DANS LE MONDE DE LA FOI
Avec
Abraham
VI
La foi trempe les coeurs.
« Un fuyard vint
l'annoncer à Abram, l'Hébreu ;
celui-ci habitait parmi les chênes de
Mamré, Amoréen, frère
d'Eschcol, et frère d'Aner, qui avait fait
alliance avec Abram. Dès qu'Abram eut appris
que son frère avait été fait
prisonnier, il arma trois cent dix-huit de ses plus
braves serviteurs, nés dans sa maison, et il
poursuivit les rois jusqu'à Dan. Il divisa
sa troupe, pour les attaquer de nuit, lui et ses
serviteurs ; il les battit, et les poursuivit
jusqu'à Choba qui est à la gauche de
Damas. Il ramena toutes les richesses ; il
ramena aussi Lot, son frère, avec ses biens,
ainsi que les femmes et le
peuple. »
Genèse XIV, 13-16.
1. Foi et bravoure.
La foi se montre souvent en ce monde sous
des figures propres à scandaliser. Elle nous
apparaîtra sous des images qui heurteront
notre sens du beau, notre sens esthétique.
Je songe à Lazare, couché dans le
voisinage de la porte du riche, avec son corps
couvert d'ulcères, avec les chiens qui
l'entourent et qui lèchent ses plaies.
Regardez encore cette pécheresse,
peut-être devrais-je dire cette
prostituée, qui pleure aux pieds de
Jésus, enfin ce brigand justement
crucifié à cause de ses crimes, mais
qui n'était pas digne de l'être dans
le voisinage du Seigneur. Voilà les exemples
de foi qui nous sont présentés dans
l'Évangile. Et Jésus dit de la femme
tombée : « Ses
péchés qui sont en grand nombre lui
sont pardonnés - » il lui dit,
à elle : « Va en
paix ! » C'est à ce brigand
mis en croix près de lui que Jésus
ouvre la porte du paradis. Nous lisons de Lazare
qu'il fut porté par des anges dans le sein
d'Abraham. Quel changement dans la situation de ces
pécheurs !
Ah ! demandons à Dieu quelque
puissant collyre, en sorte que nos yeux apprennent
à découvrir, sous tous ses
déguisements extérieurs, la
véritable foi. Malheur à nous, si
nous allions méconnaître les humbles
que le Seigneur a choisis, accabler de notre
mépris les petits qui sont
l'objet de toute sa bienveillance. Il s'agit de
nous dépouiller de notre pharisaïsme,
de renoncer à nos préjugés
mondains et charnels, de cesser de voir la
beauté là où le monde
l'aperçoit. N'allons pas nous laisser
prévenir défavorablement par un
certain manque d'éducation, de
manières, par une certaine étroitesse
de vues qui n'est point rare chez les enfants de
Dieu !
Les manifestations souvent si
étranges de la foi ne l'empêchent pas
de porter parfois aussi des fruits que le monde
lui-même est obligé de louer. Notre
texte nous montre Abram accomplissant un acte de
valeur guerrière, dont la grandeur ne
saurait échapper à personne. Relisons
encore une fois ce récit :
Abram est assis, plongé dans la
méditation, à l'ombre de sa tente.
Une légère brise fait frémir
les cimes des chênes de Mamré. Dans le
voisinage et au loin, sur les collines, dans les
vallées paissent des troupeaux de chameaux,
d'ânes, de boeufs ; on entend les
bergers et les bergères
s'entre-répondre. Nous percevons les sons du
chalumeau. Abram écoute vaguement, quand
tout à coup paraît devant lui un
messager couvert de sueur, avec de la cendre sur la
tête. C'est un messager de mauvaises
nouvelles. Il annonce que les rois du nord ont
envahi la vallée de Siddim, mis tout
à feu et à sang. Ils se sont
emparés du butin qu'ils pouvaient
transporter. Ils ont emmené prisonniers les
habitants et, parmi eux, Lot, le neveu d'Abram.
Nous nous représentons la manière
dont Abram accueille ce message. Mais nous ne
doutions pas, avant d'avoir lu ou entendu la suite
du récit, qu'Abram allait avoir
l'idée de délivrer les
prisonniers.
Il eut cette idée, le
patriarche ! Alors que toutes les têtes
s'inclinent languissamment comme des roseaux au
souffle du vent, le croyant porte haut la sienne
par la puissance de la foi. La figure du noble
vieillard s'est tout à coup
illuminée. Il vient d'avoir une inspiration
et a pris une virile décision. Mamré,
avec ses chênes et ses palmiers, se
transformera en un camp militaire. Abram a
armé tous ceux de ses serviteurs qui sont en
état de porter les
armes ; même il recourt aux bons offices
de ses voisins, qui lui prêtent leurs hommes.
Et le patriarche, le glaive en main, se met
à la tête d'une vaillante petite
troupe, laquelle ne demande qu'à poursuivre
les envahisseurs.
Bientôt les guerriers d'Abram
atteignent le corps ennemi chargé de la
garde des prisonniers. Le détachement en
question marche et campe sans défiance.
À la faveur des ténèbres, il
est entouré d'ennemis. Abram le taille en
pièces. En cette circonstance, Abram se
révèle donc à nous sous un
nouvel aspect. Il laisse transparaître des
qualités de vigueur que nous ne
soupçonnions pas en lui : la
résolution, le courage, l'ardeur
guerrière, la connaissance de l'art de la
guerre. Tandis que les restes du corps ennemi, sous
le coup d'une véritable frayeur de Dieu,
s'enfuient vers le nord, Abram revient
triomphalement à son campement. Avec une
noble fierté, il refusera le butin offert,
pour payer ses services, par le roi de Sodome.
Abram a bien voulu secourir l'impie qui se trouve
dans la détresse, il repousse ses dons.
(v. 17 -
v. 21-24).
Quiconque n'a point l'expérience de
la foi s'étonnera du changement qui se
produit en Abram. Dans le monde, ceux qui ont des
vertus viriles manquent en général
des vertus féminines - l'inverse est
également vrai. La douceur, la patience, le
dévouement ne s'unissent que rarement,
convenez-en, dans le monde, à l'esprit
d'initiative, au courage et à la force.
Mais l'homme qui marche avec Dieu est
obligé de s'efforcer de revêtir les
vertus les plus opposées. Sa vocation est de
tendre à réaliser l'image
complète de Dieu, de Jésus-Christ. Il
prend dès lors pour modèle toutes les
perfections. Le même Abram qui est prêt
à renoncer à chaque instant à
sa volonté pour accomplir la volonté
divine, à se dépouiller de ses droits
vis-à-vis de Lot dans l'intérêt
de la paix, sait aussi combattre comme un guerrier.
Il a la douceur de l'agneau et le courage du lion.
Ainsi Luther, dans la même heure, jouait avec
un petit enfant, adressait à Dieu des
supplications pleines d'une
véhémence qui a
été rarement égalée,
faisait retentir le tonnerre des jugements divins
contre la papauté, d'une telle force que le
monde en était tout tremblant. L'homme qui
vole avec compassion au secours de ses
frères, saura aussi se tenir debout au
milieu des ennemis, le front levé vers le
ciel.
Exploit étonnant que celui d'Abram,
car c'est en faveur des habitants de Sodome et de
Lot que le patriarche a tiré le
glaive ! Il n'ignorait point que les habitants
de la contrée de Siddim étaient les
êtres les plus corrompus. Il lui eût
été aisé de déclarer
que l'invasion qui avait fondu sur eux était
le juste châtiment de leurs crimes. Parlant
ainsi il ne se fût nullement trompé.
Mais Abram avait mieux à faire que de
dénoncer la vengeance divine. Il laissa le
jugement à Dieu et s'occupa de
réparer le désastre. L'enfant de Dieu
aime plutôt à bénir qu'à
maudire. Et nous avons, sous ce rapport, je le
crains, beaucoup à apprendre.
Vous entendez dire qu'un train de plaisir,
mis en mouvement le dimanche, a
déraillé ; aussitôt de
vous écrier : « Le doigt de
Dieu est là. Dieu a voulu punir les
profanateurs de son saint jour ! »
Un théâtre brûle, l'incendie
fait de nombreuses victimes ; un grand nombre
de chrétiens ne feront d'autre commentaire
sur l'événement que celui-ci :
« Dieu a parlé dans sa
colère. On ne se joue pas de
Dieu. » Je veux qu'ils n'aient pas
entièrement tort de s'exprimer ainsi mais
n'est-il pas une seconde note aussi à faire
entendre ?
Abram savait qu'il y avait dans la
captivité des enfants de Sodome une
punition ; néanmoins, il se sent tout
d'abord pressé de leur témoigner de
la compassion. Assurément, il pense tout
d'abord à son neveu ; c'est pour son
neveu qu'il entreprend son expédition
guerrière. Mais cela même ne
prouverait-il pas la charité d'Abram ?
Lot ne s'était-il pas conduit envers son
oncle avec un manque blessant
d'égards ? N'avait-il pas fait bon
marché des intérêts de son
âme devant quelques pâturages bien
gras ? Un ressentiment de la conduite
légère de son neveu
aurait pu facilement subsister dans l'âme du
père des croyants. Il aurait pu citer
quelque proverbe équivalant au mot
vulgaire : « Comme on fait son lit,
on se couche. » Il aurait pu
s'écrier : « Mais mon neveu
n'a que ce qu'il mérite ! »
Il ne le fait pas. Il nous laisse, par le secours
qu'il porte à Lot, un bel exemple de l'oubli
du péché. Gardons-nous, je vous en
prie, de triompher du malheur d'autrui ! Cette
coutume invétérée est une
peste, l'indice certain de l'étroitesse des
vues, de la dureté du coeur. Le croyant qui
marche avec Dieu sait que, si Dieu ne lui prenait
à chaque instant la main, il serait perdu.
Le vrai croyant vit de pardon ; il use
dès lors de pardon envers les autres. Seuls
les pharisiens se défendent
complètement d'avoir des sentiments de
miséricorde.
Ces réflexions seraient-elles
inopportunes ? Ne nous arrive-t-il pas trop
souvent d'entendre des cris de joie à la vue
du malheur d'autrui, chez ceux qui professent
ouvertement le christianisme ? Et n'en faut-il
pas conclure que la secte des pharisiens a de
nombreux représentants parmi nous ?
2. Foi et patriotisme.
Je crois qu'il faut chercher plus profond
encore les motifs de la transformation subite qui
fait d'Abram un prince guerrier. Il y avait dans
l'acte d'Abram une sorte de patriotisme. Sans doute
Canaan n'était pas à proprement
parler la patrie d'Abram. Il était
étranger et voyageur dans ce pays. Mais, par
la foi, le patriarche était appelé
à considérer cette terre comme la
future propriété de sa
postérité. Par la foi, Abram
était déjà par avance le
maître du sol qu'il foulait aux pieds. Et
s'il en était le seigneur, il devait en
être aussi le protecteur, le père.
À ce point de vue, Abram est justifié
d'user du droit qui appartient aux souverains de
déclarer la guerre, pour protéger les
faibles et garantir des vies. Je crois qu'Abram
s'est placé à ce point de vue et que
de là procédait l'assurance qu'il
avait d'être victorieux.
Chacun raisonne à sa façon.
Celui-ci ne voit ici-bas que l'argent ;
celui-là est affamé de jouissances
sensuelles, un autre de plaisirs artistiques ;
l'ambitieux n'aperçoit devant lui qu'une
réputation à conquérir.
Examinez-vous, mon frère, pour savoir de
quel point de vue vous embrassez la vie ! Si
vous êtes sincère, vous
répondrez sans doute : « Je
la considère tantôt d'un premier point
de vue, tantôt d'un second. La pensée
de Dieu, de mon âme immortelle, me guide en
nombre de cas ; dans d'autres cas,
j'obéis à des impulsions
mondaines. » Mon frère, une telle
division de l'esprit est propre à troubler..
Impossible en effet d'avoir une vraie paix, un vrai
bonheur dans de telles conditions.
Assurément, il n'a été et ne
sera permis à aucun homme, excepté
Christ, de tenir perpétuellement les yeux
fixés sur le ciel, tout en accomplissant une
oeuvre terrestre. Abram lui-même, je l'avoue,
n'est point digne à cet égard de
délier la courroie des souliers de son
illustre descendant. Cependant, si le patriarche ne
s'est pas toujours, en toutes ses actions,
laissé guider entièrement par la foi,
la foi demeure le principe dirigeant de son
activité. Ce à quoi il aspire, c'est
à la victoire de l'esprit sur les instincts
de sa chair. Et il s'en faut encore beaucoup, je le
crains, que nous suivions son exemple.
Vous vous écriez :
« Pourquoi le suivre ? Le moyen de
manquer sa vie en ce monde, n'est-ce pas de fixer
les yeux plus loin que cette
terre ? » J'ai connu, je le
confesse, des saints qui, en regardant les
étoiles, finissaient par buter et se laisser
choir. Il y a eu à toutes les époques
des croyants déséquilibrés,
nourrissant la persuasion qu'on est assuré
de posséder les biens éternels en
prononçant un perpétuel Mené
Thekel sur les joies et les beautés de la
vie. Des enthousiastes imaginent aussi que le
suprême effort de la piété est
de soulever les voiles de l'avenir, d'arriver
à connaître les phases de
l'avènement du Royaume des cieux. Ils se
perdent dans leurs rêves, au lieu de chercher
tout simplement à réaliser la
volonté de Dieu, clairement
révélée dans
l'Écriture.
Combien de chrétiens bien
intentionnés, sans doute, ont
dépensé, leurs forces à
vouloir nous prouver que le jour du Seigneur est
à la porte ! Pas plus tard qu'hier, je
recevais, des confins de la Russie, une lettre,
longue d'une aune, dont l'auteur croit avoir
trouvé un moyen infaillible de comprendre
les Écritures. C'est une nouvelle pierre
philosophale. Il interprète, grâce
à elle, les prophéties, et est
arrivé à la conviction que nous
touchons aux derniers temps, qu'il s'agit, en vue
de l'imminence des dernières catastrophes,
de rassembler les élus. Cet heureux mortel a
découvert aussi le coin de terre
privilégié où le Seigneur fera
sentir sa protection aux siens.
On sait que lors de la ruine de
Jérusalem les disciples de Jésus,
prévenus d'avance par le Maître,
s'enfuirent à l'approche des Romains, dans
la petite ville de Pella, située en
Pérée. Notre homme connaît un
Pella pour les chrétiens des derniers jours.
Il me demande seulement de l'aider à y
réunir les élus. Il joint à sa
lettre le manuscrit d'un recueil de cantiques, d'un
catéchisme, préparés pour la
nouvelle communauté. Brave homme ! Le
ton de sa lettre prouve sa piété.
Malheureusement, il manque totalement de bon sens
dans sa foi. Dans sa préoccupation de la fin
du monde, il risque évidemment de
négliger de petits devoirs, en particulier
le témoignage chrétien rendu par une
vie fidèle, qui est si important.
Tous les disciples de Jésus sont
invités à devenir la lumière
et le sel de la terre. Mais pour l'être il
faut le vouloir de tout son coeur, et non pas
à demi. Il faut se donner entièrement
à sa vocation. Dire que les chrétiens
doivent perdre de vue les choses de la terre pour
ne songer qu'à l'éternité,
c'est calomnier l'Évangile. Ce qui est vrai,
c'est que les chrétiens ne voient pas le but
de la vie terrestre dans celle-ci. Ils s'envisagent
comme des semeurs. Au milieu des multiples soucis,
des rencontres sans nombre de l'existence, ils ont
sans cesse devant les yeux cette
vérité : « 0 homme, ce
que tu sèmes dans le temps, tu le
moissonneras dans
l'éternité. » Notre
éternité sort du temps ; chacune
de nos heures est un grain
de semence jeté en terre. Oui, chacun de
nos actes d'amour, de patience, chacune de nos
négligences porteront leurs fruits. Il y
aura des fruits bénis et des fruits maudits.
Sans tomber dans l'erreur de ceux qui, à
force de regarder le ciel, oublient le
présent, sachons donc travailler pour
l'éternité.
Permettez-moi une petite parabole. Deux
hommes sont devant un sac de blé. Lequel se
montrera le plus sage, de celui qui dira :
« Hâtons-nous de jouir, de
transformer ce grain en farine, pour en faire du
pain ; » ou de celui qui dira :
« Semons ce blé ; dans
quelques mois, nous le retrouverons
multiplié. » Appliquez, lecteur,
cette comparaison à la connaissance de
l'Évangile. Ne vous bornez pas à en
jouir, mais que celle-ci fructifie abondamment pour
vous, en fructifiant pour les autres, dans le temps
et dans l'éternité !
Nous avons le droit d'affirmer que les vrais
chrétiens, par cela qu'ils se savent les
ouvriers d'un avenir éternel de bonheur pour
eux et pour les autres, sont les grands
bienfaiteurs de l'humanité. Soutenus par la
conscience de leur noble vocation, ils mettent
toutes leurs forces au service de la
charité, de la compassion et de la
miséricorde, Leur vie est la meilleure
justification de leur foi, de l'Évangile.
Mais, pour en revenir à nous, car il en faut
toujours revenir à nous, à quoi nous
servira qu'Abram, Paul, Luther, Spener et tant
d'autres aient rendu à l'Évangile
l'admirable témoignage d'une existence
consacrée aux hommes, parce qu'elle
était consacrée à Dieu, si
nous ne marchons pas sur les traces de ces grands
chrétiens ?
La foi, qui est la semence de toutes les
nobles vertus, l'est aussi du plus pur patriotisme.
Abram en est la preuve, avec tous les
prophètes, les hommes de Dieu de l'histoire
d'Israël, avec Paul qui voudrait être
anathème pour que son peuple fût
sauvé. À toutes les époques de
l'histoire du christianisme, vous verrez que les
grands chrétiens ont su ardemment aimer leur
patrie terrestre. Est-ce que Martin Luther, par la
Réformation, n'a pas mieux
servi sa patrie allemande, que l'olympien Goethe
qui, au bruit de la canonnade de lena, poursuivait
tranquillement ses études
scientifiques ? N'aurez-vous pas plus de
confiance dans le patriotisme d'un Maurice Arndt,
pour lequel « la première vertu de
l'homme est la foi » que dans celui d'un
Heine, qui passe en ricanant devant la croix de
Christ.
Que les chrétiens, en un sens, soient
citoyens du monde entier, je n'en disconviens pas.
N'attendent-ils pas le jour béni, où
il n'y aura qu'un troupeau et qu'un berger ?
Ne faut-il pas qu'ils voient dans chaque peuple un
membre de cette future humanité qui
embrassera, dans son unité
supérieure, toutes les nations ? Tout
homme enfin n'est-il pas pour eux un frère
en Adam et un frère en Christ ? Mais
les chrétiens sont aussi des patriotes. Sans
doute, si l'on confond le patriotisme avec le
chauvinisme, avec le zèle de l'esprit de
parti, le chrétien n'est point patriote.
Mais, si l'essence du patriotisme est le
dévouement, l'oubli de soi, l'amour du bien,
de la vérité, de la liberté,
les meilleurs patriotes seront les disciples
fervents de Jésus. Les qualités que
nous venons d'indiquer ne sont-elles pas en effet
proprement les qualités maîtresses de
Christ ?
Souvenons-nous d'ailleurs que le disciple de
Christ ne voudra pas plus que lui séparer ce
que Dieu a joint. Ce que Dieu a joint, ce ne sont
pas seulement les époux, les membres d'une
même famille, ce sont encore les citoyens
d'une même nation. Ceux-ci ne sont-ils pas
unis par les liens d'un même sang, d'une
même langue, d'un même passé
historique, des mêmes moeurs ? Dans le
ciel, il n'y aura plus ni homme ni femme ; de
même il n'y aura plus ni Anglais, ni
Français, ni Chinois, mais tous seront un en
Christ. En attendant cet avenir bienheureux, nous
avons à nous mouvoir au sein de groupes et
de corps, dont nous sommes partie et membres ;
nous avons de plus à défendre les
sociétés naturelles, fût-ce par
le glaive, contre ceux qui les attaquent.
Souvenons-nous de la parole : « Que
l'homme ne sépare pas ce que Dieu a
joint, » et nous
comprendrons que l'amour de la patrie puisse nous
mettre les armes à la main contre un
envahisseur.
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