Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE II

suite

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105. L'autorité de Christ. Les deux fils.

(Matth. XXI, 23-32.)


 Le même jour, lundi, alors qu'on était encore sous l'impression de l'entrée solennelle de Jésus à Jérusalem et de la purification du temple, les principaux sacrificateurs et les sénateurs du peuple vinrent à lui, comme il enseignait, et lui dirent : Par quelle autorité fais-tu ces choses, et qui est-ce qui t'a donné celle autorité ? Les principaux sacrificateurs auraient volontiers dénoncé Jésus au peuple comme un homme qui remplit des fonctions publiques sans l'approbation de l'autorité supérieure. Bientôt ils demanderont compte à Dieu de ce qu'il permet au soleil de luire, sans y être autorisé par les chefs de son peuple. Ils agissaient de la même manière que beaucoup de chrétiens de nos jours. Lorsque la parole de Dieu tombe sur les coeurs comme un marteau qui brise les rochers, ou comme une épée à deux tranchants qui atteint jusqu'au fond de l'âme et de l'esprit, des jointures et des moelles (Héb. IV, 12), ceux qui ne veulent pas se laisser châtier par l'Esprit de Dieu, exigent que cette Parole se légitime, et demandent : D'où vient cette autorité ? Ou bien : Comment ce prédicateur peut-il se permettre de tenir un pareil langage ? Par ce moyen, ils parviennent à étouffer la voix de leur conscience et à annuler l'effet de la Parole de Dieu sur leurs coeurs.

À la question des sacrificateurs, Jésus répond par une autre question. Il leur dit : Je vous ferai aussi une question, et si vous m'y répondez, je vous dirai aussi par quelle autorité je fais ces choses. Le baptême de Jean, d'où venait-il, du ciel ou des hommes ? Or, ils raisonnaient ainsi en eux-mêmes : Si nous disons : du ciel, il nous dira : Pourquoi n'y avez-vous pas cru ? Si nous disons : des hommes, nous craignons le peuple, car tous regardent Jean comme un prophète. Les coeurs avaient été profondément remués par les exhortations à la repentance, que Jean-Baptiste avait adressées au peuple, tellement que tous le reconnaissaient comme un prophète de Dieu, bien qu'il ne fût le délégué d'aucune autorité humaine. Mais toute sa prédication se résumait en ceci : c'est qu'il désignait Jésus comme le Messie promis. Les principaux sacrificateurs sont dans un grand embarras. Décidés à ne pas croire, ils ont cependant honte d'avouer publiquement leur incrédulité devant le peuple. Alors ils répondirent à Jésus : Nous n'en savons rien. Cette réponse leur attire celle-ci de la part du Seigneur : Et moi, je ne vous dirai pas non plus par quelle autorité je fais ces choses. -

Mais il ne suffit pas au Sauveur d'avoir fermé la bouche à ses adversaires. Il veut encore une fois tâcher de les amener à reconnaître leur incrédulité et à prononcer eux-mêmes leur condamnation. Il leur dit donc : Que vous semble de ceci : Un homme avait deux fils, et s'adressant au premier, il lui dit : Mon fils, va travailler aujourd'hui dans ma vigne. Mais il répondit : Je n'y veux point aller ; et cependant s'étant repenti ensuite, il y alla. Puis il vint à l'autre et lui dit la même chose. Celui-ci lui répondit : J'y vais, Seigneur, mais il n'y alla pas. Il est facile de savoir lequel des deux fils fit la volonté de son père. Les Juifs ne pouvaient s'empêcher de reconnaître que c'était le premier. Par ce fils, le Seigneur place devant leurs yeux l'image des péagers et des femmes de mauvaise vie, qui avaient audacieusement violé les commandements de Dieu, et qui avaient dit ouvertement : Nous ne voulons pas y aller. Mais ensuite ils s'étaient repentis ; ils avaient reçu le baptême de Jean pour la rémission des péchés, et à partir de ce moment ils avaient marché dans la voie de Dieu. Parmi ces péagers se trouvait Matthieu qui nous a conservé cette parole de Jésus. - Par le second fils, qui dit de bouche : Oui, Seigneur, mais qui désobéit, Jésus présente aux pharisiens et aux souverains sacrificateurs leur propre image. À chaque commandement : Tu dois, ils répondent : « Oui, Seigneur » et croient ne s'être rendus coupables d'aucune violation de la loi de Dieu, mais de fait, ils n'ont pas obéi à sa volonté, ne se sont pas repentis et n'ont pas cru. Aussi, malgré leur honnêteté extérieure, ils demeuraient cependant exclus du royaume de Dieu.

Je vous dis, en vérité, que les péagers et les femmes de mauvaise vie vous devanceront dans le royaume de Dieu. Le jugement qui a frappé le figuier stérile, rappelle la cognée dont Jean-Baptiste avait menacé les pharisiens. Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu. Le « Oui, Seigneur » n'est qu'un rempart de feuillage qui ne saurait garantir des coups de la hache. Le pécheur qui ne se repent pas et ne croit pas, tombe sous le jugement, malgré son honnêteté extérieure, car Dieu regarde au coeur. En revanche, le pécheur qui, travaillé et chargé, cherche un refuge auprès de Jésus, sera reçu en grâce lors même que ses péchés seraient rouges comme le vermillon. - Les paroles du Seigneur ne signifient assurément pas que les péagers et les femmes de mauvaise vie entrent dans le royaume des cieux parce qu'ils ont vécu dans le péché et dans la honte, et que les pharisiens seront condamnés parce qu'ils ont vécu honorablement. Mais voici sa pensée : Aucun pécheur ne sera exclu du royaume des cieux à cause de ses péchés, quelque grands et horribles qu'ils soient dès qu'il saisit, par la repentance et par la foi, Jésus le Sauveur des pécheurs. Mais nul pécheur ne doit croire que la justice de Dieu puisse être satisfaite par ses oeuvres ou par son honnêteté. Tous ont besoin de la grâce, et cette grâce ne s'obtient que par la repentance et par la foi.



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106. Les méchants vignerons.

(Matth. XXI, 33-46.)

 

Comme les chefs du peuple avaient refusé le baptême de Jean-Baptiste, de même ils ne montrent à Jésus que leur incrédulité et leur désobéissance, bien que Dieu les eût choisis comme vignerons pour cultiver sa vigne. C'est ce que Jésus leur fait comprendre par une autre parabole. Il y avait un père de famille qui planta une vigne ; il l'environna d'une haie, il y creusa un pressoir et y bâtit une tour, puis il la loua à des vignerons et s'en alla faire un voyage. Cette vigne est le royaume de Dieu dans l'Ancien Testament. Dieu l'avait richement aménagée, afin qu'elle portât du fruit. Par sa loi, il l'avait entourée d'une haie qui séparait le peuple d'Israël des nations païennes. Le pressoir était le temple avec son culte et ses sacrifices. La tour qui devait protéger la vigne, c'était l'autorité établie sur le peuple. Après avoir ainsi préparé sa vigne, Dieu la loua à des vignerons, c'est-à-dire aux chefs du peuple, et s'en alla faire un voyage. Il cessa complètement d'intervenir directement et de se montrer personnellement. La saison des fruits étant proche, il envoya ses serviteurs vers les vignerons, pour recevoir les fruits de la vigne. Les serviteurs que Dieu envoie dans sa vigne doivent être distingués des vignerons. Les premiers étaient chargés de réclamer aux derniers les fruits de la vigne. Les serviteurs n'ont pas de mission régulière et spéciale. Ce sont les prophètes, qui sont envoyés pour appeler le peuple à la repentance et le ramener à Dieu. Mais les vignerons s'étant saisis des serviteurs, battirent l'un, tuèrent l'autre et eu lapidèrent un autre. Il envoya encore d'autres serviteurs en plus grand nombre que les premiers, mais ils les traitèrent de la même manière. Les vignerons voulaient jouir de la vigne sans se soucier du père de famille. Chaque prophète, chaque messager rappelle au peuple les péchés commis contre Dieu. Et pour être délivrés de ces voix importunes, ils ont maltraité et mis à mort ces serviteurs de l'Éternel : Ésaïe, Jérémie, Amos, Michée, Zacharie et beaucoup d'autres ont été victimes de la haine de ces vignerons.

Enfin, il envoya vers eux son propre fils, disant : Ils auront du respect pour mon fils. 0 miracle, ô puissance de l'amour ! Tu as fait ce que nul homme n'eût pensé ; tu as arraché à Dieu son Fils bien-aimé. Mais les chefs du peuple n'eurent aucun respect pour lui. « Ils ne voulaient pas que celui-ci régnât sur eux ! » Mais quand les vignerons virent le fils, ils dirent entre eux : C'est ici l'héritier ; venez, tuons-le et nous saisissons de l'héritage. Et l'ayant pris, ils le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. Quelle impression ces paroles durent-elles faire sur les pharisiens et les chefs du peuple ? Elles montrent en effet que Jésus connaît leurs coeurs et n'ignore pas leurs desseins meurtriers !

Les vignerons reconnaissent le Fils, Jésus le leur dit clairement. Leur haine ne les a donc pas complètement aveuglés. C'est donc en pleine connaissance de cause qu'ils cherchent à tuer l'héritier de la vigne. Un tel abîme d'inimitié contre Dieu nous effraye et nous tremblons pour les âmes de ces méchants vignerons. N'est-ce pas là le dernier degré de l'endurcissement ? N'est-ce pas le péché qui ne sera jamais pardonné ? Mais qui donc peut sonder les profondeurs des coeurs ! Qui osera condamner, quand Jésus en croix s'écrie : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font ! » Heureux sommes-nous d'avoir un tel Sauveur !

Le Seigneur les force à prononcer leur propre jugement, lorsqu'il leur dit : Quand le maître de la vigne sera venu, que fera-t-il ces vignerons ? Ils lui répondirent : Il fera périr ces misérables et louera sa vigne à d'autres vignerons qui lui en rendront les fruits. Les principaux du peuple reconnaissent la justice des jugements de Dieu, prêt à les frapper à cause de leur incrédulité. Il faut que l'homme se courbe devant Dieu. S'il ne s'incline pas avec adoration devant son miséricordieux amour, il sera forcé de se plier devant la puissance de ses jugements. Mais ceux-là ne reçoivent pas l'avertissement. Jésus leur confirme que le jugement qu'ils viennent de prononcer est parfaitement d'accord avec l'Écriture. - Il leur dit : N'avez-vous jamais lu dans l'Écriture ces paroles : La pierre que ceux qui bâtissaient ont rejetée est devenue la principale pierre de l'angle. Ceci a été fait par le Seigneur, et c'est une chose merveilleuse devant nos yeux. C'est pourquoi je vous dis que le royaume de Dieu vous sera ôté et qu'il sera donné à une nation qui en rapportera des fruits. Celui qui tombera sur celle pierre sera brisé et celui sur qui elle tombera sera écrasé. Lorsque la foule, poussée par les principaux sacrificateurs, criait devant Pilate : Crucifie-le, crucifie-le ! les architectes rejetaient cette pierre comme mauvaise. Par sa résurrection et son ascension, le Crucifié est devenu la pierre de l'angle de l'Église de Dieu. Ce Crucifié suspendu au bois maudit est l'objet de l'adoration du monde. Oui vraiment, ceci est une chose merveilleuse devant nos yeux.

Mais les jugements de Dieu s'exercent suivant les dispositions des coeurs et la conduite des hommes à son égard. Les vignerons jettent le Fils hors de la vigne, et le Juge de toute la terre dit « Amen, » à cet acte. Qu'il leur soit fait selon leur volonté ! Le royaume de Dieu leur sera ôté et sera donné aux païens qui en rendront les fruits. Le peuple d'Israël avait été choisi parmi tous les peuples et préparé pendant des siècles pour recevoir le royaume des cieux. Dieu l'a traité comme on traite un fils, et l'a comblé de grâces. Mais Israël voulait être quelque chose par lui-même, et avoir sa dignité propre indépendamment de Dieu, et il est tombé par sa faiblesse. - Si quelqu'un ne veut pas être l'instrument de la grâce de Dieu, cette grâce s'éloigne de lui. Ce que Jésus avait dit au centenier de Capernaüm, ce qu'il venait de mettre sous les yeux de ses disciples en frappant le figuier stérile, il le dit maintenant à tout le peuple : C'est que Dieu n'est pas lié à Israël. Si Israël repousse l'Évangile, le royaume de Dieu sera donné aux païens.

Dieu n'était pas lié au peuple d'Israël, si ce n'est par les soins fidèles dont il l'a entouré. Dieu n'est pas davantage lié aux chrétiens d'aujourd'hui. De quels fleuves de bénédictions n'a-t-il pas inondé les peuples chrétiens ! C'est par la grâce de Dieu qu'ils sont ce qu'ils sont. Les ruisseaux du fleuve réjouissent la ville de Dieu (Ps. XLVI, 5). Mais où est la reconnaissance ? Où sont les fruits que le Père de famille a le droit d'attendre de sa vigne ? N'entend-on pas parmi nous, comme autrefois parmi les Juifs, retentir ce cri : « Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous ! » Si les sages, les savants de nos jours, ceux qui donnent le ton à la société actuelle, ceux qui dirigent l'opinion publique, étaient une fois appelés à décider la question de savoir quel est le meilleur et le plus sûr fondement sur lequel on puisse édifier le bien-être moral, politique et social du peuple, on verrait de nouveau s'accomplir la parole du Psaume IIe 2.

Un édifice qui n'est pas fondé sur la pierre angulaire du salut : Jésus-Christ crucifié et ressuscité, peut bien pendant quelque temps exciter l'admiration des hommes, comme autrefois la tour de Babel, mais il ne saurait durer. Celui qui tombera, sur cette pierre sera brisé, et celui sur lequel elle tombera sera écrasé. Quiconque se heurte, dans une orgueilleuse incrédulité, à l'humilité du Crucifié, et s'insurge contre lui, se condamne lui-même à la ruine. Car c'est lui-même qu'il brisera et non le Seigneur. Quiconque s'attaque au rocher qui est Christ, en lui livrant un furieux assaut, devra faire l'expérience que sa tête a la fragilité du verre. Puis, à cette perdition, dans laquelle ils se précipitent eux-mêmes, vient s'ajouter la colère de Dieu, qui écrasera les ennemis de la croix de Christ. Il leur parlera dans sa colère et les effrayera dans l'ardeur de son courroux.

Enfin, les principaux sacrificateurs s'aperçoivent que Jésus parle d'eux dans ses similitudes. Cependant, malgré le désir de leur coeur altéré de vengeance, ils ne peuvent se saisir immédiatement de Jésus. Car ils craignaient le peuple, parce qu'il regardait Jésus comme un prophète.



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107. La parabole des noces.

(Matth. XXII, 1-14.)


Le Seigneur a montré aux principaux sacrificateurs le danger auquel ils s'exposaient en le rejetant. Maintenant, il va leur représenter encore toute la douceur et toute la joie du royaume des cieux ; mais il ne passe pas sous silence le jugement qui attend ceux qui n'y entrent pas de tout leur coeur. Le royaume des cieux est semblable à un Roi qui fit les noces de son fils. Les réjouissances d'une noce sont les plus appréciées que la terre puisse offrir. C'est pourquoi personne ne refuse légèrement d'y assister, quand il y est invité. On ne regrette qu'une chose dans une noce, c'est qu'elle passe trop vite. On voudrait qu'elle se répétât chaque jour. C'est à cette fête que Jésus appelle toute l'humanité, quand il dit : « Venez aux noces ». - La vie du royaume des cieux n'est rien moins que sombre et triste. Elle est au contraire pleine de bonheur et de joie. Elle est justice, paix et joie par le Saint-Esprit (Rom. XIV, 17). Le royaume des cieux n'est pas un pénitencier où un surveillant, armé d'un bâton, pousse devant lui un troupeau de gens mécontents. C'est le règne de l'amour, où la glorieuse liberté des enfants de Dieu constitue la suprême félicité ; où l'on est heureux d'être la propriété du Chef de ce royaume, de vivre sous sa domination et de le servir. Et cette heureuse vie n'est pas passagère et fugitive comme les fêtes nuptiales de la terre ; elle dure éternellement, aussi longtemps que le ciel même. De plus, le Seigneur ne compare pas les joies du royaume des cieux à des noces ordinaires, comme il s'en célèbre par milliers sur la terre, mais aux noces d'un fils de Roi. Aussi les conviés n'y peuvent-ils pas prendre part comme de simples hôtes, mais en qualité de fiancée, et jouissent de la béatitude de l'amour divin sur le coeur du fiancé des âmes. C'est la suprême joie jointe à la suprême gloire.

Et il envoya ses serviteurs pour appeler ceux qui avaient été invités aux noces ; mais ils n'y voulurent point venir. Il envoya encore d'autres serviteurs avec cet ordre : Dites à ceux qui ont été invités : J'ai fait préparer mon festin. Mes taureaux et mes bêtes grasses sont tués, et tout est prêt, ... venez aux noces. Mais eux, n'en tenant aucun compte, s'en allèrent, l'un à son trafic, l'attire à sa métairie. Les premiers invités sont les Juifs, mais la grande majorité d'entre eux n'avait aucun goût pour les choses éternelles et divines. Ils s'enthousiasmaient pour la puissance politique et la gloire de leur peuple. Ils étaient prêts à sacrifier leurs biens et leur sang pour les acquérir. Mais pour les joies du ciel et la paix de l'âme, ils étaient indifférents. Les travaux de leurs champs et l'exercice de leurs métiers leur paraissaient plus importants que leur présence aux noces du fils du Roi.

Les autres prirent les serviteurs, les outragèrent et les tuèrent. Ceux-là regardaient l'invitation aux noces comme une injure. Et pour se soustraire aux importunités des amis de l'Époux, ils les mettent à mort. Le Roi, l'ayant appris, se mit en colère, et ayant envoyé ses troupes, il fit périr ces meurtriers et brûla leur ville. Ainsi, les armées romaines qui détruisirent plus tard Jérusalem étaient envoyées par le Roi, qui voulait faire les noces de son fils et dont l'invitation avait été rejetée par cette ville. Alors il dit à ses serviteurs : Le festin des noces est prêt, mais ceux qui étaient invités n'en étaient pas dignes. Allez donc dans les carrefours des chemins, et invitez aux noces tous ceux que vous trouverez. Et les serviteurs étant allés dans les chemins, assemblèrent tous ceux qu'ils trouvèrent, tant mauvais que bons, en sorte que la salle des noces était remplie de gens qui étaient à table. Ils n'en étaient pas dignes parce qu'ils n'éprouvaient aucune faim pour savourer les mets du festin royal, et n'avaient aucun goût pour les joies du ciel. Quiconque méprise la Parole de Dieu, se juge lui-même indigne de la vie éternelle.

Le Roi étant entré pour voir ceux qui étaient à table, aperçut un homme qui n'avait pas un habit de noces. Il lui dit : Mon ami, comment es-tu ici sans avoir un habit de noces ? Et il eut la bouche fermée. Alors le Roi dit aux serviteurs : Liez-le pieds et mains et le jetez dans les ténèbres du dehors ; c'est là qu'il y a des pleurs et des grincements de dents. Car il y a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus. La première partie de cette parabole se rattache à celle des méchants vignerons, dans laquelle le Seigneur annonçait la réjection du peuple, parce qu'il n'avait pas fourni le travail imposé aux membres du royaume de Dieu. En commençant celle-ci, Jésus nous montre ce même peuple attirant sur lui le jugement, pour avoir refusé de jouir des biens et des grâces de ce royaume. Mais elle nous conduit plus loin dans le développement ultérieur du règne de Dieu, c'est-à-dire jusqu'à l'heure du dernier jugement.

D'habitude, lorsqu'en Orient on invite à des noces, on donne à chaque convive un habit de fête. Ainsi chacun d'eux ne parait devant le maître qu'avec cet habit. L'homme qui l'avait refusé, avait sans doute estimé que ses propres vêtements étaient assez bons pour se présenter devant le Roi, et il avait méprisé la robe de noces qui lui avait été offerte.

Un Anglais et un Indien du nord de l'Amérique avaient tous deux entendu une prédication qui était un puissant appel à la repentance. Tous deux en furent profondément impressionnés. L'Indien arriva bientôt à la paix et devint heureux. L'Anglais aspirait aussi à cette paix. Il combattait ses péchés et soupirait après la grâce. Mais le Saint-Esprit ne rendait pas témoignage à son esprit qu'il fût enfant de Dieu. Ils se rencontrèrent un jour de nouveau et l'Anglais demanda à son ami comment il avait si promptement obtenu la paix, tandis que lui-même était encore écrasé par le fardeau de ses péchés. - Cher ami, lui répondit l'Indien, voici ce qui est arrivé ; un homme riche avait offert à chacun de nous un habit. Moi, je l'ai accepté avec joie, car je sais que mon vieil habit est usé jusqu'à la corde. Tandis que toi, tu as regardé le tien et tu as dit : Il est encore très bon - je puis encore le porter longtemps, et tu n'as pas revêtu celui qui t'était offert. - Voici, Jésus est venu et a voulu nous revêtir l'un et l'autre de sa justice. Alors j'ai vu la multitude de mes péchés et j'ai été heureux de couvrir ma nudité. Toi, tu as regardé ta vie passée et tu t'es dit qu'elle n'est pas si mauvaise. Les hommes ne peuvent rien te reprocher, et tu as cru pouvoir te passer de la robe de noces de la justice de Christ. - L'Anglais dut reconnaître que son ami avait raison, et il parvint aussi plus tard à la joie nuptiale ; car il tendit aussi la main pour saisir l'habit de noces.



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MARDI

108. Le tribut à César.

(Matth. XXII, 15-22.)


Les esprits étaient dans une grande agitation à Jérusalem. Ce n'était un mystère pour personne, qu'à la suite de la résurrection de Lazare, le Sanhédrin avait résolu de faire mourir Jésus. On savait même que cette haute assemblée avait promis une récompense à quiconque se saisirait de lui et l'amènerait devant le Conseil. Et cependant, le dimanche précédent, Jésus était entré dans la ville comme Roi de Sion, aux joyeuses acclamations du peuple, et personne n'avait mis la main sur lui. Il était monté au temple et l'avait purifié. Il s'était seulement élevé contre lui une timide opposition qui fut promptement réduite au silence lorsque, avec un calme majestueux, il renvoya ses adversaires aux paroles de l'Écriture. Cependant, le lendemain, lorsque le Sanhédrin fut remis de sa première émotion, les principaux sacrificateurs voulurent faire rendre compte à Jésus de sa conduite devant tout le peuple, et lui demandèrent de se justifier. Il leur ferma la bouche de nouveau et les couvrit publiquement de honte et de confusion. Alors il se tint là, sous le portique de Salomon, au haut du grand escalier qui conduisait au Sanctuaire, et la multitude du peuple écoutait attentivement ses paroles. Ses accusateurs, ceux qui cherchaient à le faire mourir, étaient aussi là, mais aucun d'eux n'osa ouvrir la bouche en sa présence. Le sentiment qu'une crise décisive devait se produire pendant ces jours de fête, oppressait tons les coeurs. Une profonde douleur se peint sur les traits du Sauveur. Ses puissantes paroles, prononcées avec une divine majesté, pénètrent jusqu'au fond des coeurs du peuple et de ses chefs. Il ne parle pas comme un accusé qui se défend, mais comme un Roi. Et plus d'un crut sans doute que l'heure du jugement était venue, dans laquelle le Seigneur réglerait le compte de ses ennemis. Il tire au grand jour les desseins secrets des coeurs, et montre à ses adversaires qu'il connaît leurs projets meurtriers. Il leur annonce leur réjection et leur déclare publiquement que le royaume de Dieu leur sera ôté pour être donné aux païens.

Les principaux sacrificateurs comprennent en effet que tel est le danger dont il les menace, et leurs coeurs bouillonnent de fureur, mais aucun d'eux n'ose mettre la main sur lui, parce qu'ils craignent le peuple. Et Jésus se retire tranquillement à Béthanie pour y passer la nuit. Mais les principaux sacrificateurs n'avaient pas de repos. Ils craignaient son influence croissante sur la foule qui se réunissait à Jérusalem pour la fête. Ils sentent qu'ils doivent agir, si tout ne doit pas être perdu. Mais une chose leur est claire; en présence des dispositions du peuple, ils ne peuvent recourir à la violence. Ils s'accordent sur la nécessité d'user de ruse. Ils vont tâcher de le surprendre dans ses discours, de lui arracher quelque parole qui puisse servir de base à une accusation, afin d'anéantir son influence sur le peuple. Pour atteindre ce but, les circonstances politiques et la situation des partis qui en était la conséquence, leur fournissaient une excellente occasion. Les pharisiens partageaient la haine du peuple contre la domination païenne des Romains. Ils attisaient cette haine, et entretenaient dans les masses le sentiment de mécontentement que leur causait leur état présent, et les aspirations à l'affranchissement du joug détesté de l'étranger. Hérode, au contraire, et tous ceux de son parti, tenait pour les Romains, parce que c'est d'eux qu'il avait reçu son pouvoir. Ne pourrait-on pas amener le Seigneur à porter publiquement un jugement sur la situation politique ? De cette manière, il s'attirerait forcément le mécontentement, peut-être même la haine de l'un des deux partis qui divisaient les habitants.

La question de l'impôt leur paraissait la plus propre à les conduire à ce but. Qu'un empereur païen levât des impôts sur le peuple de Dieu, cela leur paraissait le dernier degré de l'humiliation. Quelques-uns en faisaient une sérieuse question de conscience. Ils se demandaient s'il était convenable que le peuple de Dieu payât ce tribut. Ne pouvait-on pas amener Jésus à se prononcer publiquement sur ce point ? Car ou bien il ordonnerait de payer cet impôt, et alors il se déclarerait l'ami des Romains et l'ennemi de son peuple, ou bien il dirait qu'il ne convient pas que le peuple de Dieu paye le tribut à un empereur païen, et alors il passerait pour un séditieux qui soulève des sujets contre leur souverain.

Le plan était parfaitement conçu. Les pharisiens eux-mêmes se tenaient sur la réserve, afin de ne pas éveiller les soupçons de Jésus par leur présence. D'ailleurs, ils ne tenaient pas à s'exposer à une mésaventure comme celle de la veille. C'est pourquoi ils envoyèrent leurs disciples. Mais si leur plan avait réussi, ils auraient pu invoquer, pour tous les cas, la présence d'irrécusables témoins. C'est pourquoi un certain nombre d'Hérodiens se trouvaient aussi là : c'était la police du roi en vêtements civils, qui, au premier mot un peu risqué du Sauveur, se seraient avancés comme témoins, et auraient rendu leur témoignage comme faisant partie de leur service.

Ainsi, de l'air le plus innocent du monde, les jeunes pharisiens s'approchèrent du Seigneur lorsque, le mardi, il parut de nouveau au milieu du peuple. Jugeant les sentiments de Jésus d'après les leurs, ils pensaient qu'en le flattant, ils se ménageraient un accueil favorable auprès de lui. Ils lui dirent donc : Maître, nous savons que tu es sincère et que tu enseignes la voie de Dieu selon la vérité, sans avoir égard à qui que ce soit. Par ce préambule, ils voulaient convaincre Jésus qu'ils étaient poussés à faire cette démarche par un impérieux motif de conscience. Dis-nous donc ce qu'il le semble de ceci : Est-il permis de payer le tribut à César ou non ? Ils étaient certains que la foule qui les entourait écouterait la réponse du Sauveur avec la plus grande attention. - C'était une question brûlante, qui, une fois débattue publiquement, ne pouvait pas être résolue avec calme. Mais ils s'étaient trompés dans leur calcul. Jésus, qui n'a pas besoin qu'on lui dise ce qui est dans l'homme, reconnut leur malice et leur dit : Hypocrites, pourquoi me tentez-vous ? Ces seules paroles pouvaient leur montrer déjà que leur plan avait échoué. Et il ajouta : Montrez-moi la monnaie dont on paye le tribut.

Ils auraient préféré renouveler leur question et insister sur une réponse directe. Mais ils ne pouvaient pas échapper, puisqu'il s'agissait précisément de la monnaie dont on payait l'impôt. Ils lui présentèrent un denier. Le Seigneur leur mit cette pièce sous les yeux et leur dit : De qui est celle image ? Ils répondirent : De César. De qui est celle inscription ? Ils répondirent encore : De César. Alors le Seigneur leur dit : C'est bien ! Si donc vous avez reçu cette monnaie de César, et si vous vous en servez dans votre commerce et dans toutes vos affaires, rendez à César ce qui appartient à César.

Le Seigneur n'avait pas à se prononcer sur le point de savoir si la dépendance dans laquelle on était d'une domination païenne, était bien l'état qui convenait au peuple de Dieu. Toutefois, on sent percer dans sa réponse cette accusation : Vous avez refusé de donner votre coeur à Dieu par la prière et par la foi. C'est pourquoi Dieu vous châtie en vous abandonnant à la domination romaine. Cependant Jésus ajoute : Rendez à Dieu ce qui appartient à Dieu. Rendez à Dieu ce qui porte son image, ce qui est fait à son image et appelé à sa gloire, c'est-à-dire votre coeur. Par ces paroles, le Seigneur déchire le piège que leur ruse lui avait tendu, car ni le parti romain ni celui du peuple ne pouvaient rien trouver à redire à cette réponse. Si nous considérons l'assurance avec laquelle les adversaires de Jésus comptaient sur un résultat favorable de leur artifice, nous comprendrons qu'ils admirassent les paroles du Sauveur et que le laissant, ils s'en allassent. Jésus enseigne la voie de Dieu selon la vérité. Car notre religion consiste à rendre à Dieu ce qui lui appartient : l'honneur, l'adoration, la crainte, l'amour. Et notre devoir de citoyens consiste à rendre à l'autorité ce qui lui est dû : l'impôt, le tribut, le respect, l'obéissance, dans toutes les choses qui ne sont pas contraires à notre foi chrétienne et à la Parole de Dieu. Il n'y a qu'un cas où la conscience nous défend d'obéir à l'autorité : c'est lorsqu'elle commande quelque chose de contraire à la Parole de Dieu. Car il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes (Act. V, 29). Et même dans ce cas, un chrétien ne doit pas se révolter, mais seulement refuser l'obéissance matérielle qui serait contraire à la volonté de Dieu, et souffrir avec patience toutes les conséquences de sa conduite.



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109. Les sept frères.

(Matth. XXII, 23-33.)


Le deuxième jour de la grande semaine de la Passion du Sauveur fut un jour de combats. Tous les partis, qui d'ailleurs étaient profondément divisés entre eux, s'unirent pour lui poser des questions insidieuses. C'était un jour comme celui où les messagers vinrent annoncer à Job la série de ses malheurs, tellement qu'à peine l'un avait fini de parler, un autre commençait. Les Hérodiens avec les pharisiens n'ayant rien obtenu, les sadducéens libres-penseurs recommencèrent le combat. - Ce jour-là, les sadducéens, qui disent qu'il n'y a point de résurrection, vinrent à Jésus et lui dirent : Maître, Moïse a dit : Si quelqu'un, meurt sans enfants, son frère épousera sa veuve et suscitera lignée à son frère. Or, il y avait parmi nous sept frères, dont le premier, s'étant marié, mourut, et n'ayant point eu d'enfants, il laissa sa femme à son frère. De même aussi le second, et puis le troisième et jusqu'au septième. Or, après eux tous la femme mourut aussi. Du quel donc sera-t-elle la femme dans la résurrection ? car tous les sept l'ont eue. C'était là une histoire qu'ils avaient eux-mêmes inventée, et par laquelle ils voulaient tourner en ridicule la croyance à la résurrection. Ils agissaient comme le font encore aujourd'hui les adversaires de la parole de Dieu. Ils commencent par tordre et défigurer les témoignages historiques de cette Parole, et puis ils prouvent sans peine le peu de solidité de cette caricature qui est leur ouvrage. Car ils corrompent la doctrine de la résurrection, les sadducéens et tous les libres-penseurs de nos jours, en enseignant que la vie conjugale, instituée pour cette terre, doit aussi se retrouver parmi les saints glorifiés. Cette institution est établit, par Dieu, seulement pour la vie présente, et les bienheureux n'en auront ni le besoin ni la capacité. Voilà pourquoi le Seigneur répond à ses interlocuteurs : Vous êtes dans l'erreur parce que vous n'entendez point les Écritures, ni quelle est la puissance de Dieu. Car après la résurrection, les hommes ne prendront point de femmes ni les femmes de maris, mais ils seront comme les anges de Dieu qui sont dans le ciel.

L'erreur des sadducéens consistait précisément à prétendre que la résurrection est une simple restauration de la vie terrestre. Or, il n'en est pas ainsi. Sans doute il ne faut pas nous représenter la vie après la résurrection comme celle de purs esprits, mais il ne faut pas non plus nous la figurer grossièrement sensuelle. L'apôtre Paul noms donne des indications précises sur ce sujet. « Toute chair, dit-il (I Cor. XV, 39-44), n'est pas la même chair ; mais autre est la chair des hommes, autre la chair des bêtes, autre la chair des poissons, et autre celle des oiseaux. Il y a aussi des corps célestes et des corps terrestres ; mais autre est l'éclat des corps célestes et autre celui des terrestres. Il en sera de même à la résurrection des morts. Le corps est semé corruptible, il ressuscitera incorruptible ; il est semé méprisable, il ressuscitera glorieux ; il est semé infirme, il ressuscitera plein de force ; il est semé corps animal, il ressuscitera corps spirituel ; car il y a un corps animal et il y a un corps spirituel. » La chair et le sang ne peuvent posséder le royaume des cieux. - Cependant les enfants de la résurrection ne seront pas de simples ombres privées de vie et de réalité, mais ils auront un corps glorifié. Ce que l'Écriture nous dit du corps glorifié de Jésus-Christ après sa résurrection, nous pouvons hardiment l'appliquer à nos corps après notre résurrection. Les sadducéens sont dans l'erreur parce qu'ils ne connaissent pas la puissance de Dieu, qui peut transformer le corps terrestre en un corps céleste. Mais aussi parce qu'ils n'entendent pas les Écritures.

Et quant à la résurrection des morts, n'avez-vous point lu ce que Dieu vous a dit : Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob ? Or, Dieu n'est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants. Saint Marc (XII, 26) ajoute cette parole de Jésus : N'avez-vous point lu dans le livre de Moïse, comment Dieu lui parla dans le buisson ? Ce buisson enflammé, que le feu ne consume pas, est une garantie que Dieu peut conserver ce qui, d'après les lois de la nature, semble devoir être détruit. Si Dieu, des siècles après la mort des patriarches, s'appelle leur Dieu, s'ils sont ses amis et ses protégés, ils doivent être nécessairement quelque chose de plus qu'un peu de poussière et de cendre ; ils doivent être des personnes réelles et vivantes. Et le peuple, entendant cela, admirait sa doctrine. Ce qui excitait l'admiration du peuple, c'était sans doute la méthode employée par le Seigneur. On admirait la manière dont il découvrait l'erreur et l'ignorance des sadducéens et expliquait les Écritures ; non d'après la lettre, mais d'après l'esprit.

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