Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE PREMIER.

Une piété virile.

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Au XVIme siècle, en Angleterre, le contraste entre les troupes disciplinées de Cromwell et les "Cavaliers" de Charles 1er était frappant. Un contraste semblable sépare aujourd'hui, en Chine, l'armée pieuse et solide du maréchal Feng et les bandes redoutées de la soldatesque ordinaire. Un proverbe plusieurs fois séculaire dit en rimes chinoises : "On ne prend ni de bon fer pour fabriquer des clous, ni des hommes bons pour faire des soldats. " Il serait exagéré de prétendre qu'il n'y ait point de bons soldats en dehors de l'armée de Feng, mais il n'en est pas moins vrai que la présence des troupes est en général redoutée des populations chinoises à l'égal de celle des brigands. De fait, ceux-ci ne sont le plus souvent que des soldats licenciés sans avoir reçu leur solde, hier partie intégrante de l'armée, aujourd'hui transformés en bandits.

L'attaque récente d'un express de la ligne Pékin-Pukow, organisée par une bande d'ex-soldats, qui se sont emparés d'une vingtaine de voyageurs anglais et américains, et d'un plus grand nombre de Chinois, a dû ouvrir les yeux de beaucoup de gens sur les désordres qui vont croissant en Chine depuis une douzaine d'années. Ce chaos, qui n'est pas moins angoissant pour les représentants officiels de l'étranger que pour les hommes d'État chinois, donne un singulier relief à la carrière du chrétien Feng Yü-hsiang, le héros de cette notice.

Un général qui organise des journées de jeûne et de prière, qui comble de largesses une armée vaincue, afin que ceux qui la composent se débandent et s'en retournent chacun chez soi, un général dont les troupes font leur entrée dans une ville conquise en chantant des cantiques, voilà certes un homme peu ordinaire. Et que d'autres traits l'on pourrait mentionner ! Le simple fait que la Chine possède aujourd'hui un homme pareil ne permet-il pas d'entretenir pour elle les plus grandes espérances ?

Cet homme d'un mètre quatre-vingts de haut, solidement bâti, à l'aspect imposant et puissant, est un soldat jusque dans les moelles, tant au physique qu'au moral. Voici comment s'exprime à son sujet le Dr. Sherwood Eddy : "Sa physionomie est grave et digne, mais pleine de charme, surtout lorsqu'une vive émotion l'éclaire, ou qu'une pointe d'humour l'anime. On retrouve en lui quelque chose de l'austère discipline d'Olivier Cromwell, adoucie par la consécration mystique de Gordon. "

Il y a dans la personnalité d'un soldat chrétien quelque chose de particulièrement attachant. Avant tout, il est naturel que sa piété ait un caractère viril et robuste. En outre, la plupart de ces hommes d'action ont su se faire estimer, grâce à leurs talents et à leur énergie ; et lorsqu'à ces qualités sont venues se joindre des grâces plus spécifiquement chrétiennes, on a pu contempler en eux de beaux et nobles spécimens de l'humanité.

Un christianisme authentique et complet met son empreinte sur le corps et sur l'âme. Il n'est donc pas étonnant que l'on rencontre des chrétiens remarquablement équilibrés parmi ceux dont la vocation exige le déploiement des vertus militaires.

N'est-il pas significatif que notre Seigneur Jésus ait admiré la foi d'un soldat romain, le centenier de Capernaüm, et que Dieu ait choisi la maison du centenier Corneille, à Césarée, pour y renverser la muraille qui séparait les païens des juifs ?

Ce qui frappe, souvent, chez le soldat chrétien, c'est le contraste entre son caractère et le milieu qui l'entoure. Maintenant que le monde entier vient de souffrir des violences du militarisme et que la Chine est ravagée par la guerre civile et par le brigandage, quel réconfort que cette belle figure de soldat, de vaillant combattant et d'humble disciple de Jésus de Nazareth !

Alors que son pays est la proie d'une foule de chefs militaires cupides et dépourvus de patriotisme, Feng montre ce que peut la grâce de Dieu pour transformer une vie et en faire un monument de sa puissance miséricordieuse. À certains égards, sa carrière est sans analogue : Dieu sait ceindre de force un homme décidé à faire Sa volonté alors que "la terre est bouleversée et que les montagnes chancellent au coeur des mers. " (Ps. XLVI, v 3.)

Nous avons hésité à écrire l'histoire d'un homme encore vivant ; mais on nous l'a demandée si souvent et avec une telle insistance que nous avons fini par céder, nous efforçant de rassembler dans ces pages, en les puisant à des sources diverses, les principaux détails d'une carrière remarquable, et nous ajoutons inachevée, en pensant à la responsabilité de chaque lecteur envers notre héros ; son avenir dépend en partie de nous. Si le désir de magnifier la grâce de Dieu est digne d'approbation, gardons-nous de faire d'un homme une idole, de peur que Dieu ne la renverse. Distinguons entre une humble reconnaissance pour toute manifestation de la grâce de Dieu, et ce désir malsain de voir des signes et des prodiges, ou cette recherche du merveilleux que le Sauveur blâmait. Que sera l'avenir du maréchal Feng ? Fera-t-il pour Dieu des choses encore plus grandes, ou déclinera-t-il pour le plus grand dommage de la cause qu'il glorifie actuellement ? Nous ne saurions presser trop vivement tous nos lecteurs de prendre à coeur la responsabilité qui leur incombe, et de soutenir de leurs prières persévérantes un homme placé dans des circonstances aussi difficiles.




CHAPITRE II.

Conversion de Feng Yü-Hsiang.


C'est vers l'an 1880 que naquit le futur maréchal Feng, dans un modeste intérieur du centre de la Chine, dans l'Anhwei. (1) La maison de ses parents fut détruite, alors qu'il n'était encore qu'un enfant, par une de ces inondations qui, périodiquement, causent la ruine et la désolation d'innombrables Chinois. Les pauvres gens, dépouillés de tout leur avoir, réduits à la mendicité, abandonnèrent la région inondée pour émigrer vers le nord jusqu'à Paotingfu, dans la province de Chihli. Nous croyons les voir, comme nous en avons vu des milliers d'autres, suivre péniblement les routes étroites et défoncées, poussant devant eux une brouette chargée des quelques objets qui constituent tout leur avoir. Vision douloureuse, mais qui n'est que trop commune, et qui a valu au fleuve jaune le sinistre surnom de "Douleur de la Chine".

Dans ces conditions, Feng Yü-hsiang ne pouvait guère jouir des avantages d'une éducation soignée. Heureusement, il était doué d'un robuste et splendide physique, que n'avaient point affaibli les tribulations de son enfance. À l'âge d'environ dix-huit ans, n'entrevoyant pas la moindre perspective d'avenir, il s'enrôla comme simple soldat, se doutant bien peu de ce qui l'attendait dans cette carrière. Vers ce temps-là, il entendit parler des étranges rumeurs qu'on faisait courir sur le compte des missionnaires : on les accusait d'arracher les yeux aux enfants qui étaient dans leurs hôpitaux, évidemment en vue de leurs machinations secrètes, telles que la photographie et la télégraphie, sans parler d'autres histoires aussi ténébreuses, que la jeune recrue accueillait avec une parfaite crédulité. Il était alors un gai compagnon, tapageur, plein d'entrain, toujours prêt à faire quelque bonne - ou mauvaise - farce. C'est ainsi qu'envoyé un jour avec quelques camarades, lors d'une épidémie de choléra, pour effrayer les démons de la maladie au moyen de coups de fusil tirés en l'air, il trouva spirituel de tirer contre l'enseigne de la Mission presbytérienne américaine située au nord de la ville.

Ce fut dans les rues de Paotingfu qu'il entra pour la première fois en contact avec des missionnaires ; un prédicateur proclamait son message en plein air, avec une table en guise de chaire. Son texte était tiré du sermon sur la montagne : "Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu'un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l'autre. Si quelqu'un veut plaider contre toi, et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. " - "Étrange ! Très étrange !" se dit le jeune soldat, et, en homme pratique, il résolut de voir si le prédicateur pratiquait ce qu'il prêchait. Prenant sur son épaule la table du missionnaire, il fit mine de l'emporter. Mais le commentateur du sermon sur la montagne ne fut pas à la hauteur de la situation : il "résista", et il se cramponna si bien à sa chaire improvisée que le soldat finit par la lui laisser. Si ce sermon ne fit que peu d'impression sur le jeune Feng, celui-ci ne devait pas tarder à se trouver en contact avec des faits plus graves et avec un exemple plus frappant de vrai christianisme.

Lors de la révolte des Boxers, en 1900, Feng Yü-hsiang, sans être lui-même un Boxer, vit de près, comme soldat, les honteux exploits des persécuteurs. Une bande armée de fusils et de couteaux assiégeait les bâtiments de l'American Board, (Comité américain), situés dans la banlieue, au sud de Paotingfu, en dehors des murs. Il s'y trouvait alors trois missionnaires, M. H. Pitkin (Mme Pitkin était en Amérique) et Mlles M. Morrill et A. Gould, avec un grand nombre de chrétiens chinois qui n'avaient pas voulu abandonner leurs missionnaires.

Pendant que les assaillants martelaient la solide porte d'entrée, le maire envoya un régiment, avec l'ordre d'entourer la propriété de la Mission, mais sans intervenir. Ainsi le jeune Feng, qui faisait partie de ce régiment, put voir et entendre tout ce qui se passait. À sa vive surprise, au moment où la porte allait, semblait-il, céder, il la vit s'ouvrir, tandis qu'une jeune Américaine en sortait, seule et sans arme. C'était Mlle M. Morrill, jeune personne de nature timide et craintive.
Elle avait longtemps hésité à s'offrir à la Mission, tant elle se défiait d'elle-même : "Si jamais, " avait-elle allégué, "l'appel suprême survenait, je crois bien que je me sauverais, tellement je suis peureuse" ....
Mais cette jeune femme si craintive entra d'une voix calme en pourparlers avec les Boxers :

"Pourquoi venez-vous nous massacrer ? Pourquoi vous faut-il nos vies ? Nous sommes vos amis ; nous ne cherchons que votre bien. Nous avons quitté notre lointaine patrie pour venir vous faire part des bonnes nouvelles que nous avons reçues de Dieu. Est-ce que nous ne vous avons pas visités dans vos demeures ? N'avons-nous pas enseigné vos enfants ? Guéri vos malades ? Est-ce pour cela que vous voulez nous tuer ?"
À quoi les Boxers répondaient en choeur : "Vous êtes nos ennemis, et nous voulons vous massacrer" ....

Voyant qu'elle n'obtenait rien, elle offrit de donner sa vie, à la condition que les autres fussent épargnés : "Laissez-moi mourir pour les autres, fit-elle ; massacrez-moi, mais épargnez mes amis. Me voici, impuissante et seule ; prenez-moi, et faites de moi ce qu'il vous plaira" ....
Chose remarquable, ces rustres, ces hommes violents furent touchés jusqu'aux larmes, à quelques exceptions près, et accordèrent aux missionnaires un répit.

Bientôt après le régiment de Feng se transporta au nord de la ville, près des bâtiments de la Mission presbytérienne américaine, toujours afin d'observer et de faire rapport. C'était le samedi 30 juin. Les Boxers avaient déjà entassé de la paille contre la porte d'entrée ; ils n'eurent qu'à y mettre le feu pour réduire cette porte en cendres. Après quoi, ils pillèrent l'hôpital, la chapelle, et quelques-unes des autres maisons, en y mettant le feu avant d'en avoir emporté tout le contenu. Le fidèle portier et quelques autres serviteurs furent ou tués, ou contraints de sauter dans le puits, et finalement la maison dans laquelle s'étaient réfugiés les missionnaires fut aussi incendiée. En vain, de la fenêtre de sa chambre, le Dr. Taylor avait harangué la foule, rappelant les oeuvres de bienfaisance des missionnaires ; les flammes impitoyables le firent bientôt périr, ainsi que ses collègues, le Dr. et Mme Hodge, M. et Mme Simcox et leurs trois enfants.




Les soldats du maréchal Feng filent du coton.

Cette nouvelle ne tarda pas à parvenir aux missionnaires de l'American Board. On peut aisément se figurer les angoisses de la nuit suivante. La pluie qui tombait, à l'aube du lendemain, le dimanche 1er juillet, pluie ardemment désirée parce que la sécheresse était l'une des causes de la révolte des Boxers, la bienfaisante pluie vint rendre aux missionnaires quelques lueurs d'espoir. Mais qu'importait la pluie à leurs féroces assaillants ? Avec l'aide, cette fois, des soldats impériaux, ils enfoncèrent la porte et se précipitèrent dans le bâtiment. En désespoir de cause, M. Pitkin et les deux dames sautèrent par la fenêtre de l'église dans le préau de l'école et se réfugièrent dans une petite chambre. Mais ils furent bientôt découverts, M. Pitkin eut la tête tranchée d'un coup d'épée, tandis que les deux dames étaient brutalement saisies. Vaincue par l'émotion, Mlle Gould s'affaissa et tomba à terre. Les mains et les pieds liés, elle fut emportée dans le temple qui servait de quartier-général aux Boxers, pendant que Mlle Morrill la suivait tranquillement tout en exhortant la foule et en donnant même quelque monnaie à une pauvre femme.

M. et Mme Bagnall, avec leur petite Gladys et M. William Cooper, missionnaires de la Mission dans l'intérieur de la Chine, les rejoignirent dans ce temple. Mais il ne leur fut pas laissé beaucoup de temps pour s'encourager mutuellement, car dans le courant de l'après-midi ils furent tous liés les uns aux autres au moyen de cordes et emmenés hors de la ville, à l'angle sud-est de la muraille, où ils furent décapités.

Ce spectacle affreux, trop affreux pour être décrit plus en détail, ne laissa pas de faire une impression profonde sur le jeune Feng, si profonde même que l'on peut dire que le sang de ces martyrs devint pour lui la semence d'une vie nouvelle.

Plus tard, la Mission médicale lui fournit l'occasion de faire plus intime connaissance avec le christianisme pratique. Comme il était cantonné aux environs de Pékin, Feng fut atteint d'un ulcère fort douloureux. Les deux médecins chinois auxquels il s'adressa tâchèrent de l'exploiter, lui demandant soixante dollars pour le guérir, en prétendant que l'ulcère provenait de sa mauvaise conduite. Froissé de cette fausse imputation, qui n'était évidemment qu'un impudent prétexte pour lui soutirer de gros honoraires, il se rendit à l'hôpital missionnaire, où il fut accueilli et traité avec bonté, et où, une fois guéri, on ne lui demanda pas d'honoraires. Ces procédés, de la part de gens qu'on venait de persécuter si cruellement, ne pouvaient rester sans fruit pour un homme de la trempe de Feng. Il n'oublia pas ce que lui dit le docteur : "Il n'y a rien à payer ; je désire seulement que vous vous rappeliez que Dieu vous aime et qu'il m'a envoyé pour vous guérir. " Aujourd'hui encore Feng aime à dire l'émotion qu'il en éprouva.

Une autre fois, l'année de la peste, se trouvant en Mandchourie avec sa troupe, il fut vacciné contre ce fléau par un médecin missionnaire. Ici encore, il demanda ce qu'il devait, et une réponse analogue à la précédente lui fit de nouveau une profonde impression.

Des années se passent ; lentement, graduellement, la vérité se fraye un chemin dans son coeur et dans sa raison, à mesure qu'il est mis en contact avec l'Évangile. Ainsi, au début de la révolution, on l'envoya de Pékin à Yencheng, dans le Honan, pour y rassembler une armée. Parmi les jeunes chrétiens dépendant de la Mission dans l'intérieur de la Chine, quelques-uns avaient envie de s'enrôler ; ils allèrent demander conseil à leur missionnaire, M. C. N. Lack. Celui-ci les engagea à y renoncer, disant que les chrétiens étaient si peu nombreux qu'on ne pouvait pas en donner pour le service militaire. Le bruit en parvint aux oreilles de Feng, qui portait alors le grade de major. Il se rendit chez cet étranger qui se permettait de décourager des Chinois de s'enrôler. Voici comment M. Lack raconte l'entrevue :
"L'officier arrive avec ses soldats, et, après cinq ou dix minutes de compliments réciproques, il me dit :
- J'apprends que vous empêchez vos chrétiens de s'enrôler. je ne veux rien de ça, vous le savez.
- Voici ce qui en est, major, lui répondis-je. Vous rassemblez une armée, et moi, je fais de même, de mon côté.
- Ah ! vraiment ?
- Mais oui, repris-je. Moi, je rassemble une armée pour le Roi Jésus, et vous pour le Président de la Chine.

Il se mit à rire et parut trouver l'idée très amusante. je poursuivis :
- Vous savez, nous n'avons pas beaucoup de jeunes gens ici, il nous faudrait des soldats pour Christ dans les affaires, dans les écoles, dans les fermes, etc., et il nous en manque. Revenez dans vingt ou trente ans, et vous trouverez de beaux jeunes hommes en quantité.
- Voilà qui est bien, " répondit-il.

Sur quoi je lui prêchai l'Évangile pendant près d'une heure, puis je lui demandai :
- Voulez-vous venir au culte dimanche prochain ?
- Certainement, fit-il.

Il vint et prit place au premier banc. Ce fut une heure bienfaisante, et je lui donnai ensuite un paquet de brochures, en le priant de les lire avec soin. "

Puis, le major Feng s'en retourna à Pékin avec son armée, et un mois plus tard environ, il écrivit à M. Lack pour le remercier de ses livres, ajoutant qu'il les avait lus et passés à d'autres officiers, et qu'il en demandait encore dix paquets. Ils lui furent aussitôt envoyés avec joie.

L'Évangile exerça encore diversement son influence sur Feng Yü-hsiang. Mais ce ne fut qu'à l'une des grandes réunions tenues à Pékin par le Dr. John Mott qu'il se mit définitivement du côté du Seigneur.

On se rappelle que d'octobre 1912 à mai 1913 le Dr. Mott fit une longue tournée dans les principaux champs missionnaires de l'Asie, s'entretenant avec les missionnaires et tenant des réunions spéciales pour les étudiants. Il se trouvait en Chine pendant les premiers mois de 1913, et c'est par milliers que les étudiants accoururent dans tous les centres pour l'entendre, tandis que les autorités mettaient à sa disposition, avec une bienveillance extrême, les locaux les plus vastes. Dans une ville importante, le gouvernement lui accorda l'usage de la salle du Conseil. À Moukden, on organisa un train spécial pour le mettre en mesure d'arriver en Corée sans voyager le dimanche. Ce fut donc au cours de la visite du Dr. Mott à Pékin que le major Feng se déclara chrétien. Il s'enrôla dans une classe biblique dirigée par le pasteur Liu, de l'Eglise méthodiste épiscopale, et fut baptisé. Il avait alors sous ses ordres un bataillon de cinq cents hommes, qu'il chercha aussitôt à gagner à Christ.

Avant sa conversion, affligé d'un caractère violent et emporté, il lui était arrivé fréquemment de frapper ses soldats ; sa femme elle-même avait à endurer de mauvais traitements. Peu après avoir fait sa profession de foi chrétienne, il eut à subir une rude épreuve. Son frère aîné se dérouta, prit une seconde femme, et menaça de tuer la première. Furieux, le major Feng fit le voeu de châtier celui qui attirait le déshonneur sur sa famille. Providentiellement, le sujet mis à l'étude de la classe biblique se trouva être cette semaine-là : "À moi la vengeance ! À moi la rétribution, dit le Seigneur. " Il comprit qu'il s'engageait sur une mauvaise voie, mais il reçut de son frère une lettre de défi, le provoquant en duel ; il eut alors à soutenir un combat terrible pour triompher de la tentation. Il remporta néanmoins la victoire. "C'était", dit-il, "mon Père céleste qui m'avait envoyé ce message de pardon juste à temps pour me sauver. Autrement, j'aurais été à la rencontre de mon frère, et alors, ou bien je l'aurais tué, ou bien il m'aurait tué. Mais, avec la Parole de Dieu dans le coeur, j'ai mis de côté le défi de mon frère, et je lui ai envoyé par un ami cent dollars, avec une lettre lui annonçant que, s'il lui en fallait davantage pour mettre en train un petit commerce, je les lui fournirais. Mon frère fut tellement frappé de ce procédé qu'il renvoya sa mauvaise femme et se réconcilia avec la première."


1 Province située à l'ouest de Nankin. capitale Anking.
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