Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

APPENDICE I

Autrefois et aujourd'hui

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On ne peut se faire une idée exacte de ce qu'était la vie de société vers 1830, Si nous en disons quelques mots ce n'est pas que nous voulions évoquer le bon vieux temps, mais uniquement pour montrer au lecteur combien de facteurs nouveaux doivent être considérés quand on traite de la vie de société moderne.

Les opinions diffèrent sur ce point. Dans quelques écrits de ce temps on trouve déjà des plaintes sur les gens et les choses, mais d'un autre côté chacun sait qu'alors la vie de famille était plus austère ; les jeunes gens restaient plus longtemps sous la discipline paternelle ; la plupart se trouvaient ainsi tout naturellement préservés de la dissipation. Le coeur humain était le même qu'aujourd'hui ; mais on vivait plus simplement et les pères de famille n'avaient pas à lutter contre les attractions de toutes espèces qui maintenant éparpillent leurs enfants.
Les moeurs, les ordonnances de police rendaient plus difficiles qu'aujourd'hui les associations, en sorte que les sociétés étaient rares.
Il est difficile d'être précis en ces matières ; voici cependant quelques chiffres touchant la ville de Berne. Au début de 1830 Berne comptait avec 20.000 habitants, outre les corporations et quelques cercles, 4 sociétés. Aujourd'hui environ 222 Sociétés plus 26 cercles et 46 sociétés de tir.

On comptait alors 4 imprimeries et 4 journaux politiques ; aujourd'hui Berne possède 41 imprimeries ; 40 journaux s'y impriment, dont 7 quotidiens. En outre une masse de quotidiens d'autres villes se trouvent dans nos auberges.

Il y avait alors 12 hôtels, 62 pintes et restaurants, et 136 caves dans lesquelles les propriétaires vendaient leur vin vaudois, aux foires et à certains autres jours. Aujourd'hui on compte 34 hôtels, 9 caves, 222 auberges, brasseries, cafés et une quantité de restaurants populaires.

Disons encore que les étudiants de la société de Zofingue d'alors avaient leurs séances de 4 à 8 heures et qu'à 9 heures au plus tard, tous étaient à la maison. On ne servait la bière dans des chopes de terre qu'au « Mûrier » et au « Houblon ».
Que chacun juge !



II

Le système de Gothenburg


La description du système de Gothenburg telle que Bär la donne dans son livre « l'Alcoolisme » fait toucher du doigt les tentations des cafetiers.

« Le système de Gothenburg part du fait dûment constaté, que chaque cafetier, en cherchant à vendre autant que possible de son eau de vie, favorise les abus et réduit à néant toutes les lois contre l'alcoolisme. En 1865, à Gothenburg, on nomma une commission chargée d'étudier les causes du paupérisme grandissant. Elle trouva que le mal était dans le trop grand nombre d'auberges où le cafetier poussait, comme cela est naturel, à une consommation d'eau de vie d'autant plus forte que chacun avait à payer en moyenne 2450 fr. de patente ! La commission considéra comme désirable que la vente des boissons se fît d'après les règles suivantes :

« 1° Les boissons spiritueuses seront vendues sans aucun bénéfice. Le vendeur ne connaîtra dès lors pas la tentation de favoriser la consommation. 2°) La vente sur prêts est absolument interdite. 3°) Les locaux où l'on boit seront propres, vastes, aérés. 4°) Dans toute auberge on devra pouvoir servir à manger.
Afin de réformer le commerce de l'eau de vie d'après ces principes on constitua à Gothenburg une société par actions. Les membres les plus considérables de la commune en firent partie et aucun actionnaire ne devait réaliser de bénéfice. Tout bénéfice va à la caisse communale. Les 61 pintes furent achetées par la Société ; 21 tombèrent d'emblée, les autres furent louées à des tenanciers qui pouvaient être congédiés s'ils ne tenaient pas leur auberge d'après les principes de la société. L'eau de vie et le vin sont vendus au comptant, au profit de la société, et le cafetier n'a de gain que sur la bière, le thé, le café, les eaux gazeuses, les cigares, etc.

« On est partagé sur la valeur de ce système mais cependant des autorités et des particuliers l'approuvent fortement - ; je me borne à mentionner le témoignage favorable de la police, du gouverneur, de l'évêque de Gothenburg, du P. Wieselgreen, l'apôtre de la tempérance en Suède, du Conseil communal, du Conseil d'État et du Conseil de santé. Il est facile de se convaincre que ce système est une bonne arme contre l'ivrognerie ».
L'introduction en Norvège de ce système amélioré a aussi eu d'excellents résultats.



III


Un coup d'oeil sur les moeurs des sociétés d'étudiants allemands


Ce n'est pas sans quelques scrupules que j'aborde ce sujet, car il m'est très difficile d'être impartial. Cependant un coup d'oeil sur les habitudes de cette classe où se recrutent nos hommes cultivés ne sera pas sans profit pour ceux qui veulent se faire une idée de la vie de société moderne.

En Allemagne, comme en Suisse allemande, les étudiants ont une très curieuse manière de passer leur temps libre. Pour eux, la vie de société se confond presque avec la pinte. C'est à ces jeunes gens doués et pleins d'espérance que j'aimerais avant tout crier : « Sortez de l'auberge, sortez de cette tabagie ; venez dehors, au grand air. Quittez la table où l'on boit ; faites de la gymnastique et des jeux en plein air. Abandonnez la paresse malsaine et cherchez des distractions saines. et fortes, » mais jamais appel ne paraîtrait plus déplacé, nous le savons d'avance.

Telle est la puissance de la tradition ; malgré toutes les tentatives de réforme la vie d'étudiants est façonnée par le passé, et cela durera longtemps encore, car les jeunes gens qui sortent du gymnase ne veulent avoir pour maîtres que les étudiants eux-mêmes. Cette influence malsaine est donc absolue ; aucune ne peut s'exercer à côté.

Sans doute le temps des odieuses persécutions des jeunes par les vieux est passé ; la discipline sous laquelle un bursch tient un fuchs n'est que le souvenir des cruautés de jadis.

Sans doute les querelles sanglantes entre les corporations ont été modifiées par la création des nouvelles « Burschenschaft ». De ces moeurs barbares, il ne reste plus guère que la « Mensur » (exercices sanglants avec la rapière).

Sans doute on a maintes fois tenté d'épurer la vie de Kneipe, et quelques sociétés courageuses, comme le Wingolf et le Kyffhäuser-Verband ou d'autres semblables ont inauguré d'autres manières de vivre, mais comme ces efforts sont isolés !

On parle d'amitié, d'honneur, de patrie ! Mais malheureusement le cadre dans lequel se meuvent ces jeunes, hommes est la Kneipe. Or celle-ci n'a que faire de tous ces beaux mots. Souvent le caractère s'y déforme, et on y cultive le contraire de l'amitié, de l'honneur et de l'amour de la patrie. Souvent nos jeunes gens cultivés auraient à rougir en face de tel ou tel ouvrier qui, avec un petit salaire et un travail pénible, sait employer son temps avec plus de raison et de dignité qu'eux !

Il y a en Allemagne 678 sociétés dans 21 universités. On peut se représenter l'action funeste et souvent fatale exercée sur plusieurs étudiants légers, hâbleurs, pleins de talent ou sans talent, par ces habitudes de boisson. Ces hommes, qui, plus tard, revêtiront des charges publiques et auront, par leur culture, une grande influence sur la vie religieuse et sociale du peuple, ces hommes sont tout imprégnés d'habitudes de prodigalité et de fainéantise. Et seul celui qui a tenté de briser ces chaînes, ou qui est venu au secours d'un prisonnier, sait les efforts désespérés que nécessite la rupture avec de telles habitudes.

Ah ! tout ce que nos jeunes messieurs, si fort attachés à la chope et à l'atmosphère empestée de la pinte, auraient à apprendre des autres peuples ! Mais non ! On ne veut rien des vieux, on n'écoute pas les amis expérimentés, on ne regarde qu'aux camarades de deux ou trois ans plus avancés ; leur conduite est pour les jeunes l'idéal, et c'est pourquoi une génération succède à la précédente et nage dans les mêmes eaux.

La puissance des anciennes habitudes est encore la plus forte et il est douloureux de constater que même en Suisse, dans des sociétés purement suisses, comme la société de Zofingue, la tendance d'imiter les coutumes des universités allemandes devient manifeste.

Voici quelques extraits d'un petit volume intitulé : Allgemeiner Bierkomment. (1)

... On est frappé de voir la place donnée au président d'une tablée. Pour une faute quelconque il peut imposer une peine, qui toujours consiste à boire une certaine quantité de bière. Cela va pour commencer, mais pour peu que les peines se multiplient et que le président soit sans scrupules, le tableau n'a plus rien d'enchanteur. Bientôt toute la tablée où l'on boit, crie, frappe, braille, ressemble plus à une assemblée de fous qu'à un cercle d'amis réunis en pays chrétien, civilisé. Mais la piété est vieux jeux pour ces jeunes là !...

Lisons ensemble :
& 3 : « Le président a droit à une obéissance absolue. Il fera boire tous les récalcitrants ».
On peut s'imaginer les ordres qu'un étudiant déjà ivre peut donner quand il devient président d'une table après 11 heures du soir. Pensez en outre que chacun doit absorber la quantité de bière qu'il plaît à ce président d'imposer. N'est-ce pas révoltant ?
Cette obéissance absolue a quelque chose d'indigne, et cependant on l'impose dès les premiers jours à notre jeunesse académique. J'évoque toujours cette parole - Habacuc, Il, 15 : Malheur à celui qui fait boire son prochain, à toi qui l'enivres ! . . . . . . .

Malgré les efforts d'amis du peuple, ces moeurs qui rappellent plutôt la barbarie que le Moyen-Age sont toujours florissantes. Les mères, les soeurs, les fiancées de ces messieurs ne pourraient-elles pas se soulever et écraser sous une critique digne mais sévère toutes ces coutumes ? Où est la plume féminine qui, en prose ou en vers, par une brochure ou par des articles de journaux répétés, prendra cette tâche en main ?

Encore quelques mots sur le « Chansonnier » (2)
Nous laissons de côté les recueils inférieurs. Voici le meilleur : Schauenburgs Allgemeines deutsches Commersbuch, 37e édit. Il contient : 109 chants patriotiques, 140 chants d'étudiants, 297 chansons humoristiques, 168 chants populaires, 709 en tout.

Le goût semble s'être corrompu depuis quelques années. Il y a là, à côté des chants allemands connus, sérieux ou joyeux, toute une quantité de chansons qui devraient être bannies de ce recueil. La monotonie avec laquelle Bacchus est glorifié n'est pas ce qu'il y a de pire. Les chansons d'amour, qui ne sont pas des chants populaires, chantent la sommelière. Que c'est fade, peu digne, cruel ! Mais ce qu'il y a de plus répugnant c'est le grand nombre de parodies honteuses de la Sainte Écriture, de la vie chrétienne et de la mort. je ne cite pas. On connaît déjà ce qui est beau : le médiocre peut être passé sous silence ; l'insanité et le blasphème n'ont pas leur place ici.

Si le recueil officiel tolère de telles libertés, que doit-on se permettre à côté ? Souvenez-vous que d'après le & 3 le président a le droit d'imposer un chant quelconque !
Que voulez-vous que devienne un homme libre sous cette discipline ? Non seulement il boira plus que de raison et contre sa conscience, mais encore on le verra chanter des choses qui heurtent son sens moral. Et c'est ainsi qu'on forme des caractères !

Si ces coutumes n'avaient pas le nimbe de la tradition du Moyen-Age et des souvenirs d'étudiants, on se soulèverait, on les mépriserait, et les tentatives de réforme trouveraient des défenseurs plus nombreux !


Expériences personnelles de la vie de société

Nous donnons ici la parole à un ancien membre de plusieurs sociétés. Ce récit nous donne une idée des dangers que courent les caractères faibles dans ces milieux.

« À ma sortie de l'école j'entrai chez un notaire à Berthoud. Mon beau-père était très fier de moi et sans cesse me faisait remarquer que je n'étais plus un enfant, et que je devais en conséquence chercher des compagnies où je pusse entendre quelque chose de raisonnable ; ces discours me rendaient vaniteux ; sans mépriser les autres, j'exagérais mes connaissances et ma valeur propre. je cherchai de nouveaux amis et vite j'en eus trouvé. Peu à peu j'entrai dans plusieurs sociétés. Mes camarades avaient plus d'argent que moi, d'autres étaient plus instruits, mais il leur manquait les vertus et la crainte de Dieu. Sans doute j'entendis parfois quelque parole « raisonnable ». mais combien plus de discours inconvenants, de moqueries, de blasphèmes, d'idées incompréhensibles, de paroles mécontentes et révolutionnaires. je vis bien des fêtards.

« La société qui m'attirait le plus était la société de gymnastique. Je lui dois mon développement corporel. Mais cette vie de gymnaste avait aussi ses inconvénients. Les occasions de boire ne manquaient pas. Le travail provoquait la soif ; après chaque heure d'exercice il fallait boire. N'avait-on pas d'argent, on buvait quand même. La consommation s'inscrivait et on buvait d'autant plus. La vérité m'oblige à dire que, malgré mon respect pour l'art du gymnaste, je devins bientôt léger et bambocheur. Je ne veux pas dire que d'une façon générale on devienne un mauvais sujet dans les sociétés de gymnastique, mais elles sont très dangereuses pour les faibles qui ont quelque penchant à boire. Je préférai bientôt la boisson à la gymnastique, et, bien que bon gymnaste, je fus chassé parce que je négligeais les devoirs de la société.

« Mais la vie de société était devenue pour moi un besoin. L'an 1880 j'entrai dans l'association des employés de bureau. Le but de cette société était excellent : elle voulait former de jeunes juristes (substituts). Le comité était composé de deux ou trois notaires. Pendant quelque temps on travailla fort et ferme. Mais chaque séance était suivie d'un jass ou d'un commers. J'appris à jouer aux cartes. Tous les membres savaient boire et jouer : rien d'étonnant si la société ne subsista pas longtemps.

« Sur ces entrefaites, j'étais devenu membre actif d'un choeur d'hommes. J'aimais le chant. Nous obtenions de beaux résultats et le choeur jouissait d'un renom qu'il doit avoir conservé. Mais là aussi je trouvai des occasions de boire et de jouer ; maintenant que je connaissais les cartes, j'en étais très fier. Le faible aime la compagnie des faibles. Nous fûmes bientôt un groupe de « jasseurs » qui étaient plus souvent à la pinte qu'aux exercices de chant. Un jour je me trouvai hors de la société, je ne sais plus comment.

« Ici encore je ferai la même remarque que précédemment. La vie de dissipation n'était pas obligatoire, mais plusieurs s'y sont laissés entraîner.

« Je devins ensuite membre du « Grütli ». Je fus bientôt un bouillant politicien ; on me nomma secrétaire. Ce fut pour moi un grand honneur. Quand on me complimentait sur la rédaction d'une lettre ou d'une réponse, je me sentais un vrai Grutléen. Aujourd'hui encore j'approuve le but de cette société, mais que de détails je dois blâmer. À mon point de vue les hommes mûrs seulement devraient s'occuper de politique et non pas des jeunes gens à peine sortis de l'école. Ceux-ci en effet n'ont aucun amour et aucune compréhension des affaires, mais seulement de l'orgueil et de l'ambition.

« N'eussé-je pas été bambocheur, je le serais devenu. À l'issue de chaque séance il fallait boire et on n'oubliait pas le jass. Chaque dimanche une promenade ; le but était toujours de boire et de faire du tapage. Les membres plus âgés évitaient d'ordinaire ces courses dont le profit était maigre. Comme membre du comité j'étais libéré des cotisations, et cependant ou dut me chasser de la caisse d'assurance contre maladies parce que je n'effectuais pas mes versements. Peu après je sortis tout à fait de cette société, car nous étions désunis. Dans ce cercle d'hommes, ma jeunesse n'a conquis qu'un caractère faible, et plus tard, comme époux, une tête révolutionnaire. Des idées socialistes me traversaient le cerveau. je supportais avec peine la pauvreté, et si l'occasion s'était présentée je serais devenu anarchiste.

« À l'occasion d'un cours de répétition à Berne je reçus une invitation de la Société des sous-officiers. Le diable ne manquait pas de filets à me tendre. je n'étais pas peu fier d'être fourrier, et la séance suivante j'étais présent, le coeur plein de patriotisme et l'argent du ménage dans la poche. Qu'arriva-t-il ? le jass, la boisson, les quilles remplissaient tout mon temps. On m'admit dans la Société à l'unanimité et on me reçut avec enthousiasme. Alors j'entendis lire les statuts. Un des paragraphes disait : « La finance d'entrée est de 1 fr. Cette somme doit être payée immédiatement ». On devine le reste. je n'avais plus d'argent. À ma grande honte, ou plutôt à mon dépit, je dus emprunter ce franc, je ne pus le rendre tout de suite et peu de semaines après j'étais expulsé, peut-être aussi à l'unanimité, pour n'avoir payé ni ma finance d'entrée ni mes cotisations.

« J'ai rapporté ces détails afin qu'on voie comment la passion de boire tient ses victimes. Le buveur peut être où il veut, la soif du plaisir le tient.

« Au service militaire ma passion s'accrut des résistances qu'on opposait à ma liberté. J'étais malheureux au possible, quand je manquais d'argent. je savais toujours en extorquer quelque peu à mes camarades. Ah ! tout ce que l'on emprunte dans ces cours de répétition, et tout cela pour boire ! je puis affirmer par expérience que souvent la discipline est compromise par la dépendance dans laquelle des gradés se trouvent à l'égard de ceux qui étanchent leur soif.

« Depuis mai 1888 le suis de nouveau dans une société. C'est encore une société mais quelle différence. je suis devenu abstinent, et suis membre de la Société de la Croix-Bleue, société suisse, dont les membres s'abstiennent de toute boisson enivrante. Quel est le but de toutes les sociétés mentionnées plus haut ? Sans doute, de rendre leurs membres heureux. je ne l'ai jamais été. Que me manquait-il ? le contentement. Maintenant je l'ai trouvé dans le cercle de mes nouveaux amis et par le moyen de la parole de Dieu. Maintenant je suis heureux et content ; je suis libre de la passion de boire et d'autres convoitises par la force de l'Évangile de Jésus-Christ. Ma vie a un but. Mes désirs sont apaisés. Je ne puis décrire tout ce que l'abstinente m'a apporté. je n'ai aucune peine à ne pas boire ; j'ai fait le rassemblement de troupes de 1889 comme tempérant. L'hiver dernier j'étais du bataillon 29 qui occupa le Tessin ; il ne m'est pas venu à l'idée de boire une goutte de la boisson qui m'a fait tant de mal. Non, je ne sortirai pas de ma chère société de tempérance, et on ne m'en chassera pas ».

L'homme qui a écrit ces lignes a essayé de dresser le tableau suivant de ses prodigalités pendant quelques années.


TABLEAU
des boissons consommées par un buveur qui ne passait pas pour tel auprès de ses camarades

Années

VIN

BIÈRE

SCHNAPS

TOTAL

Litres par année

Dépenses en Francs

1877 ( Sortie de l'école)

1/2

1 1/2

1/10

2 1/10

110

71.-

1878 (Soc. de gymnastique).

1

3

1/10

4 1/10

214

120.-

1879 (Soc. de gymnastique).

1

4

1/10

5 1/10

266

140.-

1880 (Autres sociétés)

1

4

1/5

5 1/10

272

155.-

1881 (jasseur)

2

4

1/5

6 1/5

324

207.-

1882 »

2

4

1/5

6 1/5

324

207.-

1883 »

3

4

1/5

7 1/5

376

259.-

1884 »

3

3

1/2

6 1/2

338

280.-

1885 »

3

3

1/2

6 1/2

338

280.-

1886 »

3

3

1/2

6 1/2

338

280.-

1887 Moralement très bas)

2

3

1

6

312

221.-

1888 (Une demi-année) *

2

3

1 1/2

6 1/2

169

123.-

1889 *

* Dès mai 1888 abstinence
(Les chiffres sont approximatifs)





3381

2343.-



IV

STATISTIQUE
de la Fédération Internationale au 1er sept. 1904

1. Suisse 18684
2. Allemagne 16984
3. Autriche-Hongrie 302
4. Danemark   6412
5. France 2751
6. Belgique 2751


Total 45416

1. Suisse

18684

2. Allemagne

16984

3. Autriche-Hongrie

    302

4. Danemark

  6412

5. France

  2751

6. Belgique

   2751

Total

45416


Disséminés : 438 en plus.
Il y a 7 à 8000 abstinents dans l'État libre du Congo.

 

Extrait des Statuts centraux de la Société suisse de Tempérance de la Croix-Bleue

 

ARTICLE PREMIER

La Société suisse de Tempérance de la Croix-Bleue a pour but principal de travailler, avec l'aide de Dieu et de sa Parole, au relèvement des victimes de l'intempérance.
Convaincue par l'expérience que le renoncement absolu à toute boisson enivrante est, avec l'aide de Dieu, le meilleur et le plus sûr moyen de guérir les buveurs, la Société exige de ses membres et adhérents l'abstinence complète de toute boisson enivrante, sauf usage religieux ou prescription médicale. Elle n'entend cependant pas condamner par là l'usage strictement modéré des boissons fermentées chez ceux qui ne font pas partie de la Société.

ART. 2.

Outre ce but principal, elle cherche encore à combattre les abus de la boisson en répandant des publications, en faisant des conférences et en secondant, dans la mesure où le lui permettent ses principes et ses ressources, les efforts tentés par d'autres pour combattre l'intempérance.

ART. 3.

La Société n'a aucun caractère politique ni ecclésiastique.

ART. 4.

La Société se compose de l'ensemble des membres actifs et des adhérents.

ART. 10.

Quiconque veut devenir adhérent doit :
1° Être âgé de seize ans révolus ;
2° Avoir signé, pour un temps quelconque, sur un carnet de la Société, un engagement d'abstinence totale et l'observer fidèlement. Cet engagement est ainsi conçu :

Je promets, avec l'aide de Dieu, de m'abstenir pendant
............. à partir d'aujourd'hui, de toute boisson enivrante, sauf usage religieux ou ordonnance médicale.

ART. 11.

Les adhérents peuvent assister aux séances qui ne sont pas réservées aux seuls membres actifs.

ART. 12.

Pour être reçu membre actif, il faut :
1° Avoir été adhérent fidèle pendant trois mois au moins (voir art. 10) ;
2° Avoir pris ou prendre ensuite, pour un an au moins à partir de la demande d'admission (Voir 3°), un engagement ainsi conçu :
Je promets, avec l'aide de Dieu, de m'abstenir pendant ............. à partir d'aujourd'hui, de toute boisson enivrante, sauf usage religieux ou ordonnance médicale.
Je promets également de faire mes efforts pour combattre chez autrui l'abus de la boisson.
3° Adresser au Comité dont dépend le candidat une demande d'admission appuyée par deux membres actifs ;
4° Être accepté par les deux tiers des suffrages de la section, ou, à défaut de section organisée, par le Comité compétent ;
5° S'engager à payer une cotisation dont le montant sera fixé par chaque section.

ART. 21.

Toute, violation de l'engagement entraîne de fait la sortie de la Société. Celui qui l'a commise doit, s'il a une carte, la renvoyer immédiatement à la personne sur le carnet de laquelle il a signé ou au secrétaire de la section.

ART. 24.

Toute personne qui veut rentrer dans la Société après l'avoir quittée est soumise de nouveau aux conditions d'admission fixées par les articles 10 et 12 des statuts.

ART. 33.

Les sections locales ont le droit d'expulser ceux de leurs membres dont la conduite serait de nature à compromettre l'oeuvre de la Société, quand même ils resteraient fidèles à leur engagement d'abstinence. Une décision de ce genre ne peut être prise qu'à la majorité des deux tiers des voix et le membre expulsé a le droit d'appel auprès du Comité cantonal ou auprès du Comité de Branche.

ART. 68.

L'emblème de la Société est une croix bleue formée de cinq carrés égaux sur fond blanc.

ART. 69.

Cet emblème peut être porté comme insigne, mais par les seuls membres, à l'exclusion des simples adhérents.
Le port n'en est pas obligatoire.

N. B. - Quant au ruban bleu que portent beaucoup de nos membres, il n'est pas spécial à notre Société. C'est un signe de ralliement que portent en divers pays, sans distinction de nationalité ni de Société, les abstinents qui veulent affirmer leur désir de lutter contre l'intempérance et d'en relever les victimes par l'abstinence totale et par action religieuse (en anglais, Gospel-Temperance).
Le ruban bleu est donc une sorte d'insigne international des abstinents chrétiens, insigne au sujet duquel la Société de la Croix-Bleue ne croit pas devoir statuer officiellement malgré sa sympathie pour le principe qu'il représente. Aussi notre Société se borne-t-elle à en recommander officieusement le port à ses membres et adhérents, tout en leur laissant une entière liberté à cet égard.

ART. 74.

Les sections peuvent provoquer la formation de Comités auxiliaires pour les aider dans leur oeuvre.

ART. 75.

Les personnes qui font partie de ces Comités doivent :
a) Être connues pour leur sobriété ;
b) Reconnaître que l'abstinence complète de toute boisson enivrante est nécessaire pour ceux auxquels la boisson est une occasion de chute ;
c) Aider les membres de la Société dans leur oeuvre de moralisation, et surtout visiter les personnes pour lesquelles la boisson est dangereuse, afin de les encourager à se relever et à entrer dans la Société.

ART. 76.

Les membres de ces Comités ne sont pas tenus de prendre eux-mêmes un engagement d'abstinence. Ils ne font donc pas partie de la Société, ils n'en sont que les auxiliaires.


1 Nous abrégeons. (Trad.)

2 Commersbuch. 
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