Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



SANS DIEU DANS LE MONDE

Épisode de la vie du peuple Slovaque



PRÉFACE DU TRADUCTEUR

Le petit volume que nous présentons aujourd'hui au public français est déjà connu dans bien des pays ; traduit en plusieurs langues dès son apparition, il a fait connaître le talent de son auteur, dont il est la production la plus appréciée. Mlle Kristina Roy, née en 1860 dans un presbytère d'une des régions les plus originales de la Hongrie, a mis sa plume et son activité au service de toutes les bonnes causes ; elle a écrit plusieurs ouvrages pour la jeunesse, Les Perdus, Le petit Valet, Heureuses Gens, etc. ; elle a fondé dans son pays un asile pour les enfants de colporteurs et des sociétés d'éducation chrétienne et de tempérance.
Les Slovaques sont un peuple slave qui habite particulièrement les régions septentrionales de la Hongrie ; quoique ne formant pas d'État proprement dit, il tient énergiquement à conserver sa langue, ses moeurs et ses costumes pittoresques.

Depuis les premières éditions de cet ouvrage, les événements internationaux ont permis aux Slovaques ainsi qu'aux Tchèques de faire triompher leurs légitimes désirs d'indépendance.
Nous ne doutons pas que cette nouvelle édition contribue, comme les précédentes, à faire connaître davantage et mieux aimer nos frères en la foi de cette contrée si digne d'intérêt.

Gaston TOURNIER. 



I

Personne, parmi les gens les plus âgés, ne se souvenait d'un hiver aussi rigoureux que celui qui régna en décembre 18..., lorsque, par une froide soirée de l'Avent, quelques voituriers du village de Raschovo découvrirent, près de la porte du cimetière, le corps glacé d'une femme qu'ils transportèrent aussitôt dans la maison du bourgmestre.

Près de la femme de celui-ci se trouvaient justement quelques voisines qui, par suite, ne manquèrent pas de besogne : l'une déshabillait doucement la pauvre femme, une autre lui soutenait la tête, la troisième éclairait la lugubre scène. Soudain, toutes s'écrièrent à la fois : « Un enfant, un enfant ! » En effet, de son bras engourdi, la malheureuse serrait encore sur sa poitrine inanimée un charmant petit garçon plein de vie. À ce touchant spectacle, ces âmes compatissantes ne purent retenir leurs larmes ; le bruit réveilla l'enfant qui se mit à pleurer aussi, et les voituriers présents à cette scène sentirent eux aussi leurs yeux se mouiller. Pauvre petit enfant !

Trois jours après, l'étrangère fut enterrée aux frais de la commune ; une grande foule de gens suivit son cercueil, comme si elle eût été une grande dame. Mais ensuite, que faire de l'enfant ? Ni le notaire, ni le bourgmestre ne purent arriver à découvrir le domicile ou l'origine de la pauvre défunte.
« C'est encore notre pauvre commune qui, devra se charger de l'élever », gémissaient quelques avares, mais ils en furent pour leurs craintes. La femme du bourgmestre déclara se charger du petit, et, si elle ne l'éleva peut-être pas aussi tendrement que s'il eût été son propre enfant, personne ne put par contre lui reprocher de ne pas l'avoir soigné suffisamment bien pour l'arracher à la mort.

Petit-Martin - ainsi fut appelé l'enfant, puisqu'on ignorait le nom qu'il avait reçu à son baptême, - grandit dans la maison du bourgmestre, sans éducation, comme un petit chien ; il n'avait souci de rien, et pourtant il se développait ; à peine sorti de l'enfance, il devint d'un vrai secours pour sa bienfaitrice ; il s'acquittait ponctuellement de sa
 tâche journalière, soit en apportant du bois de chauffage, soit en prenant soin des porcs ou en préparant la nourriture des jeunes oies ; rien ne le rebutait. En échange, on lui donnait le strict nécessaire en fait de vêtements et de nourriture ; dans les premiers temps, il dormait la nuit près du poêle, dans le coin de la chambre où on l'avait justement déposé le soir de sa venue ; à peine âgé de cinq ans, il fut installé dans une petite couchette placée dans l'écurie.

Parfois, les lapins s'assemblaient auprès de lui comme s'ils eussent voulu tenir conseil ; la grande vache tachetée de noir se rapprochait de lui lorsqu'il se glissait dans son petit coin, où il ne tardait pas à s'endormir. S'il ne pensait pas à faire sa prière auparavant, il n'en était pas responsable ; les coupables en cela étaient les protecteurs de Petit-Martin qui auraient dû lui enseigner à prier, mais ceux-ci n'avaient pas l'air de s'en soucier ; peu leur importait que Petit-Martin sût prier ou non.
La digne femme du bourgmestre ne maltraitait pas l'enfant, et chacun la louait pour sa bonne action, mais, hélas ! elle ne l'envoya pas à l'école. « Pourquoi instruire un enfant de mendiant ? À quoi bon ? Il a du reste bien assez de besogne chez nous », disait-elle souvent à ses voisines.
Tout de même, lorsque l'enfant eut atteint ses onze ans, elle l'amena au presbytère pour le faire admettre parmi les élèves du catéchisme, mais comme il ne savait ni lire, ni réciter des prières telles que « Notre Père qui es aux cieux... », on l'éconduisit.



II

À l'automne suivant, le bourgmestre perdit sa femme et dut alors placer le petit garçon comme aide du berger de la commune.

Le vieil André, - c'est ainsi qu'on appelait celui-ci, ne lui connaissant pas d'autre nom, - était déjà à cette époque affaibli et malade et ne pouvait presque plus conduire les troupeaux au pâturage (car il est d'usage, à Raschovo, de faire paître tous les troupeaux ensemble dans un lieu écarté, tout proche de la forêt). Mais comme il était depuis de longues années au service de la commune, on ne voulut pas le congédier, et l'on décida de lui adjoindre un aide. On n'eut pas à regretter la décision qui appela Petit-Martin à ces fonctions ; celui-ci semblait être créé exprès pour être berger ; depuis sa plus tendre enfance, il s'était occupé des bêtes, avait couru derrière elles, et tout cela l'avait formé. Il fallait le voir, le matin, lorsqu'il parcourait le village en soufflant du cor ; à ce bruit, les animaux levaient brusquement la tête dans leur écurie, puis accouraient à lui, vaches, veaux, brebis, tous aussi dociles que de petits chiens. Fidèle, le vieux chien d'André, trottait gaiement en balayant la route poussiéreuse de sa large queue ; il dressait les oreilles, fixait les yeux sur son jeune maître et attendait impatiemment, une patte en l'air, le premier coup de fouet ; à ce signal, le troupeau s'élançait joyeusement sur le chemin de la forêt.

Bref, on fut si satisfait du petit berger, que, un an plus tard, lorsque mourut le vieil André, on le nomma aussitôt berger en chef.

En dehors du village, non loin du cimetière, était une masure qu'un vieux célibataire avait autrefois léguée à la commune ; la moitié de cette maisonnette s'était déjà effondrée et il ne subsistait guère qu'une petite chambre et la petite cuisine, couvertes par le toit qui s'étayait sur la colline en pente. Cette chaumière avait abrité le vieil André durant seize ans, et maintenant c'était à son successeur qu'en revenait la jouissance. Le vieil André avait bouché les petites fenêtres avec de la paille, et Petit-Martin les retrouvait ainsi ; en été, le soleil ne pouvait pas pénétrer et en hiver on y était à l'abri du vent ; n'était-ce pas suffisant ? et pourquoi le vieil André aurait-il eu besoin de lumière ? En hiver, il n'était pour ainsi dire jamais chez lui, allant de maison en maison, d'un voisin chez un autre ; en été, lorsqu'il rentrait, il était rompu de fatigue et s'endormait aussitôt. Mais, pour Petit-Martin, quelle pénible impression que celle de cette première visite dans ce taudis, en pensant que c'était là qu'il devrait désormais habiter !

Les murs étaient branlants, enfumés et couverts de toiles d'araignées, le sol caché sous une épaisse couche d'ordures, de débris de paille et de poussière, amoncelés depuis des années. Ah ! combien l'écurie du bourgmestre semblait un palais à côté de ce réduit ! Le pauvre enfant se prit la tête entre les mains et s'assit sur le seuil en pleurant. Jamais encore il n'avait autant ressenti la tristesse de sa situation, abandonné de tous, comme l'était du reste cette maisonnette. Il pleurait encore lorsque le gazouillement d'un petit oiseau lui fit lever la tête ; il aperçut tout contre le toit un nid d'hirondelles ; ces petits oiseaux arrivaient des lointains pays et nettoyaient leur petit logement de l'été, qu'ils occuperaient jusqu'à leur prochain départ au loin, bien loin...

L'enfant rougit : « Je ne puis pourtant pas laisser mon logement dans cet état », dit-il en lui-même et il se mit aussitôt au travail ; il retira d'abord la paille qui obstruait les fenêtres et balaya à fond le sol, avec un vieux balai trouvé dans un coin. Il ne restait plus qu'une seule vitre à chaque fenêtre ; les autres avaient été brisées ; il nettoya ensuite les murs et les poutres, enleva les toiles d'araignées avec une telle ardeur que la poussière semblait l'étouffer. Chaque jour ; au retour du pâturage, il reprenait cette tâche rebutante.

Comme il l'avait souvent vu faire à sa défunte protectrice, il se procura de la terre glaise, car il savait bien où en trouver, et boucha les trous et les fentes du sol et des murs. Passant par là, la femme du fossoyeur le vit occupé à ce travail, elle sourit, félicita le garçon pour sa propreté et continua son chemin. Mais le lendemain, comme le berger rentrait chez lui, il trouva ses deux pièces avec les murs réparés et le sol recouvert de sable fin. Ce fut une vraie joie !

Le pauvre enfant ne savait s'il devait rire ou pleurer. Comme l'exemple du bien est parfois contagieux, après que la femme du fossoyeur se fut vantée de sa belle action auprès de l'épouse du garde-champêtre, celle-ci, de concert avec quelques amies, procéda au recrépissage extérieur de la maison ; les hommes eux-mêmes, émus à jalousie, réparèrent le toit ; la commune fit placer de nouvelles fenêtres ; le fossoyeur, lorsqu'il n'avait pas trop bu, faisait de jolies menuiseries : il répara le banc, la vieille table et le lit plus vieux encore ; enfin, le bourgmestre poussa la générosité jusqu'à donner un matelas de paille.

« Eh bien ! Petit-Martin, tu peux maintenant te marier », plaisantaient les hommes. Mais quoiqu'il eût maintenant un vrai domicile bien attrayant, l'enfant se plaisait encore plus dans la forêt. C'était si beau là-bas ! Il s'asseyait sur un rocher et, tel un roi son royaume, il contemplait de là son troupeau et le gouvernait de la voix.

À sa gauche s'étendaient des montagnes escarpées, couvertes de hêtres, de chênes et de sapins. Lorsqu'une légère brise s'élevait de ce côté, elle lui apportait la douce senteur de la résine, et lorsqu'elle cessait de souffler, une sorte de musique résonnait sur la forêt. Les arbres murmuraient, les branches bruissaient, et les feuilles semblaient s'embrasser en chantant. Mais à l'automne, à la chute des feuilles, les sapins faisaient entendre comme un chant funèbre. Sous le rocher s'étendait le pâturage, semblable à une grande étoffe de soie brodée de fleurs qu'un petit ruisseau parcourait comme un ruban d'argent.

À sa droite s'étendait une clairière parsemée de buissons ornés au printemps les uns de fleurs, les autres de feuilles seulement ; les belladones et les airelles brillaient sur la verdure, en été et en automne. Le petit berger connaissait bien toutes ces plantes, les bonnes et les dangereuses ; c'était le vieil André qui lui avait appris à les distinguer.

Quelle splendeur, lorsque le soleil baignait tout cela de sa lumière d'or ; Petit-Martin pouvait alors tout oublier autour de lui ; tandis que le bétail paissait tranquillement, lui-même tressait avec des joncs toutes sortes d'objets ; il confectionna d'abord des balais, puis réussit des paniers pour les poules, enfin il essaya des corbeilles pour les pots à fromages ; chaque jour il rapportait le produit de son travail et les paysannes auxquelles il le cédait lui en donnaient le prix qu'il voulait. Cela lui permit alors d'économiser une petite somme. « Qui sait, aimait-il à se dire, cela pourra bien me servir un four ; il faut bien que je pense un peu à moi ! » Souvent, tout en se livrant à son travail de vannerie, il laissait flotter ses pensées. « Cette belle nature que je vois s'est-elle faite toute seule ? Si non, qui donc l'aurait faite ? Peut-être est-ce le
Dieu dont le bourgmestre parlait toujours lorsqu'il jurait, et dont sa femme disait lorsque quelqu'un venait à mourir : (Que le Seigneur Dieu soit loué de l'avoir repris à lui. » Où habite ce Dieu et où reprend-il les gens ? Aurait-il aussi pris ma mère avec lui ? Si c'est lui qui a créé tout ce que je vois, comme il doit être intelligent et bon ! Comme tout est bien organisé : plusieurs plantes croissent pour notre nourriture, d'autres peuvent être employées comme remèdes ; celles qui aiment l'ombre, Dieu les a semées sous les arbustes, par contre, d'autres se développent librement au soleil. Lorsqu'il pleut, tout renaît à la vie, mais comme trop de pluie est nuisible, il envoie ensuite le vent et fait de nouveau luire le soleil. Si c'est vraiment un Dieu qui a fait cela, comme c'est un Dieu grand et sage !

« Et l'endroit où il accueille les gens, est-ce une aussi jolie terre ? Lorsque ma bienfaitrice est morte, on lui a placé une pièce d'argent dans la main : « Pour la traversée », disait-on (
1) Qu'est-ce que la traversée ? Il existe peut-être entre cette terre-ci et l'autre une grande étendue d'eau, et qui donc alors conduit les gens sur l'autre rive ?

Pendant une semaine, il fut interdit de se livrer au moindre travail dans la maison de la défunte pour que son âme ne soit pas troublée, puis on cuisit le pain, car cela doit être agréable à l'âme, le parfum du pain frais. « Pourquoi les âmes n'ont-elles aucune paix ? Ce n'est peut-être pas, auprès de Dieu, aussi beau qu'ici. Hélas ! quel malheur que nous soyons tous appelés à mourir ! » De telles pensées obsédaient souvent l'enfant, et il aurait volontiers voulu approfondir ces choses, mais il n'avait personne à qui s'adresser.

Petit-Martin exerçait depuis un an déjà ses nouvelles fonctions de berger en chef lorsque le printemps reparut ; ce fut à cette époque que le bourgmestre mourut subitement ; il s'était, dans les derniers temps, adonné à la boisson, et il fut rapidement emporté par une attaque ; l'enfant ne pouvait s'empêcher de se demander ce qu'il était advenu de lui : où était-il maintenant ? était-il en présence de Dieu ? Quel aspect revêtait Dieu ?

Il arrivait que le jeune berger passait des jours entiers sur son rocher, occupé à tresser des corbeilles de jonc ; il levait alors les yeux au ciel en s'écriant : « Mon Dieu, je ne sais presque rien de toi, mais puisque tu peux tout, enseigne-moi quelque chose de toi et dis-moi où se trouve le pays où tu reçois les hommes après la mort ! Les retrouve-t-on là tous ensemble, bons et méchants ?

L'enfant était persuadé que Dieu entendait le cri de son âme ; il continuait paisiblement son petit travail, lorsque soudain un bêlement plaintif frappa son oreille ; Fidèle et lui coururent en hâte et il aperçut son petit agneau préféré, d'un blanc tacheté de noir, qui avait roulé dans un précipice et gisait au milieu des broussailles.

« Ah ! cher petit, comment pourrai-je arriver jusqu'à toi ? Les pierres sont si glissantes ! », s'écriait-il. Avec peine, il se laissa aller jusqu'en bas, puis, avec plus de peine encore, il gravit la montée, chargé de son petit agneau. Oh ! quelle joie ! Il le portait sur son épaule et le caressait tendrement tout en lui adressant d'affectueux reproches, jusqu'à ce qu'il ait rejoint le troupeau ; l'agneau sauta alors d'un joyeux bond et se remit à paître avec délices.

Vers midi, lorsqu'il était occupé à abreuver le troupeau, quelques femmes arrivèrent et se mirent à la recherche des champignons ; il leur raconta alors l'événement du matin.

« Petit-Martin, dit la vieille Huda, cela nous rappelle justement ce passage de la Sainte-Écriture où il nous est dit qu'un berger avait cent brebis dont une se perdit, et qu'il laissa les quatre-vingt-dix-neuf autres pour se mettre à la recherche de l'égarée.
- Et qu'arriva-t-il alors ?
 - Le berger la chargea sur son épaule, la rapporta chez lui et se réjouit de l'avoir retrouvée ; il appela même les voisins pour que ceux-ci partageassent sa joie. »

Cette histoire ravit Martin.
« Et qui était ce berger ? où demeurait-il
- Cela, je ne le sais pas ; c'est le Seigneur Jésus qui a raconté cette histoire à ses disciples.
- Et qui était Jésus ?
- Mais, Martin, s'étonnèrent les femmes, comme tu es ignorant !
- Ne vous moquez pas de lui, s'écria la vieille Huda, le pauvre enfant n'a jamais eu personne pour l'instruire de cela, et il n'a jamais été à l'école... « Martin, tu sauras que Jésus-Christ est le Fils de Dieu. - Mais voici pour nous l'heure de rentrer. »

Les femmes s'éloignèrent ; le garçon avait déjà oublié qu'on avait raillé son ignorance, mais il se réjouissait vivement d'avoir appris quelque chose de Dieu, que Dieu avait un Fils qu'on appelait Jésus-Christ.
Jésus, ce nom lui plaisait extrêmement. Ce Jésus était certainement lui aussi un berger ; peut-être était-ce lui-même qui possédait ces cent brebis ; mais alors, s'il y a là des pâturages, il doit y avoir des forêts ; comme cela doit être beau !

Sur le chemin du retour, Martin examinait plus attentivement le ciel.
Peut-être rentre-t-on aussi en ce moment le troupeau du pâturage, et le Fils de Dieu, Jésus lui-même, doit souvent parler de brebis et les mener paître comme je le fais. Peut-être me voit-il en ce moment ? Je mourrais bien volontiers si j'étais assuré qu'il me prenne comme aide-berger à son service ; je pourrais aller voir comment il est.

Le lendemain, Martin se réveilla dans une joie extrême ; il se débarbouilla, se peigna soigneusement et revêtit ses plus beaux habits ; lorsqu'il eut ramené en son étable la vache blanche du fossoyeur, il interpella soudain la femme de celui-ci : « Petite tante, dites-moi, je vous prie, si Dieu voit tout ce que nous faisons. »

La femme le regarda de travers ; elle venait justement de se quereller avec son mari, et celui-ci était allé jusqu'à la rouer de coups.
« Oui, certes, il voit tout, mon enfant, et si tu fais le mal, il te punira », menaça-t-elle.
- Je ne veux pas faire le mal, petite tante, protesta le garçon.

Et elle s'apprêtait à le congédier.
« Eh ! petite tante, dit encore Martin en se retirant, son Fils nous voit-il aussi ?
- Quel Fils ?
- Jésus.
- Le Seigneur Jésus ? Sans doute, mon enfant
- Mais il est temps pour toi de t'en aller. »

Martin la quitta, mais tout le long du chemin, il se demandait comment tout cela pouvait être. Durant toute cette journée, il n'osa plus jurer, comme il en avait l'habitude, car, n'est-ce pas, si Jésus voyait tout, certainement il entendait aussi tout.


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