Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE II

suite

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68. Jésus à la fête des tabernacles.

(Jean VII, 8-11.)


L'activité du Sauveur en Galilée est terminée. Il sait que sa mort sur la croix n'aura pas lieu immédiatement (v. 8), et qu'il quittera encore une fois Jérusalem pour annoncer l'Évangile en Samarie et en Pérée. Mais il sait aussi qu'il finira sa vie à Jérusalem. Dès lors, toutes ses pensées sont tournées de ce côté ; il se prépare à souffrir et à mourir. Après avoir évangélisé la Galilée pendant un an et demi, depuis le printemps de l'an 31 jusqu'à l'automne de l'an 32, il se dispose à se rendre à Jérusalem pour la fête des Tabernacles. La signification de cette solennité nous est indiquée Lévitique XXIII, 42-43 : « Vous demeurerez sept jours dans des tentes, afin que votre postérité, sache que j'ai fait demeurer Israël dans des tentes, lorsque je les retirai d'Égypte. » On habitait dans des tentes construites sur les toits ou dans les rues ; on portait des branches de palmier et d'olivier dans les mains ; on prenait de joyeux repas et l'on célébrait la fête par une multitude de sacrifices. En souvenir de l'eau qui jaillit miraculeusement du rocher, et dont le peuple étancha sa soif, on remplissait chaque matin une cruche d'or à la fontaine de Siloé, et on la versait, avec des chants de louanges, à côté de l'autel. En souvenir de la colonne de feu qui avait éclairé les Israélites au désert, brillaient chaque soir, sur des candélabres d'or dressés dans la cour du temple, des lampes qui répandaient au loin leur éclat.

Les frères de Jésus, qui ne croyaient pas en lui (v. 5) auraient voulu pouvoir se glorifier d'un Messie terrestre ; ils étaient mécontents de ce que Jésus s'était arrêté si longtemps en Galilée. Ils pensaient que le Messie ne devait pas sortir d'un coin obscur de cette province ignorée. Selon eux, Jérusalem était le théâtre où son activité devait se déployer, en présence des savants et surtout du Sanhédrin, afin qu'il reçût une sanction officielle, dans la capitale du pays. « Pars d'ici, lui dirent-ils, et t'en va en Judée, afin que les disciples voient aussi les oeuvres que tu fais. » Cette grande fête était une excellente occasion pour enthousiasmer et entraîner la foule par des miracles et pour prendre enfin possession du trône royal. Mais c'est précisément pour cette raison que Jésus repousse cette prétention de ses frères. Il se refuse à monter à la fête avec les grandes caravanes qui s'y rendaient. Son temps n'était pas encore accompli : il le sera seulement à la prochaine fête de Pâques. Alors il fera publiquement son entrée à Jérusalem comme le vrai Roi et le vrai souverain sacrificateur d'Israël. « Montez à cette fête, dit-il à ses frères ; pour moi, je n'y monte pas encore, parce que mon temps n'est pas encore venu. » Ce n'est ni avec eux ni comme ils l'entendent, qu'il veut monter à Jérusalem.

À peine Jésus est-il entré en Samarie, qu'il se heurte à une haine comme il n'en avait pas rencontré en Galilée. Le premier village des Samaritains où il désire passer la nuit, lui refuse l'hospitalité, parce qu'il se rend à la fête de Jérusalem. Les Juifs et les Samaritains se haïssaient réciproquement, et si pendant les fêtes, quelque Juif traversait la Samarie pour assister à ces solennités, il était fort mal accueilli. Voilà pourquoi le Seigneur fut ainsi repoussé. Le Sauveur se tient à la porte et demande à entrer, et l'entrée lui est refusée ! Quel triste spectacle ! Qui donc ne serait indigné de ce refus ? Et cependant le Sauveur ne l'éprouve-t-il pas encore continuellement ? Lui as-tu immédiatement ouvert ton coeur, cher lecteur, quand il est venu frapper à ta porte ? On comprend très bien les sentiments des deux chers disciples Jacques et Jean lorsqu'ils lui dirent : Seigneur, veux-tu que nous disions que le feu du ciel descende sur eux et qu'il les consume, comme Élie le fit ? (Luc IX, 54.) Ces deux disciples furent plus d'une fois repris pour leur zèle ; ils le sont encore dans cette circonstance. Mais quelle différence entre les répréhensions du Seigneur et les nôtres ! Il avait le droit de les reprendre, car il était dévoré du feu de la colère de Dieu contre les péchés des hommes. Quant à nous, nous devrions rougir en présence du zèle de ces deux disciples, car nous en avons bien peu pour la gloire et l'avancement du règne de notre Sauveur.

Jacques et Jean venaient de voir leur Maître rayonner de la gloire divine sur la montagne. Ils avaient été témoins de l'honneur que Moïse et Élie, et Dieu lui-même lui avaient rendu. Et maintenant des hommes lui refusent un gîte pour la nuit ! Que ce refus ait indigné les disciples, et qu'ils aient été animés du zèle d'Élie, il ne faut pas s'en étonner, car peu de temps auparavant la personne de ce prophète avait été rappelée à leur souvenir (Luc IX, 19. 20 ; Matth. XVII, 10). Ils sont zélés pour l'honneur de leur Maître ; mais leur zèle ne ressemble pas au sien ; on le voit par les larmes que Jésus versa sur Jérusalem. Quant à eux, leur zèle est une excitation charnelle. C'est pourquoi le Seigneur les reprend : Vous ne savez de quel esprit vous êtes animés (littéralement : de quel esprit vous êtes les fils) ; car le Fils de l'homme n'est pas venu pour faire périr les hommes, mais pour les sauver (Luc IX, 55. 56).

Par ces paroles sévères, Jésus excite le sentiment de l'honneur chrétien chez ses disciples et leur rappelle l'esprit qui était en eux, et que leur zèle terrestre avait refoulé à l'arrière-plan. Le Saint-Esprit dont les disciples étaient les fils, animait aussi Élie. Cet Esprit, tout en tendant toujours au même but, qui est la gloire de Dieu, parle cependant autrement dans la loi que dans l'Évangile, autrement à ceux que Jésus cherche à sauver dans le temps de grâce qu'à ceux qu'il jugera au dernier jour. Les disciples ne se trompaient pas en croyant que leur Maître tenait dans ses mains le feu du jugement, mais dans leur zèle inconsidéré, ils oubliaient que le jour du jugement n'est pas encore venu, que le temps de la grâce dure encore, et que le feu que le Sauveur est venu apporter sur la terre, n'est pas le feu de la colère, mais le feu d'un vivant et salutaire amour.

Nous ne voulons pas omettre de remarquer ici que le Seigneur, pendant son séjour sur la terre, a exercé sa puissance sur toutes choses : sur les éléments, les vents, les eaux, les arbres ; Quant à sa puissance sur le feu, il en a toujours réservé la manifestation pour le grand jour « où il exercera la vengeance avec des flammes de feu contre ceux qui ne connaissent point Dieu et qui n'obéissent point à l'Évangile (2 Thes. 1, 8). » Ne savez-vous pas de quel esprit vous êtes les fils ? Si les disciples se sont rappelé avec quel amour plein de douceur et de patience Jésus a gagné leurs propres âmes, ses paroles durent tomber sur leurs coeurs comme des charbons ardents. C'est ce zèle brûlant qui valut à Jacques et à Jean le surnom de Boanergès, c'est-à-dire enfants du tonnerre. Lorsque leur zèle fut purifié par le Saint-Esprit, ce surnom devint pour eux un titre d'honneur (Marc III, 17). Ce zèle plein d'un ardent amour, qui pénètre les lettres de l'apôtre Jean, le pressait plus tard d'implorer l'effusion du Saint-Esprit pour ces mêmes Samaritains sur lesquels il aurait voulu faire descendre le feu du ciel (Act. VIII, 15).



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69. Jésus enseigne dans le temple.

(Jean VII, 11-53.)

 

Lorsque ses frères se furent mis en chemin avec les caravanes qui se rendaient à Jérusalem, Jésus attendit encore quelques jours, afin de pouvoir y monter sans attirer l'attention. Mais, même en son absence, il était le sujet des conversations de la foule réunie pour célébrer la fête. Tous avaient espéré l'y rencontrer, et se demandaient les uns aux autres avec étonnement : Où est-il ? On parlait diversement de lui parmi le peuple, mais nul n'osait dire franchement ce qu'il pensait, par crainte des Juifs, influencés par les pharisiens. On savait généralement que les chefs du peuple, animés de l'esprit pharisaïque, étaient hostiles à Jésus, et la servitude morale dans laquelle ils tenaient la foule, était trop lourde pour que les hommes bienveillants eux-mêmes eussent le courage d'exprimer hautement leur opinion sur le Sauveur.

Il parait que leur foi était encore bien faible, car la vraie foi ne connaît aucune crainte. Lorsqu'ils entendaient ses discours et voyaient ses miracles en Galilée, ils osaient s'en réjouir franchement, et disaient : « Un grand prophète s'est levé parmi nous et le Seigneur a visité son peuple. » Ou bien : « Celui-ci est véritablement le prophète qui devait venir dans le monde. » Mais à Jérusalem, où ils subissaient la pression d'en haut, leurs langues étaient liées par la crainte des hommes. C'est tout au plus s'ils osaient dire : C'est un homme de bien. Quant à ceux qui tenaient avec les pharisiens, ils ne se gênaient pas pour exprimer franchement leur manière de voir. Ils ne permettaient pas même qu'on dit de Jésus : C'est un homme de bien. Non, disaient-ils, mais il séduit le peuple. Ces paroles leur étaient dictées par les pharisiens. C'étaient des feuilles de figuier au moyen desquelles ils s'efforçaient de cacher ou même de parer leurs plans meurtriers. Car, d'après la loi, (Deut. XIII, 6-10), un pareil séducteur était puni de mort.

Mais, au milieu de la fête, Jésus apparaît ; il monte immédiatement au temple et commence à enseigner publiquement et à expliquer les Écritures. Ses paroles faisaient une profonde impression, même sur l'esprit de ses ennemis. Ils étaient étonnés, et une voix se faisait entendre en eux qui disait que Jésus pourrait cependant bien être un envoyé de Dieu. Mais ils étouffaient cette voix, en se disant qu'il n'avait pas étudié à la manière des docteurs de la loi. Comment cet homme sait-il les Écritures, ne les ayant point apprises ? En effet, le Sauveur n'avait pas puisé sa doctrine dans la haute école des scribes, en étudiant avec zèle, comme ils se vantaient de l'avoir fait eux-mêmes. Voilà pourquoi on le croyait incapable de reconnaître le vrai sens des Écritures.

Mais il répondit : Ma doctrine n'est pas de moi, par où il entend qu'il ne l'a pas apprise par des moyens humains. Mais elle est de celui qui m'a envoyé. De même que le Fils ne peut rien faire de lui-même, mais seulement ce qu'il voit faire au Père, de même il ne dit rien de lui-même, mais seulement ce qu'il entend du Père. Le contenu de sa doctrine est celui-ci : « Le Père l'a envoyé pour sauver le monde pécheur. » Il est l'objectif de tous les prophètes ; il est l'objet du témoignage de tous les apôtres et de tous les prédicateurs. Mais il s'annonce lui-même comme prophète et comme étant la vérité. Sa personne est le contenu de sa doctrine. Si quelqu'un veut faire la volonté de Dieu, il reconnaîtra si ma doctrine est de Dieu, ou si je parle de mon chef. Il ne dit pas : Si quelqu'un fait, mais si quelqu'un veut faire la volonté de Dieu.

Nous avons donc un moyen infaillible de reconnaître la vérité divine. Le célèbre Jean-Jacques Moser, après avoir lu ce passage, se dit en lui-même : « Quoi ! Jésus aurait indiqué un moyen si facile de faire l'épreuve de sa doctrine ! Ce serait un scandale et un manque de conscience, si une âme altérée de vérité n'en faisait pas usage ! Je veux essayer. » Il commença dès lors à chercher sincèrement et loyalement à connaître la volonté de Dieu, travailla non moins loyalement et sincèrement à l'accomplir, et devint un fidèle chrétien.

Mais comment se fait-il que ceux qui veulent sincèrement accomplir la volonté de Dieu, reconnaissent immédiatement la divinité de la doctrine du Sauveur ? C'est que la volonté de Dieu exige que l'homme reconnaisse ses péchés et en cherche le pardon. Quiconque désire avant tout faire cette volonté, soupirera bientôt après cette connaissance et ce pardon, et acceptera avec joie la doctrine de Christ, qui enseigne précisément qu'il est l'Agneau de Dieu. En revanche, quiconque refuse de reconnaître ses péchés et dore orgueilleusement sa misère, sera scandalisé jusqu'au fond du coeur par cette doctrine. La volonté de Dieu exige encore que nous l'aimions de tout notre coeur, de toute notre âme et de toutes nos forces. Quiconque veut sincèrement faire cette volonté, vient à Christ avec un ardent désir d'obtenir de lui la force d'aimer Dieu de cette manière, et de tuer toutes les passions et les mauvaises convoitises qui tendent à étouffer cet amour. Quiconque au contraire ne s'inquiète pas de faire cette volonté, donne son coeur aux vanités de ce monde, travaille à satisfaire ses passions et ses convoitises, ne voit dans la doctrine de Christ qu'une énigme indéchiffrable, et dans les témoignages rendus à sa personne, que de vaines et creuses prétentions. « Dès que tu veux satisfaire les passions, la lumière de la grâce s'éteint. »

Pour fournir une autre preuve de la divinité de sa doctrine, le Seigneur déclare encore qu'il ne cherche point sa propre gloire, mais la gloire de celui qui l'a envoyé. Celui qui cherche la gloire de la part des hommes, est aussi obligé de leur en donner, de flatter l'esprit du siècle, de s'incliner devant les grands de ce monde. Quant à Jésus, ses plus ardents ennemis devaient lui rendre ce témoignage, qu'il était libre de toutes ces préoccupations. « Maître, nous savons que tu es sincère, et que tu enseignes la voie de Dieu selon la vérité, sans avoir égard à qui que ce soit » (Matth. XXII, 16). Jésus cherche la gloire de celui qui l'a envoyé, donc sa doctrine est la vérité.

Puis le Sauveur expose publiquement les desseins meurtriers que les pharisiens avaient conçus contre lui, lors de son dernier voyage à Jérusalem dix-huit mois auparavant (Jean V, 16). Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir ? Le peuple fait semblant d'ignorer complètement cette intention des chefs. Tu es possédé du démon ; qui est-ce qui cherche à te faire mourir ? Lorsque les Juifs sont mis au pied du mur par Jésus, ils cherchent toujours à se tirer d'affaire en disant qu'il est possédé du démon. Ils ne veulent pas qu'on leur attribue de pareilles intentions, et ils les nient tout simplement. Mais leur hypocrisie est bientôt découverte, car plusieurs dirent : N'est-ce pas celui qu'ils cherchaient à faire mourir, et le voici qui parle librement ; les chefs auraient-ils en effet reconnu qu'il est véritablement le Christ ? Le Sauveur laisse tomber leurs outrages et leurs dénégations sans y faire attention. Maïs il se justifie du reproche d'avoir transgressé la loi en guérissant le paralytique de Béthesda le jour du sabbat. Si un homme reçoit la circoncision le jour du sabbat, afin que la loi de Moïse ne soit point violée, elle ne devait pas non plus l'être parce que le Sauveur guérissait un homme dans tout son corps le jour du sabbat. Cette justification fit sur un grand nombre une impression favorable. Toutefois ils semblent avoir eu honte de cette bienveillance et cherchent immédiatement à étouffer cette bonne disposition des coeurs envers le Sauveur en ajoutant : Mais nous savons d'où est celui-ci, au lieu que quand le Christ viendra, personne ne saura d'où il est. Ils avaient un pressentiment de la nature divine et de l'origine surhumaine du Messie, mais ils ne pouvaient les accorder avec sa naissance humaine et sa forme de serviteur. S'ils avaient eu une soif ardente de salut, ils auraient reconnu aussi bien que Jean, dans l'homme Jésus, la gloire du Fils unique du Père, pleine de grâce et de vérité.

Profondément affligé de leur aveuglement, Jésus rend de nouveau témoignage de sa divinité, en s'écriant à haute voix dans le temple : Vous me connaissez et vous savez d'où je suis ; je ne suis pas venu de moi-même ; mais celui qui m'a envoyé est véritable, et vous ne le connaissez point, mais moi je le connais ; car je viens de sa part et c'est lui qui m'a envoyé. Ils s'obstinent à ne reconnaître que la nature humaine de Jésus. C'est pourquoi il insiste d'autant plus fortement sur sa nature divine. Ils prétendent connaître Christ, mais ils ne veulent pas convenir qu'il est venu de la part de Dieu. Ils ne le connaissent donc pas réellement, et dès lors ils ne connaissent pas Dieu, car quiconque ignore qui est Christ, n'a aucune connaissance de Dieu ; il est athée. Les Juifs étaient dans l'orgueilleuse illusion qu'ils faisaient les affaires de Dieu ; mais le Sauveur leur dénie absolument cette prérogative et se l'attribue à lui-même. Se sentant repris dans leur conscience, ils sont tellement aigris, qu'ils cherchent à se saisir de lui, mais personne ne mit la main, sur lui, parce que son heure n'était pas encore venue. Ils ne purent pas exécuter leurs desseins publiquement énoncés ; leurs bras étaient liés par une puissance supérieure. Ils n'osent pas. Le Seigneur est là, dans un calme majestueux au milieu de ses ennemis. Ils auraient voulu se précipiter sur lui, mais ils étaient retenus par une main invisible. Cette scène fit une telle impression sur les coeurs droits, que plusieurs de ceux qui y assistaient crurent en lui, et ils disaient : Quand le Christ viendra, fera-t-il plus de miracles que n'en fait celui-ci ?

Dès que les pharisiens apprirent ce que le peuple disait du Sauveur, ils décidèrent d'étouffer immédiatement dans son germe cette bonne disposition à son égard. Ils envoyèrent, de concert avec les principaux sacrificateurs, ainsi d'une manière officielle, des sergents pour se saisir de lui. Pendant que le Sanhédrin dressait ses batteries, Jésus avertissait le peuple de la brièveté du temps de grâce. Son heure n'était pas encore venue, mais elle allait bientôt venir. Et alors, leur dit-il, je m'en irai à celui qui m'a envoyé ; vous me chercherez et vous ne me trouverez point, parce que vous ne pouvez pas venir où je serai. C'est seulement lorsqu'ils l'auront mis à mort, qu'ils seront saisis de la douleur d'Ésaïe, car ils sauront alors qui ils auront méprisé et rejeté. Ceux qui, parmi eux, sondaient les Écritures, durent se souvenir, en entendant ces paroles de Jésus, de la plainte douloureuse de la fille de Sion (Cant. V, 6), qui, endormie et rassasiée, refuse d'ouvrir à son fiancé qui heurte à sa porte, mais qui ensuite le cherche sans pouvoir le trouver. « Je le cherchai, mais je ne le trouvai point ; je l'appelai, mais il ne me répondit point. » Ils ont devant les yeux la douleur d'Ésaü, « qui ne put trouver moyen de faire changer son père de résolution, quoiqu'il le demandât avec larmes (Héb. XII, 17). »

Cette parole du Seigneur était de nature à chasser toute légèreté et toute torpeur du coeur de ceux auprès desquels il se trouvait encore, avec ses enseignements et les attraits de sa grâce. Ce qui a été négligé pendant le temps de grâce, ne peut plus se réparer. Dans sa prière sacerdotale, Jésus demande à son Père d'accorder à ceux qu'il lui a donnés, le bienheureux privilège d'être là où il est lui-même. Quiconque ne le cherche pas et ne se laisse pas trouver par lui pendant qu'il fait jour, ne le trouvera pas dans l'éternité, malgré les plaintes les plus déchirantes. Les Juifs ne veulent pas comprendre la douloureuse expression de cet amour. Ils se demandent les uns aux autres d'un ton railleur : Où ira-t-il donc, que nous ne le trouverons point ? Doit-il aller chez ceux qui sont dispersés parmi les Grecs et enseigner les Grecs ? Par ces sarcasmes, ils prononcent leur propre condamnation. Ils tiennent le même langage que Caïphe. Le royaume de Dieu devait en tout cas leur être ôté pour être donné aux païens.

Le dernier et grand jour de la fête, un sacrificateur puisait de l'eau avec une cruche d'or à la source de Siloé. Les autres sacrificateurs la recevaient dans le temple, au son des trompettes, et chantaient avec tout le peuple présent à cette cérémonie : Vous puiserez des eaux avec joie aux sources de la délivrance (Ésaïe XII, 3). Ensuite l'eau était mêlée au vin du sacrifice et répandue autour de l'autel. Jésus se trouva là et dit à haute voix : Que celui qui a soif vienne à moi et qu'il boive ! Ainsi le Sauveur se désigne lui-même comme étant l'eau de la délivrance annoncée par le prophète. Il offre sa personne pour restaurer et rafraîchir toutes les âmes qui soupirent après le Dieu vivant, comme le cerf brame après les eaux courantes. Y a-t-il ici un coeur altéré pour se rendre à cette tendre, invitation ? Ainsi, coeur chrétien, garde-toi de la négliger lorsque tu cherches avec angoisse des consolations, lorsque tu sens douloureusement le vide qui est en toi. Jésus étanche la soif de l'âme. Ce qu'il a dit à la Samaritaine près du puits de Jacob, que celui « qui boira de cette eau deviendra une source d'eau jaillissante, une source de salut pour le monde, il le répète ici, dans le temple, en présence des Juifs : Qui croit en moi, des fleuves d'eau vive découleront de lui. Quiconque est uni à Christ par la foi, a part à sa plénitude. Ce ne sont pas seulement des gouttes ou des ruisseaux, ce ne sont pas seulement des torrents, ce sont des fleuves qui découleront du corps des croyants. Leur intime union avec Christ est cachée en Dieu, mais cette source de vie cachée jaillit comme un fleuve de bénédictions pour les âmes altérées. De là le nom de la fiancée du Cantique des Cantiques, qui est appelée « une fontaine fermée, une source scellée, comme un puits d'eau vive descendant du Liban.

L'Église, l'Épouse de Christ, est bénie grâce à son intime union avec son Chef, et c'est pour cela qu'elle est une bénédiction, ainsi que chacun de ses membres en particulier. C'est ce qui parait pour la première fois le jour de la Pentecôte. La puissante plénitude d'Esprit et de vie de ce petit troupeau de croyants, se déversa si abondamment au dehors, que des milliers d'âmes furent saisies. Cependant les fleuves de bénédictions qui jaillissent des croyants, ne sont pas seulement pour le monde ; ils doivent aussi couler d'un membre à l'autre, afin que la vie de chacun d'eux soit rafraîchie et nourrie par le fleuve qui traverse tout le corps de l'Église. La parole apostolique par laquelle nous croyons, la confession de l'Eglise à laquelle nous nous associons, les prières des croyants qui montent vers le trône de la grâce, les cantiques que nous chantons dans nos assemblées, les prédications qui annoncent Christ, tous ces témoignages de la foi et de l'amour en paroles et en oeuvres, sont autant de bras du grand fleuve qui, le jour de la Pentecôte, s'échappa du coeur de Jésus, et qui, à travers les siècles, inonde les déserts de la terre et procure la santé aux païens.

Jean ajoute l'explication suivante : Or, il disait cela de l'Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui, car le Saint-Esprit n'avait pas encore été donné, parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié. Jésus ne veut pas garder pour lui seul l'Esprit qu'il a reçu sans mesure ; il le répand dans son corps qui est l'Église, afin que cet Esprit se manifeste comme le principe régénérateur de la vie de l'humanité. Cela ne pouvait pas encore se faire au moment où Jésus parle ici, parce qu'il n'avait pas encore été glorifié. Il est vrai que le Saint-Esprit avait déjà parlé par les prophètes sous l'Ancienne Alliance il est vrai que cet Esprit se répandait déjà par la parole de Jésus, mais il ne pouvait pas encore faire sa demeure dans le coeur des hommes, parce qu'ils étaient séparés du Dieu saint par leurs péchés. Il faut d'abord que le mur de séparation élevé entre l'homme et Dieu, le péché, soit détruit, pour que le Saint-Esprit puisse faire du coeur de l'homme le temple de Dieu. Il faut que Dieu prenne avant de donner. Il faut que la réconciliation opérée par les souffrances de l'Agneau de Dieu, ait rendu possible le pardon des péchés, pour que le Saint-Esprit puisse réellement habiter dans le coeur des pécheurs sauvés. La régénération par le Saint-Esprit ne peut s'accomplir que sur la base de la rédemption effectuée. Ce n'est qu'après avoir été glorifié, que Jésus a pu envoyer les biens célestes qu'il a acquis par ses souffrances.

Ce discours de Jésus fit une profonde impression. Les âmes altérées, qui avaient été restaurées par le breuvage fortifiant qu'il leur avait donné, disaient hautement : Celui-ci est véritablement le prophète. D'autres disaient même : Celui-ci est le Christ. Et ces propos allaient de bouche en bouche. Quant à ceux qui n'avaient aucun besoin d'eau vive, ils trouvèrent facilement un prétexte pour excuser leur incrédulité. Ils disaient que le Christ devait naître à Bethléem, ce en quoi ils avaient raison ; mais leur folie consistait à nier qu'il pût venir de la Galilée, comme si le Christ ne pouvait pas venir de la Galilée tout en étant né à Bethléem. Cependant la multitude avait été tellement saisie par les paroles de Jésus, que les sergents eux-mêmes, qui devaient l'arrêter, ne purent se soustraire à leur influence. Personne ne mit la main sur lui. Et lorsque les sacrificateurs irrités leur demandèrent pourquoi ils ne l'amenaient pas, les sergents répondirent simplement : Jamais homme n'a parlé comme lui. Ils savaient bien que le Sanhédrin ne leur serait guère reconnaissant pour cette réponse, mais ils ne purent se taire, et ils rendirent témoignage à celui dont la parole avait soulagé leurs coeurs.

Les pharisiens adressèrent d'amers reproches aux soldats. Mais voici qu'un autre témoignage en faveur de Jésus jaillit du milieu d'eux. Nicodème, qui, par crainte des Juifs, était venu trouver Jésus pendant la nuit, prend maintenant courageusement son parti comme membre du Sanhédrin. Il est vrai qu'il ne demande que la justice - il ne réclame qu'une enquête régulière. Il veut qu'on entende le Sauveur avant de le condamner. Mais cela suffit pour enflammer la colère des autres membres du Conseil suprême. Ils se répandent en ironiques injures contre Nicodème : Es-tu aussi Galiléen ? informe-toi et tu verras qu'aucun prophète n'a été suscité de la Galilée. Leur connaissance de l'Écriture présente ici une lacune. Ils oublient que le prophète Ésaïe (VIII. 23; IX. 1-2), a vu la grande lumière des païens se lever aussi sur la Galilée et que le prophète Jonas était aussi Galiléen.

La haine avouée contre Jésus a fait un pas important. L'affaire avait été débattue dans une séance officielle des premiers dignitaires ecclésiastiques du pays, et une seule voix s'était timidement élevée en faveur du Sauveur. Par cette comparution publique de Jésus, la persécution dirigée contre lui avait pris un puissant élan. Bien que ce premier coup ne l'ait pas encore atteint, son procès est désormais à l'ordre du jour du Sanhédrin, et les pharisiens sauront l'y maintenir. Ils dominaient la vie ecclésiastique en Judée beaucoup plus qu'en Galilée, et ils se servaient de cette force sans ménagements, afin que ce procès eût le plus tôt possible une issue conforme à leurs désirs. Déjà dans les jours qui suivirent immédiatement, Jésus put s'apercevoir qu'il n'était plus en Galilée, mais bien dans la ville où siégeait le Grand Conseil de la nation.



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70. La femme adultère.

(Jean VIII, 1 -11.)


La tentative faite par le Sanhédrin de s'emparer de Jésus a échoué. La séance est levée et chacun s'en est allé dans sa maison. Jésus passa en prière sur le mont des Oliviers la nuit qui suivit la fête des tabernacles : Au point du jour il retourna au temple. Mais, ses ennemis ne se reposent pas non plus. Ils voient clairement qu'ils ne peuvent user d'aucune violence contre lui pour le moment ; ils auront donc recours à la ruse. Et voici qu'il se présente à point nommé une occasion de l'accuser ou de lui enlever la faveur populaire. Les scribes et les pharisiens lui amenèrent une femme qui avait été surprise en adultère. Ils viennent triomphalement à Jésus et lui adressent cette question : Maître, celle femme a été surprise commettant adultère. Or, Moïse nous ordonne, dans la loi, de lapider ces sortes de personnes. Toi donc, qu'en dis-tu ?

L'adultère et toutes sortes d'impuretés avaient pris une telle extension parmi toutes les classes sous le règne d'Hérode, qu'on avait cessé de les punir. Bien que les adversaires de Jésus n'eussent pas honte de parler publiquement de cette affaire, bien qu'ils ne prissent aucune peine pour la cacher, puisqu'ils saisissaient avec plaisir l'occasion de soumettre un pareil cas au Sauveur, ils se présentent cependant comme les gardiens de la vertu et des bonnes moeurs devant Jésus, qu'ils soupçonnaient de favoriser ou du moins d'excuser ces péchés. Voici leur raisonnement : Si Jésus laisse boire cette femme à la source du pardon, et la reçoit en grâce on peut l'accuser d'être un contempteur de la loi. Si, au contraire, il juge qu'elle doit être traitée selon la rigueur de la loi, c'est-à-dire lapidée, son prétendu amour pour les pécheurs reçoit un coup fatal.

Au point de vue humain, la situation est difficile. Jésus ne peut pas prendre cette femme sous sa protection, car elle n'est pas venue à lui dans le sentiment de son péché et pour implorer son pardon. Au contraire, on la lui a amenée malgré elle. D'un autre côté, il ne peut pas laisser croire aux accusateurs de cette femme, qu'il juge son péché moins grave qu'ils ne le jugent eux-mêmes. Cependant, il veut aider les deux partis à reconnaître leurs propres péchés, afin de les amener à en rechercher le pardon. Toute sa manière d'agir est surtout dirigée contre ses adversaires, afin de les porter à se juger eux-mêmes et à s'humilier. S'il leur avait reproché leurs péchés comme il le faisait ordinairement, ils auraient probablement préféré mentir, plutôt que de s'exposer à une honte publique. Ce n'était pas par étourderie ni par distraction, mais avec une intention bien arrêtée, que Jésus écrivait avec soit doigt sur la terre. Quelle autre attitude aurait-il pu prendre pour prier avant d'énoncer son jugement ?

Les pharisiens triomphaient déjà, car le Sauveur leur semblait perplexe et chercher un expédient. Ils le pressaient d'autant plus de leurs questions. Alors, s'étant redressé, Jésus leur dit : Que celui d'entre vous qui est sans péché, jette le premier la pierre contre elle. Et s'étant encore baissé, il écrivait avec son doigt sur la terre. Il veut que les pharisiens croient n'être pas remarqués, afin qu'ils aient le temps de laisser sa parole agir sur eux. S'il s'était baissé alors pour la première fois, ils auraient pu pénétrer son intention, mais comme il ne fit que continuer ce qu'il avait commencé, ils n'en furent pas frappés, et sa parole put agir sur eux sans qu'ils eussent à craindre et être rendus confus par lui. Comme son oeil ne les voit pas, il leur est plus facile d'être sincères avec eux-mêmes.

La parole du Sauveur avait touché le point sensible de leur conscience. Leur conduite n'est ni plus pure ni plus morale que celle de cette femme. Il y avait seulement celle différence entre elle et eux, qu'ils avaient su cacher leurs actions coupables. La parole de Jésus pénètre dans leurs coeurs comme un flambeau ; ils se sentent frappés. Ils sont effrayés intérieurement de leurs propres souillures et oublient la femme ; ils ont le sentiment que chacun peut lire sur leur front ce qu'ils ont fait ; ils n'osent plus se regarder les uns les autres. Le sol leur brûle sous les pieds ; ils regardent le Sauveur, et se réjouissent de ce qu'il ne les regarde pas, et c'est ainsi qu'ils s'esquivent l'un après l'autre. Quand ils entendirent cela, ils sortirent tous, depuis le plus vieux jusqu'au plus jeune, et Jésus demeura seul avec la femme qui était là au milieu.

La parole du Sauveur agit tout autrement sur elle que sur les pharisiens. Ceux-ci, convaincus par leur conscience, s'éloignent de Jésus ; celle-là convaincue par sa conscience, demeure auprès de Jésus. Elle attend avec angoisse le jugement qu'il prononcera sur elle. Mais le Seigneur, s'étant redressé, lui dit : Femme, où sont ceux qui t'accusaient ? personne ne t'a-t-il condamnée ? Elle dit : Personne, Seigneur. Alors celui à qui le Père a donné tout pouvoir de juger, qui seul a le droit de condamner, mais qui pardonne et sauve partout où il voit une étincelle de repentance et de foi, lui dit : Je ne te condamne pas non plus, va et ne pèche plus à l'avenir. Il est vrai qu'il ne lui dit pas comme à d'autres pécheurs : Tes péchés te sont pardonnés, va-t'en en paix. Elle n'était pas mûre pour entendre ces paroles. Mais pour le Seigneur, il n'y a pas de voie mitoyenne : il condamne ou bien il pardonne. Lorsqu'il dit à cette femme : Je ne te condamne pas non plus, il tend la main à sa foi naissante, afin qu'elle entende et s'approprie la parole de délivrance qu'elle contient. Jésus réunit ici comme partout la miséricorde et la justice, l'amour et le sérieux, les ménagements et la sévérité ; il condamne le péché et délivre la pécheresse.

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