Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

II

Que doivent faire les disciples de Jésus ?

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Il ne s'agit pas tant de faire de nouveaux projets que d'étudier comment nous pouvons vivifier, affermir, compléter ce qui existe déjà. Nous distribuons la matière de notre étude en quatre chapitres qui, sans lien logique, épuisent assez complètement le sujet :

1° l'Eglise. 2° Les missions urbaines et intérieures. 3° Les associations chrétiennes de jeunes gens. 4° La société de la Croix-Bleue.

Nous pourrions commencer d'emblée par quelques propositions pratiques. Mais il s'agit d'un travail chrétien entrepris par une collectivité. Or cette méthode de travail a des adversaires auxquels nous devons répondre. En d'autres termes : nous devons légitimer par l'Écriture l'association comme instrument de travail. Nos frères darbystes, plusieurs élèves de Beck, récemment les amis de Blumhardt et des frères isolés, qui tous puisent leur sagesse dans l'Écriture, ont fait des objections à cette forme d'activité chrétienne. Ces objections nous sont précieuses quand elles expriment des convictions et qu'elles sont libres de tout esprit de parti. Rien n'est plus utile à ceux qui sont à la peine que d'être avertis et instruits par d'autres. Mais nul ne doit obéir en aveugle ; c'est le cas de dire : « Éprouvez toutes choses, retenez ce qui est bon. » Examinons ces scrupules :

« I. Jésus et les apôtres n'ont pas fondé d'association ; ils ont prêché devant les foules, rendu témoignage à la vérité et ont laissé l'Évangile, puissance de Dieu, faire son oeuvre. Ils ne se sont pas tournés du côté des incrédules. Aux coutumes païennes, ils n'ont opposé aucune institution particulière.

Qu'il en soit ainsi aujourd'hui. La Parole seule doit attirer, sous peine de ne former que des hypocrites, qui ont des apparences, mais dont le coeur est resté le même. L'Évangile est la puissance de Dieu pour le salut ; tout ce qu'on y ajoute est humain et source de confusions. Que la parole de Dieu soit de nouveau annoncée avec la force de l'Esprit et tout changera ; prions pour recevoir l'Esprit et attendons l'exaucement avec patience.

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. Le monde masculin est en décadence ; il n'y a plus rien à faire pour eux.
Les hommes courent sur la route de l'antichristianisme, inutile de tenter un sauvetage. Les moyens factices sont vains. Peine perdue. »

Nous comprenons ce point de vue et à certains égards nous sommes d'accord. Mais il faut éviter les solutions hâtives, et puisque nous voulons avant tout être dans la vérité, nous devons chercher ce que l'Écriture en pense.
Nous nous trouvons en face de passages dont les uns recommandent la forme d'amour qu'on appelle l'hospitalité, et les autres traitent de la communion fraternelle.

Parmi les premiers mentionnons tout d'abord I Pierre IV, 9 ; Rom. XII, 13 ; Héb. XIII, 2 ; « exercez l'hospitalité sans murmures », « soyez hospitaliers », « n'oubliez pas d'exercer l'hospitalité ». Depuis le temps où les apôtres parlaient ainsi, les conditions d'existence ont bien changé. Jadis il n'y avait pour ainsi dire pas d'auberges. Le cercle de la famille s'ouvrait au voyageur et à l'étranger ; les milieux chrétiens étaient largement hospitaliers ; le foyer était l'hôtel des frères en la foi, et souvent le croyant devait sacrifier l'intimité de la famille à un abandonné, à un persécuté.

Tout a changé dès lors. Les hôteliers accomplissent par métier ce commandement chrétien ; nous savons comment la plupart entendent cette hospitalité, à quel prix les portes s'ouvrent, quel esprit règne dans leurs maisons.

Parce que les circonstances se sont modifiées, cette vertu si prisée dans le Nouveau Testament doit-elle tomber en désuétude, ne plus être pratiquée que dans des cas exceptionnels ? certainement pas ! Aujourd'hui comme jadis le cercle de famille, qui est le type de l'association, créé par Dieu lui-même et que l'Écriture considère comme une puissance pour protéger, bénir, fortifier, doit exercer son action au dehors. Il ne s'agit plus tant de voyageurs et d'étrangers que d'isolés qui, arrachés à leur milieu familial sont exposés à des souffles délétères.

Nous trouvons une exhortation analogue dans la parole de Jésus : « Quand tu fais un dîner ou un souper, n'invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni des voisins riches, de peur qu'eux aussi ne t'invitent et que tu n'aies ta récompense. Mais quand tu donnes un festin, invite des pauvres, des infirmes, des boiteux, des aveugles ; et tu seras heureux, parce qu'ils ne peuvent te rendre la pareille ; tu auras ta récompense à la résurrection des justes. » Luc XIV, 12-14.

Le Seigneur nous demande de renoncer à une des plus douces joies, à celle d'être assis à table avec nos égaux. Il nous fait un devoir d'offrir à des inconnus, sans vie de famille, ce que nous offririons à des amis. On passe volontiers là-dessus, je le sais, sous prétexte que, de nos jours, cela est impossible, ou bien on déclare que cet ordre du maître est accompli, au mieux, dans les hôpitaux où l'on soigne les malades et dans les cuisines populaires qui subviennent aux besoins des pauvres.
Certes ces institutions font de grandes choses et elles sont un fruit de l'amour chrétien. Mais l'Écriture nous parle du devoir de l'hospitalité, qui a pour objet une foule d'hommes que les hôpitaux ne reçoivent pas, et elle veut nous voir agir sur le coeur de nos frères isolés.

La Sainte Écriture connaît donc à côté de l'aumône et des soins matériels, une activité dont le coeur est l'objet et dont le point de départ est le foyer, la famille.

Les autres passages à considérer traitent de la communion fraternelle. Ils sont nombreux. Tout d'abord : Actes II, 42 et 44: « Ils persévéraient... dans l'union » et « ils étaient en un même lieu ». Une des manifestations de la vie dans la première communauté chrétienne fut donc, outre la doctrine apostolique, le repas de la Cène et la prière, la communion fraternelle présentée comme un véritable moyen de grâce. Citons encore I Thess. V, 11 et Héb. III, 13 : « Exhortez-vous les uns les autres » et « exhortez-vous les uns les autres chaque jour », où le devoir de l'action par la parole est présenté comme le devoir de tous. L'Eglise considère donc la communion fraternelle et l'exhortation mutuelle comme une grande tâche vis-à-vis des âmes nouvellement converties. Sans ce contact, il n'y a pas de vie.

On me dira : « Est-il possible de grouper ainsi les âmes à sauver ? » Nous répondons : oui, car nous n'avons pas devant nous des païens ou des juifs, mais des hommes élevés dans le christianisme, dont toutes les vies sont à peu près au même niveau. Plusieurs de ceux qui se tiennent encore à distance, ressemblent aux tièdes de l'Église primitive, qui avaient leur place dans la communauté.

Il est nécessaire et voulu de Dieu que l'Eglise, à côté des assemblées de croyants proprement dits, réunisse ceux qui sont encore aux débuts de la vie chrétienne et qui consentent - j'appuye sur ce mot - à se grouper. Les associations ainsi formées seront la base d'une activité chrétienne collective.
Ainsi cette activité est produite par le concours de la famille et de la communauté chrétienne.
Si donc l'Écriture n'en parle pas en termes exprès, l'association chrétienne est la réalisation de pensées profondément bibliques qui resteraient mortes sans cette association même.
En effet, quand la famille chrétienne veut prendre à la lettre les devoirs de l'hospitalité, ne vient-elle pas se heurter à des obstacles sérieux ? L'Eglise, de son côté, a de la peine, dans son état actuel, à pratiquer la communion fraternelle ; voilà pourquoi des hommes de bonne volonté, représentant l'Église et la famille, se sont groupés pour faire profiter autant de gens que possible des bénédictions de ces deux créations divines.

Soit donc qu'on pense à l'être intime que nous savons si bien cultiver chez nos enfants, soit qu'on veuille répondre au besoin de société qui est en tout homme, l'association chrétienne est bonne et voulue de Dieu. Elle est une forme de l'éducation chrétienne ; elle rappelle le groupement des disciples de Jean-Baptiste et du Seigneur avec leur valeur préparatoire. Tout en participant de la vie de famille et de la communion fraternelle, elle n'est ni l'une ni l'autre.

L'association chrétienne est une de ces forces que l'amour, ingénieux dans tous les siècles, a offert à l'Eglise pour lui permettre de mieux remplir sa tâche. De même que les cloches, les tours de nos cathédrales, les chaires sont des inventions pratiques qui furent jadis des nouveautés ; de même que l'instruction religieuse avec sa cérémonie d'admission fut, un temps, quelque chose d'inédit, l'association chrétienne, avec ses résultats, doit être considérée comme une application nouvelle de l'ancien amour chrétien, toujours au service de l'Eglise.

Le XVIlle siècle nous a donné l'exemple de deux communautés organisées et étroitement unies à l'Eglise : les frères moraves et les wesleyens.

Après ces quelques remarques, nous dirons donc aux frères qui font des objections au système des associations chrétiennes : nous vous concédons que cette espèce de fraternité entre hommes non régénérés par l'Esprit, n'est pas fréquente dans le Nouveau Testament et que, si la sagesse fait défaut, elle est accompagnée de dangers nombreux ; nous reconnaissons aussi que notre époque est une époque de déchéance et que nous ne pouvons pas attendre une conversion du peuple en masse, mais reconnaissons, nous aussi, le droit de témoigner tout l'amour possible à nos contemporains que tant de dangers et de difficultés environnent, et souffrez que nous leur fassions part de tous les bienfaits dont nous jouissons dans la vie de famille et ailleurs.

Et à ceux qui approuvent ce travail d'une collectivité nous crions : Pensons avec une sollicitude fraternelle, aux jeunes gens et aux hommes qui, faibles et hésitants, sont attirés par la vie de société et par la vie d'auberge, et cherchons ce que nous pouvons faire pour eux.

Avant tout nous devons affirmer ceci : le centre de toute l'activité dont nous parlons est et restera la prédication de l'Évangile, soutenue par les prières de l'Eglise. Nous devons toujours avoir au milieu de nous des hommes qui disent avec les apôtres : « Il ne convient pas que nous délaissions la prédication de la parole de Dieu pour servir aux tables ; c'est pourquoi choisissez parmi vous sept hommes pleins du Saint-Esprit et de sagesse auxquels nous confierons cette charge. Pour nous, nous persévérerons dans la prière et le ministère de la parole. » (Act. VI).

Là et nulle part ailleurs est la puissance de Dieu pour le salut des hommes. Tout notre travail ne doit qu'appuyer cette action, et ce caractère distinguera toujours notre activité des aspirations purement sociales.

Enfin si nous formulons des propositions pratiques, qu'il soit entendu que c'est avant tout l'esprit dans lequel nous travaillons et l'amour dont nous sommes animés qui donnent de leur valeur à une institution, à une activité.

Nous n'avons donc, nous le répétons, nullement le désir d'innover, mais notre devoir est de vivifier, affermir, compléter ce qui se fait déjà dans l'Eglise, la mission intérieure, les associations de jeunes gens et les sociétés de tempérance.



1. - L'Eglise.

Examinons tout d'abord ce que l'Eglise fait pour le monde masculin.
Depuis 60 ans elle n'a rien imaginé de bien nouveau. Tandis que l'auberge se développait parallèlement au besoin de sociabilité et menaçait la vie de famille, l'Eglise restait au même point. Aujourd'hui, comme il y a 60 ans, elle a ses cultes le matin, avec liturgie et chant, elle s'occupe de l'instruction religieuse de la jeunesse et veille à la cure d'âmes auprès des malades et dans les familles. Tout cela peut être abondamment béni comme par le passé, quand les charges sont bien remplies. Mais qu'a-t-elle organisé de spécial pour protéger les familles, les parents, les femmes auxquels l'auberge et les sociétés enlèvent les fils et les maris? rien! or il y aurait place dans les cadres de l'activité ecclésiastique pour cette oeuvre de sauvetage.

Parlons tout d'abord des mesures préventives possibles qui ont fait leurs preuves:

a)
intéresser les jeunes gens au culte public. Dans ce but on peut fonder des choeurs d'hommes, des choeurs mixtes ou des fanfares pour jeunes hommes. La musique captive au plus haut point la jeunesse. Pourquoi en laisser l'étude aux instituteurs ou à des amateurs quelconques qui font chanter ou jouer sans but précis et élevé? C'est le pasteur qui doit prendre ces jeunes sous sa direction ou les confier à des directeurs dévoués à l'Eglise. Les exercices doivent avoir lieu chez le pasteur et non pas à l'auberge afin que tout se fasse avec ordre. Les participants se sentiront utiles à l'Eglise et peu à peu ils la considéreront comme leur Église et l'aimeront.

b)
intéresser les grands garçons sortis de l'école et les jeunes gens pieux à l'école du dimanche. On peut les adjoindre aux moniteurs pour maintenir la discipline ou pour surveiller les groupes des petits.

c)
Dans les dernières heures de l'instruction religieuse il faudrait avertir les garçons des dangers de la vie d'auberge, les exhorter à réagir avec décision, contre ces mauvaises habitudes, à fuir les cafés et à se joindre de tout coeur à l'union chrétienne de jeunes gens. Voilà comment il faudrait parler en particulier et du haut de la chaire afin que nul n'ignore que le pasteur approuve l'union chrétienne de jeunes gens si souvent considérée comme piétiste et sans lien avec l'Eglise, et qu'à ses yeux elle n'est qu'une des ramifications de l'Eglise.

d)
Enfin encore ceci :
Une des plus grandes tâches de l'Eglise est de tout essayer pour faire revenir au culte un homme qui pendant des années s'est tenu à l'écart. Une chose est certaine : jamais il n'y reviendra sans un motif spécial ; en effet, cette assemblée, jadis publique, est devenue peu à peu à ses yeux une réunion de quelques habitués ; ce n'est plus pour lui le culte public ; son apparition, il le sait, fera jaser les voisins et les fidèles. Plus son abstention est invétérée, plus le retour lui semble impossible.

Faut-il attendre des jours meilleurs ? suffit-il de prier : « que ton règne vienne ? » nous bornerons nous à gémir ? dirons-nous : « les cloches sont là pour rappeler à tous que le culte est public, chacun peut y venir », etc., etc. ?

Nous contenterons-nous peut-être pour nous tranquilliser de nombrer avec joie les auditeurs des dimanches de fête ? Ah non, car tout pasteur sérieux sait que, en ces jours plus qu'en tout autre, le coeur de ses auditeurs est doublement cuirassé de propre justice et d'habitudes pieuses. Sur ce coeur satisfait les paroles glissent.
Non ! à cet égaré il faut témoigner de l'amour ; il faut l'inviter, le presser, lui frayer à nouveau le chemin de l'Eglise, lui donner des occasions d'entendre encore la parole de Dieu. Il est nécessaire de vaincre cette résistance passive, qui est un des plus grands obstacles aux conquêtes du christianisme dans le monde masculin. Le moyen le plus efficace est sans contredit : la convocation de réunions extraordinaires d'évangélisation qui permettent - et c'est là un de leurs plus grands avantages - d'inviter ces réfractaires.

L'organisation extérieure de ces assemblées est très simple, pourvu qu'on soit plein d'amour et de foi joyeuse. Quelques pasteurs s'entendent avec leurs collègues du voisinage pour tenir de ces séances, un dimanche soir, tantôt ici, tantôt là - ou bien on annonce une semaine entière de réunions du soir dans lesquelles on entendra un pasteur des environs ou un évangéliste itinérant spécialement doué pour l'évangélisation.
Dans ces occasions il n'est pas difficile d'exhorter les membres fidèles mais souvent timides, à inviter leurs voisins, leurs connaissances, leurs parents et à s'unir pour demander une bénédiction de Dieu sur cet effort de vivification de la communauté.
De telles réunions devraient avoir lieu au moins une fois l'an dans chaque localité et autant que possible avec l'aide du pasteur de la paroisse.

e)
Nous connaissons un village où le soir de Sylvestre est consacré à une fête bénie. Voici le programme dans ses grandes lignes : à 9 h. 3/4 sonnerie de cloches ; à 10 heures ouverture du service divin : chant, prière, lecture de quelques passages de la Bible, rapport détaillé sur tous les principaux événements de l'année pour la paroisse, mention des cas de mort frappants, des mariages, quelques nouvelles personnelles ; à 10 h. 3/4 on offre le thé et quelques pièces de pâtisserie ; pendant ce temps un choeur fait entendre ses plus beaux morceaux ; à 11 h. 1/2 commence le discours de fin d'année ; c'est un discours de réveil. Il dure jusqu'à ce que, à minuit, toute l'assemblée se lève et chante : « Grand Dieu, nous te bénissons » pour le début de l'année nouvelle.
Cette coutume empruntée aux frères moraves est bien faite pour faire une impression durable et sérieuse sur des jeunes gens. Cette nuit marque de son empreinte leur joie de nouvel-an. Le pasteur peut se faire le père, l'ami de ses auditeurs et commencer l'année avec ses paroissiens.

f)
Je veux encore mentionner la fête des moissons comme elle est célébrée dans la paroisse de D. Quand tous les fruits sont rentrés, la fête est annoncée huit jours à l'avance du haut de la chaire. Le vendredi et le samedi les gens de bonne volonté apportent chez le pasteur leurs plus beaux fruits. Le samedi soir la jeunesse dispose toutes ces richesses autour de la table de communion. Les sacs de pommes de terre forment la base de cette pyramide dont le sommet est fait des plus beaux fruits. Le tout est couvert de fleurs et des plus lourds épis. Le dimanche matin la paroisse entière est réjouie par cette exposition. La prédication, les lectures bibliques, les chants et les choeurs se rapportent tous à la fête. L'après-midi les anciens viennent et distribuent ces biens, avec toute la sagesse et la prudence désirables, aux pauvres de la paroisse.
Tout envoi est pourvu d'une étiquette ; le lundi chacun vient chercher sa ou ses corbeilles, et ainsi les plus pauvres ont parfois les fruits les plus beaux.

g)
J'ai entendu parler de cultes du soir qu'un pasteur allait tenir dans les endroits reculés de sa paroisse, chez les plus pauvres et les plus misérables. Ils furent en bénédiction à plusieurs de ces membres un peu craintifs.
En un mot, il faut veiller à ce que rien ne soit négligé pour rendre chère aux coeurs la maison de Dieu et pour que toute la population y vienne chercher la bénédiction de la parole de Dieu.



2. - Les missions intérieures et urbaines.

Tous les vrais amis du peuple, convaincus du mal que fait la vie d'auberge, soutiendront avec énergie les efforts de la mission intérieure.
Que de services elle a déjà rendus ! Appuyez-la et elle fera encore de grandes choses.

Outre la tâche spéciale des visites à domicile et des visites de malades, outre les réunions religieuses, mentionnons ici les auxiliaires précieux que l'on trouve dans toutes les institutions qui font concurrence à la vie d'auberge : les salles de lecture, les cafés de tempérance, les concerts populaires gratuits et les soirées de conversation. Tout cela doit et peut être placé sous une direction chrétienne. On verra alors que le christianisme favorise la culture et la saine sociabilité et qu'il est possible avec de la bonne volonté et la bénédiction de Dieu de se divertir sans mordre aux appâts de la vie de plaisir.

On fera bien de bannir de ces salles et de ces réunions les jeux d'auberge : cartes, quilles, billard. Il faudra aussi interdire certains abus ; il ne sera pas permis par exemple de jouer la consommation, et certains divertissements seront mis de côté à certaines heures le dimanche et les jours ouvrables.

Ces institutions - il ne faut pas se le dissimuler - parce qu'elles sont relativement en dehors de l'action chrétienne directe, et parce qu'elles n'offrent aux hommes que des distractions, sans les grouper en associations proprement dites, ces institutions ont une valeur avant tout négative. Comme il n'est pas facile de tenir tout ce monde en bride, il ne faut pas trop compter sur elles pour faire avancer des hommes dans la vie chrétienne.

On apportera, au contraire, beaucoup de zèle à développer la vie de famille, à l'embellir, en fournissant gratuitement des lectures et des livres.

La mission intérieure urbaine cherchera à créer le sens de l'épargne par la création de caisses d'épargne qu'elle rendra aussi accessibles que possible.
Une bénédiction spéciale repose sur les invitations adressées à un certain nombre d'hommes qui se sont éloignés de l'Eglise. Le repas sera simple. On les invitera seuls ou avec leurs femmes, et l'occasion sera propice de leur montrer clairement le chemin du salut. Il faudra surtout avoir en vue les familles inconnues, récemment arrivées.

Je connais plusieurs cas, où des hommes, tombés dans le vice et le désordre, ont entendu de nouveau pour la première fois, la parole de Dieu, à un de ces repas, et l'amour de Christ leur a fait une telle impression qu'ils ont fait dater de cette heure leur conversion. L'un d'entre eux eut à lutter avant de se décider à accepter l'invitation. Les voisins l'en déconseillaient. Ce n'étaient, disaient-ils, que des mômeries ; quand l'heure approcha ils l'attendirent sur la porte pour le railler. Il alla quand même et fut empoigné. Quelques pasteurs devraient toujours assister à ces banquets, surtout ceux qui savent atteindre la conscience et la faire parler.

Il ne faut pas oublier ici les travailleurs que leurs occupations journalières empêchent d'assister aux cultes ordinaires : En ville, les employés de chemin de fer, les cochers de fiacres, les valets d'écurie, les sommeliers, les boulangers, les coiffeurs, etc. ; à la campagne, les laitiers qui vendent le lait en ville. Pour tous ces hommes il faut trouver une heure favorable, quand même il n'y aurait que celle de 11 heures à minuit, comme cela se fait dans une de nos villes suisses pour les cochers de fiacre. Quiconque connaît les exigences des affaires dans certaines classes, et là difficulté avec laquelle on peut trouver les gens chez eux, reconnaîtra que, dans certaines circonstances, les disciples de Christ doivent recourir à des moyens extraordinaires. Nul ne doit être oublié, non plus que négligé, et c'est le zèle à triompher de tous les obstacles qui prouve la fidélité.

Sachons profiter aussi des maladies et des deuils pour rendre les hommes attentifs aux tristes conséquences de la vie d'auberge et pour les amener aux associations chrétiennes. Il est des heures où la conscience parle si haut que toutes les exhortations sont comprises et acceptées.

Les devoirs varient suivant les circonstances. Plus on étudie ces dernières, plus on veut travailler, plus aussi la collaboration d'hommes et de femmes prêts au sacrifice devient nécessaire. Le Seigneur le sait. Partout où il voit des coeurs chauds dépréoccupés de leurs intérêts personnels, qui savent ouvrir les yeux sur les misères autour d'eux, le Seigneur éveille dans ces hommes des dons qui sommeillent encore et les rend capables du service qu'il leur a préparé.

Nos amis chrétiens qui aiment le peuple, n'ont probablement aucune idée de l'encouragement et de la joie que peut donner à un pasteur ou à un évangéliste, dans une réunion de quartier ou dans une assemblée extraordinaire, la présence d'un homme ou d'une femme chrétiens dont la collaboration est chose assurée. Leur régularité est déjà pour lui un réconfort ; pour peu qu'ils donnent un conseil ou mettent la main à la pâte, ils contribueront à créer en ce pasteur un contentement d'esprit que la résistance et les difficultés n'abattent que trop souvent, et ainsi ils accroîtront le courant des bénédictions.
Permettez-moi un mot sur la grande bénédiction qui résulte pour tous, mais surtout pour les membres cultivés, d'une collaboration effective aux diverses activités nécessaires.

Il y a dans notre monde cultivé, parmi nos fils et nos filles, plusieurs bonnes volontés qui volontiers se dévoueraient à leurs frères, mais elles manquent de direction et tout leur zèle se consume dans les devoirs de famille et de société. Souvent de belles années et des talents utiles sont ainsi gaspillés au service de quelques membres repus d'un petit cercle de famille. Dans ces milieux règne fréquemment la tyrannie du bon ton et des convenances, qui empêche des âmes bonnes et pieuses d'employer leurs dons pour autrui. Il faut les libérer de ce joug, et la mission intérieure peut y contribuer par les services qu'elle implore.

Plus d'une jeune fille pieuse jouerait du piano ou chanterait volontiers devant de pauvres gens auxquels elle ferait plaisir, plutôt que de se produire entre deux tasses de thé, dans un salon où on l'écoute à peine. Avec quelle joie, elle, et deux ou trois de ses compagnes ne consacreraient-elles pas un ou deux soirs de la semaine à une réunion, où elles trouveraient ceux qui ne peuvent jamais les inviter à leur tour, au lieu que leur vie se passe à devoir accepter des invitations où il n'y a ni bénédiction, ni profit, ni même du plaisir ? Mais on n'ose écouter la voix de la pitié et faire exception à la règle.

Quelle bénédiction pour un instituteur ou un homme cultivé, qui pourrait dire à ses camarades - « Maintenant je n'ai plus de temps à consacrer à ceci ou à cela ; mes soirées sont prises par les pauvres, les ignorants. » Quiconque veut travailler dans la mission intérieure doit se rendre compte que les soirées seules sont propices et qu'il faut en donner une ou plusieurs par semaine ; mais c'est précisément dans le sacrifice de ses soirées, d'ordinaire confortablement passées en famille, que je vois la réalisation du renoncement exigé par Jésus de ses disciples. Luc XIV, 12.
Outre la bénédiction qu'apporte tout sacrifice, il y a celle que nous donne la responsabilité assumée ; toute responsabilité fait du bien à l'homme. Au reste, c'est un vrai réconfort de pouvoir répondre à la vie superficielle et courante par ces mots : « je ne puis me joindre à vous, ma soirée est prise, J'ai mon devoir ailleurs. »
Nos amis anglais l'ont compris, et c'est là une des forces de l'oeuvre Mac All, en France.

Encore un autre avantage de cette activité variée au service de l'amour : Les collaborateurs ont des entretiens dans lesquels les discussions religieuses ou les subtilités qui ont toujours tant de charme, ou les cancans du jour passent au second plan, pour laisser la place à des conversations sur les joies et les souffrances du travail commun.
Rien n'unit plus étroitement les gens pieux qu'une activité commune. Les difficultés d'un tel travail sont si grandes, l'impuissance de la sagesse propre et de l'effort si manifeste qu'on sent toujours le besoin de s'unir pour implorer de Dieu les dons spirituels nécessaires.

Voici donc notre conclusion : les besoins auxquels la mission intérieure vient et doit répondre sont si pressants et si variés que chaque chrétien, quelle que soit sa position, doit leur consacrer une partie de son temps et de ses dons. Que nul ne se retire par mollesse, avarice ou indifférence des saints devoirs de ce travail d'amour, sous peine de se priver des plus grandes bénédictions.

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