Il ne s'agit pas tant de faire de nouveaux
projets que d'étudier comment nous pouvons
vivifier, affermir, compléter ce qui existe
déjà. Nous distribuons la
matière de notre étude en quatre
chapitres qui, sans lien logique, épuisent
assez complètement le sujet :
1° l'Eglise. 2° Les missions
urbaines et intérieures. 3° Les
associations chrétiennes de jeunes gens.
4° La société de la
Croix-Bleue.
Nous pourrions commencer d'emblée
par quelques propositions pratiques. Mais il s'agit
d'un travail chrétien entrepris par une
collectivité. Or cette méthode de
travail a des adversaires auxquels nous devons
répondre. En d'autres termes : nous
devons légitimer par l'Écriture
l'association comme instrument de travail. Nos
frères darbystes, plusieurs
élèves de Beck, récemment les
amis de Blumhardt et des frères
isolés, qui tous puisent leur sagesse dans
l'Écriture, ont fait des objections à
cette forme d'activité chrétienne.
Ces objections nous sont
précieuses quand elles expriment des
convictions et qu'elles sont libres de tout esprit
de parti. Rien n'est plus utile à ceux qui
sont à la peine que d'être avertis et
instruits par d'autres. Mais nul ne doit
obéir en aveugle ; c'est le cas de
dire : « Éprouvez toutes
choses, retenez ce qui est bon. »
Examinons ces scrupules :
« I. Jésus et
les apôtres n'ont pas fondé
d'association ; ils ont prêché
devant les foules, rendu témoignage à
la vérité et ont laissé
l'Évangile, puissance de Dieu, faire son
oeuvre. Ils ne se sont pas tournés du
côté des incrédules. Aux
coutumes païennes, ils n'ont opposé
aucune institution particulière.
Qu'il en soit ainsi aujourd'hui. La
Parole seule doit attirer, sous peine de ne former
que des hypocrites, qui ont des apparences, mais
dont le coeur est resté le même.
L'Évangile est la puissance de Dieu pour le
salut ; tout ce qu'on y ajoute est humain et
source de confusions. Que la parole de Dieu soit de
nouveau annoncée avec
la force de l'Esprit et tout changera ; prions
pour recevoir l'Esprit et attendons l'exaucement
avec patience.
2. Le monde masculin est en
décadence ; il n'y a plus rien à
faire pour eux.
Les hommes courent sur la route de
l'antichristianisme, inutile de tenter un
sauvetage. Les moyens factices sont vains. Peine
perdue. »
Nous comprenons ce point de vue et
à certains égards nous sommes
d'accord. Mais il faut éviter les solutions
hâtives, et puisque nous voulons avant tout
être dans la vérité, nous
devons chercher ce que l'Écriture en
pense.
Nous nous trouvons en face de passages
dont les uns recommandent la forme d'amour qu'on
appelle l'hospitalité, et les autres
traitent de la communion fraternelle.
Parmi les premiers mentionnons tout
d'abord I
Pierre IV, 9 ; Rom.
XII, 13 ; Héb.
XIII, 2 ;
« exercez l'hospitalité sans
murmures », « soyez
hospitaliers », « n'oubliez pas
d'exercer l'hospitalité ». Depuis
le temps où les apôtres parlaient
ainsi, les conditions d'existence ont bien
changé. Jadis il n'y avait pour ainsi dire
pas d'auberges. Le cercle de la famille s'ouvrait
au voyageur et à l'étranger ;
les milieux chrétiens étaient
largement hospitaliers ; le foyer était
l'hôtel des frères en la foi, et
souvent le croyant devait sacrifier
l'intimité de la famille à un
abandonné, à un
persécuté.
Tout a changé dès lors.
Les hôteliers accomplissent par métier
ce commandement chrétien ; nous savons
comment la plupart entendent cette
hospitalité, à quel
prix les portes s'ouvrent, quel esprit règne
dans leurs maisons.
Parce que les circonstances se sont
modifiées, cette vertu si prisée dans
le Nouveau Testament doit-elle tomber en
désuétude, ne plus être
pratiquée que dans des cas
exceptionnels ? certainement pas !
Aujourd'hui comme jadis le cercle de famille, qui
est le type de l'association, créé
par Dieu lui-même et que l'Écriture
considère comme une puissance pour
protéger, bénir, fortifier, doit
exercer son action au dehors. Il ne s'agit plus
tant de voyageurs et d'étrangers que
d'isolés qui, arrachés à leur
milieu familial sont exposés à des
souffles délétères.
Nous trouvons une exhortation analogue
dans la parole de Jésus :
« Quand tu fais un dîner ou un
souper, n'invite pas tes amis, ni tes
frères, ni tes parents, ni des voisins
riches, de peur qu'eux aussi ne t'invitent et que
tu n'aies ta récompense. Mais quand tu
donnes un festin, invite des pauvres, des infirmes,
des boiteux, des aveugles ; et tu seras
heureux, parce qu'ils ne peuvent te rendre la
pareille ; tu auras ta récompense
à la résurrection des
justes. » Luc
XIV, 12-14.
Le Seigneur nous demande de renoncer
à une des plus douces joies, à celle
d'être assis à table avec nos
égaux. Il nous fait un devoir d'offrir
à des inconnus, sans vie de famille, ce que
nous offririons à des amis. On passe
volontiers là-dessus, je le sais, sous
prétexte que, de nos jours, cela est
impossible, ou bien on déclare que cet ordre
du maître est accompli, au mieux, dans les
hôpitaux où l'on soigne les malades et
dans les cuisines populaires qui subviennent aux
besoins des pauvres.
Certes ces institutions font de grandes
choses et elles sont un fruit de l'amour
chrétien. Mais l'Écriture nous parle
du devoir de l'hospitalité, qui a pour objet
une foule d'hommes que les hôpitaux ne
reçoivent pas, et elle veut nous voir agir
sur le coeur de nos frères
isolés.
La Sainte Écriture connaît
donc à côté de l'aumône
et des soins matériels, une activité
dont le coeur est l'objet et dont le point de
départ est le foyer, la famille.
Les autres passages à
considérer traitent de la communion
fraternelle. Ils sont nombreux. Tout d'abord : Actes
II, 42 et 44: « Ils
persévéraient... dans
l'union » et « ils
étaient en un même lieu ».
Une des manifestations de la vie dans la
première communauté chrétienne
fut donc, outre la doctrine apostolique, le repas
de la Cène et la prière, la communion
fraternelle présentée comme un
véritable moyen de grâce. Citons
encore I
Thess. V, 11 et Héb.
III, 13 :
« Exhortez-vous les uns les
autres » et « exhortez-vous les
uns les autres chaque jour », où
le devoir de l'action par la parole est
présenté comme le devoir de tous.
L'Eglise considère donc la communion
fraternelle et l'exhortation mutuelle comme une
grande tâche vis-à-vis des âmes
nouvellement converties. Sans ce contact, il n'y a
pas de vie.
On me dira : « Est-il
possible de grouper ainsi les âmes à
sauver ? » Nous
répondons : oui, car nous n'avons pas
devant nous des païens ou des juifs, mais des
hommes élevés dans le christianisme,
dont toutes les vies sont à peu près
au même niveau. Plusieurs de ceux qui se
tiennent encore à distance, ressemblent aux
tièdes de l'Église primitive, qui
avaient leur place dans la communauté.
Il est nécessaire et voulu de
Dieu que l'Eglise, à côté des
assemblées de croyants proprement dits,
réunisse ceux qui sont encore aux
débuts de la vie chrétienne et qui
consentent - j'appuye sur ce mot - à se
grouper. Les associations ainsi formées
seront la base d'une activité
chrétienne collective.
Ainsi cette activité est produite
par le concours de la famille et de la
communauté chrétienne.
Si donc l'Écriture n'en parle pas
en termes exprès, l'association
chrétienne est la réalisation de
pensées profondément bibliques qui
resteraient mortes sans cette association
même.
En effet, quand la famille
chrétienne veut prendre à la lettre
les devoirs de l'hospitalité, ne vient-elle
pas se heurter à des obstacles
sérieux ? L'Eglise, de son
côté, a de la peine, dans son
état actuel, à pratiquer la communion
fraternelle ; voilà pourquoi des hommes
de bonne volonté, représentant
l'Église et la famille, se sont
groupés pour faire profiter autant de gens
que possible des bénédictions de ces
deux créations divines.
Soit donc qu'on pense à
l'être intime que nous savons si bien
cultiver chez nos enfants, soit qu'on veuille
répondre au besoin de société
qui est en tout homme, l'association
chrétienne est bonne et voulue de Dieu. Elle
est une forme de l'éducation
chrétienne ; elle rappelle le
groupement des disciples de Jean-Baptiste et du
Seigneur avec leur valeur préparatoire. Tout
en participant de la vie de famille et de la
communion fraternelle, elle n'est ni l'une ni
l'autre.
L'association chrétienne est une
de ces forces que l'amour,
ingénieux dans tous les siècles, a
offert à l'Eglise pour lui permettre de
mieux remplir sa tâche. De même que les
cloches, les tours de nos cathédrales, les
chaires sont des inventions pratiques qui furent
jadis des nouveautés ; de même
que l'instruction religieuse avec sa
cérémonie d'admission fut, un temps,
quelque chose d'inédit, l'association
chrétienne, avec ses résultats, doit
être considérée comme une
application nouvelle de l'ancien amour
chrétien, toujours au service de
l'Eglise.
Le XVIlle siècle nous a
donné l'exemple de deux communautés
organisées et étroitement unies
à l'Eglise : les frères moraves
et les wesleyens.
Après ces quelques remarques,
nous dirons donc aux frères qui font des
objections au système des associations
chrétiennes : nous vous
concédons que cette espèce de
fraternité entre hommes non
régénérés par l'Esprit,
n'est pas fréquente dans le Nouveau
Testament et que, si la sagesse fait défaut,
elle est accompagnée de dangers
nombreux ; nous reconnaissons aussi que notre
époque est une époque de
déchéance et que nous ne pouvons pas
attendre une conversion du peuple en masse, mais
reconnaissons, nous aussi, le droit de
témoigner tout l'amour possible à nos
contemporains que tant de dangers et de
difficultés environnent, et souffrez que
nous leur fassions part de tous les bienfaits dont
nous jouissons dans la vie de famille et
ailleurs.
Et à ceux qui approuvent ce
travail d'une collectivité nous
crions : Pensons avec une sollicitude
fraternelle, aux jeunes gens et aux hommes qui,
faibles et hésitants, sont attirés
par la vie de société et par la vie d'auberge, et
cherchons ce
que
nous pouvons faire pour eux.
Avant tout nous devons affirmer
ceci : le centre de toute l'activité
dont nous parlons est et restera la
prédication de l'Évangile, soutenue
par les prières de l'Eglise. Nous devons
toujours avoir au milieu de nous des hommes qui
disent avec les apôtres : « Il
ne convient pas que nous délaissions la
prédication de la parole de Dieu pour servir
aux tables ; c'est pourquoi choisissez parmi
vous sept hommes pleins du Saint-Esprit et de
sagesse auxquels nous confierons cette charge. Pour
nous, nous persévérerons dans la
prière et le ministère de la
parole. »
(Act.
VI).
Là et nulle part ailleurs est la
puissance de Dieu pour le salut des hommes. Tout
notre travail ne doit qu'appuyer cette action, et
ce caractère distinguera toujours notre
activité des aspirations purement
sociales.
Enfin si nous formulons des propositions
pratiques, qu'il soit entendu que c'est avant tout
l'esprit dans lequel nous travaillons et l'amour
dont nous sommes animés qui donnent de leur
valeur à une institution, à une
activité.
Nous n'avons donc, nous le
répétons, nullement le désir
d'innover, mais notre devoir est de vivifier,
affermir, compléter ce qui se fait
déjà dans l'Eglise, la mission
intérieure, les associations de jeunes gens
et les sociétés de tempérance.
Examinons tout d'abord ce que l'Eglise fait pour
le monde masculin.
Depuis 60 ans elle n'a rien
imaginé de bien nouveau. Tandis que
l'auberge se développait
parallèlement au besoin de
sociabilité et menaçait la vie de
famille, l'Eglise restait au même point.
Aujourd'hui, comme il y a 60 ans, elle a ses cultes
le matin, avec liturgie et chant, elle s'occupe de
l'instruction religieuse de la jeunesse et veille
à la cure d'âmes auprès des
malades et dans les familles. Tout cela peut
être abondamment béni comme par le
passé, quand les charges sont bien remplies.
Mais qu'a-t-elle organisé de spécial
pour protéger les familles, les parents, les
femmes auxquels l'auberge et les
sociétés enlèvent les fils et
les maris? rien! or il y aurait place dans les
cadres de l'activité ecclésiastique
pour cette oeuvre de sauvetage.
Parlons tout d'abord des mesures
préventives possibles qui ont fait leurs
preuves:
a) intéresser les jeunes gens au
culte public. Dans ce but on peut fonder des
choeurs d'hommes, des choeurs mixtes ou des
fanfares pour jeunes hommes. La musique captive au
plus haut point la jeunesse. Pourquoi en laisser
l'étude aux instituteurs ou à des
amateurs quelconques qui font chanter ou jouer sans
but précis et élevé? C'est le
pasteur qui doit prendre ces jeunes sous sa
direction ou les confier à des directeurs
dévoués à l'Eglise. Les
exercices doivent avoir lieu chez le pasteur et non
pas à
l'auberge afin que tout se fasse avec ordre. Les
participants se sentiront utiles à l'Eglise
et peu à peu ils la considéreront
comme leur Église et l'aimeront.
b) intéresser les grands
garçons sortis de l'école et les
jeunes gens pieux à l'école du
dimanche. On peut les adjoindre aux moniteurs pour
maintenir la discipline ou pour surveiller les
groupes des petits.
c) Dans les dernières heures de
l'instruction religieuse il faudrait avertir les
garçons des dangers de la vie d'auberge, les
exhorter à réagir avec
décision, contre ces mauvaises habitudes,
à fuir les cafés et à se
joindre de tout coeur à l'union
chrétienne de jeunes gens. Voilà
comment il faudrait parler en particulier et du
haut de la chaire afin que nul n'ignore que le
pasteur approuve l'union chrétienne de
jeunes gens si souvent considérée
comme piétiste et sans lien avec l'Eglise,
et qu'à ses yeux elle n'est qu'une des
ramifications de l'Eglise.
d) Enfin encore ceci :
Une des plus grandes tâches de
l'Eglise est de tout essayer pour faire revenir au
culte un homme qui pendant des années s'est
tenu à l'écart. Une chose est
certaine : jamais il n'y reviendra sans un
motif spécial ; en effet, cette
assemblée, jadis publique, est devenue peu
à peu à ses yeux une réunion
de quelques habitués ; ce n'est plus
pour lui le culte public ; son apparition, il
le sait, fera jaser les voisins et les
fidèles. Plus son abstention est
invétérée, plus le retour lui
semble impossible.
Faut-il attendre des jours
meilleurs ? suffit-il de prier :
« que ton règne
vienne ? » nous bornerons nous à
gémir ?
dirons-nous : « les cloches sont
là pour rappeler à tous que le culte
est public, chacun peut y venir », etc.,
etc. ?
Nous contenterons-nous peut-être
pour nous tranquilliser de nombrer avec joie les
auditeurs des dimanches de fête ? Ah
non, car tout pasteur sérieux sait que, en
ces jours plus qu'en tout autre, le coeur de ses
auditeurs est doublement cuirassé de propre
justice et d'habitudes pieuses. Sur ce coeur
satisfait les paroles glissent.
Non ! à cet
égaré il faut témoigner de
l'amour ; il faut l'inviter, le presser, lui
frayer à nouveau le chemin de l'Eglise, lui
donner des occasions d'entendre encore la parole de
Dieu. Il est nécessaire de vaincre cette
résistance passive, qui est un des plus
grands obstacles aux conquêtes du
christianisme dans le monde masculin. Le moyen le
plus efficace est sans contredit : la
convocation de réunions extraordinaires
d'évangélisation qui permettent -
et c'est là un de leurs plus grands
avantages - d'inviter ces
réfractaires.
L'organisation extérieure de ces
assemblées est très simple, pourvu
qu'on soit plein d'amour et de foi joyeuse.
Quelques pasteurs s'entendent avec leurs
collègues du voisinage pour tenir de ces
séances, un dimanche soir, tantôt ici,
tantôt là - ou bien on annonce une
semaine entière de réunions du soir
dans lesquelles on entendra un pasteur des environs
ou un évangéliste itinérant
spécialement doué pour
l'évangélisation.
Dans ces occasions il n'est pas
difficile d'exhorter les membres fidèles
mais souvent timides, à inviter leurs voisins,
leurs
connaissances, leurs parents et à s'unir
pour demander une bénédiction de Dieu
sur cet effort de vivification de la
communauté.
De telles réunions devraient
avoir lieu au moins une fois l'an dans chaque
localité et autant que possible avec l'aide
du pasteur de la paroisse.
e) Nous connaissons un village où
le soir de Sylvestre est consacré à
une fête bénie. Voici le programme
dans ses grandes lignes : à 9 h. 3/4
sonnerie de cloches ; à 10 heures
ouverture du service divin : chant,
prière, lecture de quelques passages de la
Bible, rapport détaillé sur tous les
principaux événements de
l'année pour la paroisse, mention des cas de
mort frappants, des mariages, quelques nouvelles
personnelles ; à 10 h. 3/4 on offre le
thé et quelques pièces de
pâtisserie ; pendant ce temps un choeur
fait entendre ses plus beaux morceaux ;
à 11 h. 1/2 commence le discours de fin
d'année ; c'est un discours de
réveil. Il dure jusqu'à ce que,
à minuit, toute l'assemblée se
lève et chante : « Grand
Dieu, nous te bénissons » pour le
début de l'année nouvelle.
Cette coutume empruntée aux
frères moraves est bien faite pour faire une
impression durable et sérieuse sur des
jeunes gens. Cette nuit marque de son empreinte
leur joie de nouvel-an. Le pasteur peut se faire le
père, l'ami de ses auditeurs et commencer
l'année avec ses paroissiens.
f) Je veux encore mentionner la
fête des moissons comme elle est
célébrée dans la paroisse de
D. Quand tous les fruits sont rentrés, la
fête est annoncée huit jours à
l'avance du haut de la chaire. Le vendredi et le
samedi les gens de bonne volonté apportent
chez le pasteur leurs plus beaux
fruits. Le samedi soir la jeunesse dispose toutes
ces richesses autour de la table de communion. Les
sacs de pommes de terre forment la base de cette
pyramide dont le sommet est fait des plus beaux
fruits. Le tout est couvert de fleurs et des plus
lourds épis. Le dimanche matin la paroisse
entière est réjouie par cette
exposition. La prédication, les lectures
bibliques, les chants et les choeurs se rapportent
tous à la fête. L'après-midi
les anciens viennent et distribuent ces biens, avec
toute la sagesse et la prudence désirables,
aux pauvres de la paroisse.
Tout envoi est pourvu d'une
étiquette ; le lundi chacun vient
chercher sa ou ses corbeilles, et ainsi les plus
pauvres ont parfois les fruits les plus
beaux.
g) J'ai entendu parler de cultes du soir
qu'un pasteur allait tenir dans les endroits
reculés de sa paroisse, chez les plus
pauvres et les plus misérables. Ils furent
en bénédiction à plusieurs de
ces membres un peu craintifs.
En un mot, il faut veiller à ce
que rien ne soit négligé pour rendre
chère aux coeurs la maison de Dieu et pour
que toute la population y vienne chercher la
bénédiction de la parole de Dieu.
2. - Les missions intérieures et
urbaines.
Tous les vrais amis du peuple, convaincus du mal
que fait la vie d'auberge, soutiendront avec
énergie les efforts de la mission
intérieure.
Que de services elle a
déjà rendus ! Appuyez-la et elle
fera encore de grandes choses.
Outre la tâche spéciale des
visites à domicile et des visites de
malades, outre les réunions religieuses,
mentionnons ici les auxiliaires précieux que
l'on trouve dans toutes les institutions qui font
concurrence à la vie d'auberge : les
salles de lecture, les cafés de
tempérance, les concerts populaires gratuits
et les soirées de conversation. Tout cela
doit et peut être placé sous une
direction chrétienne. On verra alors que le
christianisme favorise la culture et la saine
sociabilité et qu'il est possible avec de la
bonne volonté et la
bénédiction de Dieu de se divertir
sans mordre aux appâts de la vie de
plaisir.
On fera bien de bannir de ces salles et
de ces réunions les jeux d'auberge :
cartes, quilles, billard. Il faudra aussi interdire
certains abus ; il ne sera pas permis par
exemple de jouer la consommation, et certains
divertissements seront mis de côté
à certaines heures le dimanche et les jours
ouvrables.
Ces institutions - il ne faut pas se le
dissimuler - parce qu'elles sont relativement en
dehors de l'action chrétienne directe, et
parce qu'elles n'offrent aux hommes que des
distractions, sans les grouper en associations
proprement dites, ces institutions ont une valeur
avant tout négative. Comme il n'est pas
facile de tenir tout ce monde en bride, il ne faut
pas trop compter sur elles pour faire avancer des
hommes dans la vie chrétienne.
On apportera, au contraire, beaucoup de
zèle à développer la vie de
famille, à l'embellir, en fournissant
gratuitement des lectures et des livres.
La mission intérieure urbaine
cherchera à créer le sens de l'épargne par la
création de caisses d'épargne qu'elle
rendra aussi accessibles que possible.
Une bénédiction
spéciale repose sur les invitations
adressées à un certain nombre
d'hommes qui se sont éloignés de
l'Eglise. Le repas sera simple. On les invitera
seuls ou avec leurs femmes, et l'occasion sera
propice de leur montrer clairement le chemin du
salut. Il faudra surtout avoir en vue les familles
inconnues, récemment
arrivées.
Je connais plusieurs cas, où des
hommes, tombés dans le vice et le
désordre, ont entendu de nouveau pour la
première fois, la parole de Dieu, à
un de ces repas, et l'amour de Christ leur a fait
une telle impression qu'ils ont fait dater de cette
heure leur conversion. L'un d'entre eux eut
à lutter avant de se décider à
accepter l'invitation. Les voisins l'en
déconseillaient. Ce n'étaient,
disaient-ils, que des mômeries ; quand
l'heure approcha ils l'attendirent sur la porte
pour le railler. Il alla quand même et fut
empoigné. Quelques pasteurs devraient
toujours assister à ces banquets, surtout
ceux qui savent atteindre la conscience et la faire
parler.
Il ne faut pas oublier ici les
travailleurs que leurs occupations
journalières empêchent d'assister aux
cultes ordinaires : En ville, les
employés de chemin de fer, les cochers de
fiacres, les valets d'écurie, les
sommeliers, les boulangers, les coiffeurs, etc. ;
à la campagne, les laitiers qui vendent le
lait en ville. Pour tous ces hommes il faut trouver
une heure favorable, quand même il n'y aurait
que celle de 11 heures à minuit, comme cela
se fait dans une de nos villes suisses pour les
cochers de
fiacre. Quiconque connaît les exigences des
affaires dans certaines classes, et là
difficulté avec laquelle on peut trouver les
gens chez eux, reconnaîtra que, dans
certaines circonstances, les disciples de Christ
doivent recourir à des moyens
extraordinaires. Nul ne doit être
oublié, non plus que négligé,
et c'est le zèle à triompher de tous
les obstacles qui prouve la
fidélité.
Sachons profiter aussi des maladies et
des deuils pour rendre les hommes attentifs aux
tristes conséquences de la vie d'auberge et
pour les amener aux associations
chrétiennes. Il est des heures où la
conscience parle si haut que toutes les
exhortations sont comprises et acceptées.
Les devoirs varient suivant les circonstances.
Plus on étudie ces dernières, plus on
veut travailler, plus aussi la collaboration
d'hommes et de femmes prêts au sacrifice
devient nécessaire. Le Seigneur le sait.
Partout où il voit des coeurs chauds
dépréoccupés de leurs
intérêts personnels, qui savent ouvrir
les yeux sur les misères autour d'eux, le
Seigneur éveille dans ces hommes des dons
qui sommeillent encore et les rend capables du
service qu'il leur a préparé.
Nos amis chrétiens qui aiment le
peuple, n'ont probablement aucune idée de
l'encouragement et de la joie que peut donner
à un pasteur ou à un
évangéliste, dans une réunion
de quartier ou dans une assemblée
extraordinaire, la présence d'un homme ou
d'une femme chrétiens dont la collaboration
est chose assurée. Leur
régularité est déjà
pour lui un réconfort ; pour peu qu'ils
donnent un conseil ou mettent la main à la
pâte, ils contribueront à créer
en ce pasteur un contentement d'esprit que la
résistance et les difficultés
n'abattent que trop souvent, et ainsi ils
accroîtront le courant des
bénédictions.
Permettez-moi un mot sur la grande
bénédiction qui résulte pour
tous, mais surtout pour les membres
cultivés, d'une collaboration effective aux
diverses activités
nécessaires.
Il y a dans notre monde cultivé,
parmi nos fils et nos filles, plusieurs bonnes
volontés qui volontiers se
dévoueraient à leurs frères,
mais elles manquent de direction et tout leur
zèle se consume dans les devoirs de famille
et de société. Souvent de belles
années et des talents utiles sont ainsi
gaspillés au service de quelques membres
repus d'un petit cercle de famille. Dans ces
milieux règne fréquemment la tyrannie
du bon ton et des convenances, qui empêche
des âmes bonnes et pieuses d'employer leurs
dons pour autrui. Il faut les libérer de ce
joug, et la mission intérieure peut y
contribuer par les services qu'elle
implore.
Plus d'une jeune fille pieuse jouerait
du piano ou chanterait volontiers devant de pauvres
gens auxquels elle ferait plaisir, plutôt que
de se produire entre deux tasses de thé,
dans un salon où on l'écoute à
peine. Avec quelle joie, elle, et deux ou trois de
ses compagnes ne consacreraient-elles pas un ou
deux soirs de la semaine à une
réunion, où elles trouveraient ceux
qui ne peuvent jamais les inviter à leur
tour, au lieu que leur vie se passe à devoir
accepter des invitations où il n'y a ni
bénédiction, ni profit, ni même
du plaisir ? Mais on
n'ose
écouter la voix de la pitié et faire
exception à la règle.
Quelle bénédiction pour un
instituteur ou un homme cultivé, qui
pourrait dire à ses camarades -
« Maintenant je n'ai plus de temps
à consacrer à ceci ou à
cela ; mes soirées sont prises par les
pauvres, les ignorants. » Quiconque veut
travailler dans la mission intérieure doit
se rendre compte que les soirées seules sont
propices et qu'il faut en donner une ou plusieurs
par semaine ; mais c'est
précisément dans le sacrifice de ses
soirées, d'ordinaire confortablement
passées en famille, que je vois la
réalisation du renoncement exigé par
Jésus de ses disciples. Luc
XIV, 12.
Outre la bénédiction
qu'apporte tout sacrifice, il y a celle que nous
donne la responsabilité
assumée ; toute responsabilité
fait du bien à l'homme. Au reste, c'est un
vrai réconfort de pouvoir répondre
à la vie superficielle et courante par ces
mots : « je ne puis me joindre
à vous, ma soirée est prise, J'ai mon
devoir ailleurs. »
Nos amis anglais l'ont compris, et c'est
là une des forces de l'oeuvre Mac All, en
France.
Encore un autre avantage de cette
activité variée au service de
l'amour : Les collaborateurs ont des
entretiens dans lesquels les discussions
religieuses ou les subtilités qui ont
toujours tant de charme, ou les cancans du jour
passent au second plan, pour laisser la place
à des conversations sur les joies et les
souffrances du travail commun.
Rien n'unit plus étroitement les
gens pieux qu'une activité commune. Les
difficultés d'un tel travail sont si
grandes, l'impuissance de la sagesse propre et de l'effort
si manifeste qu'on
sent
toujours le besoin de s'unir pour implorer de Dieu
les dons spirituels nécessaires.
Voici donc notre conclusion : les
besoins auxquels la mission intérieure vient
et doit répondre sont si pressants et si
variés que chaque chrétien, quelle
que soit sa position, doit leur consacrer une
partie de son temps et de ses dons. Que nul ne se
retire par mollesse, avarice ou indifférence
des saints devoirs de ce travail d'amour, sous
peine de se priver des plus grandes
bénédictions.
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