Avant de parler du baptême proprement dit, je ferai remarquer
qu'il y a une intimité de l'âme avec Dieu qui semble presque trop
sacrée pour qu'on en parle. C'est parce que ces sentiments nous
affectent si profondément qu'il est difficile de les décrire, Et nous
courons le danger d'être mal compris en parlant de ces choses, que si
peu sont à même de réaliser ! Le Seigneur Jésus connaissait
l'incapacité de ses disciples à saisir certaines révélations, c'est
pourquoi Il leur déclare :
« J'aurais encore plusieurs choses à vous dire, mais elles
sont encore au-dessus de votre portée. » (Jean
16/12.)
Non par raison mais par révélation.
Les marins qui ont été aux prises avec la tempête, qui ont
connu les angoisses du naufrage, préfèrent garder le silence après
être arrivés à bon port plutôt que de détailler les heures d'agonie
qu'ils ont vécues. Ils voudraient oublier pendant quelque temps les
tourments, les efforts épuisants, les souffrances inouïes endurées
pour sauver le bateau des éléments déchaînés. Ils savent aussi qu'il
est inutile de tenter de faire comprendre à des terriens les angoisses
indicibles d'une tempête en mer. Un soldat non plus ne peut parler à
n'importe qui d'un combat sous le feu — il préfère se taire.
Il en est de même pour le chrétien : après que le « poids de
gloire » s'est allégé, il n'aime pas parler immédiatement de ce
qu'il a connu et ressenti. Et quand il en parle, la sagesse le rend
prudent et réticent, pour les mêmes raisons que celles du marin
et du soldat survivants. Il n'a pas, comme eux, connu les
affres de la bataille et du désespoir ; non, il a expérimenté
justement le contraire. Il a été soulevé jusqu'à l'exaltation
spirituelle, plongé dans des flots de gloire divine ; il a connu
la puissance de vie d'un âge encore à venir. Comment pourrait-il
raconter librement les transports et les extases d'une étroite
communion avec son Seigneur ? N'est-ce pas un sacrilège
de parler de ces choses à des êtres qui ont toujours vécu sur un
niveau plus bas ? C'est bien là ce que Paul doit avoir ressenti
lorsque, après avoir été ravi au troisième ciel, il déclare qu'il a « entendu
des paroles ineffables, qu'il n'est pas permis à l'homme
d'exprimer » (2
Cor. 12/4). Mais, dans notre cas, il ne s'agit ni de transes, ni
de séjour au ciel, mais bien de ce qu'il est donné à tout
croyant de recevoir. Cela ne s'adresse cependant pas à n'importe qui,
mais à ceux-là seuls qui l'acceptent et l'apprécient. Dans ce
domaine comme dans celui d'autres mystères encore, la prière de jésus
demeure le critère :
« je te bénis, Ô Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce
que Tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents et de ce
que Tu les as révélées aux enfants »
.(1) (Mat.
11/25.)
La prière dans le Saint-Esprit.
Plein d'une confiance toute simple, j'étais un enfant de la
bouche duquel Dieu commençait à « tirer une parfaite
louange ». Ma foi grandissante me disait que l'heure de la
visitation avait sonné pour moi, Il allait se révéler Lui-même à mon
esprit ! j'étais à genoux j'avais les yeux fermés depuis une
heure. Mais je n'étais PAS INCONSCIENT : je me rendais compte de
ce qui se passait autour de moi. J'entendais les intercessions et les
prières victorieuses qui s'élevaient sans cesse dans mon entourage. Je
me rappelle une dame courbée dans la supplication et les larmes. Elle
gémissait. Je sentais qu'elle luttait et intercédait pour moi — elle
portait mon fardeau.
C'est alors que, dans un abandon total, mon esprit s'élança dans un
nouveau festin de joie. J'avais faim et soif, j'en voulais encore
davantage, je suppliais Dieu, Je battais des mains et ouvrais les
bras, comme pour recevoir mon Seigneur. Tout mon être était prostré
aux pieds de son Créateur que je pouvais voir en esprit,
resplendissant de gloire. Sa lumière était venue en moi ; Il
souriait en m'ouvrant Ses bras. Mes yeux avaient vu le Roi dans Sa
beauté et tout en moi le désirait ; tout en moi bénissait Son
saint Nom ! Le sentiment de Sa présence m'émouvait à tel point
que les fondements de mon être en étaient ébranlés.
Alors je connus une puissance nouvelle dans la prière : elle se
trouvait plus aisée, plus riche, plus heureuse ! Mes lèvres
devenaient éloquentes. Je ne cherchais plus mes mots ! Mes
paroles étaient inspirées et mon langage devenait si expressif que je
compris qu'un « charbon ardent pris sur l'autel » avait
touché ma bouche. (Es.
6/6.) Mon esprit était vivifié et inondé de lumière. J'ai
rencontré depuis bien des gens qui ont expérimenté ce même changement
dans la prière, au moment où la supplication est renforcée par
l'Esprit. Pour l'être humain, limité, paresseux, hésitant, la prière
est une corvée. Quelle différence, lorsque nous nous mettons à la
faire « dans le Saint-Esprit » (Jude
20). Cette prière-là, non seulement on l'entend, mais on la
RESSENT !
Du plus profond de mon être intérieur jaillissait un torrent grossi
comme par la fonte des neiges. J'étais FONDU ! Oui, gloire à
Dieu ! Tout ce qui restait en moi de dur, de froid, d'indifférent
venait de se dissiper sous les rayons du Soleil de Justice qui se
levait dans mon coeur.
Le revêtement de puissance.
Ce furent de nouveau des larmes, douces et amères à la fois,
à la pensée de ma longue résistance et de mon entêtement. Pendant
combien de temps avais-je refusé à mon Seigneur la louange qui est due
à Son Nom ? je l'avais honteusement renié, insulté et méprisé.
Qu'Il me traite maintenant selon Son bon plaisir ! Je
m'abandonnai entièrement entre Ses mains.
Puis les larmes firent place à un fleuve de joie et je me mis à rire
jusqu'à ce que mon rire se transformât en cris d'allégresse. La
louange devenait plus véhémente tandis que grandissait mon ardeur. Je
répétais sans cesse : « Viens, Seigneur Jésus !
Remplis-moi de toute Ta puissance et de toute Ta gloire ! »
je Lui parlais, ayant perdu conscience de moi-même. J'étais transporté
en Dieu, Lui seul existait. Toutes les barrières avaient disparu, tous
les obstacles s'étaient effondrés. Alors quelque chose se passa.
Tandis que, les yeux fixés sur le Bien-Aimé de mon âme, j'étais
soulevé dans l'extase et la force d'une suprême bénédiction qui
passait sur moi en vagues successives, la Puissance de Dieu toucha mon
corps pour la première fois. Je sentis un courant me traverser de la
tête aux pieds, laissant un sillage brûlant. Ma louange ne faisait
qu'augmenter. Puis l'Esprit me toucha de nouveau. J'avais marché,
maintenant je courais. Celui qui baptise du Saint-Esprit posait et
reposait Sa main sur moi. Chaque fois la puissance de Dieu passait à
travers mon corps : je suffoquais pour éclater en de nouveaux
triomphes de louange. Je fus pris, d'un léger tremblement. L'énergie
qui se répandait en moi était si puissante, le souffle de Dieu si
rafraîchissant que le mien semblait ne plus exister. Cependant je
voulais encore davantage. L'effet stimulant et, vivifiant fut
instantané : toute lassitude me quitta. On comprendra que plus
rien ne m'empêchait de glorifier Dieu. Mon coeur dansait de joie, mon
chant atteignait des notes toujours plus hautes. Toute ma louange se
transformait en mélodie. Et ces indescriptibles vagues de puissance et
de gloire continuaient à déferler sur moi, toujours plus rapprochées,
toujours plus fortes et remplies de vie, jusqu'à ce qu'il n'y eût plus
d'interruption, mais un flot continu.
Le point culminant dont beaucoup se détournent.
Sa main s'était posée sur moi, par intermittence, mais
maintenant cette pression inouïe ne me quittait plus, gloire à
Dieu ! Les vagues continuaient à déferler sur moi, toujours plus
serrées, jusqu'à ce que j'en fusse inondé. Le tremblement augmenta,
mais c'était une vibration qui me fortifiait. Rien ne pouvait plus
détourner mon attention de mon Sauveur, mon Adoré, le Trésor de mon
âme. Je criais mes louanges. Il était le plus beau entre dix
mille, la Rose de Saron, le Lis des Vallées, le Bien-Aimé des
hommes ! Mais ces mots ne me suffisaient plus pour le louer.
J'aurais voulu avoir encore d'autres exclamations d'adoration à
déposer aux pieds de Celui qui me comblait de Sa glorieuse faveur. Le
feu grandissait en moi et autour de moi ; les flammes de Son
amour brûlant et purifiant m'enveloppaient toujours de plus près.
C'est alors que je sentis que mes mâchoires me faisaient mal. Je
pensai que le ravissement de mes chants, la rapidité de la
louange inspirée, les flots de paroles avaient été trop pour ma
bouche. Je m'arrêtai, mais la douleur ne fit qu'augmenter et quand je
cherchai de nouveau à parler, cela me devenait de plus en plus
difficile. Et cependant je ne pouvais me taire ! Quelle créature
au monde aurait pu garder le silence en présence d'une pareille
onction ?
Le bruit que j'avais fait avait dominé celui des autres. Quand il
cessa, je pris conscience du leur. Je m'étais déjà habitué à entendre
parler en langues inconnues, mais pendant tout ce temps je n'y avais
pas songé. Comment penser à une chose pareille quand le Seigneur Jésus
était là, à côté de moi !
Cependant, il n'y avait pas de doute que l'Esprit ne cherchât à
dominer sur ma langue. Inutile de dire que pour l'intelligence humaine
- cela paraît une absurdité qu'un autre puisse s'emparer de notre
bouche. Mais c'était un fait : ma capacité naturelle et la
puissance surnaturelle de Dieu ne s'accordaient plus pour manier mes
organes vocaux. Rien d'étonnant alors que mes mâchoires fussent
tremblantes et douloureuses. Mais cela ne dura pas longtemps.
Cependant, le besoin de trouver à tout prix une expression
était toujours plus fort et cette espèce de paralysie me vexait plus
qu'elle n'était pénible. Toute cette accumulation de gloire qui était
près de me transporter ne trouvait d'autre issue que quelques mots
anglais balbutiés et à moitié prononcés.
Plusieurs saints, plusieurs grands hommes de Dieu racontent qu'ils
reçurent cette onction extraordinaire. Mais quand ils en
arrivaient à ce point culminant, souvent ils demandaient à Dieu
d'enlever le poids de gloire qui pesait sur eux, ne pouvant plus le
supporter. Ils ignoraient que la glossolalie (2) était
prévue par Dieu pour les soulager, au moyen de paroles prononcées par
le Saint-Esprit Lui-même en eux ; elle le fit pour les cent vingt
à la Pentecôte, qui parlaient « selon que l'Esprit leur
donnait de s'exprimer ». (Act.
2/4.)
« Ils parleront de nouvelles langues. »
Notre missionnaire fut bientôt à mes côtés : « Tu
es sur le point, me dit-il en substance, de parler en langues, mais ne
t'en inquiète pas ; cela viendra tandis que tu continueras à
t'abandonner à l'Esprit. Garde les yeux fixés sur jésus et continue à
Le louer ». Puis il posa doucement ses mains sur ma tête et sur
ma gorge et me laissa.
Tandis que j'élevais la voix pour chanter les louanges qui
faisaient éclater mon coeur, quelque chose se déclencha en moi et je
fus instantanément libéré. Il n'y eut même pas de transition ni de
bégaiement, cela se fit sans peine aucune : je passai d'une
langue connue à une langue inconnue. Et je me trouvai en train de
chanter des paroles magnifiques, qui m'étaient entièrement étrangères.
Leur charme et leurs sons surprenants me ravissaient en une extase
indescriptible. Chaque phrase exprimait d'une manière exacte et
satisfaisante les sentiments qui enflammaient mon coeur. Dans cette
hilarité spirituelle et cette sublime exaltation, rien n'aurait pu
venir plus merveilleusement à mon secours que les syllabes fluides de
cette langue céleste. L'encens, en nuages brillants, s'élevait
directement de l'autel de mon coeur au Trône de Gloire !
Ici je voudrais m'arrêter un instant car j'ai quelque chose à dire à
ceux qui se méprennent sur ce don spirituel ou qui le méprisent. Ce ne
fut que lorsque je commençai à parler en langues que mon esprit trouva
du repos, car il fut délivré de la nécessité de formuler les
désirs et les aspirations de mon coeur. Il n'avait plus besoin de
rechercher des expressions et de former des phrases afin d'exprimer ce
qu'il ressentait ; bien que, d'ordinaire, cela se fasse
automatiquement, ce n'en est pas moins un travail considérable. Mais,
désormais, mon esprit était passif et pouvait rester fixé en Dieu,
tandis que le coeur était libre de se déverser directement par la
bouche. Quel soulagement !
Par ce moyen merveilleux, mon esprit pouvait prier directement tandis
que mon intelligence cessait de travailler (1
Cor. 14/14). Cependant, je connaissais dans mon coeur le thème
de ces phrases extatiques. La langue que je parlais me conférait une
telle liberté d'expression que je trouvais littéralement les mots
correspondant aux nuances les plus délicates et aux plus grands élans
de mon adoration. Ils arrivaient tous prêts, produits par l'Esprit, et
tandis qu'Il prononçait en moi ces paroles prodigieuses, je devenais
plus souple et l'articulation se faisait plus nette. Les inflexions,
douces et fortes, les énonciations définies, la cadence, les
explosions s'entrelaçaient en une variété étonnante. Oui, c'était une
langue qu'on pouvait « goûter ».
Adoration et saints éclats de rire.
Lancé dans ce nouvel esquif sur un océan de louanges,
j'étais poussé vers les rives lumineuses de la gloire, m'éloignant
toujours plus des choses mortelles. Maintenant, toutes les fenêtres du
ciel étaient ouvertes et la bénédiction promise me submergeait au
point qu'il n'y avait pas de place pour la contenir. Plus je chantais,
plus le nuage de gloire s'épaississait jusqu'à ce que mon corps et mon
âme fussent saturés de la « shekina », comme
autrefois dans le temple, quand les prêtres ne pouvaient plus
continuer à officier parce que « la gloire de l'Éternel
remplissait la maison de l'Éternel » (I Rois 8/11). Mes
cris et mes louanges alternaient avec mes éclats de rire ma langue
courait « comme la plume d'un écrivain habile » (Ps.
45/1). Parfois c'était comme un dialogue. Des secrets étaient
échangés, des mystères qui ne se révèlent que dans le sanctuaire de la
plus étroite communion avec Christ. Ces échanges avaient une douceur
infinie.
Un nouveau jour avait éclaté pour moi ; les ombres des doutes
avaient disparu ; l'hiver était passé. Le temps des fleurs et des
chants était arrivé. Il avait tourné Son coeur vers moi, qu'Il avait
purifié. Il avait séché mes larmes et m'avait revêtu d'un vêtement de
louange. Il avait échangé mes cendres contre Sa beauté et mon deuil
contre une huile de joie. Mon Bien-Aimé était à moi et j'étais à
Lui ! N'allais-je pas me lever et Le suivre ? Ces sentiments
sacrés étaient exprimés par l'intelligence, mais, parce que le voile
avait été déchiré et parce que mon coeur avait atteint le « lieu
très saint », mon esprit préférait le langage d'amour que je
venais d'apprendre. Cette langue était si nouvelle, si particulière
que je ne pouvais m'empêcher de rire et bientôt je ne pus plus
m'arrêter. Le rire roulait à travers moi et me secouait en des éclats
irrésistibles, Ces manifestations continuèrent et bientôt toute la
salle s'égayait avec moi. J'étais comme quelqu'un qui rêve : ma
bouche « s'emplissait de chants de triomphe et ma langue
d'accents d'allégresse » (Ps.
126/1-2).
Le choeur céleste.
Le chant restait en harmonie avec les torrents de puissance
qui se déversaient sur moi ; il s'élevait toujours plus haut,
plus fort et plus clair. Parfois c'était rimé et rythmé comme un
poème ; quelques lamentations en mineur, puis le chant reprenait
en majeur avec des acclamations de triomphe. La mélodie m'était aussi
inconnue que la langue ; cependant elle jaillissait spontanément,
passant des airs les plus simples aux variations les plus savantes. Au
bout d'un moment, je perçus à distance un accompagnement qui devenait
toujours plus distinct. Comment décrire les transports que je
ressentis alors ? Rien de ce que je pourrais dire ne peut donner
une idée des profondeurs de joie qui m'embrasaient, joie inconnue
jusque-là, joie vraiment « ineffable » ; et seule la
NOUVELLE LANGUE que je parlais pouvait l'exprimer. La pureté de Ma
voix était surnaturelle et j'atteignais à une perfection de grand
artiste. Les hauteurs atteintes étaient incroyables et les longues
notes soutenues ne faiblissaient jamais. Le choeur des anges
grandissait et j'y prenais part, répétant la mélodie immortelle. Mais
je ne pus pas les suivre longtemps : l'échelle des sons dépassait
les possibilités humaines. O, comme j'aurais voulu pouvoir chanter
avec eux ! Les vagues de ce glorieux diapason me pénétraient et
me submergeaient. Je posai ma tête sur le sein de mon Bien-Aimé et
écoutai, transporté par cette symphonie, tandis que de nouveaux
fleuves de larmes brûlantes coulaient sur mes joues. Comment me taire,
alors que chaque fibre de mon être s'élançait pour se joindre au
choeur céleste ? Mon corps se balançait à la mesure des torrents
de mélodies qui me traversaient. Me croirez-vous si je vous dis que ma
chair, ma peau, et mes os mêmes, vibraient à cette ineffable harmonie
céleste ? Je chantai jusqu'à l'épuisement de mon coeur physique.
Mes bras levés battaient la mesure de ce tempo majestueux. Chaque fois
qu'une phrase musicale finissait, je me prosternais avec les armées
célestes.
Puis les notes magiques faiblirent, tandis que l'extase continuait.
Mon esprit aurait voulu s'envoler et demeurer toujours avec eux.
Impossible de décrire la douce tristesse qui m'envahit lorsque je
réalisai l'immensité de ma faiblesse. J’avais été si près et cependant
j'étais encore si loin de ce Pays de Gloire ! O, pouvoir y voler
et ne jamais en revenir ! Ces solennels accents séraphiques
m'avaient laissé comme mort. Si c'était là un avant-goût du ciel, que
serait le ciel lui-même ? ÊTRE POUR TOUJOURS AVEC MON SEIGNEUR ET
SAUVEUR !
Je connais un pays par delà le ciel bleu,
Où tous les bienheureux seront auprès de Dieu ;
Dans le repos parfait, le séjour ravissant ;
Là plus de deuil cruel, de douleur, de tourment.
Dans la Maison là-haut, où je serai bientôt,
Rien ne troublera plus le bonheur des élus.
Il peut se passer beaucoup de choses en peu de temps quand toute la
place est laissée à Dieu. En quatre heures et demi environ, j'avais
vécu, ressenti, entendu, compris et expérimenté ce qu'autrement il
m'eût fallu dix ans pour apprendre. C'était comme si un peu d'éternité
avait pénétré dans le temps. Dieu travaille rapidement — et nous
sommes si lents ! Il y a tant de choses dans le domaine spirituel
que nous cherchons à saisir et à sentir sans y arriver, alors que,
dans une véritable expérience en tête à tête avec Dieu, nous pouvons
les recevoir et les comprendre d'une manière vivante et dynamique.
Cette révélation de Christ ne m'a jamais quitté. Le délice et l'extase
de cette bénédiction sont encore vivants aujourd'hui et je n'ai jamais
douté du caractère divin de cette visitation.
Mon Seigneur était devenu mon Bien-Aimé. Je m'étais reposé à Son
ombre. Il m'avait introduit dans Sa salle de fête et avait étendu
au-dessus de moi la bannière de Son Amour. Quel extraordinaire festin
Il m'avait préparé là ! Son désir de donner avait été plus grand
que le mien de recevoir, en cette mémorable soirée du 28 novembre
1908.
Il était près de deux heures du matin lorsque quelqu'un s'approcha et
me dit que des rafraîchissements avaient été préparés dans la chambre
voisine. Quand nos yeux ont été rivés ainsi sur le Seigneur, il est
presque douloureux de devoir les rouvrir sur ce monde de péché. O, si
j'avais pu partir avec mon Bien-Aimé ! Fallait-il continuer à
marcher dans cette vallée de larmes ? Ne pouvais-je pas rejoindre
les créatures glorieuses qui entourent Son Trône ? Des hauteurs
du Mont Nébo, mon Sauveur m'avait fait entrevoir ma demeure éternelle,
mais c'était Sa volonté que, par amour pour Lui, je reste encore en
exil :
Ce fut presque un tourment que le réveil de mes sens aux choses qui
m'entouraient, après que mon esprit, mon coeur et mon être entier
avaient été prisonniers de la puissance de Dieu. Je voulais rester
avec Jésus. La souffrance, le martyre, la mort la plus cruelle
auraient été les bienvenus, si seulement j'avais pu demeurer en Sa
présence, connaître à toujours l'aurore de Son sourire, vivre à jamais
dans les sereines splendeurs de l'Éden et ne plus voir ce monde
maudit !
Les chers amis m'aidèrent à me lever, tandis que je continuais
toujours à parler en langues. J'avais bu pendant des heures à la coupe
enivrante du vin nouveau de la Pentecôte. Trempé de la tête aux pieds
de sueur et de larmes, titubant comme sous l'effet de l'alcool, je
réussis à atteindre une chaise près de la table et refermai les yeux.
Tout mon corps vibrait aux vagues de feu qui continuaient à le
traverser, me fortifiant et donnant à tout mon être un calme infini.
Est-il étonnant qu'après un pareil baptême du Saint-Esprit je n'eusse
plus aucun désir de manger ?
Notre hôtesse avait préparé une collation, mais j'avais devant moi la
« table dressée » du psaume
23. Je ne pouvais qu'ajouter la louange à la louange et la
gloire à la gloire. Mon regard ne quittait pas mon Bien-Aimé, la
Lumière de ma vie ! Mon adorable Sauveur était là, reproduit par
le Saint-Esprit, dans toute Sa splendeur ineffable et Son
indescriptible majesté. Il m'avait baptisé ! O, la joie de cette
intense et sainte conviction : j'étais vraiment à Lui pour le temps
de l'éternité !
Je me souviens qu'à ce moment quelqu'un me demanda si je prenais du
sucre dans mon thé. Je fis un effort pour répondre. Mais, dans le
sanctuaire où je me trouvais, parler d'une chose aussi vulgaire me
paraissait un sacrilège. J'ouvris cependant la bouche, mais il n'en
sortit que des paroles brûlantes d'adoration et de louange. Il fallait
qu'on me laissât chanter et adorer sans me déranger.
« Le repos et le rafraîchissement. »
Finalement, tout le monde se leva et, comme la place était
restreinte, on me demanda de partager mon lit avec M. Léonard, qui
nous avait si fidèlement prêché la bonne nouvelle de la pluie de
l'arrière-saison. Ivre de l'Esprit, je me levai et essayai de monter
les escaliers, mais, je n'y arrivai pas et on dut m'aider jusqu'à
notre chambre ; même cela m'était pénible : je ne pouvais
consentir à être distrait de ma joie.
J'étais entièrement préoccupé de Christ, mon Seigneur, et ne regardais
plus du tout à moi-même.
L'onction Le rendait si réel, si merveilleux que je n'avais de désir
ni de temps pour rien d'autre. J'étais perdu dans l'amour et
l'adoration. Même le tremblement incessant de mon corps ne détournait
pas mon attention. Il était pour moi tout en tout. Je pouvais m'écrier
avec le psalmiste : « Il y a un rassasiement de joie devant
Ta face et des délices à Ta droite pour jamais. » (ps
16/11.)
Le frère Léonard n'eut que bien peu de repos cette nuit-là. J'étais
trop béni pour dormir. Je goûtais la paix la plus exquise, le
« repos et le rafraîchissement » promis à celui qui
est accablé (Es.
28/12). Couché, je continuais à rire et à louer Dieu sans arrêt.
Le pauvre missionnaire essaya de me pousser deux ou trois fois :
ce fut en vain ; un flot ininterrompu de langage divin coulait de
ma bouche. Ma suprême satisfaction consistait dans l'assurance que
chacun de mes sentiments atteignait l'oreille du Martre de mon coeur.
Sur la cheminée d la chambre brûlait une veilleuse, à la lueur de
laquelle je pus distinguer la cage d'un canari qu'on avait omis de
couvrir pour la nuit. Tandis que je chantais en langue inconnue, ce
canari se mit à chanter aussi, sautant d'une perche à l'autre. Dans
ces conditions, il était inutile pour le pauvre M. Léonard de songer à
dormir ! je magnifiais Dieu par mes cantiques : le canari et
moi, nous eûmes un inoubliable culte d'adoration et de louange. Il
semblait que cette petite créature comprenait ce qui m'arrivait et
partageait ma joie. Nous étions parfaitement à l'unisson. J'ai souvent
repensé, depuis, à ce canari « réveillé ».
Rempli pour accomplir.
Le lendemain matin, je fus bien vite sur mes genoux.
Entièrement submergé par la présence et la réalité de Christ, je
commençai à plaider pour les miens. Un fardeau écrasant descendit sur
mon coeur. Combien grandes avaient été ma négligence, ma folie !
Quel triste exemple j'avais donné à mes frères et soeurs ! Au
petit déjeuner, je ne pouvais regarder autour de moi : mes yeux
restaient fermés et je pleurais. Quel bouleversement, quel réveil aux
mystères du Royaume !.. En voici l'explication :
« Quand celui-là sera venu, savoir l'Esprit de vérité, il vous
conduira dans toute la vérité, car il ne PARLERA POINT DE LUI-MÊME.
C'est lui qui ME GLORIFIERA, parce qu'il prendra de ce qui est à Moi
et vous l'annoncera ». Jean
16/13-14.
Au cours de bien des années d'évangélisation, nous avons eu le
privilège d'éprouver cette vérité ; nous avons vu dans le monde
entier le Saint-Esprit descendre soudainement sur des milliers de
gens, qui ont reçu ce baptême. Et toujours, « IL NE PARLE PAS DE
LUI-MÊME », mais Il révèle, présente et glorifie Christ, Le
Saint-Esprit s'empare des choses de Dieu et leur confère une telle
forme, une telle beauté et une telle réalité que dans notre coeur
naît une adoration spontanée et immense. Bientôt nous apprenons
que sans la plénitude du Saint-Esprit, nous sommes incapables
d'accomplir promptement et joyeusement la volonté de Dieu.
Ce n'est que lorsque ce Vin nouveau nous stimule que nous discernons
les directions manifestes de l'Esprit et que nous y obéissons.
Après le déjeuner, nous eûmes un culte où les « Alléluias »
alternaient avec les chants de triomphe. Mon cher père était si
heureux qu'il proclamait à qui voulait l'entendre que ce réveil était
destiné à bouleverser le monde. Nous priâmes de tous notre coeur pour
les nôtres, demandant à Dieu que tous les chrétiens soient préparés
pour cette visitation.
L'Ivresse du vin nouveau.
Il s'agissait désormais de savoir si je rentrerais à la
maison ou non. Nous étions venus à Londres pour le week-end et c'était
déjà lundi matin. J'avais des examens en vue, lourds de conséquences
et de soucis... Mais mon père fut d'avis que j'avais été trop
extraordinairement béni pour reprendre immédiatement mes études. Il y
a un temps pour tout et ce n'était pas le moment de retourner à
l'école. Il me consulta à ce sujet. « Ne pouvons-nous pas
assister encore à d'autres réunions ? » demandai-je en guise
de réponse. Mon père sourit. « Oui, dit-il, une fois qu'on a
goûté de ce Vin on devient aussi insatiable qu'un buveur. On en veut
toujours davantage. » C'est ainsi qu'après avoir pris congé de
nos amis et de ce cher M. Léonard, nous partîmes bras dessus bras
dessous pour la ville, j'étais gêné par le bruit de la circulation.
Cela me dérangeait. Le nuage de gloire n'avait pas diminué, averses de
bénédictions. Mon coeur n'avait toujours qu'un désir : louer son
Dieu. Impossible de contenir les hymnes de reconnaissance qui
jaillissaient de ma bouche en une langue inconnue.
Tandis que nous marchions dans la rue, mon père me dit de chanter plus
doucement. Mais cela me parut tout à fait injuste. Comment pouvais-je
étouffer l'Esprit ? Mes yeux contemplaient le plus beau des Fils
des hommes ! Les tonnerres d'alléluias roulaient en moi, plus
puissants que le bruit de la grande cité. Voyant qu'il n'arrivait à
rien, mon père me dit avec bonté : « Eh bien, William, garde
tes yeux fermés et je te conduirai comme un aveugle. Je t'avertirai
quand il faudra monter ou descendre du trottoir »
C'est ainsi que je m'enfermai avec Dieu, chantant et parlant dans
cette langue inconnue. Plusieurs personnes s'arrêtaient pour nous
regarder, se demandant ce qui pouvait bien m'arriver. D'aucuns
pensaient certainement à une nouvelle victime de l'alcool, lorsque
deux agents de police se dirigèrent vers nous. Mon père ne perdit pas
son temps ; il héla un taxi et me fourra dedans. Quand le
chauffeur lui demanda où il voulait aller, il cria :
« N'importe où ! » L'homme partit à toute allure,
pensant probablement que j'étais gravement atteint. Mais mon père lui
indiqua le chemin pour se rendre à notre nouvelle réunion, où nous
arrivâmes en louant le Seigneur.
Le début du service.
Il n'est pas beaucoup de pères qui auraient accepté de
conduire par la main, à travers les rues de Londres, leur fils ivre du
vin d'En Haut et poussant des cris de joie. Mais mon père était un
prophète et il avait vu venir cette grande effusion. Dieu l'avait
conduit à une mort à lui-même et à une consécration toujours plus
profondes. Et maintenant Il se servait de lui pour nous amener tous à
la bénédiction de Pentecôte.
Nous assistâmes encore à plusieurs réunions. Comme la puissance de
Dieu éclatait ! Quel merveilleux réveil ! Le feu se
répandait partout, provoquant toujours l'humiliation et les larmes
de repentance. Le temps nous importait peu, et la nourriture
encore moins. Les gens restaient à genoux souvent tard dans la nuit.
Mon plus grand bonheur était de m'agenouiller à côté de ceux qui
cherchaient et de porter leur fardeau dans la prière jusqu'à ce
qu'ayant surmonté tout obstacle, ils eussent la victoire dans la
louange, « selon que l'Esprit leur donnait de
s'exprimer »,
Mon père affirmait à chaque groupe sa conviction du caractère
divin de notre expérience. Je priais sans cesse, témoignant et
exhortant avec une joie indicible, les encourageant tous, Il y avait
des messages avec interprétation et des prophéties d'une force et d'un
effet remarquables. Nous imposions les mains aux malades dont
plusieurs furent guéris. Dieu nous employait abondamment, mais nous
étions trop remplis de Sa gloire pour penser à nous-mêmes. Les
miracles dont nous étions témoins nous impressionnaient moins que la
puissance et la rosée divines qui vivifiaient constamment nos âmes.
A Le mot original, mess, signifie petit enfant, qui ne sait pas encore parler, un nourrisson. (Note trad.)
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