Les Volontaires partirent, revêtus de leurs vêtements civils, car
le gouvernement n'avait pas autorisé une prise d'uniforme sur le sol
suédois. Mais sitôt franchie la frontière, à Tornea et à Kemi, le
lieutenant-colonel Dyrssen, l'apôtre infatigable d'une intervention
armée, était prêt à les recevoir et à les organiser en un corps
régulier.
Aussi, le premier jour de l'an de grâce 1940, L'aumônier
Akerhielm prononçait-il à Tornea sa première exhortation sur le sol
finlandais :
Jésus dit à ses disciples... |
Je désire, en ce premier jour de l'année, vous entretenir de la
prière au nom de Jésus.
Lorsqu'en été il fait beau et chaud, personne ne pense à chauffer
sa demeure. Mais en hiver, si l'on ne veut pas geler sur place, il
faut bien allumer son feu.
Nous avons, nous Suédois, un long été derrière nous. Nous venons
de vivre de belles années. Nous n'avions besoin de rien pour nous
réchauffer. Nous n'avions pas besoin de Dieu. Mais maintenant les
temps rudes et froids sont venus et d'autres temps, plus froids
et plus rudes encore, nous attendent. Et notre âme deviendrait de
glace si nous n'avions pas un Dieu à qui nous pouvons adresser nos
prières.
Bon nombre d'entre nous, les Volontaires suédois, sont venus ici,
donnant suite à un appel intérieur. Ils ont tous entendu la même voix
qui disait :
- Tu dois aller en Finlande.
Quelques-uns ne donnent pas de nom à cette voix, ou encore ils
l'appellent tout simplement le « Destin », la
« Fatalité ». D'autres la désignent sous ce vocable :
« Voix du devoir » ou « Voix de la
conscience ».
Mais d'autres savent que c'est la voix même du Seigneur, que c'est
Dieu lui-même qui nous a appelés.
Nous allons combattre pour la vérité et le droit. Nous sommes
venus ici, entraînés par une sainte colère. Mais maintenant cet
enthousiasme ne doit pas dégénérer en brutalité, ni la sainte colère
en une colère non sanctifiée. Un moyen efficace pour entretenir notre
enthousiasme et éloigner de nous la brutalité, c'est la prière.
Certains d'entre vous pensent sans doute :
- Je ne veux, ni ne peux faire de longues prières !
Ce n'est pas de cela qu'il s'agit ! Que ceux qui n'ont pas
l'habitude de prier adressent tout simplement un grand et profond
soupir à notre Seigneur. Ce sera déjà un progrès. Car ce ne sont pas
les mots qui comptent, mais bien la volonté de placer sa propre vie et
celle des autres sous la garde de Dieu.
Je sais une vieille prière de soldat, que chacun de nous pourrait
et devrait prononcer chaque matin que Dieu nous donne.
La voici :
« Mon Dieu, si je devais T'oublier aujourd'hui, Toi, « ne m'oublie pas. »
Cette prière est un bon début. Lorsque, par la suite, vous aurez pris
l'habitude de la prononcer, vous y ajouterez le « Notre
Père » et une prière pour vos bien-aimés, qui,
à la maison, vous attendent en priant pour vous.
Un officier finlandais me racontait hier soir que lorsqu'il
demandait des volontaires pour une affaire dangereuse, la plupart du
temps tout le monde s'annonçait. Et l'homme désigné adressait à un ami
quelques lignes pour le prier, s'il devait ne pas revenir, de prendre
soin de sa femme et de ses enfants. Le plus souvent, ces petites
lettres se terminaient par ces mots :
« Je place tout entre les mains de Dieu. »
Cela aussi est une prière.
Quand le danger s'approche, Dieu aussi s'approche de nous. Mais il
est trop tard de ne le prier qu'à l'heure du danger. « On meurt
comme on vit » dit un proverbe. Quiconque vit comme un ver de
terre, mourra ver de terre. Mais celui qui a su prier sa vie durant,
mourra en priant. Il est donc important de commencer de prier à temps.
La prière véritable ne doit pas être une prière pour soi
seulement. Il faut, avant tout, prier pour les autres. Ainsi nous
maintenons le lien spirituel avec nos bien-aimés en priant pour eux.
Car eux aussi, soyez-en certains, prient pour nous. Et leurs
prières sont bien meilleures, bien plus efficaces que les nôtres, car
elles sont dites par des êtres dont la bonté est réelle. Combien de
fois m'a-t-on répété, avant mon départ :
« Dites à nos enfants que nous prions pour eux ! »
Chers amis, ils sont nombreux là-bas, au pays, ceux qui prient
pour nous. D'abord ceux qui, de tout temps, ont su prier. Et d'autres
aussi, qui auparavant n'avaient jamais prié. Tous élèvent des prières
ardentes en notre faveur et pour notre cause. Faisons donc, nous, tout
ce qui dépend de nous, pour ne pas être humiliés par ces prières.
Nous avons la promesse solennelle que nos prières, faites au nom
de Jésus, seront exaucées. Lorsque nous demandons à revoir les nôtres,
il est possible - si Jésus en décide autrement - que nous ne soyons
pas entendus. Mais si, au contraire, nous demandons dans nos prières
qu'Il nous donne la patience et le courage nécessaires pour aller
jusqu'au bout de notre tâche, alors, tôt ou tard, nous serons
certainement exaucés car une telle prière est dans l'esprit du Christ.
Nul, parmi nous, ne sait ce que nous apportera la nouvelle année.
Nous savons seulement qu'avec cette année nouvelle, une nouvelle
existence commence aussi pour nous. Qu'elle soit donc aussi nouvelle
en esprit. Rapprochons-nous de Dieu et apprenons à le mieux prier. Et
cette année nouvelle sera réellement une bonne année.
Voilà les voeux que nous formons les uns pour les autres, pour
chacun de nous et pour nos familles.
Que Dieu bénisse l'an 1940 ! Amen.
Jésus étant né à Bethléhem en
Judée, aux jours du roi Hérode, des mages d'Orient
arrivèrent à Jérusalem et dirent : Où est le roi des
Juifs qui vient de naître ? Car nous avons vu son
étoile en Orient, et nous sommes venus l'adorer. À cette
nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec
lui. Et ayant assemblé tous les principaux sacrificateurs et
les scribes du peuple, il s'informa auprès d'eux où le
Christ devait naître. Ils lui dirent : C'est à
Bethléhem en Judée ; car voici ce qui a été écrit par
le prophète : « Et toi, Bethléhem, terre de Juda,
tu n'es certainement pas la moindre entre les principales
villes de Juda, car c'est de toi que sortira un chef qui
paîtra Israël mon peuple ». |
Nous lisons aujourd'hui la vieille histoire des trois Mages venus de
l'Orient. Voici le texte de la Sainte Parole.
Au Nom du Christ, notre Seigneur, Amen.
Que Ta Parole nous éclaire, afin que nous ne restions point dans
les ténèbres. Amen.
Ne peut-on pas comparer notre situation à celle des Mages,
lorsqu'ils arrivèrent à Jérusalem ?
N'avons-nous pas vu, nous aussi, une étoile ?
Ne nous sommes-nous pas levés pour suivre l'appel intérieur qui
nous était adressé ?
Nous ne pouvions plus rester à la maison, nous devions partir,
nous devions nous mettre au service de la lumière et de la vérité.
Mais nous ne sommes pas encore au but. Les Mages, eux, parvinrent
tout d'abord jusqu'à Jérusalem, où Hérode, le rusé monarque, chercha à
les induire en erreur. Ils étaient tout près du but : onze
kilomètres à peine les en séparaient. Et cependant ils n'auraient pas
trouvé le chemin de Bethléem s'ils n'avaient été dirigés par des
hommes connaissant les Saintes Écritures. Et ces hommes, avec les
Saintes Écritures, les conduisirent jusqu'au but final : à
Jésus !
Nous aussi, nous sommes maintenant dans notre Jérusalem. Et, pour
nous aussi, il n'y a plus qu'un tout petit bout de chemin avant
d'arriver au but.
Nous aussi, nous avons à faire à un roi Hérode qui cherche à nous
leurrer. Ce roi Hérode s'appelle la fausse sécurité. Hérode désirait
tromper les Mages, parce qu'il en voulait à la vie de l'enfant Jésus.
La fausse sécurité est à l'affût, prête à nous faire abandonner le
meilleur et le plus profond de notre mission.
Quelques-uns se laissent prendre aux appeaux extérieurs : la
vieille histoire du vin et des femmes. Voyons ! Nous ne sommes
tout de même pas venus en Finlande pour nous conduire comme des
pourceaux au « Funk » (2) ou
dans d'autres endroits !
L'étoile qui nous a conduits ici n'attend-elle pas autre chose de
chacun de nous ?
D'autres trébuchent sur des arguments intérieurs. Ils oublient de
quoi il retourne. Ils oublient qu'ils sont venus ici, au risque de
leur vie, pour mener en faveur de la vérité, du droit et de la
liberté, une lutte sanglante.
Je ne veux pas chercher à vous alarmer par des visions d'horreur.
Mais je ne veux pas non plus que notre Corps de Volontaires aille au
devant du danger dans une sorte de fausse sécurité. Nous devons
regarder la vérité brutale en face. Et elle nous dit : Dans un
mois, une partie de ceux qui ont pris place ici, appartiendront à un
autre monde, et d'autres, frappés de blessures terribles, seront
invalides pour le reste de leur vie. Chers amis, êtes-vous prêts à
cette éventualité ? Ou la fausse sécurité vous conduit-elle à
penser que cela pourrait ne pas être aussi grave ? Alors votre
réveil risque bien d'être brutal et sans gloire pour le Corps des
Volontaires suédois !
Seul vivra et mourra, ou vivra et vaincra, comme l'ont fait nos
glorieux ancêtres suédois et finlandais celui qui, regardant en face
le danger et la détresse, sait tout remettre à Dieu.
Nous sommes maintenant dans notre Jérusalem. La fourberie d'Hérode
s'efforce de nous diriger sur de fausses voies. Mais, de même que les
Mages venus d'Orient furent guidés par des hommes intègres et par les
Saintes Écritures, nous aussi nous atteindrons notre but avec l'aide
de nos camarades et conduits par la divine Parole.
Que celui qui a de l'expérience en fasse bénéficier son voisin. Il
faut bien que l'un de vous donne le bon exemple aux autres. Je veux
que nous soyons tous pénétrés d'un vigoureux esprit de corps, que, de
tout en haut jusque tout en bas, du général jusqu'au plus modeste de
nos soldats, cet esprit entraîne les faibles et soutienne les
indécis !
Cherchons nos consignes toujours davantage, et de plein coeur,
dans la Parole de Dieu. Un homme seul est trop faible pour se tenir
sur ses jambes. Nous ne pouvons tenir avec nos propres forces
seulement. Or, pourles hommes, c'est impossible,
mais pour Dieu, toutes choses sont possibles.
Acceptons maintenant, en cette église, en cet instant même, et
humblement, la force que Dieu nous offre. Car le plus courageux dans
la lutte sera celui qui sait que ni la vie ni la mort ne peuvent nous
séparer de l'amour de Dieu.
C'est pourquoi nous Te demandons, Seigneur Jésus, de permettre que
l'étoile de Bethléhem nous conduise auprès de Toi seul. Amen.
Le jour suivant, le Commandant du Corps des Volontaires, le
général Linder, arrivait à Tornea, accompagné de son chef
d'état-major, le lieutenant-colonel Ehrensvärd.
Le Groupe I, sous les ordres du lieutenant-colonel
Dyrssen, avait déjà recruté la moitié de son effectif.
Une petite escadrille aérienne se formait plus à l'Est et
des pièces d'artillerie anti-aérienne entrèrent en action pour la
défense de la ligne du chemin de fer.
Le 9 janvier, le Maréchal Mannerheim, commandant en chef
de l'armée finlandaise, décida qu'aussitôt son organisation
suffisamment avancée, le Corps des Volontaires serait engagé sur le
front Nord.
Et, déjà le 12 janvier, cette troupe reçut le baptême du
feu. L'aviation, sous les ordres du major Beckhammer, attaqua les
positions ennemies près de Märkäjärvi et détruisit quatre avions
russes. Mais ses pertes furent grandes : trois avions de
bombardement perdus, dont deux par télescopage.
Notre aviation, très affaiblie, dut désormais se borner à
contribuer à la défense de nos propres bases.
Dans l'un des textes liturgiques consacrés à ce dimanche, l'Apôtre nous dit :
Soyez joyeux dans l'espérance, patients dans l'affliction, persévérants dans la prière. |
À chaque instant, la Bible nous répète que nous serons heureux, que
nous posséderons la joie parfaite.
Chez nous, la plupart des gens ne voient de lien entre eux
et les paroles de la Bible que lorsqu'interviennent la souffrance et
le deuil. On s'imagine que le christianisme est l'apanage exclusif de
vieilles femmes, de malades et de ceux qui sont dans la peine. Mais
que ce christianisme puisse contenir un message à l'intention d'un
être jeune et sain, cela paraît, à plusieurs, insensé.
Et pourtant, il en est ainsi. La religion n'est pas faite
seulement pour le deuil et la mort. Elle a aussi quelque chose à
donner à la joie et à la vie. Personne, parmi nous, ne peut, sans
christianisme, vivre comme il doit vivre. Personne ne peut, sans être
chrétien, se sentir heureux comme on doit l'être.
Soyez joyeux dans l'espérance.
Être joyeux est le devoir de chaque chrétien. Qui ne sait
pas être joyeux, rompt avec la Loi divine.
Un acteur bien connu des studios, mort récemment, a proposé
cette devise : « Vivre en riant ». Pris dans son
meilleur sens, ce slogan pourrait être une devise chrétienne.
Mais les grands hommes du film n'ont-ils pas faussement interprété ce
que doit être la vraie joie ? Ils croyaient que la joie se
transmet du dehors au dedans. Un visage souriant, une bouche rieuse,
et nous voilà heureux... Quelle énorme erreur !
La vraie, la véritable joie va du dedans au dehors. Elle
naît au fond du coeur et trouve son expression extérieure dans le
sourire ou dans le rire. Mais il ne suffit pas, pour être heureux, de
sourire à la vie. Celui qui est joyeux dans le fond de son âme ne peut
faire autrement que s'épanouir. Comment faire pour toujours être
joyeux ? Est-il possible de l'être ?
Seul, celui qui possède quelque chose dont il est joyeux
peut l'être toujours.
Celui qui cherche son bonheur dans l'alcool, cesse d'être
heureux quand il n'a plus d'alcool. Celui qui place sa joie dans le
plaisir, cesse d'être joyeux, lorsque les plaisirs sont passés. Celui
qui se réjouit égoïstement devient triste dès qu'il va mal. Celui qui
se réjouit dans sa famille, perd sa joie quand sa famille lui est
enlevée. Seul, celui qui place son bonheur dans quelque chose qui
dure, restera joyeux, parce qu'on ne pourra lui enlever l'objet qui
fait sa joie.
Il n'y a qu'une seule chose qui dure à travers tous les
temps, à travers tous les changements de fortune de cette vie
terrestre : l'amour divin. Qui sait que Dieu vit et que Dieu est
amour, doit pouvoir être toujours heureux. Seule l'espérance
chrétienne, que notre famille et nous-mêmes, notre pays, nos
concitoyens, en un mot que tous nous vivons par la grâce de l'amour
divin, seule cette certitude peut, à la longue, maintenir vivante
notre joie.
Celui qui possède cette certitude est patient dans
l'épreuve, car il sait que cette épreuve n'est que passagère et
qu'elle est légère à porter. Quand l'épreuve s'abat sur lui, il se
souvient que le Sauveur a passé par le même chemin pour parvenir - par
la détresse - à la gloire et à la félicité. Et
quand l'épreuve s'abat sur d'autres, qui nous sont proches, et que
notre coeur est prêt à défaillir de peur et de désespoir - alors aussi
nous nous inclinons devant l'insondable Volonté divine. Nous sommes
persuadés que, pour eux aussi, cette période ne sera que de courte
durée, comparée, à la joie et à la félicité éternelle.
Mais comment donc acquiert-on une telle espérance ? En
persévérant dans la prière.
Celle-ci est la fonction respiratoire de la vie chrétienne.
Sans prière, la vie de l'âme dépérit.
Nous aurons, nous aussi, et, peut-être, bien plus tôt que
nous ne le prévoyons, à supporter des efforts immenses. Alors il nous
faudra savoir être joyeux dans l'espérance et savoir prier.
Nous avons ici un devoir magnifique : lutter pour la
vérité et la liberté, et témoigner de l'espérance chrétienne.
Que Dieu nous donne la force d'être joyeux, patients, et
persévérants jusqu'à la victoire finale. Amen.
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