Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE II

suite

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F. Jésus à Béthanie, à Ephraïm et à Jérusalem.

94. La résurrection de Lazare.

(Jean XI, 1-53.)


Pendant que le Sauveur était encore en Pérée, Marthe et Marie, les deux soeurs de Lazare, lui envoyèrent, du lit de souffrance de leur bien-aimé frère, le message suivant : Seigneur, celui que tu aimes est malade. Elles ne lui demandent rien ; elles veulent seulement lui faire connaître la peine de leurs coeurs. Elles sont heureuses de pouvoir fonder leur espoir sur l'amour de Jésus pour leur frère. Jésus ayant reçu cette communication, dit : Celle maladie n'est point à la mort, mais elle est pour la gloire de Dieu, et afin que le Fils de Dieu soit glorifié. Ces paroles devaient être le bâton et la houlette de la famille de Béthanie, dans la sombre vallée qu'elle allait traverser. Les deux femmes avaient sans doute espéré, peut-être même compté, qu'à l'ouïe de cette nouvelle, Jésus se hâterait d'accourir au lit de maladie de son ami, afin de le préserver de la mort. Car Jésus aimait Marthe et sa soeur et Lazare. Mais cette affection personnelle ne devait exercer aucune influence sur l'oeuvre à laquelle Jésus était appelé. Il ne connaissait personne selon la chair. De même qu'aux noces de Cana, il avait repoussé la demande de sa mère, de même ici il demeura encore deux jours au lieu où il était. Plus la chose est importante et plus elle doit contribuer à la gloire de Dieu, plus le Sauveur met de soin à écarter toute espèce de considérations personnelles.

Le troisième jour, il dit à ses disciples : Retournons en Judée. En Judée ! le pays des ennemis de Jésus ! Cette perspective jette les disciples dans l'angoisse. Ils n'ont pas oublié que, lors de son dernier séjour à Jérusalem, les Juifs voulaient le lapider. Jésus leur répondit : N'y a-t-il pas douze heures au jour ? Si quelqu'un marche. pendant le jour, il ne bronche point parce qu'il voit la lumière de ce monde. Même dans la vie douloureuse, Jésus marchait à la lumière de la vérité éternelle. Le coeur ne voit dans la douleur qu'une sombre nuit, et quiconque n'a pas de lumière, bronche dans cette obscurité. C'est ce qui arriva à Thomas et à Pierre. Tandis qu'avec la lumière de la Parole de Dieu, nous avançons sans crainte dans les ténèbres de la souffrance, et la nuit resplendit comme le jour tout autour de nous.

Jésus parla ainsi, et après cela il leur dit : Lazare, notre ami dort, et je m'en vais l'éveiller. Les disciples crurent qu'il leur parlait du véritable sommeil, mais il les détrompa en leur disant ouvertement : Lazare est mort. Les disciples sont effrayés et ils disent en eux-mêmes : Oh ! pourquoi nous sommes-nous arrêtés si longtemps ici ? Pourquoi le Maître ne s'est-il pas hâté d'aller le secourir ? Le Seigneur les console, en leur donnant à entendre que rien n'a été omis, ni oublié. Je me réjouis, leur dit-il, de ce que je n'étais pas là, afin, que vous croyiez. Le Seigneur ne se réjouit pas de la mort de Lazare, car, quoiqu'il soit sur le point de le ressusciter, cette mort de son ami ne peut pas ne pas l'attrister ; mais il se réjouit à cause de ses disciples, dont la foi sera beaucoup plus fortifiée par la résurrection du mort que par une simple guérison qu'il aurait opérée s'il avait été présent. - Mais allons vers lui. Thomas donc, appelé Didyme, dit aux autres disciples : Allons-y aussi, afin de mourir avec lui. Ces paroles trahissent le découragement, le trouble de ce disciple. Tout espoir est perdu. Tout est fini. Elles résonnent presque comme celles des disciples d'Emmaüs : « Nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël. » Quant à nous, approprions-nous cette manifestation d'incrédulité de Thomas avec des coeurs croyants.

Cependant, quatre jours s'étaient écoulés depuis que Lazare était mort et avait été déposé dans la tombe. C'étaient des jours de profonde agitation chez les amis et les ennemis. Ce qui se passait dans le coeur des deux soeurs, l'Évangile n'en fait pas mention ; car cela ne rentre pas dans le domaine de l'histoire comme on l'écrit ici-bas ; cela appartient à la sphère de l'histoire du ciel. Mais dans le camp adverse, cette mort causait une joie triomphante, une jubilation pleine de raillerie. L'affection de Jésus pour la famille de Béthanie était bien connue à Jérusalem, éloignée de trois quarts de lieue seulement. On devait trouver tout naturel que si Jésus avait réellement la puissance sur la mort, il l'exerçât en faveur de ses amis. On ne pouvait s'attendre à autre chose. Et comme il n'a pas usé de cette puissance pour secourir ceux qui, selon les pharisiens, y avaient droit, on en concluait qu'il ne la possédait pas. Le prince de ce monde se réjouissait de cette apparence de triomphe, et les enfants de perdition, dans lesquels il fait son oeuvre, célébraient déjà leur victoire.

Plusieurs des Juifs étaient venus voir Marthe et Marie pour les consoler de la mort de leur frère. Ce devaient être de tristes consolations, auxquelles ne manquaient pas de s'associer de perfides insinuations contre Jésus. « On voit maintenant ce que c'est que ce Galiléen, et quelle est la valeur de ses bruyants discours. » Quelle impression devaient faire ces importunes consolations sur le coeur déchiré, mais plein de foi, de ces deux soeurs ! C'est alors que vient Jésus, certain de la victoire et décidé à arracher à la mort sa proie. Toutefois, aux yeux des Juifs, il apparaît comme un vaincu dont l'impuissance a enfin éclaté. « S'il est tombé, ne se relèvera-t-il pas ? Mais il n'est pas tombé. Sa parole a rarement été aussi brève, aussi énergique qu'elle l'est ici. Il donne ses ordres comme un général d'armée. Quand Marthe ouït dire que Jésus venait, elle alla au-devant de lui, mais Marie demeura assise à la maison. Et Marthe dit à Jésus : Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. C'est exactement ainsi que parla un peu plus tard Marie, qui était restée à la maison, et qui, du fond de son coeur, criait à son céleste ami : Je soupire ardemment après toi ! La parole de Jésus : Cette maladie n'est point à la mort, elle ne peut pas encore la comprendre et elle voudrait tant y croire ! Les paroles de Marthe renferment comme un léger reproche de ce que Jésus n'est pas venu à temps pour empêcher son frère, de mourir ; et cependant elles contiennent aussi une étincelle de foi, qui se manifeste assez clairement, lorsqu'elle dit : Mais je sais que maintenant même, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l'accordera.

Jésus la prend au mot avec joie, et lui promet ce qu'elle espère. Il lui dit : Ton frère ressuscitera. Mais elle n'ose pas prendre à la lettre cette promesse, qui maintenant lui parait trop belle, et elle dit : Je sais qu'il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. Ce que la Parole de Dieu lui fait entrevoir dans un lointain avenir, elle le croit, mais que son frère revienne à la vie immédiatement, c'est ce qu'elle ne peut comprendre. Nous nous trouvons souvent dans les mêmes dispositions. Nous admettons les vérités générales contenues dans la Parole de Dieu, mais dès qu'il s'agit de les appliquer à nos circonstances particulières, à nos besoins du moment présent, notre coeur est intimidé par cet appel adressé à notre foi.

Jésus vient au secours de Marthe. Je suis (déjà maintenant), lui dit-il, la résurrection et la vie. Jésus étant la « vie », ce dont Marthe ne doute nullement, il faut que ce qui est mort revive aussi en lui. Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort, et quiconque vit et croit en moi, ne mourra pas pour toujours. Crois-tu cela ? Si, comme nous pouvons l'admettre, Lazare a cru en Jésus, une résurrection était superflue pour lui. Grâce à sa foi, il pouvait entrer dans la vie éternelle sans être retenu par la mort. Mais pour Jésus, cette résurrection n'était pas superflue. Celui qui assure la victoire sur la mort à ceux qui croiraient en lui, est tenu d'établir son droit de parler ainsi et de se légitimer par des faits, comme vainqueur de la mort, afin que les coeurs puissent se confier en sa parole. Le dernier but de la maladie de Lazare n'était pas la mort, mais la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu fût manifesté comme étant la résurrection et la vie. Au sein de la vie, nous sommes enlacés par la mort. C'est la loi du péché. Au sein de la mort, nous sommes en possession de la vie, c'est l'Évangile du Sauveur des pécheurs.

Marthe confesse joyeusement sa foi. Elle dit : Oui Seigneur, je crois que tu es le Christ le Fils de Dieu, qui devait venir au monde. Quand elle eut dit cela, elle s'en alla et appela Marie sa soeur en secret et elle lui dit : Le maître est là et il t'appelle ; ce que Marie ayant entendu, elle se leva promptement et vint vers lui. Et étant arrivée au lieu où était Jésus, dès qu'elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit : Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Ce sont les paroles de Marthe, mais prononcées avec le coeur de Marie. Elle répand sa douleur avec ses larmes aux pieds de Jésus. Quand Jésus vit qu'elle pleurait et que les Juifs qui étaient venus avec elle pleuraient aussi, il frémit en lui-même et fut ému. Cette indignation n'est pas dirigée contre les larmes de Marie. Elle serait plutôt contre celles de Juifs. Mais ce qui la provoque, c'est la ruine que la mort a apportée parmi les hommes.

Lorsque le Seigneur nous frappe et fait saigner notre coeur, non seulement il nous est permis de pleurer, mais les larmes sont une bénédiction de Dieu, qui adoucit notre douleur, à condition toutefois que l'oeil qui pleure soit fixé sur Jésus. C'était le cas chez Marie, mais non chez les Juifs. Ils n'exhalaient que des plaintes sans foi, comme les femmes qui remplissaient la maison de Jaïrus. Cette tristesse est un hommage rendu à la mort, une glorification de sa puissance, en même temps qu'elle tourne, sans en avoir clairement conscience, une pointe de murmure contre Dieu ; et tout cela en présence de celui qui se pose comme étant la résurrection et la vie, pour briser le pouvoir de la mort.

Et Jésus dit : Où l'avez-vous mis ? Ils lui répondirent : Seigneur, viens et vois. Et Jésus pleura. Sa sainte indignation et ses larmes proviennent de la même source. Son coeur de Sauveur se montre par ses larmes. 0 mon âme, adore dans la poussière les larmes versées par celui qui possède la vie éternelle ! La vie pleure sur les dévastations que la mort a provoquées. Les larmes de Jésus sont pour nous un gage de son amour de souverain sacrificateur pour les pécheurs. Elles sont aussi une consolation pour le chrétien sous la croix. Ton Sauveur aussi a traversé cette vallée de larmes, et n'a pas eu honte d'en verser. Et lorsque le corps menace de périr avec l'âme, parce que le souffle de la foi est éteint en toi et que la source de la prière est tarie ; lorsque l'ennemi de la vie veut te persuader que Jésus ne pense plus à toi, qu'il t'a oublié, alors laisse les larmes de Jésus tomber sur ton coeur desséché, et tu seras restauré, et tu sentiras qu'il t'aime toujours et qu'il veut t'attirer à lui.

Sur quoi les Juifs dirent : Voyez comme il l'aimait ! Les larmes ont une grande puissance de réconciliation. Les Juifs hostiles manifestent des sentiments plus humains à l'aspect des larmes de Jésus. Cependant, quelques-uns d'entre eux se mirent immédiatement à chercher du poison dans ces larmes. « Lui qui a ouvert les yeux de l'aveugle, ne pouvait-il pas faire aussi que cet homme ne mourût point ? » C'était un poivre corrosif sur les blessures des deux pauvres soeurs. Elles s'étaient constamment fait la même question pendant ces quatre derniers jours : « Il n'a certainement pas pu, c'était trop difficile pour lui. » Mettons-nous, par la pensée, dans la position de Jésus, entouré de Juifs qui s'apitoyaient sur lui comme si, de tous ces affligés, il était le plus durement frappé, et nous comprendrons qu'il frémit de nouveau en lui-même, qu'il fut ému d'une profonde et sainte indignation. Il vint au sépulcre et dit : Ôtez la pierre. Marthe lui dit : Seigneur, il sent déjà mauvais, car il est ici depuis quatre jours. Jésus lui répondit : Ne t'ai-je pas dit que si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ? La parole de Jésus : Ton frère ressuscitera, doit avoir plus de valeur pour elle que l'odeur du corps en décomposition. Elle est honteuse et cesse de s'opposer à l'ouverture du sépulcre.

Alors Jésus, levant les yeux au ciel, dit : Mon Père, je te rends grâces de ce que tu m'as exaucé. Je savais bien que tu m'exauces toujours ; mais je dis cela à cause de ce peuple qui est autour de moi, afin qu'ils croient que tu m'as envoyé. Quand il eut dit cela, il cria à haute voix : Lazare, sors de là. Il l'appelle comme s'il dormait, et Lazare entend la voix du Fils de Dieu, qui donne la vie à qui il veut (Jean VII, 21). Et le mort sortit, ayant les mains et les pieds liés de bandes, et la tête enveloppée d'un linge. Jésus leur dit : Déliez-le et le laissez aller. Le coeur plein d'humilité, le Sauveur rend hommage au Père. Il ne demande rien pour lui-même aux Juifs. De là vient que pas une parole de triomphe ne s'échappe de ses lèvres. Mais plusieurs de ceux qui ne fermaient pas obstinément les yeux virent briller, par ce miracle, la gloire du Fils unique de Dieu et crurent en lui.

L'impression que la résurrection de Lazare fit sur le peuple fut si profonde, que le Sanhédrin s'assembla immédiatement pour aviser à ce qu'il y avait à faire. Cet homme, disaient-ils, fait beaucoup de miracles, et si nous le laissons faire, tout le monde croira en lui, et les Romains viendront, qui détruiront ce lieu et notre nation. Mais l'un d'eux, Caïphe, qui était souverain sacrificateur de cette année-là leur dit : Vous n'y entendez rien, et vous ne considérez pas qu'il est à propos qu'un homme seul meure pour le peuple et que toute la nation ne périsse pas. Or, il ne disait pas cela de son propre mouvement, mais étant souverain sacrificateur de celle année-là, il prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation, et non seulement pour la nation, mais aussi pour rassembler en un seul corps les enfants de Dieu qui sont dispersés. La mort cède au commandement tout-puissant du Seigneur plutôt que l'incrédulité. Mais cette incrédulité de même que la haine consciente contre Christ, doit concourir à l'accomplissement des desseins de Dieu relatifs au salut des pécheurs.

Jadis, le peuple d'Israël, sur le seuil de la Terre Promise, fut béni par le prophète Balaam qui avait été envoyé pour le maudire, mais que la puissance invincible du Seigneur força de le bénir. De même Caïphe, nouveau Balaam, au seuil de la Nouvelle Alliance, prononce, sans le savoir et sans le vouloir, une bénédiction sur les enfants de Dieu. Or, les principaux sacrificateurs et les pharisiens, avaient donné ordre que si quelqu'un savait où était Jésus, il le déclarât, afin de se saisir de lui. Mais Jésus échappa à leurs poursuites, car il voulait encore célébrer la fête de Pâque à Jérusalem. C'est pourquoi il se retire quelque temps dans la solitude, à Ephraïm, ville située sur la limite orientale du désert de Judée.

Il pourrait paraître étrange que Jean seul fasse mention de la résurrection de Lazare, tandis que les trois autres évangélistes. gardent un silence absolu sur cet événement. Ce silence parait d'autant plus étonnant, que le miracle excita encore la haine que les pharisiens avaient déjà manifestée contre Jésus, au point que le Sanhédrin avait décidé la mort du Sauveur, et donné publiquement l'ordre de le saisir. Le miracle de Béthanie est dans une liaison si étroite avec les mesures meurtrières prises par ce Conseil, qu'il semble qu'il aurait nécessairement dû être mentionné par les autres évangélistes. Leur silence peut cependant s'expliquer par le fait que, lorsque les trois premiers Évangiles furent écrits, Lazare vivait encore. Saint Jean, en effet, (XII, 10), nous apprend que les principaux sacrificateurs avaient délibéré de le faire mourir aussi. Cette précaution n'était plus nécessaire au moment où le quatrième Évangile fut écrit.



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95. Départ d'Ephraïm pour Jérusalem. Jésus annonce ses souffrances.

(Luc XVIII, 31-34.)


 Jésus prit ensuite à part les douze et leur dit : Voici, nous montons à Jérusalem, et toutes les choses qui ont été écrites par les prophètes touchant le Fils de l'homme, vont être accomplies. Car il sera livré aux nations ; on se moquera de lui ; il sera outragé, et on lui crachera au visage ; et après qu'ils l'auront fouetté, ils le feront mourir. Et le troisième jour il ressuscitera. Mais ils n'entendirent rien à tout cela : ce discours leur était caché, et ils ne comprenaient. point ce qu'il disait. Comme la fête de Pâques approchait, Jésus se rendit à Jérusalem, afin d'y devenir l'agneau pascal qui va s'immoler pour nous. Les disciples, entendant de nouveau le Seigneur leur parler de ses souffrances, ne purent penser à cette Pâque, sans tomber dans un profond découragement. Marc (X, 32) nous dit expressément « que Jésus marchait devant eux, et ils étaient effrayés, et ils craignaient en le suivant. » Il leur répète l'annonce de ses souffrances avec de tels détails, mentionnant les moqueries, les outrages, les crachats, et la flagellation, sa mort et sa résurrection avec une telle précision, qu'on devrait croire qu'ils l'ont enfin compris. Mais non ! Les paroles du Seigneur ne manquent assurément pas de clarté, et cependant le sens leur en reste caché. Les choses célestes ne sont comprises que de ceux qui les cherchent. Et même pour ceux-là, elles conservent encore quelque chose de leur obscurité et de leur mystère. « Quiconque t'aime te connaît » dit une ancienne hymne religieuse. La croix de Christ est une folie pour ceux qui ne l'aiment pas. Car l'homme animal (l'homme naturel) ne comprend point les choses qui sont de l'Esprit de Dieu.

Les disciples n'avaient pas encore éprouvé le besoin d'un Sauveur qui portât leurs péchés et mourût pour eux. Ils n'avaient pas encore senti la puissance de condamnation du péché, et la nécessité, pour lui ou pour eux, de subir le châtiment que leurs transgressions avaient mérité. C'est ainsi qu'aujourd'hui encore, la croix paraît une folie à tous ceux qui n'ont pas reconnu l'abîme que le péché a creusé entre eux et le Dieu saint. Il est consolant pour nous, que Jésus ne repousse pas ses disciples à cause de leur aveuglement, mais continue à les supporter avec patience. Ils n'apprécient pas le trésor qu'il leur acquiert par ses souffrances et par sa mort. Cependant Jésus s'achemine vers la croix et il les y entraîne jusqu'à ce qu'ils y soient arrivés. Cet amour plein de patience et de support, est de nature à consoler les âmes qui cherchent, et auxquelles le mystère de la croix parait difficile à comprendre. Les coeurs droits finiront certainement par en acquérir l'intelligence.



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96. Les fils de Zébédée.

(Matth. XX, 20-28.)


Jacques et Jean n'avaient pas entendu l'annonce des souffrances du Sauveur, ou bien ils y avaient prêté peu d'attention. En effet, tandis que l'esprit de Jésus est rempli des pensées de sa mort, ils rêvent, eux, d'honneurs et de dignités. Alors la mère des fils de Zébédée s'approcha de lui avec ses fils et se prosterna devant lui, pour lui demander quelque chose. Il lui dit : Que veux-tu ? Elle dit : Ordonne que mes deux fils qui sont ici soient assis l'un à ta droite et l'autre à ta gauche dans ton royaume. Mais Jésus répondant leur dit : Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je dois boire et être baptisés du baptême dont je dois être baptisé ? Ils lui dirent : Nous le pouvons. Il leur dit : Il est vrai que vous boirez ma coupe et que vous serez baptisés du baptême dont je dois être baptisé ; mais d'être assis à ma droite ou à ma gauche, ce n'est pas à moi de l'accorder. Cela ne sera donné qu'à ceux à qui mon Père l'a destiné. - Ni la mère, ni les fils ne convoitaient des honneurs et des dignités terrestres. Leur coeur brûle d'amour pour Jésus. Salomé croit assez connaître ses fils, pour penser que le Seigneur n'a pas de plus fidèles disciples. C'est pourquoi elle les juge dignes des plus grands honneurs dans le royaume des cieux, et elle ambitionne pour eux les places les plus rapprochées du Seigneur, lorsqu'il sera entré dans sa gloire. Mais il y a dans cet amour un élément humain impossible à méconnaître. Elle demande pour ses fils et avec eux les places d'honneur dans le royaume des cieux, et elle oublie le mot que Jésus vient de prononcer, c'est qu'il doit souffrir et mourir. C'est pourquoi le Seigneur lui répond avec douceur : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. » Le chemin de la gloire passe par Golgotha. L'honneur que Dieu accorde, c'est d'être en communion de souffrances avec Christ. Quiconque par conséquent désire être admis à l'honneur et à la gloire du règne de Dieu, montre par cela même qu'il est disposé à partager les douleurs de la croix. Que de fois le Seigneur n'a-t-il pas aussi eu l'occasion de répondre à nos prières : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. » Car les faiblesses et la folie du coeur humain se manifestent aussi dans la prière.

Les deux fils de Zébédée se disaient, à la vérité, prêts à boire la coupe des souffrances que leur Seigneur était en train de vider. Et ils la burent en effet jusqu'à la lie. Jacques est mort martyr, et Jean, qui fut encore témoin de la ruine de Jérusalem, fut abreuvé, pendant sa longue vie, d'afflictions et de persécutions. Mais d'être assis à la droite ou à la gauche de Jésus, comme l'entend Salomé, ce n'est pas à lui de l'accorder. Il ne veut pas que, dans son royaume, les places soient données à la faveur, ni que quelques-uns soient personnellement traités comme les préférés en raison de leur intimité avec lui. Il dispose du royaume en faveur de ceux auxquels le Père l'a destiné, comme le Père en a disposé en sa faveur (Luc XXII, 29). Comme le Père a donné tout pouvoir au Fils, de même Jésus donne à ceux qui vaincront, le droit d'être assis avec lui sur son trône (Apoc. III, 21). Mais les vainqueurs sont ceux qui se sont laissé attirer au Fils par le Père, et qui lui restent fidèles jusqu'à la fin.

Les dix autres disciples, ayant ouï cela, furent indignés contre les deux frères. Ils n'étaient donc pas encore complètement affranchis de l'ambition qui leur paraissait si blâmable chez leurs condisciples et ils n'étaient pas encore fermes dans la charité. C'est pourquoi le Seigneur les rend attentifs à la différence qu'il y a entre son royaume et les royaumes de la terre. Jésus les ayant appelés, leur dit : Vous savez que les princes des nations les dominent et que les grands leur commandent avec autorité. Mais il n'en doit pas être ainsi parmi vous. Au contraire, quiconque voudra être le plus grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur, et quiconque voudra être le premier parmi vous qu'il soit votre esclave. Le Seigneur ne veut pas interdire, par ces paroles, toute espèce de gouvernement dans son Église. Il entend bien qu'il y ait des préposés et des subordonnés. Il dit expressément qu'il doit y avoir dans la communauté chrétienne des puissants et des grands (Marc X, 43. 44), c'est-à-dire des personnes plus haut placées et plus en évidence que d'autres. Mais ce qu'il interdit, c'est qu'il y ait dans son Église une autorité semblable à celle de ce monde et qui use de moyens terrestres.

Le pouvoir de ce monde, Dieu l'a lui-même assigné à la puissance qu'il a investie du droit de porter l'épée. Le gouvernement de l'Église doit rester complètement étranger à ce pouvoir. Quiconque remplit dans l'Église de Christ la mission de conducteur ou de directeur, dépend de l'ordre de Christ et est lié par sa Parole. Il a une action exclusivement spirituelle en vertu de cette seule Parole. Toutes les fonctions rentrant dans le gouvernement de l'Église sont des services à rendre à des frères, et qui doivent avoir pour résultat la gloire du Seigneur Jésus-Christ. Celui qui s'acquittera le plus fidèlement et le plus humblement de ce service, exercera la plus grande influence. C'est le désir de servir ainsi avec amour et en renonçant à toute espèce d'ambition, que le Seigneur cherche à éveiller dans le coeur de ses disciples, lorsqu'il les rend attentifs à la manière dont il sert lui-même : Comme le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et pour donner sa vie pour la rançon de plusieurs. Il est à remarquer que Jésus adresse ces paroles à ses disciples au moment où il se rend à Jérusalem pour y être mis à mort. Par ce brillant flambeau : « Pour la rançon de plusieurs » il veut éclairer pour eux le sombre chemin de Golgotha. L'initiateur et le consommateur de notre foi ne se borne pas à exhorter ses disciples au sacrifice et à l'amour, il leur en donne lui-même l'exemple. Il y a plus : son amour, qui se sacrifie, n'est pas seulement pour eux un exemple ; il communique à tous ceux qui forment une même plante avec lui, la force d'aimer en se sacrifiant humblement.



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97. L'aveugle Bartimée.

(Luc XVIII, 35-43 ; Marc X, 46-52.)


Les yeux des disciples sont encore obscurcis de ténèbres. Ils n'aiment pas à entendre parler des souffrances de leur Maître ; c'est pourquoi ils ne comprennent pas la gloire à laquelle elles conduisent. En rendant la vue à ce mendiant aveugle, Jésus nous montre comment les yeux des aveugles spirituels peuvent être ouverts. Comme ils approchaient de Jéricho, un aveugle nommé Bartimée, qui était assis près du chemin et qui demandait l'aumône, entendant la foule du peuple qui passait, demanda ce que c'était. Et on lui répondit que c'était Jésus de Nazareth qui passait. Alors il se mit à crier : Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! Le bruit de la foule qui passait éveilla l'attention de cet aveugle ; et ayant demandé ce que c'était, il apprit que Jésus était là. Il savait sur le Seigneur plus que ce que la multitude pouvait lui dire. Voilà pourquoi il l'invoque comme le fils de David, qui avait été promis. Il attendait, probablement depuis longtemps l'occasion de prier le Sauveur de lui rendre la vue. Maintenant qu'elle s'offre à lui, il la saisit avec joie. Cet aveugle était assis près de la route où Jésus devait passer. Où est maintenant le chemin près duquel un pauvre mendiant aveugle puisse s'asseoir, pour attendre le Sauveur et être guéri de sa cécité spirituelle ? Il se trouve là où il y a des âmes qui parlent de Jésus, qui le louent et le suivent, là où sa Parole est annoncée, où ses louanges retentissent. On le trouve au milieu des assemblées et des actions de grâces de son Église. Installe-toi là et demande-lui d'éclairer ton âme. Une telle prière monte à son oreille et pénètre jusqu'à son coeur.

Et ceux qui allaient devant le reprenaient pour le faire taire ; mais il criait encore plus fort : Fils de David, aie pitié de moi. Les aveugles spirituels s'opposent à ce que cet aveugle recouvre la vue. Que de fois ceux qui demandent des yeux pour voir, sont obligés de braver les menaces des enfants d'un monde ennemi de la lumière ! Le Seigneur les laisse faire, afin de forcer cet aveugle de persévérer dans sa prière. - Aie pitié de moi, Dieu de miséricorde, aie pitié de moi ! Telle est la supplication de tous les pauvres pécheurs qui implorent la grâce de Jésus. Heureux celui qui, effrayé par les accusations de sa conscience, accablé sous le fardeau de ses péchés, peut encore s'écrier du fond de l'abîme : Aie pitié de moi ! Heureux celui qui, même avec une conscience apaisée, n'oublie pas de crier : Aie pitié de moi ! Heureux celui chez qui le fond de la prière est toujours ce cri : Aie pitié de moi ! Mais aussi heureux celui qui peut ajouter à cette prière, ces paroles du psalmiste : « Mon âme, bénis l'Éternel ; c'est lui qui pardonne toutes tes iniquités et qui guérit toutes tes infirmités. » Les pécheurs reçus en grâce ne chantent jamais leur Alléluia sans y associer ce cri : Aie pitié de moi ! Il n'y a que les anges de Dieu qui puissent l'omettre. Seulement les Alléluia des rachetés résonnent plus agréablement aux oreilles du Sauveur et glorifient mieux son nom que les cantiques des anges.

Et Jésus s'étant arrêté, commanda qu'on le lui amenât. Le Seigneur aurait bien pu s'approcher de l'aveugle ; mais en commandant qu'on le lui amenât, il a voulu lui montrer qu'à côté de tous ceux qui voulaient l'arrêter, il y avait des mains fraternelles disposées à le conduire auprès de lui. Le Seigneur lui demanda : Que veux-tu que je te fasse ? Et il répondit : Seigneur, que je recouvre la vue ! Jésus connaissait bien le besoin de cet aveugle, mais il voulut être prié, parce que la prière fortifie la foi. Et Jésus lui dit : Recouvre la vue, ta foi t'a guéri. Qui est-ce qui apaise la faim corporelle ? Est-ce celui qui tend la main pour recevoir la nourriture ou celui qui la donne libéralement ? Mon âme, adore l'humilité de ton Sauveur qui attribue à la foi ce qu'il a lui-même accordé, et reconnais ainsi la joie que lui cause la foi. - Et à l'instant il recouvra la vue, et il suivit Jésus en donnant gloire à Dieu. Les yeux de l'aveugle guéri ont vu en Jésus plus qu'un médecin merveilleux. C'est pourquoi il le suit à Jérusalem, où l'agneau de Dieu sera conduit à la boucherie.



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98. Zachée.

(Luc XIX, 1-10.)


Lorsqu'on sut dans Jéricho que le Seigneur passait par la ville, un homme nommé Zachée, qui était chef des péagers (receveur supérieur des contributions), et qui était riche, cherchait à voir qui était Jésus. Il était riche et désirait cependant voir Jésus. Cela n'arrive pas souvent. Les richesses de cet homme ne le satisfont pas. Il ne se fait plus illusion, et reconnaît publiquement que tout son argent ne peut ni apaiser son coeur agité, ni lui donner la paix avec Dieu. Il a peut-être appris du ci-devant péager Matthieu combien il est doux de suivre Jésus. Il a pu aussi entendre raconter comment le Seigneur sait consoler les âmes attristées, les coeurs travaillés et chargés. Il se disait en lui-même : Sans doute il pourrait m'enlever le poids qui oppresse ma conscience. Si je pouvais seulement une fois voir ses traits, je saurais peut-être ce que je puis attendre de lui. Et il se plaça sur le passage de Jésus. Mais étant de petite taille, il ne pouvait le voir à cause de la foule. Toutefois, son désir est si grand, qu'il ne craint pas de s'exposer aux railleries et à la risée du peuple. Il courut devant et monta sur un sycomore. Celui qui est rempli d'un ardent désir de voir Jésus et de se mettre en rapport avec lui, s'affranchit de tout respect humain ; il ne se demande pas ce qu'on dira de lui ; il se soucie peu de l'approbation du monde et ne craint pas son mépris. - Mais où est l'arbre du haut duquel on puisse voir passer Jésus ? Cherche dans les Saintes Écritures. Informe-toi du lieu où la Parole de Dieu est prêchée dans sa pureté, où les sacrements sont fidèlement administrés, et vas-y sans crainte. Si tu veux sincèrement apprendre ce que Jésus est pour toi, tu l'entendras aussi t'appeler par ton nom.

Jésus étant venu en cet endroit, et regardant en haut, lui dit : Zachée, hâte-toi de descendre, car il faut que je loge aujourd'hui dans la maison. Cette invitation fit sans doute battre le coeur de Zachée. En regardant Jésus, il vit Jésus qui le regardait. Zachée en sait assez. Ses yeux ont vu son Sauveur et son coeur tressaille de joie.
Jésus l'avait remarqué. Comment en eût-il été autrement ? Celui qui, au milieu de la foule qui le pressait, a senti l'attouchement de la femme malade depuis douze ans ; celui qui avait entendu la fervente prière de Nathanaël sous le figuier, celui-là se sent aussi attiré vers tout pécheur dont le coeur soupire après lui. Lorsque Pierre se tenait derrière la porte de la cour de Caïphe, et pleurait amèrement, le Seigneur s'était tourné vers lui et l'avait regardé. Les larmes de Pierre furent provoquées par le regard de Jésus. Le Seigneur voit avec une sainte joie, dans l'ardent désir des coeurs repentants, le fruit du travail secret de son amour. Voilà. pourquoi il faut qu'il loge dans la maison de Zachée. Il faut que le bon Berger prenne dans ses bras sa brebis retrouvée et la presse sur son coeur.

Et il descendit promptement et le reçut avec joie. Le coeur de Zachée tressaille de joie, et dans le ciel les anges se réjouissent pour ce pécheur qui s'amende. Mais que disent les gens ? Aux yeux des pharisiens, les péagers étaient des pécheurs. Zachée devait donc leur apparaître comme le chef des pécheurs. Il était connu pour un « homme d'argent » qui s'enrichissait de l'amère sueur du peuple. Il était influent à cause de sa haute position, mais assurément plus craint que respecté. C'est pourquoi tous ceux qui virent cela murmuraient, - c'est-à-dire tous ceux qui présumaient d'eux-mêmes et méprisaient les autres, - disant qu'il était entré chez un homme de mauvaise vie pour y loger. Ainsi on reprochait au Sauveur d'être entré chez Zachée, et l'on regardait sa démarche comme une honte. Mais Zachée, se présentant devant lui, lui dit : Seigneur, je donne la moitié de mes biens aux pauvres. Si j'ai fait tort à quelqu'un en quelque chose, je lui en rends quatre fois autant. Dès que le Seigneur entre dans une maison ou dans un coeur, toutes les iniquités en sortent immédiatement. Il est impossible de jouir du salaire de l'injustice ou seulement d'y trouver du plaisir, quand on est devenu la propriété de Jésus. Quiconque a obtenu le pardon de ses péchés, a la conscience délicate. Il cherche dans sa vie passée, et dès qu'il reconnaît avoir fait tort à quelqu'un, il ne se contente pas de lui présenter ses excuses, mais il se hâte de restituer le bien mal acquis. Sans doute une pareille conduite nécessite de l'humilité et demande d'amers aveux ; mais la foi ne se contente pas de vaines paroles ; elle réclame des actes.

La joie de Zachée est telle, qu'il ne saurait la garder pour lui seul. Il veut que les pauvres la partagent, et il leur donne la moitié de ses biens. Sur quoi le Seigneur lui dit : Le salut est entré aujourd'hui dans celle maison, parce que celui-ci est aussi un enfant d'Abraham. Le salut vient avec le Sauveur. C'est une heureuse maison que celle où une âme reçoit le Seigneur Jésus, car cette seule âme peut attirer la bénédiction sur tous les habitants de la maison. Jésus appelle Zachée un enfant d'Abraham, afin que les autres enfants d'Abraham viennent à lui. Il n'y a que des pécheurs perdus et des pécheurs sauvés. Les pécheurs perdus, le Seigneur les cherche, car il est le Chef (l'initiateur) de la foi. Les pécheurs sauvés, il les rend heureux, car il est le consommateur de la foi (Hébr. XII, 2).

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