Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



AVANT L'AURORE
APPEL AUX HOMMES


PREMIÈRE PARTIE

Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? (ESAÏE XXI, 11.)
La nuit est passée et le jour est proche. (Rom. XIII, 12.)

 

Le langage de cet appel ne sera pas compris de tous. Celui qui le parle pleure sur le péché, et il s'adresse à tous ceux qui, à n'importe quel degré, mènent ce deuil avec lui.

Il en est parmi nous qui ont perdu l'estime de leurs semblables pour avoir fait une chute morale ; à la conscience de leur misère se joint encore ce douloureux sentiment de la réprobation de la société. D'autres ont au fond du coeur un péché et une honte cachée, tandis que leur réputation reste intacte et qu'ils marchent le front haut dans le monde. Il en est aussi qui n'ont fait aucun mal positif à leurs semblables, mais qui néanmoins sont remplis d'une profonde douleur à cause de ce péché incessant de l'âme contre Dieu. Et d'autres qui dans la sainteté et le renoncement ont mis leur vie entière au service de leurs frères, mais qui parfois ont des heures de doute et d'obscurité. Ils combattaient avec l'épée de Dieu, et pourtant ils tombent épuisés par la lutte, ils ont sauvé les autres, mais ils ne peuvent se sauver eux-mêmes.

Au milieu de la tempête, battus des vagues, tristes et incertains, leurs yeux autrefois clairvoyants sont obscurcis pour un temps, leurs pas semblent se diriger au hasard, et dans la nuit qui les environne, ils tendent vers le Père des mains suppliantes. C'est à eux que cet appel s'adresse ; une âme soeur vient leur dire que la délivrance est proche, vient ranimer leur espérance ou au moins leur apporter le secours que peut procurer le sentiment de la fraternité dans la lutte.

Les hommes du monde ne verront là que folie et exagération, car il y a des milliers d'êtres qui, selon l'expression d'un poète, « passent comme un troupeau les yeux fixés à terre, » sans aspirations au delà de la vie présente, et dont l'âme n'a jamais été traversée par un seul rayon de cette lumière spirituelle qui nous éclaire sur nous-mêmes. Ils ne sentent pas leur péché; comment comprendraient-ils ce que c'est que la douleur du péché ? Ce n'est pas à eux que je m'adresse ; ils ne peuvent m'entendre, et pourtant mon coeur est plein pour eux d'une profonde pitié et mon âme est émue à leur vue comme à celle de ces pauvres aveugles-nés qui n'ont jamais aperçu la lumière du soleil.

Nous pouvons distinguer plusieurs degrés dans la douleur du péché. Il y a une tristesse pleine de crainte, mais il y a aussi un chagrin qui a sa source dans le sentiment de l'amour de Dieu, uni au sentiment de notre indignité et de notre ingratitude.

À l'égard du péché le mot componction a peut être un sens plus clair que le mot douleur ; il implique l'idée d'une âme transpercée qui partage les blessures faites à Notre Seigneur ; une douleur de ce genre dure toute une vie, car l'amour de Dieu est un sujet de contemplation infini. Ceci nous explique ce fait étrange, mais souvent remarqué, que les âmes les plus pures sont aussi celles qui ont le plus souffert du péché, que les plus grands saints sont ceux qui ont éprouvé au plus haut degré ce sentiment de contrition, parce que ce sont eux qui ont le mieux compris l'amour de Christ. Tel était saint Paul qui se nommait le plus grand des pécheurs.

La douleur de son péché augmente à mesure que l'âme est plus éclairée, et c'est le péché lui-même qui empêche cette sainte tristesse d'envahir nos âmes. Beaucoup de ceux qui sont couverts d'une multitude de péchés ne l'ont jamais éprouvée, tandis que ceux qui se sont le plus approchés de Dieu en sont écrasés, mais pour eux il y a une consolation à leur douleur. « La perception de ce sentiment dépend de ce que nous sommes, et les coeurs les plus saints sont aussi les plus éclairés. Le langage de saint Paul n'est pas exagéré ; c'est l'expression exacte de ce qu'il ressentait. La douleur de Jésus en Gethsémané est le modèle de la parfaite contrition ; il souffrait à cause du péché du monde et de l'amour de Dieu ; c'était une douleur profonde, envahissante, immense comme les eaux de la mer (1). »

« Ce n'est pas tant le souvenir du péché que le sentiment de l'amour de Dieu qui fait souffrir les âmes saintes. Leur douleur arrive à s'assimiler à celle de Dieu et ressemble à ce céleste déplaisir avec lequel le Saint-Esprit considère nos péchés lorsque, comme dit l'Écriture, nous « le contristons ». La vraie contrition doit engendrer la haine, non seulement du péché, mais de l'indifférence ; elle doit nous montrer quelle est la grandeur du sacrifice que l'amour a fait pour nous. La froideur en échange d'une amitié ardente est intolérable dans les relations humaines, de même entre l'âme et Dieu (2). »

Qu'ils n'approchent pas de nous, ceux qui ne voient dans le cri de l'âme transpercée par la douleur du péché que l'expression d'une terreur lâche et vulgaire en face des remords de l'enfer, sans aucune aspiration vers un état meilleur. Qu'ils se taisent, car ils ignorent les plus saintes douleurs de l'âme et ne peuvent entendre ces supplications de l'Esprit qui intercède pour nous par des soupirs qui ne se peuvent exprimer.

Si Dieu m'a donné d'éprouver une pitié plus profonde pour une classe de malheureux, c'est pour ceux qui tout en étant esclaves du péché ont conscience de leur dégradation et craignent que la régénération morale ne soit pas possible pour eux. Dieu a déclaré que cette régénération est possible, la résurrection du Christ nous en est un gage positif, et pourtant ces pauvres coeurs brisés disent sans cesse : « Ce n'est pas pour nous. »

Eh bien, c'est à vous que je m'adresse d'abord, à vous qui ôtes sans espoir, meurtris, souffrants dans votre corps, dans votre intelligence et dans votre âme à cause du péché, mais qui pourtant murmurez parfois ce premier bégaiement de l'âme qui naît à la lumière : « 0 Dieu ! aie pitié de moi qui suis pécheur. »

Je m'adresse aussi aux pécheurs les plus dégradés, à ces hommes dont le sang même a été corrompu par le contact du mal, qui sont descendus dans les dernières profondeurs de la misère et du péché.

Ils sont pareils à ces malheureux que Dante décrit dans sa vision : i peccator carnali, chez lesquels le désir a vaincu la raison. Le poète les entrevoit vaguement dans les profondeurs des ténèbres : ils passent, portés sur les vents empestés de l'enfer, entraînés dans un mouvement perpétuel, perçant l'obscurité de leurs lamentations, de leurs cris, de leurs blasphèmes contre le ciel Je m'adresse aussi à ceux qui après s'être repentis sont retombés dans le mal. Nageurs désespérés luttant contre une mer orageuse, au moment où ils atteignent le rivage une nouvelle vague les balaie, les emporte avec elle dans le gouffre et les laisse presque sans vie et sans force pour recommencer le combat. Je m'adresse aux hommes du dix-neuvième siècle qui sont pires que ceux de Sodome et de Ninive et d'Athènes, parce qu'ils ont péché dans la pleine lumière de la morale épurée par le Christianisme et tout en entendant résonner à leurs oreilles les accents du sermon sur la montagne.

Je m'adresse aux chrétiens.
Plusieurs d'entre eux ont péché contre cet amour qui a donné sa vie pour eux, contre Gethsémané, contre le Calvaire, contre le Saint-Esprit.

Mon âme défaille à la vue des péchés qui se dressent devant moi; j'étouffe comme si j'étais dans la fumée de Tophet.
Et pourtant, je l'affirme devant Dieu, je vous aime, ô mes compatriotes, ô mes frères ! J'aime même le pécheur le plus dégradé, et dans une certaine mesure, je le respecte. Lorsque je considère cette victime du péché, qui est mon frère, quoiqu'il soit usé, corrompu, empoisonné dans tout son être, je sais que Dieu peut, s'il le veut, étendre le bras et saisir ce lépreux qui lui-même se dit souillé, le purifier, le transformer, l'élever à lui et le faire asseoir dans les lieux célestes parmi les saints et les fils de Dieu.

Un des plus grands obstacles à la régénération morale, c'est le découragement et la résignation sans espoir.
Le grand ennemi de Dieu et des âmes ne se contente pas de nous tromper, il nous accuse. Après nous avoir entraînés, il essaie de nous faire plier encore plus bas sous le joug du désespoir, et nous sommes d'autant plus sujets à céder, que ses paroles nous semblent d'accord avec les jugements d'un Dieu offensé.

Vous dites, vous, hommes qui avez l'expérience du péché, mais non celle de la puissance régénératrice et purificatrice de Dieu, vous dites que la régénération morale n'est pas possible sur cette terre ; vous reconnaissez les lois inexorables de la nature et celles du monde qui vous entoure, vous êtes persuadés que telles sont les semailles telles seront les moissons, et que vous récolterez ce que vous aurez semé.
La nature, en effet, nous parle d'une manière sévère et juste, et vous entendez sa voix, mais vous n'écoutez pas cette autre voix qui vient du ciel ; vous croyez à ce qui est naturel et vous ne voulez pas croire à ce qui est surnaturel.

Vous vous soumettez en silence à cette terrible Némésis qui est descendue sur vous. Vous parlez avec désespoir du sort, ce sort que vous avez attiré sur vous dans une heure de folie où votre jeunesse en proie à une imagination non disciplinée et à un besoin malsain d'expérience, a commis par curiosité des fautes qui, en se répétant, sont devenues des habitudes invétérées. Vous vous inclinez sans espoir, froidement, humblement peut-être, devant ce que vous croyez être un décret inexorable.

Eh bien ! je viens à vous, car je connais votre chagrin, je comprends votre désespoir, je suis blessé en esprit pour vous et avec vous ; je viens vous dire, au nom de Dieu, que la régénération, une régénération entière, parfaite, est possible pour vous. Vous me dites que les sources de la pensée ne peuvent s'épurer, que vous avez l'enfer en vous ; je vous réponds que les sources de la pensée peuvent s'épurer. Il y a une puissance que vous n'avez pas encore sentie, mais qui est plus forte que la mort, plus forte que le tombeau, plus forte que l'enfer.

Tout grand pécheur pense comme vous au moment où il commence à avoir le sentiment de sa dégradation. Sa conscience lui dit qu'il s'est tué lui-même ; sa santé ruinée, son intelligence obscurcie, sa volonté affaiblie, lui parlent hautement d'une rétribution inévitable. Alors une voix pareille au sifflement du serpent glisse à son oreille ces mots : « Maudis Dieu et meurs. » Ou bien, si les plaisirs de la chair ont encore quelque charme pour lui, son coeur lui dit : « Mangeons et buvons, car demain nous mourrons. »
Et c'est tout ! Quelle autre inspiration pouvait-il attendre ? Sa conscience contre laquelle il a péché ne saurait lui parler d'espérance, de vie nouvelle, de résurrection, de purification, de sanctification. L'homme naturel ne peut recevoir de pareilles nouvelles ; il ne peut y croire.

Je m'adresse à vous comme à des égaux, non point comme à des inférieurs. Ce n'est pas en vain que j'ai été assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort, je suis votre compagnon de péché et de douleur. Je hais votre péché, mais je vous aime, je vous réclame comme des frères ; vos âmes me sont précieuses ; plus vos douleurs sont grandes, plus vous êtes faits pour devenir mes amis et mes compagnons de route. Plus votre chute est grande, plus mon coeur s'émeut à votre sujet.

Ah ! ne rejetez pas le message d'amour et d'espérance que je vous apporte. Je connais assez la vie humaine mais aussi l'amour divin pour vous dire que je vous aimerais, même si vos péchés étaient encore plus noirs qu'ils ne le sont. Laissez-moi porter vos fardeaux, pleurer et prier avec vous, et que l'amour que j'ai pour vous, vous fasse comprendre combien le Seigneur vous aime !
Christ hait votre péché.

Pourrait-il habiter vos coeurs lorsque vous êtes indifférents, hypocrites, grossiers, impurs et cyniques ? Ah ! sans doute, dans ces moments-là son Esprit se retire de vous ; et pourtant, il vous aime encore, il vous aime jusqu'à la mort. Son esprit plane toujours au-dessus de vous ; il s'afflige, il pleure, et il attend, prêt à vous rendre saints à l'instant où vous le voudrez.

Mais, voilà ! vous ne le voulez pas, vous ne pouvez plus le vouloir. Cette volonté, dont vous vous dites si fiers, est maintenant plus faible que celle d'un petit enfant ; avec la pureté, la force de vouloir a disparu, vous êtes paralysés. Agir, prendre une résolution, autant de choses qui n'ont plus de signification pour vous ; que veulent dire ces mots pour celui qui est enchaîné ? Je ne connais rien de plus triste au monde que la déchéance d'une volonté qui s'est révoltée contre les lois de Dieu, que la vue de cet enfer, que le pécheur se crée lui-même sur cette terre. Je vous avoue bien que dans un certain sens le jugement que vous prononcez sur vous-mêmes est juste. Il est évident que celui qui se livre habituellement aux péchés les plus grossiers ne peut être placé sur le même rang que l'homme qui se tient à l'abri de souillures de ce genre. Le premier est blessé pour la vie : son péché de prédilection laissera sur lui la trace de sa morsure ; cet homme pourra bien revenir à Dieu, mais il restera triste, il sera poursuivi d'amers souvenirs, et ressentira cette fatigue du prisonnier qui a longtemps porté des chaînes. Il aura besoin d'être constamment défendu contre les retours offensifs de son ennemi.

Votre conscience vous dit bien qu'il ne serait pas juste que vous fussiez estimés à la même valeur que ceux qui ont lutté sans cesse pour mener une vie pure. Et c'est ici que le châtiment est le plus douloureux.

Combien d'hommes se sentent rabaissés au niveau de la brute, lorsque des souvenirs honteux reviennent à leur esprit en présence de quelque être pur et aimé ; combien ont dû cacher à la compagne de leur vie ce qu'ils avaient été, ou, en le confessant, ont voilé son bonheur et ébranlé son estime ! Les beaux rêves de votre jeunesse se sont évanouis pour toujours ; il est bien rare qu'un homme qui a fait de son corps le temple de la luxure puisse jamais aimer purement ; les péchés passés semblent s'enrouler autour de ses affections les plus profondes, et empoisonner la source des plus douces jouissances. Dans les moments de saintes émotions, ils se dressent devant lui ; ces visions le poursuivent partout, et jusqu'au jour de sa mort peut-être. Ah ! ces mots de l'Écriture seront toujours vrais : « Ce que l'homme aura semé c'est ce qu'il moissonnera aussi. »
« Celui qui sème pour la chair moissonnera de la chair la corruption. »

Je sais tout cela. Je sais que vous êtes des hommes souillés, que jamais, non jamais, vous ne pourrez redevenir ce que vous étiez. Cependant, écoutez-moi : je vous dis au nom de Christ, que si vous ne pouvez pas annuler le passé, ni retourner à l'innocence première, vous pouvez, par la puissance de la régénération, devenir quelque chose de bien meilleur que ce que vous étiez dans votre ignorante et pure enfance. - Vous avez perdu beaucoup, c'est vrai. Au point de vue de ce monde les expériences que vous avez traversées ont appauvri votre vie. Vous avez perdu pour toujours un bien précieux : la pureté, mais un bien tout aussi précieux vous est offert, et je crois que dans le royaume de Dieu votre perte deviendra un gain.

Dieu pourra faire de vous un instrument puissant en raison même de vos blessures et de votre misère. Le serpent vous a mordu au talon, tournez votre fureur contre lui et écrasez sa tête. Il y a quelque vérité dans ce dicton : « Un bras cassé, bien remis, est plus fort qu'avant. »
Dorénavant, vous ramasserez les pierres qui vous ont fait tomber et vous en paverez le chemin du ciel afin de ne plus trébucher.

Dieu vous offre sa toute-puissance ; étendez votre main, toute faible et paralysée qu'elle est, pour la saisir. Votre main sera guérie et vous aurez acquis Dieu. Par cet acte, Dieu et vous serez un, et toutes choses sont possibles avec Dieu, toutes choses sont possibles à celui qui croit.
Alors, dussiez-vous être, comme Gédéon, le dernier dans la maison de votre Père, la salutation céleste vous sera adressée : « Le Seigneur est avec toi, homme puissant et valeureux ! »
Et maintenant, prenez vos armes pour la bataille.

Ah ! sans doute, c'est un beau spectacle que de voir un jeune guerrier bien armé, qui vole à la victoire sans être atteint de blessures. Sa force est comme la force de dix hommes, parce que son coeur est pur. Mais il y a un spectacle aussi grand et plus touchant encore : c'est celui d'un soldat blessé dans la lutte, dont le sang coule à chaque pas, et qui pourtant se lève encore pour combattre ; son visage exprime une tristesse sans borne, mais aussi une résolution inébranlable. Épuisé, éperdu, sa foi le guide à la victoire ; les anges du ciel se réjouissent à son sujet, nous est-il dit.
Si vous ne pouvez plus être le premier de ces guerriers, vous pouvez être le second. « Quand les forces de ton âme seront dispersées, rallie-les par la foi et souviens-toi que plus d'un soldat blessé a décidé de la victoire (3). »

Il se peut que quelques-uns de ceux auxquels je m'adresse aient été corrompus dès leur première enfance. Ils sont nés peut-être dans un de ces milieux perfides où le mal est souvent si bien masqué qu'il échappe à la vigilance de ceux qui cherchent les âmes pour les sauver. S'il en est ainsi, la pitié de Dieu pour vous est infinie et l'Esprit-Saint se lèvera pour vous défendre. Il vous vengera du malin qui, dans la personne de quelque misérable tentateur, vous a flétri au seuil même de la vie. Ces mots de notre Seigneur sont terribles : « Prenez garde de ne mépriser aucun de ces petits. »

Cette chute dans votre jeunesse peut avoir amené un nuage entre vous et Dieu. Vous n'avez plus confiance en sa bonté, car vous vous demandez pourquoi, s'il vous aime, il a permis cette tentation à laquelle vous avez succombé inconsciemment. Hélas ! il est aussi difficile de répondre à cette question dans un cas particulier que dans son sens le plus étendu, car c'est ici le grand mystère de l'origine du mal. Laissons-le de côté et écoutons le Dieu qui est amour : « La volonté de votre Père qui est aux cieux n'est pas qu'aucun de ces petits périsse. - Que personne ne dise lorsqu'il est tenté : C'est Dieu qui me tente. »
« Toute grâce excellente et tout don parfait viennent d'en haut. »

La corruption et la flétrissure ne peuvent venir d'en haut, et lorsqu'elles tombent sur l'être faible et innocent, ce n'est ni sur l'ordre, ni avec le consentement du Tout-Puissant. Ah ! sa volonté n'est pas qu'aucune de ses créatures attire le péché et la souffrance sur une autre. Non, mais il y a une autre volonté en oeuvre dans ce monde, une puissance secondaire mais cruelle qui s'oppose à celle de Dieu.
Dieu peut tirer le bien du mal lui-même. Il peut tourner les desseins de Satan à sa propre gloire et au bien de l'homme.

Si Dieu permet que pour un temps le mal ait libre carrière en ce monde, l'histoire de l'homme nous prouve pourtant, et l'avenir nous prouvera mieux encore, que son dessein est d'éloigner le mal et d'en faire sortir du bien. Il tire la vie de la mort, la force de la faiblesse, la lumière des ténèbres et la gloire de la honte. « Cette maladie n'est point à la mort, mais elle est pour la gloire de Dieu. »
Croyez ceci et faites-en l'application à toutes les maladies de votre âme et de votre corps qui sont la suite du péché ; acceptez cette espérance, et un jour viendra où vous louerez Dieu avec amour et étonnement.
Que de fois nous voudrions dire : « Seigneur, si tu eusses été ici, mon frère ne serait pas mort. Si tu avais été présent à l'heure de la première tentation, tous ces maux ne seraient pas arrivés. »
Christ n'était pas là dans cet instant, et Satan a triomphé. Mais écoutez la réponse de Jésus : « Ton frère ressuscitera ; ne t'ai-je pas dit que si tu crois tu verras la gloire de Dieu ? »

Mon frère, vous êtes peut-être plus que malade, vous êtes mort dans le péché, oui, mort depuis longtemps déjà, corrompu, en proie aux vers, si bien que vos timides amis seraient aussi étonnés de vous voir vous relever et réclamer vos droits de parenté avec eux que le fut Marthe lorsqu'elle s'écria : « Seigneur, il sent déjà mauvais. »
Et cependant, lorsque Celui qui est la résurrection et la vie s'approcha du cadavre, il lui dit :
« Lazare, sors de là ! »

Mon frère, le Seigneur est prêt à faire ce miracle pour vous. Il vous demande seulement un peu de foi ; pas plus « qu'un grain de moutarde », car le miracle ne dépend pas de la grandeur de votre foi mais de la puissance de Dieu, et cette puissance peut être réclamée par la foi la plus faible. Satan ne triomphe que pour un temps, mais Dieu triomphera pour toujours.
Vous serez dans les mains de Dieu un instrument d'autant plus utile que vous aurez été éprouvé dans la lutte avec l'ennemi des âmes.

Ah ! le coeur de Christ s'émeut à votre égard. Il sait comme vous avez été tentés. Vos âmes étaient jeunes et ignorantes, elles ont bu le poison sans s'en douter. Quelque don de Dieu a peut-être été la cause de votre chute. Vous aviez la beauté, une nature franche, sensible, qui ne soupçonne pas le mal, et ce sont ces qualités qui ont attiré sur vous l'oeil du malin, cet oeil qui flétrit tout ce qu'il regarde. Ou peut-être que, privé de ces charmes qui rendent la jeunesse séduisante, lorsqu'une affection inattendue s'est offerte à vous, vous y avez répondu avec tout l'abandon de la reconnaissance, et alors une main ennemie a semé dans votre coeur les mauvaises graines à côté des fraîches fleurs. Des plantes empoisonnées ont grandi côte à côte avec de douces amitiés, et ainsi des circonstances qui auraient dû développer et fortifier votre être, sont devenues des agents puissants du péché. Il y a dans ce monde des hommes si délicats qu'ils sont peinés à l'ouïe d'une parole inconvenante, et si charitables que l'idée d'entraîner volontairement une âme dans le péché est pour eux quelque chose d'horrible ; et cependant, ces hommes se sentent dégradés, car leur passé pèse sur eux et ils ne peuvent échapper au souvenir du péché. Leur nature est essentiellement pure, et pourtant ils se sentent impurs ; ils étaient nés avec une répugnance instinctive pour tout ce qui est vil et bas, et cependant leur coeur ne peut chasser le souvenir de quelque bassesse cachée qu'ils voudraient pouvoir effacer à toujours.

Quand un homme grossier pèche grossièrement, ses actions sont au moins en harmonie avec sa nature ; mais lorsque celui que Dieu a doué d'un caractère pur et sensible se laisse entraîner à un péché grossier, il ne pèche pas seulement contre Dieu mais contre sa nature. Il fait violence à la meilleure partie de lui-même, et de là résulte un désaccord, une lutte terrible ; il y a en lui deux hommes qui se haïssent ! Ses péchés ne sont pas de même nature que son esprit, c'est une tache noire sur un vêtement blanc. Les souffrances d'un tel homme touchent profondément mon coeur, car les âmes nobles souffrent dans la partie la plus délicate de leur être ; il est blessé dans ses sentiments les plus intimes, dans son besoin d'idéal, dans sa dignité et son honneur.

Chez lui la perte de la pureté sera suivie d'un regret éternel si profond et si douloureux que des hommes façonnés d'une argile plus grossière ne le comprendront jamais ; il y a là quelque chose de l'agonie qu'éprouve une femme qui a été dépouillée de sa vertu. Si cet homme possède une intelligence claire et un jugement sain, la honte d'avoir laissé triompher sa mauvaise nature sera d'autant plus grande et sa responsabilité plus vivement sentie. C'est en vain qu'il essaierait de rejeter le blâme de son péché sur son prochain, non, c'est bien lui qui est coupable en face d'un Dieu personnel et vivant. La douleur de cet homme sera grande, mais sans doute il sera jugé avec miséricorde par Celui qui « est venu appeler à la repentance, non les justes, mais les pécheurs », et auquel on a pu faire ce glorieux reproche qu'il « mangeait et buvait avec les gens de mauvaise vie ». Et nous oserions, nous, lui jeter la pierre !

Pour cet homme, recevoir le pardon de son péché ce n'est pas assez, il demande davantage. Il veut être nettoyé pour toujours ; il faut que cette chose maudite soit éloignée de lui « comme l'orient l'est de l'occident ». Ah ! comme parfois il éprouve un désir passionné que le passé n'ait pas été ou, qu'ayant été, il ne soit plus : grâce que Dieu lui-même ne peut nous accorder, comme disaient les Grecs. Non, même au prix de notre immortalité, nous ne pourrions l'obtenir, mais il y a une promesse dont l'accomplissement sera presque la réalisation de ce désir, c'est que Dieu ne se souviendra plus de nos péchés.

Cela se peut-il ? Dieu peut-il oublier ? Quel que soit le sens exact de cette promesse, nous savons qu'aucune souillure ne pourra subsister devant ses yeux et que près de lui nous serons purs comme Il est pur. Que cette espérance certaine nous suffise, et dans l'attente de sa réalisation, faisons de nos regrets, de nos remords, de notre mécontentement de nous-mêmes, un puissant mobile d'action pour le bien.

O vous qui aimez la pureté et qui avez trahi l'objet de votre amour, n'avez-vous pas un double motif de travailler pour Dieu, de combattre pour la destruction du royaume de Satan et pour l'avancement du règne de Christ sur la terre ?

Qu'une sainte colère remplisse vos âmes ; vous trouverez en elle une force immense, qui ne saurait toutefois suppléer à celle que vous donnera un amour reconnaissant pour votre Sauveur. Il y a chez certains hommes un principe d'opposition très fort en sorte que s'ils convertissent leurs forces morales, en même temps que leur vie extérieure, ce qui chez eux était mauvais ou dangereux pourra se tourner contre l'ennemi de Dieu et le leur. Une sainte haine, un saint mépris, mais aussi un saint amour se développeront en eux et ils éprouveront pour ceux qui sont enlacés dans les filets du péché une compassion bien plus grande que celle de l'homme qui n'a pas été profondément blessé lui-même.

Je connais sur ce point le scepticisme de ceux qui sont tombés et qui souffrent ; je sais comme il leur est difficile de croire à une nouvelle naissance. Il existe une erreur qui a trop généralement cours sur ce sujet : c'est de croire que le pardon des péchés et la régénération morale sont deux choses distinctes. On entend souvent dire : « Dieu peut pardonner les plus grandes offenses et recevoir le pécheur à cause de sa grande miséricorde, mais il ne peut produire une régénération complète en moi ; une source empoisonnée ne peut donner que de l'eau corrompue. L'expérience me l'a appris et l'on ne peut rien soutenir qui soit contraire à l'expérience. »
Celui qui parle ainsi est dans l'erreur. Sauver signifie deux choses : pardonner et purifier. « Sans la sanctification, personne ne verra le Seigneur. » « C'est ici le chemin de la sainteté, les impurs n'y passeront pas. »
« Si quelqu'un n'a pas l'esprit de Christ (un esprit de pureté), celui-là n'est point à lui. »
Croyez-moi, vous êtes dans une erreur profonde et très répandue.

Cette illusion, qui gagne du terrain dans les coeurs, influence la conduite de bien des hommes sans qu'ils se l'avouent à eux-mêmes. Pouvez-vous réellement croire que Dieu rassemble les hommes en hâte au dernier moment et les reçoive dans sa cité alors même qu'ils continuent à être impurs ? Même si cela était, le ciel ne serait pas le paradis pour eux.

Leur nature, complètement différente de tout ce qui est là-haut, serait une note discordante dans l'harmonie universelle, et c'est bien à eux que l'on pourrait adresser cette question : « Comment es-tu entré ici ? » Non, rien de ce qui par son essence n'appartient à Dieu ne pourra entrer au ciel. Le ciel et l'enfer commencent dans nos coeurs, déjà sur cette terre, par le fait de cette loi de la permanence des caractères. C'est nous-mêmes qui donnons à notre être, par la liberté que Dieu nous a accordée, sa direction et sa fixité, mais Lui, avec une vigilance tendre et constante, encourage le plus faible effort de notre volonté lorsqu'elle se dirige vers Lui.

Beaucoup d'hommes marchent jusqu'à leur dernier jour, se rassurant par cette misérable idée d'une absolution finale que celui qui n'a jamais senti le besoin d'un changement moral pourra cependant obtenir au moment de sa mort. Et ainsi ils vivent sans se convertir et meurent dans l'impureté.
Mais si beaucoup ne désirent pas la régénération morale, d'autres, comme vous, mon frère, la désirent, mais ne la croient pas possible. Pourquoi donc, je vous le demande ? Vous accordez que Dieu peut vous pardonner parce qu'il est miséricordieux, mais qu'Il ne peut pas vous donner un coeur pur. En quoi, je vous prie, la seconde chose est-elle plus difficile à faire pour Lui que la première ?
Dire que Dieu ne peut pas changer la disposition de votre nature et briser la loi de la chair qui règne en vous, c'est nier la puissance de Dieu, c'est douter de sa parole.

Vous dites qu'un miracle est impossible. (Hélas ! comme les hommes l'affirment aisément de nos jours !) Alors vous êtes un matérialiste, vous êtes l'esclave des prétendues lois de la nécessité, vous ne croyez pas à un Esprit divin et créateur.

Libre à vous de vous soumettre humblement à cette loi de la nature, mais non pas de dire que Dieu veut ou approuve un seul instant cet esclavage. Dieu agit par la nature. Il se sert d'elle pour punir le mal, mais Il est au-dessus de la nature et Il peut agir directement contre elle lorsqu'Il le juge bon. Dieu ne peut pas vouloir que vous soyez maudit, désespéré, souillé. Si vous l'êtes, c'est que vous avez agi contre sa volonté.

Souvenez-vous de ces émouvantes paroles de Jésus : « Vous ne voulez point venir à moi pour avoir la vie. » - « Que de fois j'ai voulu... mais vous n'avez pas voulu. »
« Tu es perdu, ô Israël, mais ton secours est en moi. »

Je le répète, je n'ignore ni la puissance, ni les effets des péchés grossiers. Je connais ce poison mortel pour avoir vu ses ravages dans les corps, dans les âmes et les intelligences. Je me suis senti défaillir devant ce souffle brûlant. Mais j'ai vu que là où le péché a abondé, la grâce a surabondé. J'ai vu des hommes morts se lever de leur tombeau. Je sais la puissance de Celui qui a dit : « Voici, je vais faire toutes choses nouvelles. »

Dieu, qui a ressuscité Christ et l'a fait sortir de son tombeau, ne sera-t-Il pas puissant pour nous changer ? Tâchez de concevoir cette puissance de Jéhovah qui a renversé l'ordre de la nature au point de détruire la mort ! Cette puissance est là, à votre porte, prête à vous faire entrer dans une vie nouvelle et glorieuse, si vous le voulez.

Cet enfantement à la justice et à la pureté sera graduel et parfois douloureux, mais l'Esprit qui travaille en vous est si persévérant, si entreprenant et si victorieux, qu'aucun péché, aucune mauvaise habitude, aucune maladie, aucun souvenir même du péché ne peut subsister avec lui. Tout cède devant ce travail silencieux et puissant.

Prisonniers désespérés, prenez courage, réfugiez-vous dans la forteresse. Allez vers Christ, le Sauveur de nos âmes, qui est aussi le Sauveur des corps. Touchez seulement le bas de son vêtement et vous serez guéris.
Ne perdez pas votre temps à répandre des malédictions sur vous-mêmes, il est dangereux de trop considérer nos péchés, même pour nous en repentir. Ne regardez pas tristement le passé, il ne vous appartient plus ; saisissez le présent, il est à vous ; envisagez l'avenir avec espoir.
Le plus sûr moyen d'arriver à la vraie contrition, c'est de considérer l'amour contre lequel nous avons péché et de comprendre que nos péchés sont une trahison envers cet amour.

Nous sommes trop disposés à demander du temps pour pleurer sur notre mort plutôt que d'aller tout de suite à Dieu afin de recevoir la vie. Que de fois j'ai entendu ces mots : « Oui, je crois que Dieu pourra me changer, mais il faudra longtemps pour cela ! »
Mais pourquoi attendriez-vous longtemps pour faire le premier pas ? Or, le premier pas à faire, c'est de vous jeter dans les bras de Dieu et de lui remettre votre cause. Cela fait, vous aurez tout gagné.
Que ces jours où nous traînons un deuil inutile sur nos espérances mortes et sur nos forces dissipées prennent fin, et que la vraie tristesse et le véritable amour nous accompagnent maintenant tous les jours de notre vie.

Écoutez Christ : « Laissez les morts ensevelir leurs morts ! » « Viens et suis-moi ! »


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1 Manning.

2 Sainte Catherine de Gênes.

3 L'archevêque Leighton.

 

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