HENRY CRAIK, LE GRAND AMI
DE
GEORGE MÜLLER. - M.
CHAPMAN DE BRISTOL. -
L'APPEL. -
ADIEUX A LA COMMUNAUTÉ DE
TEIGNMOUTH. -
DÉPART
POUR BRISTOL. -
INSTALLATION.
BÉTHESDA CHAPEL. LE
CHOLÉRA. -
NAISSANCE
D'UNE FILLETTE. - LA
CONGRÉGATION OFFRE UNE MAISON MEUBLÉE
A SES PASTEURS. - ÂMES CONVERTIES OU
RAMENÉES À DIEU SOUS
L'ÉPREUVE. - SERVICES D'ACTIONS DE
GRÂCE. -
UN
APPEL DE
BAGDAD. - L'OEUVRE, ACCOMPLIE
EN UN AN. -
DISTRIBUTION
DE
PAIN AUX PAUVRES. -
UNE
CONVERSION REMARQUABLE. - FIN
D'ANNÉE : BILAN. -
1er
JANVIER : NOUVEAU SERVICE D'ACTIONS DE
GRÂCE. - ACTIVITÉ,
- GEORGE MÜLLER EST CONDUIT À PRIER
POUR LA FONDATION D'UN INSTITUT
MISSIONNAIRE.
HENRY
CRAIK. -
C'est à Teignmouth que George Müller
avait fait la connaissance du pasteur Henry Craik,
un fidèle serviteur du Christ et un ardent
prédicateur de l'Évangile. Il y avait
entre ces deux chrétiens de nombreux points
de ressemblance, bien que leurs mentalités
et leurs caractères fussent très
différents. Tous deux avaient à peu
près vingt-quatre ans lorsqu'ils se
rencontrèrent pour la première
fois ; tous deux avaient fait des
études universitaires, l'un en Allemagne,
l'autre en Écosse tous deux aimaient
l'hébreu et en poursuivaient l'étude
tous deux avaient été amenés
à Christ durant leur séjour à
l'Université. Toutefois ce qui scella leur amitié,
ce fut toute
autre chose : il y avait chez l'un et l'autre
un ardent amour pour Christ et ce fut cet amour
remplissant leurs coeurs qui les unit l'un à
l'autre (Warne).
« C'est entre
juillet
1829 et janvier 1830, écrit G. Müller,
que j'avais discerné les grandes
vérités scripturaires relatives au
retour du Seigneur, à la Bible, seul code de
vie pour le chrétien, au Saint-Esprit, seul
Guide qui enseigne la vérité. C'est
à cette époque que j'avais
discerné la très précieuse
doctrine de la Grâce (laquelle j'ignorais
encore quatre ans après ma conversion) et
compris la vocation céleste de l'Eglise de
Christ ainsi que la position qui en
résultait pour le chrétien ici-bas.
Or, c'étaient là les
vérités qui remplissaient aussi le
coeur de M. Craik de sorte que nous nous
sentîmes fortement attirés l'un vers
l'autre. Et depuis lors, jusqu'au moment dé
son départ pour être avec Christ,
c'est-à-dire durant trente-six ans, rien ne
vint jamais assombrir ou diminuer notre
amitié. »
Au cours de l'année
1829,
un gentleman de Bristol, Mr. Chapman, était
venu s'installer à Teignmouth, avec sa femme
pour y trouver un changement d'air. Il entendit
prêcher Mr. Craik à l'église
baptiste de Shaldon, et fut tellement attiré
vers le jeune pasteur qu'il l'invita à venir
à Bristol. Les invitations se
succédèrent, mais Mr. Craik ne
pensait pas que Dieu l'appelât à
quitter Shaldon. En 1831, vers la fin de
l'année, il reçut de Mr. Chapman une
nouvelle et pressante invitation ; cette fois
il s'y rendit, et passa une quinzaine de jours
à Bristol, prêchant en plusieurs
endroits. Après cette visite, M. Chapman
insista plus que jamais pour l'installation de
frère Craik à Bristol ; mais la
maladie de Mrs. Craik l'empêcha d'accepter.
En février 1832 celle-ci mourut.
Brisé par l'épreuve de la
séparation, invité à nouveau,
Mr. Craik partit, laissant à George
Müller le soin de le remplacer à Shaldon
pendant cette nouvelle absence. (F.-G. Warne).
C'était au mois de mars de l'an 1832,
période particulièrement difficile
pour le pasteur de Teignmouth. Nous lisons dans son
journal, à la date du 18
mars :
TEMPS D'ÉPREUVE. -
Voici
deux jours que nous n'avons pu acheter de viande.
La soeur chez qui nous logeons nous a envoyé
une part de son déjeuner. Nous regardons au
Seigneur pour être secourus. Nous avons
besoin d'argent pour le loyer hebdomadaire et pour
acheter des provisions.
19 mars. -
À
nouveau, notre propriétaire nous a
envoyé le déjeuner. Nous n'avons plus
qu'un seul sou. Je prie sans aucune ferveur ;
cependant, j'attends la délivrance sans
savoir d'où elle pourrait venir. Nous
n'avons pas pu acheter de pain.
20 mars.
- Aujourd'hui,
Dieu nous a comblés de ses faveurs. Le
matin, nous n'eûmes qu'à nous asseoir
autour du déjeuner qu'Il nous avait
envoyé alors qu'il ne nous restait plus un
seul sou ; le dernier avait servi à
acheter du lait. Pour le second déjeuner les
restes de celui de la veille suffirent amplement,
mais la soeur qui nous logeait envoya de nouveau un
repas et un pain, et vers midi deux soeurs nous
apportèrent une livre de sucre, une livre de
café et du chocolat. Elles étaient
encore avec nous qu'une soeur pauvre nous apportait
un shelling, plus une petite somme dont on l'avait
chargée pour nous. Dans l'après-midi,
elle revenait avec une livre de beurre et deux
shellings de la part d'une autre soeur ; cinq
de la part d'une troisième. C'est ainsi que
le Seigneur. répondit à nos
prières bien qu'elles fussent si froides et
si faibles. Seigneur, fortifie notre foi !
29 mars.
- Ce matin, je
suis allé à Shaldon. Frère
Craik est à Bristol depuis quatre semaines.
Je crois qu'il ne reviendra que pour partir de
façon définitive et que le Seigneur
l'appellera à rester
là-bas.
8 avril. - J'ai eu
aujourd'hui
le sentiment très vif que mon oeuvre
était achevée à
Teignmouth.
13
avril. - L'APPEL POUR BRISTOL. -
À mon retour de Torquay où j'avais
été prêcher, j'ai trouvé
une lettre de frère Craik. Il me presse
d'aller à Bristol le seconder ; et,
d'après ce qu'il écrit, j'ai
l'impression que je serais mieux à ma place
là-bas, qu'ici. « Seigneur
montre-moi la voie ! ... » Je crains
qu'il n'y ait quelque chose de charnel dans la
pensée de ce départ
possible...
11 avril. -
J'ai
répondu à frère Craik que je
partirais si le Seigneur le voulait... Je me sens
pressé d'avertir les frères à
ce sujet ; ce qu'ils diront m'aidera
peut-être à discerner la pensée
du Seigneur. En tout cas, ils prieront pour
moi.
13 avril.
- Jour du
Seigneur. - Aujourd'hui j'ai de nouveau
prêché sur la seconde venue de Christ.
J'ai souvent traité ce sujet, et cette
fois-ci j'ai dit aux frères les impressions
que j'avais reçues lorsqu'on l'aborda devant
moi pour la première fois ; et comment
j'avais été amené à
quitter Londres pour prêcher de lieu en lieu.
Après plus de deux ans passés
à Teignmouth, il me semblait que l'heure du
départ avait sonné. Je leur rappelai
qu'en m'installant au milieu d'eux, je n'avais pris
aucun engagement quant à la durée de
mon séjour. Il y eut bien des larmes
versées, mais la paix est rentrée
dans mon coeur ; et il
n'en
aurait pas été ainsi si ma
décision n'avait pas été selon
Dieu... Je ne sais pas encore où je porterai
mes pas. Je pense à Torquay où je
pourrais peut-être rester un mois, puis
j'irai plus loin. J'ai bien écrit à
mon ami que je pousserais jusqu'à Bristol,
mais je pense n'y rester que quelques jours et y
prêcher seulement un certain nombre de
fois.
16 avril.
- La paix
habite toujours en mon coeur. Je suis heureux
d'avoir parlé aux frères comme je
l'ai fait, de sorte qu'ils seront prêts si le
Seigneur me conduit ailleurs. N'ayant presque plus
d'argent, et devant bientôt quitter
Teignmouth, j'ai demandé à Dieu de
bien vouloir m'envoyer les fonds
nécessaires ; or, dans les quatre
heures qui suivirent et de six endroits
différents, je reçus trois livres,
sept shellings, six pence ; et peu
après, je pouvais partir pour Dartmouth
où je prêchai le même
soir.
18 avril.
- Je suis
encore à Dartmouth. J'ai prêché
ce soir à nouveau devant un grand auditoire,
et le Seigneur m'a particulièrement soutenu.
J'ai écrit à frère Craik que,
Dieu voulant, je serais avec lui à Bristol
le 21.
20 avril. -
En route pour
Bristol. J'ai prêché à Exeter
à trois heures et jusqu'à quatre
heures et demie, puis à cinq heures je suis
reparti pour Taleford, où j'ai
prêché à nouveau le même
soir. J'ai l'impression d'avoir manqué de
puissance à Exeter et ici. Cependant les
frères ont été
fortifiés. Personnellement, je me sentais
très fatigué, aussi n'avais-je pu me
préparer beaucoup par la prière. Je
me suis couché à 11 heures,
épuisé.
21 avril.
- Levé
de bonne heure, j'ai assisté à une réunion de
prière
qui se tient de cinq heures moins le quart à
six heures moins le quart, et j'y ai pris la
parole. Ensuite, avec d'autres frères, j'ai
de nouveau prié et lu les Écritures.
À 10 heures, je prends la voiture pour
Bristol... Durant le parcours, j'ai manqué
de fidélité : je n'ai pas dit un
seul mot pour le Seigneur. Aussi me suis-je senti
malheureux. Ceci m'a montré à nouveau
ma faiblesse. Et cependant, pendant le voyage la
veille, mon témoignage avait
été en
bénédiction : quelques-uns de
mes compagnons avaient accepté la Parole de
Dieu, et les autres avaient dû
l'écouter. Aujourd'hui, je n'ai pas dit un
seul mot pour mon Maître ! Je n'ai pas
distribué un seul traité ; et
cependant mes poches en étaient
pleines ! O! misérable que je
suis !
À
BRISTOL. - 22 avril. - Prêché ce
matin à Bristol « Gideon
Chapel ». Bien que ce sermon ait
provoqué de faux rapports, il a plu au
Seigneur de le bénir pour plusieurs, et de
se servir même des faux rapports pour amener
des âmes à venir entendre sa Parole.
L'après-midi, j'ai prêché
à « Pithay Chapel »,
sermon béni pour beaucoup
d'âmes ; bien des gens vinrent par la
suite nous entendre prêcher, frère
Craik et moi. Je citerai seulement la conversion
d'un jeune homme, un ivrogne, qui se rendait chez
le marchand d'alcool lorsqu'un ami le rencontra et
lui demanda de venir entendre un étranger.
Il le fit et se convertit (1). Par
la suite, il ne remit
plus les
pieds au cabaret... Ce soir, frère Craik a
prêché et j'ai appris bien des choses
en l'écoutant...
23 avril.
- J'ai
prêché à Gideon Chapel, et je
me suis senti soutenu et heureux. Je crois que Dieu
me veut ici, en tout cas pour quelque
temps...
27 avril.
- Nous pensons,
frère Craik et moi, qu'il est
préférable que nous quittions Bristol
pour pouvoir prendre la décision qui nous
est demandée dans le calme et sans
être influencés par ce que nous voyons
ici. Quelques personnes me demandent de rester
pendant que frère Craik s'en va ; mais
nous estimons devoir partir ensemble. Je remarque
que bien des gens préfèrent les dons
de mon bien-aimé frère aux
miens ; mais il refuse de s'installer à
Bristol sans moi. Comme d'autre part j'ai la
certitude que Dieu m'appelle ici, je suis sûr
qu'Il m'y donnera du travail, et que nous serons
tous deux, mon frère et moi, en
bénédiction à l'Eglise qui est
à Bristol et aux incrédules. Au lieu
d'envier les succès de mon compagnon de
travail, et les honneurs dont il est
entouré, Dieu m'a fait la grâce de
pouvoir m'en réjouir sans
arrière-pensée ; Il m'a
aidé à comprendre la signification de
cette parole : « Personne ne peut
rien recevoir s'il ne lui a été
donné d'En-Haut. »
Le 1er mai, Craik et
Müller
retournaient en Devonshire. Les adieux furent
émouvants ; quantité de gens les
entouraient, les pressant de revenir bientôt.
La bénédiction divine avait
manifestement reposé sur leur
ministère de quelques semaines... Un
frère s'engageait à faire les frais
de location de Béthesda Chapel pour que
chacun d'eux eût un lieu de culte, mais ils
persistèrent à retourner dans leurs
paroisses respectives pour prendre une
décision uniquement devant Dieu, loin de
toute pression.
De leur côté, ils
avaient indiqué leurs conditions à la
communauté qui les appelait, celle de Gideon
Chapel : « ils se mettaient à
sa disposition, mais ils ne seraient pas
considérés
comme pasteurs, ni assujettis à aucune
règle, afin de pouvoir prêcher selon
ce qu'ils penseraient être la volonté
de Dieu ; la location des bancs serait
abolie ; les membres subviendraient librement
aux besoins temporels de leurs conducteurs
spirituels.
Par une lettre qu'ils
recevaient
le 15 mai, l'église leur fit savoir qu'elle
acceptait toutes leurs conditions. Arrivés
à l'absolue conviction que Dieu les appelait
à Bristol, MM. Craik et Müller se
préparèrent au départ. Ils
allèrent à nouveau prêcher de
lieu en lieu en prenant congé des
églises dont ils s'étaient
occupés jusque-là. À
Teignmouth même M. Müller alla dire
adieu à chacun individuellement.
Journées pleines d'émotion et qui
auraient suffi à faire revenir le jeune
pasteur sur sa décision, sans la conviction
intime, profonde, que Dieu l'appelait à
Bristol. La communauté de Teignmouth qui
n'avait que dix-huit membres à son
arrivée, en avait cinquante et un à
son départ, après deux ans et demi de
ministère.
23
mai. - ADIEUX À TEIGNMOUTH. À
BRISTOL. - Ma femme, M. Groves (mon
beau-père) et moi, nous avons quitté
Teignmouth ce matin pour Exeter ; mon cher
frère Craik pense suivre demain.
25 mai.
Nous sommes
arrivés ce soir à Bristol.
27 mai. Reçu
ce
jour vingt-cinq francs d'une soeur qui habite le
Devonshire. Nous y voyons le gage que Dieu prendra
encore soin de nous à Bristol.
Il fallut s'occuper de
chercher
des chambres garnies convenables ; question
assez difficile à résoudre, et qui
fut présentée à Dieu. Enfin
les voyageurs arrêtèrent cinq
chambres, dont trois chambres à coucher,
pour la somme de dix-huit shellings par semaine,
charbon et service compris. « Ce sont les
plus simples et les plus ordinaires que nous avons
trouvées, écrit G. Müller ;
elles sont encore trop bonnes pour les serviteurs
du Maître qui n'a pas en d'endroit où reposer sa
tête. » M. Craik partageait cet
appartement.
Béthesda étant le seul lieu de
culte assez grand pour contenir les auditeurs, le
local fut aussitôt loué pour un an par
l'un des frères, et mis à la
disposition de MM. Craik et Müller. Le 6
juillet, le premier service y fut
célébré. Le 13, le
choléra faisait son apparition à
Bristol. Quantité de gens désirant
s'entretenir avec les jeunes prédicateurs au
sujet de leurs âmes avaient été
invités à venir à la sacristie
le 16 juillet à partir de six heures. Chacun
était reçu en particulier, cela dura
jusque vers onze heures, tant les visiteurs
étaient nombreux.
L'épidémie de
choléra fit de rapides progrès et de
nombreuses victimes. Les deux jeunes pasteurs
étaient constamment appelés au chevet
des mourants, ou occupés à visiter
les familles en deuil. Voici un extrait du journal
de 6. Müller qui date de cette
période :
14 août. -
Journée mise à part pour le
recueillement et la prière à cause de
l'épidémie : trois
réunions successives.
15 août.
-
Aujourd'hui nous avons eu une réunion tout
intime à Béthesda : un
frère, quatre soeurs, frère Craik et
moi, sept en tout, et avons constitué une
Assemblée de frères SANS PROGRAMME, sans règlement, si ce n'est
celui de nous
laisser guider uniquement par le Seigneur au moyen
de sa Parole.
Seulement ces quelques
lignes
dans le journal de G. Müller pour rappeler ce
fait qui est cependant extrêmement
significatif et très solennel. Pour le jeune
pasteur il y avait là l'acte de
séparation nécessaire à
l'oeuvre sainte de l'édification d'une
Église selon les données apostoliques
sans autres règles que celles
trouvées dans le Nouveau Testament. De fait,
cette petite réunion de quelques membres
inaugure en une certaine mesure la nouvelle
période d'activité de G. Müller,
celle pour laquelle Dieu l'a mis à part.
(D'après le Dr Pierson).
17 août. - Ce matin,
de
six à huit heures, réunion de
prière à cause de
l'épidémie de choléra. Deux
à trois cents personnes présentes
(2).
24 août. - Les ravages
de
l'épidémie semblent s'aggraver et
devenir toujours plus effroyables. Nous avons tout
lieu de croire que des multitudes meurent chaque
jour à Bristol... Jamais encore je n'avais
compris comme maintenant ce qu'est le voisinage
immédiat de la mort. Si le Seigneur ne nous
garde pas durant cette nuit, nous ne serons plus
demain sur la terre des vivants. Il est dix heures
du soir. Encore un glas ! Il y en a eu toute
la journée. Je me remets entre tes mains,
ô Père ! Me voici devant Toi,
moi, ton indigne enfant. Si je mourais cette nuit,
ma seule espérance, ma seule confiance
seraient dans le sang de Jésus-Christ, mort
pour la rémission de mes nombreux
péchés. Il m'a lavé
parfaitement, et je suis couvert par la justice
divine. - Jusqu'ici, pas un des saints de
l'Assemblée qui travaillent avec
frère Craik et moi n'a été
touché (3).
NAISSANCE
DE
LYDIA MÜLLER. - 16-17 septembre. - La
vie de ma chère femme a été en
grand danger. J'ai passé toute la nuit en
prière. Dieu a eu pitié de moi. Non
seulement il m'a exaucé en me laissant ma si
précieuse compagne, mais Il a permis qu'elle
fût la mère vivante d'un enfant
vivant. Notre enfant bien-aimée nous a
été donnée le 17 septembre.
Nous la nommons Lydia.
21 septembre.
- À
cause de la naissance de Baby et des projets de
mariage de frère Craik, notre logement
n'était plus suffisant ; il fallait
chercher autre chose. La communauté mit
alors une maison à la disposition de ses
deux pasteurs, après l'avoir
entièrement meublée.
1er octobre. -
Notre
réunion pour ceux qui cherchent le salut a
duré de deux heures à cinq heures. Je
remarque que la prédication de frère
Craik a bien plus de prise que la mienne sur les
inconvertis, et qu'elle les convainc de
péché mieux que la mienne. Ceci m'a
amené à me demander pourquoi ?
Peut-être pour les raisons suivantes :
1° La pensée de frère Craik est
plus spirituelle que la mienne ; 2° Il
prie davantage pour la conversion des
pécheurs ; 3° Il s'adresse plus
souvent à eux
(4).
3 octobre.
- Jour
d'action de grâces, de ce que
l'épidémie est en
décroissance.
5 octobre. -
Réunion de prière ce matin comme
d'habitude. Les cas de choléra sont de moins
en moins nombreux. La conscience de centaines de
personnes a été
réveillée pendant que
l'épidémie sévissait ;
mais beaucoup s'endorment à nouveau, maintenant
que le jugement
de
Dieu s'éloigne. Cependant, la proportion de
ceux qui ont été amenés par le
moyen de l'épidémie et qui restent
fidèles est assez importante : ils se
joignent à nous « pour rompre le
pain » (5) et marchent dans la
crainte
du
Seigneur. De sorte que le très
sévère jugement qui est tombé
sur la ville a eu des résultats bénis
pour bien des âmes.
4
janvier 1833. - UN APPEL DE BAGDAD. - Ce matin nous
avons
reçu des lettres de Bagdad. Les
missionnaires qui travaillent là-bas nous
appellent, frère Craik et moi, à
aller partager leurs travaux ; et avec leurs
invitations ils envoient un chèque de deux
cents livres sterling pour les frais de voyage
(6). -
« Seigneur, que veux-tu que je
fasse ? » Bien des choses semblent
militer en faveur de cet appel : il y a trois
villages allemands près de Bagdad, notre
départ entraînerait celui d'autres
frères nous pourrions semer la Parole
pendant le voyage le fait de partir là-bas
sans le concours d'aucune société et
en regardant uniquement au Seigneur, serait un
témoignage rendu à Dieu. J'ai eu
depuis longtemps le sentiment que je partirais un
jour comme missionnaire parmi les Mahométans
ou les païens ; notre venue pourrait
fortifier les frères. D'autre part, il y a
l'oeuvre à Bristol. Cela est-il moins
important que ceci ? J'ai besoin d'en
être certain avant de répondre
négativement à l'invitation
faite.
5 janvier.
- Frère
Craik et moi nous avons examiné la situation. Le
chemin ne nous semble pas clair, Si tu me veux
là-bas, Seigneur, me
voici ! ».
9 janvier.
- Je continue
de prier pour Bagdad, et suis toujours dans
l'obscurité.
19 janvier. -
Ces jours
derniers, j'ai lu le journal qu'a écrit
frère Groves pendant son séjour
là-bas, à titre de renseignement et
pour me rendre compte de la situation ; aussi
dans l'espoir que Dieu voudrait bien se servir de
ce moyen pour me montrer la voie. Que son Nom soit
béni ! Je n'ai personnellement aucun
désir en cette affaire : ni pour
partir, ni pour rester.
9 février.
- Je
viens de relire partiellement la vie de Francke.
Dieu m'a aidé à le suivre dans la
mesure qu'il a suivi Christ... La plupart des
personnes que nous connaissons à Bristol,
sont pauvres. Si Dieu nous donnait plus de
grâce pour vivre davantage comme Francke,
nous pourrions tirer beaucoup plus à la
banque du Père céleste en faveur de
nos frères et soeurs dans la
pauvreté.
28 mai.
- Ce matin tandis
que j'étais dans ma chambre, la
détresse de mes frères s'est
présentée si vivement à moi
que j'ai dit en pensée :
« Oh ! s'il plaisait au Seigneur de
me donner de quoi les aider ! »
Environ une heure après, je reçus
soixante livres sterling d'un frère que je
n'ai jamais vu et qui demeure à une distance
de plusieurs milliers de kilomètres. Ceci
montre que l'action de Dieu n'est pas
limitée, et que pour Lui la distance
n'existe pas. Puisse mon coeur déborder de
gratitude envers le Seigneur.
29 mai. -
Résumé de l'activité des douze
mois écoulés depuis notre
arrivée à Bristol : Il a plu au Seigneur de
rassembler
une
église à Béthesda par notre
moyen ; elle a soixante membres, et
quarante-neuf ont été ajoutés
à Gideon Chapel. En tout : cent neuf
nouveaux membres d'église. Pour autant que
nous puissions savoir, soixante-cinq se sont
convertis par notre moyen. Bien des personnes qui
s'étaient détournées de Dieu
ont été ramenées. Des ivrognes
ont été convertis et
guéris ; des maris incrédules
ont été gagnés en
réponse à la prière,
même de ceux qui avaient menacé leurs
femmes de les tuer ou de les abandonner, si elles
persistaient à venir à la Chapelle.
Des réunions durant souvent quatre heures
pour ceux qui cherchaient le salut ont amené
tant de gens qu'il a souvent fallu se
séparer, faute de temps et de force, sans
avoir pu recevoir tous ceux qui désiraient
un entretien particulier. Enfin les fidèles
ont été fortifiés dans leur
foi. Tout ceci prouve surabondamment que c'est bien
Dieu qui nous a conduits à
Bristol.
Dans
sa
biographie, F. Warne ajoute au
sujet du ministère de MM. Müller et
Craik : « Chez eux, la foi et la
prière allaient de pair, et dès le
début de l'activité des deux
pasteurs, on vit à Bristol « ces
oeuvres plus grandes » que Jésus
annonçait à ses disciples. Il
était manifeste que tous deux occupaient la
place voulue par Dieu. Ils restèrent donc et
déclinèrent l'appel venu de
Bagdad.
12
juin. - DISTRIBUTION DE PAIN. - J'ai
senti ce matin, que nous pourrions faire quelque
chose de plus pour les enfants pauvres à qui
nous donnons chaque jour du pain, depuis quelque
temps déjà. Nous pourrions avoir une
école, leur lire la Bible, leur parler du
Seigneur...
Ouvrons ici une
parenthèse : G. Müller avait
besoin de se dépenser pour les autres. Son
coeur s'était ému à la vue des
enfants de la rue, de ceux qui, réduits
à leurs seules ressources ou à peu
près, vivaient comme ils pouvaient et
mangeaient quand ils pouvaient. Il descendit donc
à plusieurs reprises le matin vers les huit
heures, allant par les rues pour réunir des
enfants à qui il donnait du pain. Il leur
parlait aussi du Sauveur et commença
d'enseigner la lecture à quelques-uns.
Bientôt des vieillards vinrent aussi. G.
Müller avait commencé avec une
trentaine de personnes, mais ce nombre augmentait
rapidement. Aidé de M. Craik, il trouva une
salle pouvant contenir cent cinquante personnes, et
pour laquelle on ne demandait qu'une redevance
annuelle de douze francs cinquante. Enfin un
chrétien d'un certain âge était
prêt à se charger de
l'enseignement.
Ces projets ne purent
être
réalisés, les voisins se plaignirent
de l'encombrement de la rue, de ce rassemblement de
gens oisifs dont le nombre allait sans cesse en
augmentant ; d'autre part, les jeunes
pasteurs, toujours plus occupés par leurs
églises, manquaient du temps
nécessaire pour s'occuper effectivement de
cette affaire. Elle cessa momentanément,
pour reprendre peu après, sous une autre
forme.
17
juin. - CONVERSIONS. - Frère
Craik et moi avons pris le thé, ce soir,
dans une famille dont cinq membres ont
été amenés au Seigneur par
notre moyen (7).
Afin d'encourager les frères qui
prêchent l'Évangile, dans une langue
qui n'est pas la leur, je donnerai ici quelques
détails sur la première de ces
conversions : La personne était venue
par curiosité, pour entendre mon accent
étranger et parce qu'on faisait courir le
bruit que je n'arrivais pas à prononcer
certains mots correctement. La personne en question
vint donc, mais elle était à peine
entrée dans la chapelle
que le Seigneur lui révélait son
état de péché.
Elle était venue
pensant
ne rester que quelques minutes ; mais elle se
trouvait comme clouée à son
siège et ne pensait plus à partir.
Elle demeura tout le temps que je parlai et
jusqu'à la fin du service. Alors, au lieu de
se rendre à ses plaisirs, elle rentra en
hâte à la maison, se lava pour
ôter la peinture de son visage, et resta chez
elle jusqu'à l'heure du second
service.
Dès ce jour, elle fut
convertie. Ayant trouvé le Seigneur, elle
supplia ses frères et soeurs de
l'accompagner à nos réunions, ce
qu'ils firent et ils trouvèrent aussi le
salut. C'est pourquoi je tiens à dire aux
chers missionnaires mes frères, de ne pas
oublier que Dieu peut bénir même
quelques mots hachés et incorrects en une
langue étrangère.
31 décembre 1833. -
Voici
exactement quatre ans que j'ai commencé
à regarder uniquement au Seigneur pour qu'Il
subvienne à mes besoins temporels. J'ai
alors abandonné le peu que j'avais : au
plus cent livres sterlings par an (alors 2.500 fr.
de notre monnaie), n'ayant plus que cent vingt-cinq
francs par devers moi. Et Dieu a eu égard
à ce tout petit sacrifice. Il m'a
donné en retour non seulement autant, mais
infiniment plus,
1er janvier 1834. - Il nous a semblé bon à frère Craik et à moi d'avoir une réunion spéciale et publique d'actions de grâce, pour les multiples bontés de Dieu envers nous depuis notre arrivée à Bristol, pour les succès qu'Il lui a plu d'accorder à nos travaux, aussi pour lui confesser notre misère et notre indignité et le supplier de nous continuer Sa Faveur. Nous nous sommes donc réunis hier soir à cet effet. Commencée à sept heures, la réunion a duré jusqu'à minuit et demi. Environ quatre cents personnes se sont jointes à nous en cette occasion.
9
janvier. - EXAUCEMENT. - Voici un an et
demi que nous prêchons tous deux, une fois
par mois, a Brislington, village situé
près de Bristol ; et cela sans
résultat apparent. Ceci m'a conduit à
prier avec ardeur aujourd'hui pour la conversion
des pêcheurs de Brislington. À la
chapelle aussi j'ai prié à ce sujet,
demandant au Seigneur qu'il voulût bien
convertir ce même soir, au moins une
âme en ce village, afin que nous en fussions
encouragés. Je me suis senti soutenu pendant
la prédication (8).
14 janvier.
- À la
date du 20 octobre, il m'avait été
impossible de fixer ma pensée sur aucun
texte pour la prédication. J'avais donc
prêché sans en éprouver aucune
joie. Et cependant, ce sermon a été
en bénédiction à plusieurs, je
l'ai su par la suite. À ce jour je sais
qu'il a été le moyen dont Dieu s'est
servi pour convertir neuf personnes. Puisse ceci
encourager mes frères dans le
ministère à aller fidèlement
de l'avant au service du Seigneur dans le calme et
la prière, quelles que soient leurs
impressions particulières.
19 février.
- J'ai
écouté ce soir la prédication
de frère Craik. Il a mis en relief de
très précieuses
vérités. Puissé-je m'en
nourrir davantage ! Depuis plusieurs semaines,
je n'ai pas de véritable communion avec Dieu, je
me sens
froid. Mon
amour pour Lui est languissant. Je soupire
après mon Dieu. Je ne puis être
satisfait de mon état actuel. Ah ! si
je pouvais retrouver la ferveur d'esprit que j'ai
connue autrefois et y persévérer. Il
me tarde de partir pour être avec le
Seigneur, afin de pouvoir enfin l'aimer de tout mon
coeur.
20 février.
- Par
la bonté de Dieu, mon coeur s'est
brisé aujourd'hui, et j'ai pu
répandre d'abondantes larmes sur ma
misère spirituelle... Oh s'il plaisait
à Dieu de ramener en moi plus de ferveur, de
mettre en moi une plus grande soif des biens
spirituels et éternels !
21 février.
- En
comparaison des semaines passées, il y a
amélioration dans l'état de mon
coeur, ce qui est dû à la bonté
de Dieu. J'ai été conduit ce matin
à échafauder le plan d'une oeuvre
basée sur des principes bibliques pour
répandre l'Évangile en Angleterre et
à l'étranger. Je crois que ceci vient
de Dieu. Ce soir de six heures à dix heures
et demie, réunion pour ceux qui cherchent le
salut. Le Seigneur « besogne »
toujours au milieu de nous, et autant que jamais.
Oh ! si seulement nos coeurs
débordaient de plus de gratitude ! Nous
avons tenu aussi longtemps que nous avons pu et
jusqu'à l'épuisement ; et
cependant il nous a été impossible de
recevoir tous ceux qui étaient venus. Il a
fallu renvoyer plusieurs d'entre eux à un
autre jour.
25 février. -
Très nombreux
« chercheurs », hier les
conversations particulières ont duré
plus de quatre heures, sans que nous ayons pu
recevoir tout le monde ; il a fallu faire une
nouvelle invitation pour aujourd'hui de deux à
cinq heures. J'ai été de nouveau
conduit à prier au sujet d'une Oeuvre
missionnaire, et je crois que nous devrions nous en
occuper. On pourrait lui donner ce nom :
Oeuvre pour répandre la connaissance de la
Bible en Angleterre et à
l'étranger.
Nourrir
ceux
qui ont faim nourrir les
corps de pain, nourrir les âmes de la Bible
le Pain de Vie, telle est à cette
époque la pensée dominante de G.
Müller ; celle que Dieu lui a mise au
coeur. S'il éprouve une immense pitié
pour ceux qui sont destitués de tout en
cette vie, il a une pitié non moins grande
pour ceux qui ignorent la Parole de Dieu et le
salut qui est en Christ. L'oeuvre missionnaire de
Bristol est déjà dans son coeur, elle
est à la veille d'être
fondée.
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