Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE III.

DES PARTICULARITÉS DE LA BIBLE COMME RÉVÉLATION DE DIEU.

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- La Bible a pour objet de nous révéler Dieu et la nature humaine.

I. - On peut considérer l'Ecriture sous divers points de vue. Le plus important est celui qui nous la montre dans les révélations de Dieu avec l'homme, de l'homme avec Dieu, de l'un et de l'autre avec l'oeuvre et le ministère du Rédempteur.

La Bible nous révèle Dieu, son caractère et sa volonté. Cette volonté est écrite dans toutes les oeuvres de Dieu, et plus clairement encore dans la constitution de l'homme; mais nulle part elle n'est tracée aussi complètement que dans la Bible; et c'est là seulement qu'elle est préservée de toute altération.

On peut dire également que la Bible tout entière est le portrait de l'homme et de l'humanité, des individus et des peuples, sous toutes les formes de leur développement , de l'homme saint, tenté , tombé , dégénéré, racheté, croyant, incrédule, luttant , victorieux, régénéré. Elle commence avec l'homme dans le jardin d'Eden, ayant son Créateur pour ami; et après une histoire merveilleuse, elle nous le montre de nouveau dans la même intimité de son Dieu, non plus sur la terre et dans le paradis, mais dans le ciel , sa bénédiction perdue ayant été rachetée par l'incarnation et les souffrances du Fils de Dieu.

 

II. - Plus généralement on peut dire de la Bible qu'elle est un immense bazar de faits, de préceptes et de doctrines spirituelles. Elle donne des détails authentiques sur l'histoire du monde depuis les temps les plus reculés, alors que les documents humains nous manquent ou sont remplis de fables ; elle raconte l'occasion et les suites immédiates du premier péché, l'origine des nations et celle de la confusion des langues. Nous pouvons suivre ainsi le développement régulier et uniforme des principes par lesquels les hommes ont été gouvernés depuis le commencement, tous rendant témoignage de la sagesse et de la sainteté de Dieu , et des soins miséricordieux de sa providence. Nous suivons les progrès et les développements de la nature humaine, et ceux du plan de la rédemption : la première nous étant montrée sous toutes ses faces - et dans les positions les plus diverses; la seconde , la rédemption , présidant à tous les conseils de Dieu , accomplis en Christ, et se manifestant dans l'Evangile. En un mot, nous trouvons toutes les grandes questions (matérielles , morales ou spirituelles) qui ont occupé l'attention des sages de tous les temps, résolues d'autorité et par des principes qui n'admettent pas d'appel. Nous possédons les décisions de la sagesse infinie comme bases de nos opinions et de nos actes, et ses promesses comme fondements de nos espérances.

Il n'est aucune page de la Bible où l'on ne puisse se demander, avec la certitude de rencontrer une réponse exacte et satisfaisante : Que nous enseigne-t-elle touchant l'homme ou touchant Dieu ? ou touchant la grande oeuvre de la rédemption ? ou touchant la restauration de la nature humaine dans sa dignité et dans sa félicité première ?

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- La Bible est une révélation des vérités religieuses et spirituelles. 

1. - Si l'on se rappelle ce qui vient d'être dit de l'objet spécial de la Bible, on comprendra mieux certaines omissions qu'on y remarque, comparées à certains développements sur des points en apparence moins importants.

La Bible nous donne l'histoire du monde comme monde de Dieu, et comme destiné à devenir un jour le royaume de son Fils. Elle ne nous parle de son origine que pour nous faire connaître, par ce qu'il a fait, le respect qui lui est dû la puissance de Celui dont elle nous fait connaître la volonté, de qui nous sommes les créatures, afin que nous ne le confondions pas avec les idoles des païens, qui sont , ou des êtres imaginaires, ou des parties de la création.

Tout le reste est écrit au même point de vue. C'est une histoire inspirée de la religion, et des autres événements en tant qu'ils ont avec elle quelques rapports. Les nations idolâtres apparaissent dans ce livre, non à cause de leur importance intrinsèque, mais à cause de l'influence qu'elles ont exercée sur le peuple de Dieu, ou de l'influence que le peuple de Dieu a exercé sur elles. C'est ainsi que, depuis le premier péché, la prophétie et la narration nous conduisent de siècle en siècle, à travers toute une période de décadence et de transgressions, jusqu'à cette époque diversement caractérisée, mais rappelée sous les deux alliances, où le Dieu des cieux établira un royaume qui ne sera jamais ébranlé (Héb., XII, 28).

C'est Dieu en tant que saint , dans ses rapports avec l'homme en tant que pécheur, c'est Dieu et l'homme dans leurs rapports avec, Jésus-Christ en tant que Rédempteur, qui sont le thème constant, l'objet unique de la révélation ; tout est raconté à ce point de vue; tout ce qui ne s'y rapporte pas est omis.

L'Ecriture Sainte, révélation des vérités religieuses, écrite pour une nature déchue et coupable, ne doit donc être étudiée qu'au point de vue de la rédemption et de la sanctification. Sans doute, elle peut nous révéler d'autres vérités encore; sans doute aussi la vérité qu'elle proclame peut nous frapper par sa grandeur et sa sublimité. Mais ce ne sont là que des choses secondaires. C'est pour enseigner, convaincre, corriger, instruire que l'Ecriture a été inspirée. Toute étude peut être utile; une seule, celle-là, est nécessaire. C'est d'elle qu'il est écrit : Embrasse l'instruction, ne la lâche point, car c'est ta vie (Prov., IV, 13).

Il en résulte :

1. Que nous ne devons pas demander à l'Ecriture autre chose que ce qu'elle veut bien nous donner. Il en est qui cherchent les morts parmi les vivants, dit Bacon, et qui cherchent dans la Bible des renseignements de philosophie naturelle ou de science humaine. D'autres voudraient lui arracher les secrets de Dieu, et l'interroger sur un avenir dont les détails ni les temps ne nous ont point été révélés. La Bible refuse de répondre à ces questions , ou profanes ou indiscrètes; elle ne répond qu'à cette seule question_ Que dois-je faire pour être sauvé (Actes, XVI, 30) ?

2. Le devoir du chrétien est de mettre en pratique toutes les vérités révélées, les appliquant à tous les détails de la vie. La foi ne peut se séparer des oeuvres. Il est mal de repousser la vérité ; il est mal aussi de rejeter la morale évangélique; il n'est pas moins mal de les disjoindre en isolant l'une de l'autre.

 

II - De ce qui précède sur le but exclusif de la Parole de Dieu, l'on aurait tort de conclure que pour tout le reste elle participe des faiblesses humaines, et que dès qu'elle redescend de sa sphère céleste pour parler le langage des hommes, elle leur emprunte leurs erreurs et cesse d'être inspirée par la sagesse souveraine. Ce que nous ne serions pas en droit de lui demander, elle nous le donne encore dans son inépuisable richesse.

Alors que tous les anciens systèmes religieux ou philosophiques, alors que les sages de toutes les nations de l'antiquité , alors que les Pères de l'Eglise eux-mêmes fourmillent d'erreurs astronomiques ou géologiques, la Bible subit, sans en être ébranlée, l'examen de la science moderne , et révèle un auteur dont le regard a sondé les entrailles de la terre et les profondeurs des cieux.

Combien n'est-il pas admirable que la Bible, qui certes n'a pas en pour mission de rien enseigner sur ces matières, soit cependant exempte de toute erreur de ce genre; bien plus, qu'elle trahisse une si parfaite connaissance de la vérité sur ces points toutes les fois qu'elle affirme et qu'elle parle.

La terre est un globe suspendu sur le néant (Esaïe, XL, 22. Job, XXVI, 7-40. Prov., VIII, 27 ). Les eaux ont leur équilibre, nécessaire à la stabilité des continents. L'air, dont jusqu'à Galilée on ignorait la pesanteur, a reçu de Dieu son poids (Job, XXVIII, 25). Les cieux sont l'étendue. La lumière est indépendante du soleil. La terre est pleine d'un feu intérieur. Si le soleil s'arrête à la voix de Josué, la lune doit s'arrêter aussi. Quand le Fils de l'homme apparaîtra, une moitié du monde sera livrée au travail, l'autre au sommeil. Pour l'une, il fera jour ; pour l'autre, nuit. Le nombre des étoiles est innombrable , comme le sable de la mer ; Ptolémée en comptait mille vingt-six. L'unité de la race humaine, l'unité primitive de son langage sont constatés. Les époques géologiques sont racontées, et les révolutions du globe ressortent des récits de Moïse aussi savantes que des profondes recherches de Cuvier.

 

III. - Les questions les plus abstraites, les grands principes de la philosophie morale, les lois de notre nature humaine ne sont pas indiquées avec moins d'autorité et de vérité dans le livre de Celui qui sonde les coeurs et les reins. Elles ne sont exposées nulle part d'une manière formelle et dogmatique, mais elles sont supposées partout.

La philosophie a constaté depuis longtemps l'influence que la direction habituelle des pensées peut exercer sur le coeur, l'influence que peut exercer sur le caractère tout ce qui intéresse l'esprit. L'Ecriture nous dit de même qu'une attention constante et fidèle aux vérités du christianisme est le grand moyen d'amener l'âme à l'amour et à la pratique de la sainteté ( 1 Jean, IV, 10, 16, 19. Gal., II, 20. 1 Cor., XV, 2. 2 Cor. , III, 18. 1 Tim. , IV, 16. Ps. CXIX, 9-11. 1 Pierre, I, 22).

Les hommes qui pensent se sont bien des fois posé cette question - Comment se forment les croyances ? La philosophie a répondu : En recherchant l'évidence et en méditant la vérité quand une fois elle a été reconnue. L'Ecriture fait la même réponse. La croyance et le sentiment , la foi et l'amour sont les fruits, non de l'analyse ou des efforts que l'on peut faire pour se les procurer, mais de l'examen de la vérité et de la communion intérieure avec les objets qui réclament et méritent notre affection. La Bible nous appelle à considérer, à faire attention , nous assurant qu'une humble et patiente contemplation a pour fin la foi , et que la foi a pour résultats naturels les sentiments de sainteté et d'amour qu'elle peut seule développer. L'attention est souvent recommandée dans l'Ecriture par des préceptes et par des exemples (Ps. CXIX, 2. Prov., IV, 1-4. Actes, VIII, 6. Voyez encore Marc, IV, 24, 25; VIII, 18. Ps. IV, 10. Gal., V, 6. Josué, XXII, 5, etc.).

L'Ecriture a d'ailleurs soin d'ajouter que, quels que soient les moyens extérieurs employés, ils n'ont d'efficace que sous l'influence vivifiante et bénie du Saint-Esprit (Actes, XVI , 14; X, 44. Zach., XII, 10. Esaïe, XLII, 7. 1 Cor., II, 14. Ephés., I, 17, 18. 2 Pierre, I, 2, 3. Gal., V, 22).

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- La Bible est une révélation graduelle et progressive.

I. - Comme la nature qui est toujours la même, mais dont le soleil, au fur et à mesure qu'il dissipe les ténèbres de la nuit et qu'il s'élève sur l'horizon, révèle successivement les beautés ensevelies, les plus hautes montagnes, puis les coteaux. et les vallées, de même la vérité divine est immuable, les conseils de Dieu demeurent fermes, mais la révélation qui nous en est faite est graduelle; la lumière du soleil de justice s'élève peu à peu progressivement, et l'humanité s'éclaire, siècle après siècle, de révélations qui l'eussent éblouie et consumée si elles lui eussent été données dans tout leur éclat, alors qu'elle était encore plongée dans la nuit de l'ignorance et du péché.

La doctrine de l'unité de Dieu est enseignée dès le commencement, en même temps que certaines expressions semblent indiquer une pluralité de personnes dans la divinité (Gen., I, 26; III, 22. Ps. LVIII, 11. Prov., IX, 10, texte hébreu , etc. ). La triple bénédiction de Nomb., VI,22-27, et l'invocation des chérubins (Esaïe, VI, 3, cf. XLVIII, 16. Jér., VII, 4; XXII, 29) sont très remarquables quand on les rapproche de la bénédiction apostolique. L'ange de l'Eternel, qui joue un si grand rôle dans l'Ancien-Testament (voyez surtout Gen., XXXII, 28-30) , apparaît toujours comme Dieu manifesté en chair; les auteurs juifs reconnaissent distinctement en lui le Messie (Mal., III, 1 ). Peu à peu, la lumière se fait plus distincte chez les prophètes (Esaïe, IX, 6. Michée, V, 2. Zach. , XIII, 7) , et le Nouveau-Testament achève de la révéler pleinement. - Il en est de même du Saint-Esprit; son influence est reconnue dans l'Ancien-Testament, et d'autant plus qu'on approche, du siècle apostolique; mais ce n'est que dans le Nouveau-Testament que nous trouvons des vues claires et distinctes sur son oeuvre et sa personnalité.

Cette progression est plus frappante encore en ce qui concerne le plan du salut et la personne de Jésus-Christ. Sa venue fait l'objet de la première promesse, et bien qu'en termes mystérieux, elle est annoncée d'une manière incontestable et incontestée dès les premiers jours du monde (Gen., III, 15). Le premier acte de culte digne de ce nom est un type, un sacrifice; il exprime, d'une manière extérieure , la confiance du fidèle dans l'accomplissement de la première promesse. Il devait y avoir triomphe par la mort et substitution de l'innocent au coupable.

Les promesses et les types se multiplient avec les siècles qui s'écoulent. Hénoc, Noé, Melchisédec, Job, sont des types et des prédictions vivantes; bien plus encore le sont Abraham et ses descendants immédiats.

Sous Moïse et par sa législation, de nombreuses institutions typiques, hommes, choses, places, cérémonies, sont établies , et le but en est plus nettement indiqué. Les prophéties aussi deviennent plus claires et plus fréquentes (Nomb., XXIV, 17. Deut. , XVIII, 15).

Pendant la période qui s'étend de Samuel à Malachie et qui comprend plus de six cents années, nous avons une succession de prophètes qui annoncent l'oeuvre de la personne du Messie avec une clarté toujours croissante , ils prédisent aussi l'effusion du Saint-Esprit et le triomphe général de la vérité , deux points sur lesquels les révélations précédentes gardent le silence (1 Pierre, I, 11. Ps. LXVIII, 18. Joël, II, 28. Zach., XIV, 9. Esaïe, LIII; LXI, 11).

Nulle part les prophètes, au milieu des développements progressifs qu'ils donnent à l'idée messianique, ne vont au-delà des termes de la première promesse, qui avait pour but de faire entrevoir à l'homme l'espérance d'une complète rédemption; mais ils sont plus précis, plus clairs, plus détaillés; ils disent davantage ce que sera la rédemption et ce qu'elle coûtera. Les Evangiles, sous ce rapport, sont aussi en avant des prophètes que ceux-ci étaient en avant de la loi; ils ne disent pas plus, mais ils exposent plus complètement : ce n'est plus un pressentiment, c'est de l'histoire.

 

II. - On distingue ordinairement quatre économies principales, quatre dispensations différentes, chaque dispensation représentant les voies de Dieu envers les hommes sous une forme particulière et de plus en plus spirituelle, soit quant à la portion de vérité qu'elle révèle, soit quant aux règles de culte et de conduite qu'elle prescrit.

 

1. La dispensation adamique ne dure que ce que dura l'innocence dans ce monde , et n'est guère l'objet d'aucune révélation. L'homme aime Dieu; il n'a pas besoin que Dieu lui fasse connaître ni ce qu'il est ni ce qu'il veut. Un seul commandement est destiné à consacrer l'obéissance de l'homme.

2. La dispensation patriarcale dura deux mille cinq cents ans; l'histoire en est racontée depuis Genèse, III, jusqu'à Exode, XX. Ce nom désigne une époque où les chefs de famille étaient en même temps les gouverneurs et les maîtres de la peuplade souvent nombreuse à laquelle ils avaient donné le jour. Adam , Seth , Hénoc, Noé, avant le déluge ; après le déluge, Job, Melchisédec, Abraham et ses descendants immédiats furent à la fois pères, princes et prophètes. Ils étaient les dépositaires de la volonté de Dieu et les gardiens de la prophétie; quelques-uns même présentent dans leur histoire des types de notre Seigneur. Il n'y eut, pendant cette longue période, qu'un nombre assez restreint de prédictions proprement dites; mais elles sont toutes clairement messianiques, soit qu'elles distinguent les animaux purs des animaux impurs, soit qu'elles parlent du sacrifice, soit que Dieu fasse alliance avec Abraham (Gen. , VIII et XV). On y reconnaît déjà les premiers principes du mosaïsme.

3. La dispensation mosaïque, c'est-à-dire l'alliance de Dieu avec le peuple d'Israël par l'intermédiaire de Moïse, dura quinze cents ans; elle abonde en types personnels, matériels, cérémoniels et autres, Le peuple juif lui-même est un type vivant, dans ses institutions comme dans son histoire (Lév. , VI, 2-9; XVI, 21 ; XVII, 11. 1 Cor. , X. Ephés. Héb. ; etc).

4. La dispensation évangélique, dont les grands principes se retrouvent déjà en germe dans l'économie précédente, repose sur les faits racontés dans les Evangiles, et spécialement quant à la vie et à la mort de notre Seigneur.

Les Actes nous montrent la vérité en action, soit chez les croyants considérés individuellement, soit dans les Eglises. Les doctrines fondées sur ces faits sont développées et exposées dans les Epîtres. L'Apocalypse enfin renferme, sous la forme de visions et de symboles, l'histoire de la vérité dans ses luttes avec l'erreur, l'histoire de l'Eglise jusqu'à la fin des temps.

C'est avec ces livres que finit le développement de la vérité évangélique , du moins en ce qui concerne le monde actuel , et jusqu'au jour où nous connaîtrons parfaitement (1 Cor. , XIII, 12).

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- Unité de la Bible.

1. - C'est une chose bien remarquable que la grande règle d'unité revendiquée pour tous les livres, par les hommes de tous les temps qui se sont occupés de l'art d'écrire, soit si complètement observée dans le recueil biblique, composé cependant par plus de quarante auteurs différents, à des époques différentes, à des siècles de distance les uns des autres, dans des pays différents, et traitant de matières en apparence bien différentes. Il n'y a pas d'unité dans le style, il n'y en a pas davantage dans la forme; l'histoire, le cantique, l'oracle, l'argumentation, le dialogue, la biographie, l'épître, se mêlent et se succèdent; les rois, les généraux, les sages, les bouviers, les pêcheurs prennent la plume tour à tour; les uns racontent le passé, les autres l'avenir ; les uns exhortent, les autres chantent. Et cependant, au milieu de tant de motifs divers, on découvre une harmonie merveilleuse. Celui qui est infini en sagesse et en puissance fait de toutes ces oeuvres une seule oeuvre animée du même esprit. Chacun vient à son tour , à son heure , apporter sa pierre à l'édifice; les siècles s'écoulent, et l'édifice s'achève dans la plus parfaite symétrie; le divin architecte a présidé lui-même à sa construction.

Partout un même but moral. C'est l'histoire de l'homme avec Dieu, de l'homme considéré, d'abord comme individu, puis comme famille, comme nation, puis enfin comme Eglise. Les livres des hommes s'arrêtent longuement sur des objets tout-à-fait étrangers à la religion proprement dite; les Shasters des Indous racontent, avec d'interminables détails, les origines de l'univers ; Mahomet expose la théorie physique de la vie à venir, et d'autres choses encore d'une incertitude complète et d'une importance plus que douteuse; le Talmud est rempli de fables; Swedenborg de visions, Rome, de légendes et de faux miracles. Tout ce que la Bible enseigne a Dieu pour objet, et l'homme dans ses rapports avec Dieu ou avec ses semblables; tout est à la fois morale et pratique. On n'y trouve ni cosmogonie, ni mythologie, ni métaphysique, ni miracles inutiles et puérils, aucune idée qui ne soit en même temps une réalité. Renouer les relations interrompues entre Dieu et les hommes, rattacher les hommes les uns aux autres, racheter et sanctifier , voilà le but unique, exclusif de ses histoires et de ses cantiques, de ses préceptes et de ses prophéties.

Partout aussi la même unité dans la doctrine. C'est un fait d'autant plus remarquable que nous avons ici, non point des auteurs seulement, mais encore des dispensations différentes. Chacune d'elles cependant reproduit, avec des différences d'éclat si l'on veut, les mêmes grands principes du christianisme. Subjectivement, la religion s'est toujours résumée dans ces deux mots : foi et obéissance. Objectivement, et comme système de vérité, elle n'a jamais change.

Dès les temps les plus anciens nous trouvons la foi à l'unité de Dieu, à la création et conservation de toutes choses par la puissance divine , à une providence tour à tour générale et spéciale, à une loi suprême distinguant le bien et le mal, à la chute et à la corruption de l'homme, à la doctrine de l'expiation par voie de sacrifice , à l'obligation et à l'efficacité de la prière , à une intervention directe de Dieu dans les choses de ce monde, à la responsabilité humaine, à la nécessité de la sainteté morale.

La loi donnée par Moïse abonde en cérémonies; elle était évidemment adaptée aux besoins particuliers d'un peuple spécial. L'Evangile n'a qu'un petit nombre de cérémonies d'un caractère très simple et d'une application universelle. Mais malgré cette triple divergence dans la forme, les deux systèmes reviennent à une même idée essentielle. Ils présentent Dieu et l'homme sous les mêmes couleurs et dans les mêmes rapports; ils développent ou font pressentir les mêmes vérités, ils font naître les mêmes sentiments.

La même unité se remarque d'ailleurs, non seulement dans les vérités que l'expérience et l'observation peuvent constater, mais encore dans celles qui échappent à l'appréciation et à la connaissance de l'homme. C'est ainsi que la Bible révèle partout le même Dieu, saint, sage et bon ; qu'elle nous parle de ses conseils pour le gouvernement du monde et de l'issue de la lutte actuelle entre le bien et le mal (Gen., III, 15. Dan. , VII, 14. 1 Jean, III, 8). Elle traite de la nature humaine et du vrai bonheur (Gen., 1, 26. Ecclés., XII, 13. Matth., V, 3 et suiv. Rom., III, 23). Elle met à nu, avec une vigueur et une perspicacité sans égale, les secrets mobiles des actions des hommes, et fait ressortir la grande source de toutes les misères d'ici-bas; deux sujets qui ont, dans tous les temps, fixé l'attention des sages, et qui ont donné lieu à des solutions aussi vagues et aussi variées que celles de la Bible sont nettes et positives.

 

Il. - Il résulte des faits qui viennent d'être exposés:

1. Que la Bible ne doit pas être considérée comme une suite de révélations distinctes, mais comme une révélation une et indivisible. Plusieurs des doctrines exposées dans le Nouveau-Testament ne peuvent être bien établies et surtout bien comprises que par l'intelligence de l'Ancien. Une dispensation est le complément de l'autre. La première est un type, une figure terrestre; la seconde est la céleste réalité.

2. Dans l'harmonie des dispensations nous trouvons encore un sûr critère et de la vérité des doctrines et de leur valeur relative.

 

La révélation est un tout dont les parties sont bien coordonnées ; les doctrines de la dernière dispensation n'acquièrent leur entier développement, ne révèlent toute leur portée , ne sont pleinement comprises et par conséquent fécondes, que lorsqu'elles sont étudiées à la lumière de leur première manifestation.

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- La révélation divine n'est pas un système 

I. - Ce n'est pas une des particularités les moins remarquables de l'Ecriture que l'absence de toute forme systématique dans l'exposé des vérités divines. On n'y trouve ni compendium dogmatique ni traité de morale, tandis que tous les livres sacrés des religions inventées par les hommes, le Coran et les Shastres par exemple, renferment des définitions très précises sur la foi, et les directions les plus minutieuses touchant les jeûnes, les ablutions et les autres détails du service religieux.

Cette lacune dans la Bible est à la fois naturelle et bien instructive. Toute la première moitié de l'Ancien-Testament et une partie de la seconde, sont purement historiques. La vérité morale transpire seule à travers tous ces récits fragmentaires et succincts. Dieu a été en relation avec l'homme deux mille ans avant de lui donner sa loi. Il est naturel de penser que la narration abrégée qui nous est transmise de ces deux mille ans ne renferme pas tout ce que Dieu a révélé aux hommes, comme elle ne nous dit pas sous quelles formes ces révélations ont été données.

Aussi, le but spécial de la plus grande partie de la Bible n'est-il pas tant de révéler la vérité, que de donner un corps à la vérité déjà révélée.

Il en est de même du Nouveau-Testament. Il fut écrit pour ceux qui avaient été déjà instruits dans la foi chrétienne, et qui l'avaient embrassée de coeur. On ne peut donc guère s'attendre à y rencontrer un traité régulier d'instruction élémentaire, ni l'énumération des articles de la foi. Les Eglises existaient déjà quand les épîtres furent écrites; elles avaient été formées sous l'influence de l'enseignement des apôtres et sur un divin modèle. Quant aux Evangiles, ils sont purement historiques, et supposent ou laissent percer la vérité religieuse, plutôt qu'ils ne l'enseignent systématiquement.

La religion est objective ou subjective : elle réduit en système la doctrine sainte et les saints préceptes de la vie pratique; elle s'appelle dogmatique, vérité, ou morale et piété. L'une et l'autre sont révélées dans l'Ecriture, mais plutôt incidemment et sous formes d'exemples, que par un enseignement théorique et systématique.

 

II. - En ne nous représentant pas la vérité sous une forme systématique, en nous obligeant au contraire à chercher, à sonder, à coordonner, en faisant appel au travail individuel , l'Ecriture condamne de fait le système d'autorité dont Rome nous offre le modèle le plus exact, système qui peut plaire, parce qu'il flatte l'indolence naturelle de l'homme et son apathie dans la recherche de la vérité, mais qui empêche de parvenir à un résultat sérieux et appréciable.

Une théologie systématique fondée sur la Bible est peut-être le degré le plus parfait de connaissance, mais n'est pas réellement essentielle à la piété. On peut se sentir attiré par tout ce qui nous est dit dans l'Ecriture de la bonté de Dieu; on peut aimer le Rédempteur à cause de son amour, se confier en ses promesses, se nourrir de sa Parole, régler sa vie sur ses directions , et cependant n'avoir aucune doctrine bien systématique et ne rien comprendre aux termes techniques de la théologie. Cette vie de piété et d'amour, cette soumission à la Providence, cette imitation de Jésus-Christ est la chose principale ; combinée avec la science, elle constitue un homme vraiment saint et vraiment sage ; mais la vraie sainteté et la vraie sagesse peuvent se rencontrer en dehors de toutes vues systématiques et scientifiques (1).

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