Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE VIII

suite

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OUVERTURE DE LA PREMIÈRE MAISON D'ORPHELINES, LE 21 AVRIL 1836. -
FONDATION D'UN DEUXIÈME ORPHELINAT POUR LES TOUT PETITS DE QUATRE A SIX ANS ; PUIS D'UNE TROISIÈME MAISON POUR GARÇONS. -
PUBLICATION DE LA PREMIÈRE PARTIE DES « MÉMOIRES ». -
« VIENS UN PEU A L'ÉCART ».




21 avril. - OUVERTURE DE LA PREMIÈRE MAISON POUR ORPHELINES. - J'ai loué pour un an au moins l'immeuble No 6 de la rue Wilson. Il est vaste et bon marché. Je l'avais occupé jusqu'au 25 mars (2). Maintenant le voici aménagé pour recevoir les vingt-six petites filles admises depuis le 11 avril. La journée du 21 avril, celle de l'ouverture de l'Orphelinat, fut mise à part pour la prière et l'action de grâce. Nous avions décidé de ne prendre que les fillettes de sept à douze ans. Mais nous avons déjà reçu plusieurs demandes pour des fillettes de quatre à six ans. Ne devons-nous pas les recevoir aussi puisqu'il y a encore de la place et que Dieu a répondu avec munificence à nos requêtes, en nous donnant au delà de tout ce que nous pensions ? Après avoir beaucoup prié à ce sujet, nous avons décidé devant Dieu que nous ouvririons aussi une maison pour les « petits » : filles et garçons, dès que nous aurions l'immeuble, le mobilier et le personnel nécessaires.

3 mai. - Depuis plusieurs jours, je prie Dieu qu'il se souvienne de nos besoins personnels et de ceux de l'Institut biblique.

6 mai. - Voilà déjà plusieurs années que je pense à rédiger et à publier un court récit de ce que Dieu a fait pour moi. J'ai beaucoup prié à ce sujet ; ces mois passés, cette publication s'impose très particulièrement à moi. Aujourd'hui, j'en ai commencé la rédaction.

16 mai. - Depuis plusieurs semaines, nous n'avions presque rien, bien que j'eusse prié Dieu à plusieurs reprises. Je n'avais donc pas pu mettre de côté la somme requise pour les impôts. Ce qui me tranquillisait, c'était la pensée que Dieu enverrait le nécessaire avant l'époque voulue. Mais une épreuve bien plus sérieuse pour moi que nos besoins personnels, ce fut de ne pouvoir plus aider qu'à peine ceux de nos frères qui sont dans la pauvreté. Aujourd'hui, Dieu nous a envoyé cent quatre-vingt-dix francs. il nous a exaucés en temps voulu et avant qu'on ne vînt percevoir la somme due.

3 juin. - Depuis le 16 mai, je suis obligé de garder la maison et même le lit, puisque je ne dois pas marcher. Mais j'ai pu écrire presque chaque jour et continuer le « Récit » commencé, que j'avais dû laisser presque aussitôt à cause de très pressantes occupations. Il est à noter que je n'ai pu rédiger ce travail jusqu'ici, faute de temps. Je crois qu'il pourra faire du bien, mais le plus grand obstacle à sa rédaction c'est justement la multiplicité de mes travaux. À cause de la maladie, j'ai maintenant les loisirs requis et la liberté d'esprit voulue, de sorte que j'ai pu écrire cent pages in-quarto. Que Dieu me dirige dans sa bonté.

11 juin. - Grâce à Dieu, l'amélioration continue, mais l'inflammation m'empêche de marcher. J'ai donc encore pu écrire la semaine passée.

12 juin. - Aujourd'hui, j'ai pu prêcher. C'est beaucoup plus tôt que je n'osais l'espérer.

18 juin. - Toutes ces semaines passées, nous n'avons eu que peu d'argent pour nos dépenses personnelles. J'en suis affligé parce que nous ne pouvons pas aider les frères pauvres, autant que nous le voudrions. Aujourd'hui samedi, il ne nous reste que les trois francs soixante-quinze nécessaires pour payer la voiture dont j'ai besoin pour aller à Béthesda demain dimanche, puisque je dois éviter de marcher. S'il nous reste ce peu d'argent, c'est que le boulanger a offert le pain qu'il apportait, refusant d'en accepter le prix.

21 juin. - Ce soir, frère C ... r et moi, nous avons eu la joie de constater que durant la semaine écoulée Dieu ne nous avait pas seulement envoyé les quatre cent trente-sept francs cinquante nécessaires au loyer des deux écoles, mais cent vingt-cinq francs de plus.

28 juillet. - Depuis quelques semaines, nous n'avons pu payer un mois à l'avance le traitement des instituteurs et institutrices, selon notre habitude. Nous n'avons pu le faire qu'une semaine à l'avance, et même ceci aurait dû être modifié si Dieu ne nous avait pas secourus. Or, ce soir, nous avons reçu deux cent vingt-cinq francs. Sur cette somme, deux cents francs proviennent des ouvriers de l'un de nos frères : ceux-ci avaient effectivement décidé, depuis plusieurs mois déjà, de laisser un sou par semaine pour nos oeuvres, et Dieu a mis au coeur de notre ami de nous apporter le total de ces oboles alors que nous en avions un très grand besoin.
Ma foi en a été fortifiée.
Certes, je n'ai pas eu un seul instant l'idée de mettre en doute la fidélité de Dieu, cependant je ne comprenais pas ses voies, et pourquoi il ne nous accordait que le nécessaire, juste assez pour empêcher que l'oeuvre ne fût interrompue. Je me demandais s'il y avait eu quelque infidélité en moi, et si Dieu voulait à cause de cela que je restreignisse le champ de notre activité. Aujourd'hui, j'ai compris qu'il n'en est pas ainsi, malgré mon indignité, et que s'il a permis que nous eussions à prier si souvent c'est pour que la délivrance fût plus éclatante et que nous l'appréciions davantage.

1er octobre. - À cause des nombreuses délivrances qui nous ont été accordées dernièrement, nous n'avons pas hésité à agrandir notre champ d'action par l'ouverture d'une nouvelle école de garçons dont le besoin se faisait sentir. Nous avons des demandes d'admission qui remontent à plusieurs mois.

19 octobre. - Aujourd'hui j'ai trouvé une soeur comme directrice pour l'Orphelinat des « petits ».
Jusqu'ici je n'avais rencontré personne qui semblât qualifié. Voilà quelque temps déjà que nous avons en mains l'argent suffisant pour cette oeuvre et plusieurs demandes d'admission.

25 octobre. - Par la bonté de Dieu, nous avons pu acquérir aujourd'hui et sans difficulté aucune, un immeuble très propre à se transformer en orphelinat pour « les Petits ». Si nous avions dépensé des milliers de francs à construire, nous aurions pu difficilement faire mieux que ce que nous avons trouvé tout fait. L'intervention de Dieu est manifeste en tout ceci. Qu'il est important de lui remettre tout ce qui nous occupe, les choses grandes et petites, car tout ce qu'il fait est bien fait. Si notre travail est son travail, il le fera prospérer.

30 novembre. - Je suppose que c'est à cause d'autres demandes urgentes, d'autres occupations pressantes que, ces temps passés, je n'ai pas été conduit à prier pour les fonds nécessaires. Et hier matin, à cause du très grand besoin d'argent, je me suis senti poussé à prier avec instance à ce sujet. En réponse, j'ai reçu le même soir deux cent cinquante francs d'un frère qui voulait faire ce don depuis quelque temps, mais en avait été empêché parce qu'il n'avait pas eu les moyens jusque-là. Ces moyens, Dieu les lui fournit juste au moment que nous avions le plus besoin de son aide ; et par là, il vint à notre secours. Puis, nous avons encore reçu hier soir cent vingt-cinq francs d'une soeur que je n'ai jamais vue et dont Dieu s'est souvent servi pour suppléer à nos besoins. Voici ce qu'elle m'écrit : « Dernièrement, j'ai eu constamment l'impression que je devais vous envoyer quelque chose ; il me semble que vous devez avoir quelque besoin, et que le Seigneur veut me faire l'honneur d'être son instrument en vous donnant par moi le nécessaire. Je vous envoie donc cent vingt-cinq francs, tout ce que j'ai à la maison en ce moment. Mais si vous avez l'occasion de m'écrire et voulez bien me dire ce qu'il en est, je vous enverrai à nouveau cent vingt-cinq francs. »

10 décembre. - Du 26 mars à ce jour, il a été dépensé pour les orphelins neuf mille neuf cent vingt francs quinze centimes.

15 décembre. - Ce jour a été mis à part pour la prière et les actions de grâce, à l'occasion de l'ouverture de l'Orphelinat des Petits qui eut lieu le 28 novembre. Le matin, réunion de prière. L'après-midi, prière et actions de grâce, puis réunion pour les enfants de nos écoles et des orphelinats : trois cent cinquante environ. Je leur ai parlé sur ce texte : Ecclésiaste XII : 1 : « Jeune homme réjouis-toi pendant ton jeune âge, livre ton coeur à la joie pendant les jours de ta jeunesse... mais sache que pour chacun de tes actes Dieu t'appellera en jugement. » Ce soir, rapport sur l'oeuvre des orphelinats...

31 décembre. - Nous avons maintenant cent quatre-vingt-un membres d'église à Gideon Chapel et cent soixante-huit à Béthesda ; en tout, trois cent quarante-neuf frères et soeurs.
Il a plu à Dieu de me donner durant l'année écoulée cinq mille huit cents francs pour mes besoins personnels.


1837

22 avril. - Deux cas de typhus à l'Orphelinat. Dieu exauçant nos prières a empêché que la maladie ne s'étendît, et les deux petits malades sont en convalescence.

28 mai. - Le récit de ce que Dieu a fait pour moi va être publié. Et ceci m'a conduit à demander à Dieu avec instance qu'il voulût bien m'accorder ce qui manque aux vingt-cinq mille francs que je lui ai demandés pour l'Orphelinat à l'origine (3). Pour moi, j'ai déjà l'exaucement, et la chose est aussi bien que faite ; de sorte que bien des fois déjà, j'ai pu bénir et louer Dieu par anticipation. Mais pour les autres, ceci n'est pas suffisant. Et puisque l'Oeuvre des orphelinats a été commencée pour la gloire de Dieu et pour donner à l'Eglise et au monde une nouvelle preuve visible qu'Il entend la prière et prend plaisir à l'exaucer, puisqu'il manque encore quelque chose aux vingt-cinq mille francs demandés et que j'aimerais que mon livre ne sortît pas de presse avant d'avoir reçu le dernier franc pour avoir le précieux privilège de lui rendre témoignage dans cette publication, pour toutes ces raisons je me suis adonné très particulièrement à la prière depuis le 21 mai. Le 22, j'ai reçu cent quatre-vingt-neuf francs cinquante, le 23 : soixante-quinze francs ; le 24, une dame que je n'avais jamais vue jusque-là m'a apporté mille francs. Ceci m'a puissamment encouragé, car le Seigneur m'a montré par là qu'Il daignera continuer à nous envoyer de fortes sommes, et cela en se servant aussi de personnes que nous ne connaissons pas.

15 juin. - J'ai à nouveau ardemment prié aujourd'hui pour obtenir ce qui manque aux vingt-cinq mille francs, et ce soir même j'ai reçu cent vingt-cinq francs de sorte que la somme est acquise et au delà.
C'est pourquoi je veux répéter à la gloire de Dieu à qui je suis, et que je sers, que chacun des shellings de cette somme et que tous les objets mobiliers ont été reçus sans que rien n'ait été demandé à personne qu'à lui.
Et puisque Dieu a daigné si complètement et au delà de ce que je pensais répondre à mes espérances, puisqu'il a rempli ma bouche (Ps. LXXXI : 10), ne voulez-vous pas, frères et soeurs bien-aimés en Christ, m'aider à le louer pour sa grande condescendance ! N'est-ce pas une chose merveilleuse qu'un serviteur aussi indigne, aussi infidèle que moi, soit puissant avec Dieu !

Que ceci soit pour vous, chers frères et soeurs, un sujet d'encouragement. Certainement, si un homme si peu conforme à la pensée de Christ et tel que je suis obtient l'exaucement de ses prières, ne pouvez-vous aussi, enfin, obtenir ce que vous demandez ? Depuis dix-huit mois et dix jours, j'ai fait monter vers Dieu presque quotidiennement cette requête en faveur de l'Oeuvre des Orphelins. Dès l'instant que je la formulai, j'eus l'assurance que je recevrais toute la somme demandée. Et j'ai souvent loué Dieu avant l'exaucement, tellement j'étais assuré de l'obtenir.

La chose à laquelle nous devons très particulièrement prendre garde en priant, c'est de croire que nous recevrons comme il est dit dans l'évangile de Marc (XI : 24) : « Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous le recevrez et il vous sera accordé. » Il arrive souvent que ceci manque à mes prières. Mais quand je suis capable de croire que je reçois, Dieu agit en conséquence.

Tandis que je rédige ces notes (28 juin 1837), j'attends du Seigneur les quatre cent trente-sept francs cinquante qu'il me faut pour le loyer de nos deux écoles, loyer dû dans trois jours, et je n'ai en mains que soixante-quinze francs. Je crois que Dieu peut donner cette somme, je crois que Dieu veut la donner si c'est pour notre bien et j'ai souvent demandé qu'il la donnât ; mais ma foi n'est pas triomphante et je ne puis dès maintenant le remercier de ce qu'il m'a exaucé et accordé cette petite somme. J'attends le secours à chaque courrier, à chaque coup de sonnette ; certes, je compte sur Dieu et sur Dieu seul, mais jusqu'ici je n'ai pas cette assurance de pouvoir payer le loyer au même point que je l'aurais si j'avais déjà l'argent en poche.


UN ORPHELINAT POUR LES GARÇONS.
- Comme jusqu'ici le Seigneur a daigné exaucer mes prières, comme je crois que l'un des principaux talents qu'il m'a confiés c'est de pouvoir saisir par la foi l'effet de ses promesses pour mes besoins temporels et ceux des autres, à cause de la nécessité d'un orphelinat pour garçons au-dessus de sept ans dans cette ville de Bristol, et parce que sans cette « Maison » nous ne saurions comment placer les enfants qui ont atteint cet âge ou vont l'atteindre dans l'Orphelinat des « Petits », pour toutes ces raisons je caresse le projet d'ouvrir une nouvelle Maison qui pourra recevoir quarante garçons.

Toutefois, il y a entre ce projet et sa réalisation trois difficultés qui doivent avoir leur solution avant que je puisse aller de l'avant :

1° J'ai déjà plus à faire que je ne puis accomplir. Je ne puis donc élargir mon champ d'action à moins qu'il ne plaise à Dieu de m'envoyer un frère qui remplirait les fonctions d'économe et me déchargerait de tout le travail de bureau : les livres de comptes, l'achat des Écritures ou portions de la Bible pour la vente ou les distributions, les comptes à tenir de ce chef ; les conseils à donner pour les Orphelinats sur des questions toutes matérielles, la correspondance ou les entrevues pour les demandes d'admission, etc... un économe est même nécessaire immédiatement, qu'un Orphelinat de garçons soit ou non ouvert. C'est pourquoi je place ce besoin d'un aide sur le coeur de ceux qui liront ces lignes, afin qu'ils prient à ce sujet et que le frère qualifié pour ce poste soit trouvé.

2° Avant d'ouvrir ce nouvel orphelinat, il faut trouver l'homme pieux qui pourra en prendre la direction et le personnel nécessaire pour les soins à donner aux enfants.

3° Si Dieu veut que j'aille de l'avant, j'aimerais qu'il me le montrât clairement en m'envoyant tout ce qu'il faut. Si d'une part, je suis prêt à confesser à la louange de Dieu qu'il m'a donné la foi requise pour m'attendre à lui, d'autre part je demande qu'il me garde de toute présomption et d'emballement, d'un enthousiasme inconsidéré. Je n'ai pas l'intention d'attendre qu'il m'envoie des milliers et des milliers de francs ou qu'il assure la vie de l'Oeuvre par des legs, mais j'attendrai qu'il donne le nécessaire pour meubler une maison de quarante garçons, pour les vêtir, et la petite somme voulue pour commencer. Sans quoi, je ne penserais pas qu'il désire voir l'Oeuvre s'accroître.

1er juillet. - Dans sa bonté, Dieu continue de bénir la prédication de sa Parole pour la conversion de nombreux pécheurs. Voilà cinq ans qu'il poursuit sans arrêt son oeuvre dans les coeurs. Actuellement le nombre de ceux qu'il a convertis à Bristol par notre moyen est de cent soixante-dix-huit.

12 juillet. - La dame qui m'avait remis le 24 mai mille francs et que jusque-là je n'avais jamais vue, m'a donné à nouveau onze mille cinq cents francs.


15 août. - RÉCEPTION DES PREMIERS EXEMPLAIRES DU « RÉCIT ». - J'ai reçu aujourd'hui le premier envoi (cinq cents exemplaires) de la première partie du « Récit », (4). Et tout aussitôt ce fut à nouveau un tumulte de pensées diverses qui s'élevèrent en moi. N'était-ce pas une erreur que de publier cela ? Une sorte de tremblement m'a saisi, et le désir de pouvoir défaire ce que j'avais fait. Cependant comme j'avais constamment scruté mon coeur avant de commencer la rédaction de ce travail, me faisant subir une série d'examens et de contre-examens sur la question de mes motifs, comme j'avais recherché avec ardeur en prière la pensée du Seigneur et reçu l'assurance que sa volonté était bien que je servisse aussi l'Eglise par le moyen de cette publication, j'attribuai à l'Adversaire les sentiments contradictoires qui m'assaillaient au moment où elle paraissait. Ce tremblement, ces doutes, ces regrets, je les considérai comme une tentation, et allant délibérément vers la caisse, je l'ouvris, je pris quelques brochures et en donnai une presque aussitôt, afin de me couper la retraite (5).

LE PREMIER LEGS. - 15 septembre. - Ce matin, nous, avons reçu d'une soeur éloignée un colis contenait des vêtements pour les orphelins, et un paquet d'argent. Parmi les dons, il y avait une petite somme de huit francs soixante léguée par un jeune garçon qui venait de mourir. Le cher enfant avait reçu de temps à autre quelques sous durant sa dernière maladie, et il les avait mis de côté. Peu avant de s'endormir en Jésus, il avait demandé qu'on nous envoyât la petite somme ainsi réunie. Ce précieux petit legs en faveur des orphelins est le premier que nous ayons reçu.

19 septembre. - Deux choses ont fait, plus spécialement aujourd'hui, une profonde impression sur moi. Que Dieu daigne rendre encore plus profonde cette impression :
1° Que je dois me ménager des moments de solitude, même si, en apparence, l'oeuvre semblait devoir en souffrir ;
2° Qu'il faut prendre tels arrangements utiles pour que je puisse visiter davantage les frères. Une église qui n'est pas visitée s'anémie tôt on tard.

28 septembre. - Depuis longtemps, j'ai beaucoup trop d'occupations au dehors. Hier matin, je me suis retiré trois heures durant, à la sacristie de « Gideon Chapel », pour avoir un peu de solitude. J'avais l'intention de recommencer l'après-midi, mais avant qu'il me fût possible de quitter la maison on vint m'appeler, puis les visites se succédèrent. Aujourd'hui ce fut la même chose.

OUVERTURE DU TROISIÈME ORPHELINAT. - 21 octobre. - Il y a quelques semaines, j'avais loué, à très bon compte, un très grand immeuble pour l'Orphelinat de garçons ; mais apprenant que les gens du quartier menaçaient le propriétaire d'un procès parce qu'il avait loué à un établissement charitable, je renonçai aussitôt à mes droits. Et voici ce qui me guida en cette affaire : ces paroles de l'Écriture, « pour autant qu'il dépend de vous, vivez en paix avec tous les hommes ». En renonçant à cette maison, j'avais l'assurance que le Seigneur m'en trouverait une autre. Ceci se passait le 5 octobre de bonne heure ; or, ce matin-là, pour manifester qu'il continuait de nous bénir, Dieu nous envoya mille deux cent cinquante francs par une soeur qui est loin d'être riche, argent destiné au mobilier de l'Orphelinat des garçons. Aujourd'hui, il nous donne pour cet Orphelinat une autre maison située, comme les deux précédentes, rue Wilson. À son heure, Dieu nous a donc encore aidés en cette circonstance. En vérité, chaque fois que dans cette Oeuvre je n'ai eu affaire qu'à lui, je n'ai jamais été déçu.

1er novembre. - Nous n'avons presque plus rien pour l'Institut biblique, pour les écoles et la caisse des Missions, et voilà déjà quelque temps que je demande à Dieu de bien vouloir nous envoyer avec largesse ce qu'il nous faut. Je lui ai parlé à plusieurs reprises de deux mille cinq cents francs. Jusqu'ici il ne semblait pas que Dieu eût entendu, les dons étaient minimes. Mais hier, il y a eu un don de deux mille deux cent cinquante francs et aujourd'hui un autre de deux cent cinquante, ce qui forme la somme de deux mille cinq cents francs que j'avais nommée. Nous pouvons donc augmenter notre stock de Bibles, lequel était fort réduit...

7 novembre. - Ma tête est si faible que je comprends la nécessité absolue de laisser l'Oeuvre pour quelque temps. J'avais à peine pris la décision de quitter Bristol pour prendre le repos nécessaire que je reçus d'Irlande une lettre anonyme contenant cent vingt-cinq francs pour mes besoins personnels. Dieu m'envoie donc les moyens de ce déplacement. Je ne puis plus travailler, ma tête est dans un tel état de faiblesse provoquée par un labeur incessant que je me sens heureux de partir. Et cependant, humainement parlant, peu d'instants sont aussi peu favorables à un déplacement ! L'Orphelinat de garçons va être ouvert sous peu. Il faudrait mettre au courant le personnel. Certaines questions d'églises sont pendantes et attendent toujours une solution. Mais Dieu sait tout cela mieux que moi, et il prend soin de son oeuvre mieux que je ne le pourrais faire, mieux que je ne le puis faire. Par conséquent, je veux lui remettre toutes choses.


REPOS NÉCESSAIRE.
- 16 novembre. - Aujourd'hui je suis allé à Weston super Mare.

17 novembre. - Weston super Mare. Ce soir, ma femme, l'enfant et la servante sont arrivées. Hier une soeur a placé cinquante francs dans le portefeuille de ma femme. Que le Seigneur est bon de nous envoyer les moyens suffisants. Qu'il est bon aussi de nous avoir envoyé l'aide nécessaire en frère T. pour s'occuper du travail qu'entraînent les écoles, les orphelinats, etc.... de même qu'il avait envoyé frère C ... r il y a deux ans lorsque je dus prendre un repos prolongé !

25 novembre. - Nous sommes revenus à Bristol.

30 novembre. - Je ne vais pas mieux. J'ai écrit à mon père, peut-être pour la dernière fois. Tout est bien, et tout sera bien ; tout ne peut être que bien puisque je suis en Christ. Qu'il m'est précieux, maintenant que je suis malade, de n'avoir pas à chercher Dieu, mais de l'avoir déjà trouvé.

17 décembre. Jour du Seigneur. - J'ai vu passer sous mes fenêtres ce matin les trente-deux orphelines qui ont plus de sept ans. Quand je vis les chères enfants avec leurs robes propres, leurs chauds manteaux et la soeur qui les accompagnait à la chapelle, je me suis senti reconnaissant envers Dieu qui m'avait choisi comme son instrument dans cette oeuvre ; car toutes sont beaucoup mieux avec nous sous tous les rapports : spirituel et matériel, qu'elles ne le seraient dans les milieux d'où elles sortent. J'ai senti que, pour un tel résultat, il valait la peine d'avoir travaillé non seulement quelques jours, mais encore durant des mois et des années, et que ceci répondait suffisamment aux amis qui me disent : « Vous faites trop. »

24 décembre. - Voici le septième dimanche que je suis immobilisé. Aujourd'hui j'ai décidé que je ne joindrais plus de lettres aux paquets puisque la loi le défend ; car je comprends maintenant que le disciple de Jésus doit se conformer à la législation en tout ce qui ne s'oppose pas à la conscience.

31 décembre. - Il y a maintenant quatre-vingt-un enfants dans nos trois orphelinats, et neuf frères et soeurs pour prendre soin d'eux. Total : quatre-vingt-dix personnes à table tous les jours. Nos écoles de semaine ont toujours autant besoin de nous et même davantage puisqu'elles comptent trois cent vingt enfants, et les écoles du dimanche trois cent cinquante. « 0 Dieu, ton serviteur n'est qu'un pauvre homme ! mais il s'est confié en toi, il s'est glorifié de toi devant les enfants des hommes, ne permets donc pas qu'il soit confondu. Ne permets pas qu'on puisse dire de ton oeuvre qu'elle est le fruit d'un enthousiasme sans lendemain, un feu de paille qui ne peut durer ! »
- Ce matin j'ai gravement déshonoré le Seigneur en me laissant aller à l'irritation avec ma chère femme. Or, peu d'instants auparavant, j'étais agenouillé devant Dieu et le bénissais de m'avoir donné une telle compagne !
- Cette année, il a été dépensé dix-huit mille cinq cents francs pour les Orphelinats, dix mille pour les écoles et l'achat des Écritures saintes, et j'ai reçu pour mon entretien sept mille six cent soixante-dix-huit francs vingt.

George Müller ne s'occupait pas seulement des écoles, de la diffusion des Écritures, des missions, de son église, il avait encore demandé à Dieu des ressources particulières pour les pauvres de Bristol. Nous lisons à ce sujet dans son journal :

« Les cent paires de couvertures de laine sont arrivées aujourd'hui. Que le Seigneur est bon de faire de nous ses instruments pour subvenir aux besoins des pauvres parmi les frères, et dans le monde. Elles arrivent bien à propos ; les informations prises révèlent des cas d'extrême détresse... Que le Seigneur m'accorde de renoncer à moi-même pour subvenir aux besoins des pauvres. Que de choses on peut faire avec le renoncement ! Seigneur, aide-moi ! Les couvertures sont de très bonne qualité : quiconque veut imiter Jésus en aidant les malheureux ne se demandera pas comment faire pour donner le moins possible, mais il s'exercera à donner largement.


1838

MALADIE ET BÉNÉDICTION. - 6 janvier. - Il me semble que l'état de ma tête ne s'améliore pas, bien que l'état général soit plus satisfaisant ; mais mon bon docteur assure que je vais mieux et conseille un changement d'air. Or, ce même jour, une soeur qui habite à quelque cinquante-quatre kilomètres d'ici (elle ne sait donc rien de l'ordonnance du docteur) m'a envoyé trois cent soixante-quinze francs en spécifiant que c'était pour un changement d'air. Dieu prend soin des siens de façon merveilleuse ! J'ai donc les moyens de suivre l'avis du docteur. - Aujourd'hui j'ai entendu parler d'une remarquable conversion effectuée par la lecture du « Récit ».

7 janvier. - Ma tête est dans un état pitoyable et aussi malade que jamais, me semble-t-il. Les nerfs doivent être touchés ; et ceci provoque en moi une forte tendance à l'irritabilité, mêlée de je ne sais quel sentiment satanique, qui est étranger à ma nature. 0 Seigneur ! veuille garder ton serviteur de te déshonorer ! Mieux vaudrait que tu me prisses à toi.

10 janvier. - Aujourd'hui nous sommes partis pour Trowbridge, ma famille et moi.

12 janvier. Trowbridge. - J'ai commencé la lecture de la « Vie de Whitefield » par M. Philip.

13 janvier. - La lecture de cette biographie m'a déjà été en bénédiction. Il est évident qu'il faut attribuer les grands succès de la prédication de Whitefield à sa vie de prière intense et au fait qu'il lisait la Bible à genoux. Je sais depuis quelques années déjà l'importance de ce dernier point ; mais jusqu'ici je ne m'y suis que très peu conformé. J'ai eu aujourd'hui plus de communion avec Dieu que je n'en avais eue ces temps passés.

14 janvier. Jour du Seigneur. - J'ai continué la lecture de la Vie de Whitefield, et Dieu continue de bénir celle-ci pour mon âme. J'ai passé plusieurs heures en prière aujourd'hui. À genoux, j'ai lu le psaume soixante-troisième, ce qui a été pour moi l'occasion de deux heures de méditation et de prière. Mon âme est maintenant parvenue à ce point qu'elle fait ses délices de la volonté de l'Éternel quelle qu'elle soit, Oui, du plus profond du coeur, je puis dire maintenant que je ne voudrais pas que la maladie se dissipât tant que je ne jouis pas pleinement de la bénédiction que Dieu veut me dispenser par ce moyen. Hier et aujourd'hui, il a puissamment attiré mon âme vers lui. « 0 Dieu ! continue à manifester tes bontés envers moi, et remplis-moi d'amour ! » Je voudrais te glorifier davantage ; pas tellement par une activité extérieure que par la conformité intérieure à l'image de Christ. Qu'est-ce qui empêcherait Dieu de faire d'un être aussi vil que moi un autre Whitefield ? Il est certain que Dieu pourrait faire reposer sur moi autant de grâce qu'il en fit reposer sur lui.

15 janvier. - Les douleurs de tête ont été bien moins vives depuis hier après-midi. Cependant, je suis loin d'être bien. Mais à cause des bénédictions spirituelles que le Seigneur m'a déjà accordées, j'ai l'assurance intérieure que par cette maladie il veut me purifier pour son service béni, et qu'il me rendra bientôt avec la santé la possibilité de travailler encore pour lui.

16 janvier. - Journée bénie ! Oh ! que le Seigneur est bon ! Sa grâce entretient en moi la ferveur d'esprit. Le psaume LXVI a fait l'objet de mes méditations, et plus spécialement les versets dix, onze et douze, qui s'appliquent à mes circonstances particulières. Par le moyen de cette maladie, Dieu m'a déjà « mis au large et dans l'abondance », et je crois qu'il veut me bénir encore davantage. Que n'a-t-il pas fait déjà pour moi durant les dix-huit années écoulées ! Si j'établis un parallèle entre ce 16 janvier 1838 et le 16 janvier 1820, jour de la mort de ma chère mère, je puis mesurer la grandeur de son Amour à mon endroit. Aujourd'hui j'ai pris la résolution, si Dieu me rend la santé, d'avoir une fois par semaine ou tous les quinze jours, avec les enfants de nos écoles et les orphelins, une réunion spéciale à la chapelle pour étudier avec eux les Écritures. Le Seigneur incline mon coeur à prier pour bien des choses ; celle-ci par exemple : qu'il veuille allumer en moi un saint désir de lui gagner des âmes et un plus grand amour pour les perdus. C'est la lecture de la Vie de Whitefield qui m'a fait sentir mon devoir sur ces points spéciaux.

17 janvier. - Dieu continue à me manifester sa faveur en maintenant en moi la ferveur d'esprit. À plusieurs reprises aujourd'hui, je me suis senti attiré par la prière, et j'ai prié longuement. J'ai lu à genoux le psaume LXVIII en priant et en méditant. Au verset cinquième, le qualificatif de « Père des orphelins » donné à Jéhovah m'a été en bénédiction. Je me suis approprié immédiatement tout ce qu'il comportait en pensant aux enfants qui me sont confiés ; jamais encore je n'avais réalisé comme aujourd'hui la vérité contenue dans ce passage. Dieu aidant, elle deviendra mon argument pour les heures difficiles. Il est leur Père, Il s'est engagé à pourvoir à leurs besoins, à prendre soin d'eux. Je n'ai donc qu'à lui rappeler les besoins des orphelins pour qu'il donne le nécessaire. Mon âme s'est encore élargie pour les malheureux enfants sans parents. Cette expression : « le Père des orphelins » recèle assez d'encouragement pour que je puisse sans crainte placer des milliers d'orphelins sur le coeur du Père, et les remettre à son amour.

11 février. - Ce matin, j'ai été conduit à lire les versets cinq à douze du chapitre III des Proverbes pendant les quelques instants libres que j'avais avant le déjeuner. Et ces mots m'ont particulièrement frappé : « NE TE REBUTE PAS QUAND L'ÉTERNEL TE REPREND. » Certes, je n'ai pas méprisé le châtiment du Seigneur, mais il m'arrive de temps à autre d'être las d'être repris. « 0 Dieu, aie pitié de moi, ton serviteur inutile ! Tu sais bien que l'homme intérieur veut endurer l'affliction avec patience, et que même il ne voudrait pas qu'elle se retirât aussi longtemps qu'elle n'a pas parfaitement accompli son oeuvre et porté les fruits paisibles, de justice qu'elle doit porter.
Mais tu sais aussi quelle épreuve c'est pour moi de continuer à vivre comme je le fais maintenant. Viens mon secours, Seigneur ! »


(2) Le lecteur pourrait s'étonner à bon droit que M. Müller ait jamais occupé pour lui, sa femme et deux enfants des locaux si vastes qu'ils purent se transformer en Orphelinat. Quelques ligues du journal de George Müller nous aideront à comprendre ; elles nous feront voir en même temps ce que devait être la maison de cet homme de Dieu.

« 11 mars. - Frère et soeur Groves, accompagnés des douze missionnaires hommes et femmes qui partent avec eux, nous ont quittés cet après-midi pour les Indes. Ce soir, nous avons en une réunion de prière spéciale pour les voyageurs. Quand verrons-nous quelqu'un d'entre nous se lever, et partir aussi ? Mon voyage en Allemagne a été le moyen dont Dieu s'est servi pour donner six missionnaires : quatre frères et deux soeurs. Deux sont déjà partis en octobre dernier, les quatre autres sont partis aujourd'hui.
M. Bergin ajoute cette note dans l'Autobiographie du Centenaire : « Aujourd'hui, en 1905, des fils et des petites filles de deux des missionnaires partis alors, travaillent encore dans le district du Godavery, et la bénédiction de Dieu repose sur leurs travaux. » 

(3) Le 5 décembre 1835, dix-huit mois auparavant. 

(4) Le titre donné par G. Müller à ses « Mémoires » est celui-ci : RÉCIT DE LA MANIÈRE DONT DIEU A CONDUIT GEORGE MÜLLER. 

(5) Ce fut la dernière lutte que j'eus à soutenir pour cette publication. Depuis, je n'ai jamais regretté même un instant la publication du « Récit ». 
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