AVANT
L'AURORE
APPEL AUX
HOMMES
PRÉFACE
Quelques personnes, dévouées au
progrès de la vie morale et membres actifs
de la Ligue pour le Relèvement de la
Moralité Publique, ont eu l'heureuse
pensée de publier une nouvelle
édition de l'admirable Appel aux Hommes
qu'une femme de grand coeur et de grande
piété chrétienne
(1) adressait, il
y a plus de trente-cinq ans, aux citoyens
conscients et réfléchis de la libre
Angleterre. Ces personnes ont estimé aussi
qu'il était utile
« d'introduire » en quelques
mots, auprès des lecteurs de langue
française, l'auteur lui-même, Mme
Joséphine-E. Butler et le très grave
sujet auquel ce petit volume est consacré.
Je voudrais, sans retenir longtemps l'attention du
lecteur, exécuter cette double mission.
Nul, parmi ceux qui se sont
intéressés au mouvement
abolitionniste, c'est-à-dire à la
propagande faite en vue de l'abolition des lois
qui, sous prétexte d'hygiène et de
sécurité publiques,
réglementent la débauche d'un sexe au
profit de l'autre, n'ignore le nom de Mme
Joséphine-E. Butler. Cette femme,
mariée à un directeur d'École
de Liverpool, fut l'initiatrice du grand mouvement
qui, après seize années de luttes
héroïques, obtint enfin l'abrogation de
la loi de 1869 relative à la
réglementation de la prostitution
féminine. Elle-même nous a
décrit, en des pages émouvantes,
l'angoisse de son âme, pendant ces
années 1864-1869, au cours desquelles le
Parlement britannique vota successivement quatre
lois qui établirent et
développèrent un système
policier de contrôle sur les femmes qui
acceptaient la triste fonction de satisfaire les
appétits grossiers de la débauche
masculine ; la dernière mesure
législative venait, en 1869,
d'étendre à dix-huit villes cet
étrange régime.
Mme Butler comprit, dès le
début, qu'une pareille
législation, humiliante et odieuse dans son
principe, ne pouvait que contribuer à
démoraliser encore et à
dégrader ses concitoyens. Elle sentit la
rougeur de la honte lui monter au front, et
cependant, exemple admirable, elle sut pendant
plusieurs années dominer son émotion
et se préparer par l'étude, la
méditation et la prière, à la
grande tâche qu'elle devait plus tard si
magistralement accomplir. Enfin, un soir,
après un entretien approfondi, M. Butler dit
à sa femme : « Allez, et que
Dieu soit avec vous ! » et
aussitôt l'action fut résolue. Le 1er
janvier 1870, l'Association nationale des Dames
lançait son fameux manifeste en faveur de la
Pureté sociale (social Purity), et, le 7
mars suivant, paraissait le premier numéro
du Shield, défenseur éloquent et
infatigable de la doctrine de l'unité de la
morale pour les deux sexes.
Il n'entre pas dans le plan de cette
brève introduction de rappeler les
péripéties diverses de cette
propagande de seize années où les
heures d'épreuve et de découragement
furent mêlées aux heures plus sereines
de l'espoir et de la paix. Le 16 mars 1886, le
Parlement britannique abrogeait la funeste
législation de 1869, et le régime
légal de la
débauche
surveillée avait vécu. Depuis cette
époque, personne n'a plus
réclamé la réglementation de
la prostitution féminine et personne
n'oserait même formuler pareille
réclamation. Le sens de la dignité de
la femme est trop développé en
Angleterre, pour que l'opinion publique autorise
une telle initiative.
Que dire maintenant de la grande
thèse si éloquemment soutenue par Mme
Butler, dans son Appel aux Hommes, et que
d'ailleurs, avant elle et après elle, les
âmes éprises de pureté ont
toujours proclamée être la seule
maxime morale capable de répondre aux
aspirations supérieures de la
conscience ?
Une seule morale pour les deux
sexes : le devoir de la pureté est
aussi rigoureux pour l'homme que pour la femme,
telle est la double affirmation fondamentale de la
morale sexuelle, et il suffit de la formuler pour
mesurer aussitôt la navrante opposition qui
existe en cette matière entre le fait et le
droit.
Si haut que nous remontions dans les
annales de l'humanité, en
quelques lointains pays que nous allions encore
aujourd'hui étudier les peuplades sauvages
ou barbares, nous voyons le droit du mâle
s'exercer brutalement contre la femme. Objet de
propriété que le jeune homme
pubère achète au père de
famille, esclave soumise aux travaux les plus
pénibles et les plus rebutants, bête
de somme affectée au transport des plus
lourds fardeaux, la femme qui est tout cela, est
aussi, trop souvent, « la chair à
plaisir » naturellement destinée
à la satisfaction des passions sexuelles de
l'homme.
« Un Hottentot qui se marie,
nous dit un voyageur, trouve à la fois une
esclave, une bête de somme et une
femme. »
Dans les sociétés moins
barbares, la femme, moins écrasée
sous le poids des besognes matérielles,
reste néanmoins l'objet de volupté
dont l'homme dispose à son gré. Jeune
fille, on ne semble veiller jalousement sur sa
pureté que dans l'intérêt de
celui qui sera plus tard son époux ;
mariée, on la place sous l'autorité
de son maître, qui au besoin la
séquestre, pour mieux garantir sa
sécurité maritale, et la loi qui omet
volontiers de punir l'adultère du mari
réprime au contraire avec
sévérité, voire
avec cruauté,
l'adultère de la femme. Veuve, on l'oblige
parfois à épouser le frère de
son mari, à moins qu'on ne l'immole sur la
tombe même de son époux auquel la
bienséance ne lui permet pas de survivre. La
ruse et la violence, l'autorité publique et
l'autorité domestique ou religieuse, tout
est employé pour mieux servir les
appétits du mâle.
Et plût au ciel que tout cela ne
soit que l'histoire du passé ! Dans le
présent même de nos
sociétés qui prétendent avoir
le souci de la justice et de
l'égalité, de quelles violations de
cette justice et de cette égalité la
femme n'est-elle pas la victime ! Telle
excellente mère de famille qui rougirait de
honte si elle pouvait soupçonner que la
moindre pensée impure a effleuré
l'esprit de sa fille, admet sans difficulté
que son fils n'est pas astreint aux mêmes
devoirs. « Il faut que jeunesse se
passe ! » De même le nombre
est grand des maris qui croient satisfaire au
devoir conjugal en gardant « la
fidélité de coeur »,
fidélité sur la valeur de laquelle
ils insistent avec d'autant plus de complaisance
qu'elle les dispense de l'autre. L'opinion commune,
appuyée sur l'assentiment même des
femmes, admet ces étranges droits de
l'homme !
Cependant, quelques instants de
réflexion loyale suffisent à attester
que ces affirmations d'une double morale sexuelle
ne sont qu'illusions complaisantes entretenues par
l'égoïsme, et comme il arrive toujours
lorsqu'on est en face d'une grande
vérité profonde, puissante par ses
racines comme par les ramures qu'elle étend
au loin sur l'organisme social, les arguments se
pressent pour démontrer la loi souveraine de
l'unité de la loi morale pour les deux
sexes.
Regardez plutôt ce jeune homme de
vingt ans, sorti du peuple ou de la
bourgeoisie : s'il est vrai qu'il a droit
à la luxure, quelles seront donc les
compagnes choisies pour être les instruments
de ses plaisirs mauvais ? On a beau refuser
d'ouvrir les yeux : la réalité
brutale est là, et c'est parce qu'on la sait
trop odieuse qu'on ne veut pas la voir. Toute
personne qui affirme que le jeune homme a le droit
de « s'amuser », postule par
là même qu'il doit exister dans la
société une masse innombrable de
femmes dégradées et déchues,
dont la honteuse profession est une souillure
inexpiable pour la collectivité tout
entière. Qui seront ces femmes
prostituées ? Où se
recruteront-elles ? Seront-ce nos filles, nos
soeurs ?
Non certes, et notre esprit se
révolte à la seule pensée
qu'une pareille question ait pu être
posée. Mais alors ? De quel droit
affirmerions-nous qu'il existe dans la
société des jeunes filles et des
fillettes, plus naïves, ou plus vicieuses, ou
plus écrasées par la misère,
dont la chute prochaine répondra à un
besoin social ? N'ont-elles point comme nos
soeurs et nos filles droit à la
dignité et au respect, ne sont-elles pas,
comme elles, nées d'une femme qui les a
enfantées dans la douleur,
créées par Dieu à son image,
rachetées par le sang du même Christ,
appelées aux mêmes destinées
éternelles ?
Si leur naïveté les expose
au danger, avertissons-les et
protégeons-les ; si leurs tendances
sont vicieuses, purifions leur coeur et fortifions
leur volonté ; si, enfin, elles sont
trop pauvres et si chaque jour le labeur est
vraiment trop dur pour un salaire trop maigre,
protestons contre les injustices de la concurrence
et rappelons à la société, qui
l'oublie, que le travail normal a droit à un
salaire normal. Mais, au lien d'accomplir ces
devoirs qui semblaient pourtant n'exiger qu'une
vertu commune, nous profitons de la faiblesse pour
précipiter dans le gouffre des femmes qui
sont incapables de
résistance, et les inégalités
sociales, dues aux hasards de la destinée,
trouvent en nous, non pas d'honnêtes citoyens
qui vont s'employer à les redresser et
à les corriger, mais des profiteurs
égoïstes qui vont les exploiter et les
aggraver.
Honteuse conduite, qui n'a même
pas l'excuse de la passion et de
l'inexpérience, car à
côté des jeunes
« gamins » qui ignorent toute
la gravité de leurs méfaits, une
cohorte immense d'hommes de tout âge est
là qui exploite aussi pour son propre
compte, ou tolère, quand elle ne l'encourage
pas, l'exploitation des autres.
N'avons-nous pas en France le
système savant de la police des moeurs, que
dirigent de « beaux messieurs »
aux cheveux grisonnants, et ce qui est pis encore,
n'est-il pas vrai que le nombre est immense des
maris et des pères que l'opinion publique
déclare être des hommes honorables et
respectables et dont la jeunesse a cependant
été consacrée à des
oeuvres d'injustice et de honte ? Ils sont
fiers de la vertu de leurs femmes et de leurs
filles, ils répètent que la famille
et le foyer sont à leurs yeux des
institutions sacrées, et cependant aucun
remords de leur vie passée ne traverse leur
conscience. Ils connaissent les grandes
iniquités qui
s'accomplissent autour d'eux et ils demeurent
inertes ; leurs fils continuent la même
oeuvre de mort, et peut-être eux-mêmes
y collaborent-ils encore. En tout cas, ils se
montrent insouciants ; la nécessaire
propagande en faveur de la chasteté et de la
morale égale pour les deux sexes ne les
regarde pas. Il leur suffit de recevoir le tribut
d'estime et de déférence que leur
accordent leurs amis et leur entourage ; peu
à peu, ils en viennent à le
considérer comme légitime. En
vérité, ces hommes peuvent-ils
être considérés comme
d'honnêtes gens ? Ne sont-ils pas
plutôt semblables à ces
sépulcres blanchis dont parle
l'Évangile, et combien Mme Butler a raison
de flageller leur hypocrisie !
Si douloureuses que soient les
répercussions morales et sociales, sur la
destinée de la femme, du faux principe que
nous combattons ici, il s'en faut cependant que ce
soient les seules. La solidarité qui unit
les êtres vivants n'autorise point les
prétentions que l'homme pourrait avoir de
cantonner la honte et la dégradation en
certains compartiments habilement
cloisonnés de la vie collective. L'oeuvre
perverse qui corrompt la victime corrompt aussi
l'auteur, et l'appétit grossier tire
avantage des concessions qu'on lui a faites pour
exiger toujours davantage. Au fond, pourquoi ne pas
l'avouer, notre médiocrité bourgeoise
aurait une prédilection marquée pour
un régime stable dans lequel les jeunes gens
non mariés et même accessoirement les
maris, trouveraient la satisfaction commode et
exempte de périls de leurs besoins
physiologiques. Volontiers, nous concédons
que l'inconduite de l'homme doit garder une
certaine mesure, mais, cette condition remplie, le
désordre cesserait en quelque manière
d'être le désordre. On canaliserait le
torrent, on cantonnerait la luxure en certains
quartiers, voire en certaines maisons, et on
pourrait même lui réserver certaines
heures de jours déterminés. L'ordre
régnerait ; tout serait arrangé
suivant un art savant, bourgeois et de tout repos.
Ce serait à la fois délicieux et
abominable.
Voilà le plan :
tournons-nous maintenant vers la
réalité. Avec quelle force elle nous
atteste qu'on ne fait pas au désordre sa
part. L'instinct sexuel doit
être dominé, réglé,
dirigé vers sa grande fonction de
créateur et de pourvoyeur de la vie.
Lorsqu'il n'est plus maintenu sous une discipline
sévère, son impétuosité
a tôt fait de bousculer les fragiles
barrières de nos conventions sociales.
Qui donc supputera les désastres
causés par le dérèglement des
moeurs, dans les rangs de ceux-là
mêmes qui pensaient ne retirer que les
profits et se croyaient assez habiles pour se
préserver des dommages ?
Que de jeunes hommes dont le corps,
désormais privé de vigueur et
peut-être, pis encore, atteint d'une
indélébile infection, ne sera plus
qu'une dépouille misérable, inapte au
rude effort que nos sociétés
démocratiques requièrent de tous
leurs membres ! Un jour prochain, ils
sentiront eux aussi le besoin d'une affection pure
et dévouée, et ils s'uniront par les
liens du mariage à une jeune fille dont la
vertu contrastera étrangement avec les
moeurs faciles des marchandes d'amour. Ils
prétendent enterrer la vie de garçon
et revêtir l'homme nouveau :
étrange illusion, inconcevable folie !
Leur corps débilité ne retrouvera
plus sa vigueur d'antan et les enfants malingres
porteront dans leur corps la trace même des
fautes de leur père. Si,
laissant de côté ces
considérations, pourtant si graves, de
l'ordre physiologique - et la proportion est plus
grande qu'on ne croit, des épouses atteintes
dans leur santé même - nous nous
attachons aux phénomènes de l'ordre
moral, nous sommes là aussi témoins
des plus lamentables déchéances.
L'hypocrisie et le mensonge sont installés
au foyer même. Ce mari qui se croit un
honnête homme et qui dit aimer et respecter
sa femme, lui cache avec un soin jaloux les mauvais
exploits de sa vie passée. Il se vante
d'avoir réparti sa vie en deux
périodes radicalement distinctes, et il ne
remarque pas que lui-même est tout
imprégné des poisons naguère
si allégrement dégustés. Son
intelligence, son imagination, son coeur ont subi,
pendant de longues années, des influences
pervertissantes dont l'effet ne peut plus
être éliminé, et jusque dans
l'acte suprême de la vie conjugale, les
souvenirs honteux viennent émerger de sa
mémoire et lui rappeler les contacts
impurs.
Souvent on se plaint de la platitude
morale et intellectuelle de notre bourgeoisie
française ; elle manque d'idéal,
de générosité, de
vaillance ; bassement attachée aux
profits matériels et
immédiatement
réalisables, elle semble parfois ne plus
pouvoir s'intéresser aux grands desseins,
servir les grandes causes. Il m'a toujours paru que
cette veulerie lamentable avait sa principale cause
dans l'inconduite d'un si grand nombre de jeunes
gens.
Quoiqu'on dise, les nobles idées
de démocratie ou de liberté, de
justice, d'égalité, de patrie
vraiment aimée et de religion
sincèrement professée, ne sont plus
capables de faire battre le coeur d'un homme qui,
pendant son adolescence, n'a eu d'autre
préoccupation que de satisfaire les
instincts grossiers de la bestialité.
L'idée ne peut germer et
s'épanouir en enthousiasme qu'autant que
l'homme a su exercer sur ses appétits un
contrôle efficace, et, pour mon compte, j'ai
souvent constaté l'impossibilité
d'intéresser à une entreprise
quelconque de culture supérieure des hommes
qui n'étaient point disposés à
reconnaître le devoir primordial de la
chasteté et de la pureté. Pour se
dévouer, il faut croire à
l'idéal et avoir foi dans la vie : or,
cette foi ne résiste pas à des
contacts, prolongés pendant dix et quinze
années, avec des compagnons grossiers de
plaisirs avilissants. De quel droit
prétendrait-on soustraire le
développement de la vie morale au
régime universel qui est
la loi de tout développement ? On
n'acquiert de bons muscles qu'en se soumettant
à un entraînement rationnel et on
n'affine son goût littéraire que par
la lecture des grands chefs-d'oeuvre ; ainsi
en est-il de la vie morale. Elle aussi a ses
conditions précises d'entretien et de
développement.
Nos calculs égoïstes
voudraient établir des compartiments, et une
section au moins de notre vie morale
bénéficierait du régime de la
licence : l'unité de la personne
humaine rend impossibles ces combinaisons et on ne
peut être étonné que la
violation des disciplines qui doivent régir
les organes affectés à la
transmission de la vie ait d'indéfinies
répercussions. L'amplitude des
désordres qui résultent du mauvais
fonctionnement d'un organisme, est
corrélative à l'importance du service
que cet organisme devait remplir : or, quel
service est plus important pour la
prospérité de la vie sociale que
celui de l'entretien même de la vie
organique ? Quelle oeuvre d'art, quelle
entreprise commerciale peut se vanter d'être
aussi belle et aussi féconde que la
création même de ce petit être
qui, vingt années plus tard, après
avoir reçu dans une famille soucieuse de ses
devoirs, la virile
éducation qui lui est nécessaire,
sera à son tour capable de continuer
l'oeuvre de la race et le labeur des
ancêtres ? La Providence a confié
là, aux adultes, une mission d'une
souveraine beauté et d'une importance sans
égale ; s'ils pervertissent en eux les
forces qui devaient s'y employer, cette perversion
aura des conséquences d'une souveraine
hideur et d'une malfaisance sans égale. Une
logique implacable le veut ainsi, et aucun esprit
scientifique n'osera protester contre elle.
Il est vrai, nous prétendons,
utilisant notre science même, trouver dans
nos techniques habiles un moyen d'échapper
aux conséquences de nos défaillances
morales, et nous entretenons volontiers l'espoir
sournois que, devenant plus savants, nous aurons le
droit d'être moins vertueux. La science
jouerait ainsi, si nos souhaits impies pouvaient se
réaliser, le rôle d'une banque
d'escompte chargée de nous ouvrir des
crédits d'immoralité. Heureusement,
notre pouvoir est trop court. Le mal sait, comme le
bien, utiliser nos découvertes, et il
reculera toujours les limites de sa puissance
nocive à mesure que notre pouvoir d'action
s'étendra. Depuis un siècle, notre
aptitude à lutter contre les
conséquences qui
découlent du désordre des moeurs
s'est admirablement développée, dans
tous les domaines, celui de l'hygiène comme
celui de l'assistance, celui de la science comme
celui des institutions politiques, et cependant les
maux innombrables qui résultent de ces
moeurs n'ont cessé de croître ;
la malice a multiplié ses méfaits et,
certes, on n'exagère rien quand on affirme
que ceux qui se déclarent partisans des deux
morales, reculeraient d'horreur s'il leur
était donné de contempler d'un seul
regard l'ensemble des maux que l'impureté
des moeurs déverse sans relâche sur le
monde.
Avec quelle ardeur nous scrutons les
secrets de la nature, afin de la mieux
dominer ; avec quelle âpreté nous
exploitons les ressources nouvelles une fois
découvertes ! De ces
découvertes, et de cette exploitation, nous
attendons des merveilles et, nous oublions qu'il
est en nous un instinct à la fois admirable
et brutal qu'il faut aussi dominer et dont les
débordements sont, presque à eux
seuls, responsables de la désorganisation de
notre société. Nous inventons les
aéroplanes et les dirigeables ; mais
hélas ! ce ne sont que nos corps que
ces inventions pourront
élever dans les airs ; nos coeurs
resteront attachés à la terre,
enchaînés par les liens de la
bestialité, insensibles aux
généreuses sollicitations de
l'idéal.
Soyons plus purs et devenons
« parfaits comme le Père
céleste est parfait ». S'il est
vrai que pour nous autres hommes, la pureté
nous est plus difficile qu'aux femmes et que notre
organisme physiologique est partiellement
responsable de la violence plus grande de nos
instincts sexuels, cette situation ne doit
être pour nous qu'une raison
supplémentaire d'engager la bataille avec
plus de générosité et de
vaillance. Si nous sommes plus menacés,
redoublons de précautions ; si notre
sang est plus souillé, soyons plus vigilants
à éviter tout contact impur. Notre
devoir est certain, précis,
incontestable ; ceignons nos reins et
armons-nous de courage. Les récompenses,
réservées aux sociétés
qui sauront être pures, sont en
vérité si splendides, qu'elles
dépassent tout ce qui peut être
conçu, et nous sommes assurés de voir
nos efforts rémunérés au
centuple.
Paul BUREAU.
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