Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE II

suite

-------


73. Jésus est la porte et le bon Berger.

(Jean X, 1-21.)


Le Seigneur s'appelle le bon Berger avec une sainte joie en pensant à l'aveugle-né, à cette brebis retrouvée qui a reçu de lui la vie, et la plénitude du bonheur. Il s'appelle la Porte avec une profonde douleur en pensant aux pharisiens qui, les yeux grands ouverts, sont fermement décidés à ne pas voir. Ils ne veulent pas voir le miracle opéré sur l'aveugle, miracle dans lequel ils pouvaient reconnaître que Dieu avait ouvert les cieux et était venu à eux en Jésus. Celui qui s'obstine à fermer les yeux sur de semblables faits divins, et qui cependant prétend faire l'oeuvre de Dieu au milieu de son peuple, celui-là ressemble à un homme qui n'entre pas par la porte dans la bergerie des brebis, mais y monte par un autre endroit et qui est un larron et un brigand, taudis que celui qui entre par la porte est le berger des brebis. Le portier lui ouvre la porte, les brebis entendent sa voix ; il appelle ses propres brebis par leur nom, et les mène dehors. Et quand il a mis dehors ses propres brebis, il marche devant elles, et les brebis le suivent parce qu'elles connaissent sa voix. Mais elles ne suivront point un étranger ; au contraire elles le fuiront, parce qu'elles ne connaissent pas la voix de l'étranger. Qui ne sent, dans ces oeuvres du Sauveur, l'ardent amour dont son coeur déborde pour la gloire de son Père et pour le salut des âmes !

Cependant, afin de mieux comprendre cette parabole de Jésus, il faut nous représenter les moeurs des bergers, dans les pays orientaux. Le soir, les bergers conduisent leurs brebis dans un espace entouré d'un mur peu élevé, ouvert par le haut et n'offrant qu'une seule entrée. C'est cet espace que le Seigneur nomme la bergerie des brebis. À la porte de cette enceinte, veille un serviteur armé, le « portier » qui ne laisse entrer que le berger. Celui donc qui voulait y entrer dans l'intention de tuer et de voler était obligé d'y pénétrer par un autre endroit. Vers le matin venait le berger, que le portier laissait entrer, naturellement, et il appelait le bélier du troupeau par son nom. Celui-ci, reconnaissant la voix de son propriétaire, venait à lui, et tout le troupeau le suivait au pâturage. Telle était la scène que le Sauveur avait devant les yeux, en prononçant cette parabole. Le fait que Jésus commence seulement à s'exprimer en paraboles à Jérusalem, montre comment les pharisiens et la foule, qui était remplie de leur esprit, prêtaient l'oreille à ses enseignements. Ici comme en Galilée, ce genre de discours doit exercer ce jugement : « Qu'ils entendent et ne comprennent point. »

Les pharisiens n'étaient pas des bergers selon le coeur de Dieu, autrement ils seraient entrés dans la bergerie par Christ, le bon Berger, comme étant la porte établie par Dieu lui-même. Au lieu de cela, ils venaient d'une manière bien décidée, se placer entre le Berger et les brebis. Ils étaient entrés dans la bergerie par un autre endroit. Ils ne cherchaient pas la gloire de Dieu ni le salut des âmes, mais seulement leur propre gloire et un honteux profil. C'est pourquoi Jésus les nomme « larrons » et « brigands ». Ce sont bien en effet les pires voleurs et les pires brigands, ceux qui s'attaquent aux biens du règne de Dieu et compromettent le salut et l'éternelle félicité des âmes.

D'abord le Sauveur se nomme la porte des brebis. C'est seulement plus tard, v. 11, qu'il s'appelle le bon Berger. Par conséquent, le berger dont il est dit qu'il entre par la porte de la bergerie, ne peut être qu'un berger en sous-ordre, qui, appelé intérieurement par le Saint-Esprit, rempli de l'amour du Sauveur, est décidé à accomplir la volonté divine, et se consacre entièrement à son service et à celui de ses brebis. Lorsqu'un tel serviteur du bon Berger - et tout vrai pasteur en est un - se présente à l'entrée de la bergerie, le portier lui ouvre la porte. Ce portier, c'est le Saint-Esprit, qui ouvre le coeur de la communauté, afin qu'elle écoute la Parole qui lui est annoncée par de fidèles bergers (Act. XVI, 14).

Là où le Portier fait son oeuvre, le pasteur et la communauté sont unis par le lieu d'une confiance pleine d'amour, comme le bon Berger est uni à ses brebis : « Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent. » De même, le serviteur du bon Berger appelle ses brebis par leur nom. Il est avec elles dans une intime communion de foi, et il connaît les besoins de leurs coeurs. Il ne considère pas seulement le nombre de ses brebis, mais aussi leur nom ; l'expression de la vie intérieure de chacune d'elles lui est connue, et lorsqu'il les appelle par leur nom, sa voix résonne dans leurs coeurs comme la voix du Sauveur résonnait dans le coeur de Marie lorsqu'il l'appelait par son nom (Jean XX, 16). Il marche fidèlement devant elles, à la rencontre du bon Berger, et voilà pourquoi elles connaissent sa voix. Ce ne peut être que la voix du bon Berger, et elles le suivent partout où il les conduit. Lorsque nous avons dans nos églises des âmes que nous appelons par leur nom, qui entendent notre voix et se laissent conduire, c'est pour nous un précieux témoignage de la fidélité de nos fonctions, une preuve de la bénédiction de Dieu, qui nous garantit que notre travail ne sera pas vain auprès du Seigneur ; une douce consolation qui nous assure que nos efforts ne sont pas ceux d'un étranger que les brebis fuient.

Le Sauveur a commencé par parler des voleurs et des brigands, n'entrent pas par la porte de la bergerie. Mais, dans son ardent amour et dans son brûlant désir de chercher et de sauver ce qui est perdu, il ne s'arrête pas longtemps à ces lugubres images. Il change promptement de langage, et décrit avec autant de tendresse que de clarté les précieuses bénédictions qu'il destine à ses brebis par le moyen de ceux qui entrent auprès d'elles par Lui, qui est la Porte. Mais son regard se porte de nouveau sur les pharisiens. « Son discours devient mordant, pensent-ils, sommes-nous peut-être des voleurs et des brigands ? » En vérité, en vérité je vous dis que je suis la Porte des brebis. Par cette Parole, le Seigneur détruit toutes leurs prétentions, et leur donne à comprendre avec une effrayante clarté qu'ils sont entrés par un autre endroit. Christ est la Porte du ciel, et cette Porte est largement ouverte. Il est la Porte par laquelle nous allons à Dieu et Dieu vient à nous. Les pharisiens ne voulaient pas entrer par lui dans la bergerie ; ils le laissaient volontairement, de côté. Ainsi le Seigneur les désigne bien clairement comme des voleurs et des brigands, qui tuent les brebis. Et ils se taisent, comme cet homme qui était entré dans la salle des noces sans avoir un habit de noce.

« Voleurs et brigands ! » Que le Seigneur nous préserve, nous ses serviteurs, lorsque nous croyons paître son troupeau de la Parole de vie, de négliger de sonder sincèrement notre conscience, lorsque nous lui rendons grâce de n'être ni un voleur ni un brigand ! Il peut arriver trop facilement que même de fidèles bergers ne soient pas complètement purs du levain des « voleurs et des brigands. » Les uns travaillent dans un sentiment égoïste, pour la satisfaction de leur amour-propre. Aux yeux de celui qui sonde les coeurs, qui donc est absolument net du désir de plaire aux hommes ? Les autres viennent pour tuer, pour voler, pour corrompre ; ils ne peuvent rien donner, ils ne savent que prendre. Comme il arrive facilement que l'action personnelle se mêle au zèle le plus fidèle ! que de fois la répréhension dégénère en injure, l'annonce des jugements divins aux contempteurs de la Parole divine manque de ces larmes que le Seigneur répandait sur Jérusalem, la lettre de la loi qui tue n'est pas accompagnée de la Parole de la grâce qui sauve ; ceux qui doivent communiquer la vie sont morts ! Tout cela se produit, bien que le bon Berger soit venu pour que ses brebis aient la vie et l'aient même avec abondance ! Ah ! puissent nos coeurs être tellement remplis de sa vie, qu'elle se répande par torrents de nos personnes sur nos églises ?

Je suis le bon Berger, le bon Berger donne sa vie pour ses brebis, mais le mercenaire, celui qui n'est point le berger, et à qui les brebis n'appartiennent pas, voit venir le loup et abandonne les brebis et s'enfuit, et le loup ravit les brebis et les disperse. Le Sauveur était touché de compassion en voyant les brebis qui n'avaient point de pasteurs, et qui étaient languissantes et dispersées. Déjà dans l'Ancien Testament, il regardait avec une profonde pitié les brebis dont les pasteurs, auxquels il les avait confiées, ne prenaient aucun soin. C'est pourquoi il leur avait promis de leur susciter un pasteur selon son coeur, et même de paître lui-même son troupeau. Les croyants de l'ancienne Alliance avaient longtemps attendu l'apparition de ce bon Berger. « Toi qui es le Pasteur d'Israël, toi qui mènes Joseph comme un troupeau, toi qui es assis entre les chérubins, fais reluire ta splendeur » (Ps. LXXX, 2). Maintenant il est apparu, ce bon Berger, qui ne veut pas vivre du troupeau, mais qui donne sa vie pour ses brebis, afin qu'elles puissent recevoir de lui la vie.

La preuve la plus glorieuse de sa fidélité comme Berger, c'est que le Berger de Dieu se soit donné pour elles comme Agneau de Dieu. Le loup est déjà devant lui dans la personne des pharisiens, qui s'opposent continuellement à lui avec leurs desseins meurtriers. Les brebis lui appartiennent, car « c'est lui qui nous a faits ; ce n'est pas nous qui nous sommes formés, nous sommes son peuple et le troupeau de sa pâture » (Ps. C, 3). Et il les a de plus chèrement rachetées par le sang expiatoire. Aussi le Seigneur dit-il à Pierre, non : Pais les brebis, mais : Pais mes brebis. C'est pourquoi il ne s'enfuit pas devant le loup, comme le mercenaire, qui ne veille pas sur les brebis, parce qu'elles ne lui appartiennent pas, mais il les arrachera à la gueule du loup au prix de sa propre vie. Les mercenaires sont les serviteurs de l'Église de Christ, qui fuient lorsqu'il s'agit, à l'exemple de leur Maître, de donner leur vie pour elle, qui craignent les sacrifices qu'impose l'abnégation, qui, dans les temps de persécutions, de guerre ou d'épidémie, s'éloignent de leurs églises, parce qu'ils craignent pour leur vie. Les loups sont tous ceux qui se déclarent ouvertement ennemis de la vie de Dieu, adversaires de la croix de Christ, qui enseignent de fausses doctrines et n'épargnent pas le troupeau (Act. XX,29. 30).

Je suis le bon Berger : je connais mes brebis et mes brebis me connaissent, comme je connais mon Père et comme mon Père me connaît, et je donne ma vie pour mes brebis. C'est un précieux et tendre lien d'amour qui unit le Berger à ses brebis. « Mon bien-aimé est à moi et je suis à lui ». « Le Seigneur me connaît, il sait que je suis à lui, et que je lui appartiens corps et âme. » C'est là la véritable ancre de notre foi. Être connu du bon Berger, savoir qu'il voit le fond de nos coeurs, qu'il en scrute les coins les plus secrets, qu'il en sonde les replis les plus cachés ; c'est là, pour les brebis, non un motif de frayeur et de tremblement, mais une douce et bienheureuse consolation. Mais quoi ! ne sait-il pas que notre coeur est rempli de péché, et peut-il, dès lors, le voir avec bienveillance ? La vue de nos péchés nous couvre nous-mêmes de confusion et nous cause une amère douleur. Et lui, de son regard pur et pénétrant, il les reconnaît beaucoup plus clairement que nous. Cette pensée ne doit-elle pas nous attrister et nous effrayer bien plutôt que nous réjouir et nous consoler ?

Sans doute, si ses yeux regardaient au péché. Alors nous pourrions nous écrier : « Malheur à moi, je suis perdu ! » Mais ses yeux regardent à la foi. Il connaît de loin nos pensées. Aucun de nos soupirs, quelque caché soit-il, aucune des douleurs de notre coeur ne lui échappe. À travers toutes les paroles de notre bouche, à travers toutes les actions de notre vie, il distingue la soif et entend les cris de nos âmes qui cherchent le Dieu vivant ; « Seigneur, tout mon désir est devant toi ! » Le bon Berger ne se dérobe pas à ces aspirations des coeurs. Là où cette soif fait défaut, les hommes peuvent bien s'écrier : « Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé en ton nom ? n'avons-nous pas fait des miracles en ton nom ? » Le Seigneur leur répondra : « Je ne vous ai jamais connus » (Matth. VII, 23).

Nous sommes souvent dans les chagrins, dans les inquiétudes et les angoisses, parce que notre coeur nous condamne. Nous nous écrions avec le psalmiste : « Je connais mes transgressions et mon péché est continuellement devant moi ! » Mais le bon Berger est plus grand que notre coeur, et il voit nos plus intimes désirs de nous approcher de lui. Sans doute, nous pourrions désespérer, si nous ne voyions que nos péchés, et ne sentions plus aucune foi en nous. Mais le Seigneur nous voit, et il prend soin du lumignon qui fume encore dans nos coeurs. Il est pour nous ce qu'est le soleil pour les oignons et les bulbes informes. Il les éclaire de ses brillants et chauds rayons, et en fait éclore la belle fleur qui y était cachée. C'est ainsi que Jésus réveille et fait éclore la foi dans les coeurs qui en avaient à peine conscience. Lorsqu'il te dit : « 0 homme, sois confus, et que la honte te ferme la bouche, puisque je veux te pardonner tout le mal qui est en toi ; » lorsque ensuite tu sens des charbons de feu amassés sur ta tête, et que ton coeur tressaille de joie à la vue de tout ce que ton Seigneur te pardonne, alors la connaissance est faite entre le berger et la brebis. Alors nous savons, non pour l'avoir entendu dire, mais par une bienheureuse expérience de la conscience et du coeur, que c'est là la voix de Jésus.

Comment pourrions-nous ne pas reconnaître celui qui a calmé notre coeur angoissé et l'a rempli d'une céleste paix, qui chaque jour nous pardonne miséricordieusement toutes nos fautes, qui tient son oreille et son coeur ouverts à nos soupirs et à nos plaintes, à nos prières et à nos supplications, à nos louanges et à nos actions de grâces ? Comme le principe de la vie du Fils est caché dans le Père, de même le principe de la vie des croyants est caché en Christ. Et comme le Fils connaît le Père et est connu de lui, de même les croyants connaissent Christ et sont connus de lui. Cette vivante communion d'amour entre le Sauveur et nos âmes, cette relation intime dans laquelle nous sommes avec lui par la prière, constituent l'essence de la véritable vie chrétienne.

J'ai encore d'autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie ; il faut que je les amène et elles entendront ma voix, et il n'y aura qu'un seul troupeau et un seul berger. Il n'y avait jusqu'à ce moment que peu de brebis qui avaient entendu la voix du bon Berger.
C'étaient les disciples, la Samaritaine, l'impotent de Béthesda, le centenier de Capernaüm, la Cananéenne, le Seigneur de la cour, l'aveugle-né et ceux auxquels il avait ouvert les yeux pour contempler sa gloire. L'immense majorité n'avait pas reconnu son langage de Berger. Mais le Sauveur sait que le Père lui tiendra la promesse qu'il lui a faite de lui donner « pour héritage les nations et pour sa possession les bouts de la terre (Ps. II, 8). » Il voit les compatriotes du centenier de Capernaüm, les enfants de Dieu dispersés dans ce monde païen (Jean XI, 52), que le Père lui a donnés. Ils sont déjà ses brebis ; ils attendent le son de sa voix de Berger, et son ardent amour le presse de les introduire dans la bergerie au moyen de sa Parole. La bergerie est le lieu de réunions des brebis, l'Église chrétienne, dans laquelle le bon Berger veut faire entrer et assembler les païens. Le péché et le loup dispersent les brebis, le bon Berger les recueille et les réunit.

Un seul troupeau, et un seul Berger. Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême : Le Saint-Esprit a commencé cette oeuvre le jour de la Pentecôte, et l'Église a pour tâche de la continuer sur la terre. C'est l'objet des aspirations de tout vrai chrétien. Et lorsque l'impatience des hommes a voulu aider au bon Berger dans son oeuvre d'unification, elle n'a fait qu'augmenter les divisions.

C'est pour cela que mon Père m'aime, parce que je donne ma vie pour la reprendre. Personne ne me l'ôte ; je la donne de moi-même, j'ai le pouvoir de la donner et j'ai le pouvoir de la reprendre, j'ai reçu cet ordre de mon Père. La facilité avec laquelle les Juifs ont fait mourir le Sauveur, a pu leur paraître comme une négation de sa gloire divine. C'est pourquoi il leur déclare d'avance que, malgré leur puissance et la pleine liberté avec laquelle ils l'ont crucifié, ils n'ont été que les instruments de sa volonté. C'est volontairement qu'il sacrifie sa vie pour le salut du monde. Lorsque, plus tard, en Gethsémané, il met ses disciples en liberté par la puissance de sa parole, et lorsque, par la puissance de cette même parole, il renverse la garde chargée de le saisir, il montre assez que c'est par un libre amour qu'il livre sa vie pour l'humanité pécheresse. Jésus ne meurt pas pour mourir, mais afin de se relever après sa mort et de fonder son règne sur la terre.

La voix et la parole du bon Berger ont la vertu, non seulement de recueillir et de réunir les brebis qui le suivent, mais encore de séparer et d'exclure les adversaires. Plusieurs disaient : Il est possédé du démon, pourquoi l'écoutez-vous ? Mais d'autres disaient : Ce ne sont pas là les discours d'un démoniaque. Le démon peut-il ouvrir les yeux des aveugles ? Ce n'est pas encore le témoignage d'une foi complète ; mais en tout cas, les yeux de ceux qui parlaient ainsi n'étaient plus fermés aux manifestations de la gloire de Christ.

Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant