Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

HISTOIRE DE L'ÉTAT RELIGIEUX DES HÉBREUX.

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DE JOSUÉ JUSQU'A SALOMON

I. Les Israélites, après leur entrée en possession du pays de Canaan, se montrèrent pendant quelque temps observateurs zélés de la loi (Josué, V, 4-10; VIII, 30-35; XXII, 9-34; XXIII, 11; XXIV, 4-21 ). Mais peu à peu, et surtout après la mort de Josué, le souvenir de leur délivrance miraculeuse de l'esclavage d'Egypte, et celui de la protection signalée que l'Eternel leur avait accordée pendant leur séjour dans le désert et à leur entrée en Canaan, s'effaça; ils se laissèrent entraîner par l'exemple des nations idolâtres dont ils étaient entourés, et s'attirèrent par là les châtiments de la justice divine, laquelle leur faisait sentir le joug des étrangers jusqu'à ce qu'ils retournassent au culte de Jéhovah.

Les quatre siècles qui s'écoulèrent depuis Josué jusqu'à Samuel, sous le gouvernement des juges, n'offrent qu'une suite continuelle d'infidélités aux lois de l'Eternel, de punitions, de repentirs et de délivrances. Mais à aucune époque l'idolâtrie ne devint universelle chez les Israélites; un grand nombre d'entre eux demeurèrent constamment fidèles au culte du vrai Dieu.

 

II. Samuel, le dernier des juges, fit cesser l'idolâtrie; les Israélites se rendaient régulièrement au tabernacle, offraient les sacrifices prescrits, et reconnaissaient Jéhovah comme leur roi (1 Sam., I, II. Ruth, IV, 1-12. 1 Sam., IV, 2-4).

Samuel s'acquit encore des droits incontestables à la reconnaissance des Israélites par l'établissement ou du moins l'amélioration des écoles, dans lesquelles les jeunes gens recevaient une instruction plus approfondie sur la religion et sur la loi, qu'ils n'auraient pu recevoir dans leurs familles. Ces écoles, connues sous le nom d'écoles de prophètes, devinrent bientôt fort nombreuses ( 1 Sam., X , 5; XIX, 18-24. 2 Rois, II, 3, 5; VI, 1-7) et exercèrent une influence très salutaire sur la nation juive, en fournissant des hommes instruits et zélés , veillant au maintien des institutions civiles et religieuses, donnant à leurs concitoyens l'exemple de la piété et d'un pur patriotisme, et guidant souvent les rois par leurs sages conseils (1 Rois, XVIII, 4, 13; XIX, 18).

Mais le peuple se montra peu reconnaissant des grands services que Samuel ne cessait de lui rendre; les Israélites demandèrent avec instance à être gouvernés par un roi, comme les autres nations. Samuel se vit forcé de céder à leurs voeux, quoique à regret, prévoyant que la présence d'un roi visible affaiblirait nécessairement l'autorité de Jéhovah, qui jusqu'alors avait régné sur Israël en roi unique et absolu, mais invisible.

Les craintes de Samuel ne se réalisèrent que trop. Saül, le premier roi, donna lui-même au peuple l'exemple de la désobéissance aux ordres de Dieu (1 Sam., XIII, 8-15; XV, 10-31 ) ; il exerça de grandes cruautés (I Sam., XXII, 17-23), en permit d'autres (2 Sam., XXI, 1-5; XXII, 1, etc.), et alla même jusqu'à consulter une devineresse, crime que la loi punissait de mort (1 Sam., XXVIII, 7). Si l'idolâtrie ne s'introduisit point en Israël sous un roi tel que Saül, c'est aux sages mesures et au zèle vigilant de Samuel que nous devons l'attribuer.

 

III. Le culte de Jéhovah atteignit le plus haut degré de la splendeur sous David (l'an 1055-1015). Ce roi sage , pieux, actif et prudent, accomplit les desseins que Samuel avait conçus à cet égard, et que Saül avait entièrement perdus de vue. Il donna lui-même au peuple l'exemple d'un zèle ardent pour le culte du vrai Dieu; il fit transporter l'arche sainte sur la montagne de Sion; il introduisit la musique et le chant dans les cérémonies religieuses et composa lui-même un grand nombre d'hymnes sacrées, qui contribuèrent puissamment à réveiller et à entretenir chez les Israélites la vénération de Jéhovah et l'attachement à son culte. Il résolut même d'élever un temple majestueux à l'Eternel, mais il en fut détourné par les conseils du prophète Nathan, qui plaida devant lui la cause du peuple, accablé par l'énormité des impôts levés pour subvenir aux frais des guerres, à la construction des places fortes et à d'autres dépenses nécessaires.

Le règne de David passa chez les Juifs en proverbe pour désigner une époque de prospérité, de puissance et de splendeur, en sorte que les prophètes désignent souvent l'adoration universelle de Jéhovah, annoncée à Jacob (Gen., XLIX, 10) , sous le nom de règne éternel de David, et le Messie sous celui de David ou de second David (Jér., XXX, 9. Ezéch., XXXIV, 24, XXXVII, 24, 25).

 

IV. Salomon (l'an 4015-975) se montra, au commencement de son règne, le digne successeur de David, son père. Il construisit le temple de Jérusalem, établit un culte public plein de pompe et de majesté, composa plusieurs écrits, donna de sages lois, encouragea le commerce, les arts et les sciences, et s'acquit une telle réputation, que sa sagesse a passé en proverbe. Malheureusement, la fin de son règne ne répondit point au commencement; il s'adonna à l'idolâtrie, et son exemple exerça sur son peuple une influence d'autant plus funeste que sa sagesse reconnue entraînait plus facilement à l'imitation. A l'idolâtrie il joignit un luxe excessif, accabla son peuple d'impôts, et répandit ainsi les germes du mécontentement qui, sous Roboam, éclata en révolte ouverte et amena la séparation en deux royaumes, celui d'Israël et celui de Juda (l'an 975).

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ROYAUME D'ISRAEL.

I. Immédiatement après la séparation , Jéroboam 1er, roi d'Israël, fit élever deux veaux d'or, un à Dan, et l'autre à Béthel, pour empêcher son peuple de se rendre au temple de Jérusalem, où il aurait pu se réconcilier avec le peuple du royaume de Juda. Il est vrai, ces deux veaux d'or, qui pendant l'espace de deux cent cinquante-trois ans furent l'objet constant du culte des Israélites, n'étaient point des idoles proprement dites, c'est-à-dire des représentations de fausses divinités, mais bien des symboles de Jéhovah; néanmoins, cette distinction était trop délicate pour être saisie par la grande masse du peuple; aussi les prophètes s'élevaient-ils constamment et avec force contre ce culte des veaux d'or, lequel, en effet, fraya le chemin à l'idolâtrie ou à l'adoration des faux dieux, qui commença cinquante-sept ans après la séparation, lorsque Achab (l'an 918), séduit par sa femme Jézabel, phénicienne, consacra dans des villes de Samarie un temple, un bocage et des autels à Bahal. Cette idole fut adorée en Israël pendant trente-cinq ans, malgré tout le zèle et toutes les exhortations des prophètes Elie, Elisée et autres, jusqu'à ce que Jéhu (l'an 884) y mît fin en faisant périr le roi Joram, toute sa famille, tous les prêtres et adorateurs de Bahal, et en détruisant ses temples, ses autels et ses bocages (2 Rois, IX, X).

 

II. Depuis Jéhu jusqu'à Jéroboam II (l'an 884-825) , les Israélites se contentèrent du culte des veaux d'or, s'abstenant de celui des faux dieux. Sous Jéroboam II, l'adoration des faux dieux s'introduisit de nouveau et le culte de Jéhovah fut de plus en plus abandonné, en sorte que pendant les cinquante dernières années qui précédèrent la destruction du royaume d'Israël , nous en trouvons à peine quelques faibles traces.

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ROYAUME DE JUDA.

I. Lors de la séparation en deux royaumes, les lévites, et un grand nombre d'Israélites pieux et zélés, fixèrent leurs demeures dans le royaume de Juda pour se soustraire à l'idolâtrie qui régnait en Israël ; aussi le culte du vrai Dieu fut-il observé plus fidèlement dans le royaume de Juda , où le temple de Jérusalem attirait constamment les Israélites zélés.

 

II Sous les deux premiers rois de Juda , Roboam et Abijam (l'an 975- 955) , l'idolâtrie fut tolérée ; mais Asa, le troisième roi , y mit fin. Joram, petit-fils d'Asa (l'an 889), se laissa séduire par sa femme Hathalie, fille de la reine idolâtre et cruelle Jézabel, et releva les autels des faux dieux; pendant un espace de soixante-sept ans, les habitants de Juda flottèrent sans cesse entre le culte de Jéhovah et celui des idoles.

Amatsia, et son fils Hazarja ou Hozias (l'an 837-758), maintinrent le culte du vrai Dieu; mais Achaz (l'an 742-726) , le plus idolâtre de tous les rois de Juda , se tourna vers les dieux des Syriens, disant - Puisque les dieux des rois de Syrie les secourent, je leur sacrifierai, afin qu'ils me secourent aussi (2 Chron., XXVIII, 21-23). Après leur avoir élevé des autels, Achaz finit par fermer le temple de Jéhovah, malgré les exhortations des prophètes Esaïe et Michée.

Ezéchias, son fils (l'an 726-698), rétablit le culte du vrai Dieu, détruisit les autels idolâtres, et réussit à ranimer le zèle de son peuple pour la loi de Moïse et pour la religion de leurs pères.

Manassé, son fils (l'an 698-613), s'adonna à l'idolâtrie, éleva un autel à la reine des cieux dans le temple même de Jéhovah, offrit son propre fils en sacrifice à Moloch, et commit une foule de cruautés (2 Rois, XXI, 4-6). Dieu le punit en le livrant entre les mains des Assyriens, qui l'emmenèrent prisonnier à Babylone. Ayant obtenu plus tard la permission de retourner à Jérusalem, Manassé releva, à la vérité, le culte de Jéhovah (2 Chron., XXXIII, 12-17) , mais le peuple continuait à fléchir les genoux devant les idoles, et Amon, fils de Manassé, se laissa également entraîner à l'idolâtrie.

Josias (l'an 641-610), roi pieux et zélé, encouragé par les prophètes Jérémie et Sophonie, détruisit les idoles, non seulement dans Jérusalem, mais dans tout le royaume de Juda, et fit restaurer le temple. En cette occasion, l'on découvrit un exemplaire de la loi écrite de la main de Moïse (2 Chron., XXXIV, 14).

Sous les rois de Juda , Jéhoachaz, Jéhojakim, Jéhojachin et Sédécias (l'an 618-588), la vraie religion fut presque entièrement abandonnée; le prophète Ezéchiel déclare positivement que Juda a surpassé Israël en abomination (Ezéch., XXIII).

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PENDANT LA CAPTIVITÉ ET JUSQU'A LA DESTRUCTION DE JÉRUSALEM PAR LES ROMAINS.

I. Si nous considérons que l'idolâtrie était générale chez les Juifs lorsqu'ils furent emmenés en captivité, il doit au premier abord paraître étonnant que la connaissance et le culte du vrai Dieu ne se soient pas entièrement perdus chez eux pendant leur long séjour au milieu des peuples idolâtres de l'Assyrie et de la Babylonie. Mais la conservation de la vraie religion parmi les Juifs s'explique par l'influence salutaire que les prophètes ne cessèrent d'exercer sur eux pendant tout le temps de leur exil. Grand nombre de leurs prophéties avaient déjà reçu un parfait accomplissement : les royaumes de Juda et d'Israël étaient détruits, Jérusalem et le temple consumés par les flammes ; le peuple gémissait dans la captivité , etc. , etc.

Pendant la captivité même, Ezéchiel et Daniel continuaient à prophétiser, et leurs prédictions furent accomplies à tel point, que les rois des Chaldéens et des Mèdes eux-mêmes étaient forcés de reconnaître la puissance du Dieu d'Israël (Daniel, III, 28, 29 ; IV , 34). Ces preuves évidentes de la divine Providence durent nécessairement rallumer et soutenir le zèle des Juifs pour le culte de Jéhovah. Dans cette circonstance encore fut vérifiée l'observation que les calamités publiques servent à ranimer la piété des peuples, selon cette parole d'un prophète : Eternel, étant en détresse ils se sont rendus auprès de toi; ils ont répandu leur humble requête quand ton châtiment a été sur eux (Esaïe, XXVI, 16. Jér., III, 22, 23).

Ce qui ramena surtout le peuple juif vers l'Eternel, ce fut la fin de sa captivité et son retour dans la Judée, grand événement prédit tant de fois par les prophètes depuis Jonas jusqu'à Jérémie, si ardemment désiré pendant un exil de soixante et dix ans, et amené enfin par un tel concours de causes extraordinaires et merveilleuses, que Cyrus lui-même déclare dans son édit : C'est l'Eternel, le Dieu des cieux, qui m'a ordonné de lui bâtir une maison à Jérusalem, qui est en Judée (Esdras, I, 1 , 2). Cette délivrance miraculeuse, cet accomplissement parfait de tant de prophéties durent convaincre tout Israélite qu'il n'y avait d'autre Dieu que Jéhovah, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, et qu'il n'y avait d'espérance et de salut qu'en lui.

 

II. Aussi un grand changement s'opéra-t-il à cette époque dans le caractère du peuple juif; depuis son retour de la captivité il montra autant d'attachement au culte du vrai Dieu, autant de zèle à le servir, qu'il avait manifesté jusqu'alors de penchant pour l'idolâtrie et de désobéissance envers les lois de l'Eternel. Le culte public, dans le temple de Jérusalem, fut rétabli. On ouvrit partout des synagogues où on lisait et expliquait les livres sacrés, et où l'on se disposait par des chants et des prières à la fidélité envers ce Dieu qui avait fait de si grands prodiges en faveur de son peuple. Partout, dans le Nouveau-Testament, nous voyons avec quelle rigidité les Juifs accomplissaient les ordonnances de la loi, avec quelle horreur ils évitaient tout contact avec les peuples idolâtres, même avec les Samaritains, qui cependant conservaient la loi de Moïse comme eux.

 

III. Dans les siècles qui précédèrent la naissance du Sauveur, la religion juive se répandit avec une rapidité incroyable parmi les peuples voisins, et même dans les contrées lointaines , en Grèce , en Italie, en Egypte , etc. Des peuples entiers embrassèrent le culte de Jéhovah; par exemple , les Iduméens, les Ituriens, les Moabites, etc.

Cette propagation rapide du judaïsme ne peut nous étonner, si nous réfléchissons à l'état déplorable dans lequel se trouvaient alors les nations idolâtres. Les fables ridicules du paganisme, les systèmes absurdes des philosophes, les fourberies des prêtres , la corruption affreuse des moeurs, faisaient naître, dans toutes les classes de la société, le désir d'une religion capable de répondre aux exigences de la saine raison et aux besoins du coeur.

Avant de terminer cette esquisse historique, il nous reste à parler de plusieurs choses qui se rattachent plus ou moins à l'état religieux du peuple juif , savoir : des prosélytes, de l'idolâtrie des peuples voisins de la Palestine, etc., etc.

DES PROSÉLYTES.

Les Juifs désignaient sous le nom de prosélytes, c'est-à-dire nouveaux arrivés, les païens qui embrassaient le judaïsme; ils en distinguaient de deux sortes : les prosélytes des portes et les prosélytes de la justice.

I. Les prosélytes des portes ou de domicile (hébreu , tochab, répondant presque au mot français régnicole) étaient des païens qui, renonçant à l'idolâtrie , adoptaient le culte du Dieu d'Israël et les préceptes moraux de la loi mosaïque, sans cependant se soumettre à la circoncision ni aux autres lois cérémonielles de Moïse. Ils s'obligeaient seulement par serment et devant trois témoins d'observer les sept commandements suivants, appelés commandements noachides ou de Noé (parce que Dieu les dicta, selon la tradition , à ce patriarche), savoir :

1° de renoncer à l'idolâtrie ;

2° d'adorer le seul vrai Dieu;

3° de ne point dérober;

4° de fuir l'inceste ;

5° de ne point commettre de meurtre;

6° de punir de mort tout meurtrier ;

7° de ne point manger de sang ni d'animaux étouffés.

Ces prosélytes sont appelés des portes, parce qu'ils pouvaient habiter dans les Portes, c'est-à-dire dans les maisons des Israélites ; ils fréquentaient les synagogues et offraient des sacrifices au temple, toutefois sans pouvoir entrer dans le parvis des Israélites,. Parmi ces prosélytes nous citerons : Naaman (2 Rois, V, 17, etc.), les Récabites (Jér., XXXV); dans le Nouveau-Testament, nous les trouvons désignés sous le nom de Juifs craignant Dieu (Actes, II, 5).

 

II. Les prosélytes de la justice (hébreu, gues) étaient des païens qui se soumettaient à la loi de Moïse en son entier. Ces prosélytes étaient non seulement circoncis, mais aussi plongés, immergés dans l'eau, ensevelis dans les flots, en sorte, qu'ils naissaient, pour ainsi dire, de nouveau. De là les expressions : naître une seconde fois, nouvelle naissance, régénération, dont se sert Jésus-Christ dans son entretien avec Nicodème (Jean, III, 1 , etc.), et si ce pharisien ne comprend point le Sauveur (5 , 9), c'est qu'il ne peut concevoir qu'un Juif, un enfant d'Abraham , ait besoin de cette régénération spirituelle que les Israélites exigeaient d'un prosélyte du paganisme, et qui était indiquée par l'immersion. - Les Juifs regardaient cette immersion si bien comme une nouvelle naissance, qu'ils prétendaient que par cette seule cérémonie toutes les anciennes relations du prosélyte, même celles du sang et de la parenté la plus rapprochée, étaient entièrement rompues et anéanties, en sorte qu'un païen circoncis et immergé pouvait, selon eux, épouser sa propre mère ou sa propre soeur.

Nous ignorons à quelle époque cette purification des prosélytes commença à être en usage parmi les Juifs; nous savons seulement qu'on autorisait cette pratique d'après un passage de l'Exode où Dieu ordonne à Moïse : Sanctifie le peuple, et qu'ils lavent leurs vêtements (Exode , XIX , 10-14). Les femmes païennes qui embrassaient le culte de Jéhovah, étaient également purifiées par l'immersion.

Le prosélyte circoncis et purifié offrait ensuite en sacrifice deux pigeonneaux ou deux tourterelles, et était dès lors regardé comme enfant d'Abraham, et comme tel appelé à jouir de toutes les bénédictions que Dieu avait promises à ce patriarche et à ses descendants.

 

III. Nous devons encore dire quelques mots sur les Grecs, dont il est question dans le Nouveau-Testament (Actes, VI, 1 ; IX, 29; Xi , 20 , etc.). C'étaient des Juifs qui vivaient en grand nombre dispersés dans les pays étrangers, en Egypte, en Syrie, dans l'Asie-Mineure, en Grèce, etc., et qui avaient adopté la langue grecque. Ceux que Luc (Actes, VI, 1) appelle Hébreux avaient conservé la langue hébraïque, ou plutôt araméenne, mélange d'hébreu et de syriaque. Ils habitaient surtout la Palestine et la Babylonie, et se regardaient comme supérieurs aux Grecs, qui avaient abandonné le langage et les coutumes de leurs pères.

Les Juifs grecs en Egypte avaient même, contrairement à la loi de Moïse , un temple particulier à Léontopolis , qui fut construit vers l'an 162 avant l'ère chrétienne, et en premier lieu desservi par Onias , fils d'un souverain sacrificateur de Jérusalem. Mais ce temple ne jouissait jamais de la même vénération que le temple de Jérusalem, où les Juifs égyptiens continuaient à se rendre pour les grandes fêtes. Le temple de Léontopolis fut fermé par ordre du roi d'Egypte environ l'an 73 avant l'ère chrétienne, à cause de quelques troubles excités par les Juifs.

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DE L'IDOLATRIE CHEZ LES ISRAÉLITES ET CHEZ LES PEUPLES VOISINS.

I. Les premiers hommes, instruits par la divinité elle-même, offraient leurs hommages au seul et vrai Dieu; mais bientôt l'idolâtrie, ou le culte des faux dieux, commença à altérer cette religion simple et pure. - Les Israélites furent aussi entraînés par l'idolâtrie , malgré la fidélité avec laquelle les patriarches et leurs familles demeuraient attachés au culte de Jéhovah, et malgré tous les efforts de Moïse et, après lui, des prophètes, pour opposer une digue à des égarements qui devaient exercer une si funeste influence sur le sort du peuple d'Israël.

Les objets de l'adoration des idolâtres sont innombrables : le soleil, la lune, les astres, le feu et les autres éléments, les héros et les grands hommes, les animaux utiles ou nuisibles, plantes, etc., etc. Le sabéisme ou l'adoration des astres est probablement une des plus anciennes idolâtries. Aussi les Israélites, malgré les défenses sévères de Dieu (Exode, XX, 4. Deut., IV 5, 19 , etc.) s'adonnèrent-ils plus d'une fois au culte des astres (2 Rois, XXIII, 5. Soph., I, 5. Jér., XIX, 13).

 

II Le décalogue distingue deux genres d'idolâtrie;

1° l'adoration des fausses divinités, défendue par le premier commandement : Tu n'auras point d'autres dieux devant ma face; et

2° la représentation soit du vrai Dieu, soit de quelque fausse divinité, sous une image quelconque, défendue dans le second commandement : Tu ne te feras point d'image taillée et tu ne le prosterneras point devant elles (Exode , XX, 3-5).

L'une et l'autre idolâtrie étaient punies de mort (Deut., XVII , 1 , etc.) ; nous les trouvons bien distinctes dans l'histoire des Israélites.

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- Adoration des images taillées.

Comme images ou représentations sous lesquelles les Israélites adoraient le vrai Dieu , nous remarquons :

 

I.Le veau d'or, qu'Aaron fabriqua au pied du mont Sinaï , en imitation du boeuf Apis ou Mnévis que les Égyptiens adoraient à Memphis et à Hiéropolis. Plus tard, après la séparation du peuple en deux royaumes, le roi Jéroboam fit ériger deux veaux d'or, l'un à Béthel et l'autre à Dan (1 Rois, XII, 28, etc. 2 Rois, X , 29. Amos, VIII, 14). Ces veaux étaient regardés par les Israélites comme des symboles de Jéhovah (Exode, XXXII, 1-6).

 

IIL'éphod, autre symbole de Jéhovah, que Gédéon (qui cependant fit détruire les autels de Bahal) forma du butin fait sur les Madianites, et qu'il plaça dans sa demeure à Hophra , où cette idole devint pour tous les Israélites l'objet d'un culte défendu (Juges, VI , 25-32; VIII , 24- 27).

 

III.Le symbole de Jéhovahque fit Mica , homme de la montagne d'Ephraïm , et auprès duquel il établit comme sacrificateur, d'abord un de ses fils, et ensuite un jeune lévite , moyennant un salaire de dix pièces d'argent, outre la nourriture et les vêtements (Juges , XVII ; XVIII, 3-6, 15-31).

 

IV.Les marmousets, (théraphim) dont il est parlé Gen., XXXI, 19. 1 Sam., XV, 23; XIX, 13, etc., etc., étaient des lares, pénates ou dieux domestiques; mais nous ignorons la nature de ces divinités et le genre de culte qu'on leur rendait; selon toute probabilité, on les consultait comme oracles (Ezéch., XXI, 26), et on se recommandait à leur protection.

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- Adoration des fausses divinités.

Parmi les fausses divinités au culte desquelles les Israélites se laissaient fréquemment entraîner , la Bible nomme :

I.Bahal. Les Moabites, les Cananéens , les Assyriens, les Syriens et d'autres peuples de l'Orient adoraient sous ce nom le soleil, et déjà sous les juges nous trouvons cette idolâtrie répandue chez les Israélites (Juges, II, 11, etc. ; III, 7, etc.) ; mais plus généralement encore sous les Rois, surtout dans le royaume d'Israël. On adorait cette idole dans des temples, sur les hauteurs, sur les toits, dans les vallées et dans les bocages ; on lui érigeait des statues, et elle avait un sacerdoce nombreux (1 Rois, XVIII, 22, etc.) ; on lui présentait des offrandes et des victimes, même des petits enfants (Jér., XIX, 5).

Les prêtres de Bahal dansaient autour de ses autels et se faisaient, avec des instruments tranchants, des incisions dans le corps pour exciter sa compassion (1 Rois, XVIII, 26-28). Divers peuples de l'antiquité représentaient le soleil sous la figure d'un jeune homme, monté sur un char ; cette représentation se retrouve également chez les Israélites. Josias détruisit le char et les chevaux que les anciens rois de Juda avaient consacrés au soleil (2 Rois, XXIII, 11). - Le mot Bahal signifie Seigneur, Dieu;, c'est pourquoi la Bible se sert quelquefois de ce mot au pluriel, Bahalins , pour désigner les faux dieux en général (Juges, II, 11 ; III, 7, etc.). - Plusieurs de ces Bahalins ou faux dieux sont désignés sous des noms particuliers ; savoir :

1° Bahal-Bérith, c'est-à-dire le dieu des alliances, par lequel on jurait en concluant une paix, un traité, etc. Les Israélites lui élevèrent un temple à Sichem (Juges, VIII, 33, IX, 4 , 46).

2° Bahal-Gad ou dieu de la fortune, idole, des Syriens. Les Israélites aussi se prosternèrent devant lui ; on lui sacrifiait quelquefois de jeunes enfants (Esaïe, LXV, 11).

3° Bahal-Péhor, idole des Moabites. Son culte se célébrait au milieu des débauches et des plus honteux excès (Nomb., XXV, 1 , etc.).

4° Bahal-Zébub, c'est-à-dire chasse-mouches, parce que les mouches sont regardées dans l'Orient comme un grand fléau. On l'adorait à Hékron (2 Rois, 1, 2) (1).

Combien le culte de Bahal ou plutôt des Bahalins était répandu dans ces contrées, se voit par le grand nombre de villes qui en tirent leur nom, Bahal-Tséphon , Bahal-Hamon, etc., etc. (Exode, XIV, 2. Cant., VIII, 11, etc., etc.).

 

II.Le dieu Bel, adoré par les Babyloniens, représentait également le soleil, et était par conséquent le même que le Bahal des Phéniciens, Syriens, etc. Il avait un temple magnifique à Babylone , où se trouvait sa statue (Esaïe, XLVI, 1. Jér., L, 2).

 

III.Hastaroth. Le culte de cette déesse se trouvait ordinairement joint à celui de Bahal. - Bahal représentait le soleil, Hastaroth la lune (Juges, II, 13 ; X, 6 , etc.). Chez les philistins , elle portait le nom de Derceto ou d'Atergatis ; les Israélites aussi l'adoraient, et lui donnaient le nom de reine des cieux (Jér., VII, 18) ou la déesse des Sidoniens (1 Rois, XI, 5).

 

IV.Thammuz(Ezéch., VIII, 14). Ce Thammuz est probablement le même que la mythologie grecque appelle Adonis, jeune homme d'une grande beauté qui vécut au pied du Liban, où un fleuve du nom d'Adonis prend sa source. Il fut tué à la chasse par un sanglier, et Vénus institua en son honneur une fête funèbre, pendant laquelle les femmes déploraient sa mort avec de grands cris et beaucoup de lamentations. - Les Egyptiens célébraient une fête semblable en mémoire d'Osiris. Des Syriens , cette idolâtrie pénétra chez les Israélites.

 

V.Moloch, idole des Hammonites et de plusieurs autres peuples voisins. On lui sacrifiait des enfants. Les Israélites aussi pratiquèrent cette coutume barbare, surtout dans la vallée de Topheth ou Hinnom (2 Rois, XXIII, 10. 1 Rois, XI, 7. Jér., VII, 34, 32; XXXII, 35, etc.). Les faux dieux Adrammelec et Hanammélec (2 Rois, XVII, 34) , et l'idole Kijun (Amos, V, 26), paraissent être les mêmes que Moloch.

 

VI.Dagon, divinité des Philistins et d'autres peuples voisins (Juges, XVI, 23. 1 Sam., V, 2, etc.), avait des temples à Gaza, à. Asdod, à Askélon, et en d'autres villes. L'idole était représentée sous la figure d'une femme, dont la partie inférieure se terminait en poisson ; on la voit encore sur quelques monnaies antiques.

 

VII. La Bible fait encore mention de quelques autres idoles, telles que :

- les Schedims (Deut., XXXII, 17. Ps. CVI, 37), dans nos versions françaises, satyres, démons; ils nous sont entièrement inconnus; il paraît toutefois qu'on leur immolait également des enfants.

- Succoth-Bénoth, la Vénus impudique des Romains (2 Rois, XVII, 30).

- Nergal (2 Rois, XVII, 30); on le dit représenté sous la figure d'une poule, comme l'idole Asima, dont il est parlé au même endroit sous celle d'un bouc sans poils.

- Kémos, idole des Moabites (Nomb., XXI, 29. Jér., XLVIII, 7) ;

- Rimmon, idole des Syriens (2 Rois, V, 18) ;

- Nisroc, idole des Assyriens (2 Rois, XIX, 37) ; et plusieurs autres qui nous sont absolument inconnues.

 

VIII. Le Nouveau-Testament fait encore mention:

- d'Apollon ou Python (Actes, XVI, 16) ;

- de Diane (Actes, XIX, 24, etc.) ;

- de Castor et Pollux dont les navigateurs imploraient la protection (Actes, XXVIII, 11) . Ces divinités sont suffisamment connues par la mythologie grecque et romaine.

 

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DES SORCIERS, DES DEVINS, DES ORACLES, ETC.

I. La croyance aux sorciers, aux devins, aux oracles, etc., est inséparable de toute idolâtrie, ou plutôt elle en est la source et le plus ferme appui. Aussi rencontrons-nous ces superstitions déjà dans les temps les plus reculés. Partout des hommes, trompés ou trompeurs, prétendent par le secours de l'esprit des ténèbres faire des prodiges, qu'il n'est donné qu'à la toute-puissance de Dieu d'opérer.

 

II. Les magiciens ou sages, c'est-à-dire les sorciers des Egyptiens (Gen., XLI, 8, 21. Exode, VII, 11) veulent imiter les miracles de Moïse, mais ils sont forcés de reconnaître leur impuissance (Exode, VIII, 19). - Ces magiciens ou sages étaient aussi des interprètes de songes (Gen., XLI , 8, 24. Dan., I, 20 ; II, 2, 10 ; IV, 5-7; V, 11).

 

III. Les nécromanciens, sorciers qui prétendaient évoquer les morts pour les consulter sur l'avenir, ou, comme la Bible les appelle, les personnes qui avaient l'esprit de Python (Lév., XX, 27. 1 Sam., XXVIII, 3, 7-10. 2 Rois, XXI, 6 (1).

 

IV. Les astrologues ou pronostiqueurs de temps, qui prédisaient l'avenir d'après l'inspection des astres ; les psylles ou enchanteurs de serpents, qui savaient enlever à ces animaux leur venin et guérir les personnes mordues par eux (Ps. LVIII, 5. Jér., VIII, 17). D'autres magiciens sont fréquemment mentionnés dans la Bible. - La loi de Moïse prononce contre eux la peine de mort (Exode, XXII, 18. Deut., XVIII, 10-12).

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