Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LE VEILLEUR SUR LA TOUR



LE PROPHÈTE AMOS

Écoutez cette complainte que je vais prononcer à votre sujet, ô maison d'Israël !
Elle est tombée, elle ne peut plus se relever, la vierge d'Israël elle gît étendue sur son champ personne ne la relèvera.
(Amos 5 : 1-2.)

 C'était en l'an 800 avant l'ère chrétienne, le quinzième jour du huitième mois. Israël s'était réuni pour la fête des vendanges autour de l'antique sanctuaire de Béthel, à l'endroit même où l'ancêtre de la race avait vu descendre l'échelle d'or qui unissait la terre au ciel. Là s'élevait une maison de Dieu, que le roi Jéroboam avait prétendu opposer au temple de Jérusalem. Les pratiques cananéennes s'y mêlaient étrangement à la religion du Sinaï. Le veau d'or y était adoré, et le culte prenait facilement ces allures relâchées qui caractérisent les religions de la nature : c'était le culte de Baal, Dieu du vin et du blé, plus que le culte de Yahvé.

La fête des vendanges était la grande fête de l'année. Ce jour-là, on apportait à Yahvé de riches offrandes ; on tuait en son honneur les plus belles bêtes du troupeau, on en offrait une part sur son autel, on mangeait le reste, avec actions de grâces, en des repas joyeux et bruyants, arrosés de vin nouveau.

Durant plusieurs jours, on festoyait ainsi et on dansait devant le sanctuaire, au son des flûtes et des tambourins. La caractéristique de cette époque, c'était la joie débordante, effrénée. Le roi de Samarie, Jéroboam II, avait relevé le royaume ; il avait étendu ses limites depuis Hamath-la-Grande jusqu'au ruisseau du désert. Moab, l'antique ennemi d'Israël, était vaincu. Le roi avait fait taire là-bas, suivant les paroles d'un vieil oracle, « la joie des vergers et les chansons de la vendange. » Le Syrien, jadis objet de terreur pour Israël, était devenu impuissant. jamais, depuis les temps de David, la prospérité n'avait été si grande.

Aussi l'allégresse était-elle générale ce jour-là, à Béthel. Tandis que le grand-prêtre Amatsia officiait devant l'autel, c'étaient, alentour, des chants, des danses, des coupes qui s'entrechoquaient et des rires joyeux. Soudain, un remous se fit dans la foule, les cymbales et les flûtes se turent, une terreur glaça les rires et les chants : on s'écartait sur le passage d'un homme vêtu de peaux de bêtes à l'aspect farouche, qui chantait une complainte : « Elle est tombée, elle ne se relèvera plus, la vierge d'Israël. Elle gît étendue sur son champ, personne ne la relèvera. »

Le premier émoi passé, on demanda qui était ce trouble-fête. On sut que c'était un étranger, un habitant de Juda, Amos, gardien de moutons et planteur de sycomores, qui faisait paître son troupeau dans les pâturages de Thékoa, auprès de la mer Morte. Dieu l'avait pris comme il poussait ses brebis, et lui avait dit : Va, prophétise sur mon peuple. Et il prophétisait.

Quand Amos se fut répandu en brûlantes invectives sur Israël et sur ses sanctuaires, quand il eut montré Yahvé prêt à niveler, à anéantir son peuple, il vit se dresser devant lui le représentant des traditions religieuses et nationales, le gardien du sanctuaire, le grand-prêtre Amatsia.

Pour la première fois, dans l'histoire de l'humanité, se heurtent le prêtre et le prophète, l'homme de tradition et l'homme d'inspiration, dont le débat durera désormais jusqu'à la fin des temps.
Amatsia se fit l'interprète de l'émotion générale : « Homme à visions, va-t'en, fuis au pays de Juda ; manges-y ton pain, et là, tu prophétiseras. Mais ne continue pas à prophétiser à Béthel : c'est un sanctuaire du roi. »
Mes frères, vous blâmez ce grand-prêtre, sans doute. Et pourtant, s'il se levait parmi nous quelque prophète de malheur, vous seriez tentés, vous aussi, je crois, de lui imposer silence. L'étrange aversion que les hommes ont pour la vérité ! On craint les avertissements, on craint l'anathème ; comme si l'anathème avait par lui-même je ne sais quel mystérieux pouvoir ! Ce n'est pas l'anathème qu'il faut craindre, ce sont les péchés qui l'appellent.

Au lieu d'étouffer la voix des prophètes, ce serait l'heure de se repentir. Mais nous aimons tant à nous bercer de nos illusions, à écarter toute pensée de désastre, que nous préférons glisser aux catastrophes, les yeux fermés. Et quand on nous annonce le danger que court notre Église par le formalisme et l'indifférence de ses membres, nous nous révoltons ; nous organisons sur les vices de notre culte, de notre piété, de notre vie sociale, une vaste conspiration du silence. Est sacrilège, quiconque touche aux constructions existantes. Qu'il aille prophétiser ailleurs, chez nos adversaires, chez nos rivaux, chez ceux qui ne croient pas comme nous, qui n'adorent pas comme nous ; qu'il s'enfuie au pays de Juda ! Ici, c'est un sanctuaire du roi, c'est l'Église de Dieu, l'Eglise du pur Évangile, l'Église des grands ancêtres, des confesseurs et des martyrs de Jésus-Christ. Cette Église-là ne peut pas périr : l'honneur de Dieu est intéressé à son salut, à son avenir, à son triomphe.

Prenons-y garde. Un jour viendra peut-être où il se trouvera que nos sentiments de propre justice et de propre confiance nous auront induits en illusion, et où Dieu aura recours à d'autres pour faire l'oeuvre de son Royaume. Le fleuve de l'Esprit change de cours à son gré ; insensé qui prétend le canaliser. On s'imagine pouvoir le faire, cependant ; et il vient un moment où l'on est bien forcé de s'apercevoir qu'il n'y a plus que du sable.

Dieu est notre Dieu, soit. Il était aussi le Dieu d'Israël. Il l'avait élu, entre tous les peuples de la terre, pour les plus hautes destinées. Il l'avait conduit hors d'Égypte, refoulant devant lui les eaux de la mer Rouge et les peuples du désert. Il lui avait donné la Terre promise, où coulaient le lait et le miel. Il l'avait fait souverain entre l'Euphrate et le Nil. Et cependant, il n'avait pas associé sa fortune à la fortune de ce peuple. Du jour où ce peuple a contrevenu à sa loi, il l'a brisé. Les bénédictions de Dieu ne sont pas un oreiller de paresse : elles sont une responsabilité ; et plus il les prodigue, plus cette responsabilité grandit. « Vous seuls, entre tous les peuples de la terre, je vous ai connus, dit-il à Israël par la voix de son prophète : c'est pourquoi je châtierai toutes vos iniquités. » Il n'y a pas de peuple, il n'y a pas d'homme, il n'y a pas d'Eglise qui aient le droit de se prévaloir des grâces divines.

Dieu est le Dieu d'Israël ; mais avant tout, il est le Dieu de la justice, et il peut survenir tel cas où la destruction de son peuple soit la suprême affirmation de sa puissance et de sa victoire. Voilà Dieu, le Dieu de la nouvelle alliance aussi bien que de l'ancienne. Le Dieu d'Amos et le Dieu de Jésus-Christ. Ah ! sans doute, ce n'est pas le Dieu auquel le rationalisme, qui offre de singulières affinités avec la religion de Béthel, voudrait nous accoutumer, le Dieu qui est à notre service pour nous donner les joies du ciel, après nous avoir donné les joies de la terre, le Dieu qui se plaît à semer de fleurs le chemin de ses créatures, et qui leur pardonne tous leurs écarts avec ou sans repentir ; le « Dieu des bonnes gens » en qui il y a des trésors d'indulgence, dont l'amour est fait de tolérance, et la tolérance de faiblesse. Comme elle est fade, cette piété des gens heureux et satisfaits, qui se croient quittes envers Dieu parce qu'ils s'agenouillent devant lui, à de certaines heures, et qui s'imaginent, comme les naïfs adorateurs du Dieu de Béthel, qu'un peu d'encens suffit à faire oublier les fautes de leurs vies et la frivolité de leurs pensées ! Comme elle est révoltante, la religion de ceux qui se consolent des iniquités de la terre en se disant : Dieu y pourvoira. Dieu ! il hait la piété frivole, les sacrifices mercenaires, qui n'ont d'autre but que de se concilier sa protection. Ce qu'il demande, aujourd'hui, comme au temps d'Amos, c'est la justice, toute la justice.

La justice ! Voilà qui est bien élémentaire, semble-t-il. Et pourtant, toute la prédication d'Amos, toute la prédication des prophètes, est une prédication de la justice.
Il est vrai que nous avons une excuse pour ne pas aimer entendre parler de justice. Le droit, l'équité, sont à nos yeux des notions inférieures : n'avons-nous pas l'Évangile ?
Nous ne prenons pas assez garde que la Grâce n'a jamais prétendu supprimer la Loi, mais plutôt donner la force de l'accomplir. Assurément, la prédication des prophètes n'est pas encore l'Évangile ; et la justice qu'ils réclament est inférieure à la justice de l'Évangile. C'est donc qu'il faut essayer d'accomplir, premièrement la justice des prophètes, et puis la justice de l'Évangile. Car Jésus-Christ réclame plus qu'Amos, et si la prédication d'Amos vous déplaît, l'Évangile doit vous déplaire davantage. Amos nous demande uniquement d'avoir souci de la misère de Joseph ; Jésus exige le sacrifice entier, le renoncement définitif.

Ce qui attirait sur Israël la condamnation divine, c'était le manque de justice. Les magistrats trahissaient l'innocent pour de l'argent, et le pauvre pour une paire de sandales. Ils buvaient le vin de ceux qu'ils avaient condamnés, ils s'étendaient auprès des autels de Yahvé sur des vêtements pris en gage. L'État était prospère ; les grands personnages avaient une maison d'hiver et une maison d'été ; ils couchaient dans des lits d'ivoire, sur des coussins de soie de Damas ; ils oignaient leur tête d'une huile précieuse ; ils buvaient des vins délicieux ; ils chantaient, s'accompagnant avec le luth et faisant des vers à l'instar de David.

Oh ! les temps de prospérité, l'heureuse vie ! On ornait les sanctuaires de Yahvé avec toute sorte d'offrandes, on était pieux, d'une certaine manière ; on était heureux et béni. Sans doute, il y avait bien des douleurs qui pleuraient dans l'obscurité. Les guerres fréquentes avaient enrichi les spéculateurs, mais elles avaient ruiné les petites gens : la distance s'était accrue entre le riche et le pauvre ; pour subvenir aux frais de représentation de l'État, à l'entretien des fonctionnaires dont le nombre ne cessait de croître, et au luxe des grands, il avait fallu augmenter les impôts. Le blé se vendait fort cher : tandis qu'on rétrécissait les mesures, on augmentait les prix, et il y avait des gens qui mouraient de faim ; mais en haut lieu, on ne s'inquiétait pas de la misère de Joseph, Et ainsi, on faisait approcher le règne de la violence.

Malheur à ceux qui profitent sans remords des ressources que l'art et la civilisation la plus raffinée leur prodiguent, et qui étendent lentement les mains pour cueillir les fleurs de la vie, sans se soucier des âmes faites pour le bonheur qui s'étiolent et meurent dans l'ombre trop grande que fait leur prospérité ! C'est ainsi qu'on fait approcher le règne de la violence.

Comme nous aurions besoin d'entendre une parole de prophète ! Plus Dieu nous a donné, plus il est en droit d'attendre de nous, Le Père miséricordieux et tendre, que Jésus-Christ nous a révélé, peut exiger davantage que le Dieu du Sinaï ; plus que la stricte justice : l'amour qui se donne, prêt à renoncer, s'il le faut, aux plus légitimes privilèges. Les fidèles du Dieu de l'Évangile ne doivent avoir de repos, tant qu'il y aura ici-bas des êtres qui souffrent, et qui ne peuvent avoir leur part d'air, de soleil, de liberté.

Au nom de la Rédemption, au nom du pardon divin et de l'espérance éternelle, au nom du bonheur qui réside à votre foyer, faites régner la justice, non point celle des hommes, qui consacre le droit des forts, mais celle de l'Évangile, qui reconnaît à toutes les créatures de Dieu le droit intégral au salut, c'est-à-dire au bonheur vrai. C'est sur ce terrain-là, et non plus sur celui des raisonnements stériles, que la bataille du règne de Dieu est transportée : c'est sur ce terrain-là que vous devez la gagner.

Ah ! je sais que, par des actes de bienfaisance, vous essayez de guérir quelques blessures des misérables. Mais votre libéralité est-elle bien un acte de justice ? N'est-elle pas trop souvent un sacrifice sans amour, que vous vous imposez par égard pour la volonté de Dieu ? Ou encore, cette poignée de nourriture qu'on jette au monstre affamé, pour empêcher qu'il ne nous dévore ? Tandis que nous devrions considérer la bienfaisance, comme une réparation partielle des injustices terrestres, dont le but n'est plus de faire un obligé, mais de restaurer en notre frère qui souffre sa dignité éternelle d'enfant de Dieu.

La générosité n'est qu'un remède : c'est le mal qu'il faudrait détruire. Pour conjurer ce règne de la violence que les clairvoyants sentent proche, il faut que toutes nos relations avec nos frères s'inspirent d'un esprit de justice.

Le règne de la violence peut encore être conjuré, mais il y faut une application conséquente du christianisme évangélique. N'est-ce pas Clémenceau qui a écrit que la grande réconciliation se ferait, le jour où les chrétiens se décideraient à vivre leur christianisme ? Mes frères, que cette réconciliation soit votre oeuvre !

Les Israélites, le premier moment de terreur passé, n'écoutèrent pas Amos. Ni roi, ni prêtres, ni grands du royaume n'eurent souci des paroles de ce visionnaire. On l'oublia ; on continua de mener la même vie que devant. Mais quarante ans après, le royaume d'Israël s'écroulait. Les Assyriens s'emparaient de Samarie. Ces hordes d'hommes de proie ne laissaient rien subsister, sur leur passage, des civilisations et des croyances. Accomplissant la prédiction d'Amos, ils anéantirent les sanctuaires du Dieu d'Israël : Béthel avec son temple, Béerséba avec son puits et son bois de tamaris encore tout plein de visions, d'autres encore. Tout le passé héroïque de ce peuple était détruit.

Cependant, parmi beaucoup d'erreurs, il y avait eu dans ce royaume de grandes choses. D'abord, cette religion décentralisée, patriarcale. Il n'y avait point en Israël, comme en Juda, une religion d'État, un sanctuaire unique, qui absorbait non seulement l'adoration, mais les énergies nationales. Aussi l'esprit d'individualisme, de liberté, de progrès, l'esprit de prophétie, s'était-il développé sur ce sol du royaume des dix tribus. Il y avait là des âmes qui cherchaient Dieu librement, et qui, l'ayant trouvé, parlaient en son nom, sans crainte des hommes. À côté de là religion des sacrifices, la religion en esprit commençait de fleurir ; Et rien de tout cela ne devait revivre. Tout ce que ce peuple avait aimé, chanté, adoré, fut aboli sans retour, parce qu'il n'avait pas écouté la voix de ceux qui prêchaient la justice.

Ce que devint Amos après la fête de Béthel ? Toute l'histoire éternelle d'Amos tient dans les quelques heures que durèrent ses discours.
C'était un berger. Il devait continuer à remplir sa vocation de berger, après avoir rempli sa vocation de prophète. Et voilà tout ce qui nous intéresse. Amos, par lui-même, n'est rien, Mais ce jour-là, révélateur du Dieu de justice, il incarna la Vérité : il ne fut que vérité. Il apparut devant les foules assemblées, pour leur révéler son Dieu ; puis il s'en alla. Ayant achevé ce que l'Éternel l'avait chargé de dire, il retournait garder ses brebis.

Souvenons-nous qu'aucune profession ne nous exclut de la liste des collaborateurs du Royaume. Dans chaque vie, si obscure soit-elle, il y a quelque chose d'éternel qui doit surgir à la lumière. Chacun de nous peut avoir sa journée de Béthel. Le tout est de savoir nous tenir prêts et d'écouter, sans nous laisser absorber par les affaires de la vie, sans nous laisser intimider par les préjugés courants, et aussi, sans prétendre devancer l'heure fixée par Dieu, l'heure bénie où il nous confiera un message.
Soyons, de ceux qui écoutent, et puis, qui laissent la Vérité parler dans leur vie, à l'encontre des préjugés de leur temps.

Tous, nous sommes appelés à tracer notre sillon ici-bas, à faire, tôt ou tard, oeuvre d'éternité. Si, fermant l'oreille aux bruits du siècle, nous sommes fidèles dans l'accomplissement du devoir journalier, à la place où Dieu nous a mis, un jour viendra où nous entendrons la voix de Celui qui dit : « Va, prophétise sur mon peuple. » Et l'Esprit, qui souffle où il veut, fera de nous ses messagers.


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