Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LE VEILLEUR SUR LA TOUR



POURVU QUE JE T'AIE...

Pourvu que je t'aie, que m'importent le ciel et la terre !
(Psaume 73: 25.)

Quel autre ai-je au ciel que toi! Et sur la terre je ne prends plaisir qu'en toi. (Version Segond)

La question que traite le Psaume 73 est un des aspects du problème douloureux de la théodicée. Problème difficile entre tous.
La justification de Dieu ! Comment Dieu met-il en lumière l'action de sa Providence, quand les hommes lui demandent compte des iniquités qui se commettent sous le ciel ? Comment la réussite insolente de l'impie et la souffrance imméritée du juste se concilient-elles avec l'existence d'un Dieu d'amour et de sagesse ?
Ce problème, l'Israélite des anciens jours le résolvait sans trop de peine. Dans ses horizons, qui ne s'étendaient pas au delà de l'existence terrestre, il situait sans effort les rétributions divines. Il croyait que la bénédiction d'En-Haut se répandait naturellement sur le sentier des justes. « Heureux, chantait-il, l'homme qui ne marche pas selon le conseil des méchants. Il est comme un arbre planté près d'un courant d'eau, qui donne son fruit en sa saison. Tout ce qu'il fait lui réussit. »

Le juste, gardé par la sollicitude de Yahvé, devait terminer ses jours en paix, après une vieillesse heureuse, retiré dans sa vigne et à l'ombre de son figuier, en communion avec une nature tout imprégnée de la bonté de son Dieu.

Heureux temps, où la vertu s'épanouissait d'elle-même en bonheur, où la vie se déroulait, paisible et sereine, en des travaux faciles, sous la bénédiction du ciel oriental !

Ensuite vint la tourmente. Israël, violemment arraché du sol maternel, transplanté sur une terre étrangère, dut assister en pleurant aux triomphes de la force et de l'iniquité. La harpe qui, jadis, aux campagnes paisibles de Bethléem et d'Esdrelon, avait murmuré des chants si doux, se fit plaintive et gémissante sur les rives des fleuves de Babylone. L'impie était victorieux, le juste était opprimé. Il le fut toujours, dès lors. Comment concevoir un pareil renversement de l'ordre naturel, si peu conforme avec ce qu'on était en droit d'attendre de la sagesse divine ?
Il y avait bien une attitude que l'on pouvait prendre : se prosterner devant la majesté infinie du Dieu insondable, qui a droit de vie et de mort sur sa créature.

En lisant le livre de Job, nous nous rendons compte que cette solution fut acceptée dans une certaine mesure par la conscience religieuse d'Israël. « Comment l'homme serait-il juste devant Dieu ? demande Job. S'il voulait contester avec Dieu, sur mille choses il ne pourrait répondre à une seule. À Dieu la sagesse et là toute-puissance ! » Et sa plainte s'achève sur une parole de soumission dont rien n'égale l'humilité : « Je suis trop peu de chose : que te répliquerai-je ? je mets la main sur ma bouche. » Admirable triomphe de la foi !

Croire, malgré l'écrasement de toutes ses espérances, adorer la main qui frappe, saluer dans l'épreuve sous laquelle sombre un radieux avenir la manifestation d'une puissance souveraine, dont les arrêts, quelle qu'en soit parfois l'apparente injustice, ne se discutent point, c'est grand, cela. On comprend qu'il se trouve encore aujourd'hui des penseurs pour célébrer la grandeur du Dieu lointain, inaccessible aux entreprises de la raison humaine, et dont les jugements insondables confondent la frivole sagesse des hommes.

Beaucoup de chrétiens n'ont pas dépassé cette phase : ils se sont courbés devant le mystère qui les terrifie, et ils ont mis leur main sur leur bouche.
Mais cette résignation héroïque est-elle digne de notre Dieu ? L'enfant de la maison doit tenir au Père un autre langage qu'à son maître l'esclave châtié et tremblant. Il y a quelque chose de plus admirable que le silence de Job : c'est la confiance joyeuse et victorieuse du Psaume 73.

Le problème que posent à nouveau tous les jours les triomphes apparents de la ruse et de l'iniquité est insoluble. Ceux qui ont l'ambition de sauver leur idéal sont, du point de vue de la terre, des vaincus. Dieu ne règne pas dans la société moderne ; il n'y règne nulle part ; et, dans cette lutte toujours plus âpre, la vertu est de moins en moins récompensée.
Et pourtant, Dieu aura le dernier mot. Il ne suffit pas de dire qu'il l'aura, il l'a, dès maintenant ; c'est la certitude du Psaume, et ce doit être la nôtre.

La faute de ces réalistes qui disent : « Comment Dieu saurait-il ? comment le Très-Haut connaîtrait-il ? » porte en elle-même son châtiment. Le Psalmiste en a eu la révélation. Dieu lui a montré sur quels sentiers glissants ces prétendus vainqueurs se trouvaient engagés par leur criminelle folie. Remarquez-le : il n'est pas question, nécessairement, d'une ruine matérielle ; et ceci ne serait pas encore ce qu'il y a de plus tragique dans leur destinée. Dans l'esprit de ces hommes qui ne font plus entrer Dieu en ligne de compte, Dieu se voile. Et la ruine spirituelle de ceux qui n'ont voulu vivre que pour la terre se trouve être le pire des châtiments, tandis que le sentiment de la présence de Dieu est pour le juste opprimé la plus douce récompense, et le pressentiment d'une communion éternelle.
C'est ainsi que nous voyons émerger des profondeurs de la conscience israélite une intuition de l'Au-delà par où s'achève dans l'homme la présence divine. L'âme croyante en arrive, dès ce temps-là, à cet idéal de vie intérieure et mystique dont un philosophe contemporain a pu dire : « Il est si nouveau, que bien peu encore l'ont pleinement compris. »
« Tu me conduiras par ton conseil ! s'écrie le Psalmiste ; puis, tu me recevras dans ta gloire. » Voilà, nettement formulée pour la première fois, l'espérance. Elle ne se détache pas de Dieu. Elle résulte de la vie qu'il dispense à l'âme qui se confie à Lui.

« Pourvu que je t'aie, dit le Psalmiste à son Dieu, que m'importent le ciel et la terre ! » je renonce à la perspective du bonheur terrestre, aux preuves extérieures de ta grâce, à toute manifestation apparente de ton amour. Toi, et Toi seul, Tu seras toute ma joie, toute ma force, toute mon espérance.

Qui a dit cela ? Était-ce un homme ayant au front la marque d'élection divine, un prophète ? Ne le croyez pas : c'était l'âme d'un peuple opprimé qui s'élevait vers son Dieu. Ce peuple, ayant conscience de sa vocation divine, avait vu ses autels profanés, son existence nationale dissoute, ses rêves d'avenir évanouis, Alors, il s'est réfugié dans l'amour de son Dieu pour ne pas douter de sa justice, et, renonçant aux récompenses terrestres de sa fidélité, ne sollicitant aucune récompense céleste, il ne demande rien, n'espère rien, que Dieu seul.

Quand nous voyons qu'avant l'Évangile, avant la Croix, avant la Résurrection, avant tout ce qui fait notre force, des hommes sont parvenus à une telle hauteur de spiritualité, est-ce que la honte ne nous étreint pas l'âme ?

Notre Dieu ne nous a pas laissés dans l'obscurité, réduits, comme les justes d'Israël, à deviner ses intentions secrètes. Il nous a révélé son dessein le plus profond en Jésus-Christ. Et cependant, combien il manque à notre foi pour pouvoir s'écrier : « Pourvu que je t'aie, que m'importent le ciel et la terre ! » Vous attendez beaucoup du ciel et de la terre ; et, quand vous vous rendez compte que vous n'en obtiendrez pas ce que vous avez souhaité, il arrive que vous murmuriez sourdement contre un Dieu qui néglige de récompenser la fidélité de ses adorateurs, ou que vous gardiez le silence découragé de Job.

D'où vient la faiblesse du christianisme actuel ? De ce que les chrétiens ne cherchent plus assez ce que doivent chercher des hommes religieux, ce qu'ils cherchent même en dehors du christianisme : Dieu, et Dieu seul.
Il y a dans la vie de cruels mystères ; jamais aucun raisonnement ne les dissipera complètement ici-bas. Mais si l'on a Dieu, on peut vivre, et on doit vaincre. N'enviez pas les éphémères succès de ces arrivistes sans scrupule qui ne croient pas aux valeurs spirituelles. Dites-vous qu'en ayant Dieu, on n'a pas seulement plus : on a tout.
Il faut revenir à ce qui est l'essentiel de la religion, c'est-à-dire à ce qu'elle renferme de purement religieux. Le christianisme est tout autre chose qu'une morale. Il est cela, assurément : il est une morale admirable, mais il est d'abord une religion. Et quand certaines tendances du protestantisme moderne finissent par ne laisser pratiquement subsister de la religion que l'élément moral, elles commettent à nouveau l'erreur des astronomes d'autrefois. elles mettent l'homme au centre du monde, après en avoir ôté Dieu.

Être religieux, dans la langue de tous les temps, c'est mettre le centre de sa vie en Dieu. La religion est un lien d'amour qui s'établit entre l'homme et Dieu. Telle est la religion des Psaumes, et aussi la religion des Évangiles.

Adolphe Monod, sur son lit de mort, la définit ainsi ; « Dieu nous a aimés : c'est toute la doctrine de l'Évangile. Aimons Dieu, c'en est toute la morale. »

La religion ainsi entendue n'est pas tout d'abord un lien de fraternité qui nous unit à l'homme : elle est un lien de filialité qui nous unit à Dieu.
Dieu nous réclame : il nous revendique pour lui ; il nous demande de lui rapporter toutes nos pensées, toutes nos affections, toutes nos énergies.
En se donnant à nous, il nous récompense au delà de tout ce que nos coeurs peuvent imaginer. Songez à la joie parfaite de saint François, à la joie de Pascal, quand il s'écrie : « Oubli du monde et de tout, hormis Dieu ! »

C'est dans l'absence de communion avec Dieu que réside le secret de la faiblesse des Églises d'aujourd'hui. Certes, l'oeuvre de solidarité humaine est grande, et pour y suffire, les hommes et les ressources font étrangement défaut ; mais ce qui manque le plus aujourd'hui, ce n'est ni l'argent ni les hommes : c'est le recueillement, c'est la vie intérieure. Les chrétiens se placent volontiers sur le terrain de la philanthropie. Ils y sont bien utiles, ils y rendent des services que nous ne devons ni méconnaître, ni déprécier. Et c'est la place des disciples de Jésus-Christ. La rivière va porter aux campagnes l'eau qui les fertilise ; il n'y a rien de plus beau que de répandre ainsi la vie. Mais la première chose est de ne pas laisser tarir la source de cette action vivifiante.

Un Luther, parmi l'écrasant labeur de son oeuvre réformatrice, consacrait chaque jour des heures à la prière. On a honte de dire cela aujourd'hui, quand on voit la peine qu'ont les chrétiens à dérober çà et là aux occupations futiles où s'absorbe leur vie, quelques instants destinés au recueillement.

Notre attention se porte aujourd'hui volontiers du côté des grands inspirés de l'Inde moderne. C'est l'un d'eux qui, entrant en contact avec des chrétiens, s'étonnait de l'insuffisance de leurs recueillements. « Celui qui préside leurs réunions leur dit : Entrons en communion avec Dieu. Alors, je me dis : Maintenant, ils vont descendre dans le monde intérieur et y pénétrer longuement. Mais à peine quelques minutes étaient-elles passées, qu'ils rouvraient les yeux. Comment peut-on trouver Dieu après une méditation aussi légère ? »

Nous admirons ces mystiques de l'Orient, qui ont vécu "en Dieu" à tel point, qu'un de leurs biographes a pu dire : « Ce Dieu, on le voyait en voyant l'homme, on voyait l'homme s'y engouffrer, en vous parlant, comme un baigneur qui plonge et reparaît au bout d'un instant, tout ruisselant et rapportant l'odeur de varech, le goût de sel de l'océan. »
Il y a là des exemples qui doivent nous faire rentrer en nous-mêmes.
Mais, penserez-vous, dans une telle recherche de Dieu, ne va-t-il pas y avoir une façon de se détacher de l'humanité et des devoirs urgents qu'elle nous présente ?
Il est vrai que parfois, au cours des âges, certains mystiques ont donné dans l'égoïsme spirituel. Le cloître a été souvent un refuge contre la faiblesse humaine et contre les dangers d'un monde impie. Que celui qui y écrivait sur la porte de sa cellule : « Mon Dieu est mon tout, » ait exclu de sa vision l'image de l'humanité, c'est un fait, mais qui appartient au passé. Aujourd'hui, le danger n'est plus de ce côté. Et quant à ce qui est de l'humanité, comment se peut-il qu'elle soit digne d'amour, si elle n'est vue en Dieu ?

Dire à Dieu : « Pourvu que je t'aie, que m'importent le ciel et la terre », ce n'est pas se détacher de l'oeuvre qu'il donne à faire ici-bas ; car le seul moyen véritablement efficace d'aimer les hommes, c'est d'aimer Dieu.

Mais il est bien entendu que le Dieu que nous aimons n'est pas un Dieu lointain. C'est le Dieu qui se révèle à nous en Jésus-Christ, et qui, dans l'âme de Jésus-Christ, nous devient tout proche. C'est le Dieu qui nous aime et qui souffre pour nous. Quand on l'aime, ce Dieu, on ne peut faire autrement que d'aimer ceux qu'il aime. Ne craignez donc point que Dieu, qui est l'Amour infini, se mette jamais entre vous et vos frères, représentants de cette douloureuse humanité qu'il a voulu sauver. Si vous pouvez dire : « Je suis toujours avec Lui », quelle force ceci vous donnera pour faire part à vos frères de ce mystère d'amour !

Si Dieu est là, vous pouvez affronter sans crainte le spectacle du chaos. Vous direz : « Je sais qu'il règne, puisque je vis de lui. » Si, descendant au fond de votre coeur, vous le trouvez, c'est le ciel qui est là, jusque dans les pires infortunes. Partout où il y a un homme qui vit dans la communion du Père, c'est le ciel. Car le ciel n'est pas une récompense extérieure ; ses joies ne sont pas calquées sur les joies de la terre. Le ciel, c'est l'union intime, éternelle avec Dieu. Ce n'est pas une localité lointaine, c'est un état d'âme présent. Le véritable croyant ne cherche pas à gagner le ciel ; il cherche Dieu ; et quand il l'a trouvé, il ne s'inquiète plus de rien d'autre : il a le ciel.
C'est dire qu'il n'est pas question de demander à Dieu une solution théorique des problèmes de la vie, non plus qu'une récompense concrète de notre fidélité. La récompense qu'il nous donnera, c'est lui-même. Si vous lui remettez avec confiance votre destinée, ayant été avec vous dans les jours de calme, il restera avec vous dans les jours de tempête.

Quand tout ce qui est de la terre se retire peu à peu, si Dieu vous reste, rien n'est perdu, puisque vous retrouverez en lui tout ce que vous avez aimé, et pour l'éternité.

La vie, peut-être, aura déçu vos espoirs : vous ne regretterez pas ces revers, s'ils vous ont déterminé à chercher Dieu avec plus d'énergie, et si, l'ayant trouvé, il vous reste, alors que tout passe. Et jusque dans cet anéantissement de la vie terrestre, vous pourrez murmurer : « Ma chair et mon coeur défaillent. Tu es quand même, ô Dieu, la consolation de mon âme et mon partage à jamais. » 


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