Le mercredi, nous décidâmes de
rentrer et, dans l'après-midi, Adèle
arriva à Londres avec ma jeune soeur Frieda.
Elles tombèrent au milieu d'une salle de
réunion bondée et durent se placer
tout au fond de la pièce. À ce
moment, un esprit de supplication passait sur
l'assistance entière et tout le monde priait
en même temps
(Actes
4/24). C'est alors
qu'Adèle reconnut ma voix et elle rit de
joie, certaine que Dieu m'avait baptisé.
Frieda fut brisée et cria au Seigneur pour
Lui demander Son pardon et Sa paix. Sa
prière fut exaucée.
À la fin de la réunion, plusieurs
reçurent le baptême du Saint-Esprit,
avec des signes remarquables. C'était dur de
se séparer d'une telle atmosphère.
Avec M. Goodwin, un ami, nous partîmes
à cinq et reprîmes le train pour
Westcliff-on-Sea.
Guidés par l'Esprit.
Dans le train, j'eus l'intuition que nous
devions chanter. Une paroi à mi-hauteur nous
séparait du compartiment voisin. Je
craignais que nous fussions entendus, mais la Voix
persistait en moi. Finalement, ne pouvant plus
résister, j'entonnai le cantique :
Merveilleux amour,
Amour de Dieu pour moi,
Merveilleux amour
De Jésus sur la croix !
En quelques minutes, le bruit du train fut
couvert par celui de nos chants. Puis nous
entendîmes une nouvelle voix qui se joignait
à nous, de l'autre côté de la
demi-paroi. Regardant par-dessus, nous vîmes
une jeune fille, toute seule dans son compartiment,
le visage rayonnant. « Avez-vous votre
billet pour le grand voyage ? » lui
demanda mon père. « Oui,
répondit-elle, je viens de me
convertir ; j'ai passé trois jours
à Londres sans rencontrer un seul enfant de
Dieu ; j'ai prié pour en rencontrer
dans le train ! » Nous étions
tous dans la joie. Sa prière
était exaucée. Nous lui
parlâmes des grandes choses que Dieu faisait
pour nous.
Cet incident m'apprit à être toujours
soumis aux directions de l'Esprit et à
obéir au Seigneur pour chaque pas qu'il
m'est donné de faire.
La communion à Ses souffrances.
De retour à la maison,
nous
nous réunîmes pour la prière
dans le bureau de mon père.
Immédiatement, l'Esprit de supplication me
saisit, accompagné d'un lourd fardeau au
sujet de mes frères et soeurs que je voulais
voir passer par le même
rafraîchissement spirituel. D'énormes
nuages semblaient surgir de partout, assombrissant
le ciel de mon coeur. L'oppression grandit
jusqu'à ce que je ne pusse rien faire
d'autre que pleurer et gémir.
Parmi les remords qui me déchiraient le
coeur apparaissait le souvenir de mon comportement
récent au milieu des miens, Dieu me faisait
sentir les conséquences de ma conduite
infidèle. Comme je les aimais, mes
frères et soeurs, tandis que je les
considérais à la lumière de
l'amour de Dieu ! Le désir de les voir
partager ma joie sacrée me consumait. Ils ne
connaissaient encore que les tristes joies du
monde, n'ayant pas été
entièrement délivrés de ses
enchantements. Mais ils ne pourraient comprendre,
avec leur intelligence humaine, ce qui
m'était arrivé. Il fallait les
attirer et non les repousser. Je fus saisi de la
même agonie pour notre chère
Adèle, pour la gouvernante, la
cuisinière, mes camarades
d'école ; tous devaient
« goûter et voir comme
l'Éternel est bon ».
Tout à coup, la liberté revint et une
joie plus grande que la précédente
m'inonda. Christ avait permis que je veille une
heure avec Lui en Gethsémané
et que j'aie part, pour un moment, à la
communion de ses souffrances, Le fardeau de Son
coeur divin me causait de la douleur, mais elle
était encore plus douce que la joie.
Désormais j'avais part au Cantique des
Cantiques qui s'élevait en rires et en
musique sur les ailes du langage céleste.
Cela continua dans ma chambre, pendant la plus
grande partie de la nuit.
Ce soir-là, Adèle avait pleuré
silencieusement : Dieu se rapprochait d'elle.
Nous l'aimions beaucoup, cette Adèle. Elle
était notre seconde mère.
C'était une Française, une ancienne
officière de l'Armée du Salut qui
s'était attachée à notre
famille et était restée avec nous
dans les bons et les mauvais jours. Elle
remplaçait ma mère quand celle-ci
était en tournée
d'évangélisation.
La gouvernante suisse se convertit.
Tout le jeudi, je restai aux pieds du
Seigneur dans ma chambre : le même
fardeau était revenu. Le soir, nous nous
retrouvâmes et ce poids terrible fut de
nouveau sur moi. Le Seigneur m'enseignait comment prier jusqu'à la
victoire.
Le lendemain soir, mon père invita Mlle
Moser, notre gouvernante saint-galloise, à
se joindre à nous. C'était une
personne instruite, qui nous enseignait les langues
et la musique. Elle ne s'expliquait pas le
changement soudain qui s'était produit chez
nous. Elle entra timidement. Ma petite soeur Frieda
était aussi dans la chambre. Après
quelques chants, mon père fit un bref
exposé du salut et nous nous mîmes
immédiatement en prière. Je fus
bientôt en larmes. La condition des autres
pesait lourdement sur mon coeur. N'étant pas
encore accoutumé à ce mystère,
j'en étais alarmé car j'y voyais le
résultat d'un péché ou de ma
résistance à Dieu. Mais c'est ce dont
l'apôtre Paul parle quand il dit : « J'achève de
souffrir en ma
chair les afflictions de Christ pour son Corps qui
est l'Église. » (Col.
1 /24.) Ce sont les souffrances
que Christ endure en nous pour son
Église.
Nous chantions souvent à genoux et mon
père nous accompagnait doucement sur son
instrument.
Tandis que nous étions en prière, un
cantique divin jaillit à nouveau de
moi ; le poids disparut de mon coeur et la
gloire du ciel nous enveloppa. Tout à coup,
la gouvernante, qui nous avait regardés
jusqu'ici, en proie à l'embarras, ne put
plus résister à la conviction de
péché. Elle se leva et tomba à
genoux en poussant des cris perçants. Les
terreurs du jugement, la découverte qu'elle
était perdue et que toute sa fausse religion
ne valait rien, accablèrent son âme
angoissée. Son désespoir remplit la
chambre et, tous, nous inclinâmes nos esprits
dans la prière, suppliant le Seigneur qu'Il
la sauvât. Puis elle se mit elle-même
à appeler au secours et à rechercher
le salut. En un éclair, elle réalisa
que Christ l'avait entendue et ses terribles cris
d'angoisse se transformèrent en acclamations
de joie. Elle frappa des mains en criant :
« Il est aussi mon
Jésus ! » Dieu avait
révélé une fois de plus, par
cette conversion enfantine, combien il travaille
rapidement. La joie de notre gouvernante
était merveilleuse à voir. Elle
confessa tous ses préjugés
contre nous et notre joie en fut
augmentée.
Adèle reçoit le baptême.
Je priais beaucoup pour notre chère
Adèle. Anéantie par la puissance de
Dieu, elle pleurait et riait tour à tour
tandis que la gloire passait au travers d'elle.
Mais le Seigneur me réservait une
surprise : il me donna une nouvelle langue,
dont les syllabes dures et gutturales me secouaient
de rire. Les deux jours que j'avais passés
sous les fardeaux et dans les luttes allaient se
terminer par la victoire. Ma coupe
débordait. Nous nous séparâmes
après minuit, mais j'étais trop
heureux pour dormir.
Le lendemain, de huit heures du soir à deux
heures du matin, l'Esprit déversa ses
averses sur nous. Adèle commença
à articuler laborieusement quelques
syllabes, comme si elle faisait des efforts pour
apprendre une langue étrangère. Cela
continua pendant longtemps. Puis, à notre
soulagement, elle se mit à parler couramment
et avec force. Vous ne pouvez vous imaginer comme
cela nous rafraîchissait de voir
« l'huile de joie »
répandue sur elle aussi et provoquant chez
elle le même rire merveilleux que chez moi.
Jusque-là, j'avais chanté seul, mais
ce soir nous fîmes un duo.
Maintenant qu'Adèle avait reçu le
baptême, ma foi était
encouragée et affermie. Je
persévérais dans la lutte pour Mlle
Moser, Evangéline, Victoria, Herbert,
Augustin et les plus jeunes. Le psaume 37
devint pour moi un refuge
quotidien :
« Fais de l'Éternel tes
délices et IL T'ACCORDERA LES DÉSIRS
DE TON COEUR. Remets ton sort à
l'Éternel et te confie en Lui ET IL
AGIRA. »
Ne pensez pas qu'un pareil conflit spirituel
soit compatible avec la chair. Seule la puissance
de Dieu put me soutenir dans cette bataille et me
protéger contre les attaques de
l'ennemi ; l'Esprit ne me libéra pas
avant qu'un travail d'intercession grandissante
fût accompli pour chacun de mes
bien-aimés. C'était Dieu qui me
donnait le vouloir et le faire, selon Sen bon
plaisir.
(Phil.
2/13.)
Le cantique céleste.
Nous nous assemblâmes tous le
dimanche soir et, chargé de fardeaux, je fus
saisi d'un esprit de supplication,
accompagné de cris et de larmes.
Adèle aussi luttait sous un même
poids. Après le départ de
quelques-uns de mes frères et soeurs, le
fardeau qui était sur nous s'allégea
quelque peu ; la prophétie et le chant
spirituel s'élevèrent de nos coeurs.
(1
Cor. 14/15.)
La veille, nous avions imposé les mains
à Mlle Moser et il fut bientôt
évident qu'elle triomphait de sa
timidité et entrait dans une liberté
spirituelle aussi nouvelle pour elle que
réjouissante pour nous. L'Esprit l'avait
désignée pour diriger la
réunion. Nous l'écoutâmes
parler au Seigneur, tandis qu'elle lui ouvrait tout
son coeur. Il se passa peu de temps avant qu'elle
ne se mit aussi à parler et à chanter
en une nouvelle langue. Son abandon, son rire, ses
cris d'enthousiasme étaient inimitables.
Elle chanta comme seule elle pouvait le faire. Sa
voix, déjà très belle et
exercée, devint, brillante sous
l'inspiration de l'Esprit. Nous joignant à
elle, nous eûmes avec Adèle un trio de
chant spirituel ; ceux qui nous entendaient
étaient étonnés de son
harmonie, et pourtant nous n'y vouions aucune
attention. Les airs se succédaient,
jaillissant spontanément. Nous passions
d'une voix à l'autre, restant toujours dans
l'harmonie et nous montions à des hauteurs
impossibles à atteindre naturellement. La
mélodie était souvent rapide et
finissait brusquement, dans une merveilleuse
sonorité ; d'autres fois, elle
diminuait progressivement et s'éteignait
dans un murmure. Et ces oratorios se reproduisaient
chaque soir ; c'était des concerts
sacrés de la plus riche improvisation.
Combien j'aurais voulu pouvoir fixer quelques-uns
de ces cantiques divins !
L'atmosphère de la maison était
entièrement transformée. Partout des
chants et des accents de joie. Un bonheur
suprême régnait parmi nous ; nous
étions conscients que Christ marchait et
parlait avec nous. Cela se retrouvait dans la vie
journalière : nous nous aidions les uns
les autres, cherchant à nous faire du bien
mutuellement. Nos esprits étaient soumis
à Dieu. Les paroles vaines, la moindre
inimitié ou négligence, la plus
petite irritation nous attristaient. L'ordre
était immédiatement rétabli,
de peur de contrister la douce colombe de l'Esprit.
Nous avions les yeux fixés sur Christ et
cette glorieuse réalité
dévoilait immédiatement l'horreur de
n'importe quel péché. À table,
c'était souvent des pleurs de joie. Au lieu
des conversations bruyantes, nos paroles
étaient assaisonnées de grâce,
joyeuse mais libérées de tout esprit
charnel ou badin.
Je craignais de dilapider les immenses
bénédictions reçues. Ma
prière était celle de David :
« Éternel, garde ma bouche, veille
sur l'ouverture de mes
lèvres ! » Il y eut aussi
quelques confessions et des restitutions. Cela peut
sembler dur de s'humilier devant ses propres
frères et soeurs, mais il fallait à
tout prix sauvegarder la paix qui surpasse toute
intelligence. Ma Bible ne me quittait pas ;
mes livres favoris étaient les Psaumes, le
Cantique des Cantiques et Esaïe. Je passais
des heures seul, dans la méditation ou dans
la prière persévérante pour
autrui, selon les fardeaux que je ressentais. J'eus
aussi plusieurs songes inspirés qui, par la
suite, se sont révélés être de véritables
prédictions. Je me vis prêchant
à des milliers de personnes ; et j'ai
retrouvé au cours de mes campagnes
d'évangélisation plusieurs des
scènes que j'avais vues en songe ; j'ai
même reconnu les visages des gens.
Prophétie et interprétation.
La semaine suivante fut plus merveilleuse
encore. Notre adoration se prolongeait souvent
jusqu'à une ou deux heures du matin. En
réponse à la prière de mon
père, Adèle reçut le don
d'interprétation. Ainsi nous connûmes
beaucoup de ce qui était dit dans les parler
en langues ; c'étaient principalement
des encouragements et des exhortations. Quand des
étrangers étaient présents, il
y avait souvent de solennels avertissements et des
appels à la repentance, donnés dans
la joie ou la tristesse, suivant leur sens.
Les messages prophétiques en anglais
étaient fréquents. L'Esprit nous
mettait un sujet à coeur et nous recevions
alors prophétie sur prophétie.
Parfois cela concernait la Croix de Christ dans la
vie journalière, ou la préparation
à Son retour, ou encore Sa glorieuse
puissance de résurrection. Plusieurs de ces
prophéties furent notées par
écrit. Certes, ces messages ne sont en aucun
cas d'une valeur semblable à ceux de la
Parole, mais ils servent magistralement
à illustrer la vérité et
à la rendre vivante.
Il arrivait souvent que nous ayons des dialogues,
puis nous reprenions de nouveau chacun à
notre tour. Quand il s'agissait, par exemple, de la
résurrection, l'un de nous
s'écriait ; « Voyez, Ses
ennemis s'enfuient, ceux qui gardaient la
tombe ! » Un autre ajoutait :
« Quand il ouvrira toutes les tombes,
alors les puissances des ténèbres
trembleront et connaîtront que leurs jours
sont mesurés. » Et encore :
« Il ressuscite victorieux ; Il a
toute puissance, alléluia ! dans les
cieux et sur la terre. Que les armées
célestes poussent des cris de joie ! Il
est le sceptre du ciel. » Puis le
thème était repris :
« Je suis ressuscité avec
Lui ; Ses blessures et Sa gloire sont les
miennes ! Tous mes ennemis se sont enfuis,
ceux qui guettaient mon âme pour la
détruire n'ont plus de
puissance ! » Et l'histoire se
déroulait ainsi. Toujours nous en sortions
affermis et édifiés.
L'avenir et la guerre mondiale.
Il y avait aussi des messages pleins
d'assurance, nous annonçant que Dieu en
baptiserait bientôt d'autres et que de
grandes choses nous attendaient. Des amis
commençaient à assister aux
réunions mais, lorsque la discrétion
manquait, l'oeuvre de l'Esprit de Dieu était
entravée. Il fallait que l'unité
fût parfaite. Sinon notre temps se passait
à lutter dans les douleurs de l'enfantement
pour la conversion des âmes présentes.
Ces larmes et ces agonies duraient parfois
très longtemps, puis nous retrouvions la
liberté et les glorieux chants
spirituels.
Un soir, Adèle fit une expérience
extraordinaire. Le Saint-Esprit la conduisit
à revivre toute la crucifixion.
Prostrée, elle décrivait la trahison
et les souffrances de Christ, Sa flagellation. Par
l'Esprit, elle vécut personnellement chacun
des aspects de la Croix, le couronnement
d'épines, les coups et la crucifixion. Comme
elle pleurait tandis que les clous étaient
enfoncés et les pieds fixés au
bois ! Et nous sanglotions avec elle. Ses
prophéties appliquaient constamment à
la vie de tous les jours ce qu'elle ressentait si
vivement. Depuis, j'ai souvent vu des gens passer
par cette pseudo-crucifixion. C'est une
expérience précieuse et sacrée
pour celui qui la fait — et très
émouvante pour ceux qui en sent les
témoins. Adèle nous raconta par la
suite que pendant un moment elle avait ressenti de
vives douleurs dans ses mains, ses pieds et son
côté. L'Esprit de Dieu avait
véritablement imprimé Ses blessures
dans sa chair.
Désormais, l'interprétation
était souvent donnée par Mlle Moser
ou par moi-même. Certains messages plaidaient
avec les membres de la famille, afin qu'ils
cherchent Dieu et ne résistent pas plus
longtemps à l'Esprit. Nous apprîmes
aussi que nous serions dispersés. Parfois
c'étaient des gens venus du dehors qui
recevaient des reproches à cause de leur
endurcissement et de leur
incrédulité. Une longue succession de
prophéties annonçaient la fin proche
de notre époque, décrivant les phases
du retour en gloire du Seigneur. Beaucoup de
messages prédisaient des guerres et des
destructions terribles. L'Angleterre était
souvent mentionnée, ainsi que les
«nuages du Nord ». Elle était
mise en garde contre de grandes
calamités ; sa « ceinture
serait détachée »
(commerce) et son orgueil « tomberait en
poussière, mais Dieu aurait encore
pitié de Son peuple ». Toutes les
nations étaient averties qu'elles devaient
se repentir et renoncer à leur folie. Le
feu, la fumée, le sang, l'épée
et la peste revenaient sans cesse comme des
châtiments devant punir le monde. Une fois,
il fut dit : « Je sèmerai les
bateaux comme des rochers au fond de la
mer : » Un « vent
mauvais » allait détruire des
millions et passer trois fois sur la terre
(probablement trois guerres mondiales).
Mme Catherine Price, dont nous avons
parlé plus haut comme ayant
été la première à
recevoir le baptême du Saint-Esprit à
Londres, vint nous voir. Elle nous confirma que
c'était bien l'Esprit qui travaillait parmi
nous. Elle nous conseilla aussi de terminer nos
réunions quand l'influence directe de
l'Esprit se retirait, afin de ne pas prolonger dans
la chair l'oeuvre de l'Esprit. D'autres amis, venus
de loin, témoignaient des choses
merveilleuses que le Seigneur opérait.
Opposition et calomnie.
Toute la rue apprit bientôt ce qui se
passait chez nous. Le dimanche, la maison
était ouverte à chacun et un certain
soir il y avait des gens jusqu'au haut des
escaliers. Le bruit ne cessait guère :
ma soeur Evelyne se levait toujours de bonne heure
pour exercer son piano ; quant à nos
réunions, elles duraient souvent presque
jusqu'au matin. Les voisins en furent bientôt
alarmés, Une pétition fut
lancée, demandant poliment que les clameurs
cessassent, au moins dans la soirée. C'est
alors que mon père prit des couvertures et
boucha portes et fenêtres. Nous pûmes
ainsi continuer sans déranger personne. Un
de mes camarades d'école se convertit.
Frieda, Evelyne et Théodore priaient souvent
avec nous.
Ne pensez pas que Satan restât inactif !
Oh non ! il rageait littéralement,
manifestant sa fureur non seulement par des
attaques directes et stupides, mais en
répandant le bruit que des réunions
bizarres se tenaient chez nous. Au quartier
général de l'Armée du Salut,
on racontait que nous faisions du spiritisme. Le
fait que nous « parlions en
langues » sema la consternation parmi nos
amis chrétiens. Mais mon père resta
inébranlable. Sans sa foi, nous n'en serions
pas sortis victorieux. L'influence de mes parents
dans le monde évangélique
était considérable et ils savaient
que leur attitude serait déterminante. Dieu
leur donna la grâce, la sagesse et
l'humilité nécessaires pour mettre en
pratique ces paroles : « Marchez
tandis que vous avez la lumière, de peur que
la nuit ne vous surprenne. »
(Jean
12/35.)
Ils ne commirent pas l'erreur fatale de tant de
chrétiens éminents, qui consiste
à rejeter et à taxer de diabolique,
de déséquilibré ce qu'on ne
comprend pas. Non, ils se souvinrent de la
prophétie :
« Voyez, vous qui me méprisez,
et soyez étonnés, et pâlissez
d'effroi ; car je vais faire une oeuvre en vos
jours, une oeuvre que vous ne croirez point, si
quelqu'un vous la raconte. »
(Actes
13/41.)
Noël arriva — mais combien
différent des autres années !
Impossible de concilier les festivités
bruyantes du Noël anglais avec la
piété et la joie profonde qui avaient
envahi l'atmosphère de notre maison. Quel
privilège d'avoir des parents instruits dans
les voies mystérieuses de Dieu ! Il y a
des choses permises et légitimes, mais dans
les circonstances que nous vivions, elles eussent
été malséantes ; et ils
le comprirent.
Ma mère, en tournée
d'évangélisation lorsque l'Esprit
était tombé sur nous, avait
remarqué à son retour le changement
extraordinaire qui s'était
opéré en moi et les effets
bénis de cette visitation sur toute la
maison. Elle reconnut que c'était l'oeuvre
du Saint-Esprit, « car, dit-elle,
l'humilité est une preuve de l'action de
Dieu ».
Bien des éléments frivoles furent
éliminés pendant ces vacances et,
toute la journée, nous attendions avec joie
notre réunion du soir.
Vos fils et vos filles
prophétiseront.
Je repris mes études après
Noël. Mais aucune préoccupation
scolaire ne put diminuer mon zèle pour Dieu
et Sa Parole. Mes pensées étaient en
Lui, jour et nuit. Ce printemps-là, je me
promenai souvent seul dans la campagne avec ma
Bible. J'avais le coeur rempli de
prédications et quand je les
prononçais à haute voix, la nature
semblait dire « amen ».
La première, parmi mes frères et
soeurs, qui reçut le baptême du
Saint-Esprit fut la douce Frieda ; ce fut une
grande joie. Ensuite vint le tour de la cadette de
toute la famille : Joséphine. Plus tard, mon
père emmena Éric et Herbert à
une convention dans le Nord, d'où ils
revinrent transformés, pleins de hardiesse
pour le témoignage, faisant du Seigneur
leurs délices. Augustin et Théodore
reçurent la bénédiction en
1910, suivis de près par Evelyne et
Victoria. Toutes mes prières pour eux
avaient été exaucées !
Plus tard, je fus interne dans un collège de
Londres ; les épreuves et la
persécution devinrent le moyen dont Dieu se
servit pour éprouver, pour purifier ma foi
et ma consécration. L'ostracisme et
l'opposition ne rendirent que plus ardente ma soif
d'amener des âmes à Christ.
Quelques-uns de mes camarades furent
gagnés.
Puis une plus grande porte s'ouvrit. Mon
père connaissait mon appel et nous
partîmes pour le continent. En Hollande, en
Allemagne, en Pologne et jusqu'à la
frontière russe, nous portâmes la
bonne nouvelle dans de vastes campagnes
d'évangélisation. Je parlais surtout
aux enfants et Dieu me donna de grandes
bénédictions. En Allemagne, mes
auditoires de garçons et de filles
s'élevèrent jusqu'à six cents.
Des centaines se convertirent. Invariablement, la
puissance de Dieu tombait sur eux pendant la
prière, après la prédication
et il arrivait qu'il y eût, en un soir, plus
de vingt baptêmes dans le Saint-Esprit.
Quelques-uns se mettaient à chanter en de
nouvelles langues, en accord parfait et dans la
plus grande harmonie. Ils manifestaient une foi
remarquable ; des signes et des miracles, des
visions et des prophéties accompagnaient ces
réveils d'enfants. Un jour, l'Esprit de Dieu
tomba sur cent soixante à la fois ; la
plupart étaient prostrés et se mirent
bientôt à louer Dieu en de nouvelles
langues. Il faudrait un livre pour raconter tout ce
dont nous avons été témoins
lors de trois grandes tournées au cours
desquelles plusieurs églises et missions
furent établies. Dieu visita
spécialement la patrie de Luther avant que
les nuages n'assombrissent son ciel et que
l'holocauste de la première guerre mondiale
ne paralysât les efforts faits en vue du
réveil.
Les premières convictions se
confirment.
J'arrive à la fin de mon
témoignage. On m'a souvent demandé si
je n'avais jamais douté de la
réalité de ces
bénédictions. Au contraire, tout est
plus réel que jamais. Comme tout ce qui
vient de Dieu, toute l'expérience du
baptême demeure en moi dans sa
fraîcheur originale. Bien entendu, mon esprit
a mûri et ma connaissance des choses de Dieu
a augmenté. Mais la vision de mes
premières années, loin d'avoir
pâli, n'a fait que gagner en puissance
à travers mon ministère. Tout ce qui
s'est produit au cours de réveils dans le
monde entier, les milliers de conversions
enregistrées, n'ont fait que confirmer la
réalité et le caractère
authentique : ment divin de cette glorieuse
visitation.
Bien souvent, j'ai entendu des
théologiens et des
évangélistes éminents
discréditer et ridiculiser
l'expérience relatée dans ces pages.
De telles attaques ont toujours laissé
l'auditoire embarrassé et confus, mais ne
l'ont pas convaincu. Il s'agit cependant d'un
réveil de portée mondiale et,
même s'il y a eu parfois des
exagérations ou des contrefaçons,
c'est une grave erreur que de condamner le fleuve
entier parce qu'il est arrivé qu'on
trouvât sur les bords quelques débris
ou poissons morts. Il est vrai qu'on a parfois
rencontré des étangs d'eau stagnante,
là où le courant avait cessé,
mais le fleuve continu à couler, dans sa
puissance originale. Et l’on ne peut rien
contre la vérité ! Toutes les
réfutations ne font que stimuler
l'intérêt des âmes
sincères, qui ne seront pas
déçues. Ceux qui persistent dans leur
résistance à l'oeuvre du Saint-Esprit
feront bien de prendre, garde : plusieurs ont
déjà été mis à
l'écart par Dieu et d'aucuns frappés
soudainement. Nul ecclésiastique ne saurait
résister à un pareil courant. Tout
obstacle sera balayé ! Et
l'étendard de Dieu continue à
avancer.
Et, pour terminer, permets-moi de te dire, cher
lecteur, que le don du Saint-Esprit, le
baptême de la première
Pentecôte, est pour toi. Que personne ne te
dissuade de le recevoir dans sa plénitude,
comme il fut accordé à la
première église. Dieu n'a pas
égard aux personnes S'Il m'a baptisé,
Il peut et veut faire de même pour toi. Dans
nos campagnes d'évangélisation, nous
avons vu des milliers le recevoir. Et des centaines
de milliers continuent à en faire
l'expérience. Le réveil
s'étend aux contrées les plus
reculées. Ne te prive pas de ce que Dieu
tient en réserve de meilleur pour toi. Ce
sera le début d'une vie nouvelle de
prière, de louange et de service.
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