Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

PREMIÈRE PARTIE

LE DÉPART

Les Volontaires partirent, revêtus de leurs vêtements civils, car le gouvernement n'avait pas autorisé une prise d'uniforme sur le sol suédois. Mais sitôt franchie la frontière, à Tornea et à Kemi, le lieutenant-colonel Dyrssen, l'apôtre infatigable d'une intervention armée, était prêt à les recevoir et à les organiser en un corps régulier.
Aussi, le premier jour de l'an de grâce 1940, L'aumônier Akerhielm prononçait-il à Tornea sa première exhortation sur le sol finlandais :



DE LA PRIÈRE

Jésus dit à ses disciples...
Et quoi que vous demandiez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils.

ÉVANGILE SELON St JEAN 14 : 13.

Je désire, en ce premier jour de l'année, vous entretenir de la prière au nom de Jésus.
Lorsqu'en été il fait beau et chaud, personne ne pense à chauffer sa demeure. Mais en hiver, si l'on ne veut pas geler sur place, il faut bien allumer son feu.

Nous avons, nous Suédois, un long été derrière nous. Nous venons de vivre de belles années. Nous n'avions besoin de rien pour nous réchauffer. Nous n'avions pas besoin de Dieu. Mais maintenant les temps rudes et froids sont venus et d'autres temps, plus froids et plus rudes encore, nous attendent. Et notre âme deviendrait de glace si nous n'avions pas un Dieu à qui nous pouvons adresser nos prières.

Bon nombre d'entre nous, les Volontaires suédois, sont venus ici, donnant suite à un appel intérieur. Ils ont tous entendu la même voix qui disait :
- Tu dois aller en Finlande.

Quelques-uns ne donnent pas de nom à cette voix, ou encore ils l'appellent tout simplement le « Destin », la « Fatalité ». D'autres la désignent sous ce vocable :
« Voix du devoir » ou « Voix de la conscience ».

Mais d'autres savent que c'est la voix même du Seigneur, que c'est Dieu lui-même qui nous a appelés.
Nous allons combattre pour la vérité et le droit. Nous sommes venus ici, entraînés par une sainte colère. Mais maintenant cet enthousiasme ne doit pas dégénérer en brutalité, ni la sainte colère en une colère non sanctifiée. Un moyen efficace pour entretenir notre enthousiasme et éloigner de nous la brutalité, c'est la prière.
Certains d'entre vous pensent sans doute :
- Je ne veux, ni ne peux faire de longues prières !

Ce n'est pas de cela qu'il s'agit ! Que ceux qui n'ont pas l'habitude de prier adressent tout simplement un grand et profond soupir à notre Seigneur. Ce sera déjà un progrès. Car ce ne sont pas les mots qui comptent, mais bien la volonté de placer sa propre vie et celle des autres sous la garde de Dieu.

Je sais une vieille prière de soldat, que chacun de nous pourrait et devrait prononcer chaque matin que Dieu nous donne.
La voici :

« Mon Dieu, si je devais T'oublier aujourd'hui, Toi, « ne m'oublie pas. »

Cette prière est un bon début. Lorsque, par la suite, vous aurez pris l'habitude de la prononcer, vous y ajouterez le « Notre Père » et une prière pour vos bien-aimés, qui, à la maison, vous attendent en priant pour vous.

Un officier finlandais me racontait hier soir que lorsqu'il demandait des volontaires pour une affaire dangereuse, la plupart du temps tout le monde s'annonçait. Et l'homme désigné adressait à un ami quelques lignes pour le prier, s'il devait ne pas revenir, de prendre soin de sa femme et de ses enfants. Le plus souvent, ces petites lettres se terminaient par ces mots :
« Je place tout entre les mains de Dieu. »
Cela aussi est une prière.

Quand le danger s'approche, Dieu aussi s'approche de nous. Mais il est trop tard de ne le prier qu'à l'heure du danger. « On meurt comme on vit » dit un proverbe. Quiconque vit comme un ver de terre, mourra ver de terre. Mais celui qui a su prier sa vie durant, mourra en priant. Il est donc important de commencer de prier à temps.

La prière véritable ne doit pas être une prière pour soi seulement. Il faut, avant tout, prier pour les autres. Ainsi nous maintenons le lien spirituel avec nos bien-aimés en priant pour eux.

Car eux aussi, soyez-en certains, prient pour nous. Et leurs prières sont bien meilleures, bien plus efficaces que les nôtres, car elles sont dites par des êtres dont la bonté est réelle. Combien de fois m'a-t-on répété, avant mon départ :
« Dites à nos enfants que nous prions pour eux ! »

Chers amis, ils sont nombreux là-bas, au pays, ceux qui prient pour nous. D'abord ceux qui, de tout temps, ont su prier. Et d'autres aussi, qui auparavant n'avaient jamais prié. Tous élèvent des prières ardentes en notre faveur et pour notre cause. Faisons donc, nous, tout ce qui dépend de nous, pour ne pas être humiliés par ces prières.

Nous avons la promesse solennelle que nos prières, faites au nom de Jésus, seront exaucées. Lorsque nous demandons à revoir les nôtres, il est possible - si Jésus en décide autrement - que nous ne soyons pas entendus. Mais si, au contraire, nous demandons dans nos prières qu'Il nous donne la patience et le courage nécessaires pour aller jusqu'au bout de notre tâche, alors, tôt ou tard, nous serons certainement exaucés car une telle prière est dans l'esprit du Christ.

Nul, parmi nous, ne sait ce que nous apportera la nouvelle année. Nous savons seulement qu'avec cette année nouvelle, une nouvelle existence commence aussi pour nous. Qu'elle soit donc aussi nouvelle en esprit. Rapprochons-nous de Dieu et apprenons à le mieux prier. Et cette année nouvelle sera réellement une bonne année.

Voilà les voeux que nous formons les uns pour les autres, pour chacun de nous et pour nos familles.

Que Dieu bénisse l'an 1940 ! Amen.



ÊTES-VOUS PRÊTS ?

DU DANGER DE RESTER EN ROUTE (1)


Jésus étant né à Bethléhem en Judée, aux jours du roi Hérode, des mages d'Orient arrivèrent à Jérusalem et dirent : Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus l'adorer. À cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui. Et ayant assemblé tous les principaux sacrificateurs et les scribes du peuple, il s'informa auprès d'eux où le Christ devait naître. Ils lui dirent : C'est à Bethléhem en Judée ; car voici ce qui a été écrit par le prophète : « Et toi, Bethléhem, terre de Juda, tu n'es certainement pas la moindre entre les principales villes de Juda, car c'est de toi que sortira un chef qui paîtra Israël mon peuple ».

Alors Hérode ayant appelé les mages en secret, s'enquit exactement auprès d'eux du temps où l'étoile était apparue, et, les envoyant à Bethléhem, il leur dit : Allez et prenez des informations exactes sur ce petit enfant ; et, quand vous l'aurez trouvé. faites-le moi savoir, afin que j'aille, moi aussi l'adorer. Eux donc, après avoir entendu le roi, partirent. Et voici que l'étoile, qu'ils avaient vue en Orient, allait devant eux, jusqu'à ce qu'étant arrivée au-dessus du lieu où était le petit enfant, elle s'arrêta. À la vue de l'étoile, ils eurent une fort grande joie. Étant entrés dans la maison, ils virent le petit enfant avec Marie sa mère, et, se prosternant devant lui, ils l'adorèrent ; puis ils ouvrirent leurs trésors, et lui présentèrent des dons, de l'or, de l'encens et de la myrrhe. Ensuite, ayant été divinement avertis par un songe de ne pas retourner auprès d'Hérode, ils se retirèrent dans leur pays par un autre chemin.

ÉVANGILE SELON St MATTHIEU 2 : 1 à 12.

Nous lisons aujourd'hui la vieille histoire des trois Mages venus de l'Orient. Voici le texte de la Sainte Parole.
Au Nom du Christ, notre Seigneur, Amen.
Que Ta Parole nous éclaire, afin que nous ne restions point dans les ténèbres. Amen.

Ne peut-on pas comparer notre situation à celle des Mages, lorsqu'ils arrivèrent à Jérusalem ?
N'avons-nous pas vu, nous aussi, une étoile ?
Ne nous sommes-nous pas levés pour suivre l'appel intérieur qui nous était adressé ?

Nous ne pouvions plus rester à la maison, nous devions partir, nous devions nous mettre au service de la lumière et de la vérité.
Mais nous ne sommes pas encore au but. Les Mages, eux, parvinrent tout d'abord jusqu'à Jérusalem, où Hérode, le rusé monarque, chercha à les induire en erreur. Ils étaient tout près du but : onze kilomètres à peine les en séparaient. Et cependant ils n'auraient pas trouvé le chemin de Bethléem s'ils n'avaient été dirigés par des hommes connaissant les Saintes Écritures. Et ces hommes, avec les Saintes Écritures, les conduisirent jusqu'au but final : à Jésus !

Nous aussi, nous sommes maintenant dans notre Jérusalem. Et, pour nous aussi, il n'y a plus qu'un tout petit bout de chemin avant d'arriver au but.

Nous aussi, nous avons à faire à un roi Hérode qui cherche à nous leurrer. Ce roi Hérode s'appelle la fausse sécurité. Hérode désirait tromper les Mages, parce qu'il en voulait à la vie de l'enfant Jésus.
La fausse sécurité est à l'affût, prête à nous faire abandonner le meilleur et le plus profond de notre mission.
Quelques-uns se laissent prendre aux appeaux extérieurs : la vieille histoire du vin et des femmes. Voyons ! Nous ne sommes tout de même pas venus en Finlande pour nous conduire comme des pourceaux au « Funk » (2) ou dans d'autres endroits !
L'étoile qui nous a conduits ici n'attend-elle pas autre chose de chacun de nous ?
D'autres trébuchent sur des arguments intérieurs. Ils oublient de quoi il retourne. Ils oublient qu'ils sont venus ici, au risque de leur vie, pour mener en faveur de la vérité, du droit et de la liberté, une lutte sanglante.

Je ne veux pas chercher à vous alarmer par des visions d'horreur. Mais je ne veux pas non plus que notre Corps de Volontaires aille au devant du danger dans une sorte de fausse sécurité. Nous devons regarder la vérité brutale en face. Et elle nous dit : Dans un mois, une partie de ceux qui ont pris place ici, appartiendront à un autre monde, et d'autres, frappés de blessures terribles, seront invalides pour le reste de leur vie. Chers amis, êtes-vous prêts à cette éventualité ? Ou la fausse sécurité vous conduit-elle à penser que cela pourrait ne pas être aussi grave ? Alors votre réveil risque bien d'être brutal et sans gloire pour le Corps des Volontaires suédois !

Seul vivra et mourra, ou vivra et vaincra, comme l'ont fait nos glorieux ancêtres suédois et finlandais celui qui, regardant en face le danger et la détresse, sait tout remettre à Dieu.

Nous sommes maintenant dans notre Jérusalem. La fourberie d'Hérode s'efforce de nous diriger sur de fausses voies. Mais, de même que les Mages venus d'Orient furent guidés par des hommes intègres et par les Saintes Écritures, nous aussi nous atteindrons notre but avec l'aide de nos camarades et conduits par la divine Parole.
Que celui qui a de l'expérience en fasse bénéficier son voisin. Il faut bien que l'un de vous donne le bon exemple aux autres. Je veux que nous soyons tous pénétrés d'un vigoureux esprit de corps, que, de tout en haut jusque tout en bas, du général jusqu'au plus modeste de nos soldats, cet esprit entraîne les faibles et soutienne les indécis !

Cherchons nos consignes toujours davantage, et de plein coeur, dans la Parole de Dieu. Un homme seul est trop faible pour se tenir sur ses jambes. Nous ne pouvons tenir avec nos propres forces seulement. Or, pourles hommes, c'est impossible, mais pour Dieu, toutes choses sont possibles.

Acceptons maintenant, en cette église, en cet instant même, et humblement, la force que Dieu nous offre. Car le plus courageux dans la lutte sera celui qui sait que ni la vie ni la mort ne peuvent nous séparer de l'amour de Dieu.
C'est pourquoi nous Te demandons, Seigneur Jésus, de permettre que l'étoile de Bethléhem nous conduise auprès de Toi seul. Amen.

Le jour suivant, le Commandant du Corps des Volontaires, le général Linder, arrivait à Tornea, accompagné de son chef d'état-major, le lieutenant-colonel Ehrensvärd.
Le Groupe I, sous les ordres du lieutenant-colonel Dyrssen, avait déjà recruté la moitié de son effectif.
Une petite escadrille aérienne se formait plus à l'Est et des pièces d'artillerie anti-aérienne entrèrent en action pour la défense de la ligne du chemin de fer.

Le 9 janvier, le Maréchal Mannerheim, commandant en chef de l'armée finlandaise, décida qu'aussitôt son organisation suffisamment avancée, le Corps des Volontaires serait engagé sur le front Nord.

Et, déjà le 12 janvier, cette troupe reçut le baptême du feu. L'aviation, sous les ordres du major Beckhammer, attaqua les positions ennemies près de Märkäjärvi et détruisit quatre avions russes. Mais ses pertes furent grandes : trois avions de bombardement perdus, dont deux par télescopage.

Notre aviation, très affaiblie, dut désormais se borner à contribuer à la défense de nos propres bases.



L'AMOUR DE DIEU EST NOTRE JOIE

LA DÉCISION PRISE, IL FAUT L'EXÉCUTER CHAQUE JOUR (3)

Dans l'un des textes liturgiques consacrés à ce dimanche, l'Apôtre nous dit :

Soyez joyeux dans l'espérance, patients dans l'affliction, persévérants dans la prière.

ÉPÎTRE Aux ROMAINS 12: 12.

À chaque instant, la Bible nous répète que nous serons heureux, que nous posséderons la joie parfaite.

Chez nous, la plupart des gens ne voient de lien entre eux et les paroles de la Bible que lorsqu'interviennent la souffrance et le deuil. On s'imagine que le christianisme est l'apanage exclusif de vieilles femmes, de malades et de ceux qui sont dans la peine. Mais que ce christianisme puisse contenir un message à l'intention d'un être jeune et sain, cela paraît, à plusieurs, insensé.
Et pourtant, il en est ainsi. La religion n'est pas faite seulement pour le deuil et la mort. Elle a aussi quelque chose à donner à la joie et à la vie. Personne, parmi nous, ne peut, sans christianisme, vivre comme il doit vivre. Personne ne peut, sans être chrétien, se sentir heureux comme on doit l'être.
Soyez joyeux dans l'espérance.
Être joyeux est le devoir de chaque chrétien. Qui ne sait pas être joyeux, rompt avec la Loi divine.

Un acteur bien connu des studios, mort récemment, a proposé cette devise : « Vivre en riant ». Pris dans son meilleur sens, ce slogan pourrait être une devise chrétienne. Mais les grands hommes du film n'ont-ils pas faussement interprété ce que doit être la vraie joie ? Ils croyaient que la joie se transmet du dehors au dedans. Un visage souriant, une bouche rieuse, et nous voilà heureux... Quelle énorme erreur !

La vraie, la véritable joie va du dedans au dehors. Elle naît au fond du coeur et trouve son expression extérieure dans le sourire ou dans le rire. Mais il ne suffit pas, pour être heureux, de sourire à la vie. Celui qui est joyeux dans le fond de son âme ne peut faire autrement que s'épanouir. Comment faire pour toujours être joyeux ? Est-il possible de l'être ?
Seul, celui qui possède quelque chose dont il est joyeux peut l'être toujours.

Celui qui cherche son bonheur dans l'alcool, cesse d'être heureux quand il n'a plus d'alcool. Celui qui place sa joie dans le plaisir, cesse d'être joyeux, lorsque les plaisirs sont passés. Celui qui se réjouit égoïstement devient triste dès qu'il va mal. Celui qui se réjouit dans sa famille, perd sa joie quand sa famille lui est enlevée. Seul, celui qui place son bonheur dans quelque chose qui dure, restera joyeux, parce qu'on ne pourra lui enlever l'objet qui fait sa joie.

Il n'y a qu'une seule chose qui dure à travers tous les temps, à travers tous les changements de fortune de cette vie terrestre : l'amour divin. Qui sait que Dieu vit et que Dieu est amour, doit pouvoir être toujours heureux. Seule l'espérance chrétienne, que notre famille et nous-mêmes, notre pays, nos concitoyens, en un mot que tous nous vivons par la grâce de l'amour divin, seule cette certitude peut, à la longue, maintenir vivante notre joie.

Celui qui possède cette certitude est patient dans l'épreuve, car il sait que cette épreuve n'est que passagère et qu'elle est légère à porter. Quand l'épreuve s'abat sur lui, il se souvient que le Sauveur a passé par le même chemin pour parvenir - par la détresse - à la gloire et à la félicité. Et quand l'épreuve s'abat sur d'autres, qui nous sont proches, et que notre coeur est prêt à défaillir de peur et de désespoir - alors aussi nous nous inclinons devant l'insondable Volonté divine. Nous sommes persuadés que, pour eux aussi, cette période ne sera que de courte durée, comparée, à la joie et à la félicité éternelle.

Mais comment donc acquiert-on une telle espérance ? En persévérant dans la prière.
Celle-ci est la fonction respiratoire de la vie chrétienne. Sans prière, la vie de l'âme dépérit.

Nous aurons, nous aussi, et, peut-être, bien plus tôt que nous ne le prévoyons, à supporter des efforts immenses. Alors il nous faudra savoir être joyeux dans l'espérance et savoir prier.

Nous avons ici un devoir magnifique : lutter pour la vérité et la liberté, et témoigner de l'espérance chrétienne.

Que Dieu nous donne la force d'être joyeux, patients, et persévérants jusqu'à la victoire finale. Amen.

1. Prédication à Tornea le Jour des Rois, samedi le 6 janvier 1940. 
2. Un restaurant bien connu de Tornea. 
3. Dimanche, 14 janvier, dans l'église de Tornea. 
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