La prière que Salomé adressa au Seigneur en faveur de ses deux fils,
Jacques et Jean, nous a déjà montré combien les disciples avaient peu
compris l'annonce des souffrances de Christ. Aujourd'hui encore, ils
semblent partager l'opinion de la foule, d'après laquelle Jésus, sur
le point de faire son entrée à Jérusalem, allait se manifester
publiquement comme le Christ, le Messie promis, et fonder immédiatement,
aux yeux du monde entier, le royaume de Dieu depuis si longtemps
annoncé. Ce royaume devait en tout cas apparaître visiblement un jour,
mais non immédiatement. Il ne devait pas non plus s'établir comme les
disciples le pensaient, c'est-à-dire comme si le Seigneur allait
manifester subitement toute sa puissance et sa gloire divines aux yeux
de tous les hommes, de telle sorte qu'ils n'eussent, eux, rien d'autre
à faire qu'à contempler l'oeuvre de leur Maître comme ils avaient
contemplé ses miracles.
Le royaume des cieux ne vient point avec éclat ni avec un
déploiement de puissance extérieure. Il se fonde d'abord
intérieurement, dans les coeurs, et il vient lorsque le Père céleste
nous donne son Saint-Esprit, afin que par sa grâce nous croyions à sa
Parole et que nous ayons sa vie en nous déjà ici-bas. Ainsi le royaume
de Dieu ne se manifeste pas comme un miracle aux yeux des
croyants ; il se fonde par les croyants. D'abord il faut que la
femme (l'Église de Christ) ait complètement mêlé le levain avec les
trois mesures de farine ; il faut qu'elle accomplisse son oeuvre,
qu'elle combatte le bon combat, avant de pouvoir célébrer la victoire
dans les tabernacles des Justes (Ps.
CXVIII, 15). D'abord la fidélité, ensuite la couronne. C'est ce
que le Seigneur veut enseigner à ses disciples par la parabole des dix
talents.
Un homme de haute naissance s'en
alla dans un pays éloigné pour se faire investir de l'autorité
royale et s'en revenir ensuite. Cette parabole est
empruntée à l'histoire de ce temps-là. Les rois des
Juifs étaient obligés de s'en aller bien loin à Rome, pour obtenir de
l'empereur la confirmation de leur autorité. Cet homme de grande
naissance est Jésus-Christ lui-même, le Fils de Dieu. Il va être
couronné d'épines à Jérusalem et sera investi de son autorité royale
dans le ciel, où il s'assiéra à la droite de Dieu, puis il reviendra
dans la gloire, lorsque son royaume aura été, établi dans les coeurs.
- Cet homme ayant appelé dix de ses
serviteurs, leur donna dix talents d'argent, à chacun un talent,
et leur dit : Faites-les valoir jusqu'à ce que je revienne.
Le nombre dix est souvent employé dans l'Écriture pour caractériser
quelque chose de complet, de parfait. Ici, comme dans la parabole des
dix vierges, ce nombre doit représenter toute la chrétienté. Chaque
chrétien est donc appelé, dans l'intervalle qui s'écoule entre
l'ascension du Seigneur et son retour glorieux, à faire valoir, comme
un bon négociant, le talent qui lui a été confié, c'est-à-dire le don
qu'il a reçu du Saint-Esprit. Chacun doit mettre ses dons au service
des autres, et tirer parti pour lui-même de ceux qui ont été accordés
aux autres. Tout chrétien baptisé a reçu un talent, et il doit, par la
force du Saint-Esprit qui lui a été communiqué lors de son baptême,
l'employer dans l'intérêt du règne de Dieu.
Mais les gens de son pays le
haïssaient, et ils envoyèrent une députation après lui pour lui
dire : Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous.
Tout le monde se souvenait encore que cela était réellement arrivé.
Lorsque Archélaüs se rendit à Rome pour recevoir de l'empereur
l'investiture du trône, ses accusateurs le suivirent, afin de faire
échouer sa démarche. De la même manière, les Juifs d'alors
repoussèrent l'autorité royale de Christ, et c'est ainsi que les
incrédules la repoussent encore aujourd'hui en disant : Nous
ne voulons pas que celui-ci règne sur nous. Ce cri de
l'incrédulité retentira toujours plus fort dans la chrétienté :
« Rompons leurs liens et jetons loin de nous leurs cordes. »
Il y a bien encore quelques chrétiens qui, personnellement, prennent
au sérieux. l'alliance de leur baptême et disent au Seigneur :
« Je me donne à toi dans la foi et l'obéissance. » Mais dès
qu'il s'agit, pour la foule, d'organiser publiquement parmi eux une
vie religieuse commune, aussitôt on s'écrie : « Nous ne
voulons pas que celui-ci règne sur nous. »
Leur entrée dans les conseils de la nation, leurs
serments, leurs mariages, sont à peu près complètement soustraits à
l'autorité royale de Christ. Il est vrai que la plupart des
communautés chrétiennes ont encore leurs écoles chrétiennes. Mais que
la jeunesse du peuple soit obligée de les fréquenter, c'est pour la
plupart le comble du scandale. Les incrédules attaquent de toutes
leurs forces, en public et en particulier, ce dernier boulevard de la
domination de Christ. C'est pourquoi il faut que tous les serviteurs,
qui ont reçu un talent, prennent à coeur ces paroles :
Faites-les valoir jusqu'à ce que je revienne.
Il arriva donc, lorsqu'il fut de
retour, après avoir pris possession de son royaume, qu'il fit
venir ses serviteurs, auxquels il avait donné l'argent, pour
savoir combien chacun d'eux l'avait fait valoir. C'est
seulement après le retour de Christ pour juger les vivants et les
morts que le royaume de Dieu sera manifesté. - Et
le premier se présenta et dit : Seigneur, ton talent a
rapporté dix autres talents. Et il lui dit : Cela va bien,
bon serviteurs : parce que tu as été fidèle en peu de chose,
tu auras le gouvernement de dix villes. Et le second vint et
dit : Seigneur, ton talent en a produit cinq autres. Et il
dit aussi à celui-ci : Et toi, commande à cinq villes.
Les serviteurs, tout en ayant conscience d'avoir fidèlement travaillé,
savent cependant que le fruit de leur travail ne leur confère aucun
mérite. Ils avouent que c'est le talent du Maître qui en a rapporté
d'autres. « C'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je
suis, et la grâce qu'il m'a faite n'a pas été vaine » (I
Cor. XV, 10). - Ces dix et ces cinq talents sont des fleuves de
bénédictions qui découlent des croyants (Jean
VII, 38). Ce sont les consolations au moyen desquelles ils ont
soulagé les âmes courbées sous la croix, et ramené au bon Berger les
brebis égarées. Ces dix et ces cinq talents représentent aussi la
croissance, dans la foi, dans l'amour et dans la patience, sous la
croix. La foi est couronnée de félicité dans la mesure de sa fidélité.
Une foi plus grande élargit le coeur et le rend capable de contenir un
bonheur plus grand.
Un des serviteurs est trouvé infidèle. Il vint et
dit : Seigneur, voici ton talent que
j'ai gardé, enveloppé dans un linge ; car je te craignais
parce que tu es un homme sévère ; lu, prends où tu n'as rien
mis, et tu moissonnes où tu n'as pas semé. On se sert
ordinairement d'un linge pour essuyer la sueur ou les larmes du
visage, mais ce serviteur s'est soigneusement préservé de la sueur et
des larmes. Il excuse sa paresse en alléguant sa crainte.
L'incrédulité regarde Christ comme un autre Moïse. Elle ne se confie
pas dans la grâce et l'amour de Dieu, et elle considère les
commandements par lesquels le Seigneur s'adresse au coeur, comme
autant de dures exigences, qui dépassent les forces de l'homme. Le
serviteur se plaint de ce que Dieu moissonne là où il n'a pas
semé ; mais le talent qu'il lui a confié est précisément la
semence qu'il a répandue. Dieu donne la semence ; il en donne
aussi l'accroissement, mais il ne dispense point le serviteur du
travail qu'elle exige. Celui-ci devient quelquefois chagrin et
paresseux parce qu'il trouve sa tâche trop pénible. L'incrédulité, qui
se méfie de Dieu, rend paresseux ; la foi, au contraire, remplit
de joie et de courage pour travailler à l'établissement du royaume des
cieux. Voici ton talent, dit le
serviteur qui n'a pas le coeur au travail. En rendant le talent, il
déclare qu'il quitte son maître. C'est là une rupture évidente avec
Dieu.
Et son maître lui dit :
Méchant serviteur, je te jugerai par tes propres paroles. Tu
savais que je suis un homme sévère, qui prenais où je n'ai rien
mis, qui moissonne où je n'ai point semé. Et pourquoi n'as-tu pas
mis mon argent à la banque, et à mon retour je l'eusse retiré avec
les intérêts ? C'est une fourberie que de dire
qu'on ne peut rien faire pour Dieu, qu'on est incapable de travailler
à l'avancement de son règne. Celui qui se sent trop faible, trop
pauvre, trop nul pour prier et pour confesser le nom de Christ, pour
s'acquitter du travail de la charité, celui-là n'est pas encore
autorisé à demeurer oisif. Qu'il aille chez les banquiers, chez ceux
qui sont exercés à faire valoir leur talent, qui s'adonnent avec la
joie et le courage de la foi au travail exigé par le Maître, et qu'il
mette son talent à leur service. Et il dit à
ceux qui étaient présents : Ôtez-lui son talent et donnez-le
à celui qui en a dix. Ainsi le Seigneur reprend le
talent que son serviteur lui rend. Cela nous montre que dans le
royaume de Dieu la paresse est exclue. Sans doute la faiblesse de
l'âge ou la maladie peuvent bien forcer le corps à se reposer,
mais le coeur continue de travailler par la prière, par la confession
du nom de Christ, par la patience, en exhortant et en consolant. Le
bienheureux Sprangenberg écrivait à l'un de ses amis qui aspirait au
repos : « Ne pense donc pas à te reposer, aussi longtemps
qu'il y a un souffle en toi. Tu es du nombre de ces serviteurs qui ne
se sentent jamais aussi heureux que lorsqu'ils peuvent dire : 0
Dieu, fais-moi la grâce de mourir pendant que je travaille à gagner
des âmes à l'Agneau ! »
Et ils lui dirent :
Seigneur, il a déjà dix talents. Aussi vous dis-je qu'on donnera à
quiconque a déjà, et pour celui qui n'a pas, cela même qu'il a lui
sera ôté ? Plus on a, plus on veut avoir. Cela est
vrai de ceux qui recherchent les biens terrestres ; cela est vrai
aussi de ceux qui possèdent les trésors de la grâce. Plus on en a,
plus la prière est fervente pour en obtenir davantage. En revanche, ce
qu'on méprise, comme par exemple la grâce du baptême, nous est repris.
- Ce sérieux avertissement devait guérir les disciples de l'erreur qui
consistait à croire qu'ils pourraient voir la manifestation du règne
de Dieu, en restant dans l'oisiveté et dans la paresse, comme on
assiste à un spectacle. Quant à ceux de ses auditeurs qui se berçaient
encore de l'espoir d'un règne messianique terrestre, et qui
repoussaient le joug aisé du Sauveur des pécheurs, il leur adresse ces
sévères paroles : Quant à mes ennemis,
qui n'ont pas voulu que je régnasse sur eux, amenez-les ici et
faites-les mourir en ma présence. Après avoir dit cela, il
marchait devant eux, montant à Jérusalem, afin d'y
mourir par la main de ses sujets rebelles.
Lorsque, après la résurrection de Lazare, le Sanhédrin eut décidé de
faire mourir Jésus, le Seigneur se retira dans la petite ville
d'Ephraïm. Cette retraite pouvait être considérée par les pharisiens
comme la fuite d'un malfaiteur poursuivi par la justice. Maintenant
que son heure est venue, il revient librement et publiquement au lieu
même vers lequel tous les regards étaient dirigés à Béthanie. Dans sa
prudence, le Sanhédrin ne voulait pas faire saisir
Jésus pendant que la nation tout entière, accourue de foules les
parties du pays, se trouvait à Jérusalem. « Il
ne faut pas que ce soit pendant la fête, de peur qu'il ne se fasse
quelque émotion parmi le peuple. » Cependant il
avait été décidé, dans le Conseil suprême, que l'Agneau de Dieu serait
immolé comme Agneau pascal.
Six jours avant la Pâque,
ainsi la veille du dimanche des Rameaux, Jésus
vint à Béthanie, où était Lazare qui avait été mort et qu'il avait
ressuscité. On lui fit là un souper, et Lazare était un de ceux
qui étaient à table avec lui. Marthe sert aujourd'hui,
non plus avec agitation, mais avec une joie calme, car elle a vu la
gloire de Dieu. De quels yeux les convives devaient-ils voir Lazare
qui avait déjà été enveloppé d'un suaire et déposé dans le tombeau,
mais qui leur avait été rendu sur l'ordre tout-puissant de
Jésus ! Ils savaient tous qu'ils étaient comme lui sous le coup
d'arrêt du Sanhédrin, et cet arrêt impliquait l'exclusion hors du
peuple de Dieu, la privation de toute communion avec lui, et
quelquefois la peine de mort. Toutefois, dans une communion d'amour
avec Jésus, ils oubliaient Jérusalem et le monde entier.
Alors Marie, ayant pris dans un
vase d'albâtre, une livre d'huile de senteur de nard pur qui était
de grand prix, la lui répandit sur la tête, ayant rompu le vase,
et lui oignit les pieds et les essuya avec ses cheveux et toute la
maison fût remplie de l'odeur de ce parfum. Nous
connaissons l'intime et profond amour de Marie pour son Sauveur. Mais
maintenant qu'il s'est révélé à elle comme étant la résurrection et la
vie, maintenant qu'elle a vu à quels dangers il a exposé sa propre vie
pour lui venir en aide, elle se sent pressée de donner à cet amour une
expression particulièrement solennelle. Tout son coeur s'écrie :
Tout ce que mon coeur et mon âme peuvent faire, je veux le
consacrer à ton service et à la gloire. Peut-être avait-elle
réservé ce précieux parfum pour embaumer le corps de son frère
bien-aimé. Cette onction était une manifestation extérieure du don
complet qu'elle faisait d'elle-même à son Seigneur, une image des
fleuves d'amour dont le Sauveur sera inondé de toute éternité par les
rachetés, un symbole de l'amour que son sacrifice a déjà allumé sur la
terre.
Alors Judas Iscariot, fils de
Simon, l'un des disciples, celui qui devait le
trahir, dit : Pourquoi n'a-t-on pas vendu ce parfum trois
cents deniers pour les donner aux pauvres ? Et les autres
disciples, voyant cela, en furent indignés et dirent : A quoi
sert cette perte ? Judas dit cela, non qu'il se souciât des
pauvres, mais parce qu'il était larron, qu'il avait la bourse et
qu'il portait ce qu'on y mettait. Les pauvres ne sont
que le prétexte ; ils doivent donner à l'égoïsme de ce disciple
et à son haineux mécontentement l'apparence d'un sentiment
pieux ; mais cette apparence est trompeuse. Trois cents deniers,
environ deux cent soixante francs de notre monnaie ! Que de
pauvres auraient pu être vêtus, nourris, restaurés avec cette
somme ! Et maintenant la voilà perdue ! Telle semblait être
l'action de Marie. Et les autres disciples furent séduits par cette
pensée éminemment pratique et joignirent leur blâme à celui de Judas.
Tous ceux qui aiment l'avènement de notre Seigneur
Jésus-Christ doivent être sur leurs gardes, pour ne pas se laisser
entraîner par ces faux-semblants. Cette désapprobation de Judas se
renouvelle de nos jours à propos des dépenses faites en faveur des
missions parmi les païens, sous prétexte que l'argent qu'on donne pour
les pays lointains, serait beaucoup mieux employé s'il était consacré
au soulagement des pauvres. Que celui qui est enclin à se laisser
tromper par de telles paroles, se rappelle qu'elles sont l'expression
des sentiments du traître Judas. Ce n'est pas l'amour du prochain qui
parle en eux, c'est l'avarice et l'inimitié contre Christ. C'est en
vain que Judas a été présent au tombeau de Lazare, en vain qu'il voit
le mort ressuscité assis à table avec lui. Il a constamment résisté
aux sollicitations pleines d'amour du Sauveur. Maintenant il est là
parmi les convives, portant l'habit d'un apôtre de Christ, tandis
qu'intérieurement, il est tombé au même niveau que Caïphe et les
membres du Sanhédrin. Il est même tombé plus bas, puisqu'il avait reçu
des grâces dont ceux-ci avaient été privés.
Mais Jésus connaissant cela, leur dit : Laissez-la,
pourquoi lui faites-vous de la peine ? Elle a fait une bonne
action à mon égard. Car vous aurez toujours des pauvres avec vous,
et toutes, les fois que vous voudrez, vous pourrez leur faire dit
bien, mais vous ne m'aurez pas toujours. Je vous dis, en vérité,
que dans tous les endroits du monde où cet Évangile sera prêché,
ce qu'elle a fait sera, aussi raconté en
mémoire d'elle. On a blâmé une action destinée à
honorer Jésus ! Quelle insulte faite au Seigneur ! Cependant
ce n'est pas à lui-même qu'il pense. Il se hâte de prendre sous sa
protection Marie qu'on vient de calomnier. Quant à elle, elle n'avait
nullement conscience d'avoir fait quelque chose d'extraordinaire. Elle
avait simplement suivi l'impulsion de son coeur. Mais en entendant les
reproches qu'on lui adresse, elle réfléchit à son action. Aurait-elle
peut-être eu tort de l'accomplir ? Cette pensée l'afflige. Jésus
comprend son silence et dit aux convives :
Pourquoi lui faites-vous de la peine ? Laissez-la
faire ; elle a fait une bonne action !
Heureux celui qui a Jésus pour défenseur ! Tous les
accusateurs se tairont devant lui. Il donne à l'action de Marie une
signification qu'elle ignorait elle-même. Sans le savoir, elle a
embaumé le corps du Seigneur pour sa sépulture. Il y a souvent dans
les oeuvres des enfants de Dieu, des significations cachées,
qu'eux-mêmes ne connaissent pas. Si ce parfum avait été employé à
embaumer le corps de Lazare, personne n'aurait crié à la prodigalité.
Eh bien ! veut dire le Seigneur, admettez que ce parfum doive
servir à ma sépulture, et que Marie ait pris l'avance pour ne pas
arriver trop tard, comme les autres femmes, au matin du jour de
Pâques.
Les murmures des disciples cessèrent sans doute,
lorsqu'ils entendirent Jésus leur parler de nouveau de sa mort. Cette
affreuse pensée leur revient toujours à l'esprit, bien qu'ils ne
puissent pas se familiariser avec elle. Lorsque celle perspective se
présente à eux, il leur semble qu'ils sont sur le bord d'un abîme sans
fond. Et cependant ils devaient voir s'élever l'amour de leur Maître à
une hauteur qu'ils n'avaient jamais pressentie, c'est-à-dire jusqu'en
Golgotha. Quant à Marie, lorsqu'elle eut appris de la bouche même du
Sauveur l'importance de ce qu'elle avait fait, comme elle dut trembler
à cette pensée : Eh quoi ! Mon Sauveur ! Celui qui m'a
rendu mon frère bien-aimé en l'arrachant au sépulcre, il y serait
enfermé lui-même ! Lui, le Fils de Dieu, la résurrection et la
vie ! Qui peut comprendre cela ? Mais devant le sépulcre
ouvert, dans le jardin de Joseph d'Arimathée, la lumière se fit
nouvelle et la joie rentra dans son coeur oppressé.
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