Au pied de la montagne, Jésus trouve les neuf disciples qu'il y avait
laissés. Ils étaient entourés d'une foule tumultueuse et disputaient
avec des scribes, que leur impuissance à guérir un possédé remplissait
de joie. Jésus ayant demandé quel était le sujet de cette dispute, le
père de l'enfant malade s'avança et dit : Maître,
je t'ai amené mon fils qui est possédé d'un esprit muet, qui
l'agite par des convulsions partout où il le saisit. Alors il
écume et grince les dents et devient tout sec ; et j'ai prié
les disciples de le chasser, mais ils n'ont pu le faire.
Le Sauveur, qui au sommet de la montagne, avait respiré l'air du ciel
et goûté la gloire divine, se voit de nouveau enfoncé dans les
profondeurs des détresses terrestres, et son coeur se heurte aux
misères de l'incrédulité. Ce qui ne l'empêche pas
d'être immédiatement prêt à accorder son secours dès qu'on le réclame.
Mais ce qu'il y a de plus douloureux pour lui, c'est l'incrédulité de
ses disciples. 0 race incrédule, leur
dit-il, jusqu'à quand serai-je avec vous ? Jusqu'à quand vous
supporterai-je ? Il ne devait plus être longtemps
avec eux, puisqu'il avait déjà parlé avec Moïse et Élie, sur la
montagne, « de la mort qu'il devait subir à Jérusalem » (Luc
IX, 31). Ses disciples lui causent, par leur manque de foi, une
vive et profonde douleur, qui arrache cette plainte à son coeur
péniblement ému. Véritablement il faut bien peu connaître ce coeur
pour voir dans cette plainte, comme le veut l'incrédulité, un signe
d'impatience. Au contraire, nous voyons partout, pour notre
consolation, que le Sauveur n'est jamais importuné. Toutes les fois
que sa sainte indignation est excitée, c'est toujours parce qu'on n'a
pas assez de confiance dans son secours, c'est-à-dire, parce qu'on ne
croit pas en lui.
Amenez-le moi, dit-il
avant même que le père l'eût prié de lui venir en aide. Évidemment cet
homme, en voyant l'impuissance des disciples pour guérir son fils, est
devenu défiant et n'ose plus rien demander. Près de Jésus, l'esprit
matin s'irrite dans sa rage impuissante, en voyant que sa proie va lui
échapper. Alors Jésus, plein de compassion, demande au père combien il
y a de temps que ceci arrive à son fils. Le père lui dit : Dès
son enfance. Et l'esprit l'a souvent jeté dans l'eau et dans le
feu pour le faire périr. L'état de ce jeune garçon
présente une grande analogie avec celui de nos épileptiques, comme les
possédés en général nous rappellent nos aliénés. Ces sortes de
maladies mentales étaient alors, et sont encore quelquefois
aujourd'hui, dues à l'action des puissances des ténèbres, mais ce
n'est pas toujours le cas.
À la vue de son malheureux enfant, le père perd presque
tout courage. Il a bien la volonté de se confier au Sauveur, et c'est
pour cela qu'il implore son secours ; mais il n'est pas sûr que
Jésus ait la puissance de guérir son fils. L'incrédulité des disciples
l'a gagné ; le doute perce dans ces paroles : Si
tu y peux quelque chose, aide-nous et aie compassion de nous.
La prière de ce malheureux père est presque le contraire de celle du
lépreux : « Seigneur, si tu le veux, tu peux me
nettoyer. » Le Seigneur se trouve ici dans
une situation embarrassante. La présence de ce possédé avait attiré
l'attention du peuple. Les scribes étaient aux aguets. Si Jésus
n'avait pas pu délivrer ce jeune homme, toutes ses guérisons
précédentes auraient été remises en question. Dès lors on aurait pu
douter qu'il fût réellement le Fils de Dieu, venu pour détruire les
oeuvres du diable. Or, le Seigneur n'aurait pas pu opérer ce miracle,
s'il n'eût pas trouvé dans ce père au moins un faible vestige de
foi ; à Nazareth il ne put faire aucun miracle à cause de
l'incrédulité des habitants (Marc
VI. 5). Jusqu'à présent il n'y a encore que de la défiance dans
le coeur de cet homme.
Avec quelles tendres précautions le Seigneur procède à
son égard ! Comme il sait rallumer dans ce coeur hésitant le
lumignon qui fume encore ! Il lui dit : Si
tu le peux croire, toutes choses sont possibles à celui qui croit.
C'est comme s'il lui disait : « La question n'est pas de
savoir si je puis te secourir, mais si tu peux croire. » Comme je
voudrais que tu pusses croire ! Car alors je pourrais guérir ton
enfant. Et j'aimerais tant le guérir ! C'est ainsi que le Sauveur
fait naître la foi dans ce coeur tremblant. Cet homme voit très bien
l'ardent amour de Jésus, et il est honteux. Comme celui qui se noie
saisit la corde de secours qu'on lui jette, de même ce malheureux père
s'empare de l'amour que le Seigneur lui offre, et s'écrie, dans une
sincère humilité et avec larmes : Je
crois, Seigneur, aide-moi dans mon incrédulité !
Comme il révèle clairement l'état de son âme par ce peu
de mots ! Aussi longtemps qu'il pensait ne plus avoir d'espoir,
il ne songeait pas à croire ; mais maintenant qu'il entrevoit la
possibilité du secours, oh ! comme il voudrait pouvoir
croire ! « Seigneur, semble-t-il dire, veuille considérer le
désir de la foi comme la foi elle-même. » Plus d'un coeur
chrétien peut sans hésiter s'approcher de Jésus en lui disant
sincèrement : « Je crois, cher Sauveur », sans avoir
besoin d'ajouter, comme ce malheureux : « Aide-moi dans mon
incrédulité. » Ce sont ceux qui, depuis leur enfance, ont grandi
dans une famille animée d'une piété simple et profonde, qui ont
persévéré dans la grâce de leur baptême, et qui n'ont jamais abandonné
la foi naïve puisée dans la maison paternelle. Mais en dehors de ces
rares exceptions, la plupart des chrétiens seront
dans le cas de répéter : « Je crois, Seigneur, aide-moi dans
mon incrédulité. »
Maintenant Jésus peut opérer. Il reprit sévèrement
l'esprit immonde et lui dit : Esprit
muet et sourd, je te le commande, moi, sors de lui et ne rentre
plus en lui. Et l'esprit sortit de cet enfant, et dès cette
heure-là il fût guéri. Alors les disciples vinrent à Jésus en
particulier et lui dirent : Pourquoi n'avons-nous pas pu
chasser ce démon ? Et Jésus leur répondit C'est à cause de
voire incrédulité. Car je vous dis en vérité que si vous aviez de
la foi gros comme un grain de moutarde, vous diriez à celte
montagne : Transporte-toi d'ici là, et elle s'y
transporterait, et rien ne vous serait impossible. Que
l'incrédulité des disciples fût la cause de leur impuissance, c'est ce
que le Sauveur nous dit clairement, et expressément ; mais nous
le reconnaîtrons mieux encore, lorsque nous nous rappellerons qu'alors
déjà il leur avait donné toute puissance sur les malins esprits.
La foi qui n'aurait que la grosseur d'un grain de
moutarde, pourrait transporter les montagnes. Quelle promesse
encourageante pour nous ?
Mais devons-nous prendre la parole du Sauveur au pied de
la lettre, ou bien veut-il seulement nous dire que si nous avions la
foi, nous pourrions faire des choses en apparence impossibles ?
En interprétant ainsi l'assertion de Jésus, nous l'affaiblissons. Ses
déclarations doivent toujours être comprises telles qu'il les a
faites, et nous n'avons pas le droit de limiter ses promesses.
Seulement, quant à la foi qui transporte les montagnes, la question
n'est pas de savoir si nous pouvons croire jusqu'à opérer ce miracle,
mais si cela nous est permis. Car la foi ne consiste pas seulement à
croire à la parole du Seigneur de manière à la recevoir comme
vraie ; elle est une communion vivante avec lui, une assurance
que si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous
exaucera. Pour tout ce que le Seigneur veut, pour tout ce qui
contribue à l'avancement de son règne, la foi peut, en toute sécurité,
tendre la main. S'il entrait dans lés plans de Dieu, ou si sa gloire
exigeait que nos montagnes se jetassent dans la mer, il serait donné à
l'un ou à l'autre de ses enfants d'en être pleinement convaincu intérieurement,
et cela serait accordé à la prière de la foi. Mais pour que nous
puissions voir et expérimenter de si grandes choses, il faut que nous
nous montrions fidèles dans les petites. Travaillons donc d'abord à
écarter les montagnes de nos péchés par la foi au sang de Jésus.
Jésus ajoute : Celle sorte
de démon ne sort que par la prière et par le jeûne.
D'après celle réponse du Seigneur, il parait que dans le royaume des
ténèbres, il règne aussi une riche diversité, puisqu'il distingue
entre les différents degrés de cette puissance. Cet esprit muet avait
un pouvoir tout particulier, attendu que pour le vaincre, il fallait
une préparation spéciale. Le jeûne a son utilité en ceci, c'est qu'il
excite l'ardeur de la prière. Dans les temps de grande affliction,
dans les heures d'amer chagrin, on perd l'envie de manger et de boire,
c'est là un jeûne tout naturel. Mais le Sauveur parle ici d'un jeûne
libre et volontaire, que le chrétien s'impose, lorsqu'il se trouve en
face de ces montagnes de souffrances provenant du royaume des
ténèbres. Alors il prend à coeur ces souffrances avec une compassion
pleine d'amour. Et la douleur que lui cause cet amour chasse l'envie
de manger et de boire, tellement qu'il se borne au strict nécessaire.
Or, lorsque nous nous plaçons ainsi, avec toutes nos jouissances et
toutes nos joies légitimes sous la discipline du Saint-Esprit, le
nouvel homme se trouve fortifié et affranchi de la poussière de la
terre.
De plus, Christ met la foi de ce père dans un rapport
intime avec la guérison du fils. Ceci nous donne une idée de la
responsabilité que nous assumons pour les nôtres devant le Seigneur.
Elle doit nous pousser à nous sanctifier, puisque la faiblesse et la
langueur de notre foi peuvent causer un tel dommage à nos bien-aimés.
Et comme ils étaient dans la Galilée,
Jésus leur dit : Le Fils de l'homme doit être livré entre les
mains des hommes, ils le feront mourir, mais,
le troisième jour, il ressuscitera. Le Sauveur ne cesse
de rendre ses disciples attentifs à la nécessité de ses souffrances,
mais ils ne la comprennent pas. La pensée que le Fils de Dieu doive
mourir, leur parait tellement extraordinaire, qu'ils regardent comme
impossibles les déclarations du Seigneur sur ce sujet. Cependant,
comme ils les entendent répéter toujours de nouveau, ils sont forcés
d'en conclure qu'elles renferment quelque chose de réel. Et
ils en furent attristés. Leur conscience leur disait
assez qu'ils devaient savoir ces choses, mais ils pressentaient que
tous les éclaircissements que le Seigneur pouvait leur donner,
augmenteraient encore leur tristesse. Le vrai motif de leur manque
d'intelligence, était d'abord l'horreur que tout homme éprouve pour la
souffrance. Celles de Christ devaient leur mettre devant les yeux
celles qu'ils auraient eux-mêmes à supporter. C'était ensuite le fait
que l'amour réparateur de Jésus, aussi bien que le rapport entre cet
amour et les péchés du monde, leur était encore caché.
Jésus clôt son activité en Galilée par une nouvelle
visite à Capernaüm. Là, ceux qui percevaient les impôts pour
l'entretien du temple s'adressèrent à Pierre et lui dirent : Votre
maître ne paye-t-il pas les deux drachmes ? Oui, dit-il.
Ces gens ne s'adressent pas à Jésus lui-même, car, s'ils ne
reconnaissent pas encore en lui le Fils de Dieu, ils le regardent
cependant comme un prophète, et peuvent bien penser qu'un envoyé de
Dieu ne doit pas être astreint à payer l'impôt du temple. Le Seigneur
n'avait pas entendu cette réclamation. Pierre, l'ayant rejoint, allait
la lui communiquer, lorsque Jésus le prévint en lui disant : Que
t'en semble, Simon ? Les rois de la terre ; de qui
tirent-ils les tributs ou les impôts ? Est-ce de leurs
enfants on des étrangers ? Pierre dit : C'est des
étrangers. Jésus lui répondit : Les enfants en sont donc
exempts. Par ces paroles, Jésus se pose ici comme le
Fils du Dieu vivant, engendré du Père de toute éternité, et par
conséquent libre de l'obligation de payer l'impôt du temple comme les
princes des maisons royales sont exempts des impôts dus par les sujets
des royaumes terrestres.
Cependant, afin de ne pas scandaliser ceux qui ne le
reconnaissaient pas encore pour ce qu'il était, Jésus dit à
Pierre : Va-t'en à la mer, jette
l'hameçon et tire le premier poisson qui se prendra ;
et quand tu lui auras ouvert la bouche, tu trouveras un statère,
prends-le, et le leur donne pour moi et pour toi. Pour
ne pas scandaliser ceux qui percevaient les impôts, Jésus paie le
tribut ; pour ne pas scandaliser Pierre, il se procure le montant
de la contribution au moyen d'un miracle. Le pouvoir que le Fils du
Roi vient d'exercer sur la nature, doit prouver à Pierre que s'il paie
le tribut qu'il a le droit de refuser, cette concession n'est de sa
part qu'un acte de profonde humilité. D'un autre côté, de même qu'il
se rend tributaire de l'ordre de choses humain, de même il force un
poisson à devenir tributaire de l'ordre de choses divin.
Pendant que Jésus se rendait à Capernaüm avec ses disciples, ceux-ci
débattaient entre eux la question de savoir : Qui est le plus
grand dans le royaume des cieux ? Lorsqu'ils furent entrés dans
la maison, Jésus leur demanda : De quoi
discouriez-vous ensemble en chemin ? Ils le
confessèrent en lui demandant : Qui est
le plus grand dans le royaume des cieux ? Un jour
le Seigneur nous demandera aussi : De quoi discouriez-vous en
chemin ? Chaque parole inutile viendra en jugement (Matth.
XII, 36. 37 ; 1
Tim. IV, 12 ; Jacques
III, 2). C'est pourquoi, que chacun s'éprouve soi-même tous les
jours.
Dans le royaume de celui qui est venu, non pour être
servi, mais pour servir, il ne s'agit pas d'aspirer aux choses
élevées. La mesure des choses du ciel ne saurait être appliquée à
celles de la terre. C'est pourquoi quiconque
voudra être le plus grand parmi vous, qu'il soit votre
serviteur ; et quiconque voudra être le premier parmi vous,
qu'il soit votre esclave. Le chemin qui conduit aux
grandeurs du ciel, est la pratique d'un amour humble et dévoué. Et
ayant pris un petit enfant, il le mit au milieu d'eux. Jésus veut que
nous devenions comme de petits enfants. Puisse personne n'avoir honte
de cet abaissement ! Les qualités de l'enfant sont :
l'humilité, la simplicité, la candeur, l'oubli de soi-même, la
modestie, la tranquillité, la confiance. Combien ne sont-ils pas coupables
envers les enfants, ceux qui leur inspirent déjà de bonne heure
l'orgueil, en les louant et en admirant leurs qualités, qui excitent
leur vanité par de beaux habits et les amènent ainsi à avoir une haute
opinion d'eux-mêmes !
Quiconque reçoit un de ces
petits enfants en mon nom, me reçoit moi-même, et quiconque me
reçoit, reçoit non pas moi, mais Celui qui m'a envoyé.
C'est ainsi que le Seigneur se déclare uni au plus chétif des enfants,
comme il se sait uni au Père. Cette parole concerne tous ceux qui
adoptent, par amour, un petit enfant qui n'est pas leur chair et leur
sang. Quelles riches bénédictions, plus d'un d'entre eux n'a-t-il pas
reçues du coeur de Jésus par le moyen d'un tel enfant, dont la candeur
et la simplicité le couvraient de confusion, dont la foi naïve
l'encourageait et l'attirait au Sauveur ! Mais cette promesse
s'applique aussi aux maisons de refuge. C'est de là qu'elles tirent
journellement les forces vitales dont elles ont besoin. C'est en
s'appuyant sur elle qu'elles peuvent accepter continuellement de
nouveaux enfants. Et cela est bien nécessaire, car il y a encore dans
les sociétés prétendues chrétiennes, des centaines et des milliers
d'enfants qui ne trouvent pas un coeur animé de l'amour de Jésus pour
les aimer, pas une main pour les recueillir au nom du Seigneur. Si
cette parole de Jésus allait réellement au coeur de ceux qui
prétendent l'aimer, on trouverait certainement peu à peu, même dans la
moindre paroisse, les moyens d'envoyer les enfants dans les salles
d'asile ou dans les écoles du dimanche, afin de les conduire à Jésus.
Cette parole du Sauveur rappelle à Jean une chose qu'il
vient de faire, sans être certain qu'elle soit conforme à l'esprit de
son Maître. Il lui dit : Maître, nous
avons vu quelqu'un chasser les démons en ton nom, et nous nous y
sommes opposés parce qu'il ne nous suit pas. Les
disciples exigent que ceux qui accomplissent au nom de Jésus des actes
d'une charité secourable, se joignent à eux extérieurement, et ils
préfèrent que ces actes soient supprimés si leurs auteurs ne les
suivent pas. Une pareille étroitesse de coeur est complètement
étrangère à l'esprit du Sauveur. Ne vous y
opposez pas, leur dit-il, car il n'y a personne qui fasse des
miracles en mon nom et qui puisse en même temps parler mal de moi.
Il y a
beaucoup
d'âmes
dans lesquelles agissent les puissances du siècle à venir, sans
qu'elles se déclarent ostensiblement pour Christ, ni se joignent
extérieurement aux croyants. Ces âmes aussi, qu'elles le sachent ou
non, sont utiles au règne de Dieu.
Car, qui n'est pas contre nous
est pour nous. Le Sauveur a prononcé une parole
analogue à l'occasion de la guérison du démoniaque aveugle et
muet : Celui qui n'est pas avec moi,
est contre moi, celui qui n'assemble pas avec moi, disperse
(Matth.
XII, 40). Cette parole fait paraître au grand jour la secrète
inimitié, à l'égard de Jésus. Dans le règne de Dieu, l'indifférence
n'est pas possible ; il faut se décider. On est ami ou ennemi.
Seulement, les disciples voulaient que cette décision se manifestât
par une marque extérieure. Quiconque ne se joignait pas à eux et ne
marchait pas dans leurs rangs, n'avait, selon eux, aucun droit de
combattre le royaume des ténèbres, et devait être considéré, non comme
un ami, mais comme un ennemi. Mais le Seigneur regarde au coeur. Il
prend sous sa protection l'étincelle cachée sous la cendre. Il sait
que ceux qui opèrent en son nom des miracles de charité, lui sont
unis, ne fût-ce que par un faible lien, et il ne veut pas que ce lien
soit déchiré par une main trop rude. Il veut plutôt en prendre soin,
afin que les âmes arrivent à vivre ouvertement dans sa communion.
Mais si quelqu'un scandalise un
de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on
lui attachât au cou une meule, et qu'on le jetât au fond de la mer.
Scandaliser, c'est exciter quelqu'un au péché ou à l'incrédulité.
Lorsque nous remontons le cours de notre vie, cette pensée brûle notre
âme. Attacher une meule au cou ! Comme cette menace doit nous
pousser à la vigilance et à la prière, afin que nous ne détournions
pas un coeur croyant du coeur de Jésus, que nous ne lui inspirions pas
l'amour du monde et la défiance à l'égard du Sauveur ! Que celui
qui se sent coupable à cet égard, se repente, et se souvienne que si
la justice de Dieu a précipité Jonas au fond de la mer, sa miséricorde
l'a délivré, afin qu'il devint une bénédiction pour un grand nombre
d'âmes, qui, sans sa prédication, seraient tombées sous le jugement de
Dieu. La sainteté de Jésus condamne le péché, mais son amour sauve le
pécheur.
Malheur au monde à cause des
scandales ! car il est nécessaire qu'il arrive des
scandales ; mais malheur à l'homme par qui le scandale
arrive ! Le monde entier est un théâtre de
séduction. Pas un enfant qui ne soit scandalisé. Sa simplicité est
partout en danger. Combien de parents scandalisent leurs enfants en ne
leur enseignant qu'à amasser, et en négligeant de déposer dans leur
coeur le trésor des trésors, et de les exhorter selon le
Seigneur ! Il faut nécessairement qu'il y ait du scandale dans ce
monde de péché, qui ne subsiste que par la patience de Dieu. Car le
péché, quelque forme qu'il révèle, renferme une puissance de contagion
et porte en soi le poison de la tentation. Toutefois cette nécessité
ne peut être une excuse pour personne. Car depuis que le Fils de Dieu
est apparu pour détruire les oeuvres du diable, quiconque a reçu de
l'amour de Jésus la semence de la vie éternelle, doit pouvoir résister
au torrent de la séduction. Lorsque Jésus ouvre sa bouche pour
dire : Heureux ! ce mot comprend toutes les
félicités du ciel. Lorsqu'au contraire il dit : Malheur !
alors s'ouvre devant nous l'abîme des peines éternelles. Voulons-nous
être préservés de ce Malheur ! qui frappera tous ceux qui
donnent du scandale ? Détruisons en nous la source de tous les
scandales : le vieil homme avec toutes ses passions et ses
mauvaises convoitises (Col.
III, 5).
Si ta main te fait tomber dans
le péché, coupe-la ; il vaut mieux pour toi que tu entres
dans la vie n'ayant qu'une main, que d'avoir les deux mains et
d'aller dans la géhenne, dans le feu qui ne s'éteint point, où le
ver ne meurt point et où le feu ne s'éteint point. Et si ton pied
te fait tomber dans le péché, coupe-le, car il vaut mieux pour toi
que tu entres dans la vie n'ayant qu'un pied, que d'avoir les deux
pieds et d'être jeté dans la géhenne, dans le feu qui ne s'éteint
point, où le ver ne meurt point et où le feu ne s'éteint point. Et
si ton oeil te fait tomber dans le péché, arrache-le, car il vaut
mieux pour toi que tu entres au royaume des cieux n'ayant qu'un
oeil, que d'avoir tes deux yeux et d'être jeté dans la géhenne du
feu, où le ver ne meurt point et où le feu ne s'éteint point
(Marc IX,
43-48). Si, pour parvenir au royaume des cieux, un chrétien doit
donner sa vie corporelle plutôt que de la conserver en reniant la foi,
beaucoup moins encore doit-il hésiter à perdre un
de ses membres, si par ce sacrifice il peut être mis en possession de
la vie éternelle. Nous savons ce que fit le Romain Mucius Scaevola,
qui, par amour pour sa patrie, tint sa main dans le feu jusqu'à ce
quelle fût carbonisée. Or, ce qu'un païen a fait, paraîtrait-il
impossible, ou même étrange à un chrétien qui aime son Sauveur ?
Cette amputation des membres n'était exigée littéralement
que dans les temps de persécution. Mais il y a une amputation de la
main, du pied, une extraction de l'oeil, qui doivent se faire dans la
vie de tout chrétien. La main, le pied, l'oeil, ne sont pas seulement
les membres de notre corps ; ils sont aussi les organes de nos
pensées, et comme tels, les instruments de notre activité spirituelle.
L'Écriture parle de membres qui ont servi à l'impureté dans
l'injustice, et qui doivent servir à la justice dans la sainteté. (Rom.
VI, 19). Mais elle va plus loin. L'apôtre exige que le corps du
péché, le vieil homme, soit crucifié avec Christ (Rom.
VI, 6 ; Col.
II, 20). Et ce vieil homme a aussi ses membres, qui doivent être
coupés et cloués à la croix, pour que le nouvel homme puisse parvenir
à la vie éternelle. La main qui va trop loin et qui trompe un frère
dans le commerce, le pied qui nous porte vers les vains plaisirs du
monde et non vers la maison de Dieu, l'oeil qui se moque d'un père,
qui témoigne du mépris pour les ordres d'une mère, qui regarde une
femme pour la convoiter : voilà ce que l'Écriture appelle les
membres du vieil homme, qui doivent être coupés et arrachés, pour que
l'âme soit préservée de l'enfer, et ne devienne pas la proie du feu
qui ne s'éteint point et du ver qui ne meurt point, pour qu'elle ne
soit pas livrée aux tourments extérieurs et aux angoisses intérieures.
C'est ainsi que la vie chrétienne est un continuel sacrifice.
Car chacun sera salé de feu, et
toute oblation sera salée. C'est une bonne chose que le sel ;
mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on ?
Ayez du sel en vous-mêmes et soyez en paix entre vous. Notre
Dieu
est un feu consumant (Héb.
XII,
29). Son coeur est rempli d'une ardente colère contre le péché,
d'un ardent amour pour le pécheur. Quiconque veut éviter le feu de la
colère, doit se laisser purifier par le feu de son amour, et nettoyer
son coeur de toute impureté. Ce feu purificateur,
comme le sel, ronge, préserve, assaisonne. Il fait mal, mais il nous
sauve pour la vie éternelle, et nous rend agréables à Dieu par la
saveur qu'il nous donne. Dès que ce feu céleste du Saint-Esprit a salé
tout notre être, nous devenons purs, saints, avec tous ceux qui aiment
l'avènement de notre Seigneur Jésus-Christ. Le sel de l'Esprit unit
les croyants. « Ainsi, si nous marchons dans la lumière, comme il
est lui-même dans la lumière, nous avons une communion mutuelle »
(I Jean 1,7).
Le céleste ami des enfants parle encore une fois d'eux. Prenez
garde de mépriser aucun de ces petits, car je vous dis que leurs
anges, dans le ciel, voient sans cesse la face de mon Père qui est
aux cieux. Les enfants, et ceux qui leur ressemblent,
sont en grand honneur devant Dieu, car il leur a donné des anges
chargés de les protéger et de les garder. « Ce sont des esprits
destinés à servir, et qui sont envoyés pour exercer leur ministère en
faveur de ceux qui doivent avoir l'héritage du salut (Héb.
I, 14). » Croyons fermement que ces célestes messagers de
Dieu nous environnent et nous protègent, nous et surtout nos
enfants !
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