La parabole des dix vierges ne s'occupe que des disciples de
Jésus, c'est-à-dire des croyants. Alors le
royaume des cieux sera semblable à dix vierges, qui, ayant pris
leurs lampes, allèrent au-devant de l'époux. Chaque
chrétien est considéré comme une vierge qui s'est donnée au Seigneur
et qui lui reste fidèle. Déjà dans l'Ancien Testament, la relation du
Dieu de l'alliance avec son peuple, était représentée sous l'image de
l'union des fiancés et des époux. L'abandon de Dieu, l'idolâtrie est
appelée tout simplement adultère et impureté, comme par exemple au Psaume
LXXIII : « Tu retrancheras tous ceux qui se détournent
de toi », (littéralement ceux qui commettent l'impureté). Les
vierges sont donc les âmes qui aiment Jésus, et qui ont obtenu le
pardon de leurs péchés. Dix est le nombre complet, parfait, qui fait
penser à la plénitude des croyants.
Cette parabole nous montre le fiancé descendant du ciel
et venant chercher sa fiancée ornée et parée pour la conduire dans la
salle des noces. Mais le Seigneur veut nous montrer spécialement qu'il
n'admettra à ce banquet que ceux qui s'y sont préparés intérieurement.
Et cette préparation consiste surtout à aspirer ardemment à entrer
dans la communion du Seigneur et à aller au-devant de lui avec une
lampe allumée. La parabole ne parle pas de la fiancée, mais seulement
des vierges qui l'accompagnent. Cette fiancée n'est d'ailleurs autre
que l'assemblée de tous les croyants. On ne pouvait donc pas parler de
sa sagesse et de sa folie ; c'est pourquoi le Seigneur parle ici
de plusieurs vierges et non d'une seule fiancée. Cependant, ces
vierges représentent aussi les âmes fiancées au Sauveur. Les sages
participent à la félicité du fiancé, car elles entrent dans la joie de
leur Seigneur. De fait, on ne peut distinguer les
vierges d'avec la fiancée. Seulement, en parlant de celle-ci, on a
plutôt en vue l'Église, tandis que les dix vierges représentent plutôt
chacune des âmes dont l'Église se compose.
Or, il y en avait cinq d'entre
elles qui étaient sages et cinq qui étaient folles. Celles qui
étaient folles, en prenant leurs lampes, n'avaient pas pris
d'huile avec elles ; mais les sages avaient pris de l'huile
dans leurs vaisseaux avec leurs lampes. La sagesse des
sages consistait en ceci : C'est qu'outre l'huile qui alimentait
leurs lampes, elles en avaient fait une provision dans leurs
vaisseaux. Les folles avaient négligé cette précaution, se contentant
de l'huile qui remplissait leurs lampes pour le moment. Dans les
Écritures, l'huile est toujours l'image du Saint-Esprit. Les lampes
représentent les coeurs ; car, comme l'huile est versée dans la
lampe, de même le Saint-Esprit est versé dans les coeurs des croyants.
- Les vaisseaux dont les vierges sages étaient munies, étaient remplis
d'huile comme les lampes, mais d'une autre manière. Car l'huile qui
est dans les vaisseaux n'est pas destinée à brûler et à éclairer
immédiatement, comme celle qui est dans les lampes. Avant d'en faire
usage, il faut qu'on la verse des vaisseaux dans les lampes,
c'est-à-dire dans les coeurs. Si donc les lampes sont des véhicules
humains (subjectifs) du Saint-Esprit, les vaisseaux en sont les
véhicules objectifs.
Depuis l'effusion dit Saint-Esprit, qui eut lieu le jour
de la Pentecôte, l'huile n'est plus versée directement d'en haut dans
les coeurs des croyants. Mais le Dieu qui est appelé un Dieu d'ordre (l
Cor. XIV, 33) a institué des moyens de grâce, la Parole
et les sacrements, comme des vaisseaux remplis du
Saint-Esprit, desquels l'huile est versée dans les lampes,
c'est-à-dire dans les coeurs. La précaution que prirent les vierges
sages de ne pas laisser leurs vaisseaux dans quelque coin, ni même
dans le sanctuaire, mais de les emporter et de les garder avec elles,
est le signe distinctif de toutes les âmes qui savent que l'huile de
leurs lampes s'épuisera peu à peu, et qu'elles doivent en puiser
toujours de nouveau, si elles veulent les empêcher de s'éteindre.
Elles reconnaissent la Parole de Dieu et les sacrements, comme les
véhicules du Saint-Esprit, et lorsqu'elles répètent celle
prière : « Ne laisse pas s'éteindre la
lumière de ma foi », elles ne s'attendent pas à ce que le ciel
s'ouvre à leurs prières, et que le Saint-Esprit descende sur elles
sous la forme d'une colombe ; mais elles prennent en mains, avec
foi, la cruche d'huile de la Parole de Dieu et des sacrements, et sont
assurées que ces vaisseaux versent volontiers leur contenu dans leurs
coeurs.
Les vierges folles, au contraire, sont dépourvues de
prévoyance et croient pouvoir entretenir et rafraîchir leur vie
spirituelle par le seul souvenir de leurs expériences intérieures.
Elles ont conscience, de leur foi, et ce sentiment les rend heureuses
et les satisfait, en sorte qu'elles oublient leurs péchés et leurs
faiblesses, et négligent les grâces qui s'offrent chaque jour à elles.
- Les vierges folles sont, comme les sages, engendrées par la Parole
de vie, mais cette semence est tombée sur le roc. Elle leva
promptement et eut d'abord un développement réjouissant. Elles crurent
pendant quelque temps, mais au moment de la tentation elles
succombèrent.
Les sages vivent de la Parole de Dieu, et leur âme est
comme un arbre planté près des ruisseaux d'eau courante, qui porte son
fruit en sa saison et dont le feuillage ne se flétrit point, et tout
ce qu'elles entreprennent réussit (Psaume
1, 3). Leurs lampes ne s'éteignent point, parce que ces vierges
se sont reconnues comme de pauvres pécheresses qui ne peuvent garder
la foi ni par leur propre intelligence ni par leurs propres forces, et
qui, à cause de cela, se ménagent toujours une nouvelle provision
d'huile. Alors le coeur chrétien s'identifie toujours davantage avec
la Parole de Dieu. tellement que tous ses sentiments, toutes ses
pensées, tous ses désirs, et toutes ses aspirations sont remplis des
puissances du siècle à venir. Alors aussi se vérifie pour lui ce que
le Seigneur dit à la Samaritaine, en lui parlant du Saint-Esprit sous
l'image de l'eau vive : « Celui qui boira de l'eau que je
lui donnerai n'aura plus jamais soif, et l'eau que je lui donnerai
deviendra en lui une source d'eau qui jaillira jusqu'à la vie
éternelle. - Tout en puisant journellement à cette source, le coeur
croyant sent de plus en plus son indigence ; mais c'est
précisément ce sentiment qui le rend plus certain de la grâce qu'il a
obtenue. Et lorsqu'il voit chaque jour, avec honte et douleur, combien
il est rempli de péchés, alors il recourt à la
cruche d'huile de la sainte Cène, dont il use avec un saint
empressement. Et au moyen de ces provisions sans cesse renouvelées aux
vaisseaux d'huile qui, comme au temps d'Élie, ne s'épuisent jamais,
bien qu'on y puise sans cesse, la précieuse oeuvre de la grâce
s'accomplit, savoir : l'affermissement du coeur. Sans cet
approvisionnement un roseau agité çà et là par le vent de ses propres
inspirations. Ainsi la sagesse des vierges sages se fait connaître par
un désir continuel de croître dans la grâce, par une méditation
diligente de la Parole de Dieu, par une fréquentation régulière du
service divin, et par un grand zèle à participer à la Sainte-Cène. Ces
coeurs veulent être toujours davantage ce qu'ils sont déjà : des
coeurs croyants.
Et comme l'époux tardait à
venir, elles s'assoupirent toutes et s'endormirent.
L'Époux viendra inopinément comme un larron pendant la nuit. Mais pour
le brûlant désir des âmes qui l'attendent, il vient toujours trop
lentement. Il tarde, et les croyants s'assoupissent et s'endorment. La
vie de la foi devient languissante et tiède, même chez les vierges
sages, et chez plusieurs l'amour pour Jésus se refroidit. Par ses
nombreux combats et ses tentations, l'âme se fatigue. Le premier amour
s'est calmé, le feu du premier zèle s'est alangui. On s'est habitué à
vivre dans les pensées de paix que procure l'assurance du salut. On a
cessé d'y travailler avec crainte et tremblement. On ne croit plus
nécessaire de se faire violence pour ravir le royaume des cieux. On
n'a plus hâte de sauver son âme. Et comme on a cessé de combattre
jusqu'au sang contre le péché, ou n'apporte plus ni ardeur ni ferveur
dans ! a prière. On n'éprouve plus aucune crainte à fréquenter le
monde. On ne travaille plus à le vaincre ; ou cherche plutôt à
vivre en paix avec lui, ce qui est impossible.
Le fait que le Seigneur nous dit que même les vierges
sages s'endormirent, est une preuve de sa bonté et de son amour pour
les pécheurs, qui n'éteint pas le lumignon qui fume encore. C'est de
cette même bonté qu'il usa en Gethsémané envers ses disciples
endormis, lorsqu'il leur dit : Veillez et priez, de pour que vous
ne tombiez en tentation, car l'esprit est prompt, mais la chair est faible.
Je pense que tous ceux qui se seront laissé réveiller par cet appel à
la vigilance, et auxquels il sera permis d'accompagner l'Époux dans la
salle du festin, lui rendront encore grâces d'une manière toute
particulière devant le trône de sa gloire pour cette bonté, qui doit
être pour notre âme une puissante défense contre le découragement et
l'incrédulité. Cette bonté et cette patience du Seigneur sont notre
félicité.
Et sur le minuit ou entendit
crier : Voici l'Époux qui vient, sortez au-devant de lui.
On ne saurait douter que la venue du Seigneur, dont il est question
ici, ne marque le moment où il reviendra pour juger le monde ;
mais ces paroles doivent aussi nous rappeler le terme de notre propre
vie. Puisse aucun de nous ne manquer, lorsque le gardien fera entendre
ce cri de l'amour : « Prépare-toi pour le festin ; il
faut que tu ailles au-devant de l'Époux ! » - Alors
les vierges se levèrent toutes et préparèrent leurs lampes.
Toutes se réveillent. Les folles sont effrayées d'être tirées de leur
sommeil. Les sages, au contraire, sont heureuses d'être délivrées de
leur pénible engourdissement. Toutes préparent leurs lampes, mais les
sages seules peuvent faire luire les leurs. Les folles font de vains
efforts pour obtenir le même résultat. Leurs lampes s'éteignent parce
qu'elles manquent d'huile. Terrible état de ces âmes, qui ont été une
fois illuminées, qui ont vécu dans la communion de l'Époux, et qui
sont devenues ténèbres et ont perdu le Saint-Esprit ! - Et
les folles dirent aux sages : Donnez-nous de votre huile, car
nos lampes s'éteignent. Jusqu'ici, il eût été difficile
de faire la différence entre les vierges folles et les sages. Mais
maintenant les folles se reconnaissent elles-mêmes comme telles à leur
grande frayeur. Elles sentent que leur état spirituel ne leur permet
pas de paraître devant l'Époux. Leur lumière s'éteint. Il fait sombre
dans leurs coeurs et devant leurs yeux. Auparavant elles avaient le
sentiment d'être rassasiées et riches ; maintenant elles sentent
le manque absolu de consolations et de forces. Toute leur vie elles
ont espéré dans le Seigneur et sont allées au-devant de lui, et
maintenant qu'elles doivent le voir et remporter le prix de leur foi,
elles s'aperçoivent avec effroi qu'elles sont privées de la vertu et
même de la présence du Saint-Esprit.
Ce qui leur manque, elles le voient clairement en
regardant les vierges sages. Elles les avaient peut-être dédaignées
jusqu'alors. Lorsqu'elles les voyaient recueillir de l'huile avec tant
de zèle, se garder avec soin des souillures du monde, elles les
considéraient probablement comme des personnes bornées. Maintenant
elles reconnaissent avec angoisse qu'elles-mêmes ont agi follement,
tandis que leurs compagnes ont été prudentes. Leur folie a aussi été
un levain qui a fait lever toute la pâte. C'est cette folie qui est
cause qu'elles se sont contentées de leur provision d'huile, si vite
épuisée, dans l'espoir insensé de pouvoir en trouver en elles-mêmes.
Cette même folie les pousse maintenant à s'adresser à leurs soeurs
pour obtenir d'elles l'huile qui leur manque. Elles s'appuient sur le
bras de la chair. Que ce soit là le sens de leur demande, c'est ce qui
ressort de la réponse que le Seigneur met dans la bouche des vierges
sages : Nous ne le pouvons, de peur que
nous n'en ayons pas assez pour vous et pour nous. Car,
ordinairement, parmi les chrétiens qui sont les oints du Seigneur, il
y a une communication mutuelle de dons spirituels, afin que la foi en
soit fortifiée.
C'est précisément une telle communication qui doit
augmenter la plénitude de l'Esprit chez ceux qui donnent et chez ceux
qui reçoivent. En effet, d'après la promesse du Seigneur, des fleuves
d'eau vive doivent découler du corps des croyants. Or, ceux-ci ne
seront pas appauvris par cet écoulement. Ils en seront au contraire,
enrichis. Dans le règne de Dieu, on ne s'appauvrit pas en donnant,
surtout quand il s'agit de dons spirituels. Au contraire, plus on
donne, plus on peut donner. Par conséquent, lorsque les vierges sages
expliquent aux folles qu'elles ne peuvent pas leur donner de leur
huile, de peur d'en manquer elles-mêmes, cela ne peut signifier que
ceci : C'est que les folles voudraient s'approprier la vie
spirituelle pleine de foi des sages, et en profiter, sans avoir
elles-mêmes besoin de se nourrir de la Parole de Dieu, sans être
obligées de crucifier le vieil homme avec ses passions et ses
convoitises, sans livrer les rudes combats de la sanctification. Mais
cela ne se peut pas. Notre chair ne peut pas être tuée par une
repentance étrangère, pas plus que nos péchés ne peuvent nous être
pardonnés par la foi d'autrui. Les relations de l'âme croyante avec le
Seigneur sont absolument personnelles, et ne peuvent pas profiter aux
autres.
Allez plutôt vers ceux qui en
rendent et en achetez. Par ceux qui en vendent, il faut
entendre ceux qui enseignent la Parole de Dieu, les apôtres, les
prophètes, qui conduisent les âmes à l'Époux. C'est l'explication la
plus naturelle. Mais pendant qu'elles en
allaient acheter, l'Époux vint ; et celles qui étaient prêtes
entrèrent avec lui aux noces, et la porte fut fermée :
Les sages étaient prêtes parce que leurs lampes, pleines de l'huile
sainte, étaient allumées, parce que, malgré leur pauvreté spirituelle,
le Saint-Esprit plaidait leur cause devant le Seigneur, par des
soupirs qui ne se peuvent exprimer. Alors la porte fut fermée par la
main de celui qui ferme et personne n'ouvre.
Après cela, les autres vierges
vinrent aussi et dirent : Seigneur, Seigneur, ouvre-nous.
Mais il répondit : Je vous dis en vérité que je ne vous
connais point. Ordinairement la voix de l'épouse est
agréable à l'époux lorsqu'elle s'écrie : Que mon bien-aimé vienne
dans son jardin et qu'il mange de ses fruits délicieux. (Cant.
des Cant. IV, 16). Et lorsque l'Esprit et l'épouse impatiente
disent : Seigneur Jésus, viens, il répond avec joie : Oui,
je viens bientôt. Mais le « Seigneur, Seigneur » des vierges
folles, avec leurs lampes ne plaît point à l'Époux ; car personne
ne peut dire que Jésus est le Seigneur que par l'onction de l'Esprit.
Il est vrai que toute langue doit le confesser comme le Seigneur, et
tout genou se ployer à son nom ; mais ceux qui ne le feront pas
avec des coeurs tremblants de joie, le feront en tremblant d'angoisse
et demeureront exclus de la salle des noces pour l'éternité. Les
vierges folles se présentent sans huile devant la porte de cette
salle. Les mouvements de l'Esprit ont cessé ; l'amour s'est
refroidi ; le gage de la fidélité est perdu. Aussi le Seigneur ne
les reconnaît pas. Il y eut un temps où elles confessaient le Seigneur
de coeur et de bouche, où elles avaient fermé leurs coeurs aux
attraits du monde. Et maintenant elles sont exclues pour toujours des
joies du banquet nuptial ! Quelle terrible fin !
Après avoir exhorté ses disciples à la vigilance, le Seigneur
dirige leurs regards vers le jugement qu'il exercera lors de son
avènement. Or, quand le Fils de l'homme
viendra dans sa gloire avec ses saints anges, il s'assiéra sur le
trône de sa gloire. Et toutes les nations seront assemblées devant
lui ; et il séparera les uns d'avec les autres, comme un
berger sépare les brebis d'avec les boucs. Et il mettra les brebis
à sa droite et les boucs à sa gauche. Ainsi il y aura
encore un jugement universel et public dans lequel toute l'humanité
comparaîtra devant Christ son Sauveur, son Roi et son Juge. Car le
Sauveur du monde est aussi son juge. Et le jugement sera prononcé en
raison des dispositions du coeur de chacun envers sa personne.
Alors le Roi dira à ceux qui
sont assis à sa droite : Venez, vous les bénis de mon Père,
possédez en héritage le royaume qui vous a été préparé depuis la
création du monde ; car j'ai eu faim et vous m'avez donné à
manger ; j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire ;
j'étais étranger et vous m'avez recueilli ; j'étais nu et
vous m'avez vêtu ; j'étais malade et vous m'avez
visite ; j'étais en prison et vous êtes venus me voir. Alors
les justes répondront : Seigneur, quand est-ce que nous
t'avons vu, avoir faim et que nous t'avons donné à manger ?
Ou avoir soif et que nous l'avons donné à boire ? Et quand
est-ce que nous t'avons vu étranger et que nous t'avons recueilli,
ou nu, et que nous t'avons vêtu ? Ou quand est-ce que nous
t'avons vu malade et que nous t'avons, visité, ou en prison et que
nous sommes venus te voir ? Et le Roi leur répondant leur
dira : Je vous dis, en vérité, qu'en tant que vous avez fait
cela à l'un de ces plus petits d'entre mes frères, vous me l'avez
fait à moi-même. Jésus se regarde comme un malade dont
les souffrances dureront jusqu'à la fin du monde ; car tout le
mal qui arrive à ceux qui croient en lui, le fait souffrir lui-même.
La tête ressent toutes les douleurs des membres. Ainsi, les croyants
ont en tout temps l'occasion de témoigner, par des
actes, de leur foi en leur Sauveur et de leur amour pour lui.
Personne, sans doute, ne peut mériter la félicité éternelle, par les
oeuvres d'un miséricordieux amour. Car cette félicité n'est pas une
récompense, elle est un héritage. Elle nous est accordée comme un don
de la grâce. Toutefois, lorsque nous croyons de coeur en lui, c'est un
besoin pour nous de lui montrer, par des actes, notre reconnaissance
et notre amour. Car si la foi n'est pas agissante par la charité, elle
est morte. La foi sans les oeuvres est morte, mais aussi,
réciproquement, les oeuvres sans la foi sont mortes.
Plusieurs diront en ce jour-là : « Seigneur,
Seigneur, n'avons-nous pas fait plusieurs miracles en ton
nom ? » Mais il leur répondra : « Je ne vous ai
jamais connus. » Et l'apôtre Paul nous dit que donnât-on tous ses
biens aux pauvres, sans la foi en Jésus, cette générosité n'a aucune
valeur devant Dieu. C'est pourquoi ces deux choses marchent
inséparablement unies : une foi vivante et des oeuvres de
charité. Or, nous pouvons reconnaître si notre charité est de bon
aloi, en la comparant à celle des élus qui sont à la droite de Christ.
Ils demandent avec étonnement quand ils ont témoigné leur amour au
Sauveur. Ils n'en savent rien ; mais le Seigneur le sait. Celui
qui, au nom de Jésus, traite avec amour ceux qui ont faim ou soif, qui
sont malades ou étrangers ou prisonniers, sa main droite ignore ce que
fait sa gauche. L'oeil de l'humilité ne se voit pas lui-même.
Ensuite, il dira à ceux qui sont
à sa gauche : Retirez-vous de moi, maudits, et allez dans le
feu éternel préparé au diable et à ses anges. Car j'ai eu faim, et
vous ne m'avez pas donné à manger ; j'ai eu soif et vous ne
m'avez pas donné à boire ; j'étais étranger et vous ne m'avez
pas recueilli ; j'étais nu et vous ne m'avez pas vêtu ;
j'étais malade et en prison et vous ne m'avez pas visité. Et
ceux-là lui répondront aussi : Seigneur, quand est-ce que
nous t'avons vu avoir faim, ou soif, ou être étranger, ou nu, ou
malade, ou en prison et que nous ne t'avons pas assisté ? Et
il leur répondra, : Je vous dis, en vérité, qu'en tant que
vous ne l'avez pas fait à l'un de ces plus petits, vous ne me
l'avez pas fait non plus. Et ceux-ci s'en iront aux peines éternelles,
mais les justes s'en iront à la vie éternelle. Le
Sauveur leur est resté étranger. Il leur a manqué l'oeil de la foi
pour reconnaître Jésus dans les pauvres et les misérables, et ils ne
leur ont témoigné aucun amour. C'est pourquoi ils seront éternellement
séparés de Jésus. Que celui qui jusqu'à présent n'a pas travaillé à
son salut avec crainte et tremblement, et qui croit cependant que le
ciel ne saurait lui échapper, et que la damnation n'est que pour les
criminels, pour les gens qui ont passé leur vie dans des péchés
grossiers et des désordres scandaleux, que celui-là se retire dans la
solitude et lise et relise sérieusement ces paroles du Seigneur.
Ceux que le Père envoie aux peines éternelles ne sont
nullement des criminels ; ils n'ont absolument rien fait
d'extraordinaire. Ce qui attire la condamnation sur eux, ce sont
uniquement des péchés d'omission. Qui n'a pas connu Jésus
ayant faim et soif, qui n'a pas aimé le Sauveur nu et malade, sera
condamné. « Celui-là pèche qui sait faire le bien et qui ne le
fait pas. » Si nous ne voyons parmi les chrétiens qui nous
entourent, que des pécheurs, alors nous passons froidement à côté
d'eux. Nous sommes témoins de leurs souffrances ; mais est-ce que
cela nous regarde ? Mais dès que nous reconnaissons en eux Jésus
notre Sauveur bien-aimé, notre consolation pendant notre vie, et notre
espérance dans la mort, quelle joie et quel honneur de pouvoir prendre
soin de lui dans la personne de ceux qui lui appartiennent ! Tu
te plains de ne pas le connaître, et voici, tu le rencontres partout
sur ton chemin. Tu crois en lui et tu ne le reconnais pas ! Si tu
ne le reconnais pas ici dans les malheureux, il ne le reconnaîtra pas
non plus là-haut dans la gloire.
C'est pourquoi, souhaitons que cette voix ne se taise
jamais dans nos coeurs : Vous ne me
l'avez pas fait non plus, afin que nous devenions de
plus en plus sérieux dans notre vie chrétienne. Seigneur, aide-nous,
Seigneur, aie pitié de nous !
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