Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE IV

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Résurrection et Ascension de Jésus

133. La descente aux enfers.

 

Les quatre évangélistes qui nous ont retracé, dans les quatre Évangiles, la vie, les souffrances, la mort et la résurrection de Christ, ne nous disent rien de sa descente aux enfers. C'est qu'ils n'ont voulu nous apprendre, comme des témoins fidèles et véridiques, que ce qu'ils ont vu et entendu. Ils terminent leur récit de la mort de Christ au moment où son sépulcre est scellé, puis ils poursuivent le fil de l'histoire en racontant la résurrection du Seigneur le troisième jour. De même, l'apôtre Pierre, qui parle, dans son Épître, de la descente aux enfers, ne nous dit rien des circonstances dans lesquelles elle s'accomplit, ni des conséquences qu'elle eut. Il se borne à rapporter simplement les faits. Christ est mort selon la chair, mais il a été vivifié par l'Esprit par lequel il est allé prêcher aux esprits retenus en prison, qui autrefois avaient été incrédules lorsque, du temps de Noé, la patience de Dieu se prolongeait. - Dans ces paroles de l'apôtre, sont réunis en quelques mots les grands faits du salut - Crucifié, mort, descendu aux enfers et ressuscité. Et bientôt après il clôt cette série de faits par l'ascension : Qui est assis à la droite de Dieu, étant allé au ciel, et auquel les anges, les principautés et les puissances sont assujettis. Lorsque le Seigneur eut remis son esprit entre les mains du Père, lorsqu'il fut mort selon la chair, il fut immédiatement vivifié selon l'Esprit. Pendant qu'il reposait dans le sépulcre, sa vie ne fut pas détruite, sa personnalité ne fut pas anéantie. Il n'attendait pas non plus sa résurrection dans une morne oisiveté, comme s'il eût été lié de chaînes d'obscurité, mais il pénétra, par l'Esprit, dans l'empire des morts, et prêcha aux esprits retenus en prison.

« Il est descendu aux enfers. » C'est ainsi que le symbole des apôtres désigne cette apparition de Christ dans l'empire des morts. Par le terme d'enfer, l'écrivain sacré n'a pas en vue l'étang ardent de feu et de soufre, la seconde mort. Christ, après avoir expiré, est descendu dans le royaume des morts, qui est divisé en deux séjours, séparés l'un de l'autre par un infranchissable abîme, (Luc XVI, 23-26) : le Paradis ou le sein d'Abraham, dans lequel fut admis le brigand gracié, et le lieu des tourments, la prison. L'apôtre se borne à dire que le Seigneur est descendu aux enfers et a prêché aux esprits retenus dans la prison. Il ne parle ni du but, ni du contenu de cette prédication.

On a supposé, mais sans raisons puisées dans l'Écriture, que le Sauveur s'est montré aux damnés comme juge afin de s'affirmer comme vainqueur de la mort, de l'enfer et du diable. Mais il est plus probable, (et le terme de prêcher l'indique déjà), que le Seigneur est descendu aux Enfers pour annoncer l'Évangile à ceux qui étaient morts sans avoir entendu le message de grâce, la Bonne Nouvelle du salut, afin de leur fournir la possibilité de se décider pour ou contre ce salut ; de telle sorte que cette prédication devait être pour les morts, selon les dispositions de leurs coeurs, comme elle l'est pour les vivants : aux uns une odeur de vie pour la vie, aux autres une odeur de mort pour la mort.

Si nous réfléchissons que le salut et la condamnation dépendent exclusivement des dispositions du coeur humain à l'égard de Christ, l'Homme-Dieu, c'est-à-dire de la foi en lui ou de l'incrédulité, et que les hommes ne peuvent se décider pour lui ou contre lui, qu'après avoir entendu le message de grâce nous ne saurions douter que le Dieu de miséricorde ne prenne une disposition quelconque pour que l'Évangile soit porté à toutes les âmes avant le dernier jugement, afin de les mettre à même de l'accepter ou de le rejeter. Quant à la manière dont ceux qui ne l'ont pas entendu sur la terre, l'entendent après la descente de Jésus aux Enfers, cela ne nous est pas indiqué. Une chose est certaine toutefois : c'est que Christ n'a pu descendre aux Enfers afin de prendre sur lui, en manière de supplément, les tourments des damnés, après l'oeuvre parfaite de délivrance qu'il a accomplie ; car ces tourments, il les a subis en Gethsémané et pendant les sombres heures de la croix.

Il est tout aussi certain qu'on ne trouve dans l'Écriture aucun fait établissant la doctrine d'un Purgatoire, d'après laquelle les âmes de ceux qui, bien que morts dans la foi de l'Église, n'auraient pas subi toutes les peines qu'elle leur a imposées pour leurs péchés, devraient, après leur mort, passer par un feu purificateur, où les péchés qui n'auraient pas été expiés fussent consumés. Cette doctrine enseigne que les âmes resteront plus ou moins longtemps dans ce feu, selon le degré de leur culpabilité ; mais que leurs tourments peuvent être abrégés par des messes, et par des prières gratuites ou payées. Cette légende se heurte aux déclarations de l'Écriture, et est contraire au parfait sacrifice de réconciliation accompli en Golgotha.

Quant à ce que Pierre, dans le passage cité, ne parle que de ceux qui ont été rebelles du temps de Noé, cela ne signifie pas que ceux-là durent seuls profiter de la prédication du Sauveur victorieux. L'apôtre les cite comme un exemple parmi tous les autres rebelles, parce qu'ils furent les premiers à subir les jugements et les châtiments divins, lorsque toute chair eut corrompu sa voie sur la terre, et que personne ne voulait plus se laisser reprendre par l'Esprit de Dieu. Du reste, l'Écriture nous représente le déluge comme une image du dernier et terrible jugement où le courroux céleste consumera les adversaires. - La prédication de l'Homme-Dieu avec sa double vertu, adressée aux esprits retenus dans la prison, nous offre à nous, pour lesquels le temps de grâce n'est pas encore écoulé, un sérieux avertissement et une douce consolation. Les moyens de grâce nous sont accordés à nous, membres de l'Église chrétienne, afin que nous en fassions un fidèle usage pendant cette vie. Nous avons la Parole de Dieu, le baptême et la sainte Cène, nous avons les jours de fêtes avec leurs belles cérémonies, nous avons la communion des saints. C'est pourquoi hâlons-nous de travailler au salut de nos âmes. Car ceux qui, ayant entendu l'Évangile ici-bas, l'ont rejeté, espéreraient en vain pouvoir se convertir dans l'autre vie. Après la mort suit le jugement. D'un autre côté, ce qui nous console pendant cette vie, c'est que, pour le miséricordieux amour de l'Homme-Dieu, il n'y a pas de profondeurs si grandes, pas d'abîmes si abruptes où il ne consente à descendre pour chercher sa brebis perdue et la sauver ; il n'y a pas de vallée si sombre qu'il ne puisse éclairer de la lumière de la vie, il n'y a pas de prison si bien fermée et verrouillée qu'il ne puisse ouvrir et dont il ne puisse retirer les prisonniers pour prix de ses souffrances - à la condition toutefois qu'ils ne lui résistent pas.



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134. Résurrection de Jésus.

 

La résurrection du Seigneur Jésus est le dernier témoignage qu'il est bien l'Envoyé du Père. Elle est le sceau officiel de son oeuvre de réconciliation. Elle prouve qu'il n'est pas mort comme les autres hommes à cause de ses péchés, mais qu'il a livré sa vie en sacrifice expiatoire pour les péchés de l'humanité, et que le Père a accepté ce sacrifice. Comme la réconciliation est accomplie par la mort de Christ, de même aussi la justification est opérée par sa résurrection (Rom. VII, 24 ; 1 Cor. XV, 17). C'est sur cette résurrection que l'Église de Christ est fondée. « Si Christ n'est pas ressuscité, notre foi est vaine et nous sommes encore dans nos péchés. » C'est par la résurrection de Christ que Dieu nous a fait renaître, en nous donnant une espérance vive de posséder l'héritage qui ne se peut ni souiller, ni corrompre, ni flétrir. Comme Christ est mort pour nos péchés, de même il est ressuscité pour notre justification.

La résurrection de Jésus-Christ n'est pas seulement pour nous une attestation de sa toute-puissance, de sa victoire sur la mort, de sa divinité ; mais aussi la preuve qu'en Golgotha la justice de Dieu a été satisfaite, et que maintenant il peut laisser son libre cours à sa grâce. En Golgotha, le Seigneur meurt comme l'Agneau de Dieu qui porte les péchés du monde. Il sort du tombeau comme le lion de Juda qui a vaincu. Le Vendredi saint, il expie les péchés de l'humanité ; le jour de Pâques, il nous justifie et nous rend agréables à Dieu dans son Bien-aimé. Le Vendredi saint, il fait l'expiation universelle pour tous les hommes ; le jour de Pâques, il nous apporte le pardon universel. Si donc, coeur chrétien, tu es rempli d'une tristesse selon Dieu, parce que Christ a souffert et est mort pour tes péchés, n'aie aucune crainte : la résurrection te montre que Dieu a accepté la satisfaction de son Fils au lieu de celle que tu lui devais, et qu'une grâce réparatrice est réservée pour toi. Approche avec foi et il le sera fait selon que tu as cru !

La brillante aurore de l'éternelle grâce de Dieu s'est répandue sur le jour de Pâques. Le Ressuscité est là comme le Prince de la vie, comme le Maître de l'avenir, comme le Roi qui a le droit de vaincre par la grâce. Maintenant on célèbre ce jour de victoire dans les tabernacles des justes : La droite de l'Éternel est haut élevée, la droite de l'Éternel fait vertu. La mort est engloutie pour toujours !

O mort, où est ton aiguillon, ô sépulcre, où est ta victoire ! Grâces à Dieu qui nous a donné la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ !



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135. Le matin de Pâques.


Plusieurs centaines d'hommes ont vu mourir le Seigneur. Aucun oeil humain ne l'a vu sortir vivant du tombeau. Même plus tard il ne s'est pas montré à la foule, mais seulement aux témoins qu'il avait choisis, aux croyants. Et il devait en être ainsi. L'homme inconverti peut bien voir ce que les péchés des hommes ont produit. Les damnés eux-mêmes verront celui qu'ils ont percé. Mais l'oeil de la foi seul peut contempler les miracles de la grâce de Dieu.

Après que le sabbat fut passé, Marie Madeleine et Marie mère de Jacques et Salomé achetèrent des drogues aromatiques pour venir embaumer le corps de Jésus. Et elles vinrent au sépulcre de grand matin, le premier jour de la semaine, comme le soleil venait de se lever. Et elles disaient entre elles : Qui nous roulera la pierre qui ferme l'entrée du sépulcre ? Ces pieuses femmes viennent au sépulcre pour embaumer le corps de Jésus ; elles veulent encore l'honorer après sa mort. Elles ne réfléchissent pas que s'il était resté dans le sépulcre, il ne mériterait pas les honneurs qu'elles voulaient lui rendre. Elles ne réfléchissent pas non plus que s'il était ce qu'il disait être, c'est-à-dire le Fils de Dieu, leurs drogues aromatiques étaient complètement superflues. Cependant leur démarche nous réjouit. Elles donnent avec joie tout ce qu'elles possèdent pour l'amour de Jésus. Ces biens n'ont de valeur à leurs yeux que parce qu'elles peuvent lui en faire hommage C'est à cela que nous reconnaissons la constance de leur amour. Le matin, de bonne heure, avant le lever du soleil, elles se lèvent. Elles ne savaient pas que le Soleil de la grâce était déjà levé. Dans leur empressement à honorer Jésus, elles avaient oublié la grande pierre qui fermait l'entrée du sépulcre. Si elles y avaient pensé, elles seraient peut-être restées chez elles, et elles n'auraient pas reçu le message des Anges. Elles se demandent bien avec inquiétude : Qui nous roulera la pierre qui ferme l'entrée du sépulcre ? Mais elles n'en continuent pas moins à avancer. Et il se fit un grand tremblement de terre, car un ange du Seigneur descendit du ciel et vint rouler la pierre qui était devant l'entrée du sépulcre. Son visage était comme un éclair, et son vêtement était blanc comme la neige. Un tremblement de terre fut le glas funèbre qui se fit entendre à la mort du Seigneur ; un tremblement de terre fut la cloche triomphale qui retentit à sa résurrection.

Et ayant regardé, elles virent que la pierre avait été ôtée. Or, elle était fort grande. Puis étant entrées, elles virent un jeune homme assis du côté droit, vêtu d'une robe blanche, et elles en furent épouvantées. Quiconque cherche sérieusement, peut être assuré de voir ses efforts couronnés de succès. Bien que ces femmes soient effrayées et tremblantes à la vue de l'ange, elles n'en reçoivent pas moins de sa bouche la joyeuse nouvelle, car il leur dit : Ne vous effrayez point ; vous cherchez Jésus de Nazareth qui a été crucifié ; il est ressuscité ; il n'est plus ici ; voyez le lieu où on l'avait mis. Quiconque cherche Jésus crucifié, est amené à Jésus ressuscité. Si un homme n'a jamais mené deuil sur ses péchés : s'il n'a jamais pensé avec un coeur brisé aux fautes qu'il a commises pendant sa vie, il est plus difficile de lui faire comprendre la joie de Pâques que de donner à un aveugle une idée des couleurs. Mais allez et dites à ses disciples et à Pierre qu'il s'en va devant vous en Galilée. Vous le verrez là comme il vous l'a dit. Le Seigneur se souvient avec un tendre amour des larmes de Pierre. C'est pourquoi il lui fait promptement annoncer la consolante nouvelle qu'il est aussi ressuscité pour lui. Et elles sortirent aussitôt du sépulcre et elles s'enfuirent, car elles étaient saisies de crainte, et elles n'en dirent rien à personne, tant elles étaient effrayées. Les femmes sont tellement saisies de l'étrangeté et de la grandeur de ce qu'elles viennent d'entendre, qu'elles sont complètement hors d'elles-mêmes, et ne font part à personne de ce qu'elles ont appris.

Marie-Madeleine reste seule dans le jardin de Joseph d'Arimathée tandis que les autres femmes s'éloignent pour chercher les disciples. Bientôt elle vit arriver Pierre et Jean. Ils avaient été effrayés par le tremblement de terre et étaient accourus au sépulcre où leur Bien-Aimé avait été déposé. En se rappelant le tremblement de terre qui avait signalé la mort de Jésus, ils avaient sans doute un vague pressentiment que le Tout-puissant les avertissait, par cet événement, de se diriger vers le tombeau du Sauveur. Marie leur dit : On a enlevé du sépulcre le Seigneur, et nous ne savons où on l'a mis. Pierre, malgré sa chute, n'avait pas été abandonné de ses condisciples. Son repentir, son coeur brisé, avait éveillé toute leur sympathie. Ils l'entouraient de leur affection, surtout Jean. Tous deux se rendent au sépulcre. Jean courut plus vite que Pierre, dont le coeur attristé appesantissait les pas. Jean arriva le premier au sépulcre, et s'étant baissé, il vit les linges qui étaient à terre, mais il n'y entra point. Mais Simon Pierre, qui le suivait, étant arrivé, entra dans le sépulcre et vit les linges qui étaient à terre, et le linge qu'on avait mis sur la tête n'était pas avec les autres, mais il était plié en un lieu à part. Ces détails indiquent, non qu'on avait enlevé le Seigneur, mais qu'on l'avait servi. Ainsi le soupçon de Marie n'était pas fondé. Pierre regarde, mais il ne s'explique rien ; il accepte le miracle tel qu'il se présente à lui. Alors Jean y entra aussi et il vit et il crut que le Seigneur était ressuscité.
Honteux d'avoir été amené à la foi par la vue des suaires, il ajoute dans son Évangile : Car il n'avait pas encore bien entendu ce que l'Écriture dit qu'il fallait que Jésus ressuscitât des morts.

Pendant que Jean demeure pensif dans le sépulcre, Pierre sort dans le jardin. C'est probablement là que le Seigneur lui apparut. De quel regard enveloppa-t-il Pierre en ce moment ! et comme les yeux de Pierre durent se changer en deux sources de larmes ! Comme il dut se jeter aux pieds de Jésus en confessant sa faute ? Et le Seigneur, qui console ceux qui sont dans la douleur, aura posé ses mains percées sur la tête de son disciple et lui aura pardonné. Maintenant Pierre, reçu en grâce respire librement et avec bonheur : Le Seigneur ne le repousse pas ; il lui fait, à lui qui est si profondément tombé, un accueil plein d'amour. Luther, en parlant de cette rencontre du Sauveur avec Pierre, dit : Si j'étais peintre et que je dusse faire le portrait de Pierre, je peindrais sur chacun de ses cheveux ces paroles : « Je crois à la rémission des péchés. » Alors Pierre rejoignit Jean, et tous deux se rendirent vers les autres disciples.

Mais Marie se tenait dehors, près du sépulcre, en pleurant. Elle ne pouvait pas s'arracher de cette place et ses larmes coulaient abondamment. Une fois déjà, nous l'avons vue dans une attitude analogue. C'est lorsqu'elle pleurait aux pieds de Jésus, dans la maison de Simon le pharisien. Comme elle fut alors divinement restaurée, lorsque le Seigneur prononça sur elle une parole de paix ! Depuis ce moment, elle voyait le ciel ouvert. Elle vivait comme un heureux enfant de Dieu. Mais maintenant elle a une plaie au coeur. Le Sauveur, son Consolateur, l'auteur de sa paix, a été attaché à la croix et déposé dans le sépulcre. Elle ne peut pas même témoigner son amour à son corps, devenu la proie de la mort. Elle est là, dans le plus profond abattement et dans un complet anéantissement, parce que Jésus était absolument tout pour elle. Les larmes qu'elle répand, sont les larmes d'une amère douleur et d'un ardent désir.

Tout en pleurant, elle se baissa pour regarder dans le sépulcre, et elle vit deux anges vêtus de blanc, assis l'un à la tête et l'autre aux pieds du lieu où le corps de Jésus avait été couché. Et ils lui dirent : Femme, pourquoi pleures-tu ? Elle leur dit : Parce qu'on a enlevé mon Seigneur et je ne sais où on l'a mis. La tendre sympathie avec laquelle ces deux êtres célestes prennent part à la douleur de Marie baignée de larmes, ne doit pas nous étonner. Car ils sont envoyés dans le pays des larmes et de la souffrance, pour assister les enfants de Dieu qui doivent avoir l'héritage du salut. - Ce qui est étonnant, c'est que Marie ait pu entrer en conversation avec eux, sans être effrayée par cette apparition céleste, tandis qu'elle avait été épouvantée, lorsque, quelques instants auparavant, elle avait vu l'ange en même temps que les autres femmes. Cela tient à ce qu'elle était complètement absorbée par la douleur. Son coeur est rempli du souvenir de la vie et de la mort de Christ. En comparaison de ces faits, l'apparition des anges n'a plus rien d'extraordinaire. Même dans la mort, Jésus est son Seigneur. Si elle ne peut plus rien espérer du vivant, elle veut du moins ne pas se séparer du mort. Jésus a donné la paix à son coeur : c'est pourquoi toutes ses aspirations se concentrent sur lui. Tout le reste lui est indifférent. Les anges mêmes ne peuvent pas la rendre heureuse. Les anges ne sont après tout que des créatures, et son coeur a soif du Créateur.

Pendant qu'elle attend la réponse des anges, elle voit qu'ils se lèvent comme pour présenter leurs hommages à quelqu'un. Elle se retourne et voit Jésus qui était là ; mais elle ne savait pas que ce fût Jésus. Elle ne pouvait rien distinguer, parce que ses yeux étaient pleins de larmes. Jésus lui dit: Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? Elle, croyant que c'était le jardinier, lui dit : Seigneur, si tu l'as emporté, dis-moi où tu l'as mis, et j'irai le prendre. Marie craint encore une suite de l'histoire du crucifiement, et comme elle ne comprend pas encore le divin mystère de la croix, l'aspect du Ressuscité lui est encore étranger. Celui que son âme cherche, est devant elle, et elle ne le reconnaît pas. Il en est de même des âmes qui cherchent Jésus avec larmes. Marie parle de lui comme d'un absent. Elle ne prononce pas même son nom. Elle croit que Jésus doit être aussi précieux à ce prétendu jardinier qu'il l'est à elle-même, et qu'il ne peut penser à nul autre qu'à Jésus. De là l'idée lui vient que ce jardinier doit savoir où le précieux corps a été déposé. Elle veut aller le prendre, et dans l'ardeur de son amour, elle ne réfléchit pas que ses faibles forces seraient loin de suffire pour emporter un tel fardeau. Elle était sur le point de s'éloigner, lorsque Jésus lui dit : Marie ! Elle donc s'étant retournée, lui dit : Rabboni, c'est-à-dire : Mon Maître ! Celui qui sonde les coeurs, connaît de loin les pensées de sa servante, et le Sauveur songe à en guérir les plaies. C'est pourquoi il ne laisse pas tomber le voile qui le couvre, afin de ne pas lui apparaître dans toute la gloire de sa divine majesté. Elle serait tombée comme morte à ses pieds, ainsi que cela arriva plus tard à saint Jean (Apoc. I, 17).

L'ami de nos âmes a un autre moyen de se manifester au plus profond de nos coeurs. Ce moyen, c'est sa voix que nous percevons dans sa Parole. Il nomme sa pauvre servante par son nom : Marie ! Que de fois n'a-t-elle pas entendu ce nom sortir d'autres bouches ! Mais lorsque Jésus l'avait appelée pour la première fois, il avait calmé son coeur et donné la paix à son âme. Alors il l'avait marquée sur la paume de sa main, et elle, en lui donnant son coeur, lui avait dit : « Tu es à moi ! » Nul ne pouvait prononcer son nom comme Jésus : Marie ! Ce son devait être particulier à la voix du Sauveur. Alors se renouvelait dans son coeur ce qu'elle avait éprouvé en cet heureux moment de sa vie où elle s'était trouvée en contact avec lui. L'oreille et le coeur de Marie sont ouverts pour entendre la Parole de Jésus : « Mes brebis entendent ma voix. » « Quiconque est pont, la vérité écoute ma voix. » Il est évident qu'en ce moment Marie reconnaît la voix de Jésus. Le voile de tristesse qui enveloppait son âme est déchiré, et le soleil de la grâce jette un doux et brillant rayon dans son coeur. Ce seul mot : Marie ! lui ouvrit tout un monde d'amour, de grâce et de gloire.

Le Bon Berger a trouvé le coeur de sa brebis. Quant à elle, elle s'incline d'un coeur plein d'allégresse, et, tremblante de joie, elle l'adore. Dans l'excès de son émotion, elle ne peut prononcer qu'un mot, celui par lequel elle a constamment invoqué son Seigneur : « Rabboni ! c'est-à-dire mon Maître ! » Mais il suffit parfaitement pour nous faire connaître l'état de son âme. Malgré la puissante émotion de son coeur, elle demeure cependant absolument calme.

Nul doute que toute trace du crucifiement n'eût disparu de la personne du Ressuscité, et que quelque chose de la gloire de la transfiguration ne fût répandu sur ses traits. - Toutefois, Marie ne voit rien de fantastique dans ce Roi de Pâques revenu à la vie. Elle a retrouvé son Sauveur, elle a reconnu son Seigneur bien-aimé, dont la Parole de vie a rempli son âme de paix, et aux pieds duquel, à l'instar de Marie de Béthanie, elle a si souvent écouté la Parole du royaume des cieux. Les choses sont pour elle comme s'il n'y avait eu ni croix ni mort ; comme si elle eût été transportée au temps où, altérée et attentive, elle était suspendue aux lèvres du Maître, buvant les paroles de vie qui sortaient de sa bouche. De là le seul moi auquel elle était habituée et qui trahissait la familiarité de son commerce avec lui : Rabboni ! Mon Maître !

Marie veut lui baiser les pieds ; mais Jésus lui dit : Ne me touche point. Je ne suis pas encore monté vers mon Père. Marie s'abandonne tout entière à la joie du moment. Elle pense que les relations qui avaient existé jusqu'à la mort de Jésus entre lui et ses disciples, doivent simplement être reprises. Jésus s'y oppose. Il ne faut pas que Marie s'attache à cette apparition corporelle et visible. Il faut qu'elle éloigne d'elle la pensée que le travail de Jésus sur la terre doive continuer, que le Seigneur va de nouveau manger et boire avec ses disciples, aller de lieu en lieu pour prêcher et faire des miracles. Cette oeuvre est terminée. Il est ressuscité pour aller au Père, pour fonder son royaume et conduire les siens du haut de son trône de gloire. Marie ne doit pas se contenter du mince bonheur de l'embrasser au moment où il lui apparaît sous une forme, visible ; elle doit apprendre à le toucher avec la main de la foi et avec des lèvres qui chantent ses louanges.

Mais va vers mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. Ce nom de frère, sorti de la bouche du Ressuscité, est extrêmement précieux pour tout pécheur reçu en grâce. Ainsi, même après avoir arraché à la mort sa puissance, même après être sorti du tombeau comme Prince de la vie, même après avoir repris possession de son trône comme dominateur du monde, il n'a pas honte de se nommer notre frère. Un coeur de frère sur le trône de Dieu ! quelle consolation ! quel honneur, quel puissant motif, pour notre coeur, de se confier en lui sans réserve et pour l'éternité !

Marie Madeleine vint annoncer aux disciples qu'elle avait vu le Seigneur et qu'il lui avait dit cela. Quiconque a trouvé Jésus dans la foi, est aussitôt consacré à son service pour lui rendre témoignage. Quiconque a trouvé en Jésus la paix de son coeur, devient aussitôt un messager de salut pour annoncer la paix aux coeurs qui en sont encore privés. Quant aux messagers eux-mêmes, ce qui est précieux pour eux, c'est de pouvoir dire : « J'ai vu le Seigneur et il m'a dit cela. »

Quant aux autres femmes, l'ange leur a annoncé qu'elles verraient le Seigneur en Galilée. Mais ce compatissant Sauveur voit bien que ces pauvres femmes sont ballottées entre la crainte et l'espérance. Elles voudraient bien croire, mais elles n'osent pas. Elles sont chargées d'annoncer aux disciples la résurrection de leur Maître, et elles-mêmes n'ont pas encore eu la joie d'en être pleinement convaincues. Ceci attriste le Seigneur. C'est pourquoi il va au-devant d'elles, avant qu'elles soient entrées dans la ville et leur dit : Je vous salue. Elles le reconnurent immédiatement, s'approchèrent, de lui, se prosternèrent devant lui et l'adorèrent. Elles lui embrassèrent les pieds et il les laissa faire. Il leur dit même : Ne craignez point.

Ainsi le Ressuscité traite ces femmes autrement qu'il n'avait traité Marie. C'est qu'il agit avec chacun selon ses besoins. Il permet à ces femmes de toucher son corps, comme plus tard aux disciples, afin qu'elles puissent se convaincre que c'est bien lui. Il défend à Marie de le toucher, puisqu'elle ne doutait nullement que celui qu'elle avait devant elle, ne fût bien le même dont la présence visible avait été sa consolation, sa paix, le bonheur de sa vie. Mais sa résurrection lui rappelait le passé, et elle aurait voulu renouer simplement le fil de ses anciennes relations avec lui. C'est pourquoi le Seigneur ne lui permet pas de le toucher, et exige d'elle qu'elle l'adore en esprit et en vérité. Les autres femmes voyaient dans l'apparition du Ressuscité quelque chose de fantastique, comme les disciples auxquels il se montre le soir du même jour et qui furent effrayés, croyant voir un esprit, tellement qu'il est obligé de leur rappeler qu'un esprit n'a ni chair ni os. Il faut que les femmes reconnaissent clairement dans le Ressuscité celui-là même qui, sous la forme de serviteur, a habité parmi nous, et qui par son enseignement et son amour, par ses souffrances et sa mort, a consommé, l'oeuvre de leur salut. C'est pourquoi il les engage à le toucher.

Allez et dites à mes frères de se rendre en Galilée et que c'est là qu'ils me verront. Ainsi Marie ne s'était pas trompée, lorsqu'elle avait entendu Jésus donner à ses disciples le titre de frères ; les autres femmes avaient entendu la même parole consolante et pouvaient témoigner que Marie avait dit la vérité. Et Marie et les autres femmes allèrent ensemble l'annoncer aux disciples et à tous ceux qui étaient réunis avec eux. Mais ce qu'elles leur disaient leur parut un rêve et ils ne les crurent point.

Le fait que Pierre fut le premier homme et Marie la première femme auxquels le Seigneur apparut après sa résurrection, et non à Jean ou à Marie sa mère, ce fait est une preuve que, pour accorder sa grâce réparatrice, il se règle non sur ses sympathies personnelles, mais sur les besoins des âmes, et qu'il s'attache avant tout à guérir les coeurs froissés et brisés.



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136. Le soir de Pâques.


Dans l'après-midi du jour de Pâques, deux disciples se rendaient à un bourg appelé Emmaüs, éloigné de Jérusalem de soixante stades. Ils n'avaient pu rester plus longtemps dans la ville qui tue les prophètes. Et ils s'entretenaient entre eux de tout ce qui était arrivé. Les plus chères espérances de leur vie avaient été brisées en Golgotha. Le royaume de Dieu semblait réduit en poussière ; les ennemis triomphaient ; tout paraissait perdu. Et cependant ils ne pouvaient oublier Jésus. Leurs coeurs lui étaient tellement attachés, que tout ce qui lui était arrivé se répercutait en eux. Jésus était mort sur la croix, et dans leurs coeurs il n'y avait non plus que mort et tristesse. Heureusement que chacun d'eux n'était pas obligé de garder son chagrin en lui-même, mais qu'ils pouvaient se communiquer réciproquement leurs impressions.

Là où des âmes s'entretiennent du Seigneur, Jésus se trouve entier au milieu d'elles. Son oreille est tellement attentive à chaque plainte dont il est l'objet, qu'elle pénètre aussitôt son coeur. Comme ils s'entretenaient et qu'ils raisonnaient ensemble, Jésus lui-même s'étant approché, se mit à marcher avec eux, mais leurs yeux étaient retenus, en sorte qu'ils ne le reconnaissaient point. Il est fidèle et tient sa promesse : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux » - même lorsqu'on ne le voit pas des yeux du corps. Et il leur dit : De quoi vous entretenez-vous en chemin et pourquoi êtes-vous si tristes ? Il commence par les engager à parler, afin de les préparer à l'écouter. Pour que la Parole de Dieu guérisse notre coeur et le remplisse de consolations et de force, il faut d'abord que nous le répandions devant le Seigneur.

L'un d'eux, nommé Cléopas, lui répondit : Es-tu le seul si étranger à Jérusalem, que tu ne saches pas les choses qui s'y sont passées ces jours-ci ? Et il leur dit : Et quoi ? Ils lui répondirent : Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth, qui était un prophète puissant en paroles et en oeuvres devant Dieu et devant tout le peuple, et comment les principaux sacrificateurs et nos magistrats l'ont livré pour être condamné à mort et l'ont crucifié. On voit ici le fond du coeur de ces hommes : combien ils étaient intimement unis à leur Maître, et combien, malgré toutes leurs faiblesses et toutes leurs souffrances, ils tenaient à lui. La parole qu'il leur avait annoncée était toujours pour eux l'immuable vérité de Dieu, et le souvenir des oeuvres qu'il avait faites, demeurait gravé dans leur esprit. Ils ne trouvent point de consolations hors de lui. Leur coeur lui appartient maintenant comme auparavant.

Or, nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël. Le Seigneur avait réellement opéré la délivrance sur la croix mais il l'avait fait autrement que les disciples ne l'attendaient. - Si nos voeux et nos espérances étaient mieux d'accord avec l'Écriture, nous aurions beaucoup moins de sujets de plaintes. Il est vrai que quelques femmes, de celles qui étaient avec nous, nous ont fort étonnés. Car, étant allées de grand matin au sépulcre, et n'y ayant pas trouvé son corps, elles sont venues dire que des anges leur étaient apparus et leur avaient dit qu'il vivait. Et quelques-uns des nôtres sont allés au sépulcre et ont trouvé les choses comme les femmes l'avaient dit ; mais ils ne l'ont point vu. Comme le coeur humain est prudent lorsqu'il s'agit de croire à la Parole et de recevoir le joyeux message de l'Évangile ! Il ne résiste pas aussi longtemps à l'attrait du péché et des plaisirs mondains ; il y mord promptement.

Maintenant que les disciples se sont franchement exprimés devant lui, le Seigneur prend la parole : 0 gens sans intelligence et d'un coeur tardif à croire ce que les prophètes ont dit ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces choses et qu'il entrât ainsi dans sa gloire ? Jésus s'est joint à ses disciples pour consoler leurs coeurs désolés. Toutefois, il commence par les reprendre. C'est ainsi qu'il agit encore aujourd'hui, afin que sa Parole éveille la vie spirituelle dans les âmes, et qu'un feu céleste s'allume dans les coeurs.

Puis, commençant par Moïse et continuant par tous les prophètes, il leur expliquait dans toutes les Écritures ce qui le regardait. Il leur parlait de celui qui devait écraser la tête du serpent, d'Isaac qui portait lui-même le bois, de l'holocauste jusqu'au lieu où il devait être immolé. Moïse ne dit-il pas : Maudit soit quiconque est pendu au bois ? C'est ainsi que Christ attaché à la croix, nous a affranchis de la malédiction de la loi, avant été fait malédiction pour nous. Ésaïe ne dit-il pas : Il a été navré pour nos forfaits et froissé pour nos iniquités ; le châtiment qui nous apporte la paix est tombé sur lui, et c'est par ses meurtrissures que nous avons la guérison ? David ne dit-il pas par l'esprit prophétique : Ils ont partagé mes vêtements et jeté le sort sur ma robe ? Ils ont percé mes mains et mes pieds ? Zacharie ne dit-il pas ? Ils ont pesé combien il valait, trente pièces d'argent, et le traître a pris les trente pièces d'argent et les a jetées dans la maison de Dieu, afin qu'elles fussent données à un potier ? David ne dit-il pas au livre des Psaumes que Christ sera pendant un peu de temps abandonné de Dieu, mais qu'ensuite il sera couronné de gloire et d'honneur ? Ne dit-il pas au nom du Seigneur : Tu n'abandonneras pas mon âme an sépulcre et tu ne permettras pas que ton Saint sente la corruption ?

C'est ainsi qu'il leur expliquait les Écritures, reprenait leur incrédulité et éveillait en eux la foi à la Parole de Dieu. Leurs coeurs étaient calmés. Ils écoutaient avec une grande joie les discours du Seigneur. Car la foi n'est pas seulement une froide audition ou une simple adhésion de l'esprit ; elle est une nourriture vivante et fortifiante de l'âme. Cette absorption des paroles de Jésus par la foi, formait un lien solide autour de l'âme des disciples. Combien ce trajet les avait intimement unis à Jésus, bien qu'ils ne l'eussent pas reconnu, c'est ce dont ils s'aperçurent seulement lorsqu'ils approchèrent du lieu où ils allaient et que Jésus fit semblant d'aller plus loin. Ils le contraignirent de s'arrêter en lui disant : Demeure avec nous, car le soir commence à venir et le jour est sur son déclin. Il entra donc pour demeurer avec eux.

Ils ne pouvaient se séparer de lui. Avant de bien savoir ce que c'est qu'être séparé de Jésus, on croit pouvoir vivre sans lui, et l'on s'imagine volontiers qu'on lui rend service lorsqu'on lui fait l'honneur de s'occuper de lui. Mais lorsqu'on le retrouve après s'être éloigné de lui pendant quelque temps, alors une voix sortant des profondeurs de l'âme s'écrie « Je ne me séparerai jamais de toi ! Seigneur, demeure en moi ! La fatigue qu'on éprouve à entendre ou à lire la Parole de Dieu est une preuve qu'on n'a qu'une piété extérieure. Au contraire, lorsqu'on ne se lasse jamais d'écouter cette Parole, lorsqu'on trouve une saveur toujours nouvelle dans l'amour de Jésus, lorsque le désir de demeurer dans sa communion et de vivre en lui, devient de plus en plus ardent, au fur et à mesure qu'il se prolonge ; alors c'est un signe que le coeur a goûté les joies de la vie, qu'il s'est désaltéré à la source des eaux vives et qu'on est intérieurement uni au Sauveur. Quiconque dit : Je suis riche et rassasié, j'en ai assez de Jésus ; je suis ennuyé de cette nourriture fade, celui-là ne l'a ni vu ni connu.

Jésus reste volontiers dès qu'on l'en prie, car toutes ses voies tendent à établir une communion permanente entre nous et lui. Et comme il était à table avec eux, il prit du pain et ayant rendu grâces, il le rompit et le leur donna. En même temps leurs yeux s'ouvrirent et ils reconnurent Jésus, mais il disparut de devant eux. Les disciples reconnurent Jésus pendant qu'il rompait le pain. La participation au corps et au sang de Jésus-Christ ouvre les yeux et fait reconnaître le Ressuscité dans le Crucifié. L'action de grâces est aussi un signe auquel les disciples reconnaissent le Seigneur. Les enfants du monde se signalent par leurs murmures ; les croyants, au contraire, louent le Seigneur même sous la croix et dans les larmes. Jésus disparut de devant eux. Leur commerce corporel et visible avec lui devait bientôt de nouveau prendre fin. C'est ainsi que les coeurs des disciples sont préparés aux relations du monde invisible. Le Seigneur se soustrait à leurs regards, afin que sa Parole pénètre d'autant plus profondément et agisse d'autant plus énergiquement dans leurs âmes. Et lorsqu'un jour cette Parole aura guéri toutes les plaies de nos coeurs, alors nous pourrons contempler éternellement sa gloire, et le voir face à face.

Et ils se dirent l'un à l'autre : Notre coeur ne brûlait-il pas en nous lorsqu'il nous parlait en chemin, et qu'il nous expliquait les Écritures ? Les coeurs des chrétiens sont des coeurs brûlant, des coeurs qui ont trouvé le Dieu vivant et se sont unis à celui dont il est écrit qu'il est un feu consumant. Le coeur brûlant est une preuve fondée sur l'expérience que Jésus est ressuscité d'entre les morts. « Soyez fervents d'esprit ! » Cela enflamme le coeur. Est-il déjà arrivé qu'une Parole de Dieu ait enflammé ton coeur, lorsque tu lisais la Bible ou que tu écoutais une prédication ? Sache qu'alors c'était Jésus lui-même qui te parlait. Mais tes yeux étaient retenus et tu ne l'as pas reconnu, et tu as cru que c'était seulement la parole de l'homme qui te causait cette émotion !

La tristesse avait poussé les disciples dans la solitude, la joie d'avoir vu le Ressuscité les ramène auprès de leurs frères. Et se levant à l'heure même, ils retournèrent à Jérusalem, et ils trouvèrent les onze et ceux qui étaient avec eux et qui disaient : Le Seigneur est véritablement ressuscité et il est apparu à Simon. Et ceux-ci racontèrent ce qui leur était aussi arrivé en chemin, et comment ils l'avaient reconnu lorsqu'il avait rompu le pain.
Alors il y eut un bienheureux échange d'impressions entre ceux qui avaient vu Jésus.

Il est tard. Tous les apôtres, à l'exception de Thomas, sont assemblés avec les autres disciples et s'entretiennent des événements de cette journée. Ils s'étaient enfermés par crainte des Juifs. Et pendant qu'ils étaient à table et parlaient de lui, Jésus lui-même se présenta au milieu d'eux et leur dit : La paix soit avec vous ! De même qu'il avait disparu subitement aux yeux des deux disciples à Emmaüs, il apparaît inopinément au milieu de ceux qui étaient réunis dans la chambre haute. Il les salue en leur souhaitant la paix. Et ce souhait n'est pas une parole vide : c'est un don. Car, chez le Seigneur, les paroles et les actes vont toujours ensemble. La paix est le don de Pâques que Jésus apporte aux siens du fond de son tombeau. Il est lui-même notre paix. Dès qu'il pénètre dans nos coeurs, nous avons la paix avec Dieu. En se donnant lui-même et en donnant sa paix, il accorde en même temps tous les autres dons du ciel : le pardon des péchés, la réconciliation avec Dieu, la délivrance de la puissance de la mort et du diable, et la vie éternelle, Quel est donc le bien dont on ne jouisse pas en Jésus ?

Mais eux, tout troublés et tout épouvantés, croyaient voir un esprit. Son entrée au milieu d'eux pendant que les portes de la chambre étaient fermées, est pour les disciples une preuve de la glorification de son corps. Cependant, afin qu'ils ne doutent pas que ce corps ressuscité est bien le même qui a été crucifié, il leur dit : Pourquoi êtes-vous troublés et pourquoi s'élève-t-il des pensées dans vos coeurs ? Voyez mes mains et mes pieds, car c'est moi-même. Touchez-moi et regardez-moi. Un esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez que j'ai. En, leur disant cela, il leur montrait ses mains et ses pieds. Les marques des clous dans ses pieds et dans ses mains, devaient prouver aux disciples qu'il est bien celui qu'ils ont vu attaché à la croix. Toutefois, comme ils ne pouvaient encore, le croire, tant ils étaient transportés de joie et d'admiration, il leur dit : Avez-vous quelque chose à manger ? Et ils lui présentèrent un morceau de poisson rôti et un rayon de miel, et il en mangea en leur présence.

Le Seigneur a à coeur de convaincre ses disciples, et de nous convaincre nous-mêmes, que le corps ressuscité avec lequel il est monté au ciel et s'est assis à la droite de la Majesté divine est bien le même qui a été crucifié. Car si le corps glorifié était autre que le corps humilié, les plaies d'où le sang de la réconciliation a coulé ne seraient pas notre éternel avocat. Ce sang ne serait plus le sang du Fils de Dieu qui crie de meilleures choses que celui d'Abel. C'est pour ce motif aussi que les apôtres rendirent plus tard ce témoignage, que le Ressuscité s'était présenté aux témoins qu'il avait élus, et avait mangé et bu avec eux. Lorsque l'apôtre Jean écrivait, dans sa première Épître : « Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons ouï, ce que nous avons vu de nos yeux, et que nous avons contemplé et que nos mains ont touché concernant la Parole de vie, c'est ce que nous vous annonçons, » il pensait probablement à cet heureux moment du soir de Pâques.

Les disciples donc, voyant le Seigneur, eurent une grande joie. La vue de Jésus remplit le coeur de joie. Les disciples firent alors l'expérience de ce que Jésus leur avait dit : « Je vous reverrai, et votre coeur se réjouira et personne ne vous ravira votre joie. » Il faut que leurs coeurs soient remplis maintenant de ce que leur bouche devait plus tard communiquer à d'autres. Il faut qu'ils se soient assurés par leurs propres yeux et qu'ils aient la joyeuse certitude que Jésus ne pouvait être retenu par les liens de la mort. La gloire du Ressuscité a, pour le coeur qui a le sentiment de ses fautes, quelque chose d'effrayant et de fantastique, aussi longtemps qu'il ne l'a pas reconnu à ses cicatrices, comme le Médiateur et le Rédempteur. Elles sont pour les croyants les monuments de son amour et de sa victoire, et en même temps de leur propre victoire et de leur délivrance. Quant aux incrédules et aux hypocrites, au contraire, ces cicatrices leur rappelleront qu'ils l'ont percé. Elles brilleront à leurs yeux comme l'éclair et les rempliront d'une mortelle frayeur.

Il leur dit encore : La paix soit avec vous ! Comme mon Père m'a envoyé, je vous envoie aussi de même. Les disciples ayant reçu tant de grâces, ne doivent pas en jouir égoïstement, comme si le Seigneur n'était ressuscité des morts que pour eux, et était apparu à eux seuls. Il faut qu'ils soient des messagers de paix et qu'ils apportent au monde la paix de Jésus. Le Père n'a pas envoyé son Fils au monde pour condamner le monde, mais afin que le monde soit sauvé par lui, afin que l'Orient d'en-haut se lève sur ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort, et qu'il guide leurs pas dans le chemin de la paix : Ces pensées de paix, il faut que les disciples les portent aux hommes, afin que tous ceux qui sont éloignés et ennemis de Dieu, deviennent ses enfants, heureux héritiers et citoyens du royaume de son amour. Telle est la tâche assignée aux disciples.

De plus, le Père a envoyé le Fils, non de manière à se séparer de lui et à isoler son action de celle de son Envoyé. Le Fils est uni au Père, même pendant sa carrière terrestre. Il est dans le sein du Père. Il demeure dans le Père et le Père demeure en lui. C'est aussi de cette manière que les disciples sont envoyés. Ils ne se séparent pas de Jésus, comme s'ils devaient travailler sans lui. Non ; il veut demeurer en eux et eux doivent demeurer en lui. Solidement enracinés en lui, le portant vivant en eux, conduits par sa main, c'est ainsi qu'ils doivent être ses témoins dans le monde. C'est pourquoi la parole de l'apôtre n'est pas de lui, mais de celui qui l'a envoyé. Comme Christ dit de lui-même : « Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même, mais elles sont de celui qui m'a envoyé, » de même il dit de ses apôtres : « Celui qui vous écoute, m'écoute ; celui qui vous rejette, me rejette, et celui qui me rejette, rejette celui qui m'a envoyé. » Par ces paroles, Jésus installe de nouveau ses apôtres dans leur apostolat. Par leur fuite en Gethsémané et par l'incrédulité qu'ils manifestèrent plus tard, ils avaient abandonné leur mission. Maintenant, Jésus la leur confère de nouveau, et, pour les rendre capables de la remplir, il leur donne son Esprit,

Et quand il leur eut dit cela, il souffla sur eux et leur dit : Recevez le Saint-Esprit. Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés, et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. Ces coeurs timides et craintifs, ces roseaux froissés doivent se mettre à l'oeuvre pour renouveler le monde, pour ramener les enfants perdus au coeur paternel de Dieu. Il faut qu'ils continuent victorieusement l'oeuvre à laquelle le Seigneur semble avoir consacré en vain sa peine et son travail. Quelle pensée ! quelle tâche ! Mais ils peuvent entreprendre ce travail avec courage et intrépidité. Il ne les laissera pas seuls. Pour cette oeuvre surnaturelle, il leur communiquera une force surnaturelle. Par leur contact avec le souffle vivifiant du Ressuscité, ils seront rendus capables de remplir cette mission de l'Esprit, mission qui consiste à prêcher la réconciliation, et pour laquelle ils auraient été aussi incapables par eux-mêmes que des os desséchés.

Ce pouvoir de pardonner et de retenir les péchés, est la plus précieuse et la plus consolante mission que le Ressuscité ait laissée à son Église. Et la plus consolante partie de cette mission incombe aux serviteurs de Dieu dans l'église, au chevet des mourants, et en général partout où se trouvent des consciences troublées et angoissées. Et ils s'en acquittent, en leur annonçant et en leur promettant la paix que Jésus leur a acquise sur la croix. Cette partie de leur ministère, ils doivent aussi l'exercer contre les coeurs endurcis, en dénonçant le déplaisir et la colère de Dieu à tous ceux qui ne veulent pas se laisser reprendre par le Saint-Esprit. Qu'ils se gardent de jeter les perles de la grâce devant les pourceaux et les choses saintes du pardon des péchés aux chiens !

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