(1)
Lorsque le disciple Ananias, sur l'ordre
du Christ, se présenta devant Saul de Tarse
aveuglé, dans la maison de Damas, il
l'interpelle, en ces termes : « Saul, mon
frère...
(Actes
IX, 17). »
Nous estimerons n'avoir pas
travaillé en vain si, au terme de notre
étude, vos coeurs éprouvaient une
secrète joie à saluer dans les
mêmes termes le grand apôtre des
Gentils, si, oubliant un moment l'auteur des
épîtres canoniques, le
théologien inspiré ou l'illustre
inconnu, vous vous écriiez avec une pieuse
et respectueuse tendresse : « Paul, mon
frère ! »
Avez-vous jamais réalisé,
en effet, que Paul joue, dans l'histoire de
l'Église chrétienne, un rôle
tout à fait unique? Il est, si l'on peut
dire, le premier en date des chrétiens
modernes. Réfléchissez-y. Avant lui,
nous avons affaire à des compagnons de
Jésus-Christ, à des hommes qui, ayant
vu le Maître de leurs yeux, ayant subi
l'ascendant de sa personne, ont
adhéré du coeur
à sa pensée et se sont
matériellement attachés à ses
pas. Voici Pierre et André auxquels
Jésus dit : « Suivez-moi et je vous
ferai pêcheurs d'hommes
(Matt.
IV, 19). » Voici
Lévi auquel il dit : « Suis-moi
(Marc
II, 14). » Ces hommes, que
bien nous connaissons par les Évangiles,
sont placés dans des conditions
différentes des nôtres à
l'égard de Jésus. Ne l'ont-ils pas
là, près d'eux, à disposition
toujours? Ils peuvent questionner et implorer. Le
programme simplifié de leur vie est une
obéissance pratique.
Ils croient en Jésus, sans doute.
La foi leur est nécessaire, en ce sens que
leur âme doit saluer en lui le Messie promis,
le Fils de Dieu. « Nous avons cru et nous
avons connu, dit Pierre, que tu es le Christ, le
Saint de Dieu
(Jean
VI, 69). » Voilà
leur foi.
Mais qui ne sent la distance qui
sépare, au moins au premier regard, cette
situation vis-à-vis du pèlerin de
Galilée et la nôtre? On reprend, dans
la prédication chrétienne, tous les
récits des Évangiles et on leur
donne, sans autres, une application nouvelle,
symbolique, mystique. On dit : « Venez
à Jésus ! » On dit: «
Croyez en Jésus ! » On dit : «
Laissez tout et le suivez ! » On parle comme
si rien n'était changé, comme si
Jésus était encore là
vivant.
Sans doute, il y a bien des
manières d'honorer un disparu, bien des
manières d'accepter et de reprendre à
son compte sa pensée. On peut être
disciple, continuateur, fils
spirituel. Voyez Socrate et Platon, Pascal et
Vinet, tel fils et tel père. Tout de
même, si hardie que soient les images
employées pour exprimer cet attachement du
coeur ou cette dévotion de la pensée,
elles ne sauraient, sans exagération,
prendre la forme des appels que nous citions. La
personne de Jésus et non seulement son
souvenir ou son enseignement, y tient une place
trop éminente. Il faudrait, pour continuer
à utiliser comme le fait la
prédication chrétienne, les rapports
de Jésus avec ses premiers disciples, une
explication qui donnât la clé de cette
étrange persistance d'expression au travers
de situations différentes.
Eh ! bien, l'expérience de Paul
nous donne cela, nous le donne avec une
netteté, une plénitude
singulières. Voilà ce qui fait de
lui, pour nous, un homme si digne
d'intérêt, voilà ce qui
confère à la crise religieuse qu'il a
vécue une valeur de premier ordre.
Saul de Tarse n'a pas plus que nous
connu Jésus. Saul de Tarse était,
à l'égard de Jésus, dans les
mêmes conditions que nous. S'il a
été un chrétien, il l'a
été comme nous pourrons l'être.
Si nous sommes ou devenons chrétiens, nous
le sommes et nous le serons comme il le
fut.
Ce n'est pas tout. Paul qui, à
cet égard, est si attachant pour nous, l'est
encore parce que l'histoire de son âme est
une humaine et dramatique histoire. Son
expérience est tellement profonde et
tellement riche que l'on serait tenté de
dire, s'il ne fallait se défier des
méthodismes doctrinaires : cette
expérience est normative. Les consciences,
celles du moins qui vivront leur
vie sous l'aiguillon de l'Esprit, suivront la
même route que suivit le persécuteur
devenu apôtre.
Nous ne pouvons, cela va de soi,
épuiser le contenu de cette
épopée, aussi bien nous
proposons-nous d'en rappeler quelques scènes
seulement. Nous grouperons nos descriptions sous
trois chefs qui correspondent aux étapes
principales de la crise
dénouée.
Le coup d'arrêt.
Agonie et délivrance.
Au service du vainqueur.
Que Dieu nous soit en aide dans cette
solennelle contemplation d'une âme!
Le coup d'arrêt.
C'est notre lot d'être très
peu renseignés sur l'enfance et sur la
jeunesse des premiers chrétiens. Saul de
Tarse ne fait pas exception à la
règle. C'est donc sa conscience qu'il faut
interroger plutôt que les
événements extérieurs, pour
débrouiller sa psychologie.
Pourtant il est un fait historique d'une
importance capitale et qui veut être
examiné avec la plus intense attention, dans
la vie de Paul, c'est ce que, traditionnellement,
on appelle sa conversion, ce que (nous dirons
pourquoi tout à l'heure) nous avons
appelé le coup d'arrêt.
Deux mots sur les
antécédents du jeune homme.
Vous le savez, Saul de Tarse
était de famille judéo-romaine. Il
appartenait au milieu le plus piétiste, la
secte des Pharisiens. Sa famille, avec un respect
entier pour les habitudes
religieuses du temps, avait mis en pratique les
préceptes légaux concernant un enfant
israélite. Lui-même, Saul, adolescent,
s'était nettement orienté vers les
préoccupations religieuses. Il avait pour
Moïse et pour les livres sacrés de
l'ancienne alliance, une vénération
passionnée. C'était, s'il est permis
d'employer ici cette expression, un chauvin du
judaïsme. À la fleur de l'âge,
c'est-à-dire au moment où il entre
dans l'histoire de l'Église primitive, Saul
de Tarse est un jeune théologien docile, aux
pieds du Gamaliel le docteur de la loi. C'est en
même temps un homme d'action. Son ardente
pensée religieuse fait de lui un militant et
un fanatique.
C'est qu'en effet, la crise
suscitée par le ministère et la mort
de Jésus est encore en pleine
évolution. La trace laissée par le
prophète de Galilée est bien plus
profonde que ses adversaires ne s'y attendaient.
Son libre spiritualisme s'est propagé par
delà sa mort et le légalisme
intolérant des autorités juives n'est
point aussi tranquille que l'on pourrait croire. La
lutte n'est pas terminée. Des partenaires du
condamné, incorrigiblement attachés
au souvenir du disparu, continuent à se
réunir dans les chambres de
Jérusalem. Plus que cela: ils propagent
leurs idées; ils font des conquêtes.
Exaltés, sans doute, par quelque
prédicateur illuminé, ils affirment
et prétendent manifester la survivance de
leur maître; ils le déclarent
ressuscité. Cela est intenable et il faut -
ainsi pense aussi Saul de Tarse - en finir à
tout prix. Cette fermentation est dangereuse.
Quelques mesures sévères auront
tôt fait de l'arrêter.
Saul, à la pensée comme
à l'activité duquel on pourrait
donner pour devise ces mots : « Rien à
moitié », prend
délibérément position. Jaloux,
plus que ses pairs, de l'autorité de
Moïse, attaché par toutes les fibres de
son coeur à la grande figure de
Jéhova, il se joint aux ennemis de
l'hérésie nouvelle.
Bientôt la persécution
éclate. Étienne, l'humble diacre au
service des chrétiens indigents, est
arrêté. On le juge et le malheureux se
permet une harangue offensante pour les dignitaires
du peuple et pour le peuple élu tout entier.
Non! l'esprit du Nazaréen n'est pas mort.
L'écho de son « Malheur à vous,
Scribes et Pharisiens hypocrites ! » revient
à la mémoire du Sanhédrin.
C'en est trop. Les juges grincent des dents. On
traîne l'accusé vers quelque sinistre
terrain vague et on le lapide. Saul ne ramasse et
ne jette aucun pavé, mais il tient à
manifester son approbation expresse. Il assiste au
douloureux spectacle. C'est à ses pieds que
les exécuteurs déposent leurs
manteaux. Étienne meurt Sous les yeux de
Saul. Les dernières paroles du martyr,
toutes de paix et d'amour, arrivent à ses
oreilles.
Engagé par ce premier geste, le
jeune homme va plus loin. Il ne sait pas
s'arrêter à mi-côte ni se
contenter de demi-mesures. D'ailleurs, franchi ce
premier pas par-dessus une mare de sang, une
liberté étrange vous vient. Saul
prendra la tête du mouvement
persécuteur. Saluant à l'avance
l'heure où l'hérésie sera
enfin extirpée, il entrevoit le
judaïsme et sans doute aussi sa propre
âme à lui, retrouvant la paix et la
prospérité dans la victoire.
Donc, avec l'appui des chefs des
prêtres, Saul, débordant de cette
haine, revers de tous les fanatismes,
s'évertue à anéantir la
mémoire de Jésus, pour faire
redescendre sur le Lieu très saint la gloire
de l'Éternel. Étrange amalgame
d'amour et de haine, de sincérité et
de violence, de foi et d'aveuglement, que le coeur
de Saul sur la route de Damas!
C'est ici qu'intervient brusquement le
coup d'arrêt.
Vous connaissez presque par coeur le
triple récit que nous donne, de cette
aventure, le livre des Actes. Nous nous bornons
ici, à en dégager les traits
principaux.
Saul, à midi, dans l'ardeur d'une
journée d'Orient, est terrassé. Il ne
s'agit pas d'un éblouissement, ni de je ne
sais quelle insolation foudroyante. C'est une
intervention. Il y a quelqu'un dans cette
lumière, quelqu'un qui parle.
« Qui es-tu Seigneur? »
s'écrie l'homme prostré.
- « Je suis Jésus que tu
persécutes. Il te serait dur de regimber
contre les aiguillons! »
« Seigneur, que veux-tu que je
fasse? »
- « Lève-toi, entre dans la
ville et on te dira ce que tu dois faire
(Actes
IX, 5 et suiv.).
»
Chancelant, les yeux hagards, le
farouche lutteur de tout à l'heure se
relève. Ses compagnons, inquiets autant que
surpris, l'entourent et s'informent. Saul de Tarse
est aveugle. Il implore leur secours. On le
soutient et on le guide. À petits pas
angoissés, il arrive à Damas dans une
maison amie. Il demande qu'on le laisse à ses
tourments. Il
n'explique rien. Ses amis s'inclinent et se
retirent. Le voilà seul dans la
nuit.
Les heures passent. Les hôtes,
anxieux, viennent voir, de temps à autre, le
malheureux. Il les renvoie toujours, d'un mot sans
réplique. Pendant trois jours et trois
nuits, il prie.
Le troisième jour, cependant, un
disciple de Jésus se présente
à la porte, tremblant, mais fort d'un ordre
du Maître. Contre toute attente, l'homme qui
a refusé, jusqu'ici, toute intervention,
admet la visite d'Ananias : il l'attendait. Un bref
dialogue se déroule. Le
délégué du Christ est tendre
pour le persécuteur de la veille. Il lui
déclare que Jésus lui-même
accueille, pardonne et guérit son implacable
ennemi. Et Saul de Tarse quitte la maison de Damas
voyant clair de ses yeux et de son
âme.
Que s'est-il passé,
religieusement parlant? Quelles sont les
conséquences immédiates de cet
événement pour Saul? Consultant
l'interprétation que nous en donnent et sa
vie et le témoignage de sa correspondance
ultérieure, il est facile de répondre
à ces questions.
Une certitude s'est emparée, bon
gré mal gré, du persécuteur,
et, consécutive à cette certitude
sans ombre, une attitude a été prise
qui ne sera plus jamais démentie.
Une certitude, celle-ci : Jésus,
que je croyais mort et enterré, Jésus
est vivant. Il vit non pas de la vie que conserve,
dans le souvenir de ceux qui l'aimèrent, un
mort vénéré; il vit, non pas
à la manière capricieuse,
insaisissable et précaire des esprits, il
vit comme vit une personne
vivante, il se possède, il parle, il agit.
Il vit. Et (nous continuons à donner une
expression à la pensée de Saul),
puisqu'il a été crucifié,
puisqu'on l'a porté au tombeau,
l'affirmation de ses disciples, jugée
jusqu'ici insensée, est la
vérité même: Jésus
est ressuscité.
Enfin, constatation irrécusable,
ce vivant est un Maître. Ce n'est pas un
homme semblable à d'autres hommes.
«Seigneur!» s'écrie Saul de
Tarse vaincu. Jésus est Seigneur! Tel
est le contenu de la certitude dont nous
parlions.
En voudriez-vous la preuve? La
voudriez-vous de la bouche même de
l'intéressé? Lisez ses lettres et
vous verrez la place prééminente qu'y
tient, d'un bout à l'autre de sa
carrière et de sa prédication qui ne
font qu'un, l'affirmation que Jésus est
vivant, que Jésus est ressuscité. Il
en parle comme un témoin et non comme un
écolier qui récite une leçon.
Il ne croit pas d'une foi dérivée ni
d'une foi, adhésion intellectuelle à
un article de credo, il sait, il est sûr.
L'évidence intérieure s'est faite. Il
ne peut parler autrement qu'il ne parle.
À la certitude à
correspondu l'attitude. Matériellement la
vision avait prosterné Saul. Moralement
aussi, une position de docilité absolue,
docilité de l'être tout entier, coeur,
intelligence et volonté a été
prise. « Seigneur, dit l'homme
terrassé, que dois-je faire? »
(Actes
IX, 17 et suiv.). Et, comme un
petit enfant, comme un aveugle qui ne sait pas se
conduire tout seul, Saul suivra son guide. Cette
dépendance totale restera, jusqu'au bout, la
loi de sa vie.
Vous le voyez, cette conversion a un
caractère tout à fait
spécial.
Ce n'est point un passage de
l'incrédulité à la
foi.
Saul croyait en Dieu dès ses
jeunes années. Ce n'est pas le passage d'une
volonté de péché à une
volonté de sainteté : Saul
était sincèrement désireux
d'accomplir la loi. Ce n'est pas le passage d'une
attitude de révolte contre Dieu à une
attitude de soumission à Dieu : Saul servait
fanatiquement le Dieu de ses pères. C'est
une conversion à Jésus-Christ.
C'est la conversion à Jésus-Christ
d'un honnête homme et d'un croyant. Sans
doute, il verra se transformer, de fond en comble,
sa conception du péché et de la
justice, son sens de la volonté divine, mais
ce sera pour plus tard. Au sens immédiat, sa
conversion, c'est un changement radical d'attitude
à l'égard de Jésus. Il
reconnaît pour vivant celui qu'il croyait
mort; il se soumet à celui qu'il
haïssait.
Saul donc, parce que Dieu lui a fait
grâce, est converti par Jésus-Christ
à Jésus-Christ.
Agonie et délivrance.
Nous avons vu l'événement
qui a bouleversé la vie de Saul de Tarse,
nous en avons compris la portée
première.
Il va de soi que le néophyte
n'était pas, au lendemain de la visite
d'Ananias, un chrétien mûri, il
était un chrétien en ce sens que
Jésus était son maître. Il
fallait encore une longue élaboration
intérieure, un long tête à tête avec le
Vivant, pour amener à leur équilibre
et la foi et la pensée de Saul. Aussi bien,
est-ce par un séjour solitaire de trois ans
en Arabie que s'inaugure la carrière
chrétienne du serviteur.
Là, le « Qui es-tu
Seigneur? » sera repris sous mille formes.
Là, le « Je suis Jésus!
» sera commenté par l'Esprit.
Là aussi, le « Que
dois-je faire? », accompagné d'un
inévitable « Que suis-je? »
recevra une réponse
appropriée.
C'est ensuite seulement que Saul
deviendra, dans le plein sens de ce mot, un
racheté et un apôtre de Jésus.
C'est ensuite qu'il vivra sa vie douloureuse et
triomphante d'ambassadeur pour Christ.
Pouvons-nous sonder quelque chose des
pensées qui s'élaborèrent en
Arabie et en rendre compte?
Oui. Paul, dans ses lettres, nous livre
assez sa vie intérieure pour que nous soyons
à même de comprendre par où son
âme a passé. Il va sans dire que cette
âme est un monde et que nous ne pouvons nous
essayer à décrire de manière
quelque peu complète, ses luttes et ses
découvertes. Nous nous bornons à
relater, sur un point essentiel, cette agonie et
cette délivrance qui ont fait le
chrétien Paul. Si nous voulions donner un
titre au sobre tableau que nous allons brosser,
nous dirions:
Une conscience droite aux prises
avec
la loi de Dieu.
C'est tout un drame qui se
déroule et le sérieux moral de cette
lutte est bien fait pour secouer notre
piété trop souvent assoupie.
Saul de Tarse a voué un culte
à la loi mosaïque, expression parfaite
de la pensée divine. On se représente
aisément ce jeune garçon apprenant
par coeur les grands psaumes qui
célèbrent la Thora. « La loi de
l'Éternel est parfaite, elle restaure
l'âme. Les commandements de l'Éternel
sont purs, ils éclairent les yeux
(Ps.
XIX, 8.). » Ou encore les
refrains du psaume 119 : « Je fais mes
délices de tes commandements, je les aime...
Je n'oublierai jamais tes ordonnances car c'est par
elles que tu me rends la vie. Ta parole est une
lampe à mes pieds et une lumière sur
mon sentier
(Ps.
CXIX, 47, 93,
105).
» Il a dû respirer
cette ferveur et en éprouver les
ravissements.
Plus tard, cette loi est devenue le
champ de ses dévotes investigations, elle a
été l'objet de ses études.
Mais (comme toujours chez lui) aux enthousiasmes de
l'esprit s'est associée la démarche
pratique. Saul s'est joint au parti des Pharisiens,
scrupuleux zélateurs.
Ainsi donc cette loi, loi morale en
tête, loi cérémonielle ensuite,
a été, pour la conscience de Saul, la
règle incontestable de la conduite devant
Dieu et devant les hommes. De toute son âme
il s'est appliqué à en accomplir et
les préceptes et les rites. En cela
consistait le programme foncier de sa
volonté.
Nous aimons à nous
représenter l'idéal que visait cette
âme droite. Pour elle la suprême
justice, c'est-à-dire l'équilibre
parfait, sanctionné par Dieu même,
c'est une harmonie sans dissonance entre la
volonté soumise et la Loi.
Passionné comme il l'était, Saul a
dû traverser des heures d'extase dans la
contemplation de cette vision. Il a dû se
livrer à d'ardents et
persévérants efforts pour mettre en
oeuvre sa conviction. Et, lorsque, sur son chemin,
a surgi le spiritualisme chrétien aux
allures de relâchement novateur, comme le
coeur du disciple de Gamaliel a bondi et comme il.
s'est jeté dans la lutte !
Seulement, tout n'est pas ravissement et
succès dans une attitude comme celle que
Saul adopte. Le programme est simple, c'est vrai :
« Celui qui fera ces choses vivra par elles
(Rom.
X, 5.) ». Dans la
réalité comment est-ce que la
volonté et la conscience du serviteur de la
Loi réagissent ?
Hélas ! Elle réagit, cette
âme sincère, en deux sens distincts et
voisins.
D'abord, la Loi modifie son expression
souriante et sereine aussitôt qu'une
transgression est commise. Son regard, s'il est
permis de la personnifier ainsi, se fait
sévère; son caractère, celui
d'un juge incorruptible, et l'âme qui, d'un
élan, se donnait,
désobéissante, s'effondre dans la
honte. Elle a péché.
Sans doute, cette
éventualité est prévue par la
Loi même, puisque des sacrifices sont
édictés pour expier la faute commise.
Aussi bien, les premières transgressions
sont-elles aisément réparées
et oubliées. Mais, quand les
désobéissances se multiplient, quand,
implacable, le témoignage de la souveraine
volonté demeure et accuse,
quand la vertu des sacrifices s'épuise pour
une conscience rigoureuse vis-à-vis
d'elle-même, qu'arrive-t-il? Il arrive que le
tête à tête de l'âme avec
la Loi son juge, devient intolérable et que
la désespérance guette le
pécheur. Saul a palpé l'horreur de
cette situation.
Il y a plus. Au sentiment cuisant de sa
culpabilité, s'ajoute le sentiment
désolant de son impuissance, impuissance
aggravée d'une disposition innée au
mal. Quoi que l'on fasse, on n'arrive ni à
la justice ni au repos. La justice des oeuvres,
comme le polygone inscrit dans le cercle,
s'épuise à rejoindre la belle et
sainte limite : elle n'arrive jamais. Bête de
somme exténuée, le lutteur s'abat
sous le joug trop lourd. Il en vient, après
quelques héroïques essais de se
relever, à capituler. L'impression cruelle
l'envahit qu'il y a là comme une
impossibilité fondamentale et incurable :
« Je ne peux pas, je ne peux plus, je ne
pourrai jamais. Tout est inutile. Le juge me
condamne, le joug m'écrase. Moralement
honteux, je suis moralement étouffé
».
Vous connaissez la description
immortelle que Paul a donné de son angoisse.
« Oui, dit-il, nous savons que la Loi
elle-même est spirituelle; mais c'est moi qui
suis charnel, vendu et asservi au
péché. Je ne sais pas même ce
que je fais; car je ne fais pas ce que je veux; au
contraire, ce que je déteste, voilà
ce que je fais. Je sais, en effet, qu'en moi, je
veux dire dans ma chair, il n'habite rien de bon;
vouloir le bien est, il est vrai, à ma
portée, mais l'accomplir, non. Car je ne
fais pas le bien que je veux, mais le mal que je ne
veux pas, voilà ce que je fais. Voici donc
la situation où je me trouve : quand ma volonté est
de faire le
bien, c'est le mal qui est là; mon
être intérieur adhère avec joie
à la loi de Dieu; mais je découvre
dans mes membres une autre loi en guerre avec la
loi de ma raison et qui m'asservit à la loi
du péché qui est dans mes membres.
Misérable que je suis ! qui me
délivrera de ce corps de mort?
(Rom.
VII, 14-24.) ».
Ah! que l'on comprend cette exclamation
quasi-désespérée!
Cette confession, notons-le, date
d'après la rencontre avec
Jésus-Christ. Pourquoi? Parce que,
évidemment, les expériences du
Pharisien sincère se sont encore
approfondies dans les années d'Arabie. C'est
là, sous le contrôle de
l'Esprit-Saint, que Paul a
débrouillé, si je puis dire, et
formulé sa propre expérience conduite
à son paroxysme.
Conduite à son paroxysme,
disons-nous. C'est que la vie et l'enseignement de
Jésus, bien loin d'apaiser du premier coup,
intensifient jusqu'à l'extrême les
expériences que nous décrivions. La
Loi, telle que Jésus l'a vécue et
présentée, devient plus
décourageante que jamais. En
prétendant s'imposer à mes
pensées, à mes sentiments, à
mes regards mêmes, elle achève de me
désespérer. Plus la loi se fait
exigeante, plus je deviens coupable. Plus elle
étend ses droits, plus je me sens impuissant
et taré.
Et puis enfin le culte de l'antique
Thora n'a pas préservé Saul de
méconnaître ni de haïr
Jésus-Christ, le Fils unique.
Tout est donc faillite pour finir. Les
ferveurs du Pharisien de vingt ans ont abouti
à un état de culpabilité et de
misère. Il peut se demander, en
vérité, si la vie est absurde, si la
conscience fourvoie son serviteur, si Dieu se joue
de nous, prenant plaisir à nous jeter dans
une affreuse et stérile confusion. «
Misérable que je suis, qui me
délivrera de ce corps de mort?
»
Mais poursuivons la lecture de
l'autobiographie en raccourci. Qu'allons-nous
entendre? Oh ! surprise. Un cri de triomphe :
« Grâces soient rendues à Dieu,
par Jésus-Christ notre Seigneur !
(Rom.
VII, 25.) ».
Eh ! quoi? C'est donc qu'à cette
impasse s'est trouvée tout de même une
issue? Cela fait frissonner le coeur
d'émotion.
Oui. Quand Paul écrit les tristes
aveux que nous avons lus, il parle du passé,
car pour lui, dès lors, la délivrance
est venue. Plus sincère avait
été sa lutte, plus merveilleux a
été le dénouement. Plus
héroïque avait été la
logique de la conscience, plus inattendue et plus
radieuse a été la libération.
« Grâces soient rendues à Dieu,
par Jésus-Christ notre Seigneur !
»
Donc Jésus-Christ, de la part de
Dieu, a modifié du tout au tout la situation
intenable que nous décrivions. Il a mis fin
aux tourments d'une culpabilité sans
remède, mis fin au sentiment d'impuissance
d'une volonté viciée.
C'est bien cela. L'Évangile de
Paul, en son noeud, la bonne
nouvelle qu'il annoncera jusqu'à sa mort, la
voilà. N'attendez pas que ni lui ni
nous-mêmes expliquions en langage tout
rationnel, ces révélations
accordées par l'Esprit de Dieu à
l'âme sincère. « Ce sont
là des choses que l'oeil n'avait point vues,
que l'oreille n'avaient point entendues et qui
n'étaient point montées au coeur de
l'homme, mais que Dieu avait
préparées pour ceux qui l'aiment
(1
Cor. II, 9.). » Paul ne les
posséda que par révélation.
Votre conscience ne les possédera, à
son tour, que de cette manière et sur la
voie d'une entière droiture morale, d'un
fidèle acquiescement aux témoignages
de l'Esprit.
Cela réservé, comment Paul
exprime-t-il ce qui est pour lui, dans un sens
parfait, le salut?
Évidemment, Paul a vu
s'établir un lien entre les sacrifices de
l'ancienne alliance, ceux dont il usa maintes fois
pour apaiser sa conscience tourmentée, et la
mort sanglante de Jésus. Cela est hors de
doute. Cette croix, « scandale pour les Juifs
et folie pour les païens, est sagesse de Dieu
pour ceux qui sont appelés
(1
Cor. I, 23,24.). »
On n'arrachera jamais de la conscience
humaine, à moins de la fausser et de la
découronner, le besoin d'expiation, le
besoin de rétablir l'équilibre rompu
par le péché, au moyen d'une
souffrance, disons le mot : d'une punition,
adéquate à l'offense. Or, il est
clair que l'insuffisance des satisfactions que la
conscience se donne à elle-même rend
la position critique. Renoncera-t-elle, cette
conscience, à accomplir toute justice et s'accommodera-t-elle
d'une
précaire indulgence envers elle-même,
indulgence qu'elle transportera en Dieu? Ou bien
maintiendra-t-elle et se butera-t-elle dans une
encoignure bouchée?
L'Évangile de Paul lui crie :
Réparation a été faite au
Calvaire. La longue patience de Dieu a pris fin,
mais elle a pris fin sur un acte de justice et de
délivrance tout à la fois. Christ est
mort et le péché est expié.
Approprie-toi, dans un acte de foi, pécheur
repentant, la réparation
opérée par l'amour. Amour du
Père qui conçoit et veut cette oeuvre
étonnante, amour du Fils qui se solidarise
avec les coupables. Amour que l'amour comprend et
qui produit l'amour.
« Mais maintenant, écrit
Paul, il a été
révélé une justice de Dieu,
indépendante de la Loi. Cette justice qui
vient de Dieu par la foi en Jésus-Christ,
s'adresse à tous les croyants et cela sans
distinction; car tous les hommes ont
péché et sont privés de la
gloire de Dieu. Dans sa grâce ils sont
gratuitement justifiés, au moyen de la
Rédemption faite par Jésus-Christ.
Dieu l'avait destiné à être,
par sa mort sanglante, une victime propitiatoire
pour ceux qui croiraient. Nous pensons donc que
l'homme est justifié par la foi,
indépendamment des oeuvres de la Loi
(Rom.
III, 21 et suiv.). »
« Sachant, dit-il encore, que l'homme n'est
pas justifié par les oeuvres de la Loi, mais
qu'il l'est uniquement par la foi, en
Jésus-Christ, nous avons cru en
Jésus-Christ pour être
justifiés par cette foi
(Gal.
Il, 16.). » « C'est
en Christ, par son sang, que nous avons la
rédemption, la
rémission des péchés
(Éph.
I, 7.). »
Voilà la justification par la foi au
sacrifice rédempteur de Jésus. Paul
l'a saisie, cette justice imputée à
la foi, il en a vécu et il l'a
proposée aux pécheurs
sincèrement désireux
d'échapper, sans compromis, aux
harcèlements de la conscience.
Et la loi?
La loi, si l'on peut ainsi dire, a
été éliminée en
étant deux fois satisfaite.
Nous sommes toujours frappé, en
relisant les épîtres de Paul, de la
joie dont elles témoignent en face de ce
fait. Paul a tant souffert par ce juge et par ce
joug qu'il est transporté
d'allégresse à le voir hors de cause.
Le juge est crucifié. Le joug est
brisé. Il n'y a plus personne pour accuser
le transgresseur. Il n'y a plus rien pour
écraser les épaules débiles et
meurtries de l'esclave qu'était
l'observateur des justices légales.
Écoutez ce que dit l'apôtre : «
Dieu nous a pardonné tous nos
péchés; il a effacé l'acte qui
était contre nous, dont les clauses nous
étaient contraires, il l'a mis de
côté en le clouant sur la croix
(Col.
Il, 14.). » «
Anéantissant, par sa mort, la loi, les
ordonnances, les commandements
(Éph.
II, 5.). » «
La fin de la loi c'est Christ donnant la justice
à quiconque a foi en lui
(Rom.
X, 4.). » « Ceux qui
en restent aux oeuvres de la loi sont sous le poids
d'une malédiction, car il est écrit:
Maudit soit quiconque n'observera pas tout ce qui
est écrit dans le livre de la loi, de
manière à le pratiquer. » Mais,
ajoute-t-il : « Christ nous a rachetés
de la malédiction de la loi en devenant
malédiction pour nous, afin que la
bénédiction accordée à
Abraham passât aux païens par
Jésus-Christ et que nous obtenions par la
foi l'Esprit promis
(Gal.
III, 10, 13.). »
La loi, explique Paul, a eu pour raison
d'être, non point d'amener les
Israélites à une justice
approuvée de Dieu. Comment l'eût-elle
pu? Autant vaudrait dire que la majesté du
Mont-Blanc amène à son sommet le
rhumatisant qui l'admire d'en bas. Non! La loi a
été donnée par le Dieu de la
promesse pour mettre les choses au point,
c'est-à-dire pour maintenir les droits
imprescriptibles de Dieu et pour manifester
à la fois le péché et
l'incapacité du coeur humain. Cela fait, le
rôle de la loi est, en principe,
terminé. Il se termine dans le drame
sanglant où la réparation
s'accomplit, il se termine dans le drame où
le pécheur acquiesce, par la foi, au
sacrifice rédempteur. La loi meurt en se
consommant.
Deux fois satisfaite, disions-nous. En
effet, l'âme croyante qui meurt, elle aussi,
d'une juste mort, avec son représentant, est
transportée, par cette crise qui
résout toutes ses propres exigences, dans un
monde nouveau : « Le Royaume du Fils
bien-aimé
(Col.
I, 13.). » Elle
renaît dans une atmosphère nouvelle,
celle de la grâce et de la liberté.
Ressuscitée avec Jésus-Christ en
nouveauté de vie, elle se trouve à
ciel ouvert, baignée dans l'air pur et doux
de l'amour paternel et
pénétrée de la loi
intérieure du Saint-Esprit.
Écoutez l'écho de cette
expérience dans les termes mêmes des
épîtres : « Étant donc
justifiés par la foi, nous avons la paix
avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ
(Rom.
V. 1.). » « Il n'y a
donc maintenant plus de condamnation pour ceux qui
sont en Jésus-Christ, parce que la loi de
l'Esprit de vie nous a affranchis, en
Jésus-Christ, de la loi du
péché et de la mort
(Rom.
VIII, 1.). » « VOUS
n'avez pas reçu un esprit de servitude pour
être encore dans la crainte, mais vous avez
reçu un esprit d'adoption par lequel nous
nous écrions : Abba ! Père
(Rom.
VIII, 15.). »
Ainsi Paul entonne l'hymne que chantera
son âme jusque dans l'éternité,
l'hymne de la délivrance, de l'amour et de
la liberté. Désormais, non plus sous
la loi, ni sans loi, mais « dans la loi de
Christ
(1
Cor. lX, 21.) », comme il
dit, et sous l'autorité vivante de l'Esprit
de Jésus, Paul entre, à pleines
voiles, dans une vie nouvelle.
Cette vie nouvelle, que sera-t-elle?
Nous l'avons indiqué d'un mot, dans le titre
de notre dernière partie.
Au service du Vainqueur.
Saul de Tarse est devenu serviteur et
apôtre de Jésus-Christ. La vie pour
lui ne peut plus avoir qu'un seul sens : annoncer
la bonne nouvelle dont il vit, l'annoncer en temps
et hors
de
temps, l'annoncer partout où Dieu l'enverra.
Le motto de sa vie sera désormais : «
Malheur à moi si je ne prêche pas
l'Évangile!
(1
Cor. IX, 16.) » Et d'autres
luttes vont commencer, mais les luttes au service
du vainqueur.
Nous ne pouvons ici suivre
l'apôtre des Gentils ni dans sa grande
mission, ni dans les riches expériences de
son âme au travers d'une vie
mouvementée. Laissez-nous pourtant vous
entr'ouvrir une échappée sur les
triomphes de ce coeur livré à
Jésus-Christ. Nous vous les montrerons en
deux domaines seulement : triomphe sur la
souffrance et triomphe sur la mort.
La souffrance n'a pas été
épargnée au serviteur, On serait
tenté de dire : aucune espèce de
souffrance ne lui a été
épargnée. La lecture de ses lettres,
comme du livre des Actes, en dit long à cet
égard.
Les ennemis ne lui ont pas
manqué. Ses maîtres d'hier, les
fanatiques de la loi, ont été durs
avec lui. Les persécutions se sont
multipliées. La rude vie du missionnaire
sans foyer a été
singulièrement traversée : faim,
froid, fatigue, maladies, blessures, naufrage, tout
a conspiré pour abattre, si possible, la foi
du témoin. Pire que cela. Un mal
mystérieux, à contre-coups à
la fois physiques et moraux, est venu entraver d'un
tourment continuel l'âme du travailleur. Une
écharde est restée enfoncée
dans sa chair et un émissaire de Satan a
martelé son âme de violents assauts.
L'apôtre angoissé a demandé du
secours à son Maître et le
Maître a répondu.
Mais comment? En laissant son héraut dans la
souffrance et en l'invitant à savourer
d'autant mieux le prix de son amour. « Trois
fois, écrit Paul, j'ai prié le
Seigneur de l'éloigner de moi
(l'écharde) et il m'a dit : « Ma
grâce te suffit (voilà pour son coeur)
car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse
(voilà pour son oeuvre)
(Il
Cor. XII, 8-9.). » Et Paul
s'incline, adore et persévère. C'est
le triomphe.
Les années ont passé.
Paul, initié par Dieu aux promesses de
l'espérance chrétienne, a vécu
dans l'attente d'un événement
glorieux : Le Maître reviendra, il l'a
promis... Encore un peu de travail, un peu de
douleur et le jour de Jésus-Christ se
lèvera. L'apôtre s'attend même -
ineffable bonheur - à échapper
à la mort. Il assistera, vivant, à
l'avènement du Seigneur. Sans doute, il
calme l'effervescence des Thessaloniciens que cette
perspective paralyse en les exaltant, mais il n'en
affirme pas moins son espoir.
Cependant, l'âme du serviteur
mûrit encore. Dieu n'ôte pas au temps
son rôle, il respecte les lois de
l'expérience progressive. Paul voit la
grandeur démesurée de l'oeuvre
à faire. Il vieillit. Déjà,
à diverses reprises, la mort l'a
frôlé. Le voilà, enfin,
prisonnier à Rome et à la veille d'un
jugement. Qu'écrit-il à ses amis?
Certes ! il n'enlève rien au trésor
d'espérance qui reste celui de
l'Église et le sien. Le Maître
reviendra, Paul participera à la victoire,
mais, pour ce qui le concerne personnellement, les
prévisions ont changé. Il s'attend
à mourir et se
réjouit de mourir. Il écrit : «
J'ai la conviction, j'ai le ferme espoir que je ne
serai confondu en rien; au contraire, je serai
plein de hardiesse et, maintenant comme toujours,
mon corps, que je vive ou que je meure, servira
à la gloire de Christ. Pour moi, Christ est
ma vie et 'la mort m'est un gain
(Php.
1, 20.). » Et, plus tard
encore, dans les tout derniers temps de sa vie, il
écrit à son ami Timothée ces
paroles sereines : « Quant à moi je
suis bien près du sacrifice, je touche au
moment du départ, j'ai combattu le bon
combat, j'ai achevé la course, j'ai
gardé la foi. Il ne me reste plus
qu'à recevoir la couronne de justice. Le
Seigneur, le juste juge, me la donnera au Grand
jour
(II
Tim. IV, 6-8.). »
N'est-ce pas encore un triomphe? C'est
si difficile de démordre d'un espoir qui
s'est fixé en une certaine forme
aimée. Mais non ! au service du vainqueur on
devient souple et rien ne peut abattre le courage
ni contredire la foi quand ils s'alimentent
à la source vivante de l'esprit de
Jésus.
Aussi ne saurions-nous terminer ces
dernières considérations sur la vie
de l'apôtre autrement qu'en
répétant avec lui ce cantique de
victoire, dont l'écho traverse les
âges et va se répétant
d'âme croyante en âme croyante : «
Que dire de plus? si Dieu est pour nous qui sera
contre nous? Lui qui n'a pas épargné
son propre Fils, mais qui l'a livré à
la mort pour nous tous, comment ne nous
donnerait-il pas toutes choses avec
Lui? Qui osera accuser les
élus de Dieu? Serait-ce Dieu qui les
justifie? Qui les condamnera? Serait-ce
Jésus-Christ qui est mort, plus encore, qui
est ressuscité, qui est assis à la
droite de Dieu, qui intercède pour nous? Qui
nous arrachera à l'amour du Christ? Sera-ce
la tribulation, ou l'angoisse, ou la
persécution, ou la faim, ou le
dénuement, ou les périls, ou le
glaive? Mais dans tous ces combats nous restons
plus que vainqueurs, grâce à celui qui
nous aimés. Oui! je suis certain que ni la
mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations,
ni le présent, ni l'avenir, ni les
puissances, ni les forces d'en haut, ni les forces
d'en bas, ni aucune créature au monde ne
pourra nous séparer de l'amour de Dieu
manifesté en Jésus-Christ notre
Seigneur
(Rom.
VIII, 31 et suiv.).
»
Paul, notre frère, à toi
l'hommage reconnaissant de nos coeurs,
jusqu'à ce que nous te rencontrions dans les
demeures éternelles.
Mais à toi, Christ Sauveur -
Sauveur de Paul, Sauveur de tous, notre Sauveur -
à toi l'adoration de nos âmes,
à la gloire de Dieu le Père.
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