Le même jour, lundi, alors qu'on était encore sous l'impression
de l'entrée solennelle de Jésus à Jérusalem et de la purification du
temple, les principaux sacrificateurs et les sénateurs du peuple
vinrent à lui, comme il enseignait, et lui dirent : Par
quelle autorité fais-tu ces choses, et qui est-ce qui t'a donné
celle autorité ? Les principaux sacrificateurs
auraient volontiers dénoncé Jésus au peuple comme un homme qui remplit
des fonctions publiques sans l'approbation de l'autorité supérieure.
Bientôt ils demanderont compte à Dieu de ce qu'il permet au soleil de
luire, sans y être autorisé par les chefs de son peuple. Ils
agissaient de la même manière que beaucoup de chrétiens de nos jours.
Lorsque la parole de Dieu tombe sur les coeurs comme un marteau qui
brise les rochers, ou comme une épée à deux
tranchants qui atteint jusqu'au fond de l'âme et de l'esprit, des
jointures et des moelles (Héb.
IV, 12), ceux qui ne veulent pas se laisser châtier par l'Esprit
de Dieu, exigent que cette Parole se légitime, et demandent :
D'où vient cette autorité ? Ou bien : Comment ce prédicateur
peut-il se permettre de tenir un pareil langage ? Par ce moyen,
ils parviennent à étouffer la voix de leur conscience et à annuler
l'effet de la Parole de Dieu sur leurs coeurs.
À la question des sacrificateurs, Jésus répond par une
autre question. Il leur dit : Je vous
ferai aussi une question, et si vous m'y répondez, je vous dirai
aussi par quelle autorité je fais ces choses. Le baptême de Jean,
d'où venait-il, du ciel ou des hommes ? Or, ils raisonnaient
ainsi en eux-mêmes : Si nous disons : du ciel, il nous
dira : Pourquoi n'y avez-vous pas cru ? Si nous
disons : des hommes, nous craignons le peuple, car tous
regardent Jean comme un prophète. Les coeurs avaient
été profondément remués par les exhortations à la repentance, que
Jean-Baptiste avait adressées au peuple, tellement que tous le
reconnaissaient comme un prophète de Dieu, bien qu'il ne fût le
délégué d'aucune autorité humaine. Mais toute sa prédication se
résumait en ceci : c'est qu'il désignait Jésus comme le Messie
promis. Les principaux sacrificateurs sont dans un grand embarras.
Décidés à ne pas croire, ils ont cependant honte d'avouer publiquement
leur incrédulité devant le peuple. Alors ils
répondirent à Jésus : Nous n'en savons rien. Cette
réponse leur attire celle-ci de la part du Seigneur :
Et moi, je ne vous dirai pas non plus par quelle autorité je fais
ces choses. -
Mais il ne suffit pas au Sauveur d'avoir fermé la bouche
à ses adversaires. Il veut encore une fois tâcher de les amener à
reconnaître leur incrédulité et à prononcer eux-mêmes leur
condamnation. Il leur dit donc : Que
vous semble de ceci : Un homme avait deux fils, et
s'adressant au premier, il lui dit : Mon fils, va travailler
aujourd'hui dans ma vigne. Mais il répondit : Je n'y veux
point aller ; et cependant s'étant repenti ensuite, il y
alla. Puis il vint à l'autre et lui dit la même chose. Celui-ci
lui répondit : J'y vais, Seigneur, mais il n'y alla pas.
Il est facile de savoir lequel des deux fils fit la volonté de son
père. Les Juifs ne pouvaient s'empêcher de reconnaître
que c'était le premier. Par ce fils, le Seigneur place devant leurs
yeux l'image des péagers et des femmes de mauvaise vie, qui avaient
audacieusement violé les commandements de Dieu, et qui avaient dit
ouvertement : Nous ne voulons pas y
aller. Mais ensuite ils s'étaient repentis ; ils
avaient reçu le baptême de Jean pour la rémission des péchés, et à
partir de ce moment ils avaient marché dans la voie de Dieu. Parmi ces
péagers se trouvait Matthieu qui nous a conservé cette parole de
Jésus. - Par le second fils, qui dit de bouche : Oui, Seigneur,
mais qui désobéit, Jésus présente aux pharisiens et aux souverains
sacrificateurs leur propre image. À chaque commandement : Tu
dois, ils répondent : « Oui, Seigneur » et
croient ne s'être rendus coupables d'aucune violation de la loi de
Dieu, mais de fait, ils n'ont pas obéi à sa volonté, ne se sont pas
repentis et n'ont pas cru. Aussi, malgré leur honnêteté extérieure,
ils demeuraient cependant exclus du royaume de Dieu.
Je vous dis, en vérité, que les
péagers et les femmes de mauvaise vie vous devanceront dans le
royaume de Dieu. Le jugement qui a frappé le figuier
stérile, rappelle la cognée dont Jean-Baptiste avait menacé les
pharisiens. Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et
jeté au feu. Le « Oui, Seigneur » n'est qu'un rempart de
feuillage qui ne saurait garantir des coups de la hache. Le pécheur
qui ne se repent pas et ne croit pas, tombe sous le jugement, malgré
son honnêteté extérieure, car Dieu regarde au coeur. En revanche, le
pécheur qui, travaillé et chargé, cherche un refuge auprès de Jésus,
sera reçu en grâce lors même que ses péchés seraient rouges comme le
vermillon. - Les paroles du Seigneur ne signifient assurément pas que
les péagers et les femmes de mauvaise vie entrent dans le royaume des
cieux parce qu'ils ont vécu dans le péché et dans la honte, et
que les pharisiens seront condamnés parce qu'ils ont vécu
honorablement. Mais voici sa pensée : Aucun pécheur ne sera exclu
du royaume des cieux à cause de ses péchés, quelque grands et
horribles qu'ils soient dès qu'il saisit, par la repentance et par la
foi, Jésus le Sauveur des pécheurs. Mais nul pécheur ne doit croire
que la justice de Dieu puisse être satisfaite par ses oeuvres ou par
son honnêteté. Tous ont besoin de la grâce, et
cette grâce ne s'obtient que par la repentance et par la foi.
Comme les chefs du peuple avaient refusé le baptême de Jean-Baptiste,
de même ils ne montrent à Jésus que leur incrédulité et leur
désobéissance, bien que Dieu les eût choisis comme vignerons pour
cultiver sa vigne. C'est ce que Jésus leur fait comprendre par une
autre parabole. Il y avait un père de
famille qui planta une vigne ; il l'environna d'une haie, il
y creusa un pressoir et y bâtit une tour, puis il la loua à des
vignerons et s'en alla faire un voyage. Cette vigne est
le royaume de Dieu dans l'Ancien Testament. Dieu l'avait richement
aménagée, afin qu'elle portât du fruit. Par sa loi, il l'avait
entourée d'une haie qui séparait le peuple d'Israël des nations
païennes. Le pressoir était le temple avec son culte et ses
sacrifices. La tour qui devait protéger la vigne, c'était l'autorité
établie sur le peuple. Après avoir ainsi préparé sa vigne, Dieu la
loua à des vignerons, c'est-à-dire aux chefs du peuple, et s'en alla
faire un voyage. Il cessa complètement d'intervenir directement et de
se montrer personnellement. La saison des
fruits étant proche, il envoya ses serviteurs vers les vignerons,
pour recevoir les fruits de la vigne. Les serviteurs
que Dieu envoie dans sa vigne doivent être distingués des vignerons.
Les premiers étaient chargés de réclamer aux derniers les fruits de la
vigne. Les serviteurs n'ont pas de mission régulière et spéciale. Ce
sont les prophètes, qui sont envoyés pour appeler le peuple à la
repentance et le ramener à Dieu. Mais les
vignerons s'étant saisis des serviteurs, battirent l'un, tuèrent
l'autre et eu lapidèrent un autre. Il envoya encore d'autres
serviteurs en plus grand nombre que les premiers, mais ils les
traitèrent de la même manière. Les vignerons voulaient
jouir de la vigne sans se soucier du père de famille. Chaque prophète,
chaque messager rappelle au peuple les péchés commis contre Dieu. Et
pour être délivrés de ces voix importunes, ils ont maltraité et mis à
mort ces serviteurs de l'Éternel : Ésaïe, Jérémie, Amos, Michée,
Zacharie et beaucoup d'autres ont été victimes de
la haine de ces vignerons.
Enfin, il envoya vers eux son
propre fils, disant : Ils auront du respect pour mon fils.
0 miracle, ô puissance de l'amour ! Tu as fait ce que nul homme
n'eût pensé ; tu as arraché à Dieu son Fils bien-aimé. Mais les
chefs du peuple n'eurent aucun respect pour lui. « Ils ne
voulaient pas que celui-ci régnât sur eux ! » Mais
quand les vignerons virent le fils, ils dirent entre eux :
C'est ici l'héritier ; venez, tuons-le et nous saisissons de
l'héritage. Et l'ayant pris, ils le jetèrent hors de la vigne et
le tuèrent. Quelle impression ces paroles durent-elles
faire sur les pharisiens et les chefs du peuple ? Elles montrent
en effet que Jésus connaît leurs coeurs et n'ignore pas leurs desseins
meurtriers !
Les vignerons reconnaissent le Fils, Jésus le leur dit
clairement. Leur haine ne les a donc pas complètement aveuglés. C'est
donc en pleine connaissance de cause qu'ils cherchent à tuer
l'héritier de la vigne. Un tel abîme d'inimitié contre Dieu nous
effraye et nous tremblons pour les âmes de ces méchants vignerons.
N'est-ce pas là le dernier degré de l'endurcissement ? N'est-ce
pas le péché qui ne sera jamais pardonné ? Mais qui donc peut
sonder les profondeurs des coeurs ! Qui osera condamner, quand
Jésus en croix s'écrie : « Père, pardonne-leur, car ils ne
savent ce qu'ils font ! » Heureux sommes-nous d'avoir un tel
Sauveur !
Le Seigneur les force à prononcer leur propre jugement,
lorsqu'il leur dit : Quand le maître de
la vigne sera venu, que fera-t-il ces vignerons ? Ils lui
répondirent : Il fera périr ces misérables et louera sa vigne
à d'autres vignerons qui lui en rendront les fruits.
Les principaux du peuple reconnaissent la justice des jugements de
Dieu, prêt à les frapper à cause de leur incrédulité. Il faut que
l'homme se courbe devant Dieu. S'il ne s'incline pas avec adoration
devant son miséricordieux amour, il sera forcé de se plier devant la
puissance de ses jugements. Mais ceux-là ne reçoivent pas
l'avertissement. Jésus leur confirme que le jugement qu'ils viennent
de prononcer est parfaitement d'accord avec l'Écriture. - Il leur
dit : N'avez-vous jamais lu dans
l'Écriture ces paroles : La pierre que ceux qui bâtissaient
ont rejetée est devenue la principale pierre
de l'angle. Ceci a été fait par le Seigneur, et c'est une chose
merveilleuse devant nos yeux. C'est pourquoi je vous dis que le
royaume de Dieu vous sera ôté et qu'il sera donné à une nation qui
en rapportera des fruits. Celui qui tombera sur celle pierre sera
brisé et celui sur qui elle tombera sera écrasé.
Lorsque la foule, poussée par les principaux sacrificateurs, criait
devant Pilate : Crucifie-le, crucifie-le ! les architectes
rejetaient cette pierre comme mauvaise. Par sa résurrection et
son ascension, le Crucifié est devenu la pierre de l'angle de l'Église
de Dieu. Ce Crucifié suspendu au bois maudit est l'objet de
l'adoration du monde. Oui vraiment, ceci est une chose merveilleuse
devant nos yeux.
Mais les jugements de Dieu s'exercent suivant les
dispositions des coeurs et la conduite des hommes à son égard. Les
vignerons jettent le Fils hors de la vigne, et le Juge de toute la
terre dit « Amen, » à cet acte. Qu'il leur soit fait
selon leur volonté ! Le royaume de Dieu leur sera ôté et sera
donné aux païens qui en rendront les fruits. Le peuple d'Israël avait
été choisi parmi tous les peuples et préparé pendant des siècles pour
recevoir le royaume des cieux. Dieu l'a traité comme on traite un
fils, et l'a comblé de grâces. Mais Israël voulait être quelque chose
par lui-même, et avoir sa dignité propre indépendamment de Dieu, et il
est tombé par sa faiblesse. - Si quelqu'un ne veut pas être
l'instrument de la grâce de Dieu, cette grâce s'éloigne de lui. Ce que
Jésus avait dit au centenier de Capernaüm, ce qu'il venait de mettre
sous les yeux de ses disciples en frappant le figuier stérile, il le
dit maintenant à tout le peuple : C'est que Dieu n'est pas lié à
Israël. Si Israël repousse l'Évangile, le royaume de Dieu sera donné
aux païens.
Dieu n'était pas lié au peuple d'Israël, si ce n'est par
les soins fidèles dont il l'a entouré. Dieu n'est pas davantage lié
aux chrétiens d'aujourd'hui. De quels fleuves de bénédictions n'a-t-il
pas inondé les peuples chrétiens ! C'est par la grâce de Dieu
qu'ils sont ce qu'ils sont. Les ruisseaux du fleuve réjouissent la
ville de Dieu (Ps.
XLVI, 5). Mais où est la reconnaissance ? Où sont les
fruits que le Père de famille a le droit d'attendre de sa vigne ?
N'entend-on pas parmi nous, comme autrefois parmi les Juifs, retentir
ce cri : « Nous ne voulons pas que
celui-ci règne sur nous ! » Si les sages, les savants de nos
jours, ceux qui donnent le ton à la société actuelle, ceux qui
dirigent l'opinion publique, étaient une fois appelés à décider la
question de savoir quel est le meilleur et le plus sûr fondement sur
lequel on puisse édifier le bien-être moral, politique et social du
peuple, on verrait de nouveau s'accomplir la parole du Psaume
IIe 2.
Un édifice qui n'est pas fondé sur la pierre angulaire du
salut : Jésus-Christ crucifié et ressuscité, peut bien pendant
quelque temps exciter l'admiration des hommes, comme autrefois la tour
de Babel, mais il ne saurait durer. Celui
qui tombera, sur cette pierre sera brisé, et celui sur lequel elle
tombera sera écrasé. Quiconque se heurte, dans une
orgueilleuse incrédulité, à l'humilité du Crucifié, et s'insurge
contre lui, se condamne lui-même à la ruine. Car c'est lui-même qu'il
brisera et non le Seigneur. Quiconque s'attaque au rocher qui est
Christ, en lui livrant un furieux assaut, devra faire l'expérience que
sa tête a la fragilité du verre. Puis, à cette perdition, dans
laquelle ils se précipitent eux-mêmes, vient s'ajouter la colère de
Dieu, qui écrasera les ennemis de la croix de Christ. Il leur
parlera dans sa colère et les effrayera dans l'ardeur de son
courroux.
Enfin, les principaux sacrificateurs s'aperçoivent que
Jésus parle d'eux dans ses similitudes. Cependant, malgré le désir de
leur coeur altéré de vengeance, ils ne peuvent se saisir immédiatement
de Jésus. Car ils craignaient le peuple, parce qu'il regardait Jésus
comme un prophète.
Le Seigneur a montré aux principaux sacrificateurs le danger auquel
ils s'exposaient en le rejetant. Maintenant, il va leur représenter
encore toute la douceur et toute la joie du royaume des cieux ;
mais il ne passe pas sous silence le jugement qui attend ceux qui n'y
entrent pas de tout leur coeur. Le royaume
des cieux est semblable à un Roi qui fit les noces de son fils.
Les réjouissances d'une noce sont les plus
appréciées que la terre puisse offrir. C'est pourquoi personne ne
refuse légèrement d'y assister, quand il y est invité. On ne regrette
qu'une chose dans une noce, c'est qu'elle passe trop vite. On voudrait
qu'elle se répétât chaque jour. C'est à cette fête que Jésus appelle
toute l'humanité, quand il dit : « Venez aux noces ». -
La vie du royaume des cieux n'est rien moins que sombre et triste.
Elle est au contraire pleine de bonheur et de joie. Elle est justice,
paix et joie par le Saint-Esprit (Rom.
XIV, 17). Le royaume des cieux n'est pas un pénitencier où un
surveillant, armé d'un bâton, pousse devant lui un troupeau de gens
mécontents. C'est le règne de l'amour, où la glorieuse liberté des
enfants de Dieu constitue la suprême félicité ; où l'on est
heureux d'être la propriété du Chef de ce royaume, de vivre sous sa
domination et de le servir. Et cette heureuse vie n'est pas passagère
et fugitive comme les fêtes nuptiales de la terre ; elle dure
éternellement, aussi longtemps que le ciel même. De plus, le Seigneur
ne compare pas les joies du royaume des cieux à des noces ordinaires,
comme il s'en célèbre par milliers sur la terre, mais aux noces d'un
fils de Roi. Aussi les conviés n'y peuvent-ils pas prendre part comme
de simples hôtes, mais en qualité de fiancée, et jouissent de la
béatitude de l'amour divin sur le coeur du fiancé des âmes. C'est la
suprême joie jointe à la suprême gloire.
Et il envoya ses serviteurs pour
appeler ceux qui avaient été invités aux noces ; mais ils n'y
voulurent point venir. Il envoya encore d'autres serviteurs avec
cet ordre : Dites à ceux qui ont été invités : J'ai fait
préparer mon festin. Mes taureaux et mes bêtes grasses sont tués,
et tout est prêt, ... venez aux noces. Mais eux, n'en tenant aucun
compte, s'en allèrent, l'un à son trafic, l'attire à sa métairie.
Les premiers invités sont les Juifs, mais la grande majorité d'entre
eux n'avait aucun goût pour les choses éternelles et divines. Ils
s'enthousiasmaient pour la puissance politique et la gloire de leur
peuple. Ils étaient prêts à sacrifier leurs biens et leur sang pour
les acquérir. Mais pour les joies du ciel et la paix de l'âme, ils
étaient indifférents. Les travaux de leurs champs et l'exercice de
leurs métiers leur paraissaient plus importants que leur présence aux
noces du fils du Roi.
Les autres prirent les
serviteurs, les outragèrent et les tuèrent. Ceux-là
regardaient l'invitation aux noces comme une injure. Et pour se
soustraire aux importunités des amis de l'Époux, ils les mettent à
mort. Le Roi, l'ayant appris, se mit en
colère, et ayant envoyé ses troupes, il fit périr ces meurtriers
et brûla leur ville. Ainsi, les armées romaines qui
détruisirent plus tard Jérusalem étaient envoyées par le Roi, qui
voulait faire les noces de son fils et dont l'invitation avait été
rejetée par cette ville. Alors il dit à ses
serviteurs : Le festin des noces est prêt, mais ceux qui
étaient invités n'en étaient pas dignes. Allez donc dans les
carrefours des chemins, et invitez aux noces tous ceux que vous
trouverez. Et les serviteurs étant allés dans les chemins,
assemblèrent tous ceux qu'ils trouvèrent, tant mauvais que bons,
en sorte que la salle des noces était remplie de gens qui étaient
à table. Ils n'en étaient pas dignes parce qu'ils
n'éprouvaient aucune faim pour savourer les mets du festin royal, et
n'avaient aucun goût pour les joies du ciel. Quiconque méprise la
Parole de Dieu, se juge lui-même indigne de la vie éternelle.
Le Roi étant entré pour voir
ceux qui étaient à table, aperçut un homme qui n'avait pas un
habit de noces. Il lui dit : Mon ami, comment es-tu ici sans
avoir un habit de noces ? Et il eut la bouche fermée. Alors
le Roi dit aux serviteurs : Liez-le pieds et mains et le
jetez dans les ténèbres du dehors ; c'est là qu'il y a des
pleurs et des grincements de dents. Car il y a beaucoup d'appelés,
mais peu d'élus. La première partie de cette parabole
se rattache à celle des méchants vignerons, dans laquelle le Seigneur
annonçait la réjection du peuple, parce qu'il n'avait pas fourni le
travail imposé aux membres du royaume de Dieu. En commençant celle-ci,
Jésus nous montre ce même peuple attirant sur lui le jugement, pour
avoir refusé de jouir des biens et des grâces de ce royaume. Mais elle
nous conduit plus loin dans le développement ultérieur du règne de
Dieu, c'est-à-dire jusqu'à l'heure du dernier jugement.
D'habitude, lorsqu'en Orient on invite à des noces, on
donne à chaque convive un habit de fête. Ainsi chacun d'eux ne parait
devant le maître qu'avec cet habit. L'homme qui l'avait refusé, avait
sans doute estimé que ses propres vêtements étaient assez bons
pour se présenter devant le Roi, et il avait méprisé la robe de noces
qui lui avait été offerte.
Un Anglais et un Indien du nord de l'Amérique avaient
tous deux entendu une prédication qui était un puissant appel à la
repentance. Tous deux en furent profondément impressionnés. L'Indien
arriva bientôt à la paix et devint heureux. L'Anglais aspirait aussi à
cette paix. Il combattait ses péchés et soupirait après la grâce. Mais
le Saint-Esprit ne rendait pas témoignage à son esprit qu'il fût
enfant de Dieu. Ils se rencontrèrent un jour de nouveau et l'Anglais
demanda à son ami comment il avait si promptement obtenu la paix,
tandis que lui-même était encore écrasé par le fardeau de ses péchés.
- Cher ami, lui répondit l'Indien, voici ce qui est arrivé ; un
homme riche avait offert à chacun de nous un habit. Moi, je l'ai
accepté avec joie, car je sais que mon vieil habit est usé jusqu'à la
corde. Tandis que toi, tu as regardé le tien et tu as dit : Il
est encore très bon - je puis encore le porter longtemps, et tu n'as
pas revêtu celui qui t'était offert. - Voici, Jésus est venu et a
voulu nous revêtir l'un et l'autre de sa justice. Alors j'ai vu la
multitude de mes péchés et j'ai été heureux de couvrir ma nudité. Toi,
tu as regardé ta vie passée et tu t'es dit qu'elle n'est pas si
mauvaise. Les hommes ne peuvent rien te reprocher, et tu as cru
pouvoir te passer de la robe de noces de la justice de Christ. -
L'Anglais dut reconnaître que son ami avait raison, et il parvint
aussi plus tard à la joie nuptiale ; car il tendit aussi la main
pour saisir l'habit de noces.
Les esprits étaient dans une grande agitation à Jérusalem. Ce n'était
un mystère pour personne, qu'à la suite de la résurrection de Lazare,
le Sanhédrin avait résolu de faire mourir Jésus. On savait même que
cette haute assemblée avait promis une récompense à quiconque se
saisirait de lui et l'amènerait devant le Conseil.
Et cependant, le dimanche précédent, Jésus était entré dans la ville
comme Roi de Sion, aux joyeuses acclamations du peuple, et personne
n'avait mis la main sur lui. Il était monté au temple et l'avait
purifié. Il s'était seulement élevé contre lui une timide opposition
qui fut promptement réduite au silence lorsque, avec un calme
majestueux, il renvoya ses adversaires aux paroles de l'Écriture.
Cependant, le lendemain, lorsque le Sanhédrin fut remis de sa première
émotion, les principaux sacrificateurs voulurent faire rendre compte à
Jésus de sa conduite devant tout le peuple, et lui demandèrent de se
justifier. Il leur ferma la bouche de nouveau et les couvrit
publiquement de honte et de confusion. Alors il se tint là, sous le
portique de Salomon, au haut du grand escalier qui conduisait au
Sanctuaire, et la multitude du peuple écoutait attentivement ses
paroles. Ses accusateurs, ceux qui cherchaient à le faire mourir,
étaient aussi là, mais aucun d'eux n'osa ouvrir la bouche en sa
présence. Le sentiment qu'une crise décisive devait se produire
pendant ces jours de fête, oppressait tons les coeurs. Une profonde
douleur se peint sur les traits du Sauveur. Ses puissantes paroles,
prononcées avec une divine majesté, pénètrent jusqu'au fond des coeurs
du peuple et de ses chefs. Il ne parle pas comme un accusé qui se
défend, mais comme un Roi. Et plus d'un crut sans doute que l'heure du
jugement était venue, dans laquelle le Seigneur réglerait le compte de
ses ennemis. Il tire au grand jour les desseins secrets des coeurs, et
montre à ses adversaires qu'il connaît leurs projets meurtriers. Il
leur annonce leur réjection et leur déclare publiquement que le
royaume de Dieu leur sera ôté pour être donné aux païens.
Les principaux sacrificateurs comprennent en effet que
tel est le danger dont il les menace, et leurs coeurs bouillonnent de
fureur, mais aucun d'eux n'ose mettre la main sur lui, parce qu'ils
craignent le peuple. Et Jésus se retire tranquillement à Béthanie pour
y passer la nuit. Mais les principaux sacrificateurs n'avaient pas de
repos. Ils craignaient son influence croissante sur la foule qui se
réunissait à Jérusalem pour la fête. Ils sentent qu'ils doivent agir,
si tout ne doit pas être perdu. Mais une chose leur est claire; en
présence des dispositions du peuple, ils ne peuvent recourir à la violence.
Ils s'accordent sur la nécessité d'user de ruse. Ils vont tâcher
de le surprendre dans ses discours, de lui arracher quelque
parole qui puisse servir de base à une accusation, afin d'anéantir son
influence sur le peuple. Pour atteindre ce but, les circonstances
politiques et la situation des partis qui en était la conséquence,
leur fournissaient une excellente occasion. Les pharisiens
partageaient la haine du peuple contre la domination païenne des
Romains. Ils attisaient cette haine, et entretenaient dans les masses
le sentiment de mécontentement que leur causait leur état présent, et
les aspirations à l'affranchissement du joug détesté de l'étranger.
Hérode, au contraire, et tous ceux de son parti, tenait pour les
Romains, parce que c'est d'eux qu'il avait reçu son pouvoir. Ne
pourrait-on pas amener le Seigneur à porter publiquement un jugement
sur la situation politique ? De cette manière, il s'attirerait
forcément le mécontentement, peut-être même la haine de l'un des deux
partis qui divisaient les habitants.
La question de l'impôt leur paraissait la plus propre à
les conduire à ce but. Qu'un empereur païen levât des impôts sur le
peuple de Dieu, cela leur paraissait le dernier degré de
l'humiliation. Quelques-uns en faisaient une sérieuse question de
conscience. Ils se demandaient s'il était convenable que le peuple de
Dieu payât ce tribut. Ne pouvait-on pas amener Jésus à se prononcer
publiquement sur ce point ? Car ou bien il ordonnerait de
payer cet impôt, et alors il se déclarerait l'ami des Romains et
l'ennemi de son peuple, ou bien il dirait qu'il ne convient
pas que le peuple de Dieu paye le tribut à un empereur païen, et alors
il passerait pour un séditieux qui soulève des sujets contre leur
souverain.
Le plan était parfaitement conçu. Les pharisiens
eux-mêmes se tenaient sur la réserve, afin de ne pas éveiller les
soupçons de Jésus par leur présence. D'ailleurs, ils ne tenaient pas à
s'exposer à une mésaventure comme celle de la veille. C'est pourquoi ils
envoyèrent leurs disciples. Mais si leur plan avait réussi, ils
auraient pu invoquer, pour tous les cas, la présence d'irrécusables
témoins. C'est pourquoi un certain nombre d'Hérodiens se trouvaient
aussi là : c'était la police du roi en vêtements civils, qui, au
premier mot un peu risqué du Sauveur, se seraient avancés comme témoins,
et auraient rendu leur témoignage comme faisant partie de leur
service.
Ainsi, de l'air le plus innocent du monde, les jeunes
pharisiens s'approchèrent du Seigneur lorsque, le mardi, il parut de
nouveau au milieu du peuple. Jugeant les sentiments de Jésus d'après
les leurs, ils pensaient qu'en le flattant, ils se ménageraient un
accueil favorable auprès de lui. Ils lui dirent donc : Maître,
nous savons que tu es sincère et que tu enseignes la voie de Dieu
selon la vérité, sans avoir égard à qui que ce soit.
Par ce préambule, ils voulaient convaincre Jésus qu'ils étaient
poussés à faire cette démarche par un impérieux motif de conscience. Dis-nous
donc ce qu'il le semble de ceci : Est-il permis de payer le
tribut à César ou non ? Ils étaient certains que
la foule qui les entourait écouterait la réponse du Sauveur avec la
plus grande attention. - C'était une question brûlante, qui, une fois
débattue publiquement, ne pouvait pas être résolue avec calme. Mais
ils s'étaient trompés dans leur calcul. Jésus, qui n'a pas besoin
qu'on lui dise ce qui est dans l'homme, reconnut leur malice et leur
dit : Hypocrites, pourquoi me
tentez-vous ? Ces seules paroles pouvaient leur
montrer déjà que leur plan avait échoué. Et il ajouta : Montrez-moi
la monnaie dont on paye le tribut.
Ils auraient préféré renouveler leur question et insister
sur une réponse directe. Mais ils ne pouvaient pas échapper, puisqu'il
s'agissait précisément de la monnaie dont on payait l'impôt. Ils lui
présentèrent un denier. Le Seigneur leur mit cette pièce sous les yeux
et leur dit : De qui est celle
image ? Ils répondirent : De
César. De qui est celle inscription ? Ils
répondirent encore : De César.
Alors le Seigneur leur dit : C'est bien ! Si donc vous avez
reçu cette monnaie de César, et si vous vous en servez dans votre
commerce et dans toutes vos affaires, rendez
à César ce qui appartient à César.
Le Seigneur n'avait pas à se prononcer sur le point de
savoir si la dépendance dans laquelle on était d'une domination
païenne, était bien l'état qui convenait au peuple de Dieu. Toutefois,
on sent percer dans sa réponse cette accusation : Vous avez
refusé de donner votre coeur à Dieu par la prière et par la foi. C'est
pourquoi Dieu vous châtie en vous abandonnant à la domination romaine.
Cependant Jésus ajoute : Rendez à Dieu
ce qui appartient à Dieu. Rendez à Dieu ce qui porte
son image, ce qui est fait à son image et appelé à sa gloire,
c'est-à-dire votre coeur. Par ces paroles, le Seigneur déchire le
piège que leur ruse lui avait tendu, car ni le parti romain ni celui
du peuple ne pouvaient rien trouver à redire à cette réponse. Si nous
considérons l'assurance avec laquelle les adversaires de Jésus
comptaient sur un résultat favorable de leur artifice, nous
comprendrons qu'ils admirassent les paroles du Sauveur et que
le laissant, ils s'en allassent. Jésus enseigne la voie de
Dieu selon la vérité. Car notre religion consiste à rendre à Dieu ce
qui lui appartient : l'honneur, l'adoration, la crainte, l'amour.
Et notre devoir de citoyens consiste à rendre à l'autorité ce qui lui
est dû : l'impôt, le tribut, le respect, l'obéissance, dans
toutes les choses qui ne sont pas contraires à notre foi chrétienne et
à la Parole de Dieu. Il n'y a qu'un cas où la conscience nous défend
d'obéir à l'autorité : c'est lorsqu'elle commande quelque chose
de contraire à la Parole de Dieu. Car il faut obéir à Dieu plutôt
qu'aux hommes (Act.
V, 29). Et même dans ce cas, un chrétien ne doit pas se
révolter, mais seulement refuser l'obéissance matérielle qui serait
contraire à la volonté de Dieu, et souffrir avec patience toutes les
conséquences de sa conduite.
Le deuxième jour de la grande semaine de la Passion du Sauveur fut un
jour de combats. Tous les partis, qui d'ailleurs étaient profondément
divisés entre eux, s'unirent pour lui poser des questions insidieuses.
C'était un jour comme celui où les messagers vinrent annoncer à Job la
série de ses malheurs, tellement qu'à peine l'un avait fini de parler,
un autre commençait. Les Hérodiens avec les pharisiens n'ayant rien
obtenu, les sadducéens libres-penseurs recommencèrent le combat. - Ce
jour-là, les sadducéens, qui disent qu'il n'y a point de résurrection,
vinrent à Jésus et lui dirent : Maître,
Moïse a dit : Si quelqu'un, meurt sans enfants, son frère
épousera sa veuve et suscitera lignée à son frère. Or, il y avait
parmi nous sept frères, dont le premier,
s'étant marié, mourut, et n'ayant point eu d'enfants, il laissa sa
femme à son frère. De même aussi le second, et puis le troisième
et jusqu'au septième. Or, après eux tous la femme mourut aussi. Du
quel donc sera-t-elle la femme dans la résurrection ? car
tous les sept l'ont eue. C'était là une histoire qu'ils
avaient eux-mêmes inventée, et par laquelle ils voulaient tourner en
ridicule la croyance à la résurrection. Ils agissaient comme le font
encore aujourd'hui les adversaires de la parole de Dieu. Ils
commencent par tordre et défigurer les témoignages historiques de
cette Parole, et puis ils prouvent sans peine le peu de solidité de
cette caricature qui est leur ouvrage. Car ils corrompent la doctrine
de la résurrection, les sadducéens et tous les libres-penseurs de nos
jours, en enseignant que la vie conjugale, instituée pour cette terre,
doit aussi se retrouver parmi les saints glorifiés. Cette institution
est établit, par Dieu, seulement pour la vie présente, et les
bienheureux n'en auront ni le besoin ni la capacité. Voilà pourquoi le
Seigneur répond à ses interlocuteurs : Vous
êtes dans l'erreur parce que vous n'entendez point les Écritures,
ni quelle est la puissance de Dieu. Car après la résurrection, les
hommes ne prendront point de femmes ni les femmes de maris, mais
ils seront comme les anges de Dieu qui sont dans le ciel.
L'erreur des sadducéens consistait précisément à
prétendre que la résurrection est une simple restauration de la vie
terrestre. Or, il n'en est pas ainsi. Sans doute il ne faut pas nous
représenter la vie après la résurrection comme celle de purs esprits,
mais il ne faut pas non plus nous la figurer grossièrement sensuelle.
L'apôtre Paul noms donne des indications précises sur ce sujet.
« Toute chair, dit-il (I
Cor. XV, 39-44), n'est pas la même chair ; mais autre est
la chair des hommes, autre la chair des bêtes, autre la chair des
poissons, et autre celle des oiseaux. Il y a aussi des corps célestes
et des corps terrestres ; mais autre est l'éclat des corps
célestes et autre celui des terrestres. Il en sera de même à la
résurrection des morts. Le corps est semé corruptible, il ressuscitera
incorruptible ; il est semé méprisable, il ressuscitera
glorieux ; il est semé infirme, il ressuscitera plein de
force ; il est semé corps animal, il ressuscitera corps
spirituel ; car il y a un corps animal et il
y a un corps spirituel. » La chair et le sang ne peuvent posséder
le royaume des cieux. - Cependant les enfants de la résurrection ne
seront pas de simples ombres privées de vie et de réalité, mais ils
auront un corps glorifié. Ce que l'Écriture nous dit du corps glorifié
de Jésus-Christ après sa résurrection, nous pouvons hardiment
l'appliquer à nos corps après notre résurrection. Les sadducéens sont
dans l'erreur parce qu'ils ne connaissent pas la puissance de Dieu,
qui peut transformer le corps terrestre en un corps céleste. Mais
aussi parce qu'ils n'entendent pas les Écritures.
Et quant à la résurrection des
morts, n'avez-vous point lu ce que Dieu vous a dit : Je suis
le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob ? Or,
Dieu n'est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants.
Saint Marc (XII,
26) ajoute cette parole de Jésus : N'avez-vous
point lu dans le livre de Moïse, comment Dieu lui parla dans le
buisson ? Ce buisson enflammé, que le feu ne
consume pas, est une garantie que Dieu peut conserver ce qui, d'après
les lois de la nature, semble devoir être détruit. Si Dieu, des
siècles après la mort des patriarches, s'appelle leur Dieu, s'ils sont
ses amis et ses protégés, ils doivent être nécessairement quelque
chose de plus qu'un peu de poussière et de cendre ; ils doivent
être des personnes réelles et vivantes. Et
le peuple, entendant cela, admirait sa doctrine. Ce qui
excitait l'admiration du peuple, c'était sans doute la méthode
employée par le Seigneur. On admirait la manière dont il découvrait
l'erreur et l'ignorance des sadducéens et expliquait les
Écritures ; non d'après la lettre, mais d'après l'esprit.
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