors qu'ils sont
élevés chez nous dans la connaissance
de sa Parole.
10) Qu'il lui plaise
de montrer
l'erreur de ceux qui ont dit :
« C'est fort bien au début,
et tant que la chose est nouvelle, mais cela ne
durera pas ».
11) Que s'il refusait
maintenant
de nous envoyer les secours nécessaires, je
ne saurais plus comment interpréter les si
nombreux et remarquables exaucements de
prière accordés jusque-là dans
l'oeuvre, exaucements qui m'ont donné la
preuve qu'elle procédait de lui.
En une certaine
mesure, je
comprends maintenant mieux que je ne le faisais
jusqu'ici, le sens de l'expression qu'emploie si
souvent le psalmiste : « Jusques
à quand ». Même maintenant,
en cette extrémité, et avec son aide,
je garde les yeux attachés sur Dieu, et je
crois qu'Il enverra le secours.
10 septembre,
lundi. -
Nous n'avons pas reçu d'argent hier, ni
avant-hier. Il me semble urgent de prendre une
décision et d'avertir nos
collaborateurs.
À l'exception de
frère T., ils ignorent l'état de nos
finances. Il faudrait aller aux orphelinats pour
exposer la situation, examiner avec eux ce qu'il
convient de faire, recommander qu'on cesse les
achats d'objets divers ; mais que rien ne soit
supprimé à la nourriture et aux
vêtements des orphelins. Je
préférerais renvoyer ceux-ci que de
les voir manquer de quoique ce soit. Enfin il
faudrait visiter nos maisons et s'assurer qu'il ne
s'y trouve rien d'inutile et qui pût
être vendu. Je voudrais aussi dire à
mes collaborateurs ma parfaite confiance en Dieu,
malgré cette grande épreuve, et leur
proposer que nous nous réunissions pour
prier. Ce moment est très
solennel.
À neuf heures et demie
j'ai reçu soixante centimes, j'y vois la
preuve que Dieu aura compassion et qu'il donnera
davantage. J'ai vu frère Craik et lui ai
ouvert mon coeur. Vers dix heures, alors que je
m'adonnais à nouveau à la
prière, une soeur vint qui donna cinquante
francs à ma femme, et peu après,
autant à moi. Le Seigneur a donc
envoyé un peu d'aide, ce qui a puissamment
fortifié ma foi. Quelques instants
après on venait demander de l'argent pour la
Maison des Petits, j'ai remis cinquante francs,
puis j'ai envoyé vingt-cinq francs soixante
à l'orphelinat de garçons et
vingt-cinq francs à celui des filles. J'ai
rencontré aujourd'hui un jeune frère
qui fut amené au Seigneur, ainsi que l'une
de ses soeurs, par le moyen du
« Récit ».
13 septembre. - À
nouveau, la nécessité d'exposer la
situation des orphelinats à mes
collaborateurs s'est imposée à moi. Il
faut bien qu'ils soient avertis à cause des
achats et pour empêcher les dettes.
Aujourd'hui, je les ai donc réunis, et je
les ai mis au courant en leur demandant le secret.
Puis nous avons prié ensemble. Il n'y a eu
ni gêne, ni contrainte. - J'ai trouvé
quinze francs soixante dans les boîtes des
orphelinats, l'un de nos collaborateurs m'a
donné quinze francs ; la vente des
menus travaux à l'aiguille, faits par les
enfants, a produit vingt-six francs vingt-cinq.
L'une des soeurs m'a fait dire de ne pas me mettre
en peine de son salaire ; elle avait tout ce
qu'il lui fallait pour douze mois. Quelle
bénédiction que d'avoir de tels
collaborateurs.
14 septembre.
- Nous nous
sommes encore réunis pour la prière
ce matin, car Dieu ne nous secourt qu'instant
après instant. Un frère m'a
donné vingt francs, tout ce qu'il
possède, considérant qu'il ne serait
pas convenable de demander de l'argent à
Dieu tout en conservant par devers lui ce qu'il
avait. Une soeur m'a dit qu'elle me donnerait cent
cinquante francs dans quelques jours ; elle
les avait mis à la banque pour un temps
comme celui-ci. Que Dieu soit loué qui m'a
donné de si précieux
collaborateurs ! Les directrices de nos trois
maisons avaient pris l'habitude de payer les
boulangers et le laitier à la semaine parce qu'ILs préféraient
cela.
On a parfois agi de même avec le boucher et
l'épicier. Mais maintenant que le Seigneur
ne nous secourt plus qu'au jour le jour, nous
pensons qu'il serait mal de continuer à
régler à la semaine. À partir
d'aujourd'hui, on paiera donc comptant.
De retour à la maison,
j'ai trouvé un gros colis de vêtements
neufs, expédiés de Dublin pour les orphelins. Cet
envoi nous
apporte la preuve que le Seigneur se souvient
toujours de nous. Nous avons encore prié ce
soir ; nous sommes pleins de courage, ET
CROYONS que Dieu enverra le
nécessaire.
15 septembre.
- Nous nous
sommes réunis ce matin pour prier. Dieu
soutient nos coeurs. Les provisions suffisent
encore, mais l'argent manque pour le pain de
demain ; nous le prenons toujours la veille
pour qu'il soit rassis le lendemain. - Reçu
aujourd'hui d'un de nos aides et d'ailleurs
trente-huit francs, ce qui a permis l'achat de
pain. Que Dieu soit loué !
17 septembre. -
L'épreuve continue ; et elle se fait
chaque jour plus douloureusement sentir. Je suis
assuré que Dieu poursuit l'accomplissement
de ses desseins, en nous imposant cette attente
prolongée. Il enverra le secours si nous
savons l'attendre. L'un de nos collaborateurs
apporte quinze francs soixante, une autre quatorze
francs soixante-dix, tout ce qui lui restait. Nous
avons pu acheter le nécessaire. Ce soir en
considérant qu'il y avait si longtemps que
nous n'avions plus reçu de grands dons, je
me suis senti abattu. Comme j'en ai l'habitude,
lorsqu'il en est ainsi, je suis allé
à la Bible pour être
réconforté ; et mon âme a
trouvé un grand rafraîchissement dans
la lecture du psaume trente-quatrième, en
même temps que ma foi s'en trouvait
fortifiée. Tout joyeux, j'ai rejoint mes
chers collaborateurs pour l'heure de la
prière. J'ai relu avec eux ce psaume en
essayant de réchauffer leurs coeurs avec les
si précieuses promesses.
18 septembre. RÉDUITS
À
L'EXTRÉMITÉ. -
Frère T. avait trente et un francs
vingt-cinq et moi trois francs
soixante-quinze ; le total a suffi pour
acheter les provisions nécessaires, un peu
de thé pour l'un des orphelinats et du lait
pour les trois Maisons. Il y avait du pain pour
deux jours. Nous étions réduits
à l'extrémité ; nos fonds
étaient épuisés et nos
collaborateurs avaient donné le peu qu'ils
possédaient. Et bien, voyez comment Dieu
nous a secourus. Nous avions déjà
pensé à vendre certaines choses qui
ne sont pas indispensables, toutefois j'avais
demandé au Seigneur qu'il ne le permît
pas. Or une dame des environs de Londres, venue
à Bristol où elle habite près
des orphelinats depuis quelques jours, avait
reçu de sa fille pour nous une somme de
quatre-vingts francs à peu près. Elle
est venue cet après-midi et m'a
apporté l'argent. Penser que cette somme
était depuis plusieurs jours si près
des orphelinats - sans être
apportée ! N'est-ce pas ici la preuve
que Dieu voulait nous aider dès le
début. Mais comme il prend plaisir aux
prières de ses enfants, il a permis que nous
eussions à intercéder aussi
longtemps. Il a voulu mettre à
l'épreuve notre foi pour que la
réponse fût pour nous le sujet d'une
plus grande joie. C'est une précieuse
délivrance. Je n'ai pu m'empêcher
d'éclater en louanges, et d'exprimer
à haute voix mes remerciements dès
que j'ai été seul. Nous nous sommes
à nouveau réunis ce soir, mes
collaborateurs, et moi, pour la prière et la
louange ; ils se sont sentis puissamment
encouragés.
27 septembre.
- Les douze
francs reçus avant-hier ont
été donnés à la
« Maison des Petits ».
J'étais allé aux informations et je
savais qu'il y avait tout ce qu'il fallait dans les
trois maisons pour deux jours, même de la
viande. Comme je suis souffrant aujourd'hui et ne
puis me rendre à la
réunion de prières, j'ai
envoyé à frère T. les
vingt-quatre francs que j'ai reçus pour
qu'il les partage entre les trois directrices. Cet
après-midi, j'ai appris la nouvelle
délivrance que le Seigneur nous accorde. Il
y a quelques semaines, j'avais répondu
à un fermier qui me demandait d'admettre sa
fillette, orpheline de mère, que je la
prendrais s'il payait une pension annuelle de deux
cent cinquante-deux francs au minimum, puisqu'il en
a les moyens et que cette somme représente
à peu près les frais d'entretien
d'une enfant de son âge ; somme payable
par trimestre et d'avance. Ce matin il a
amené l'enfant et payé les
soixante-trois francs du trimestre ajoutant
vingt-cinq francs au prix convenu. Que le Seigneur
conserve dans nos âmes, le vivant souvenir de
ces délivrances ; et que chaque
nouvelle marque de sa fidélité serve
à augmenter notre confiance en
lui...
29 septembre. - Voici
plusieurs jours que nous prions pour avoir l'argent
du loyer des maisons. Comme nous n'avons toujours
rien, frère T. et moi nous avons
continué de prier depuis dix heures
jusqu'à midi moins le quart. Midi a
sonné. À cette heure le loyer aurait
dû être payé. Je me suis
demandé à plusieurs reprises si le
silence de Dieu n'était pas une indication
à mettre de côté l'argent
du loyer chaque semaine ou chaque jour.
C'est ici la seconde fois, et seulement la seconde
que nous ne sommes pas exaucés depuis quatre
ans et demi. La première fois,
c'était aussi à propos du loyer d'une
salle de classe. Je suis convaincu maintenant qu'il
faut mettre quelque chose de côté
chaque jour ou chaque semaine pour cela...
Les jours se suivent,
l'épreuve continue ; Dieu continue
aussi de secourir... mais les secours semblent
mesurés, et ne survenir qu'à la
dernière extrémité. L'esprit
de quiconque lit attentivement le journal de George
Müller à cette époque est
presque accablé par cette épreuve
incessante qui tient la foi en haleine, et laisse
à peine aucun répit. George
Müller, lui, n'est pas du tout
accablé ; et le lecteur est
émerveillé par les explosions d'amour
et de reconnaissance, par les louanges et les
actions de grâce qui traversent les lignes
tracées durant ces jours d'épreuve
pour le moindre don reçu. [Nous ne pouvons
parler de jours de disette, puisque les orphelins
ne manquèrent jamais de rien.]
Énergie, volonté, foi,
fidélité, endurance, tout cela,
toutes ces qualités sont mises à
l'épreuve, fortifiées,
décuplées, pendant ces semaines, ces
mois, ces années d'intimité avec
Dieu, qui obtiennent jour après jour la
nourriture et l'entretien des orphelins et de leurs
directeurs. Presque chaque journée
ramène l'obligation de l'intercession pour
que Dieu envoie le nécessaire. Mais jamais
le Père des orphelins ne fit défaut.
Ainsi le 21 novembre il n'y avait plus un seul sou,
absolument plus rien entre les mains des trois
directrices des Orphelinats. L'heure semblait tout
particulièrement sombre. George Müller
était venu prier avec ses collaborateurs
comme il en avait pris l'habitude. La
réunion de prière terminée,
sentant qu'il avait besoin d'exercice, car il
faisait très froid, il prit le plus long
chemin pour rentrer chez lui, et c'est ainsi qu'il
rencontra un frère qui avait
déjà passé deux fois
inutilement à son domicile dans la
matinée. Ce frère lui remit cinq
cents francs pour les diverses oeuvres, dont cent
vingt-cinq francs pour les orphelinats.
Une semaine après, la
situation est de nouveau très grave :
« Il y a de quoi déjeuner dans les
trois Maisons, écrit Müller, mais pour
le soir, le pain, le thé, et le lait,
manquent chez les petits et chez les
garçons. Nous n'avons jamais
été plus pauvres, et même jamais aussi pauvres. Nous nous
sommes
assemblés pour la prière et avons
exposé nos besoins à Dieu en toute
simplicité. Pendant que nous priions, on
frappa à la porte et une des soeurs sortit.
Après un temps de prière à
haute voix, mes deux frères et moi, nous
continuâmes à intercéder
silencieusement. Personnellement, je demandais
à Dieu de me faire voir l'issue de
l'épreuve ; y avait-il autre chose que
je pusse faire en toute bonne conscience, que de
m'adonner à la prière pour donner du
pain aux enfants ? En ce cas qu'il
voulût bien me le montrer ». Nous
nous relevâmes enfin et je dis
aussitôt : « je suis sûr
que Dieu nous enverra du secours ». Je
n'avais pas achevé ma phrase que
j'aperçus sur la table une lettre qu'on
avait apportée pendant que nous priions.
C'était un pli de ma femme en contenant un
second avec deux cent cinquante francs pour les
orphelins. Un frère m'avait demandé
la veille au soir si nous aurions encore cette
année, comme l'année dernière,
une forte encaisse une fois les comptes
arrêtés ? Et je lui avais
répondu que l'encaisse serait ce que Dieu
voudrait qu'elle fût. Le lendemain, ce
frère se sentit pressé de nous
envoyer deux cent cinquante francs qui
arrivèrent chez moi, après mon
départ. Et à cause de notre situation
extrême, ma femme envoyait la lettre sans
retard. De sorte que je pus donner cent
soixante-deux francs cinquante pour les achats
nécessaires, et mettre quatre-vingt-sept
francs cinquante de côté pour le
loyer.
29 novembre. -
Dieu
bénit abondamment nos réunions de
prière et il y répond en nous
envoyant les subsides nécessaires. Ce matin,
j'ai trouvé à l'orphelinat douze
francs cinquante envoyés hier
après-midi ; de retour à la maison,
ou me remet successivement deux dons de vingt-cinq
francs. Enfin le soir, j'ai
reçu mille deux cent cinquante francs d'une
soeur qui habite Suffolk et avait souvent dit
combien elle aimerait nous aider plus largement si
elle en avait les moyens. Et quand nous en avions
le plus grand besoin, Dieu lui a donné ces
moyens, de sorte qu'elle a pu satisfaire le
désir de son coeur. Je me suis très
particulièrement réjoui de ce don,
pas tant à cause de son importance, mais
parce que je puis ainsi payer les traitements des
aides. Bien qu'ils soient prêts à
travailler sans rémunération,
cependant « l'ouvrier est digne de son
salaire ». Ce don prouve aussi que
Dieu vent bien nous aider à nouveau avec des
sommes importantes. J'en attends de plus grandes
encore. Notre soeur de Suffolk envoie en même
temps sept cent cinquante francs pour frère
Craik et moi... Dieu pourvoit avec largesse
à tous nos besoins. En vérité,
nous servons un bon Maître !
Il semble évident que
Dieu permit cette longue saison durant laquelle il
ne donnait le nécessaire que jour
après jour, pour amener George Müller
à établir une collaboration plus
étroite avec ses aides, à partager
avec eux les responsabilités de l'Oeuvre
à laquelle il l'avait appelé. Il
semble aussi que Dieu ait voulu par là
amener tous les collaborateurs de Müller
à une consécration plus
entière et provoquer cette union de tous
dans la prière, union qui fut aussitôt
une source féconde de très grandes et
nombreuses bénédictions.
11 à 13
décembre. - Durant ces trois jours nous
avons eu des réunions publiques au cours
desquelles nous avons exposé, devant les
frères, ce que Dieu avait accompli en faveur
des orphelins, et donné les résultats
des autres branches de l'Institut biblique. Comme
notre travail, et particulièrement l'oeuvre
des orphelinats, a pour but d'enrichir l'Eglise en
général, il nous
semble utile de dire de temps à autre ce que
le Seigneur accomplit. Et puisque la
troisième année s'achève, il
nous a paru bon de convoquer
l'Assemblée.
Si quelqu'un
s'imaginait,
après avoir lu les détails des quatre
mois que nous venons de traverser, que j'ai
été déçu dans mon
attente, je lui dirais qu'il n'en est pas ainsi,
bien au contraire. Je savais que les heures
difficiles viendraient, et longtemps avant que le
temps de l'épreuve fût là,
j'avais souvent dit en public que c'étaient
justement ces réponses à la
prière à l'heure des
difficultés, qui manifestaient que Dieu
entendait, et que sa main pouvait toujours secourir
quiconque s'attendait à Lui. C'est dans ce
but que l'orphelinat a été
fondé.
J'ajouterai ici que
les
orphelins n'ont jamais manqué de rien. Si
j'avais eu des centaines de mille francs en mains,
ils n'auraient pu recevoir davantage, car ils ont
toujours eu une bonne nourriture, des aliments
nutritifs, et rien n'a manqué à leur
habillement.
Du 10 décembre 1836 au
10
décembre 1838, les dépenses se sont
élevées à quarante et un mille
six cent cinq francs cinq centimes. Il y a deux ans
l'encaisse était de neuf mille trois cent
trente francs soixante-quinze ; aujourd'hui,
elle est de douze cent cinquante-six francs
cinquante.
16 décembre.
- Un
pli anonyme déposé dans le tronc de
Béthesda Chapel contenait cent douze francs
cinquante avec cette indication :
« pour le loyer des orphelinats du 10
décembre au 31 décembre
1838 ». - « O goûter
et voyez combien le Seigneur est bon ; heureux
est l'homme qui se confie en
lui ! » Si le lecteur veut
comprendre la
portée de ce don, qu'il se reporte aux
quelques lignes que j'ai écrites le 29
septembre de cette même année,
à propos du loyer (2)...
Il avait fallu faire
d'assez
gros achats pour le ravitaillement
général des orphelinats et ceci avait
à peu près vidé la caisse.
George Müller écrit à ce sujet
dans son journal :
« On aurait
pu
supposer que les coeurs de tous ceux qui avaient
entendu le rapport de l'oeuvre avaient
été touchés en apprenant de
quelle manière remarquable Dieu nous avait
secourus jusque-là ; et par
conséquent nous aurions pu nous attendre
à des subsides abondants... Il n'en fut pas
ainsi. L'encaisse de douze cent cinquante francs
que nous avions au commencement du mois a
peut-être empêché qu'on
soupçonnât nos besoins sitôt
après la clôture des comptes ?
Quoi qu'il en soit, le 20 nous n'avions plus rien
pour les dépenses du 21. Mes collaborateurs
et moi, nous n'en fûmes par autrement
surpris, car nous avions appris à ne rien
attendre de la créature, mais à
regarder uniquement an Dieu vivant.
22 décembre. -
Jour solennel : je reçois une lettre de
mon père qui m'annonce la nouvelle de la
mort de mon frère. Le décès
remonte au 7 octobre. Je n'ai rien appris qui
montrât que sa fin avait été
autre que sa vie, aussi éprouvé-je
une grande tristesse. La mort d'un parent, non
converti, est l'une des plus grandes
épreuves qui puissent survenir au
chrétien...
Durant cette période
difficile, l'oeuvre de l'Orphelinat s'était
développée comme au temps de
l'abondance. Jamais on ne s'était
occupé de ce qu'il y avait en caisse
lorsqu'il y avait eu des demandes d'admission.
Aussi longtemps qu'il y avait de la place, on
recevait tous ceux qui étaient pauvres et
dans l'abandon. Les autres branches de l'Institut
biblique n'avaient pas été
négligées non plus. Dès le
commencement de l'hiver, on avait distribué
aux chrétiens dans la pauvreté du
charbon et des vêtements chauds. Puis des
milliers de francs avaient été
consacrés aux achats de vivres, qu'on avait
distribués au cours de l'hiver, et un grand
nombre de veuves avaient été
largement assistées.
22 janvier. - Un frère, autrefois
officier de marine et qui renonça à
son grade et à sa solde pour l'amour de
Jésus, nous a donné de l'argenterie
(cuillers et fourchettes), pour que nous les
vendions au bénéfice de
l'orphelinat.
7 février.
-
Journée remarquable. Ce matin nous n'avions
plus d'argent. Frère T. est allé
à Clifford pour les arrangements
nécessaires à l'admission de trois
orphelins ; car même lorsque nous
n'avons rien, l'oeuvre continue, et notre confiance
n'est pas diminuée. L'un de nos
collaborateurs a donné six francs vingt-cinq
et j'ai reçu la même somme vers quatre
heures, avant de quitter la maison pour la
prédication. J'avais demandé au
Seigneur mon texte, et il m'a conduit à
choisir Matthieu
VI : 19-34, passage
des mieux appropriés à nos
circonstances.
Le service terminé, je
suis allé à l'orphelinat de filles
pour prier avec le personnel et donner l'argent
reçu. Une caisse à mon adresse y
était arrivée l'expéditeur en
avait payé le port... Heureusement car l'argent
manquant, nous
n'aurions pu le payer nous-mêmes. (Voyez
comme Dieu prend soin des plus petits
détails !) La caisse fut ouverte :
elle contenait un don de deux cent cinquante francs
que nous envoyait une soeur de Barnstaple, un autre
don de soixante-quatre francs de quelques
frères du même endroit, enfin un
troisième de six francs vingt-cinq. La
caisse contenait encore des vêtements et
quelques bijoux de peu de valeur à vendre.
Je demandai alors à mes collaboratrices
comment la journée s'était
passée ? - « Il y avait eu le
nécessaire pour le déjeuner,
après le repas, une visiteuse de Thornbury
était venue qui avait acheté un
exemplaire du Récit et un autre du Rapport ; en
payant, elle avait
donné trois francs soixante-quinze en plus.
Cinq minutes après, le boulanger arrivait
chez les garçons, et la directrice. de
l'Orphelinat des filles l'apercevant, se hâta
d'aller porter l'argent nécessaire, huit
francs vingt, pour qu'on ne le renvoyât pas
sans rien prendre (faute de fonds). Ce qui lui
restait avait servi à acheter du pain pour
l'Orphelinat de filles
(3). »
Les divers dons que je venais de recevoir me
permirent de donner d'abondants subsides aux trois
maisons.
Qu'il est doux de
constater de
quels tendres soins nous sommes entourés par
notre Père céleste. Pour quiconque a
quelque discernement spirituel, une journée
comme celle-ci manifeste cette Providence divine
qui entre dans les plus petits détails de
nos vies. Et combien de journées
semblables !
13 février.
-
Aujourd'hui, j'ai donné à
frère T. tout ce qui me restait, en lui
disant qu'il fallait à nouveau regarder à Dieu.
Et ce soir nous avions cent cinq francs !
Voici comment : un monsieur et une dame sont
venus visiter les orphelinats. Ils se
rencontrèrent à la maison des
garçons avec deux autres visiteuses, venues
dans le même but. L'une d'elles se tournant
vers la directrice dit : Et naturellement vous
ne pouvez continuer cette Oeuvre sans un gros
capital ? Ce à quoi le monsieur
ajouta : « Avez-vous un
capital ? » - « Nos fonds
sont déposés à une banque qui
ne peut faire faillite, répondit la
directrice. » Des larmes vinrent aux yeux
de la personne qui avait posé la
première. question. Au départ, le
monsieur donna cent vingt-cinq francs.
Nous n'avions
plus un seul
sou en caisse.
5 mars.
- En plus des
subsides pour la dépense quotidienne
ordinaire, il me faut plusieurs centaines de francs
pour l'achat de charbon. Il faut aussi renouveler
les barils de mélasse (4) vides de
deux orphelinats.
TANDIS
QUE J'ÉTAIS EN PRIÈRE, EXPOSANT A
DIEU NOS BESOINS, G. envoya un chèque de
cent quatre francs cinquante. C'est ainsi que le
Seigneur nous donnait à nouveau le secours
en temps opportun. À cette somme, nous
pûmes ajouter cinquante francs provenant de
la vente d'articles donnés à cet
effet.
18 mars.
- Lundi. -
Reçu hier soir cent vingt-cinq francs avec
ce verset : Ecclésiaste
IX : 10.
Ceci nous a permis de faire face aux
dépenses du jour.
Cher lecteur,
arrête-toi
un instant. Considère que le Seigneur envoie
toujours le
secours quand le besoin s'en fait sentir. Pas une
seule fois, il ne nous a oubliés ! Pas
une seule fois, il n'a envoyé que la moitié du
nécessaire !
Pas une seule fois le secours n'est arrivé
trop tard ! Cher lecteur, si tu n'as pas fait
une expérience analogue des soins vigilants
du Seigneur, considère sa bonté,
« ô viens et vois combien le
Seigneur est bon ! »
23 mars.
- J'ai
reçu aujourd'hui une lettre de frère
T. qui a dû partir en Devonshire pour raisons
de santé. Il a donné l'un des
rapports de l'Oeuvre à un frère qui,
extrêmement intéressé, se mit
à prier pour que sa soeur, une
chrétienne, donnât ses bijoux pour les
orphelinats ; et il fut exaucé. C'est
ainsi que frère T. pouvait m'envoyer une
chaîne de montre en or, une bague avec dix
diamants et deux bracelets en or de la part de
cette dame ; le frère avait joint une
somme de cinquante francs à l'envoi. Ces
dons couvrirent, les dépenses courantes en
fin de semaine, et me permirent de régler
les traitements en retard des aides, soit trois
cent soixante-quinze francs. Mes collaborateurs ne
demandent rien ; bien plus, si quelque besoin
se fait sentir, ils sont prêts à
donner ce qu'ils possèdent ; mais je
n'en ai pas moins demandé à Dieu
qu'il m'envoyât la possibilité de
payer la rémunération convenue. Il
m'a exaucé et j'en ai de la joie.
11 avril.
- Il y a
aujourd'hui trois ans que les premiers orphelins
ont été reçus. Ces trois
années sont remplies des bontés de
Dieu à notre égard. Nous n'avons
manqué de rien ! Aujourd'hui il nous
envoie cent vingt-cinq francs de façon peu
ordinaire voici une copie de la lettre qui
accompagne ce don :
« Mon cher
ami. Nous
avons une domestique qui a servi
autrefois comme fille de cuisine dans une grande
maison : Monsieur, membre influent du
Parlement, Madame, fille de comte. Les pourboires
étaient interdits ; mais, imitant les
autres domestiques notre bonne vendait à son
profit des fournitures de cuisine. Elle estime que
le préjudice causé à ses
anciens patrons, de ce chef, peut s'élever
à une centaine de francs, et que cent
vingt-cinq francs couvriront l'intérêt
et le principal. Cette somme était due
à ses anciens maîtres et j'ai eu avec
eux plusieurs entrevues à ce sujet. Or, ils
désirent que cela soit versé à
une Oeuvre quelconque. La coupable a lu le Rapport que vous
m'avez aimablement
envoyé, et elle a le plus grand désir
que le produit de sa repentance aille à
votre Oeuvre de foi et d'amour. Il est remarquable
que notre servante, qui est foncièrement
chrétienne depuis un an et demi, se soit
souvenue tout récemment seulement de ce
péché des jours
d'autrefois... »
15 juillet. -
Lundi. Il
nous fallait aujourd'hui cinquante-neuf francs
cinquante pour les orphelins et nous n'avions rien.
Comment se procurerait-on le nécessaire pour
les repas ? Je n'aurais pu le
dire...
Mais mon coeur était
dans
une paix parfaite, et j'avais très
particulièrement l'assurance d'un prompt
secours, sans pour cela avoir la moindre
idée de la façon dont il se
produirait. Or, avant que frère T. vint
demander les fonds nécessaires, je
reçus une lettre de l'Inde contenant un
chèque de mille deux cent cinquante francs
pour les Maisons d'orphelins. L'envoi avait
été fait en mai. Il est à
noter que l'avant-veille j'avais exactement
indiqué cette somme à frère T.
en lui disant qu'elle était
nécessaire. Car nous avons à payer le
traitement des aides, à acheter trois barils
de mélasse, à remplacer quelques
autres provisions épuisées, à
acheter des vêtements, et enfin de la laine
pour que les garçons puissent continuer le
tricotage. Ainsi le Seigneur envoyait juste
à point la somme que j'avais
nommée ; et je lui en fus d'autant plus
reconnaissant que je me préparais à
quitter Bristol.
VISITE À TEIGNMOUTH. -
Arrivés le 16 septembre à Teignmouth,
mon premier champ de travail ; nous y avons
passé douze jours. Depuis mai 1833, je
n'avais pas revu les frères. Le Seigneur m'a
donné à plusieurs reprises la force
suffisante pour le ministère de la Parole...
Bien des choses m'ont réjoui, entre autres
celle-ci : certaines des vérités
que j'avais prêchées ici dans la
faiblesse et confusément sont maintenant
bien appliquées et de façon
intelligente. Les frères nous ont
témoigné beaucoup
d'affection.
DE
LA
BÉNÉDICTION DU LEVER MATINAL. -
Plymouth, 28 septembre. - C'est ici que ma
pensée a été ramenée de
nouveau sur la bénédiction qu'il y a
à se lever de bon matin [une habitude que je
n'ai plus abandonnée par la suite,
écrit-il plus tard (5) ]. Le frère
qui nous
reçoit se lève de bonne heure, et je
l'ai entendu faire à propos des sacrifices
lévitiques, quelques applications fort
justes à la vie du chrétien.
Celles-ci ont retenu mon attention et je les donne
ici:
« C'était le
meilleur de son troupeau, les prémices de
ses récoltes que les Israélites
devaient offrir en sacrifice à
l'Éternel. Il convient donc aussi que le
meilleur de nos journées lui soit
consacré, qu'il soit mis à part pour
la communion avec Dieu. » En
général, je m'étais toujours
levé d'assez bonne heure ; mais depuis
que ma tête était si faible, je me
disais que la journée serait toujours assez
longue pour mes forces, qu'il était donc
préférable de rester au lit plus
longtemps. Aussi je me levais entre six et sept, et
parfois après sept heures. Lorsque
j'entendis mon frère, je décidai que,
malade ou non, plus jamais je ne passerais au lit
la partie la plus précieuse de mon temps.
Par la grâce de Dieu, je pus commencer le
jour suivant, et j'ai continué depuis
(6). Je
m'accorde
maintenant sept heures de sommeil, et bien que je
ne sois pas fort et que j'aie en
général bien des sujets de fatigue,
cela me procure le repos suffisant.
Que chacun fasse cette
expérience, et qu'il passe une, deux ou
trois heures à méditer et à
prier, avant le déjeuner du matin, soit dans
sa chambre, soit dans les champs, avec sa Bible
à la main, et il expérimentera
rapidement les bienfaits de cette habitude sur
l'être extérieur et l'être
intérieur. Je supplie tous mes frères
et soeurs qui liront ces lignes et n'ont pas la
coutume du lever matinal d'en faire l'essai, et ils
ne tarderont pas à louer le Seigneur
à ce sujet.
George
Müller,
après
quelques semaines de repos, rentra à
Bristol. Dieu continuait de pourvoir aux multiples
besoins des orphelins dont le nombre allait
croissant. Dans l'abondance et la pauvreté,
écrit Warne, par temps
ensoleillé ou en pleine tempête,
l'esprit et le coeur de George Müller
restaient en repos ; tellement il était
persuadé que, de façon ou d'autre,
Dieu pourvoirait à tout ce qu'il fallait
pour les orphelins qu'il avait accueillis au Nom de
Jésus... Et il lui fut fait selon qu'il
avait cru.
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