Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE VI

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HENRY CRAIK, LE GRAND AMI DE GEORGE MÜLLER. - M. CHAPMAN DE BRISTOL. -
L'APPEL. - ADIEUX A LA COMMUNAUTÉ DE TEIGNMOUTH. -
DÉPART POUR BRISTOL. -
INSTALLATION. BÉTHESDA CHAPEL. LE CHOLÉRA. -
NAISSANCE D'UNE FILLETTE. - LA CONGRÉGATION OFFRE UNE MAISON MEUBLÉE A SES PASTEURS. - ÂMES CONVERTIES OU RAMENÉES À DIEU SOUS L'ÉPREUVE. - SERVICES D'ACTIONS DE GRÂCE. -
UN APPEL DE BAGDAD. - L'OEUVRE, ACCOMPLIE EN UN AN. -
DISTRIBUTION DE PAIN AUX PAUVRES. -
UNE CONVERSION REMARQUABLE. - FIN D'ANNÉE : BILAN. -
1er JANVIER : NOUVEAU SERVICE D'ACTIONS DE GRÂCE. - ACTIVITÉ, - GEORGE MÜLLER EST CONDUIT À PRIER POUR LA FONDATION D'UN INSTITUT MISSIONNAIRE.




 HENRY CRAIK. - C'est à Teignmouth que George Müller avait fait la connaissance du pasteur Henry Craik, un fidèle serviteur du Christ et un ardent prédicateur de l'Évangile. Il y avait entre ces deux chrétiens de nombreux points de ressemblance, bien que leurs mentalités et leurs caractères fussent très différents. Tous deux avaient à peu près vingt-quatre ans lorsqu'ils se rencontrèrent pour la première fois ; tous deux avaient fait des études universitaires, l'un en Allemagne, l'autre en Écosse tous deux aimaient l'hébreu et en poursuivaient l'étude tous deux avaient été amenés à Christ durant leur séjour à l'Université. Toutefois ce qui scella leur amitié, ce fut toute autre chose : il y avait chez l'un et l'autre un ardent amour pour Christ et ce fut cet amour remplissant leurs coeurs qui les unit l'un à l'autre (Warne).

« C'est entre juillet 1829 et janvier 1830, écrit G. Müller, que j'avais discerné les grandes vérités scripturaires relatives au retour du Seigneur, à la Bible, seul code de vie pour le chrétien, au Saint-Esprit, seul Guide qui enseigne la vérité. C'est à cette époque que j'avais discerné la très précieuse doctrine de la Grâce (laquelle j'ignorais encore quatre ans après ma conversion) et compris la vocation céleste de l'Eglise de Christ ainsi que la position qui en résultait pour le chrétien ici-bas. Or, c'étaient là les vérités qui remplissaient aussi le coeur de M. Craik de sorte que nous nous sentîmes fortement attirés l'un vers l'autre. Et depuis lors, jusqu'au moment dé son départ pour être avec Christ, c'est-à-dire durant trente-six ans, rien ne vint jamais assombrir ou diminuer notre amitié. »

Au cours de l'année 1829, un gentleman de Bristol, Mr. Chapman, était venu s'installer à Teignmouth, avec sa femme pour y trouver un changement d'air. Il entendit prêcher Mr. Craik à l'église baptiste de Shaldon, et fut tellement attiré vers le jeune pasteur qu'il l'invita à venir à Bristol. Les invitations se succédèrent, mais Mr. Craik ne pensait pas que Dieu l'appelât à quitter Shaldon. En 1831, vers la fin de l'année, il reçut de Mr. Chapman une nouvelle et pressante invitation ; cette fois il s'y rendit, et passa une quinzaine de jours à Bristol, prêchant en plusieurs endroits. Après cette visite, M. Chapman insista plus que jamais pour l'installation de frère Craik à Bristol ; mais la maladie de Mrs. Craik l'empêcha d'accepter. En février 1832 celle-ci mourut. Brisé par l'épreuve de la séparation, invité à nouveau, Mr. Craik partit, laissant à George Müller le soin de le remplacer à Shaldon pendant cette nouvelle absence. (F.-G. Warne). C'était au mois de mars de l'an 1832, période particulièrement difficile pour le pasteur de Teignmouth. Nous lisons dans son journal, à la date du 18 mars :

TEMPS D'ÉPREUVE. - Voici deux jours que nous n'avons pu acheter de viande. La soeur chez qui nous logeons nous a envoyé une part de son déjeuner. Nous regardons au Seigneur pour être secourus. Nous avons besoin d'argent pour le loyer hebdomadaire et pour acheter des provisions.

19 mars. - À nouveau, notre propriétaire nous a envoyé le déjeuner. Nous n'avons plus qu'un seul sou. Je prie sans aucune ferveur ; cependant, j'attends la délivrance sans savoir d'où elle pourrait venir. Nous n'avons pas pu acheter de pain.

20 mars. - Aujourd'hui, Dieu nous a comblés de ses faveurs. Le matin, nous n'eûmes qu'à nous asseoir autour du déjeuner qu'Il nous avait envoyé alors qu'il ne nous restait plus un seul sou ; le dernier avait servi à acheter du lait. Pour le second déjeuner les restes de celui de la veille suffirent amplement, mais la soeur qui nous logeait envoya de nouveau un repas et un pain, et vers midi deux soeurs nous apportèrent une livre de sucre, une livre de café et du chocolat. Elles étaient encore avec nous qu'une soeur pauvre nous apportait un shelling, plus une petite somme dont on l'avait chargée pour nous. Dans l'après-midi, elle revenait avec une livre de beurre et deux shellings de la part d'une autre soeur ; cinq de la part d'une troisième. C'est ainsi que le Seigneur. répondit à nos prières bien qu'elles fussent si froides et si faibles. Seigneur, fortifie notre foi !

29 mars. - Ce matin, je suis allé à Shaldon. Frère Craik est à Bristol depuis quatre semaines. Je crois qu'il ne reviendra que pour partir de façon définitive et que le Seigneur l'appellera à rester là-bas.

8 avril. - J'ai eu aujourd'hui le sentiment très vif que mon oeuvre était achevée à Teignmouth.


13 avril. - L'APPEL POUR BRISTOL. - À mon retour de Torquay où j'avais été prêcher, j'ai trouvé une lettre de frère Craik. Il me presse d'aller à Bristol le seconder ; et, d'après ce qu'il écrit, j'ai l'impression que je serais mieux à ma place là-bas, qu'ici. « Seigneur montre-moi la voie ! ... » Je crains qu'il n'y ait quelque chose de charnel dans la pensée de ce départ possible...

11 avril. - J'ai répondu à frère Craik que je partirais si le Seigneur le voulait... Je me sens pressé d'avertir les frères à ce sujet ; ce qu'ils diront m'aidera peut-être à discerner la pensée du Seigneur. En tout cas, ils prieront pour moi.

13 avril. - Jour du Seigneur. - Aujourd'hui j'ai de nouveau prêché sur la seconde venue de Christ. J'ai souvent traité ce sujet, et cette fois-ci j'ai dit aux frères les impressions que j'avais reçues lorsqu'on l'aborda devant moi pour la première fois ; et comment j'avais été amené à quitter Londres pour prêcher de lieu en lieu. Après plus de deux ans passés à Teignmouth, il me semblait que l'heure du départ avait sonné. Je leur rappelai qu'en m'installant au milieu d'eux, je n'avais pris aucun engagement quant à la durée de mon séjour. Il y eut bien des larmes versées, mais la paix est rentrée dans mon coeur ; et il n'en aurait pas été ainsi si ma décision n'avait pas été selon Dieu... Je ne sais pas encore où je porterai mes pas. Je pense à Torquay où je pourrais peut-être rester un mois, puis j'irai plus loin. J'ai bien écrit à mon ami que je pousserais jusqu'à Bristol, mais je pense n'y rester que quelques jours et y prêcher seulement un certain nombre de fois.

16 avril. - La paix habite toujours en mon coeur. Je suis heureux d'avoir parlé aux frères comme je l'ai fait, de sorte qu'ils seront prêts si le Seigneur me conduit ailleurs. N'ayant presque plus d'argent, et devant bientôt quitter Teignmouth, j'ai demandé à Dieu de bien vouloir m'envoyer les fonds nécessaires ; or, dans les quatre heures qui suivirent et de six endroits différents, je reçus trois livres, sept shellings, six pence ; et peu après, je pouvais partir pour Dartmouth où je prêchai le même soir.

18 avril. - Je suis encore à Dartmouth. J'ai prêché ce soir à nouveau devant un grand auditoire, et le Seigneur m'a particulièrement soutenu. J'ai écrit à frère Craik que, Dieu voulant, je serais avec lui à Bristol le 21.

20 avril. - En route pour Bristol. J'ai prêché à Exeter à trois heures et jusqu'à quatre heures et demie, puis à cinq heures je suis reparti pour Taleford, où j'ai prêché à nouveau le même soir. J'ai l'impression d'avoir manqué de puissance à Exeter et ici. Cependant les frères ont été fortifiés. Personnellement, je me sentais très fatigué, aussi n'avais-je pu me préparer beaucoup par la prière. Je me suis couché à 11 heures, épuisé.

21 avril. - Levé de bonne heure, j'ai assisté à une réunion de prière qui se tient de cinq heures moins le quart à six heures moins le quart, et j'y ai pris la parole. Ensuite, avec d'autres frères, j'ai de nouveau prié et lu les Écritures. À 10 heures, je prends la voiture pour Bristol... Durant le parcours, j'ai manqué de fidélité : je n'ai pas dit un seul mot pour le Seigneur. Aussi me suis-je senti malheureux. Ceci m'a montré à nouveau ma faiblesse. Et cependant, pendant le voyage la veille, mon témoignage avait été en bénédiction : quelques-uns de mes compagnons avaient accepté la Parole de Dieu, et les autres avaient dû l'écouter. Aujourd'hui, je n'ai pas dit un seul mot pour mon Maître ! Je n'ai pas distribué un seul traité ; et cependant mes poches en étaient pleines ! O! misérable que je suis !


À BRISTOL
. - 22 avril. - Prêché ce matin à Bristol « Gideon Chapel ». Bien que ce sermon ait provoqué de faux rapports, il a plu au Seigneur de le bénir pour plusieurs, et de se servir même des faux rapports pour amener des âmes à venir entendre sa Parole. L'après-midi, j'ai prêché à « Pithay Chapel », sermon béni pour beaucoup d'âmes ; bien des gens vinrent par la suite nous entendre prêcher, frère Craik et moi. Je citerai seulement la conversion d'un jeune homme, un ivrogne, qui se rendait chez le marchand d'alcool lorsqu'un ami le rencontra et lui demanda de venir entendre un étranger. Il le fit et se convertit (1). Par la suite, il ne remit plus les pieds au cabaret... Ce soir, frère Craik a prêché et j'ai appris bien des choses en l'écoutant...

23 avril. - J'ai prêché à Gideon Chapel, et je me suis senti soutenu et heureux. Je crois que Dieu me veut ici, en tout cas pour quelque temps...

27 avril. - Nous pensons, frère Craik et moi, qu'il est préférable que nous quittions Bristol pour pouvoir prendre la décision qui nous est demandée dans le calme et sans être influencés par ce que nous voyons ici. Quelques personnes me demandent de rester pendant que frère Craik s'en va ; mais nous estimons devoir partir ensemble. Je remarque que bien des gens préfèrent les dons de mon bien-aimé frère aux miens ; mais il refuse de s'installer à Bristol sans moi. Comme d'autre part j'ai la certitude que Dieu m'appelle ici, je suis sûr qu'Il m'y donnera du travail, et que nous serons tous deux, mon frère et moi, en bénédiction à l'Eglise qui est à Bristol et aux incrédules. Au lieu d'envier les succès de mon compagnon de travail, et les honneurs dont il est entouré, Dieu m'a fait la grâce de pouvoir m'en réjouir sans arrière-pensée ; Il m'a aidé à comprendre la signification de cette parole : « Personne ne peut rien recevoir s'il ne lui a été donné d'En-Haut. »

Le 1er mai, Craik et Müller retournaient en Devonshire. Les adieux furent émouvants ; quantité de gens les entouraient, les pressant de revenir bientôt. La bénédiction divine avait manifestement reposé sur leur ministère de quelques semaines... Un frère s'engageait à faire les frais de location de Béthesda Chapel pour que chacun d'eux eût un lieu de culte, mais ils persistèrent à retourner dans leurs paroisses respectives pour prendre une décision uniquement devant Dieu, loin de toute pression.
De leur côté, ils avaient indiqué leurs conditions à la communauté qui les appelait, celle de Gideon Chapel : « ils se mettaient à sa disposition, mais ils ne seraient pas considérés comme pasteurs, ni assujettis à aucune règle, afin de pouvoir prêcher selon ce qu'ils penseraient être la volonté de Dieu ; la location des bancs serait abolie ; les membres subviendraient librement aux besoins temporels de leurs conducteurs spirituels.
Par une lettre qu'ils recevaient le 15 mai, l'église leur fit savoir qu'elle acceptait toutes leurs conditions. Arrivés à l'absolue conviction que Dieu les appelait à Bristol, MM. Craik et Müller se préparèrent au départ. Ils allèrent à nouveau prêcher de lieu en lieu en prenant congé des églises dont ils s'étaient occupés jusque-là. À Teignmouth même M. Müller alla dire adieu à chacun individuellement. Journées pleines d'émotion et qui auraient suffi à faire revenir le jeune pasteur sur sa décision, sans la conviction intime, profonde, que Dieu l'appelait à Bristol. La communauté de Teignmouth qui n'avait que dix-huit membres à son arrivée, en avait cinquante et un à son départ, après deux ans et demi de ministère.


23 mai. - ADIEUX À TEIGNMOUTH. À BRISTOL. - Ma femme, M. Groves (mon beau-père) et moi, nous avons quitté Teignmouth ce matin pour Exeter ; mon cher frère Craik pense suivre demain.

25 mai. Nous sommes arrivés ce soir à Bristol.

27 mai. Reçu ce jour vingt-cinq francs d'une soeur qui habite le Devonshire. Nous y voyons le gage que Dieu prendra encore soin de nous à Bristol.
Il fallut s'occuper de chercher des chambres garnies convenables ; question assez difficile à résoudre, et qui fut présentée à Dieu. Enfin les voyageurs arrêtèrent cinq chambres, dont trois chambres à coucher, pour la somme de dix-huit shellings par semaine, charbon et service compris. « Ce sont les plus simples et les plus ordinaires que nous avons trouvées, écrit G. Müller ; elles sont encore trop bonnes pour les serviteurs du Maître qui n'a pas en d'endroit où reposer sa tête. » M. Craik partageait cet appartement.


LA CHAPELLE DE BÉTHESDA

Béthesda étant le seul lieu de culte assez grand pour contenir les auditeurs, le local fut aussitôt loué pour un an par l'un des frères, et mis à la disposition de MM. Craik et Müller. Le 6 juillet, le premier service y fut célébré. Le 13, le choléra faisait son apparition à Bristol. Quantité de gens désirant s'entretenir avec les jeunes prédicateurs au sujet de leurs âmes avaient été invités à venir à la sacristie le 16 juillet à partir de six heures. Chacun était reçu en particulier, cela dura jusque vers onze heures, tant les visiteurs étaient nombreux.
L'épidémie de choléra fit de rapides progrès et de nombreuses victimes. Les deux jeunes pasteurs étaient constamment appelés au chevet des mourants, ou occupés à visiter les familles en deuil. Voici un extrait du journal de 6. Müller qui date de cette période :

14 août. - Journée mise à part pour le recueillement et la prière à cause de l'épidémie : trois réunions successives.

15 août. - Aujourd'hui nous avons eu une réunion tout intime à Béthesda : un frère, quatre soeurs, frère Craik et moi, sept en tout, et avons constitué une Assemblée de frères SANS PROGRAMME, sans règlement, si ce n'est celui de nous laisser guider uniquement par le Seigneur au moyen de sa Parole.

Seulement ces quelques lignes dans le journal de G. Müller pour rappeler ce fait qui est cependant extrêmement significatif et très solennel. Pour le jeune pasteur il y avait là l'acte de séparation nécessaire à l'oeuvre sainte de l'édification d'une Église selon les données apostoliques sans autres règles que celles trouvées dans le Nouveau Testament. De fait, cette petite réunion de quelques membres inaugure en une certaine mesure la nouvelle période d'activité de G. Müller, celle pour laquelle Dieu l'a mis à part. (D'après le Dr Pierson).

17 août. - Ce matin, de six à huit heures, réunion de prière à cause de l'épidémie de choléra. Deux à trois cents personnes présentes (2).

24 août. - Les ravages de l'épidémie semblent s'aggraver et devenir toujours plus effroyables. Nous avons tout lieu de croire que des multitudes meurent chaque jour à Bristol... Jamais encore je n'avais compris comme maintenant ce qu'est le voisinage immédiat de la mort. Si le Seigneur ne nous garde pas durant cette nuit, nous ne serons plus demain sur la terre des vivants. Il est dix heures du soir. Encore un glas ! Il y en a eu toute la journée. Je me remets entre tes mains, ô Père ! Me voici devant Toi, moi, ton indigne enfant. Si je mourais cette nuit, ma seule espérance, ma seule confiance seraient dans le sang de Jésus-Christ, mort pour la rémission de mes nombreux péchés. Il m'a lavé parfaitement, et je suis couvert par la justice divine. - Jusqu'ici, pas un des saints de l'Assemblée qui travaillent avec frère Craik et moi n'a été touché (3).


NAISSANCE DE LYDIA MÜLLER.
- 16-17 septembre. - La vie de ma chère femme a été en grand danger. J'ai passé toute la nuit en prière. Dieu a eu pitié de moi. Non seulement il m'a exaucé en me laissant ma si précieuse compagne, mais Il a permis qu'elle fût la mère vivante d'un enfant vivant. Notre enfant bien-aimée nous a été donnée le 17 septembre. Nous la nommons Lydia.

21 septembre. - À cause de la naissance de Baby et des projets de mariage de frère Craik, notre logement n'était plus suffisant ; il fallait chercher autre chose. La communauté mit alors une maison à la disposition de ses deux pasteurs, après l'avoir entièrement meublée.

1er octobre. - Notre réunion pour ceux qui cherchent le salut a duré de deux heures à cinq heures. Je remarque que la prédication de frère Craik a bien plus de prise que la mienne sur les inconvertis, et qu'elle les convainc de péché mieux que la mienne. Ceci m'a amené à me demander pourquoi ? Peut-être pour les raisons suivantes : 1° La pensée de frère Craik est plus spirituelle que la mienne ; 2° Il prie davantage pour la conversion des pécheurs ; 3° Il s'adresse plus souvent à eux (4).

3 octobre. - Jour d'action de grâces, de ce que l'épidémie est en décroissance.

5 octobre. - Réunion de prière ce matin comme d'habitude. Les cas de choléra sont de moins en moins nombreux. La conscience de centaines de personnes a été réveillée pendant que l'épidémie sévissait ; mais beaucoup s'endorment à nouveau, maintenant que le jugement de Dieu s'éloigne. Cependant, la proportion de ceux qui ont été amenés par le moyen de l'épidémie et qui restent fidèles est assez importante : ils se joignent à nous « pour rompre le pain » (5) et marchent dans la crainte du Seigneur. De sorte que le très sévère jugement qui est tombé sur la ville a eu des résultats bénis pour bien des âmes.


1833

4 janvier 1833. - UN APPEL DE BAGDAD. - Ce matin nous avons reçu des lettres de Bagdad. Les missionnaires qui travaillent là-bas nous appellent, frère Craik et moi, à aller partager leurs travaux ; et avec leurs invitations ils envoient un chèque de deux cents livres sterling pour les frais de voyage (6). - « Seigneur, que veux-tu que je fasse ? » Bien des choses semblent militer en faveur de cet appel : il y a trois villages allemands près de Bagdad, notre départ entraînerait celui d'autres frères nous pourrions semer la Parole pendant le voyage le fait de partir là-bas sans le concours d'aucune société et en regardant uniquement au Seigneur, serait un témoignage rendu à Dieu. J'ai eu depuis longtemps le sentiment que je partirais un jour comme missionnaire parmi les Mahométans ou les païens ; notre venue pourrait fortifier les frères. D'autre part, il y a l'oeuvre à Bristol. Cela est-il moins important que ceci ? J'ai besoin d'en être certain avant de répondre négativement à l'invitation faite.

5 janvier. - Frère Craik et moi nous avons examiné la situation. Le chemin ne nous semble pas clair, Si tu me veux là-bas, Seigneur, me voici ! ».

9 janvier. - Je continue de prier pour Bagdad, et suis toujours dans l'obscurité.

19 janvier. - Ces jours derniers, j'ai lu le journal qu'a écrit frère Groves pendant son séjour là-bas, à titre de renseignement et pour me rendre compte de la situation ; aussi dans l'espoir que Dieu voudrait bien se servir de ce moyen pour me montrer la voie. Que son Nom soit béni ! Je n'ai personnellement aucun désir en cette affaire : ni pour partir, ni pour rester.

9 février. - Je viens de relire partiellement la vie de Francke. Dieu m'a aidé à le suivre dans la mesure qu'il a suivi Christ... La plupart des personnes que nous connaissons à Bristol, sont pauvres. Si Dieu nous donnait plus de grâce pour vivre davantage comme Francke, nous pourrions tirer beaucoup plus à la banque du Père céleste en faveur de nos frères et soeurs dans la pauvreté.

28 mai. - Ce matin tandis que j'étais dans ma chambre, la détresse de mes frères s'est présentée si vivement à moi que j'ai dit en pensée : « Oh ! s'il plaisait au Seigneur de me donner de quoi les aider ! » Environ une heure après, je reçus soixante livres sterling d'un frère que je n'ai jamais vu et qui demeure à une distance de plusieurs milliers de kilomètres. Ceci montre que l'action de Dieu n'est pas limitée, et que pour Lui la distance n'existe pas. Puisse mon coeur déborder de gratitude envers le Seigneur.

29 mai. - Résumé de l'activité des douze mois écoulés depuis notre arrivée à Bristol : Il a plu au Seigneur de rassembler une église à Béthesda par notre moyen ; elle a soixante membres, et quarante-neuf ont été ajoutés à Gideon Chapel. En tout : cent neuf nouveaux membres d'église. Pour autant que nous puissions savoir, soixante-cinq se sont convertis par notre moyen. Bien des personnes qui s'étaient détournées de Dieu ont été ramenées. Des ivrognes ont été convertis et guéris ; des maris incrédules ont été gagnés en réponse à la prière, même de ceux qui avaient menacé leurs femmes de les tuer ou de les abandonner, si elles persistaient à venir à la Chapelle. Des réunions durant souvent quatre heures pour ceux qui cherchaient le salut ont amené tant de gens qu'il a souvent fallu se séparer, faute de temps et de force, sans avoir pu recevoir tous ceux qui désiraient un entretien particulier. Enfin les fidèles ont été fortifiés dans leur foi. Tout ceci prouve surabondamment que c'est bien Dieu qui nous a conduits à Bristol.

Dans sa biographie, F. Warne ajoute au sujet du ministère de MM. Müller et Craik : « Chez eux, la foi et la prière allaient de pair, et dès le début de l'activité des deux pasteurs, on vit à Bristol « ces oeuvres plus grandes » que Jésus annonçait à ses disciples. Il était manifeste que tous deux occupaient la place voulue par Dieu. Ils restèrent donc et déclinèrent l'appel venu de Bagdad.


12 juin. - DISTRIBUTION DE PAIN. - J'ai senti ce matin, que nous pourrions faire quelque chose de plus pour les enfants pauvres à qui nous donnons chaque jour du pain, depuis quelque temps déjà. Nous pourrions avoir une école, leur lire la Bible, leur parler du Seigneur...

Ouvrons ici une parenthèse : G. Müller avait besoin de se dépenser pour les autres. Son coeur s'était ému à la vue des enfants de la rue, de ceux qui, réduits à leurs seules ressources ou à peu près, vivaient comme ils pouvaient et mangeaient quand ils pouvaient. Il descendit donc à plusieurs reprises le matin vers les huit heures, allant par les rues pour réunir des enfants à qui il donnait du pain. Il leur parlait aussi du Sauveur et commença d'enseigner la lecture à quelques-uns. Bientôt des vieillards vinrent aussi. G. Müller avait commencé avec une trentaine de personnes, mais ce nombre augmentait rapidement. Aidé de M. Craik, il trouva une salle pouvant contenir cent cinquante personnes, et pour laquelle on ne demandait qu'une redevance annuelle de douze francs cinquante. Enfin un chrétien d'un certain âge était prêt à se charger de l'enseignement.

Ces projets ne purent être réalisés, les voisins se plaignirent de l'encombrement de la rue, de ce rassemblement de gens oisifs dont le nombre allait sans cesse en augmentant ; d'autre part, les jeunes pasteurs, toujours plus occupés par leurs églises, manquaient du temps nécessaire pour s'occuper effectivement de cette affaire. Elle cessa momentanément, pour reprendre peu après, sous une autre forme.


17 juin. - CONVERSIONS. - Frère Craik et moi avons pris le thé, ce soir, dans une famille dont cinq membres ont été amenés au Seigneur par notre moyen (7). Afin d'encourager les frères qui prêchent l'Évangile, dans une langue qui n'est pas la leur, je donnerai ici quelques détails sur la première de ces conversions : La personne était venue par curiosité, pour entendre mon accent étranger et parce qu'on faisait courir le bruit que je n'arrivais pas à prononcer certains mots correctement. La personne en question vint donc, mais elle était à peine entrée dans la chapelle que le Seigneur lui révélait son état de péché.
Elle était venue pensant ne rester que quelques minutes ; mais elle se trouvait comme clouée à son siège et ne pensait plus à partir. Elle demeura tout le temps que je parlai et jusqu'à la fin du service. Alors, au lieu de se rendre à ses plaisirs, elle rentra en hâte à la maison, se lava pour ôter la peinture de son visage, et resta chez elle jusqu'à l'heure du second service.
Dès ce jour, elle fut convertie. Ayant trouvé le Seigneur, elle supplia ses frères et soeurs de l'accompagner à nos réunions, ce qu'ils firent et ils trouvèrent aussi le salut. C'est pourquoi je tiens à dire aux chers missionnaires mes frères, de ne pas oublier que Dieu peut bénir même quelques mots hachés et incorrects en une langue étrangère.

31 décembre 1833. - Voici exactement quatre ans que j'ai commencé à regarder uniquement au Seigneur pour qu'Il subvienne à mes besoins temporels. J'ai alors abandonné le peu que j'avais : au plus cent livres sterlings par an (alors 2.500 fr. de notre monnaie), n'ayant plus que cent vingt-cinq francs par devers moi. Et Dieu a eu égard à ce tout petit sacrifice. Il m'a donné en retour non seulement autant, mais infiniment plus,


1834

1er janvier 1834. - Il nous a semblé bon à frère Craik et à moi d'avoir une réunion spéciale et publique d'actions de grâce, pour les multiples bontés de Dieu envers nous depuis notre arrivée à Bristol, pour les succès qu'Il lui a plu d'accorder à nos travaux, aussi pour lui confesser notre misère et notre indignité et le supplier de nous continuer Sa Faveur. Nous nous sommes donc réunis hier soir à cet effet. Commencée à sept heures, la réunion a duré jusqu'à minuit et demi. Environ quatre cents personnes se sont jointes à nous en cette occasion.


9 janvier. - EXAUCEMENT. - Voici un an et demi que nous prêchons tous deux, une fois par mois, a Brislington, village situé près de Bristol ; et cela sans résultat apparent. Ceci m'a conduit à prier avec ardeur aujourd'hui pour la conversion des pêcheurs de Brislington. À la chapelle aussi j'ai prié à ce sujet, demandant au Seigneur qu'il voulût bien convertir ce même soir, au moins une âme en ce village, afin que nous en fussions encouragés. Je me suis senti soutenu pendant la prédication (8).

14 janvier. - À la date du 20 octobre, il m'avait été impossible de fixer ma pensée sur aucun texte pour la prédication. J'avais donc prêché sans en éprouver aucune joie. Et cependant, ce sermon a été en bénédiction à plusieurs, je l'ai su par la suite. À ce jour je sais qu'il a été le moyen dont Dieu s'est servi pour convertir neuf personnes. Puisse ceci encourager mes frères dans le ministère à aller fidèlement de l'avant au service du Seigneur dans le calme et la prière, quelles que soient leurs impressions particulières.

19 février. - J'ai écouté ce soir la prédication de frère Craik. Il a mis en relief de très précieuses vérités. Puissé-je m'en nourrir davantage ! Depuis plusieurs semaines, je n'ai pas de véritable communion avec Dieu, je me sens froid. Mon amour pour Lui est languissant. Je soupire après mon Dieu. Je ne puis être satisfait de mon état actuel. Ah ! si je pouvais retrouver la ferveur d'esprit que j'ai connue autrefois et y persévérer. Il me tarde de partir pour être avec le Seigneur, afin de pouvoir enfin l'aimer de tout mon coeur.

20 février. - Par la bonté de Dieu, mon coeur s'est brisé aujourd'hui, et j'ai pu répandre d'abondantes larmes sur ma misère spirituelle... Oh s'il plaisait à Dieu de ramener en moi plus de ferveur, de mettre en moi une plus grande soif des biens spirituels et éternels !

21 février. - En comparaison des semaines passées, il y a amélioration dans l'état de mon coeur, ce qui est dû à la bonté de Dieu. J'ai été conduit ce matin à échafauder le plan d'une oeuvre basée sur des principes bibliques pour répandre l'Évangile en Angleterre et à l'étranger. Je crois que ceci vient de Dieu. Ce soir de six heures à dix heures et demie, réunion pour ceux qui cherchent le salut. Le Seigneur « besogne » toujours au milieu de nous, et autant que jamais. Oh ! si seulement nos coeurs débordaient de plus de gratitude ! Nous avons tenu aussi longtemps que nous avons pu et jusqu'à l'épuisement ; et cependant il nous a été impossible de recevoir tous ceux qui étaient venus. Il a fallu renvoyer plusieurs d'entre eux à un autre jour.

25 février. - Très nombreux « chercheurs », hier les conversations particulières ont duré plus de quatre heures, sans que nous ayons pu recevoir tout le monde ; il a fallu faire une nouvelle invitation pour aujourd'hui de deux à cinq heures. J'ai été de nouveau conduit à prier au sujet d'une Oeuvre missionnaire, et je crois que nous devrions nous en occuper. On pourrait lui donner ce nom : Oeuvre pour répandre la connaissance de la Bible en Angleterre et à l'étranger.

Nourrir ceux qui ont faim nourrir les corps de pain, nourrir les âmes de la Bible le Pain de Vie, telle est à cette époque la pensée dominante de G. Müller ; celle que Dieu lui a mise au coeur. S'il éprouve une immense pitié pour ceux qui sont destitués de tout en cette vie, il a une pitié non moins grande pour ceux qui ignorent la Parole de Dieu et le salut qui est en Christ. L'oeuvre missionnaire de Bristol est déjà dans son coeur, elle est à la veille d'être fondée.


(1) Il éprouva la plus grande joie en se donnant à Dieu ; il prenait tant de plaisir à lire la Bible qu'il en oubliait de prendre ses repas. Il mourut cinq mois après. 

(2) Ces réunions avaient lieu chaque matin et durèrent tout le temps de l'épidémie. Ensuite, elles furent transformées en réunions de prière pour l'Eglise universelle. 

(3) Par la suite, l'un d'eux tomba malade et mourut. Je tiens à noter ici que frère Craik et moi avons visité les malades de jour et de nuit, et que Dieu nous a gardés de la contagion nous et nos familles.

(4) Ceci m'a amené à me réformer sur ces différents points ; non pas que j'eusse négligé de prêcher aux pécheurs jusque-là, mais ils occupaient moins de place dans ma pensée que dans celle de frère Craik. Depuis Dieu a également béni ma prédication pour la conversion des pécheurs. Que Dieu daigne se servir de mon expérience pour attirer la pensée de ses serviteurs sur les deux derniers points que j'ai indiqués : prier davantage pour la conversion des pécheurs et s'adresser plus souvent à eux. 

(5) La communion. 

(6) Cinq mille francs, lorsque la livre était au pair.

(7) Un an après ils étaient sept. 

(8) Le Seigneur exauça ma requête. Le même soir une âme fut amenée à la connaissance de la Vérité. 
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