Notre Corps a subi ses premières pertes. Rien de grand n'est obtenu
sans sacrifices. Nous ne serions pas venus ici, si nous n'avions su
qu'il y a quelque chose de plus précieux que la vie. Nous luttons pour
une cause digne des plus grands sacrifices.
Ce n'est pas avec tristesse que nous pensons à nos morts. Nous voyons
en eux des précurseurs et nous en remercions Dieu. Nous les envierions
plutôt, en nous souvenant des paroles de, Jésus : « Personne
n'a de plus grand amour, que celui qui donne sa vie pour ses
amis ».
Cependant, nous ne voulons pas mourir ; nous voulons vivre. Nous
avons encore une grande tâche à accomplir, avant que la mort ne vienne
nous chercher. La plupart d'entre nous ont leur petit cercle de
parents et d'amis qu'ils aimeraient bien revoir. Chaque être sain
désire vivre. Penser à la vie éternelle n'est pas précisément un
réconfort pour nous - en tout cas, pas pour le moment. Ici-bas, sur
cette terre, nous voulons vivre.
Nous désirons rejoindre notre épouse terrestre. Nous désirons jouer
encore avec nos enfants. Nous souhaitons parcourir une fois encore les
sentiers aimés de nos belles forêts, revoir nos anciennes places de
campement, dormir dans nos vieilles cabanes...
Et pourtant, je crois que nous nous faisons, en général, une image
beaucoup trop pâle de la vie éternelle. D'aucuns se
figurent qu'au ciel on est tranquillement assis sur un nuage en jouant
de la harpe. Et comme rester assis et jouer de la harpe ne leur dit
rien, la vie éternelle ne leur paraît pas attrayante. D'autres se
représentent la vie future comme un long sommeil ininterrompu - et
comme leurs plus grands plaisirs terrestres sont des excursions et des
concours sportifs, ce sommeil éternel ne leur dit rien qui vaille.
Constatons, en regard de ces réflexions, que personne ne sera déçu en
montant au ciel. Quelles que soient les belles et joyeuses images que
l'on puisse s'en faire, la réalité sera mille fois plus belle.
Mais - attention ! Il intervient un grand mais - Jésus n'a jamais
dit que bien entendu tous monteraient au ciel. Au contraire, il a
nettement précisé qu'il y a deux possibilités : le ciel ou
l'enfer. Si le ciel est magnifique, l'enfer, par contre, est
terrifiant.
« Si quelqu'un garde ma parole, il ne verra pas la mort. »
Le chemin de Jésus conduit au ciel. Tous les chemins qui s'écartent de
Jésus convergent vers l'enfer. Jésus donne simplement une règle de
conduite. Il ne nous dépeint pas le ciel sous de belles couleurs. Il
dit simplement : « Garde ma Parole et tu vivras
éternellement ». Il ne nous promet pas une longue vie sur cette
terre, Il dit simplement que nous ne verrons pas la mort. Mais, quelle
magnifique promesse !
Vivre près de Jésus, d'abord une courte vie terrestre ici-bas, puis
ensuite au ciel, pour l'éternité : voilà le sort enviable du
chrétien. Plaise à Dieu que ce soit le nôtre à tous ! Amen.
La tragique portée de ce dernier texte n'est que trop
compréhensible. Le froid et la supériorité numérique de l'ennemi
mirent le Corps des Volontaires à rude épreuve. Et déjà le 1er mars,
il était cruellement frappé : Le commandant du Groupe I, le
lieutenant-colonel Magnus Dyrssen, tombait dans l'après-midi de ce 1er
mars au cours d'une tournée d'inspection en première ligne. C'est
une des caractéristiques de cette courte campagne, que le premier
sang versé au front par le Corps des Volontaires, ait été celui d'un
de ses chefs. Ardent promoteur d'une intervention armée, Dyrssen,
dès que la forme de l'aide volontaire est été fixée, se mit avec
toute son énergie au service du Corps des Volontaires et il en
devint l'animateur.
La dépouille mortelle de Dyrssen fut conduite à Stockholm et le
service funèbre eut lieu le samedi 9 mars, dans l'église
d'Engelbrecht qui, construite sur un rocher, domine la ville. Ce fut
une émouvante manifestation, ainsi que s'en rendit compte le peuple
suédois tout entier. Les masses compactes qui, par ce doux
après-midi d'hiver, se serraient dans l'église bondée, débordant
jusque sur les marches blanches de neige, célébraient non seulement
le combattant tombé au front, mais aussi l'idéal pour lequel il
avait donné sa vie.
« Nous sommes fiers », proclama devant le cercueil S. A.
R. le Prince héritier, « qu'il y ait chez nous des hommes prêts
à tous les sacrifices, même à celui de leur propre vie. »
Le cercueil, disparaissant sous une éclatante parure de fleurs,
était placé devant l'autel, dans le choeur de l'église. Quatre
membres du Corps des Volontaires, accompagnant le drapeau finlandais
cravaté de crêpe. montaient la garde. Leur sobre tenue de guerre
tranchait de façon émouvante sur les uniformes rutilants des
personnalités officielles. Les porteurs du cercueil - quatre majors
et quatre capitaines du régiment auquel appartenait le défunt, le
« Svea Artillerie Régiment », se tenaient de chaque côté.
L'aumônier, qui avait accompagné dans son dernier voyage la
dépouille mortelle, prononça l'allocution suivante :
Et le roi leur répondra : En vérité, je vous le dis, en tant que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères vous me l'avez fait à moi-même. |
C'est Jésus qui parle ici. Il connaissait les hommes et savait les
apprécier selon leurs mérites. Il détestait les phrases et les paroles
creuses. Nous aurons, un jour, à rendre compte devant le Tribunal
suprême de chaque mot inutile. « Ce ne sont point ceux qui me
disent : « Seigneur, Seigneur », qui entreront dans le
Royaume des Cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père
qui est dans les cieux. »
Aucune vie humaine n'est sans tache. Mais celui qui s'efforce de
faire sincèrement de son mieux, est beaucoup plus près du ciel que
celui qui recherche son seul profit personnel. Cependant, à la face de
Dieu, nous sommes tous des êtres imparfaits. Et quand nous avons fait
tout notre possible, nous ne pouvons que dire : « Nous
n'avons été que des serviteurs inutiles, nous n'avons fait que ce que
nous devions faire. »
Voici un homme qui, je le crois, aurait fait siennes ces paroles.
Il n'a rien accompli de particulier. C'est un humble serviteur, qui
s'est efforcé de bien faire son devoir. Il s'est fraternellement porté
à l'aide d'un des plus petits des nôtres, lorsque ce frère fut
attaqué. Il ne vit dans ce geste que son simple devoir. Et, ainsi, il
servit celui qui a dit : « Ce que vous avez fait au plus
petit de vos frères, vous me l'avez fait à moi-même ».
Nous remercions et louons Dieu, de ce qu'Il nous envoie
encore de tels hommes, des hommes qui savent nous montrer le chemin et
réveiller nos consciences. C'est une bénédiction particulière de Dieu,
qu'un tel homme ait accepté le plus grand sacrifice dont un être est
capable. Il lui a été permis de donner sa vie pour la cause à laquelle
il croyait. Bien plus que les mots, le sang versé d'un sacrifice
authentique témoigne d'un amour puissant. Déjà dans les temps passés,
nous avons vu que la mort d'un être humain peut prendre une importance
pour le moins aussi grande que sa vie. C'est pourquoi nous Te
remercions, Seigneur, de ce que Tu nous as donné en Magnus Dyrssen. Et
nous Te demandons d'accorder Ta force et Tes consolations à sa mère,
ainsi qu'à nous tous, qui l'avons perdu. Donne-nous de continuer,
pleins de reconnaissance et de confiance, à suivre le chemin du devoir
sur lequel il a marché. Que Ton nom soit sanctifié. Amen.
Le jour suivant, le dimanche 10 mars 1940, l'aumônier protestant prononçait la suivante prédication en l'église des Saintes Hedwige et Éléonore, à Stockholm.
Jésus dit aux Juifs :
Qui de vous me convaincra de
péché ?... Si je dis la vérité, pourquoi ne me
croyez-vous pas ? Celui qui est de Dieu, écoute les
paroles de Dieu ; c'est pourquoi vous n'écoutez pas,
parce que vous n'êtes pas de Dieu. |
C'est Jésus qui parle dans ce texte.
Ses compatriotes firent bientôt taire Sa voix humaine. Mais on ne peut
jamais étouffer la voix de la justice. L'esprit de Jésus vit et agit.
Chaque jour, Il élit de nouveaux instruments, de nouveaux messagers.
Nous autres Suédois, nous entendons aujourd'hui la voix de la justice
nous parvenir de l'est, de la Finlande. Il a plu à notre Seigneur
Jésus de se manifester dans la lutte de la Finlande. Nous avions cru
que d'une guerre il ne pouvait venir que du mal. La lutte en Finlande
a ouvert nos yeux et ceux du monde : le mal est démasqué - et le
bien prouve sa force. Jésus a pris la Finlande à son service.
Voici ce que nous dit la Finlande, la justice de la Finlande par les
paroles mêmes de Jésus :
« - Quel est celui d'entre vous qui me convaincra de péché ?
Et si je dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous pas ?
Quiconque est de Dieu, écoute les paroles de Dieu. Vous, vous
n'écoutez pas, parce que vous n'êtes pas de Dieu. »
D'aucuns penseront :
- Non, cette interprétation fait violence au texte.
Les paroles que Jésus prononce sur lui-même ne peuvent être appliquées
à la Finlande.
Chers amis, pardonnez-moi si je blesse quelqu'un d'entre vous, mais
c'est bien ainsi que, cette nuit, j'ai entendu la voix de la justice.
Qui donc peut prouver à la Finlande qu'elle ne se bat pas pour une
cause juste ?
Si donc la Finlande dit la vérité, pourquoi n'en croyez-vous rien,
Suédois ? N'entendez-vous pas la voix du Seigneur à travers celle
de la Finlande. « Et vous, ne voulez-vous pas aussi vous en
aller ? » (Jean
6: 67)
La voix de la justice répète :
- « Celui qui est de Dieu, écoute les paroles de Dieu ; vous
n'écoutez pas, parce que vous n'êtes pas de Dieu ». (Jean 8: 47)
Nous répondons à cette voix :
- « N'avons-nous pas raison de dire que tu es un Samaritain et
que tu as un démon ? » (Jean
8:48)
Et la justice de se défendre :
- « Je n'ai point de démon, mais j'honore mon Père, et vous
m'outragez. Je ne cherche pas ma gloire, il en est un qui la cherche
et qui juge ». (Jean
8 :50)
Suédois ! Tout cela ne vaut-il pas pour nous, mot pour mot, dans
la situation actuelle ?
Cela ne concerne toutefois pas le gouvernement, cela ne concerne pas
telle famille avare à laquelle tu songes maintenant, cela ne concerne
pas cette mère qui ne veut pas laisser partir son fils... C'est moi
que la voix de la justice frappe toujours en
premier lieu. N'en est-il pas de même quand la justice vient à toi
avec ses exigences ? Ne lui échappes-tu pas ?
- « Vous n'écoutez pas parce que vous n'êtes pas de
Dieu ! »
Tout de suite tu es prêt à la contredire ; tu appelles la justice
un esprit sournois et méchant.
Tu la repousses loin de toi et tu dis :
- « N'ai-je pas tout fait, n'ai-je pas travaillé et consenti des
sacrifices pour une cause juste ? Laisse-moi donc en paix. Tu
viens toujours m'accuser comme un démon : tu cherches ta propre
gloire. »
Mais toujours la justice répond :
- « Je respecte mon Père ». (Jean
8 : 49-50)
La vérité ne se trouvera-t-elle pas dans ces paroles :
- « Mais vous n'écoutez pas parce que vous n'êtes pas de
Dieu ! »
Si, c'est bien là la vérité ! La voix de la justice vaut si peu
pour nous parce que nous ne sommes pas des enfants de Dieu. Le peuple
suédois n'est pas un peuple de Dieu. Ce qui détermine nos coeurs n'est
pas la volonté de Dieu, mais bien la nôtre. Le principal pour nous
n'est pas la justice, mais le bon sens. Et parce que celui-ci est le
principal pour nous, nous perdons « la paix de Dieu, qui surpasse
toute intelligence ». (Philippiens
4 :
7)
Nous avons l'habitude de respecter celui qui agit d'après sa raison.
Pourtant, la raison est une bien mauvaise boussole pour les hommes,
comme pour les peuples. La raison dit :
- « Tu ne dois pas mettre ta vie en jeu. Laisse-ça à
d'autres ! »
La raison dit encore :
- « Pense tout d'abord à tes propres intérêts, à tes intérêts
vitaux. »
À ceci la justice a sa réponse prête
- « Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont
pas mes voies. Mais autant le ciel est élevé au-dessus de la terre,
autant mes voies sont au-dessus de vos voies et mes pensées au-dessus
de vos pensées. »
La raison est myope. Elle promet davantage qu'elle ne peut tenir. La
justice est clairvoyante et ne promet jamais plus qu'elle ne tiendra.
Et c'est bien la justice qui nous dit par la bouche de Jésus :
« Celui qui garde Ma parole ne verra jamais la mort » (Jean
8 : 51).
Le chemin de la raison n'apporte jamais la délivrance. Mais la justice
délivre. La raison a peur de la mort. Mais le juste sacrifie
joyeusement sa vie. Quiconque prend le chemin de la raison, devient
agité, nerveux. Quiconque écoute la voix de la justice, est tranquille
et reconnaissant. Qui suit la raison ne voit que la méchanceté et les
bévues des hommes. Le juste, lui, considère ses propres fautes et
l'infinie miséricorde de Dieu. La raison est lâche, la justice hardie.
Ne pense pas trop petitement de la justice divine ! Confie-toi
avec audace et confiance en Dieu. J'ai vu, de près, combien la justice
a donné à la vie humaine de sens et de fermeté. Il y a une mort pire
que la mort charnelle. Il y a une joie plus grande que la joie
humaine. Suis la voie de la justice et tu verras la magnificence de
Dieu. Amen.
On fait en ce moment une collecte pour l'achat d'avions de chasse. Je
ne puis négliger ici d'envoyer à cette occasion un cordial et
fraternel salut à la Finlande. Ce salut s'adresse aussi tout
particulièrement à ceux qui ont le privilège et la joie d'avoir là-bas
un fils ou un mari, à toutes les heureuses familles dont le père ou le
fils a entendu la voix de la justice et se déclare
prêt maintenant à partir « au nom de Dieu, notre Seigneur ».
Car quel appel peut être plus glorieux que celui de participer à la
lutte au service de la justice ! Que ce soit à la vie ou à la
mort, peu importe, pourvu que nous marchions en avant !
La plupart d'entre nous ont reçu de Dieu le mot d'ordre de rester sur
place. Mais, vous qui restez, vous pouvez prier pour nous qui partons
et nous soutenir par vos prières.
Et vous soutiendrez aussi la cause pour laquelle nous luttons en
participant à la collecte organisée afin d'acheter des avions de
chasse.
Chantées par des voix fortes et dures, les dernières strophes de l'hymne :
- Tu as porté notre péché,
- Et détruit la puissance de la mort.
Viens, Seigneur Jésus, et donne-nous Ta paix, achèvent de résonner
sous les voûtes. En me levant dans la chaire et en contemplant ma
paroisse, il me semble parfois que l'église est remplie d'anges. Ils
sont là, assis, côte à côte, tous uniformément vêtus de blanc,
« en un si grand nombre que personne ne pouvait les
compter » (Apocalypse
7: 9) et c'est ici, le 12 mars 1940, une foule venue de toutes
les classes et de toutes les provinces.
Impérieuse, la question s'impose à mon esprit :
- « Ce sont ceux qui sont venus de la grande tribulation ».
(Apocalypse
7: 14)
Ils ont fait le pas décisif et d'ici peu, plusieurs d'entre eux
« laveront leurs vêtements dans le sang « de
l'Agneau ». (Apocalypse
7: 14) Ils connaissent leur mission et se tiennent prêts à tout
sacrifier pour le devoir et pour la foi. Et, de nouveau, j'entends une
voix qui prononce les paroles de l'Écriture :
- « Ne disiez-vous pas : Il n'y a plus que quatre mois d'ici
à la moisson ? Voyez, je vous le dis : Levez vos
yeux et vous verrez les champs blanchir, car déjà ils sont mûrs pour
la moisson ». (Jean
4 : 35)
Levez les yeux et vous verrez le champ déjà mûr pour la moisson. Ce
champ mûr c'est notre temps. Aussi notre peuple commence-t-il à
prendre conscience de la tâche qui l'attend. N'est-ce pas un
développement remarquable ?
Auparavant nous disions toujours : Nous exigeons.
Tout récemment encore on disait La gravité des temps exige.
Et maintenant le nombre augmente chaque jour de ceux qui, à leur grand
étonnement, entendent dire : Dieu exige.
Notre peuple commence à sentir de nouveau que ce n'est pas l'homme qui
a le droit d'exiger, pas plus que l'esprit du temps. Dieu intervient à
nouveau. Dieu prononce à nouveau ses exigences.
L'initiative a été retirée aux sages. La propagande des hommes s'est
suicidée par ses mensonges. Par contre le monde entier a pu voir un
petit peuple mettre sa cause juste entre les mains du Père. Il n'a
rien demandé à Dieu, mais a simplement dit :
- « Si Dieu veut que nous gagnions, nous gagnerons ; s'il
veut que nous perdions, c'est qu'Il aura ses raisons pour cela. »
La force intérieure du peuple finlandais ne consiste pas à exiger
quelque chose de Dieu, mais à se soumettre aux exigences divines. Qui
ne veut rien prescrire à Dieu, mais sait écouter les ordres divins
dans l'humble obéissance, celui-là gagne en force intérieure. Il en
est des peuples comme des individus. Le volontaire, qui place sa vie
et sa mort entre les mains de Dieu s'apparente spirituellement au
peuple finlandais. Les deux se sont rangés sous une volonté supérieure
à la leur. Ils ont reconnu la loi du devoir et ils pressentent
là-derrière, un ordre de Dieu.
Dans ses exigences, Dieu va plus loin que nous le pensons. Le jeune
homme riche de l'Évangile aurait dû vendre tous ses biens. La
Finlande, elle, fut placée devant un ennemi infiniment supérieur.
Aussi le Volontaire doit-il être prêt à se sacrifier pour une cause
qui, de toute évidence, est sans espoir.
Mais les exigences de Dieu sont aussi plus incompréhensibles que nous
ne le pensons. Abraham reçut l'ordre de sacrifier son propre fils. Des
soldats finlandais sont mis dans la nécessité de faucher à la
mitrailleuse des hordes égarées. Un Volontaire, qui est prêt à
sacrifier sa vie pour la vérité et pour le droit, peut être tué par
une balle perdue. Enfin les exigences de Dieu sont absolues, au delà
de tout ce que nous imaginons.
- « Et quand je donnerais tout mon avoir aux pauvres, et
donnerais mon corps à brûler et que je n'aie pas l'amour, je ne serais
rien ». (1
Corinthiens 13 : 3)
Lorsque le peuple suédois envoie ses gantelets et ses épées en
Finlande, mais qu'il le fait sans amour, tout cela ne sert de rien. Et
quand le Volontaire tombe pour la liberté du Nord, mais qu'il se
dévoue sans amour, sa mort est vaine.
« Qui donc peut être sauvé ? »
Jésus regarda vers eux et leur dit :
- « Aux hommes, cela est impossible, mais tout est possible à
Dieu. »
La force intérieure d'un peuple repose sur les hommes chez qui Dieu a
fait l'impossible. Le réveil en Finlande est issu des convertis. Ce ne
sont pas les académiciens, ce ne sont pas les milieux instruits qui
ont forgé l'avenir du pays. Non, c'est le menu peuple, le peuple
croyant, les « réveillés ». Ils furent le sel, la force
salutaire de la Finlande.
Et de nouveau la parole s'est avérée juste :
« Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les
sages ; Dieu a choisi les choses faibles du
monde pour confondre les fortes ; Dieu a choisi les choses viles
du monde et les plus méprisées, celles qui ne sont point, pour réduire
à néant celles qui sont, afin que personne ne se glorifie devant
Dieu. » (1
Cor. 1 : 27-29)
Toutefois, la force intérieure d'un peuple dépend aussi en une large
mesure de sa force extérieure. Car l'extérieur et l'intérieur vont de
pair comme le corps et l'âme. Nous savons que « l'homme ne vit
pas de pain seulement », mais nous savons aussi que l'homme ne
peut vivre sans pain. Manger du pain n'est pas un péché. C'est
pourquoi on ne peut conserver à un peuple sa force intérieure, sans
garantir également sa force extérieure. Si la Finlande n'avait point
cette dernière, elle en aurait manqué intérieurement aujourd'hui.
Lorsqu'un peuple perd les raisons de son existence, il perd aussi sa
puissance intérieure. Ce n'est donc point un péché que de penser à sa
force extérieure.
Jésus dit, il est vrai :
- « Mon royaume n'est pas de ce monde. »
Mais la Suède et la Finlande sont de ce monde.
Jésus a dit de même :
- « Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient
combattu pour moi... »
On ne se bat pas pour le Royaume de Dieu les armes à la main, pas plus
qu'on ne nourrit son âme avec du pain. Mais les serviteurs du Christ
se battent pour un royaume de ce monde, aussi bien qu'on donne au
corps sa nourriture. Dieu exige de nous que nous soignions notre
corps, comme notre âme, aussi bien pour l'État suédois que pour le
Royaume de Dieu. Le chrétien doit savoir accepter les exigences de
Dieu avec la plus grande simplicité et sans arrière-pensée, même
lorsqu'il s'agit de son corps et de son pauvre pays. On ne peut
séparer l'intérieur de l'extérieur.
Le principal sera toujours l'intérieur ; les moyens extérieurs ne
viennent qu'en second lieu. Amour ou haine, voilà le contraste
décisif.
Ce n'est pas seulement les armes à la main que l'on tue son frère. On
le tue aussi quand on l'appelle « racca »,
« fou ». « Un meurtrier n'a pas la vie éternelle en
lui-même », mais d'après la parole de l'Écriture, celui qui hait
est un meurtrier. Donc, partir en guerre par amour n'est point un
péché. Au contraire, l'amour se révèle en s'engageant à fond pour le
bien. « À ceci nous avons reconnu l'amour, c'est qu'Il a donné Sa
vie pour nous. Nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos
frères. »
Nous ne pouvons échapper à l'appel que le dernier livre de la Bible
adresse à chacun en particulier et à tous les peuples :
Écris aussi à l'ange de
l'Eglise de Laodicée : |
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