Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE II

suite

-------


61. Guérison du lunatique.

(Matth. XVII, -14-21 ; Marc IX, 14-29.)


Au pied de la montagne, Jésus trouve les neuf disciples qu'il y avait laissés. Ils étaient entourés d'une foule tumultueuse et disputaient avec des scribes, que leur impuissance à guérir un possédé remplissait de joie. Jésus ayant demandé quel était le sujet de cette dispute, le père de l'enfant malade s'avança et dit : Maître, je t'ai amené mon fils qui est possédé d'un esprit muet, qui l'agite par des convulsions partout où il le saisit. Alors il écume et grince les dents et devient tout sec ; et j'ai prié les disciples de le chasser, mais ils n'ont pu le faire. Le Sauveur, qui au sommet de la montagne, avait respiré l'air du ciel et goûté la gloire divine, se voit de nouveau enfoncé dans les profondeurs des détresses terrestres, et son coeur se heurte aux misères de l'incrédulité. Ce qui ne l'empêche pas d'être immédiatement prêt à accorder son secours dès qu'on le réclame. Mais ce qu'il y a de plus douloureux pour lui, c'est l'incrédulité de ses disciples. 0 race incrédule, leur dit-il, jusqu'à quand serai-je avec vous ? Jusqu'à quand vous supporterai-je ? Il ne devait plus être longtemps avec eux, puisqu'il avait déjà parlé avec Moïse et Élie, sur la montagne, « de la mort qu'il devait subir à Jérusalem » (Luc IX, 31). Ses disciples lui causent, par leur manque de foi, une vive et profonde douleur, qui arrache cette plainte à son coeur péniblement ému. Véritablement il faut bien peu connaître ce coeur pour voir dans cette plainte, comme le veut l'incrédulité, un signe d'impatience. Au contraire, nous voyons partout, pour notre consolation, que le Sauveur n'est jamais importuné. Toutes les fois que sa sainte indignation est excitée, c'est toujours parce qu'on n'a pas assez de confiance dans son secours, c'est-à-dire, parce qu'on ne croit pas en lui.

Amenez-le moi, dit-il avant même que le père l'eût prié de lui venir en aide. Évidemment cet homme, en voyant l'impuissance des disciples pour guérir son fils, est devenu défiant et n'ose plus rien demander. Près de Jésus, l'esprit matin s'irrite dans sa rage impuissante, en voyant que sa proie va lui échapper. Alors Jésus, plein de compassion, demande au père combien il y a de temps que ceci arrive à son fils. Le père lui dit : Dès son enfance. Et l'esprit l'a souvent jeté dans l'eau et dans le feu pour le faire périr. L'état de ce jeune garçon présente une grande analogie avec celui de nos épileptiques, comme les possédés en général nous rappellent nos aliénés. Ces sortes de maladies mentales étaient alors, et sont encore quelquefois aujourd'hui, dues à l'action des puissances des ténèbres, mais ce n'est pas toujours le cas.

À la vue de son malheureux enfant, le père perd presque tout courage. Il a bien la volonté de se confier au Sauveur, et c'est pour cela qu'il implore son secours ; mais il n'est pas sûr que Jésus ait la puissance de guérir son fils. L'incrédulité des disciples l'a gagné ; le doute perce dans ces paroles : Si tu y peux quelque chose, aide-nous et aie compassion de nous. La prière de ce malheureux père est presque le contraire de celle du lépreux : « Seigneur, si tu le veux, tu peux me nettoyer. » Le Seigneur se trouve ici dans une situation embarrassante. La présence de ce possédé avait attiré l'attention du peuple. Les scribes étaient aux aguets. Si Jésus n'avait pas pu délivrer ce jeune homme, toutes ses guérisons précédentes auraient été remises en question. Dès lors on aurait pu douter qu'il fût réellement le Fils de Dieu, venu pour détruire les oeuvres du diable. Or, le Seigneur n'aurait pas pu opérer ce miracle, s'il n'eût pas trouvé dans ce père au moins un faible vestige de foi ; à Nazareth il ne put faire aucun miracle à cause de l'incrédulité des habitants (Marc VI. 5). Jusqu'à présent il n'y a encore que de la défiance dans le coeur de cet homme.

Avec quelles tendres précautions le Seigneur procède à son égard ! Comme il sait rallumer dans ce coeur hésitant le lumignon qui fume encore ! Il lui dit : Si tu le peux croire, toutes choses sont possibles à celui qui croit. C'est comme s'il lui disait : « La question n'est pas de savoir si je puis te secourir, mais si tu peux croire. » Comme je voudrais que tu pusses croire ! Car alors je pourrais guérir ton enfant. Et j'aimerais tant le guérir ! C'est ainsi que le Sauveur fait naître la foi dans ce coeur tremblant. Cet homme voit très bien l'ardent amour de Jésus, et il est honteux. Comme celui qui se noie saisit la corde de secours qu'on lui jette, de même ce malheureux père s'empare de l'amour que le Seigneur lui offre, et s'écrie, dans une sincère humilité et avec larmes : Je crois, Seigneur, aide-moi dans mon incrédulité !

Comme il révèle clairement l'état de son âme par ce peu de mots ! Aussi longtemps qu'il pensait ne plus avoir d'espoir, il ne songeait pas à croire ; mais maintenant qu'il entrevoit la possibilité du secours, oh ! comme il voudrait pouvoir croire ! « Seigneur, semble-t-il dire, veuille considérer le désir de la foi comme la foi elle-même. » Plus d'un coeur chrétien peut sans hésiter s'approcher de Jésus en lui disant sincèrement : « Je crois, cher Sauveur », sans avoir besoin d'ajouter, comme ce malheureux : « Aide-moi dans mon incrédulité. » Ce sont ceux qui, depuis leur enfance, ont grandi dans une famille animée d'une piété simple et profonde, qui ont persévéré dans la grâce de leur baptême, et qui n'ont jamais abandonné la foi naïve puisée dans la maison paternelle. Mais en dehors de ces rares exceptions, la plupart des chrétiens seront dans le cas de répéter : « Je crois, Seigneur, aide-moi dans mon incrédulité. »

Maintenant Jésus peut opérer. Il reprit sévèrement l'esprit immonde et lui dit : Esprit muet et sourd, je te le commande, moi, sors de lui et ne rentre plus en lui. Et l'esprit sortit de cet enfant, et dès cette heure-là il fût guéri. Alors les disciples vinrent à Jésus en particulier et lui dirent : Pourquoi n'avons-nous pas pu chasser ce démon ? Et Jésus leur répondit C'est à cause de voire incrédulité. Car je vous dis en vérité que si vous aviez de la foi gros comme un grain de moutarde, vous diriez à celte montagne : Transporte-toi d'ici là, et elle s'y transporterait, et rien ne vous serait impossible. Que l'incrédulité des disciples fût la cause de leur impuissance, c'est ce que le Sauveur nous dit clairement, et expressément ; mais nous le reconnaîtrons mieux encore, lorsque nous nous rappellerons qu'alors déjà il leur avait donné toute puissance sur les malins esprits.

La foi qui n'aurait que la grosseur d'un grain de moutarde, pourrait transporter les montagnes. Quelle promesse encourageante pour nous ?
Mais devons-nous prendre la parole du Sauveur au pied de la lettre, ou bien veut-il seulement nous dire que si nous avions la foi, nous pourrions faire des choses en apparence impossibles ? En interprétant ainsi l'assertion de Jésus, nous l'affaiblissons. Ses déclarations doivent toujours être comprises telles qu'il les a faites, et nous n'avons pas le droit de limiter ses promesses. Seulement, quant à la foi qui transporte les montagnes, la question n'est pas de savoir si nous pouvons croire jusqu'à opérer ce miracle, mais si cela nous est permis. Car la foi ne consiste pas seulement à croire à la parole du Seigneur de manière à la recevoir comme vraie ; elle est une communion vivante avec lui, une assurance que si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous exaucera. Pour tout ce que le Seigneur veut, pour tout ce qui contribue à l'avancement de son règne, la foi peut, en toute sécurité, tendre la main. S'il entrait dans lés plans de Dieu, ou si sa gloire exigeait que nos montagnes se jetassent dans la mer, il serait donné à l'un ou à l'autre de ses enfants d'en être pleinement convaincu intérieurement, et cela serait accordé à la prière de la foi. Mais pour que nous puissions voir et expérimenter de si grandes choses, il faut que nous nous montrions fidèles dans les petites. Travaillons donc d'abord à écarter les montagnes de nos péchés par la foi au sang de Jésus.

Jésus ajoute : Celle sorte de démon ne sort que par la prière et par le jeûne. D'après celle réponse du Seigneur, il parait que dans le royaume des ténèbres, il règne aussi une riche diversité, puisqu'il distingue entre les différents degrés de cette puissance. Cet esprit muet avait un pouvoir tout particulier, attendu que pour le vaincre, il fallait une préparation spéciale. Le jeûne a son utilité en ceci, c'est qu'il excite l'ardeur de la prière. Dans les temps de grande affliction, dans les heures d'amer chagrin, on perd l'envie de manger et de boire, c'est là un jeûne tout naturel. Mais le Sauveur parle ici d'un jeûne libre et volontaire, que le chrétien s'impose, lorsqu'il se trouve en face de ces montagnes de souffrances provenant du royaume des ténèbres. Alors il prend à coeur ces souffrances avec une compassion pleine d'amour. Et la douleur que lui cause cet amour chasse l'envie de manger et de boire, tellement qu'il se borne au strict nécessaire. Or, lorsque nous nous plaçons ainsi, avec toutes nos jouissances et toutes nos joies légitimes sous la discipline du Saint-Esprit, le nouvel homme se trouve fortifié et affranchi de la poussière de la terre.

De plus, Christ met la foi de ce père dans un rapport intime avec la guérison du fils. Ceci nous donne une idée de la responsabilité que nous assumons pour les nôtres devant le Seigneur. Elle doit nous pousser à nous sanctifier, puisque la faiblesse et la langueur de notre foi peuvent causer un tel dommage à nos bien-aimés.



.

64. Jésus annonce de nouveau ses souffrances. - Le statère.

(Matth. XVII, 22-27.)


 Et comme ils étaient dans la Galilée, Jésus leur dit : Le Fils de l'homme doit être livré entre les mains des hommes, ils le feront mourir, mais, le troisième jour, il ressuscitera. Le Sauveur ne cesse de rendre ses disciples attentifs à la nécessité de ses souffrances, mais ils ne la comprennent pas. La pensée que le Fils de Dieu doive mourir, leur parait tellement extraordinaire, qu'ils regardent comme impossibles les déclarations du Seigneur sur ce sujet. Cependant, comme ils les entendent répéter toujours de nouveau, ils sont forcés d'en conclure qu'elles renferment quelque chose de réel. Et ils en furent attristés. Leur conscience leur disait assez qu'ils devaient savoir ces choses, mais ils pressentaient que tous les éclaircissements que le Seigneur pouvait leur donner, augmenteraient encore leur tristesse. Le vrai motif de leur manque d'intelligence, était d'abord l'horreur que tout homme éprouve pour la souffrance. Celles de Christ devaient leur mettre devant les yeux celles qu'ils auraient eux-mêmes à supporter. C'était ensuite le fait que l'amour réparateur de Jésus, aussi bien que le rapport entre cet amour et les péchés du monde, leur était encore caché.

Jésus clôt son activité en Galilée par une nouvelle visite à Capernaüm. Là, ceux qui percevaient les impôts pour l'entretien du temple s'adressèrent à Pierre et lui dirent : Votre maître ne paye-t-il pas les deux drachmes ? Oui, dit-il. Ces gens ne s'adressent pas à Jésus lui-même, car, s'ils ne reconnaissent pas encore en lui le Fils de Dieu, ils le regardent cependant comme un prophète, et peuvent bien penser qu'un envoyé de Dieu ne doit pas être astreint à payer l'impôt du temple. Le Seigneur n'avait pas entendu cette réclamation. Pierre, l'ayant rejoint, allait la lui communiquer, lorsque Jésus le prévint en lui disant : Que t'en semble, Simon ? Les rois de la terre ; de qui tirent-ils les tributs ou les impôts ? Est-ce de leurs enfants on des étrangers ? Pierre dit : C'est des étrangers. Jésus lui répondit : Les enfants en sont donc exempts. Par ces paroles, Jésus se pose ici comme le Fils du Dieu vivant, engendré du Père de toute éternité, et par conséquent libre de l'obligation de payer l'impôt du temple comme les princes des maisons royales sont exempts des impôts dus par les sujets des royaumes terrestres.

Cependant, afin de ne pas scandaliser ceux qui ne le reconnaissaient pas encore pour ce qu'il était, Jésus dit à Pierre : Va-t'en à la mer, jette l'hameçon et tire le premier poisson qui se prendra ; et quand tu lui auras ouvert la bouche, tu trouveras un statère, prends-le, et le leur donne pour moi et pour toi. Pour ne pas scandaliser ceux qui percevaient les impôts, Jésus paie le tribut ; pour ne pas scandaliser Pierre, il se procure le montant de la contribution au moyen d'un miracle. Le pouvoir que le Fils du Roi vient d'exercer sur la nature, doit prouver à Pierre que s'il paie le tribut qu'il a le droit de refuser, cette concession n'est de sa part qu'un acte de profonde humilité. D'un autre côté, de même qu'il se rend tributaire de l'ordre de choses humain, de même il force un poisson à devenir tributaire de l'ordre de choses divin.



.

63. De l'humilité et du scandale.

(Matth. XVIII, 1-14 ; Marc IX, 33-50.)


Pendant que Jésus se rendait à Capernaüm avec ses disciples, ceux-ci débattaient entre eux la question de savoir : Qui est le plus grand dans le royaume des cieux ? Lorsqu'ils furent entrés dans la maison, Jésus leur demanda : De quoi discouriez-vous ensemble en chemin ? Ils le confessèrent en lui demandant : Qui est le plus grand dans le royaume des cieux ? Un jour le Seigneur nous demandera aussi : De quoi discouriez-vous en chemin ? Chaque parole inutile viendra en jugement (Matth. XII, 36. 37 ; 1 Tim. IV, 12 ; Jacques III, 2). C'est pourquoi, que chacun s'éprouve soi-même tous les jours.

Dans le royaume de celui qui est venu, non pour être servi, mais pour servir, il ne s'agit pas d'aspirer aux choses élevées. La mesure des choses du ciel ne saurait être appliquée à celles de la terre. C'est pourquoi quiconque voudra être le plus grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur ; et quiconque voudra être le premier parmi vous, qu'il soit votre esclave. Le chemin qui conduit aux grandeurs du ciel, est la pratique d'un amour humble et dévoué. Et ayant pris un petit enfant, il le mit au milieu d'eux. Jésus veut que nous devenions comme de petits enfants. Puisse personne n'avoir honte de cet abaissement ! Les qualités de l'enfant sont : l'humilité, la simplicité, la candeur, l'oubli de soi-même, la modestie, la tranquillité, la confiance. Combien ne sont-ils pas coupables envers les enfants, ceux qui leur inspirent déjà de bonne heure l'orgueil, en les louant et en admirant leurs qualités, qui excitent leur vanité par de beaux habits et les amènent ainsi à avoir une haute opinion d'eux-mêmes !

Quiconque reçoit un de ces petits enfants en mon nom, me reçoit moi-même, et quiconque me reçoit, reçoit non pas moi, mais Celui qui m'a envoyé. C'est ainsi que le Seigneur se déclare uni au plus chétif des enfants, comme il se sait uni au Père. Cette parole concerne tous ceux qui adoptent, par amour, un petit enfant qui n'est pas leur chair et leur sang. Quelles riches bénédictions, plus d'un d'entre eux n'a-t-il pas reçues du coeur de Jésus par le moyen d'un tel enfant, dont la candeur et la simplicité le couvraient de confusion, dont la foi naïve l'encourageait et l'attirait au Sauveur ! Mais cette promesse s'applique aussi aux maisons de refuge. C'est de là qu'elles tirent journellement les forces vitales dont elles ont besoin. C'est en s'appuyant sur elle qu'elles peuvent accepter continuellement de nouveaux enfants. Et cela est bien nécessaire, car il y a encore dans les sociétés prétendues chrétiennes, des centaines et des milliers d'enfants qui ne trouvent pas un coeur animé de l'amour de Jésus pour les aimer, pas une main pour les recueillir au nom du Seigneur. Si cette parole de Jésus allait réellement au coeur de ceux qui prétendent l'aimer, on trouverait certainement peu à peu, même dans la moindre paroisse, les moyens d'envoyer les enfants dans les salles d'asile ou dans les écoles du dimanche, afin de les conduire à Jésus.

Cette parole du Sauveur rappelle à Jean une chose qu'il vient de faire, sans être certain qu'elle soit conforme à l'esprit de son Maître. Il lui dit : Maître, nous avons vu quelqu'un chasser les démons en ton nom, et nous nous y sommes opposés parce qu'il ne nous suit pas. Les disciples exigent que ceux qui accomplissent au nom de Jésus des actes d'une charité secourable, se joignent à eux extérieurement, et ils préfèrent que ces actes soient supprimés si leurs auteurs ne les suivent pas. Une pareille étroitesse de coeur est complètement étrangère à l'esprit du Sauveur. Ne vous y opposez pas, leur dit-il, car il n'y a personne qui fasse des miracles en mon nom et qui puisse en même temps parler mal de moi. Il y a beaucoup d'âmes dans lesquelles agissent les puissances du siècle à venir, sans qu'elles se déclarent ostensiblement pour Christ, ni se joignent extérieurement aux croyants. Ces âmes aussi, qu'elles le sachent ou non, sont utiles au règne de Dieu.

Car, qui n'est pas contre nous est pour nous. Le Sauveur a prononcé une parole analogue à l'occasion de la guérison du démoniaque aveugle et muet : Celui qui n'est pas avec moi, est contre moi, celui qui n'assemble pas avec moi, disperse (Matth. XII, 40). Cette parole fait paraître au grand jour la secrète inimitié, à l'égard de Jésus. Dans le règne de Dieu, l'indifférence n'est pas possible ; il faut se décider. On est ami ou ennemi. Seulement, les disciples voulaient que cette décision se manifestât par une marque extérieure. Quiconque ne se joignait pas à eux et ne marchait pas dans leurs rangs, n'avait, selon eux, aucun droit de combattre le royaume des ténèbres, et devait être considéré, non comme un ami, mais comme un ennemi. Mais le Seigneur regarde au coeur. Il prend sous sa protection l'étincelle cachée sous la cendre. Il sait que ceux qui opèrent en son nom des miracles de charité, lui sont unis, ne fût-ce que par un faible lien, et il ne veut pas que ce lien soit déchiré par une main trop rude. Il veut plutôt en prendre soin, afin que les âmes arrivent à vivre ouvertement dans sa communion.

Mais si quelqu'un scandalise un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui attachât au cou une meule, et qu'on le jetât au fond de la mer. Scandaliser, c'est exciter quelqu'un au péché ou à l'incrédulité. Lorsque nous remontons le cours de notre vie, cette pensée brûle notre âme. Attacher une meule au cou ! Comme cette menace doit nous pousser à la vigilance et à la prière, afin que nous ne détournions pas un coeur croyant du coeur de Jésus, que nous ne lui inspirions pas l'amour du monde et la défiance à l'égard du Sauveur ! Que celui qui se sent coupable à cet égard, se repente, et se souvienne que si la justice de Dieu a précipité Jonas au fond de la mer, sa miséricorde l'a délivré, afin qu'il devint une bénédiction pour un grand nombre d'âmes, qui, sans sa prédication, seraient tombées sous le jugement de Dieu. La sainteté de Jésus condamne le péché, mais son amour sauve le pécheur.

Malheur au monde à cause des scandales ! car il est nécessaire qu'il arrive des scandales ; mais malheur à l'homme par qui le scandale arrive ! Le monde entier est un théâtre de séduction. Pas un enfant qui ne soit scandalisé. Sa simplicité est partout en danger. Combien de parents scandalisent leurs enfants en ne leur enseignant qu'à amasser, et en négligeant de déposer dans leur coeur le trésor des trésors, et de les exhorter selon le Seigneur ! Il faut nécessairement qu'il y ait du scandale dans ce monde de péché, qui ne subsiste que par la patience de Dieu. Car le péché, quelque forme qu'il révèle, renferme une puissance de contagion et porte en soi le poison de la tentation. Toutefois cette nécessité ne peut être une excuse pour personne. Car depuis que le Fils de Dieu est apparu pour détruire les oeuvres du diable, quiconque a reçu de l'amour de Jésus la semence de la vie éternelle, doit pouvoir résister au torrent de la séduction. Lorsque Jésus ouvre sa bouche pour dire : Heureux ! ce mot comprend toutes les félicités du ciel. Lorsqu'au contraire il dit : Malheur ! alors s'ouvre devant nous l'abîme des peines éternelles. Voulons-nous être préservés de ce Malheur ! qui frappera tous ceux qui donnent du scandale ? Détruisons en nous la source de tous les scandales : le vieil homme avec toutes ses passions et ses mauvaises convoitises (Col. III, 5).

Si ta main te fait tomber dans le péché, coupe-la ; il vaut mieux pour toi que tu entres dans la vie n'ayant qu'une main, que d'avoir les deux mains et d'aller dans la géhenne, dans le feu qui ne s'éteint point, où le ver ne meurt point et où le feu ne s'éteint point. Et si ton pied te fait tomber dans le péché, coupe-le, car il vaut mieux pour toi que tu entres dans la vie n'ayant qu'un pied, que d'avoir les deux pieds et d'être jeté dans la géhenne, dans le feu qui ne s'éteint point, où le ver ne meurt point et où le feu ne s'éteint point. Et si ton oeil te fait tomber dans le péché, arrache-le, car il vaut mieux pour toi que tu entres au royaume des cieux n'ayant qu'un oeil, que d'avoir tes deux yeux et d'être jeté dans la géhenne du feu, où le ver ne meurt point et où le feu ne s'éteint point (Marc IX, 43-48). Si, pour parvenir au royaume des cieux, un chrétien doit donner sa vie corporelle plutôt que de la conserver en reniant la foi, beaucoup moins encore doit-il hésiter à perdre un de ses membres, si par ce sacrifice il peut être mis en possession de la vie éternelle. Nous savons ce que fit le Romain Mucius Scaevola, qui, par amour pour sa patrie, tint sa main dans le feu jusqu'à ce quelle fût carbonisée. Or, ce qu'un païen a fait, paraîtrait-il impossible, ou même étrange à un chrétien qui aime son Sauveur ?

Cette amputation des membres n'était exigée littéralement que dans les temps de persécution. Mais il y a une amputation de la main, du pied, une extraction de l'oeil, qui doivent se faire dans la vie de tout chrétien. La main, le pied, l'oeil, ne sont pas seulement les membres de notre corps ; ils sont aussi les organes de nos pensées, et comme tels, les instruments de notre activité spirituelle. L'Écriture parle de membres qui ont servi à l'impureté dans l'injustice, et qui doivent servir à la justice dans la sainteté. (Rom. VI, 19). Mais elle va plus loin. L'apôtre exige que le corps du péché, le vieil homme, soit crucifié avec Christ (Rom. VI, 6 ; Col. II, 20). Et ce vieil homme a aussi ses membres, qui doivent être coupés et cloués à la croix, pour que le nouvel homme puisse parvenir à la vie éternelle. La main qui va trop loin et qui trompe un frère dans le commerce, le pied qui nous porte vers les vains plaisirs du monde et non vers la maison de Dieu, l'oeil qui se moque d'un père, qui témoigne du mépris pour les ordres d'une mère, qui regarde une femme pour la convoiter : voilà ce que l'Écriture appelle les membres du vieil homme, qui doivent être coupés et arrachés, pour que l'âme soit préservée de l'enfer, et ne devienne pas la proie du feu qui ne s'éteint point et du ver qui ne meurt point, pour qu'elle ne soit pas livrée aux tourments extérieurs et aux angoisses intérieures. C'est ainsi que la vie chrétienne est un continuel sacrifice.

Car chacun sera salé de feu, et toute oblation sera salée. C'est une bonne chose que le sel ; mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on ? Ayez du sel en vous-mêmes et soyez en paix entre vous. Notre Dieu est un feu consumant (Héb. XII, 29). Son coeur est rempli d'une ardente colère contre le péché, d'un ardent amour pour le pécheur. Quiconque veut éviter le feu de la colère, doit se laisser purifier par le feu de son amour, et nettoyer son coeur de toute impureté. Ce feu purificateur, comme le sel, ronge, préserve, assaisonne. Il fait mal, mais il nous sauve pour la vie éternelle, et nous rend agréables à Dieu par la saveur qu'il nous donne. Dès que ce feu céleste du Saint-Esprit a salé tout notre être, nous devenons purs, saints, avec tous ceux qui aiment l'avènement de notre Seigneur Jésus-Christ. Le sel de l'Esprit unit les croyants. « Ainsi, si nous marchons dans la lumière, comme il est lui-même dans la lumière, nous avons une communion mutuelle » (I Jean 1,7).

Le céleste ami des enfants parle encore une fois d'eux. Prenez garde de mépriser aucun de ces petits, car je vous dis que leurs anges, dans le ciel, voient sans cesse la face de mon Père qui est aux cieux. Les enfants, et ceux qui leur ressemblent, sont en grand honneur devant Dieu, car il leur a donné des anges chargés de les protéger et de les garder. « Ce sont des esprits destinés à servir, et qui sont envoyés pour exercer leur ministère en faveur de ceux qui doivent avoir l'héritage du salut (Héb. I, 14). » Croyons fermement que ces célestes messagers de Dieu nous environnent et nous protègent, nous et surtout nos enfants !

Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant