Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE IX

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MARS 1838 - OCTOBRE 1839. - SECOND SÉJOUR EN ALLEMAGNE, NOTES DE VOYAGE. - GUÉRISON. -
LA FOI MISE A L'ÉPREUVE. - LE DANGER DES CHEMINS DE TRAVERSE. -
RÉDUITS À L'EXTRÉMITÉ. - LA SITUATION EST EXPOSÉE AUX COLLABORATEURS. -
RÉUNION DE PRIÈRE QUOTIDIENNE AVEC LE PERSONNEL. - LE « PÈRE DES ORPHELINS ». - JÉSUS-CHRIST TOUJOURS LE MÊME. - RÉSOLUTION DE PAYER COMPTANT TOUS LES FOURNISSEURS. - L'ARGENT DU LOYER MIS DE CÔTÉ CHAQUE SEMAINE. - LES SAINTS SECOURUS. QUELQUES SEMAINES A TEIGNMOUTH ET À PLYMOUTH. - LE MEILLEUR DE LA JOURNÉE CONSACRÉ A DIEU.


 

À NOUVEAU, la possibilité d'un voyage en Allemagne se présenta pour G. Müller. Il hésita, il pesa le pour et le contre ; il pria pour connaître la pensée de Dieu. Les maux de tête continuaient... Il ne pouvait faire aucun service public. Un changement d'air, le retour au pays natal, lui seraient peut-être favorables ? Enfin il pourrait aider frère X. dans sa mission. Voici ce qu'il écrivit à ce sujet :

11 mars. - Après avoir beaucoup prié, j'ai décidé d'accompagner frère X. en Allemagne :

1° Je pourrai l'aider à atteindre le but de son voyage ;
2° Avec la bénédiction de Dieu, ce déplacement et l'air natal pourront concourir à mon rétablissement ;
3° J'aurai par là une nouvelle occasion d'exposer la vérité devant mon père et mon frère.

... J'ai relu de nouveau, ces semaines passées, les livres du prophète Samuel et des Rois et j'y ai trouvé autant d'intérêt que jamais, si ce n'est plus.

12 mars. - Ma pensée est tout à fait en repos au sujet de ce voyage en Allemagne. Je crois qu'il est bien dans la volonté de Dieu que je l'entreprenne, et que la suite le prouvera.

3 avril. - SECOND VOYAGE EN ALLEMAGNE. - J'ai quitté Bristol ce matin. Avant de partir, j'ai choisi pour le lire avec ma chère femme le psaume CXXI, et tous deux nous avons senti combien il était approprié.

6 avril. - J'ai pris passage ce soir à bord du vapeur en partance pour Hambourg.

7 avril. - Souffert toute la journée du mal de mer.

8 avril. - Jour du Seigneur. - J'ai pu me lever ce matin et prendre les repas. Je croyais être le seul à bord qui servit Dieu, mais ce matin, j'ai découvert une soeur en Christ parmi les passagers, et nous avons conversé tous deux longuement. Au déjeuner, elle a eu plus de courage que moi pour s'élever contre le mal. Au thé, le Seigneur m'a aidé et j'ai reçu assez de grâce pour parler de Jésus à mes compagnons de voyage, pour le confesser devant eux.

9 avril. - Hambourg. - Nous sommes arrivés ici à une heure du matin après une très rapide traversée de quarante-huit heures. À sept heures, je suis descendu à terre (1).

14 avril. - Berlin. - Ici depuis avant-hier. J'ai rencontré quelques frères qui désirent partir comme missionnaires. Nous avons prié ensemble et lu les Écritures. - Reçu ici deux lettres de ma chère femme. Dieu a repris à lui Harriett Culliford, l'une de nos orphelines qui avait autrefois l'un des caractères les plus difficiles. Elle est morte en chrétienne. Voilà certes qui dédommage de bien des peines. Ma femme mentionne aussi de nouvelles bénédictions accordées à la publication du « Récit ». Aujourd'hui 21 avril, après avoir beaucoup prié à ce sujet, j'ai décidé de quitter, Berlin pour aller chez mon père. Il y a trop à faire ici pour moi ; plus que je n'en puis supporter, car je souffre beaucoup de la tête.

22 avril. - Jour de confirmation à Berlin. Le fils de la personne chez qui nous logeons à été confirmé, et on célèbre le fait, ce soir, avec un violon et des danses ! Que c'est affreux !

On m'a parlé ces jours-ci d'un de mes chers amis, un frère, qui a été mis en prison pour ses idées religieuses. Ceci m'a fait penser à nouveau aux privilèges dont jouissent les enfants de Dieu en Angleterre.

24 avril. - J'ai quitté Berlin hier soir à destination de Magdebourg. Dans la diligence, j'ai eu une longue conversation avec deux déistes. J'avais prié Dieu qu'Il me fît la grâce d'être un fidèle témoin. Il m'a exaucé et j'ai pu confesser hardiment son bien-aimé Fils Jésus. Je suis arrivé cet après-midi à Heimersleben. J'ai revu mon cher père, maintenant très âgé ; il semble s'incliner rapidement vers la tombe et je me demande s'il passera l'hiver qui vient ?

25-28 avril. - HEIMERSLEBEN. - J'ai eu de nouveau l'occasion d'exposer devant mon père, de façon plus complète, plus simple, et qui, je crois, a touché son coeur, le plan du salut. J'ai obtenu ce résultat qu'il est bien convaincu maintenant qu'il lui manque quelque chose. Il s'est montré plein d'affection pour moi. J'ai aussi parlé très nettement à mon pauvre frère qui vit ouvertement dans le péché... Quelle dette n'ai-je pas contractée envers Dieu !...

28 avril. - En route pour Magdebourg ! Mon père a voulu m'accompagner la distance de dix kilomètres à peu près. Comme notre séparation serait moins douloureuse si mon cher père était chrétien. J'ai vu à Magdebourg un frère qui va quitter l'armée où il est musicien, pour partir comme missionnaire. J'ai aussi rencontré un autre frère, un soldat, qui, pour pouvoir se recueillir et prier, doit chercher un refuge dans le souterrain où l'on garde le sable. Qu'il est grand le privilège de ceux qui jouissent d'un endroit favorable et du temps nécessaire à la communion avec Dieu. Ce soir j'ai pris passage à bord d'un vapeur qui descend l'Elbe jusqu'à Hambourg, où nous arrivons le 30 au matin.

BRISTOL. - 8 mai. - J'ai quitté Hambourg le 2 ; je suis arrivé à Londres le 4 et à Bristol le 7. J'ai pu aller ce soir à la réunion de prière de « Gideon Chapel », et y remercier Dieu publiquement pour l'épreuve qu'il m'avait envoyée. C'est la première fois que je prends une part active à un service public depuis le 6 novembre 1837.

11 juin. - J'ai eu la visite d'un étranger qui m'a demandé de remettre de sa part, avec les intérêts, une petite somme qu'il a dérobée il y a quelque temps. Il avait lu le « Récit », ce qui l'amenait à se confier en moi et à me demander ce service. Il me donna donc les noms et adresses des deux personnes lésées, cent francs pour chacune, plus vingt-cinq francs à mon intention comme gage d'amour chrétien. J'ai fait l'envoi de cet argent ; non par la poste, comme il me l'avait demandé, mais par une banque, afin d'avoir les reçus en cas de besoin. En ce genre d'affaires, on ne saurait être trop prudent. Peut-être quelque lecteur ayant sur la conscience une indélicatesse lira-t-il ces lignes ? En ce cas qu'il n'hésite pas à rendre ce qu'il a pris, comme Zachée, et s'il en a les moyens qu'il le rende avec les intérêts simples, et même les intérêts composés.

Le 13 juin 1838, Mme Müller donna naissance à un enfant mort-né. Ce fut une douloureuse épreuve pour le père et la mère. Mme Müller fut quinze jours entre la vie et la mort. Une fois de plus, Dieu exauça la prière fervente qui montait vers lui en sa faveur, et ses jours furent prolongés (Pierson).


12 juillet. - LA FOI MISE A L'ÉPREUVE. - Depuis la fondation des orphelinats jusqu'à la fin de juin 1838, Dieu n'a cessé de nous montrer sa faveur en subvenant très largement à tous les besoins de l'Oeuvre. Mais maintenant, il semble que le « Père des orphelins » veuille nous dispenser les ressources d'une autre manière. Il y a un an nous avions en caisse dix-neuf mille cinq cents francs ; aujourd'hui nous n'avons plus que cinq cents francs par devers nous. Cependant, grâce à Dieu, ma foi est aussi ferme aujourd'hui qu'auparavant, et même elle est peut-être encore plus affermie. Jamais je n'ai douté du Seigneur.

Toutefois, comme Il veut que nous allions à lui, et comme la foi véritable conduit à la prière, je me suis adonné plus particulièrement à la prière avec frère T., de l'orphelinat des garçons, afin de recevoir le nécessaire. Il est la seule personne à qui je parle de l'état de nos finances, en dehors de ma femme et de frère Craik. Tandis que nous vaquions à la prière, on amena un orphelin de Frome ; quelques chrétiens de l'endroit s'étaient cotisés et envoyaient en même temps que lui cent vingt-cinq francs. Ce fut la première réponse à nos requêtes. Nous venons de décider l'admission de sept enfants ; et nous pensons en recevoir cinq autres, bien que la caisse soit presque vide ; mais nous comptons que Dieu subviendra à nos besoins. Remarquez la bonté du Seigneur : quand le secours est nécessaire, il intervient aussitôt, il répond immédiatement à la prière pour fortifier la foi, et pour préparer en même temps ses enfants à des épreuves encore plus grandes.

22 juillet. - Je me promenais ce soir dans notre petit jardin en méditant sur ces paroles : « Jésus-Christ est le même hier, aujourd'hui, et éternellement (Héb. XIII : 8). Et tandis que je réfléchissais à cet amour, à cette puissance, à cette sagesse immuables, je me disais que ceux-ci ayant dispensé jusqu'ici tout ce qu'il fallait à nos orphelins, continueraient de le faire à l'avenir, puisqu'ils sont toujours les mêmes. Un courant de joie remplit alors mon âme, tandis que je réalisais l'inaltérable amour de mon adorable sauveur. Une minute après, on m'apportait une lettre contenant cinq cents francs accompagnés de ces lignes : « Veuillez employer au mieux le montant du billet inclus : pour l'Institut biblique ou les orphelins, ou de quelque façon que le Maître vous l'indique. Ce n'est pas une grosse somme, mais elle est suffisante pour le jour présent... ».

26 juillet. - Aujourd'hui, trois soeurs et douze frères allemands se sont embarqués à Liverpool, à destination de l'Inde. C'est ici le résultat du voyage en Allemagne, que frère X. et moi nous avons entrepris au printemps.

6 août. - J'aurais à payer au moins huit cent soixante-quinze francs pour les orphelins cette semaine et je n'ai en mains que quatre cent soixante-quinze francs. Mais j'ai les yeux fixés sur « le père des orphelins », et je crois qu'il nous aidera, bien que je ne sache pas comment.

7 août. - Dieu s'est manifesté à nouveau. Et si promptement ! envoyant le secours du côté où nous ne l'aurions pas attendu. J'avais prié avec ardeur hier et aujourd'hui, suppliant Dieu d'agir, de manifester sa puissance, afin que les ennemis ne puissent pas dire : « Où est maintenant son Dieu ? ». Je lui ai rappelé comment j'avais commencé l'Oeuvre pour manifester à notre siècle qu'il est toujours prêt à répondre à la prière, et que la subsistance des orphelins était cette preuve. Et maintenant, voyez ! Hier, frère Craik m'annonça qu'on lui avait remis deux cent cinquante francs pour l'Institut biblique, les orphelinats, et le fonds missionnaire. Comme il y avait six cent vingt-cinq francs à payer aujourd'hui et que je n'avais pas assez d'argent, je pris avec moi les clefs des boîtes placées dans nos Maisons, et passai voir frère T. à l'orphelinat des garçons, sachant qu'il avait aussi reçu quelque chose. Dans la boîte de l'orphelinat des garçons, je trouvai trente quatre francs cinquante ; de son Côté, frère T. avait reçu quatre cent neuf francs. Tout cela réuni me donnait plus que la somme nécessaire. Encore une fois, notre adorable Sauveur avait envoyé la délivrance. J'ai eu mains plus qu'il ne me faut pour les dépenses courantes.

29 août. - Aujourd'hui, seize chrétiens ont reçu le baptême. Parmi eux, un frère de quatre-vingt-quatre ans, et un autre de soixante-dix ans pour lequel sa femme priait depuis trente-huit ans !

5 septembre. - L'épreuve continue. Dieu donne jour après jour le nécessaire, et presque heure après heure. Il semble qu'il dise que « son moment n'est pas encore venu ». Mais j'ai foi en lui, et je sais qu'il enverra le secours... Tandis que j'étais en prière cet après-midi, je reçus l'assurance de l'exaucement, et j'ai loué le Seigneur par anticipation... Hier j'avais demandé à Dieu que ma foi ne défaillît point. Frère T. est arrivé, apportant cent un francs, produit de plusieurs dons. Il m'a annoncé en même temps qu'il allait m'envoyer les comptes de la Maison des Petits, qui a besoin d'argent pour les dépenses courantes. Un instant j'ai pensé à garder la somme apportée en prévision de ces dépenses. Mais à chaque jour suffit sa peine : le Seigneur peut donner à nouveau pour demain, et j'ai envoyé soixante-quinze francs à une soeur pour le paiement du trimestre échu, et le reste pour l'orphelinat de garçons. Je suis donc derechef sans le sou. Mon espoir est en Dieu. Il pourvoira.

8 septembre. - Samedi soir. L'épreuve continue. Avant-hier, j'ai assisté an service de frère Craik ; il a prêché sur Abraham (Genèse XII) et a montré que tout alla bien pour lui aussi longtemps qu'il marcha par la foi, et selon la volonté de Dieu. Mais dès qu'il perdit confiance, et qu'au lieu de regarder à Dieu il suivit ses propres pensées, il rencontra la détresse, Je me suis aussitôt appliqué les paroles entendues : que Dieu me garde de prendre les chemins de traverse, ou de recourir à quelque moyen qui ne serait pas « le sien ». J'ai cinq mille cinq cents francs en banque, somme que m'ont remise un frère et une soeur pour une autre branche de l'oeuvre. Je pourrais en distraire une partie et les en avertir. Ils aiment les orphelinats et l'ont souvent montré par leurs dons généreux ; le frère m'a même dit de lui laisser savoir si j'avais besoin d'argent. Mais ce serait là une délivrance de ma façon ; ce ne serait pas celle de Dieu. Et quelle pierre d'achoppement pour la foi, lorsque l'épreuve surviendrait à nouveau. En entendant frère Craik, j'ai aussi discerné le danger de déshonorer le Seigneur sur le point même que j'ai voulu le glorifier en me confiant en lui. J'ai plaidé avec Dieu hier et
aujourd'hui, lui présentant onze arguments, onze raisons d'envoyer du secours ! Mon esprit jouit maintenant d'une grande paix, d'une paix qui devient de la joie. Je dois ajouter que « le fardeau » de ma prière ces jours passés, la pensée dominante de mes requêtes, c'était que dans sa bonté, le Seigneur voulût bien empêcher ma foi de chanceler. Mes yeux sont sur lui. Il peut intervenir à tout instant. Et je suis sûr qu'il le fera à sa manière et à son heure. Voici les onze arguments que j'ai plaidés devant lui :

1) L'oeuvre des Orphelinats est pour la gloire de Dieu, pour donner la preuve visible que par le seul exaucement de la prière, il subvient aux besoins des orphelins. Qu'il se révèle donc comme le Dieu vivant qui, encore aujourd'hui, entend la prière et qu'il lui plaise d'envoyer des secours.

2) Il est le « père des orphelins ». Qu'il veuille donc bien les assister en conséquence (Psaume LXVIII : 5).

3) J'ai reçu les enfants au Nom de Jésus. C'est donc Lui que j'ai reçu en les recevant, en leur donnant la nourriture et le vêtement. Qu'il plaise à Dieu de le prendre en considération (Marc IX : 36, 37).

4) L'oeuvre de l'orphelinat a jusqu'ici fortifié la foi de beaucoup. Si Dieu n'intervient pas, la foi des faibles en sera ébranlée, au lieu que s'il envoie le secours, elle en sera fortifiée.

5) S'il n'envoyait pas le nécessaire, il donnerait aux ennemis l'occasion de rire et de dire : « N'avions-nous pas annoncé que toute cette affaire finirait ainsi ? ».

6) Si le Seigneur n'envoyait pas le secours, les enfants de Dieu encore peu développés ou encore charnels se sentiraient justifiés à s'allier au monde pour l'oeuvre du Seigneur ; ils s'autoriseraient de notre échec pour continuer à recourir à des moyens non scripturaires, afin de trouver les subsides nécessaires aux oeuvres similaires.

7) Plaise au Seigneur de se souvenir que je suis son enfant, Qu'il veuille donc avoir pitié de moi puisque je ne puis pas nourrir tous ces orphelins. Qu'il ne permette pas que ce fardeau pèse plus longtemps sur moi et qu'il daigne envoyer le secours.

8) Qu'il daigne aussi se souvenir de mes collaborateurs qui, eux aussi, ont mis leur confiance en lui, mais qui seraient extrêmement éprouvés, s'il ne venait pas à notre aide.

9) Qu'il veuille bien se souvenir que, faute de secours, j'aurais à renvoyer les orphelins auprès de leurs anciens compagnons, alors qu'ils sont élevés chez nous dans la connaissance de sa Parole.

10) Qu'il lui plaise de montrer l'erreur de ceux qui ont dit : « C'est fort bien au début, et tant que la chose est nouvelle, mais cela ne durera pas ».

11) Que s'il refusait maintenant de nous envoyer les secours nécessaires, je ne saurais plus comment interpréter les si nombreux et remarquables exaucements de prière accordés jusque-là dans l'oeuvre, exaucements qui m'ont donné la preuve qu'elle procédait de lui.

En une certaine mesure, je comprends maintenant mieux que je ne le faisais jusqu'ici, le sens de l'expression qu'emploie si souvent le psalmiste : « Jusques à quand ». Même maintenant, en cette extrémité, et avec son aide, je garde les yeux attachés sur Dieu, et je crois qu'Il enverra le secours.

10 septembre, lundi. - Nous n'avons pas reçu d'argent hier, ni avant-hier. Il me semble urgent de prendre une décision et d'avertir nos collaborateurs.
À l'exception de frère T., ils ignorent l'état de nos finances. Il faudrait aller aux orphelinats pour exposer la situation, examiner avec eux ce qu'il convient de faire, recommander qu'on cesse les achats d'objets divers ; mais que rien ne soit supprimé à la nourriture et aux vêtements des orphelins. Je préférerais renvoyer ceux-ci que de les voir manquer de quoique ce soit. Enfin il faudrait visiter nos maisons et s'assurer qu'il ne s'y trouve rien d'inutile et qui pût être vendu. Je voudrais aussi dire à mes collaborateurs ma parfaite confiance en Dieu, malgré cette grande épreuve, et leur proposer que nous nous réunissions pour prier. Ce moment est très solennel.

À neuf heures et demie j'ai reçu soixante centimes, j'y vois la preuve que Dieu aura compassion et qu'il donnera davantage. J'ai vu frère Craik et lui ai ouvert mon coeur. Vers dix heures, alors que je m'adonnais à nouveau à la prière, une soeur vint qui donna cinquante francs à ma femme, et peu après, autant à moi. Le Seigneur a donc envoyé un peu d'aide, ce qui a puissamment fortifié ma foi. Quelques instants après on venait demander de l'argent pour la Maison des Petits, j'ai remis cinquante francs, puis j'ai envoyé vingt-cinq francs soixante à l'orphelinat de garçons et vingt-cinq francs à celui des filles. J'ai rencontré aujourd'hui un jeune frère qui fut amené au Seigneur, ainsi que l'une de ses soeurs, par le moyen du « Récit ».

13 septembre. - À nouveau, la nécessité d'exposer la situation des orphelinats à mes collaborateurs s'est imposée à moi. Il faut bien qu'ils soient avertis à cause des achats et pour empêcher les dettes. Aujourd'hui, je les ai donc réunis, et je les ai mis au courant en leur demandant le secret. Puis nous avons prié ensemble. Il n'y a eu ni gêne, ni contrainte. - J'ai trouvé quinze francs soixante dans les boîtes des orphelinats, l'un de nos collaborateurs m'a donné quinze francs ; la vente des menus travaux à l'aiguille, faits par les enfants, a produit vingt-six francs vingt-cinq. L'une des soeurs m'a fait dire de ne pas me mettre en peine de son salaire ; elle avait tout ce qu'il lui fallait pour douze mois. Quelle bénédiction que d'avoir de tels collaborateurs.

14 septembre. - Nous nous sommes encore réunis pour la prière ce matin, car Dieu ne nous secourt qu'instant après instant. Un frère m'a donné vingt francs, tout ce qu'il possède, considérant qu'il ne serait pas convenable de demander de l'argent à Dieu tout en conservant par devers lui ce qu'il avait. Une soeur m'a dit qu'elle me donnerait cent cinquante francs dans quelques jours ; elle les avait mis à la banque pour un temps comme celui-ci. Que Dieu soit loué qui m'a donné de si précieux collaborateurs ! Les directrices de nos trois maisons avaient pris l'habitude de payer les boulangers et le laitier à la semaine parce qu'ILs préféraient cela. On a parfois agi de même avec le boucher et l'épicier. Mais maintenant que le Seigneur ne nous secourt plus qu'au jour le jour, nous pensons qu'il serait mal de continuer à régler à la semaine. À partir d'aujourd'hui, on paiera donc comptant.

De retour à la maison, j'ai trouvé un gros colis de vêtements neufs, expédiés de Dublin pour les orphelins. Cet envoi nous apporte la preuve que le Seigneur se souvient toujours de nous. Nous avons encore prié ce soir ; nous sommes pleins de courage, ET CROYONS que Dieu enverra le nécessaire.

15 septembre. - Nous nous sommes réunis ce matin pour prier. Dieu soutient nos coeurs. Les provisions suffisent encore, mais l'argent manque pour le pain de demain ; nous le prenons toujours la veille pour qu'il soit rassis le lendemain. - Reçu aujourd'hui d'un de nos aides et d'ailleurs trente-huit francs, ce qui a permis l'achat de pain. Que Dieu soit loué !

17 septembre. - L'épreuve continue ; et elle se fait chaque jour plus douloureusement sentir. Je suis assuré que Dieu poursuit l'accomplissement de ses desseins, en nous imposant cette attente prolongée. Il enverra le secours si nous savons l'attendre. L'un de nos collaborateurs apporte quinze francs soixante, une autre quatorze francs soixante-dix, tout ce qui lui restait. Nous avons pu acheter le nécessaire. Ce soir en considérant qu'il y avait si longtemps que nous n'avions plus reçu de grands dons, je me suis senti abattu. Comme j'en ai l'habitude, lorsqu'il en est ainsi, je suis allé à la Bible pour être réconforté ; et mon âme a trouvé un grand rafraîchissement dans la lecture du psaume trente-quatrième, en même temps que ma foi s'en trouvait fortifiée. Tout joyeux, j'ai rejoint mes chers collaborateurs pour l'heure de la prière. J'ai relu avec eux ce psaume en essayant de réchauffer leurs coeurs avec les si précieuses promesses.


18 septembre. RÉDUITS À L'EXTRÉMITÉ. - Frère T. avait trente et un francs vingt-cinq et moi trois francs soixante-quinze ; le total a suffi pour acheter les provisions nécessaires, un peu de thé pour l'un des orphelinats et du lait pour les trois Maisons. Il y avait du pain pour deux jours. Nous étions réduits à l'extrémité ; nos fonds étaient épuisés et nos collaborateurs avaient donné le peu qu'ils possédaient. Et bien, voyez comment Dieu nous a secourus. Nous avions déjà pensé à vendre certaines choses qui ne sont pas indispensables, toutefois j'avais demandé au Seigneur qu'il ne le permît pas. Or une dame des environs de Londres, venue à Bristol où elle habite près des orphelinats depuis quelques jours, avait reçu de sa fille pour nous une somme de quatre-vingts francs à peu près. Elle est venue cet après-midi et m'a apporté l'argent. Penser que cette somme était depuis plusieurs jours si près des orphelinats - sans être apportée ! N'est-ce pas ici la preuve que Dieu voulait nous aider dès le début. Mais comme il prend plaisir aux prières de ses enfants, il a permis que nous eussions à intercéder aussi longtemps. Il a voulu mettre à l'épreuve notre foi pour que la réponse fût pour nous le sujet d'une plus grande joie. C'est une précieuse délivrance. Je n'ai pu m'empêcher d'éclater en louanges, et d'exprimer à haute voix mes remerciements dès que j'ai été seul. Nous nous sommes à nouveau réunis ce soir, mes collaborateurs, et moi, pour la prière et la louange ; ils se sont sentis puissamment encouragés.

27 septembre. - Les douze francs reçus avant-hier ont été donnés à la « Maison des Petits ». J'étais allé aux informations et je savais qu'il y avait tout ce qu'il fallait dans les trois maisons pour deux jours, même de la viande. Comme je suis souffrant aujourd'hui et ne puis me rendre à la réunion de prières, j'ai envoyé à frère T. les vingt-quatre francs que j'ai reçus pour qu'il les partage entre les trois directrices. Cet après-midi, j'ai appris la nouvelle délivrance que le Seigneur nous accorde. Il y a quelques semaines, j'avais répondu à un fermier qui me demandait d'admettre sa fillette, orpheline de mère, que je la prendrais s'il payait une pension annuelle de deux cent cinquante-deux francs au minimum, puisqu'il en a les moyens et que cette somme représente à peu près les frais d'entretien d'une enfant de son âge ; somme payable par trimestre et d'avance. Ce matin il a amené l'enfant et payé les soixante-trois francs du trimestre ajoutant vingt-cinq francs au prix convenu. Que le Seigneur conserve dans nos âmes, le vivant souvenir de ces délivrances ; et que chaque nouvelle marque de sa fidélité serve à augmenter notre confiance en lui...

29 septembre. - Voici plusieurs jours que nous prions pour avoir l'argent du loyer des maisons. Comme nous n'avons toujours rien, frère T. et moi nous avons continué de prier depuis dix heures jusqu'à midi moins le quart. Midi a sonné. À cette heure le loyer aurait dû être payé. Je me suis demandé à plusieurs reprises si le silence de Dieu n'était pas une indication à mettre de côté l'argent du loyer chaque semaine ou chaque jour. C'est ici la seconde fois, et seulement la seconde que nous ne sommes pas exaucés depuis quatre ans et demi. La première fois, c'était aussi à propos du loyer d'une salle de classe. Je suis convaincu maintenant qu'il faut mettre quelque chose de côté chaque jour ou chaque semaine pour cela...

Les jours se suivent, l'épreuve continue ; Dieu continue aussi de secourir... mais les secours semblent mesurés, et ne survenir qu'à la dernière extrémité. L'esprit de quiconque lit attentivement le journal de George Müller à cette époque est presque accablé par cette épreuve incessante qui tient la foi en haleine, et laisse à peine aucun répit. George Müller, lui, n'est pas du tout accablé ; et le lecteur est émerveillé par les explosions d'amour et de reconnaissance, par les louanges et les actions de grâce qui traversent les lignes tracées durant ces jours d'épreuve pour le moindre don reçu. [Nous ne pouvons parler de jours de disette, puisque les orphelins ne manquèrent jamais de rien.] Énergie, volonté, foi, fidélité, endurance, tout cela, toutes ces qualités sont mises à l'épreuve, fortifiées, décuplées, pendant ces semaines, ces mois, ces années d'intimité avec Dieu, qui obtiennent jour après jour la nourriture et l'entretien des orphelins et de leurs directeurs. Presque chaque journée ramène l'obligation de l'intercession pour que Dieu envoie le nécessaire. Mais jamais le Père des orphelins ne fit défaut. Ainsi le 21 novembre il n'y avait plus un seul sou, absolument plus rien entre les mains des trois directrices des Orphelinats. L'heure semblait tout particulièrement sombre. George Müller était venu prier avec ses collaborateurs comme il en avait pris l'habitude. La réunion de prière terminée, sentant qu'il avait besoin d'exercice, car il faisait très froid, il prit le plus long chemin pour rentrer chez lui, et c'est ainsi qu'il rencontra un frère qui avait déjà passé deux fois inutilement à son domicile dans la matinée. Ce frère lui remit cinq cents francs pour les diverses oeuvres, dont cent vingt-cinq francs pour les orphelinats.

Une semaine après, la situation est de nouveau très grave : « Il y a de quoi déjeuner dans les trois Maisons, écrit Müller, mais pour le soir, le pain, le thé, et le lait, manquent chez les petits et chez les garçons. Nous n'avons jamais été plus pauvres, et même jamais aussi pauvres. Nous nous sommes assemblés pour la prière et avons exposé nos besoins à Dieu en toute simplicité. Pendant que nous priions, on frappa à la porte et une des soeurs sortit. Après un temps de prière à haute voix, mes deux frères et moi, nous continuâmes à intercéder silencieusement. Personnellement, je demandais à Dieu de me faire voir l'issue de l'épreuve ; y avait-il autre chose que je pusse faire en toute bonne conscience, que de m'adonner à la prière pour donner du pain aux enfants ? En ce cas qu'il voulût bien me le montrer ». Nous nous relevâmes enfin et je dis aussitôt : « je suis sûr que Dieu nous enverra du secours ». Je n'avais pas achevé ma phrase que j'aperçus sur la table une lettre qu'on avait apportée pendant que nous priions. C'était un pli de ma femme en contenant un second avec deux cent cinquante francs pour les orphelins. Un frère m'avait demandé la veille au soir si nous aurions encore cette année, comme l'année dernière, une forte encaisse une fois les comptes arrêtés ? Et je lui avais répondu que l'encaisse serait ce que Dieu voudrait qu'elle fût. Le lendemain, ce frère se sentit pressé de nous envoyer deux cent cinquante francs qui arrivèrent chez moi, après mon départ. Et à cause de notre situation extrême, ma femme envoyait la lettre sans retard. De sorte que je pus donner cent soixante-deux francs cinquante pour les achats nécessaires, et mettre quatre-vingt-sept francs cinquante de côté pour le loyer.

29 novembre. - Dieu bénit abondamment nos réunions de prière et il y répond en nous envoyant les subsides nécessaires. Ce matin, j'ai trouvé à l'orphelinat douze francs cinquante envoyés hier après-midi ; de retour à la maison, ou me remet successivement deux dons de vingt-cinq francs. Enfin le soir, j'ai reçu mille deux cent cinquante francs d'une soeur qui habite Suffolk et avait souvent dit combien elle aimerait nous aider plus largement si elle en avait les moyens. Et quand nous en avions le plus grand besoin, Dieu lui a donné ces moyens, de sorte qu'elle a pu satisfaire le désir de son coeur. Je me suis très particulièrement réjoui de ce don, pas tant à cause de son importance, mais parce que je puis ainsi payer les traitements des aides. Bien qu'ils soient prêts à travailler sans rémunération, cependant « l'ouvrier est digne de son salaire ». Ce don prouve aussi que Dieu vent bien nous aider à nouveau avec des sommes importantes. J'en attends de plus grandes encore. Notre soeur de Suffolk envoie en même temps sept cent cinquante francs pour frère Craik et moi... Dieu pourvoit avec largesse à tous nos besoins. En vérité, nous servons un bon Maître !

Il semble évident que Dieu permit cette longue saison durant laquelle il ne donnait le nécessaire que jour après jour, pour amener George Müller à établir une collaboration plus étroite avec ses aides, à partager avec eux les responsabilités de l'Oeuvre à laquelle il l'avait appelé. Il semble aussi que Dieu ait voulu par là amener tous les collaborateurs de Müller à une consécration plus entière et provoquer cette union de tous dans la prière, union qui fut aussitôt une source féconde de très grandes et nombreuses bénédictions.

11 à 13 décembre. - Durant ces trois jours nous avons eu des réunions publiques au cours desquelles nous avons exposé, devant les frères, ce que Dieu avait accompli en faveur des orphelins, et donné les résultats des autres branches de l'Institut biblique. Comme notre travail, et particulièrement l'oeuvre des orphelinats, a pour but d'enrichir l'Eglise en général, il nous semble utile de dire de temps à autre ce que le Seigneur accomplit. Et puisque la troisième année s'achève, il nous a paru bon de convoquer l'Assemblée.

Si quelqu'un s'imaginait, après avoir lu les détails des quatre mois que nous venons de traverser, que j'ai été déçu dans mon attente, je lui dirais qu'il n'en est pas ainsi, bien au contraire. Je savais que les heures difficiles viendraient, et longtemps avant que le temps de l'épreuve fût là, j'avais souvent dit en public que c'étaient justement ces réponses à la prière à l'heure des difficultés, qui manifestaient que Dieu entendait, et que sa main pouvait toujours secourir quiconque s'attendait à Lui. C'est dans ce but que l'orphelinat a été fondé.

J'ajouterai ici que les orphelins n'ont jamais manqué de rien. Si j'avais eu des centaines de mille francs en mains, ils n'auraient pu recevoir davantage, car ils ont toujours eu une bonne nourriture, des aliments nutritifs, et rien n'a manqué à leur habillement.

Du 10 décembre 1836 au 10 décembre 1838, les dépenses se sont élevées à quarante et un mille six cent cinq francs cinq centimes. Il y a deux ans l'encaisse était de neuf mille trois cent trente francs soixante-quinze ; aujourd'hui, elle est de douze cent cinquante-six francs cinquante.

16 décembre. - Un pli anonyme déposé dans le tronc de Béthesda Chapel contenait cent douze francs cinquante avec cette indication : « pour le loyer des orphelinats du 10 décembre au 31 décembre 1838 ». - « O goûter et voyez combien le Seigneur est bon ; heureux est l'homme qui se confie en lui ! » Si le lecteur veut comprendre la portée de ce don, qu'il se reporte aux quelques lignes que j'ai écrites le 29 septembre de cette même année, à propos du loyer (2)...
Il avait fallu faire d'assez gros achats pour le ravitaillement général des orphelinats et ceci avait à peu près vidé la caisse. George Müller écrit à ce sujet dans son journal :

« On aurait pu supposer que les coeurs de tous ceux qui avaient entendu le rapport de l'oeuvre avaient été touchés en apprenant de quelle manière remarquable Dieu nous avait secourus jusque-là ; et par conséquent nous aurions pu nous attendre à des subsides abondants... Il n'en fut pas ainsi. L'encaisse de douze cent cinquante francs que nous avions au commencement du mois a peut-être empêché qu'on soupçonnât nos besoins sitôt après la clôture des comptes ? Quoi qu'il en soit, le 20 nous n'avions plus rien pour les dépenses du 21. Mes collaborateurs et moi, nous n'en fûmes par autrement surpris, car nous avions appris à ne rien attendre de la créature, mais à regarder uniquement an Dieu vivant.

22 décembre. - Jour solennel : je reçois une lettre de mon père qui m'annonce la nouvelle de la mort de mon frère. Le décès remonte au 7 octobre. Je n'ai rien appris qui montrât que sa fin avait été autre que sa vie, aussi éprouvé-je une grande tristesse. La mort d'un parent, non converti, est l'une des plus grandes épreuves qui puissent survenir au chrétien...

Durant cette période difficile, l'oeuvre de l'Orphelinat s'était développée comme au temps de l'abondance. Jamais on ne s'était occupé de ce qu'il y avait en caisse lorsqu'il y avait eu des demandes d'admission. Aussi longtemps qu'il y avait de la place, on recevait tous ceux qui étaient pauvres et dans l'abandon. Les autres branches de l'Institut biblique n'avaient pas été négligées non plus. Dès le commencement de l'hiver, on avait distribué aux chrétiens dans la pauvreté du charbon et des vêtements chauds. Puis des milliers de francs avaient été consacrés aux achats de vivres, qu'on avait distribués au cours de l'hiver, et un grand nombre de veuves avaient été largement assistées.


1839

22 janvier. - Un frère, autrefois officier de marine et qui renonça à son grade et à sa solde pour l'amour de Jésus, nous a donné de l'argenterie (cuillers et fourchettes), pour que nous les vendions au bénéfice de l'orphelinat.

7 février. - Journée remarquable. Ce matin nous n'avions plus d'argent. Frère T. est allé à Clifford pour les arrangements nécessaires à l'admission de trois orphelins ; car même lorsque nous n'avons rien, l'oeuvre continue, et notre confiance n'est pas diminuée. L'un de nos collaborateurs a donné six francs vingt-cinq et j'ai reçu la même somme vers quatre heures, avant de quitter la maison pour la prédication. J'avais demandé au Seigneur mon texte, et il m'a conduit à choisir Matthieu VI : 19-34, passage des mieux appropriés à nos circonstances.
Le service terminé, je suis allé à l'orphelinat de filles pour prier avec le personnel et donner l'argent reçu. Une caisse à mon adresse y était arrivée l'expéditeur en avait payé le port... Heureusement car l'argent manquant, nous n'aurions pu le payer nous-mêmes. (Voyez comme Dieu prend soin des plus petits détails !) La caisse fut ouverte : elle contenait un don de deux cent cinquante francs que nous envoyait une soeur de Barnstaple, un autre don de soixante-quatre francs de quelques frères du même endroit, enfin un troisième de six francs vingt-cinq. La caisse contenait encore des vêtements et quelques bijoux de peu de valeur à vendre. Je demandai alors à mes collaboratrices comment la journée s'était passée ? - « Il y avait eu le nécessaire pour le déjeuner, après le repas, une visiteuse de Thornbury était venue qui avait acheté un exemplaire du Récit et un autre du Rapport ; en payant, elle avait donné trois francs soixante-quinze en plus. Cinq minutes après, le boulanger arrivait chez les garçons, et la directrice. de l'Orphelinat des filles l'apercevant, se hâta d'aller porter l'argent nécessaire, huit francs vingt, pour qu'on ne le renvoyât pas sans rien prendre (faute de fonds). Ce qui lui restait avait servi à acheter du pain pour l'Orphelinat de filles (3). » Les divers dons que je venais de recevoir me permirent de donner d'abondants subsides aux trois maisons.
Qu'il est doux de constater de quels tendres soins nous sommes entourés par notre Père céleste. Pour quiconque a quelque discernement spirituel, une journée comme celle-ci manifeste cette Providence divine qui entre dans les plus petits détails de nos vies. Et combien de journées semblables !

13 février. - Aujourd'hui, j'ai donné à frère T. tout ce qui me restait, en lui disant qu'il fallait à nouveau regarder à Dieu. Et ce soir nous avions cent cinq francs ! Voici comment : un monsieur et une dame sont venus visiter les orphelinats. Ils se rencontrèrent à la maison des garçons avec deux autres visiteuses, venues dans le même but. L'une d'elles se tournant vers la directrice dit : Et naturellement vous ne pouvez continuer cette Oeuvre sans un gros capital ? Ce à quoi le monsieur ajouta : « Avez-vous un capital ? » - « Nos fonds sont déposés à une banque qui ne peut faire faillite, répondit la directrice. » Des larmes vinrent aux yeux de la personne qui avait posé la première. question. Au départ, le monsieur donna cent vingt-cinq francs.
Nous n'avions plus un seul sou en caisse.

5 mars. - En plus des subsides pour la dépense quotidienne ordinaire, il me faut plusieurs centaines de francs pour l'achat de charbon. Il faut aussi renouveler les barils de mélasse (4) vides de deux orphelinats. TANDIS QUE J'ÉTAIS EN PRIÈRE, EXPOSANT A DIEU NOS BESOINS, G. envoya un chèque de cent quatre francs cinquante. C'est ainsi que le Seigneur nous donnait à nouveau le secours en temps opportun. À cette somme, nous pûmes ajouter cinquante francs provenant de la vente d'articles donnés à cet effet.

18 mars. - Lundi. - Reçu hier soir cent vingt-cinq francs avec ce verset : Ecclésiaste IX : 10. Ceci nous a permis de faire face aux dépenses du jour.

Cher lecteur, arrête-toi un instant. Considère que le Seigneur envoie toujours le secours quand le besoin s'en fait sentir. Pas une seule fois, il ne nous a oubliés ! Pas une seule fois, il n'a envoyé que la moitié du nécessaire ! Pas une seule fois le secours n'est arrivé trop tard ! Cher lecteur, si tu n'as pas fait une expérience analogue des soins vigilants du Seigneur, considère sa bonté, « ô viens et vois combien le Seigneur est bon ! »

23 mars. - J'ai reçu aujourd'hui une lettre de frère T. qui a dû partir en Devonshire pour raisons de santé. Il a donné l'un des rapports de l'Oeuvre à un frère qui, extrêmement intéressé, se mit à prier pour que sa soeur, une chrétienne, donnât ses bijoux pour les orphelinats ; et il fut exaucé. C'est ainsi que frère T. pouvait m'envoyer une chaîne de montre en or, une bague avec dix diamants et deux bracelets en or de la part de cette dame ; le frère avait joint une somme de cinquante francs à l'envoi. Ces dons couvrirent, les dépenses courantes en fin de semaine, et me permirent de régler les traitements en retard des aides, soit trois cent soixante-quinze francs. Mes collaborateurs ne demandent rien ; bien plus, si quelque besoin se fait sentir, ils sont prêts à donner ce qu'ils possèdent ; mais je n'en ai pas moins demandé à Dieu qu'il m'envoyât la possibilité de payer la rémunération convenue. Il m'a exaucé et j'en ai de la joie.

11 avril. - Il y a aujourd'hui trois ans que les premiers orphelins ont été reçus. Ces trois années sont remplies des bontés de Dieu à notre égard. Nous n'avons manqué de rien ! Aujourd'hui il nous envoie cent vingt-cinq francs de façon peu ordinaire voici une copie de la lettre qui accompagne ce don :

« Mon cher ami. Nous avons une domestique qui a servi autrefois comme fille de cuisine dans une grande maison : Monsieur, membre influent du Parlement, Madame, fille de comte. Les pourboires étaient interdits ; mais, imitant les autres domestiques notre bonne vendait à son profit des fournitures de cuisine. Elle estime que le préjudice causé à ses anciens patrons, de ce chef, peut s'élever à une centaine de francs, et que cent vingt-cinq francs couvriront l'intérêt et le principal. Cette somme était due à ses anciens maîtres et j'ai eu avec eux plusieurs entrevues à ce sujet. Or, ils désirent que cela soit versé à une Oeuvre quelconque. La coupable a lu le Rapport que vous m'avez aimablement envoyé, et elle a le plus grand désir que le produit de sa repentance aille à votre Oeuvre de foi et d'amour. Il est remarquable que notre servante, qui est foncièrement chrétienne depuis un an et demi, se soit souvenue tout récemment seulement de ce péché des jours d'autrefois... »

15 juillet. - Lundi. Il nous fallait aujourd'hui cinquante-neuf francs cinquante pour les orphelins et nous n'avions rien. Comment se procurerait-on le nécessaire pour les repas ? Je n'aurais pu le dire...
Mais mon coeur était dans une paix parfaite, et j'avais très particulièrement l'assurance d'un prompt secours, sans pour cela avoir la moindre idée de la façon dont il se produirait. Or, avant que frère T. vint demander les fonds nécessaires, je reçus une lettre de l'Inde contenant un chèque de mille deux cent cinquante francs pour les Maisons d'orphelins. L'envoi avait été fait en mai. Il est à noter que l'avant-veille j'avais exactement indiqué cette somme à frère T. en lui disant qu'elle était nécessaire. Car nous avons à payer le traitement des aides, à acheter trois barils de mélasse, à remplacer quelques autres provisions épuisées, à acheter des vêtements, et enfin de la laine pour que les garçons puissent continuer le tricotage. Ainsi le Seigneur envoyait juste à point la somme que j'avais nommée ; et je lui en fus d'autant plus reconnaissant que je me préparais à quitter Bristol.

VISITE À TEIGNMOUTH. - Arrivés le 16 septembre à Teignmouth, mon premier champ de travail ; nous y avons passé douze jours. Depuis mai 1833, je n'avais pas revu les frères. Le Seigneur m'a donné à plusieurs reprises la force suffisante pour le ministère de la Parole... Bien des choses m'ont réjoui, entre autres celle-ci : certaines des vérités que j'avais prêchées ici dans la faiblesse et confusément sont maintenant bien appliquées et de façon intelligente. Les frères nous ont témoigné beaucoup d'affection.


DE LA BÉNÉDICTION DU LEVER MATINAL
. - Plymouth, 28 septembre. - C'est ici que ma pensée a été ramenée de nouveau sur la bénédiction qu'il y a à se lever de bon matin [une habitude que je n'ai plus abandonnée par la suite, écrit-il plus tard (5) ]. Le frère qui nous reçoit se lève de bonne heure, et je l'ai entendu faire à propos des sacrifices lévitiques, quelques applications fort justes à la vie du chrétien. Celles-ci ont retenu mon attention et je les donne ici:

« C'était le meilleur de son troupeau, les prémices de ses récoltes que les Israélites devaient offrir en sacrifice à l'Éternel. Il convient donc aussi que le meilleur de nos journées lui soit consacré, qu'il soit mis à part pour la communion avec Dieu. » En général, je m'étais toujours levé d'assez bonne heure ; mais depuis que ma tête était si faible, je me disais que la journée serait toujours assez longue pour mes forces, qu'il était donc préférable de rester au lit plus longtemps. Aussi je me levais entre six et sept, et parfois après sept heures. Lorsque j'entendis mon frère, je décidai que, malade ou non, plus jamais je ne passerais au lit la partie la plus précieuse de mon temps. Par la grâce de Dieu, je pus commencer le jour suivant, et j'ai continué depuis (6). Je m'accorde maintenant sept heures de sommeil, et bien que je ne sois pas fort et que j'aie en général bien des sujets de fatigue, cela me procure le repos suffisant.

Que chacun fasse cette expérience, et qu'il passe une, deux ou trois heures à méditer et à prier, avant le déjeuner du matin, soit dans sa chambre, soit dans les champs, avec sa Bible à la main, et il expérimentera rapidement les bienfaits de cette habitude sur l'être extérieur et l'être intérieur. Je supplie tous mes frères et soeurs qui liront ces lignes et n'ont pas la coutume du lever matinal d'en faire l'essai, et ils ne tarderont pas à louer le Seigneur à ce sujet.

George Müller, après quelques semaines de repos, rentra à Bristol. Dieu continuait de pourvoir aux multiples besoins des orphelins dont le nombre allait croissant. Dans l'abondance et la pauvreté, écrit Warne, par temps ensoleillé ou en pleine tempête, l'esprit et le coeur de George Müller restaient en repos ; tellement il était persuadé que, de façon ou d'autre, Dieu pourvoirait à tout ce qu'il fallait pour les orphelins qu'il avait accueillis au Nom de Jésus... Et il lui fut fait selon qu'il avait cru.


(1) C'est pendant cette absence que George Müller écrivit une lettre pleine de tendresse aux frères de Bristol. Il y mentionne la bonté de Dieu à son égard, sa longanimité, sa fidélité, et ce qu'il a appris dans l'épreuve. Par-delà la maladie, il a pu discerner l'amour du Père céleste. Il ne peut plus célébrer le service divin ; même la simple lecture ou la seule conversation ou la prière avec quelques frères le fatiguent. Mais la prière secrète est toujours une force qui le soutient et apporte quelque soulagement aux douleurs de tête si vives dont il souffre ; il y trouve toujours quelque allégement et quelque rafraîchissement pour son âme. Dans sa grande affliction, il ne saurait s'en passer. Comme l'a dit Hudson Taylor, « Satan peut bien élever une barrière tout autour des chrétiens, mais il ne peut construire un toit au-dessus de leurs têtes et les empêcher de regarder vers Dieu ». Ainsi, dans son cas, la maladie l'oblige à une retraite momentanée, mais elle ne peut l'empêcher de s'unir à ceux qui, à l'avant-garde, livrent les batailles de l'Éternel et supportent l'effort du combat. (D'après PIERSON.) 

(2) La personne qui avait payé ces trois semaines de loyer continua durant quatre ans et jusqu'au 10 décembre 1841 à nous faire chaque semaine un don anonyme de 37,50, ce qui représentait la somme hebdomadaire nécessaire au loyer des trois maisons. C'est ainsi que Dieu récompensa notre fidélité. 

(3) Le pain était toujours acheté un jour, et même deux jours, à l'avance. 

(4) Sorte de sirop qui est le résidu de la fabrication du sucre, et qui, chez les Anglais, entre couramment dans l'alimentation : plus particulièrement dans les desserts, les puddings, etc... 
(5) C'est parce qu'il est à nouveau malade que George Müller ait dû quitter Bristol. Or c'est quand il est extrêmement faible, épuisé par l'oeuvre multiple de Bristol et condamné au repos complet, qu'il fait la chose la plus contre-indiquée en apparence, et revient à l'habitude de se lever de très bonne heure. 

(6) C'était en 1839. G. Müller venait donc d'avoir trente-quatre ans. 
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