(1)
« Le Royaume des Cieux est encore
semblable, dit Jésus, à un marchand
qui cherche de belles perles. Il a trouvé
une perle de grand prix; et il est allé
vendre tout ce qu'il avait et l'a achetée
(Matt.
XIII, 45, 46.). »
Cette parabole, dans la bouche de
Jésus, sous sa simplicité apparente,
cache une énigme. Qu'est-ce donc que
Jésus désigne par Royaume des Cieux?
Comment faut-il entendre cette perle de grand prix
dont la trouvaille provoque une aussi
étonnante résolution chez le
héros du récit? Salomon,
Ésaïe ou Jérémie
n'auraient-ils pas pu raconter. une histoire'
semblable et, avec des nuances sans doute,
l'appliquer à la découverte toujours
heureuse, de la royauté de l'Éternel,
de son grand pardon, de son secours? Est-ce que
Jésus a ajouté à ces
révélations d'autrefois quelque chose
de si neuf que la parabole n'ait un sens
décisif qu'à partir de sa venue? Si
oui, comment faut-il comprendre cette nouveauté ?
Se
découvre-t-elle au cours de la vie du
Maître et dans son enseignement? Comment
demeure-t-elle acquise par delà sa
mort?
Ces questions, nous les trouvons
résolues dans l'expérience religieuse
de saint Paul. Si d'autres hommes, dans les
écrits du Nouveau Testament, nous donnent
l'impression d'avoir vécu la parabole de la
perle de grand prix, Paul nous la donne avec une
netteté et une plénitude qui ne
laissent rien à désirer. Impossible
de trouver plus parfait commentaire de ce que
Jésus, par une anticipation
prophétique, avait exprimé.
Nous vous invitons à
pénétrer avec nous dans l'âme
de l'apôtre. Nous avons fait,
précédemment, une étude
historique de la conversion de Paul, nous n'y
revenons pas. Notre propos est, nous appuyant sur
un seul passage d'une des épîtres, de
discerner, à la lumière d'une image,
la portée de l'expérience faite. Ce
sera, du même coup, voir plus clair en
nous-mêmes et savoir mieux dans quelle
direction il s'agit de marcher.
Le fragment qui fera l'objet de notre
étude, se trouve dans l'épître
aux Philippiens. Vous le savez, cette lettre est
une des dernières que l'apôtre ait
écrites. Il est en prison à Rome. Il
est à la veille d'un jugement qui aboutira
peut-être à une condamnation à
mort. Il écrit dans la maturité de sa
foi, au terme d'une carrière longue et
mouvementée. Il écrit à coeur
ouvert à des amis. Son témoignage,
à cette heure solennelle de sa vie, a un
prix singulier. Pas là d'enthousiasme
suspect de juvénile exagération.
Aucune griserie, aucun entraînement oratoire.
C'est l'énoncé convaincu et mille
fois vérifié au
cours de sa vie, des certitudes acquises et qui ne
changeront plus. C'est le sommaire lucide d'une
expérience vue de haut et de loin. Il vaut
la peine de se pencher sur une telle page.
Écoutez donc :
« Moi aussi, cependant, j'aurais
sujet de mettre ma confiance en la chair. Si
quelque autre croit pouvoir se confier en la chair,
je le puis bien davantage, moi, circoncis le
huitième jour, de la race d'Israël, de
la tribu de Benjamin, Hébreu né
d'Hébreux; Pharisien pour ce qui concerne la
loi; persécuteur de l'Église, sous le
rapport du zèle; irréprochable,
à l'égard de la justice de la loi.
Mais ces choses qui étaient pour moi des
gains, je les ai regardées comme une perte,
à cause de Christ. Et même je regarde
toutes choses comme une perte, à cause de
l'excellence de la connaissance de
Jésus-Christ, mon Seigneur, pour lequel j'ai
renoncé à tout, et je les regarde
comme de la boue, afin de gagner Christ, et
d'être trouvé en lui, non avec ma
justice, celle qui vient de la loi, mais avec celle
qui s'obtient par la foi en Christ, la justice qui
vient de Dieu par la foi, afin de connaître
Christ, et la puissance de sa résurrection,
et la communion de ses souffrances, en devenant
conforme à lui dans sa mort, pour parvenir,
si je puis, à la résurrection des
morts ( Php.
III, 4 - 11.). »
Notre étude comportera trois
parties.
La première nous l'intitulons: La fortune d'autrefois.
La seconde : Dépréciation.
La troisième : Le nouveau trésor.
La fortune d'autrefois.
Vous avez remarqué que
l'apôtre, comme Jésus dans la
Parabole, illustre sa pensée à l'aide
d'une comparaison d'ordre financier : il parle de
gains et de pertes.
Restons, si vous le voulez bien, dans la
ligne de cette simple métaphore. Cela est
d'autant plus naturel que notre temps nous fournit
trop d'occasions de voir, reproduit sous nos yeux,
un phénomène analogue à celui
dont il s'agit ici.
Et d'abord revenons à la parabole
que nous considérions en commençant.
Voyez le héros de l'histoire. Il a
accumulé lentement un avoir devenu
considérable. Il dispose d'un fonds de
bijouterie. Voici des pièces d'argenterie,
voici des rubis et des topazes, voici des joyaux
d'or. Que de fois il a passé en revue ses
trésors ! Que de fois il les a
soupesés avec orgueil, presque avec
volupté.
Un jour - ô étrange
aventure! - il rentre. Qu'a-t-il donc? Devant ses
écrins lourds il fait une moue de
dédain. Ses pierres précieuses
paraissent lui causer comme un sentiment de
dégoût. Il ramasse tout, d'un geste
allègre. Il s'en va tout liquider.
Qu'est-ce qui lui arrive? Est-il malade,
ou désespéré? - Non, certes !
voyez son regard : quelle joie y brille ! Ce n'est
point un pauvre failli que vous avez devant vous.
Il a trouvé la perle de grand prix ! Et,
dans sa joie, il vend tout ce qu'il a, pour
connaître le bonheur de
posséder le trésor des
trésors, cette perle, en comparaison de quoi
tous ses biens du passé ne sont que
néant.
Ces comparaisons expriment quelque chose
de ce que, dans la réalité par
excellence, la réalité spirituelle,
l'apôtre a éprouvé.
D'un côté, il y a tout le
trésor religieux et moral qui faisait la
fierté de son âme, et ce trésor
devenu néant. Que dis-je? ce trésor
devenu boue à ses yeux. De l'autre, il y a
le trésor longtemps méconnu et
longtemps dédaigné, ce trésor
devenu sa perle de grand prix.
Considérons la première
des deux fortunes.
Toute fortune peut être
envisagée à plusieurs points de vue.
La fortune est source, en effet - je parle à
la manière des hommes - de privilèges
nombreux et divers. La richesse confère, en
ce monde, de l'honneur. Elle donne, en face des
vicissitudes de la vie, une sécurité
qui n'est point à dédaigner. Elle
revêt celui qui la possède d'une
certaine puissance. Enfin elle n'exempte pas son
propriétaire de quelques peines, pour la
maintenir et la développer. C'est à
ces points de vue successifs que nous allons
considérer le capital du Pharisien
Saul.
Une fortune, un titre de gloire. Saul a
eu de si grands biens, moralement et religieusement
parlant, que, dans son for intérieur comme
par devant ses contemporains, il croyait pouvoir se
rengorger. Son avoir était d'une ampleur
exceptionnelle; ses titres d'une valeur que
personne, dans son temps ni dans, son milieu ne
songeait à suspecter. C'est 'le front haut
et l'âme. débordante d'un serein
orgueil que Saul pouvait cheminer dans la vie... et
dans les rues. Écoutez plutôt la liste
de ses privilèges. Les uns
sont pure grâce sans doute, héritage
des pères; les autres sont le
résultat d'efforts personnels.
« J'ai été circoncis
le huitième jour. » C'est-à-dire
que, conformément aux prescriptions de la
loi, il a été introduit par ses
parents dans le peuple de l'alliance. «Je suis
de la race d'Israël. » Jusqu'aux moelles,
par ses origines, il appartient à la
descendance de Jacob le patriarche, de Jacob
à qui Dieu a fait miséricorde et qui,
ayant lutté avec Dieu, fut vainqueur. «
Je suis de la tribu de Benjamin. » Benjamin,
le cadet bien-aimé, fils de Rachel. Ces
souvenirs demeuraient attachés, de
siècle en siècle, à la
postérité de Benjamin. C'était
un privilège d'appartenir à la tribu
honorée par le patronage d'un tel
aïeul. « Je suis Hébreu, né
d'Hébreux. » Ceci fait remonter
jusqu'à Abraham et au delà, la noble
ascendance de l'heureux. Voilà pour les
privilèges de naissance.
Voici les autres, ceux qui ont
été acquis par libre choix. « Je
suis Pharisien. » Nous avons tellement dans
l'oreille le « Malheur à vous,
Pharisiens hypocrites
(Matt.
XXIII, passim.) » que
nous avons peine à nous représenter
ce que ce titre signifiait parmi les Juifs du temps
de Jésus et comment sonnait ce mot.
Pharisien? cela voulait dire orthodoxe de la
pensée et pratiquant de la stricte
observance. Les membres de la secte,
recrutés dans les milieux les plus
cultivés, se targuaient d'une
fidélité absolue à la loi de
Moïse et aux traditions sacrées qui
l'interprétaient. Pas une fêlure dans
leur culte de la lettre, pas une défaillance
dans leur obéissance aux commandements.
Solennels et distants, ils aimaient
à se promener en une tenue qui proclamait,
par des franges ou des phylactères, la
rigueur de leur piété. Saul
était rattaché à ce groupe et
en tirait gloire, tout débordant qu'il
était d'une légitime
satisfaction.
Mais, nous le savons bien, il y a, dans
toutes les associations, des gens qui se bornent
à jouir passivement du titre qu'ils portent.
Saul n'était pas de ceux-là.
C'était un Pharisien dévoré de
zèle. Ce zèle, il l'avait
déployé, sans doute, dans
l'étude des Saintes lettres et dans la
fidélité pratique aux cultes du
temple et de la synagogue. Il l'avait
appliqué aussi et surtout à la lutte
contre les ennemis du parti. Là, son
tempérament fougueux s'était
donné libre carrière. Quiconque aime
bien sait aussi vigoureusement haïr. Partisan
fanatique de Moïse, Saul de Tarse était
ennemi juré des ennemis de Moïse.
Aussi, lorsque commença de se
répandre la religion du crucifié,
Saul, démasquant l'adversaire,
s'était mis en campagne. Et il ne
s'était pas trouvé de plus tenace ni
de plus pieux persécuteur. « Quiconque
vous fera mourir croira rendre un culte à
Dieu », avait dit Jésus
(Jean
XVI, 2.). C'est exactement cela
que fait Saul. Au nom de l'Éternel, il fonce
sur les Nazaréens pour les anéantir.
Que de félicitations il reçut, que
d'encouragements venus de haut ou venus de ses
pairs! Et comme il était conscient de les
mériter ! « Persécuteur de
l'Église, sous le rapport du zèle.
» Oui, c'est bien un authentique titre de
gloire pour le Pharisien Saul.
Et enfin, dernier honneur et pas le
moindre : « irréprochable à
l'égard de la justice de la loi ».
Entendons-nous. Saul était trop clairvoyant
pour se croire parfait jusqu'au fond du coeur. Il
ne faut pas entendre ces mots avec le sens qu'ils
prendront plus tard dans la bouche du
chrétien, il faut les comprendre à la
pharisienne, c'est-à-dire dans le sens d'un
rigide formalisme. Le formalisme se
préoccupe peu de ce qu'il y a dans le plat
si brillamment nettoyé ou sous le tertre
herbeux si joliment tondu. Paul veut dire: j'ai
été strictement fidèle aux
indications que la loi donne à un
Israélite pieux. J'ai participé aux
fêtes, assisté aux
cérémonies, donné les
dîmes, fait les prières. Je n'ai
jamais mangé des mets impurs, ni
travaillé le jour du sabbat, ni
négligé une offrande. Pas une bavure
dans cette page de calligraphie
légale.
Bravo ! criait au fond de
lui-même, sa conscience de Juif. Bravo !
criaient à l'envi ses condisciples. Bravo !
criaient ses maîtres, les docteurs de la loi,
ses supérieurs hiérarchiques dans le
service du temple, ses confrères en
pharisaïsme. Bravo ! Saul. Tu es l'un des
meilleurs d'entre nous. Qui sait à quelle
gloire tu atteindras demain, que ce soit dans le
domaine de la théologie ou dans celui du
sacerdoce?
En vérité, la fortune, un
titre de gloire!
Nous avons ajouté : la fortune,
une sécurité. Si l'argent est utile
pour parer à. toute
éventualité, une « fortune
religieuse n'est pas moins précieuse pour
donner à l'âme, naturellement
inquiète et souvent troublée, une
complète tranquillité. En
dernière analyse, toute religion vise à cela. Une
religion serait vouée à la
décadence, qui ne donnerait pas
sécurité ici-bas,
sécurité éternelle, paix de
l'âme. Toute la question est de savoir si
cette religion peut tenir parole. Or Saul de Tarse
semblait être assuré contre tous les
risques, pour le temps et pour
l'éternité. Tout a été
prévu pour qu'aucun doute ni aucune peur ne
menacent l'âme du pieux Pharisien.
Nous ne répéterons pas ici
ce que nous avons dit dans les pages
précédentes. Qu'il nous suffise de
rappeler que tous les titres de gloire que nous
avons dénombrés peuvent être
envisagés comme autant d'assurances prises
contre les accidents, ici-bas et là-haut. Un
Israélite en enfer? Un Pharisien en enfer?
Un juste en enfer? Un croisé des croisades
contre le soi-disant Messie et les siens, en enfer?
Non! c'est là chose parfaitement
impossible.
Ainsi donc, ô Saul, tu ne cours
aucun danger. Ta fortune te confère, devant
Dieu et devant l'au-delà, une
sécurité que beaucoup
t'envieraient.
La fortune, une puissance, disions-nous
ensuite.
Il serait oiseux de le montrer dans le
domaine matériel. Tout le monde le
sait.
Cela est vrai dans le domaine religieux
aussi. Qui est riche est puissant. Saul trouvait
dans ses richesses, spirituellement parlant, le
nerf de la guerre pour sa grande offensive. Il
bataillait parce que noblesse oblige. Il bataillait
aussi pour accroître son crédit
auprès de Dieu. La haine et le zèle
égaré se mariaient pour extirper
l'hérésie. Ils l'ont bien su, ces
pauvres chrétiens, depuis Étienne le
martyr jusqu'à ceux que l'on emprisonnait à
Jérusalem avec l'assistance du grand
justicier. Ils eussent tremblé devant lui,
si leur âme n'eût connu le
suprême recours. Oui, la fortune du jeune
fanatique lui communiquait quelque chose de cette
fureur qui, autrefois, présidait aux
massacres, dans les villes dévouées
par interdit.
La fortune, une occasion de souffrances
consenties, disions-nous enfin.
Les riches ne sont pas sans soucis et
pour conserver et pour accroître leur
fortune. Même les richesses de l'âme
n'échappent pas à cette loi. Et Saul
savait souffrir.
N'était-ce pas une discipline de
fer que lui imposait sa stricte
fidélité aux préceptes de la
loi? Que de sacrifices acceptés, que
d'entraves de toute sorte! Sans parler des rudes
fatigues qu'imposait au zélateur son effort
même pour lutter contre l'évangile.
Rongement d'esprit, expéditions lointaines,
veilles, longues étapes au soleil
brûlant : tout ce train de guerre
n'était point un jeu d'enfant ! Mais
qu'importe? On souffre volontiers quand c'est pour
défendre et augmenter son bien.
Vous le voyez, nous n'avons rien
exagéré quand nous avons parlé
d'une fortune possédée par
l'âme de Saul. Et si nous avons, ici ou
là, laissé percer déjà
je ne sais quel doute sur la valeur du
trésor, ce n'était point pour le
dénigrer. Aux yeux de Saul, comme aux yeux
de ses amis, pendant plusieurs années,
ça été la
prospérité heureuse.
Et puis?... Que s'est-il
passé?
Nous laissons de côté
l'histoire intime qui a préparé le dénouement et,
nous en
tenant aux affirmations de notre texte, nous allons
droit à ce dénouement.
Dépréciation.
Ce chapitre pourra être court,
mais il a sa place marquée. Il faut que nous
regardions en face le côté
négatif de la crise à laquelle Paul
fait allusion.
Brusquement cette belle fortune, sa
gloire, sa sécurité et sa force, lui
paraissent avoir baissé de valeur
jusqu'à ne plus rien valoir du tout. Que
dis-je? baissé de valeur, jusqu'à
creuser comme un déficit dans les comptes de
son âme. Vous avez entendu les mots qu'il
emploie. « Mais, dit-il, ces choses
qui étaient pour moi des gains, je les ai
regardées comme une perte... Je les regarde
comme de la boue. »
Voulez-vous essayer de vous mettre
sérieusement à la place d'un des
condisciples de Saul et de vous représenter
ce qu'il a pu éprouver en assistant à
pareille volte-face? - Quoi? Ai-je bien entendu?
Que veux-tu dire? Tes privilèges, ceux que
tu as cultivés avec tant de soin, ceux que
tu as développés avec tant de
passion, tu les dédaignes aujourd'hui! Mais
qu'est-ce donc que cette folie? Faut-il te plaindre
ou te blâmer? Faut-il se fâcher ou
hausser les épaules? - Plusieurs
s'emportèrent jusqu'à
persécuter. D'autres
méprisèrent l'homme qu'ils avaient
tant admiré et le tinrent pour fou.
Lui, Saul, tint bon.
A la lumière nouvelle, en effet,
qui a brillé sur sa vie, Saul a
établi son bilan. Et, voici,
l'évidence s'est faite.
Les comptes de son âme bouclent
par un découvert sans fond. Orgueil, justice
illusoire, crime : voilà le contenu
véritable de son portefeuille.
Oui, orgueil, car le Pharisien, dans son
aberration, pense pouvoir mériter
l'approbation, la reconnaissance et le ciel de
Dieu.
Justice illusoire, hélas! La
justice légale, en effet, si stricte
soit-elle et si brillante, est un trompe-l'oeil.
Sous la surface des connaissances bibliques, des
fidélités rituelles, des oeuvres
pies, qui dira ce qu'il y a dans le coeur? Le
miroir de l'eau semble refléter les cieux,
mais de la vase est au fond.
Et puis, surtout, Saul a
été contraint de voir que ses
richesses l'avaient conduit au crime.
Défenseur aveuglé du patrimoine
mosaïque, Saul a méconnu le Christ de
Dieu, il a haï l'Israël de Dieu. Un peu
du sang de Jésus, dans le sang des
disciples, a rougi ses mains
meurtrières.
« Persécuteur de
l'Église. » Cette phrase sonnait jadis
comme une orgueilleuse fanfare. Elle sonne
aujourd'hui comme un glas.
Comprenez-vous, maintenant, ces mots :
« Je considère ces gains comme une perte »?
Face à ce crime-là, Saul
voit toutes choses d'un autre oeil. Mieux eût
valu être un paria, un païen de
naissance, un enfant sans état civil, si ces
misères lui eussent épargné la
honte d'avoir attenté à la
majesté du Messie. Plutôt n'être
pas Pharisien, plutôt végéter
parmi la foule des petites gens ou des
pécheurs, que d'avoir épousé
les fanatismes destructeurs, de la secte ! Il y a, dans
l'expérience de
l'apôtre, un radicalisme qui vous saisit. Il
ne craint pas d'aller aux extrêmes, de
confiner au paradoxe et d'effacer les nuances dans
l'éclat brutal de son schéma noir et
blanc.
Persévérons quand
même et suivons-le jusqu'où il voudra
nous conduire, car nous approchons de la grande
lumière.
« Et même, dit
l'apôtre, je regarde toutes choses comme une
perte.... je les considère comme de la
boue. »
Toutes choses! Qu'est-ce à dire?
Paul veut parler, ici, de tout ce qui, dans l'ordre
des biens légitimes, peut masquer les
exigences de la souveraine justice, les besoins
fonciers de l'âme et le salut de Dieu. C'est
dire qu'il parle, indistinctement, de tout ce que
les hommes recherchent et qui les distrait de
« la seule chose nécessaire.
»
Remarquez-vous, à ce propos, que,
constamment, la pensée de l'apôtre
rejoint les affirmations de Jésus, et que
l'expérience du disciple illustre les
déclarations du Maître? N'est-ce pas
Jésus qui avait dit : « Heureux les
pauvres en esprit », « Heureux ceux qui
pleurent ( Matt.
V, 3-4.) », soulignant
ainsi le prix des indigences qui font regarder vers
Dieu. Jésus encore s'était
exprimé ainsi: « Je vous le dis en
vérité, un riche entrera
difficilement dans le Royaume des cieux. Je vous le
dis encore, il est plus facile à un chameau
de passer par le trou d'une aiguille qu'à un
riche d'entrer dans le royaume de Dieu
(Matt.
XIX, 23-24.). »
Si cela, est vrai des riches dans le
sens matériel du mot, cela est vrai des
orgueilleux chargés de richesses vaines qui
les retiennent loin du Sauveur.
Hardiment, nous pouvons donc
interpréter la pensée du Maître
et du disciple en ces mots : Richesse, une belle
santé, mais misère quand elle grise
l'âme au point de lui dérober la vue
de son dénuement.
Richesse, une nature
équilibrée, bienveillante et
pacifique, mais misère, si elle laisse
l'âme dans l'illusion d'une conversion,
conversion qui. ne s'est jamais sérieusement
consommée.
Richesse, le bonheur; richesse, le
travail absorbant et fécond; richesse,
l'orthodoxie de la tête; richesse, les
habitudes religieuses; richesse, le sens mystique;
richesse, la beauté; richesse,
l'intelligence; richesse, les plaisirs
juvéniles; richesse, l'honorabilité
d'un nom sans tache et d'une famille
respectée; richesse, tout ce que donnent la
terre et les hommes, mais misère, si tout
cela devient entrave au réveil de
l'âme et à la connaissance de
Jésus-Christ qui sauve pour
l'éternité.
En vérité - nous revenons
à l'apôtre - on ne saurait imaginer
révolution plus complète ni plus
complet renversement de l'échelle des
valeurs.
Et maintenant l'heure est venue de
saisir la clé de cet énigmatique
bouleversement. Qu'est-ce qui a amené Saul
à vendre tout ce qu'il avait? Est-ce avant
tout la révélation directe qu'il a
eue du néant de ses richesses?
Oui, sans doute. Saul, dans les
ténèbres de la petite chambre de
Damas, a vu - le regard de l'âme est devenu perçant
dans la mesure
même où le regard des yeux s'est
éteint - Saul a vu la vanité de ce
qui faisait sa gloire. Humilié jusque dans
la poussière, il a fait banqueroute, il a
capitulé sans conditions.
Pourtant - et nous l'affirmons avec
bonheur c'est moins à l'horreur de cette
vision-là que Saul doit la liquidation de sa
vieille fortune, qu'à l'ineffable joie d'une
trouvaille déjà faite. Ici encore,
Saul vit, en sa personne, la parabole de la perle.
L'homme présenté par Jésus est
un riche qui se dépouille allégrement
de ce qui encombre ses coffres, parce qu'il a
trouvé la perle de grand prix. «
Débordant de joie, dit la parabole, il va
vendre tout ce qu'il a
(Matt.
XIII, 44 (trad. Stapfer).).
»
Paul, en racontant son passé, le
présente sous le même jour. « Ces
choses, je les ai regardées comme une perte
», dit-il. Écoutez ! voilà le
mot de l'énigme : « A cause de Christ.
» « Et même, je regarde toutes
choses comme une perte à cause de
l'excellence de la connaissance de
Jésus-Christ, mon Seigneur, pour lequel j'ai
renoncé à tout. »
Arrêtons-nous. Le réactif
qui a modifié, de fond en comble,
l'état d'âme de Saul, c'est
Jésus-Christ. La perle de grand prix, pour
lui, c'est Jésus-Christ. Le trésor
nouveau, qui, par son apparition, a rejeté
dans l'ombre du néant toute la fortune
accumulée précédemment, c'est
Jésus-Christ.
Un seul nom, une seule personne, qui dit
tout, donne tout, suffit à tout.
Il nous reste à contempler «
les richesses incompréhensibles de
Christ»
(Eph.
III, 8.), comme l'apôtre
désigne, ailleurs, le glorieux
héritage qui lui est échu.
Le nouveau trésor.
Ainsi donc l'apôtre,
désormais, entend ne posséder qu'une
fortune, mais une fortune surabondante :
Jésus-Christ. Sans lui, c'est la
misère noire. En lui, c'est
l'opulence.
Accordons-nous la joie d'admirer
à plein coeur.
Avez-vous jamais vu, dans la galerie des
Offices, à Florence, les petits panneaux
peints à genoux par le bienheureux
frère Beato Angelico? Toutes les
scènes qu'il représente sont comme
baignées dans une atmosphère d'humble
gratitude. C'est un des plus doux chant
d'allégresse qu'ait chanté
l'âme d'un peintre croyant. L'azur du ciel se
rencontre avec les fraîches couleurs des
fleurs. Rien de mièvre, pourtant, rien de
joli. On devine, encore humide de larmes mais
radieuse, la ferveur de l'homme que Dieu à
comblé. Telles sont - plus hautes en
couleurs - les fresques offertes aux regards des
croyants dans les épîtres de
Paul.
Mais revenons à l'image
employée par l'apôtre et
dénombrons les pièces du grand
trésor. Nous reprenons, un à un, les
mots qui nous avaient permis d'analyser l'illusoire
vertu des richesses d'antan: titre de gloire,
sécurité, puissance et souffrance.
Riche de Jésus-Christ,
l'âme possède toute la gloire que peut
rêver la créature. Que pâlissent
tous les privilèges et tous les honneurs,
à côté de cette
réalité ineffable : la
présence du Fils unique venu du Père
!
Paul la salue dans l'âme
même du racheté : « Votre corps,
dit-il, est le temple du Saint-Esprit »
(1
Cor. VI, 19.) et encore: «
Que Christ habite dans vos coeurs par la foi
(Eph.
III, 17.). » La
majesté du temple, sur la colline de Sion -
marbres et dorures sous le soleil d'Orient - n'est
qu'une imparfaite prophétie. Les augustes
ténèbres du Lieu-très-saint,
avec l'arche et les Tables de la Loi, ne
représentent qu'un sanctuaire provisoire.
Toutes ces gloires pâliront. Le temple
lui-même s'écroulera bientôt.
Mais le sanctuaire véritable gardera la
présence invisible. Une auréole
d'honneur, de ce fait, pare à jamais le
coeur où le Seigneur a élu
domicile.
Ce n'est pas tout. Trésor du
croyant, Jésus est aussi le trésor de
l'Église. Le culte chrétien, le culte
en esprit et en vérité, manifeste la
Présence. « Là où deux ou
trois sont assemblés en mon nom, avait dit
Jésus, je suis au milieu d'eux
(Matt.
XVIII, 20.). » Ah! que
Paul les a aimés ces cultes de la Chambre
haute! Dans toutes les villes de la Syrie, de
l'Asie Mineure et de la Grèce où
l'apôtre a passé, quelque modeste
maison a vu descendre sur elle la nuée qui
couronnait autrefois le tabernacle au
désert. « La gloire de l'Éternel
remplit la tente du rendez-vous », dit le livre de
l'Exode
(Ex.
XL, 34.). C'est aussi la gloire
de l'Éternel qui, par la présence en
esprit du Christ glorifié, irradiait au
travers des pauvres demeures où les
disciples adoraient et rompaient le pain.
Toute fortune, disions-nous, veut
être source de sécurité. Qu'en
est-il, à cet égard, de
Jésus-Christ trésor du
croyant?
Ici, un mot dit tout, le mot de
grâce. « C'est par la grâce que
vous êtes sauvés! proclame Paul sans
se lasser, cela ne vient pas de vous, c'est le don
de Dieu
(Eph.
Il, 8.). »
Par expérience, Paul savait
jusqu'à quel point toute recherche d'un
mérite quelconque devant le Dieu saint est
désespérante. Il avait bu
jusqu'à la lie la coupe de l'impuissance et
de l'insécurité. Jésus,
d'ailleurs, n'avait-il pas, par avance, sapé
à sa base toute tentative d'acheter les
bénédictions de Dieu par de longs
labeurs? Il s'était exprimé ainsi :
« Quand vous aurez fait tout ce qui vous a
été ordonné, dites : nous
sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce
que nous devions faire
(Luc.
XVII, 10.). » Quelle
place, après cela, laisser à l'espoir
du mérite agréé?
Abandonnant donc, une fois pour toutes,
le terrain du mercantilisme religieux, Paul s'est
placé sur le terrain du don gratuit. Mais
cette inaliénable fortune retrouvée
est tout entière en Jésus-Christ.
C'est en Jésus que Dieu fait grâce.
C'est au nom et à cause du sacrifice rédempteur que
Dieu impute à justice la. foi du
pénitent. Amour immérité,
pardon immérité, salut
immérité toujours, mais fondés
sur le fait que Jésus a accompli toute
justice en faveur des pécheurs.
Un autre mot encore, qui précise
les conditions mêmes de la grâce dans
le dessein de Dieu, exprime la
sécurité du croyant. C'est le mot
justice. Vous avez entendu ce que Paul en disait
aux Philippiens. « Pour être
trouvé en Christ, j'ai renoncé
à ma justice légale; j'ai la
justice que donne la foi en Christ, justice selon
Dieu, fondée sur la foi ».
Nous en avons assez dit sur la justice
légale. Goûtons, avec l'apôtre,
la douceur d'en posséder une autre. C'est la
justice même du Fils de l'Homme qui nous est
donnée. Si vous nous permettez une
comparaison un peu osée, nous dirons ceci.
La robe sans couture que Jésus portait, nous
est comme léguée par lui. Les soldats
qui gardaient le crucifié, exposé
dans son lamentable dépouillement, ont
tiré au sort cette robe bénie. Nous
ne saurons jamais à qui elle échut.
Mais nous savons que tout croyant qui jette loin de
lui le vêtement troué et taché
de sa propre justice, reçoit en partage la
blanche tunique de son Sauveur. Robe du pardon,
comme dans la parabole de l'enfant prodigue. Robe
de fête pour paraître en tenue
décente devant le roi, comme dans la
parabole du Grand souper, Robe sur quoi, même
l'éblouissante clarté de la
lumière du ciel ne révèle
aucune souillure, comme dans la vision
apocalyptique de la foule immaculée.
En Christ, trésor du disciple,
une éternelle sécurité est acquise à Paul et
à tous ses frères en la foi de tous
les temps.
Après la gloire et la
sécurité, la puissance.
Paul a trouvé le secret de la
force. Il n'est point dans le littéralisme.
Il n'est point dans le légalisme. Il n'est
point dans le fanatisme. Il est tout entier. en
Jésus-Christ.
Le passage de l'épître aux
Philippiens, ici encore, nous renseigne
parfaitement. « Mon but, écrivait le
prisonnier de Rome, est de le connaître lui,
Jésus-Christ, et la puissance de sa
résurrection. »
La puissance de sa résurrection.
Voilà la divine vertu que Dieu fait passer
dans le coeur du racheté.
Avez-vous mesuré le prodige de la
résurrection de Jésus? Vous avez vu,
en esprit, la pauvre dépouille dans la.
niche profonde du sépulcre. Avez-vous
tenté de vous figurer, dans le
mystère du petit matin, le subit influx de
vie qui, de par la souveraineté de Dieu, a
fait frémir le corps? Avez-vous
contemplé la majesté sereine du
ressuscité apparaissant à Marie de
Magdala? Si oui, vous avez Un peu compris ce que
c'est que la puissance.
Eh ! bien, cette même puissance,
Dieu, en nous donnant le Christ vivant pour
hôte de nos âmes, l'a
déployée en nous. Paul
célébrait « la loi de l'esprit
de vie qui l'a affranchi de la loi du
péché et de la mort
(Rom.
VIII, 2.). »
Cet esprit de vie est puissance de
régénération et de
sanctification. « Celui qui est en Christ est
une nouvelle créature. Les choses anciennes
sont passées, voici, toutes choses sont devenues
nouvelles
(Il
Cor. V, 17.). » L'homme
nouveau, dit encore Paul, est «
créé selon Dieu dans une justice et
une sainteté véritables
(Eph.
IV, 24.). » Ainsi la vie
et la santé gagnent de proche en proche et
s'établissent à demeure dans la
personne du disciple.
Cet esprit est encore puissance de
pensée. À la dialectique aveugle du
Pharisien en face des Écritures, a
succédé une inspiration neuve. Le
Christ intérieur fait, pour le
théologien chrétien, ce que fit le
ressuscité pour les pèlerins
d'Emmaüs. « Alors, commençant par
Moïse et par tous les prophètes, il
leur expliqua, dans toutes les Écritures, ce
qui le concernait
(Luc
XXIV, 27.).» Ainsi
s'élaborera, non « en vieillesse de
lettre »
(Rom.
VII, 6, trad.
littérale.), mais selon les données
bibliques commentées par l'Esprit du Vivant,
la dogmatique de Paul. Et toutes les
générations chrétiennes
viendront puiser à cet inépuisable
trésor.
Cet esprit, enfin, est puissance
d'amour.
Paul, qui sait ce que c'est que
d'être sous la condamnation, Paul, qui sait
ce que c'est que d'être sauvé par
Jésus-Christ, sait aussi que la vie du
ressuscité se propage et fera sortir,
spirituellement, de leur tombeau, jusqu'au bout du
monde et jusqu'à la fin des temps, des morts
en grand nombre. « Je suis la
résurrection », avait proclamé
Jésus
(Jean
XI, 25.). Pour sa part, Paul
court à la conquête, le coeur
débordant des compassions du Christ.
« En sauver de toute manière
quelques-uns
(1
Cor. IX, 22.)! » tel est son
mot d'ordre, telle sa hantise. Cette sainte
passion, le fait intrépide : Quels dangers
ne bravera-t-il pas pour en sauver
quelques-uns!
Ceci nous amène à notre
dernier mot : souffrance.
Jésus-Christ apporte avec lui
à son racheté un trésor de
souffrance. Il faut qu'il souffre et il souffre de
bon gré, dans la communion de son Sauveur,
« l'Homme de douleurs
(Es.
LIII, 3.). »
D'abord il accepte les disciplines de la
lutte contre l'adversaire. C'est qu'en effet, si la
régénération opère,
elle n'implique point que l'ennemi désarme.
Il faut, en tout temps, se méfier de lui. La
chair, crucifiée et mourante, aurait de
redoutables sursauts sous les mains magiques de
Satan, si le disciple fléchissait dans sa
vigilance. « Je traite durement mon corps, dit
Paul, et je le tiens assujetti, de peur
d'être moi-même rejeté,
après avoir prêché aux autres
(1
Cor. IX, 2 7.). »
À ces souffrances s'ajoutent
celles que le Père juge bon de laisser peser
sur son enfant, à la fois pour comprimer un
orgueil sans cesse menaçant et pour faire
éclater la réalité de cette
grâce qui suffit à tout. On sait de
reste que Paul a connu « l'écharde en
la chair », mais triomphé par le
secours du Christ
(Il
Cor. XII, 7-10.).
Surtout le disciple connaît «
la communion des souffrances de Jésus-Christ
», ainsi que le dit Paul dans le passage qui nous
occupe.
Cette
communion de souffrances est dans l'ordre normal
des choses. Aucun serviteur ne voudrait en
être dispensé. Dans la communion du
Christ, le disciple aime. Dans la communion du
Christ, il souffre parce que son amour veut sauver
les pécheurs. Paul, ici, fait preuve d'un
magnifique illogisme. La vie n'obéit pas
à la logique et l'amour moins encore. Paul
sait que le sacrifice rédempteur est unique
et suffisant. Pourtant il écrit : «
J'achève de souffrir dans ma propre chair ce
qui manque aux souffrances de Christ pour son corps
qui est l'Église
(Col.
I, 24.). » Le
témoin du crucifié porte les
invisibles stigmates de la crucifixion. Sans jamais
prétendre à remplacer le Christ en
croix, il s'identifie avec lui « afin de
devenir conforme à lui dans sa mort»,
comme dit encore l'épître aux
Philippiens. Ainsi c'est le Christ tout entier qui
est le trésor du serviteur, le Christ
mourant et le Christ ressuscitant, le Christ
expiant et le Christ triomphant. « Nous
portons toujours dans notre corps, écrit
Paul, la mort de Jésus afin que la vie de
Jésus soit aussi manifestée dans
notre corps
(II
Cor. IV, 10.). »
Ah! qu'elle est grande la fortune de
Paul en Jésus-Christ ! Comment nous
étonnerions-nous qu'il ait voulu tout perdre
pour posséder cette
fortune-là?
Deux mots encore en guise de conclusion.
À l'adresse de ceux qui ont
accepté le salut de Dieu, faisons remarquer
un dernier détail emprunté toujours
au même fragment. Il y a, dans le texte
original, deux petits mots, une préposition
et une conjonction. L'une, dia, à cause de;
l'autre, ina, afin de. Paul les emploie tour
à tour à propos du même
fait.
Il célèbre la liquidation
de sa fortune d'antan, à cause de la
connaissance de Jésus-Christ. Mais il
déclare qu'il considère toutes choses
comme de la boue afin de connaître Christ. Il
est donc, si l'on peut dire, entre une connaissance
faite et une connaissance à faire. La
connaissance faite a opéré un
changement foncier, la volonté de
connaître mieux en opérera
d'autres.
Telle est bien notre situation comme
chrétiens. Nous en savons assez, sans doute,
pour ne plus rien attendre de notre propre justice.
Mais allons de l'avant, dans l'obéissance et
dans la confiance: nous ferons de nouvelles
découvertes. « N'avons-nous pas tout
pleinement en lui
(Col.
II, 10.)? » Il y a de
l'espace entre la trouvaille qui marque le
bouleversement décisif et les
révélations encore
préparées pour chacun. La question
importante n'est pas tant de savoir à quelle
borne kilométrique nous sommes parvenus,
pourvu que le « à cause de » et le
« afin de » nous poussent et nous tirent
du bon côté, c'est-à-dire vers
la parfaite connaissance du Fils unique. Paul
lui-même prend cette position-là. Nous
serons dûment dans le vrai si nous la prenons
aussi.
« Ce n'est pas, dit l'apôtre,
que j'aie déjà remporté le
prix ou que je sois déjà parvenu
à la perfection, mais je cours afin de le
saisir, puisque j'ai été
moi-même saisi par Jésus-Christ.
Frères, pour moi je ne crois pas avoir
atteint le but, mais je fais une chose :
oubliant ce qui est derrière moi et
m'élançant vers ce qui est devant
moi, je cours vers le but pour obtenir le prix de
la vocation céleste de Dieu en
Jésus-Christ
(Php.
III, 12-14. ). »
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