Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE IV

Hindouisme et Christianisme.

Qui sera vainqueur ?

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Depuis que Ramabaï avait quitté les États-Unis, ses convictions religieuses s'étaient approfondies et exerçaient une influence bienfaisante sur les élèves. Sa collaboratrice Sunderbaï Powar écrivait en 1893 : « On prétend que toutes les jeunes filles de l'asile deviennent chrétiennes et l'on dit que je suis la cause de ce changement. Mais je me suis absentée plusieurs mois et, à mon retour, je constatai que toutes les élèves assistaient aux réunions de prières de Ramabaï. Comment en serais-je la cause ? » Ce fait qui réjouissait la dévouée collaboratrice fut important pour l'avenir de l'oeuvre.

Des évangélistes distingués venus d'Angleterre et d'Amérique avaient visité l'Inde et, avec l'aide d'interprètes, avaient adressé au peuple d'émouvants appels. Ramabaï en entendit quelques-uns qui firent sur elle une profonde impression. Elle avait l'habitude de réserver chaque jour une heure pour son culte ; c'était de cinq à six heures du matin. Dans ce temps-là sa collaboratrice Sunderbaï, sa propre fille Manorama et quelques jeunes filles y assistaient. Celles-ci n'habitaient pas le Sharada Sadan au même titre que les autres, car elles n'étaient pas des veuves, mais des personnes tombées dans la misère ou exposées à un danger moral. Aux termes du règlement elles ne pouvaient être reçues gratuitement dans la maison comme les autres élèves, mais Ramabaï payait elle-même leur pension. Où prenait-elle cet argent ? Son comité américain lui allouait une somme importante pour ses dépenses personnelles ; elle en utilisait pour elle-même une infime partie et consacrait le reste à l'éducation de ses protégées. Elle les considérait comme ses propres enfants et avait adopté celles qui étaient orphelines. Elle décida de leur donner une éducation chrétienne en les conviant à son culte matinal. Pour y participer, ces jeunes filles se levaient une heure plus tôt que leurs camarades. Plusieurs de celles-ci prirent peu à peu l'habitude de les accompagner, si bien qu'au printemps de l'année 1893 la moitié des soixante-cinq habitantes du Sharada Sadan y assistaient régulièrement.


Journée bénie.

Vient le mois de mai qui est, en Inde, le plus chaud de l'année. Les élèves sont en vacances. Tandis qu'un groupe est allé en excursion, un autre groupe désire rester avec Baï et Ukka. Celles-ci auraient voulu être pendant toute cette journée seules avec Dieu pour se fortifier par la méditation. Néanmoins elles accueillent avec bienveillance les élèves qui souhaitent de leur tenir compagnie. On lit la Bible, on se recueille, on chante, on prie et, avant le soir, vingt jeunes filles annoncent qu'elles chercheront le salut. Plusieurs d'entre elles semblent même l'avoir déjà trouvé et reçu avec joie. Une société d'activité chrétienne est aussitôt fondée ; pour les séances on réserve une salle. En réponse aux prières l'Esprit de Dieu se répand dans les âmes pour les purifier et les vivifier.


L'opposition.

Mais « une ville située sur une montagne ne saurait être cachée ». Le bruit se répandit rapidement que Ramabaï « convertissait au christianisme toutes ses élèves ». Aussitôt une tempête d'hostilité se déchaîna et sévit avec rage pendant plusieurs semaines. Les adversaires les plus acharnés se trouvaient parmi les Brahmanes. Ceux-ci n'en étaient pas à leur première tentative de ruiner le Sharada Sadan. Très influents dans le Conseil d'administration qui siégeait à Bombay, ils avaient voulu imposer à l'institution les lois des castes. Ainsi Ramabaï et ses trois aides chrétiennes auraient été exclues d'une partie des bâtiments, puisque ces lois obligeaient les Hindoues à être seules pour leurs adorations et leurs repas. Le même conseil voulut interdire aux élèves d'assister au culte chrétien, tout en les laissant libres de prendre part aux cérémonies païennes. Avec ces prétentions, que serait devenue la neutralité religieuse exigée par le Comité américain ? Ramabaï refusa de se soumettre aux injustes exigences du Conseil d'administration. Celui-ci, mécontent, démissionna en bloc et engagea, par circulaire, parents et tuteurs à ne plus confier d'élèves à une institution qui ne se conformait pas aux lois hindoues.

Vingt-cinq jeunes filles furent retirées de l'école au milieu de scènes émouvantes. Quelques parents laissèrent leur enfant à la condition qu'elle n'assisterait plus à un culte chrétien. Parmi celles qui partaient plusieurs étaient exposées à subir de mauvais traitements. Dans un ou deux cas la ruine morale était certaine, mais Ramabaï fit des efforts inouïs pour sauver les pauvres victimes et eut la joie de réussir.


Fanatisme hindou.

L'une de ces libérations est aussi sensationnelle que celle de certains esclaves ; il s'agit du reste d'un véritable esclavage. Une jeune fille avait été adoptée par Ramabaï ; sa mère, qui était veuve, était au service d'un temple païen. Un Hindou, ami du progrès, l'avait confiée au Sharada Sadan pour la soustraire à l'exemple de la mère, qui vivait dans la débauche. Mais quand cet homme apprit que quelques élèves devenaient chrétiennes, il se joignit à la clameur populaire pour exiger le départ de la jeune fille, préférant que celle-ci se livrât à l'inconduite plutôt que d'être disciple du Christ. Une maladie servit de prétexte pour envoyer l'élève à l'hôpital de Bombay ; c'était autant de gagné. Des amies chrétiennes furent chargées de la visiter et lui inspirèrent confiance. La mère et les prêtres païens accoururent avec leurs Shastras (livres saints) et essayèrent en vain de lui enlever sa Bible. Quoique les chemins de sortie fussent surveillés, les mêmes amies purent emmener la convalescente et la remettre à une dame missionnaire qui habitait hors de la ville. Intentionnellement on laissa Ramabaï dans l'ignorance de ces faits, tandis que la mère furieuse venait la harceler, prétendant que sa fille n'était pas majeure et n'avait pas le droit de disposer d'elle-même.

La presse indigène publia de violents articles contre Ramabaï, qui redouta que cette affaire ne ruinât son oeuvre. Grâce au chef de la police, qui était chrétien, la jeune fille ne fut pas obligée d'aller au temple païen contre son gré. Elle se fit baptiser, après quoi sa mère et les prêtres la laissèrent tranquille. Rentrée au Sharada Sadan, elle put y continuer ses études sans être inquiétée.


Liberté religieuse.

Dans un rapport envoyé à ses amies d'Amérique, Ramabaï écrivait les lignes suivantes :
« Nous laissons à nos élèves l'entière liberté de garder leur caste et leurs coutumes et nous avons pris les dispositions matérielles qui leur donnent la possibilité de le faire. On ne les empêche nullement d'adorer leurs dieux, ni de porter des amulettes autour du cou, si elles le veulent. Pensez-vous que j'aie combattu la religion de ces jeunes filles ? Non, certes. Je n'ai enseigné aucun système religieux. Si elles désirent une instruction religieuse, elles peuvent fréquenter l'école du missionnaire ou celle du prêtre hindou. Mais je suis heureuse de dire qu'elles ont vu la Lumière, non par elles-mêmes, mais par la grâce de Dieu.

Je suis chrétienne, j'ai mon foyer dans lequel grandit ma fille. je me suis approprié la parole de Josué : « Pour moi et ma maison, nous servirons l'Éternel. » Mes élèves sont libres de célébrer leur culte comme elles le veulent et j'ai reçu de Christ la liberté qu'il donne à tout chrétien. Pourquoi cacherais-je la lumière sous le boisseau ? Quand je célébrais mon culte de famille dans ma chambre et non dans la salle des leçons, quelques jeunes filles y assistèrent et nous leur donnâmes l'autorisation d'y participer si elles le désiraient. Nos frères hindous pensèrent que j'allais trop loin et que je christianisais mes élèves. Ils exigèrent que la porte de ma chambre fût fermée pendant la lecture de la Bible et la prière. Non, répondis-je, car j'ai la liberté de pratiquer le christianisme comme ces jeunes filles ont la liberté d'observer leur religion. Pourquoi fermerais-je ma porte, puisque je ne la ferme jamais ? Nos amis hindous, se sentant offensés, voulurent supprimer notre école et en élever une autre sur ses ruines ; mais j'ai la joie de dire que les fondations de notre école n'ont pas été élevées sur le sable, mais sur le Rocher des siècles ; elle y est restée debout jusqu'à aujourd'hui et elle le restera toujours. »

Ces mots nous révèlent la foi solide et énergique de l'ancienne païenne qui croit au Dieu de l'Évangile et qui lutte pour la vérité. Ses adversaires fondèrent une école dans laquelle les rites hindous étaient obligatoires, mais elle ne prospéra point et disparut bientôt. Le Sharada Sadan se développa rapidement et reçut un grand nombre de veuves malheureuses qui furent accueillies au nom du Christ compatissant.




CHAPITRE V

Les secrets de l'Inde.

L'Inde est célèbre par l'architecture de ses temples imposants et de ses palais de marbre. Les voyageurs en font des descriptions enthousiastes. Plusieurs auteurs français, entre autres Pierre Loti et André Chevrillon, ont écrit à leur sujet des pages splendides. Une circonstance donna à Ramabaï l'occasion de visiter quelques-uns de ces édifices et d'y découvrir des secrets qui sont cachés aux Européens. Dans la saison froide qui suivit les luttes de 1893, le Sharada Sadan reçut une visite qui fut accueillie avec une grande joie. C'était Mrs Judith Andrews, la présidente du Comité américain de l'Association Ramabaï. Cette dame fit dans les asiles un séjour de plusieurs semaines pour les étudier dans tous leurs détails. Les élèves, enchantées de la visiteuse à cheveux blancs, lui décernèrent le titre affectueux de Ahjibaï (grand'Mère). Un voyage en Inde est incomplet si l'on n'a pas vu ses admirables temples, palais ou tombeaux. La plupart de ceux-ci étant situés à une grande distance dans le Nord, Mrs Andrews pria Ramabaï de l'accompagner. Elle n'aurait pu trouver de meilleur guide, car celle-ci avait autrefois parcouru cette contrée et était à même de révéler des faits que l'on dissimule aux touristes.


Les ruines d'Agra.

Nous ne citerons qu'un épisode de ce voyage. Près de la ville actuelle d'Agra s'élève le fort du même nom, vaste emplacement entouré d'anciennes fortifications. On y voit entre autres les restes des palais des empereurs mongols, les anciens maîtres de l'Inde, appelés habituellement les « grands-mogols ». Laissons la parole à Ramabaï :
« Le guide nous montra les appartements privés de la rani (impératrice), les jardins et les grands édifices de marbre. Il nous fit aussi voir la superbe construction du Saman Burij (Tour du jasmin) que les visiteurs admirent avant de partir, afin d'emporter d'Agra une vision de beauté. La magnificence de ce « poème de marbre » ne satisfit pas ma curiosité et je demandai où étaient les cachots. Le guide commença par dire qu'il n'y en avait point ; ensuite, sur la promesse d'une bonne récompense, il se laissa persuader. Ayant ouvert une trappe, il nous fit pénétrer dans de nombreux souterrains, petits et grands, où l'on enfermait et torturait les femmes du grand-mogol tombées en disgrâce. Le guide, après avoir allumé un flambeau, nous conduisit jusqu'au bout de la prison, dans le caveau qui a été creusé sous la Tour du Jasmin. Cette sombre pièce octogone est pourvue d'une fosse profonde que surplombe une poutre admirablement sculptée. On suspendait à cette poutre les malheureuses qui avaient été impératrices et qui, pour une cause inconnue, avaient encouru la défaveur du despote...

Pendant qu'elles subissaient la torture, leur maître cruel et leurs rivales chantaient et se divertissaient au-dessus de leurs têtes dans la splendide Tour du Jasmin. je ne songe guère à la beauté de ce lieu ; mais je n'oublierai jamais ni cet obscur caveau, ni les salles de torture qui existent dans mainte tour sacrée de l'Inde. Si les murs de cet horrible local pouvaient parler, quels récits de cruautés ne nous feraient-ils pas ? » Ainsi Ramabaï put révéler à Mrs Andrews un aspect de l'Inde qui reste caché aux autres voyageurs.


Prêtres et philosophes.

Après avoir stigmatisé la barbarie des grands-mogols musulmans, elle exprima son indignation contre le paganisme hindou. Il est de mode dans certains milieux européens et américains d'admirer les penseurs de l'Inde et de vanter la profondeur et la solidité de leurs systèmes ; demandons l'avis de celle qui les connaissait bien, puisqu'elle avait été autrefois honorée du titre de Pandita (doctoresse) et comparée à Sarasvati, la déesse de la science. Ramabaï nous répond par ces lignes d'une sobre éloquence :
« Je prie mes soeurs d'Occident de ne pas se contenter d'admirer la beauté extérieure des grandes philosophies de l'Inde et de ne pas s'extasier sur les longs et intéressants discours de nos intellectuels, mais d'ouvrir les trappes des monuments de l'intelligence hindoue et de pénétrer dans leurs sombres caveaux pour voir l'oeuvre de cette pensée que l'on prône tant.
Que nos amies d'Europe, et d'Amérique viennent en Inde et habitent parmi nous. Qu'elles se rendent dans les centaines de lieux sacrés vers lesquels accourent chaque année d'innombrables pèlerins. Qu'elles visitent Jagannath, Puri, Bénarès, Gaya, Allahabad, Muttra, Bindraban, Dwarka, Pandharpur, Udipi, Tirpatty et d'autres villes saintes, ces places fortes de l'hindouisme et de la science sacrée, résidences des mahatmas (savants) et des moines dont les sublimes (?) philosophies sont journellement enseignées et mises en pratique. Des milliers de prêtres et d'hommes instruits dans cette science sacrée sont les chefs spirituels de notre peuple. Ils oppriment les veuves et « ils dévorent les maisons des veuves ». Je suis allée dans plusieurs de ces prétendus lieux saints, j'ai vécu parmi le peuple et j'ai vu un assez grand nombre de ces philosophes remplis de « l'esprit supérieur hindou » qui accablent les veuves et qui piétinent le peuple de basse caste pauvre et ignorant.

» Ils ont privé les veuves du droit à une vie honnête et heureuse. Ils envoient des centaines d'émissaires qui réunissent les jeunes veuves, les amènent par milliers dans les villes saintes et leur ravissent leurs biens et leur vertu. Ils persuadent les femmes crédules et miséreuses de quitter leurs maisons pour aller vivre dans les kshetras (lieux saints) et après leur avoir enlevé leur argent ils essaient de les séduire. Ils enferment les jeunes veuves dans leurs grands mathas (couvents) et les livrent contre finance à des hommes corrompus. Quand ces pauvres esclaves ne peuvent plus satisfaire leurs maîtres cruels, elles sont réduites à la mendicité. Elles supportent les conséquences du péché et le poids de la honte et meurent d'une mort plus misérable que celle du chien errant. Les prétendus lieux saints de l'Inde, vraies cavernes de l'enfer, sont le tombeau d'un grand nombre de veuves et d'orphelines. »

« Chaque année des milliers et des milliers de jeunes veuves et de fillettes souffrent d'une manière indicible et périssent sans avoir été secourues ; aucun philosophe ni aucun mahatma ne se lève pour défendre courageusement leur cause et leur offrir son appui. Ces professeurs de fausses philosophies et d'érudition sans vie ne feront aucun bien à notre peuple. Rien n'a été entrepris par eux pour protéger l'orpheline et rendre justice à la veuve. Si quelque chose a été fait pour améliorer le sort de celles-ci, ce fut par des personnes que le christianisme inspirait. L'instruction et la philosophie hindoues sont sans force devant les lois des castes, les anciennes coutumes et le pouvoir des prêtres.
Nos savants et nos penseurs sont indifférents au sort de leurs frères et de leurs soeurs et ne se soucient pas de connaître les terribles souffrances des veuves et les existences ruinées par les prêtres. Ils déplorent que quelques femmes aient le courage de se déclarer libres et d'obéir à leur conscience, mais ils ne disent rien des milliers qui chaque année meurent après une vie de honte. J'invite sérieusement les femmes d'Amérique et d'Europe à venir en Inde et à séjourner dans nos villes sacrées, non pas comme des touristes, mais comme de pauvres mendiantes. Qu'elles entrent dans les huttes sordides pour écouter les récits des malheureuses Hindoues et voir les fruits des « sublimes philosophies ». Qu'elles ne se laissent pas éblouir par les livres et les poèmes publiés sur notre pays, car il se passe ici des choses honteuses ; tout n'est pas poésie en Inde, la prose de la réalité est rude. Celle-ci ne saurait être comprise en Occident par nos frères qui se contentent d'être instruits, ni par nos soeurs qui sont satisfaites d'une vie confortable. »


Déguisée en femme-pèlerin.

On peut se demander si les affirmations de Ramabaï sont basées sur des observations rigoureuses et impartiales. Les renseignements que nous avons obtenus de diverses sources nous permettent de déclarer qu'elles sont exactes. Pendant sa jeunesse, ses pèlerinages lui avaient révélé les souffrances des veuves. Ensuite, les récits de ses protégées avaient augmenté le nombre de ses informations. Afin de mieux remplir sa tâche, elle tint à connaître d'une façon exacte et complète la situation des pauvres victimes du paganisme. Pour les délivrer et les secourir avec succès, elle devait être renseignée d'une façon précise sur leur sort. Elle se décida à faire un voyage d'enquête un an après celui que nous venons de mentionner.

Elle partit après s'être déguisée en femme de basse-caste qui va en pèlerinage. La ville de Bindraban, dans le Penjab, à soixante-dix kilomètres d'Agra, s'enorgueillit de temples célèbres. Ils sont consacrés à Krishna, l'une des nombreuses incarnations de Vichnou, le dieu qui conserve la vie. Ramabaï loua dès son arrivée un modeste logis, puis entra en conversation avec les femmes qu'elle rencontrait. Les aveux qu'elle entendit la firent bondir d'indignation, confirmèrent les faits que nous venons de raconter et lui révélèrent des détails nouveaux. « Cette cité de temples, raconte-t-elle, appartient à de riches prêtres qui envoient des agents dans la contrée. Ceux-ci persuadent les jeunes veuves de bonnes familles de se rendre en pèlerinage à Bindraban pour expier, disent-ils, les péchés qui ont été la cause de leur veuvage. Puis ils leur promettent qu'elles iront, après cette vie, dans le séjour du bonheur, si elles demeurent dans les lieux saints pour se mettre au service des prêtres et des moines et adorer Krishna. Reçues avec courtoisie, elles dépensent leur argent, vendent leurs bijoux et sont enfin réduites à la misère.
À celles qui ne veulent pas s'adonner à une vie immorale, on explique que celle-ci n'est pas un péché dans les enceintes sacrées dédiées à Krishna. (L'histoire de ce dieu est celle d'un héros humain dont la morale n'est pas un modèle à suivre.) Ramabaï, on le devine, fut indignée des procédés éhontés de ces individus sans conscience. Elle découvrit dans cette ville des centaines de veuves qui étaient dans une situation lamentable et dont la plupart venaient de la province du Bengale. Elle essaya d'en sauver six ou sept, mais son plan fut déjoué et échoua. Il lui fallut rentrer chez elle, seule, malade et déprimée. Elle avait entrepris la lutte contre des adversaires puissants, car les sombres pratiques de l'hindouisme n'infestent pas seulement les temples païens, mais se propagent comme des miasmes dans la vie publique et dans la vie de famille, laissant après elles la corruption.

Ramabaï ne se laissa pas abattre par l'échec subi à Bindraban et se consacra à de multiples travaux dans le Sharada Sadan. Le Seigneur, en réponse à ses prières, lui donna plusieurs encouragements : la renommée de son asile s'étend ; les portes s'ouvrent pour recevoir de nouvelles détresses, femmes abandonnées et épouses sans enfants chassées par une rivale. Bref, à mesure que les années se passent, l'oeuvre s'accroît comme la semence qui devient un grand arbre.

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