Au XVIme siècle, en Angleterre, le
contraste entre les troupes disciplinées de
Cromwell et les "Cavaliers" de Charles 1er
était frappant. Un contraste semblable
sépare aujourd'hui, en Chine, l'armée
pieuse et solide du maréchal Feng et les
bandes redoutées de la soldatesque
ordinaire. Un proverbe plusieurs fois
séculaire dit en rimes chinoises : "On
ne prend ni de bon fer pour fabriquer des clous, ni
des hommes bons pour faire des soldats. " Il serait
exagéré de prétendre qu'il n'y
ait point de bons soldats en dehors de
l'armée de Feng, mais il n'en est pas moins
vrai que la présence des troupes est en
général redoutée des
populations chinoises à l'égal de
celle des brigands. De fait, ceux-ci ne sont le
plus souvent que des soldats licenciés sans
avoir reçu leur solde, hier partie
intégrante de l'armée, aujourd'hui
transformés en bandits.
L'attaque récente d'un express de
la ligne Pékin-Pukow, organisée par
une bande d'ex-soldats, qui se sont emparés
d'une vingtaine de voyageurs anglais et
américains, et d'un plus grand nombre de
Chinois, a dû ouvrir les yeux de beaucoup de
gens sur les désordres qui vont croissant en
Chine depuis une douzaine d'années. Ce
chaos, qui n'est pas moins
angoissant pour les représentants officiels
de l'étranger que pour les hommes
d'État chinois, donne un singulier relief
à la carrière du chrétien Feng
Yü-hsiang, le héros de cette
notice.
Un général qui organise
des journées de jeûne et de
prière, qui comble de largesses une
armée vaincue, afin que ceux qui la
composent se débandent et s'en retournent
chacun chez soi, un général dont les
troupes font leur entrée dans une ville
conquise en chantant des cantiques, voilà
certes un homme peu ordinaire. Et que d'autres
traits l'on pourrait mentionner ! Le simple
fait que la Chine possède aujourd'hui un
homme pareil ne permet-il pas d'entretenir pour
elle les plus grandes
espérances ?
Cet homme d'un mètre
quatre-vingts de haut, solidement bâti,
à l'aspect imposant et puissant, est un
soldat jusque dans les moelles, tant au physique
qu'au moral. Voici comment s'exprime à son
sujet le Dr. Sherwood Eddy : "Sa
physionomie est grave et digne, mais pleine de
charme, surtout lorsqu'une vive émotion
l'éclaire, ou qu'une pointe d'humour
l'anime. On retrouve en lui quelque chose de
l'austère discipline d'Olivier Cromwell,
adoucie par la consécration mystique de
Gordon. "
Il y a dans la personnalité d'un
soldat chrétien quelque chose de
particulièrement attachant. Avant tout, il
est naturel que sa piété ait un
caractère viril et robuste. En outre, la
plupart de ces hommes d'action ont su se faire
estimer, grâce à leurs talents et à leur
énergie ; et lorsqu'à ces
qualités sont venues se joindre des
grâces plus spécifiquement
chrétiennes, on a pu contempler en eux de
beaux et nobles spécimens de
l'humanité.
Un christianisme authentique et complet
met son empreinte sur le corps et sur l'âme.
Il n'est donc pas étonnant que l'on
rencontre des chrétiens remarquablement
équilibrés parmi ceux dont la
vocation exige le déploiement des vertus
militaires.
N'est-il pas significatif que notre
Seigneur Jésus ait admiré la foi d'un
soldat romain, le centenier de Capernaüm, et
que Dieu ait choisi la maison du centenier
Corneille, à Césarée, pour y
renverser la muraille qui séparait les
païens des juifs ?
Ce qui frappe, souvent, chez le soldat
chrétien, c'est le contraste entre son
caractère et le milieu qui l'entoure.
Maintenant que le monde entier vient de souffrir
des violences du militarisme et que la Chine est
ravagée par la guerre civile et par le
brigandage, quel réconfort que cette belle
figure de soldat, de vaillant combattant et
d'humble disciple de Jésus de
Nazareth !
Alors que son pays est la proie d'une
foule de chefs militaires cupides et
dépourvus de patriotisme, Feng montre ce que
peut la grâce de Dieu pour transformer une
vie et en faire un monument de sa puissance
miséricordieuse. À certains
égards, sa carrière est sans
analogue : Dieu sait ceindre de force un homme
décidé à faire Sa
volonté alors que "la terre est
bouleversée et que les
montagnes chancellent au coeur des mers. "
(Ps.
XLVI, v 3.)
Nous avons hésité à
écrire l'histoire d'un homme encore
vivant ; mais on nous l'a demandée si
souvent et avec une telle insistance que nous avons
fini par céder, nous efforçant de
rassembler dans ces pages, en les puisant à
des sources diverses, les principaux détails
d'une carrière remarquable, et nous ajoutons
inachevée, en pensant à la
responsabilité de chaque lecteur envers
notre héros ; son avenir dépend
en partie de nous. Si le désir de magnifier
la grâce de Dieu est digne d'approbation,
gardons-nous de faire d'un homme une idole, de peur
que Dieu ne la renverse. Distinguons entre une
humble reconnaissance pour toute manifestation de
la grâce de Dieu, et ce désir malsain
de voir des signes et des prodiges, ou cette
recherche du merveilleux que le Sauveur
blâmait. Que sera l'avenir du maréchal
Feng ? Fera-t-il pour Dieu des choses encore
plus grandes, ou déclinera-t-il pour le plus
grand dommage de la cause qu'il glorifie
actuellement ? Nous ne saurions presser trop
vivement tous nos lecteurs de prendre à
coeur la responsabilité qui leur incombe, et
de soutenir de leurs prières
persévérantes un homme placé
dans des circonstances aussi difficiles.
C'est vers l'an 1880 que naquit le futur
maréchal Feng, dans un modeste
intérieur du centre de la Chine, dans
l'Anhwei. (1)
La
maison de ses parents fut détruite, alors
qu'il n'était encore qu'un enfant, par une
de ces inondations qui, périodiquement,
causent la ruine et la désolation
d'innombrables Chinois. Les pauvres gens,
dépouillés de tout leur avoir,
réduits à la mendicité,
abandonnèrent la région
inondée pour émigrer vers le nord
jusqu'à Paotingfu, dans la province de
Chihli. Nous croyons les voir, comme nous en avons
vu des milliers d'autres, suivre péniblement
les routes étroites et
défoncées, poussant devant eux une
brouette chargée des quelques objets qui
constituent tout leur avoir. Vision douloureuse,
mais qui n'est que trop commune, et qui a valu au
fleuve jaune le sinistre surnom de "Douleur de la
Chine".
Dans ces conditions, Feng Yü-hsiang
ne pouvait guère jouir des avantages d'une
éducation soignée. Heureusement, il
était doué d'un robuste et splendide
physique, que n'avaient point affaibli les
tribulations de son enfance. À l'âge
d'environ dix-huit ans,
n'entrevoyant pas la moindre perspective d'avenir,
il s'enrôla comme simple soldat, se doutant
bien peu de ce qui l'attendait dans cette
carrière. Vers ce temps-là, il
entendit parler des étranges rumeurs qu'on
faisait courir sur le compte des
missionnaires : on les accusait d'arracher les
yeux aux enfants qui étaient dans leurs
hôpitaux, évidemment en vue de leurs
machinations secrètes, telles que la
photographie et la télégraphie, sans
parler d'autres histoires aussi
ténébreuses, que la jeune recrue
accueillait avec une parfaite
crédulité. Il était alors un
gai compagnon, tapageur, plein d'entrain, toujours
prêt à faire quelque bonne - ou
mauvaise - farce. C'est ainsi qu'envoyé un
jour avec quelques camarades, lors d'une
épidémie de choléra, pour
effrayer les démons de la maladie au moyen
de coups de fusil tirés en l'air, il trouva
spirituel de tirer contre l'enseigne de la Mission
presbytérienne américaine
située au nord de la ville.
Ce fut dans les rues de Paotingfu qu'il
entra pour la première fois en contact avec
des missionnaires ; un prédicateur
proclamait son message en plein air, avec une table
en guise de chaire. Son texte était
tiré du sermon sur la montagne : "Mais
moi, je vous dis de ne pas résister au
méchant. Si quelqu'un te frappe sur la joue
droite, présente-lui aussi l'autre. Si
quelqu'un veut plaider contre toi, et prendre ta
tunique, laisse-lui encore ton manteau. " -
"Étrange ! Très
étrange !" se dit le jeune soldat, et,
en homme pratique, il résolut de voir si le
prédicateur pratiquait ce qu'il prêchait. Prenant
sur
son épaule la table du missionnaire, il fit
mine de l'emporter. Mais le commentateur du sermon
sur la montagne ne fut pas à la hauteur de
la situation : il "résista", et il se
cramponna si bien à sa chaire
improvisée que le soldat finit par la lui
laisser. Si ce sermon ne fit que peu d'impression
sur le jeune Feng, celui-ci ne devait pas tarder
à se trouver en contact avec des faits plus
graves et avec un exemple plus frappant de vrai
christianisme.
Lors de la révolte des Boxers, en
1900, Feng Yü-hsiang, sans être
lui-même un Boxer, vit de près, comme
soldat, les honteux exploits des
persécuteurs. Une bande armée de
fusils et de couteaux assiégeait les
bâtiments de l'American Board, (Comité
américain), situés dans la banlieue,
au sud de Paotingfu, en dehors des murs. Il s'y
trouvait alors trois missionnaires, M. H. Pitkin
(Mme Pitkin était en Amérique) et
Mlles M. Morrill et A. Gould, avec un grand nombre
de chrétiens chinois qui n'avaient pas voulu
abandonner leurs missionnaires.
Pendant que les assaillants martelaient
la solide porte d'entrée, le maire envoya un
régiment, avec l'ordre d'entourer la
propriété de la Mission, mais sans
intervenir. Ainsi le jeune Feng, qui faisait partie
de ce régiment, put voir et entendre tout ce
qui se passait. À sa vive surprise, au
moment où la porte allait, semblait-il,
céder, il la vit s'ouvrir, tandis qu'une
jeune Américaine en sortait, seule et sans
arme. C'était Mlle M. Morrill, jeune
personne de nature timide et craintive.
Elle avait longtemps
hésité à s'offrir à la
Mission, tant elle se défiait
d'elle-même : "Si jamais, " avait-elle
allégué, "l'appel suprême
survenait, je crois bien que je me sauverais,
tellement je suis peureuse" ....
Mais cette jeune femme si craintive
entra d'une voix calme en pourparlers avec les
Boxers :
"Pourquoi venez-vous nous
massacrer ? Pourquoi vous faut-il nos
vies ? Nous sommes vos amis ; nous ne
cherchons que votre bien. Nous avons quitté
notre lointaine patrie pour venir vous faire part
des bonnes nouvelles que nous avons reçues
de Dieu. Est-ce que nous ne vous avons pas
visités dans vos demeures ?
N'avons-nous pas enseigné vos enfants ?
Guéri vos malades ? Est-ce pour cela
que vous voulez nous tuer ?"
À quoi les Boxers
répondaient en choeur : "Vous
êtes nos ennemis, et nous voulons vous
massacrer" ....
Voyant qu'elle n'obtenait rien, elle
offrit de donner sa vie, à la condition que
les autres fussent épargnés :
"Laissez-moi mourir pour les autres,
fit-elle ; massacrez-moi, mais épargnez
mes amis. Me voici, impuissante et seule ;
prenez-moi, et faites de moi ce qu'il vous plaira"
....
Chose remarquable, ces rustres, ces
hommes violents furent touchés jusqu'aux
larmes, à quelques exceptions près,
et accordèrent aux missionnaires un
répit.
Bientôt après le
régiment de Feng se transporta au nord de la
ville, près des bâtiments de la
Mission presbytérienne américaine,
toujours afin d'observer et de
faire rapport. C'était le samedi 30 juin.
Les Boxers avaient déjà
entassé de la paille contre la porte
d'entrée ; ils n'eurent qu'à y
mettre le feu pour réduire cette porte en
cendres. Après quoi, ils pillèrent
l'hôpital, la chapelle, et quelques-unes des
autres maisons, en y mettant le feu avant d'en
avoir emporté tout le contenu. Le
fidèle portier et quelques autres serviteurs
furent ou tués, ou contraints de sauter dans
le puits, et finalement la maison dans laquelle
s'étaient réfugiés les
missionnaires fut aussi incendiée. En vain,
de la fenêtre de sa chambre, le Dr. Taylor
avait harangué la foule, rappelant les
oeuvres de bienfaisance des missionnaires ;
les flammes impitoyables le firent bientôt
périr, ainsi que ses collègues, le
Dr. et Mme Hodge, M. et Mme Simcox et leurs trois
enfants.
Cette nouvelle ne tarda pas à parvenir
aux missionnaires de l'American Board. On peut
aisément se figurer les angoisses de la nuit
suivante. La pluie qui tombait, à l'aube du
lendemain, le dimanche 1er juillet, pluie ardemment
désirée parce que la
sécheresse était l'une des causes de
la révolte des Boxers, la bienfaisante pluie
vint rendre aux missionnaires quelques lueurs
d'espoir. Mais qu'importait la pluie à leurs
féroces assaillants ? Avec l'aide,
cette fois, des soldats impériaux, ils
enfoncèrent la porte et se
précipitèrent dans le bâtiment.
En désespoir de cause, M. Pitkin et les deux
dames sautèrent par la fenêtre de
l'église dans le préau de
l'école et se réfugièrent dans
une petite chambre. Mais ils furent bientôt découverts,
M. Pitkin eut
la tête tranchée d'un coup
d'épée, tandis que les deux dames
étaient brutalement saisies. Vaincue par
l'émotion, Mlle Gould s'affaissa et tomba
à terre. Les mains et les pieds liés,
elle fut emportée dans le temple qui servait
de quartier-général aux Boxers,
pendant que Mlle Morrill la suivait tranquillement
tout en exhortant la foule et en donnant même
quelque monnaie à une pauvre femme.
M. et Mme Bagnall, avec leur petite
Gladys et M. William Cooper, missionnaires de la
Mission dans l'intérieur de la Chine, les
rejoignirent dans ce temple. Mais il ne leur fut
pas laissé beaucoup de temps pour
s'encourager mutuellement, car dans le courant de
l'après-midi ils furent tous liés les
uns aux autres au moyen de cordes et emmenés
hors de la ville, à l'angle sud-est de la
muraille, où ils furent
décapités.
Ce spectacle affreux, trop affreux pour
être décrit plus en détail, ne
laissa pas de faire une impression profonde sur le
jeune Feng, si profonde même que l'on peut
dire que le sang de ces martyrs devint pour lui la
semence d'une vie nouvelle.
Plus tard, la Mission médicale
lui fournit l'occasion de faire plus intime
connaissance avec le christianisme pratique. Comme
il était cantonné aux environs de
Pékin, Feng fut atteint d'un ulcère
fort douloureux. Les deux médecins chinois
auxquels il s'adressa tâchèrent de
l'exploiter, lui demandant soixante dollars pour le
guérir, en prétendant que
l'ulcère provenait de sa mauvaise conduite. Froissé
de cette
fausse imputation, qui n'était
évidemment qu'un impudent prétexte
pour lui soutirer de gros honoraires, il se rendit
à l'hôpital missionnaire, où il
fut accueilli et traité avec bonté,
et où, une fois guéri, on ne lui
demanda pas d'honoraires. Ces
procédés, de la part de gens qu'on
venait de persécuter si cruellement, ne
pouvaient rester sans fruit pour un homme de la
trempe de Feng. Il n'oublia pas ce que lui dit le
docteur : "Il n'y a rien à payer ;
je désire seulement que vous vous rappeliez
que Dieu vous aime et qu'il m'a envoyé pour
vous guérir. " Aujourd'hui encore Feng aime
à dire l'émotion qu'il en
éprouva.
Une autre fois, l'année de la
peste, se trouvant en Mandchourie avec sa troupe,
il fut vacciné contre ce fléau par un
médecin missionnaire. Ici encore, il demanda
ce qu'il devait, et une réponse analogue
à la précédente lui fit de
nouveau une profonde impression.
Des années se passent ;
lentement, graduellement, la vérité
se fraye un chemin dans son coeur et dans sa
raison, à mesure qu'il est mis en contact
avec l'Évangile. Ainsi, au début de
la révolution, on l'envoya de Pékin
à Yencheng, dans le Honan, pour y rassembler
une armée. Parmi les jeunes chrétiens
dépendant de la Mission dans
l'intérieur de la Chine, quelques-uns
avaient envie de s'enrôler ; ils
allèrent demander conseil à leur
missionnaire, M. C. N. Lack. Celui-ci les engagea
à y renoncer, disant que les
chrétiens étaient si peu nombreux qu'on ne
pouvait pas
en donner pour le service militaire. Le bruit en
parvint aux oreilles de Feng, qui portait alors le
grade de major. Il se rendit chez cet
étranger qui se permettait de
décourager des Chinois de s'enrôler.
Voici comment M. Lack raconte
l'entrevue :
"L'officier arrive avec ses soldats, et,
après cinq ou dix minutes de compliments
réciproques, il me dit :
- J'apprends que vous empêchez vos
chrétiens de s'enrôler. je ne veux
rien de ça, vous le savez.
- Voici ce qui en est, major, lui
répondis-je. Vous rassemblez une
armée, et moi, je fais de même, de mon
côté.
- Ah ! vraiment ?
- Mais oui, repris-je. Moi, je rassemble
une armée pour le Roi Jésus, et vous
pour le Président de la Chine.
Il se mit à rire et parut trouver
l'idée très amusante. je
poursuivis :
- Vous savez, nous n'avons pas beaucoup
de jeunes gens ici, il nous faudrait des soldats
pour Christ dans les affaires, dans les
écoles, dans les fermes, etc., et il nous en
manque. Revenez dans vingt ou trente ans, et vous
trouverez de beaux jeunes hommes en
quantité.
- Voilà qui est bien, "
répondit-il.
Sur quoi je lui prêchai
l'Évangile pendant près d'une heure,
puis je lui demandai :
- Voulez-vous venir au culte dimanche
prochain ?
- Certainement, fit-il.
Il vint et prit place au premier banc.
Ce fut une heure bienfaisante, et
je lui donnai ensuite un paquet de brochures, en le
priant de les lire avec soin. "
Puis, le major Feng s'en retourna
à Pékin avec son armée, et un
mois plus tard environ, il écrivit à
M. Lack pour le remercier de ses livres, ajoutant
qu'il les avait lus et passés à
d'autres officiers, et qu'il en demandait encore
dix paquets. Ils lui furent aussitôt
envoyés avec joie.
L'Évangile exerça encore
diversement son influence sur Feng Yü-hsiang.
Mais ce ne fut qu'à l'une des grandes
réunions tenues à Pékin par le
Dr. John Mott qu'il se mit définitivement du
côté du Seigneur.
On se rappelle que d'octobre 1912
à mai 1913 le Dr. Mott fit une longue
tournée dans les principaux champs
missionnaires de l'Asie, s'entretenant avec les
missionnaires et tenant des réunions
spéciales pour les étudiants. Il se
trouvait en Chine pendant les premiers mois de
1913, et c'est par milliers que les
étudiants accoururent dans tous les centres
pour l'entendre, tandis que les autorités
mettaient à sa disposition, avec une
bienveillance extrême, les locaux les plus
vastes. Dans une ville importante, le gouvernement
lui accorda l'usage de la salle du Conseil.
À Moukden, on organisa un train
spécial pour le mettre en mesure d'arriver
en Corée sans voyager le dimanche. Ce fut
donc au cours de la visite du Dr. Mott à
Pékin que le major Feng se déclara
chrétien. Il s'enrôla dans une classe
biblique dirigée par le pasteur Liu, de
l'Eglise méthodiste épiscopale, et fut
baptisé. Il avait alors sous ses ordres un
bataillon de cinq cents hommes, qu'il chercha
aussitôt à gagner à
Christ.
Avant sa conversion, affligé d'un
caractère violent et emporté, il lui
était arrivé fréquemment de
frapper ses soldats ; sa femme elle-même
avait à endurer de mauvais traitements. Peu
après avoir fait sa profession de foi
chrétienne, il eut à subir une rude
épreuve. Son frère aîné
se dérouta, prit une seconde femme, et
menaça de tuer la première. Furieux,
le major Feng fit le voeu de châtier celui
qui attirait le déshonneur sur sa famille.
Providentiellement, le sujet mis à
l'étude de la classe biblique se trouva
être cette semaine-là : "À
moi la vengeance ! À moi la
rétribution, dit le Seigneur. " Il comprit
qu'il s'engageait sur une mauvaise voie, mais il
reçut de son frère une lettre de
défi, le provoquant en duel ; il eut
alors à soutenir un combat terrible pour
triompher de la tentation. Il remporta
néanmoins la victoire. "C'était",
dit-il, "mon Père céleste qui m'avait
envoyé ce message de pardon juste à
temps pour me sauver. Autrement, j'aurais
été à la rencontre de mon
frère, et alors, ou bien je l'aurais
tué, ou bien il m'aurait tué. Mais,
avec la Parole de Dieu dans le coeur, j'ai mis de
côté le défi de mon
frère, et je lui ai envoyé par un ami
cent dollars, avec une lettre lui annonçant
que, s'il lui en fallait davantage pour mettre en
train un petit commerce, je les lui fournirais. Mon
frère fut tellement frappé de ce
procédé qu'il renvoya sa mauvaise
femme et se réconcilia avec la
première."
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