Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE II

suite

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50. Jésus marche sur la mer.

(Matth. XIV, 24-36 ; Marc VI, 47-56 ; Jean VI, 19.)


Les disciples voguaient vers Capernaüm. Et la barque était déjà au milieu de la mer, battue des flots, car le vent était contraire. Ils sont sur la mer, aux prises avec la violence des éléments ; mais Jésus prie pour eux sur la montagne, et protégés par cette prière, ils ne courent aucun danger. Saint Marc rapporte que Jésus vit qu'ils avaient beaucoup de peine à ramer. Il se donne à connaître ici comme celui-là même qui avait dit autrefois : « J'ai très bien vu l'affliction de mon peuple qui est en Égypte (Ex. III, 7) ». Le fait que Jésus, dans son tout-puissant amour, voit, du haut de sa montagne, les besoins des siens qui sont sur la terre, a été de tout temps la plus douce consolation de l'Eglise.

Et à la quatrième veille de la nuit, Jésus alla vers eux en marchant sur la mer, et les disciples le voyant marcher sur la mer, furent troublés et ils dirent : C'est un fantôme, et de la frayeur qu'ils eurent, ils s'écrièrent. Mais aussitôt Jésus leur dit : Rassurez-vous, c'est moi ; n'ayez point de peur. Jésus sait trouver ses disciples même dans les ténèbres de la nuit. Il marche sur la mer ! L'élément liquide reconnaît en lui son Seigneur et son Maître, et se met volontairement à son service.

Les disciples sont effrayés ; ils le prennent pour un fantôme, et jettent des cris. Ce qui devait les rassurer, leur cause une plus grande frayeur, parce qu'ils ne voient pas Jésus des yeux de la foi. Lorsque Dieu choisit des voies extraordinaires pour venir en aide à ses enfants, les croyants eux-mêmes s'effrayent souvent aussi et craignent de nouvelles afflictions. Cependant, il n'y a là que la main secourable du Dieu dont la fidélité atteint jusqu'aux nues. La présence gracieuse de Jésus est notre puissante consolation dans tous nos besoins corporels et spirituels. Nous sourions lorsqu'un enfant vient à nous dans les ténèbres, et à notre question :
« Qui va là ? » répond : « C'est moi, » sans se nommer, parce qu'il croit que tout le monde doit connaître sa petite personne. Mais lorsque le Sauveur, invoqué par les âmes angoissées, leur dit : « C'est moi, » alors ce secourable et compatissant « moi » apporte la consolation et chasse toutes leurs frayeurs.

Une fois déjà, le Sauveur avait manifesté sa puissance sur la mer en apaisant la tempête (Matth. VIII, 24). Par ce premier miracle-là, Christ veut montrer aux siens qu'il laisse, à la vérité, la tentation venir à eux, qu'il semble dormir, parce qu'il voile son secours. Mais quand la faible foi s'imagine voir l'abîme béant devant elle, quand l'espérance semble être une insigne folie, alors le Seigneur vient subitement au secours de l'âme angoissée. Il ne se montre pas moins glorieux dans la circonstance présente. Il s'éloigne de ses disciples qui voguent sur la mer agitée de ce monde et sont menacés par les tempêtes des tentations extérieures et intérieures. Il se fait attendre longtemps. Enfin il s'approche des siens, qui ne le reconnaissent peut-être pas d'abord, et immédiatement tout danger disparaît. Il se montre même plus propice encore que dans la tempête précédente. Alors il était présent dans la barque ; maintenant il est absent ; il est sur la montagne et prie. Là il faisait jour ; ici la sombre nuit augmente la frayeur et le danger. Et cependant sa main toute-puissante protège efficacement les siens.

Lorsque la voie du Seigneur est dans la mer et son pied parmi les grandes eaux, que ton coeur ne défaille point. Tiens ton oreille ouverte pour entendre celle parole de délivrance : « C'est moi ! » Elle ne te fera pas défaut.

Et lorsque l'Eglise ce frêle navire de Christ, souffre sur la mer du monde, lorsque les hommes se déchaînent contre lui, lorsqu'il semble que les vagues vont le submerger et l'abîme l'engloutir, lorsque les fleuves élèvent leurs flots, que les ondes s'agitent et font un grand bruit, alors ouvre les yeux de la foi et regarde : Le Seigneur est plus grand que toute cette agitation ; il la domine. Il tient sous ses pieds les flots en courroux. Il faut qu'ils annoncent sa gloire, qu'ils proclament que les siens sont cependant heureux, et que le monde fasse même en tremblant l'expérience que « Jésus est le même hier, aujourd'hui et le sera éternellement. »

Et Pierre répondant lui dit : Seigneur, si c'est toi, ordonne que j'aille vers toi en marchant sur les eaux. Jésus lui dit : Viens. Et Pierre, étant descendu de la barque, marcha sur les eaux pour aller à Jésus. Pressé par un ardent désir, Pierre ne peut pas attendre que Jésus soit monté près d'eux, dans la barque. Il lui demande la permission de le rejoindre par une marche miraculeuse semblable à celle de son Maître. Et la parole du Seigneur est pour lui un pont solide ; mais quand il est sur la mer, quand il a franchi les limites de l'expérience et de la force humaines et se trouve réduit au seul domaine de la foi, alors seulement il est saisi par le sentiment de sa faiblesse.

Mais voyant que le vent était fort, il eut peur, et comme il commençait à enfoncer, il s'écria et dit : Seigneur, sauve-moi. Et incontinent Jésus lui tendit la main et le prit en lui disant : Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? Pierre avait cessé de regarder à Jésus pour ne plus voir que le danger et cette vue le remplit d'angoisses. Il avait quitté le solide terrain de la foi pour se poser sur le sol mouvant des forces naturelles, il ne pouvait donc manquer d'enfoncer. Heureusement pour lui, il avait à ses côtés la personne secourable du Sauveur qui lui tendit la main. Pierre n'est plus ici le rocher de la foi, mais un faible enfant qui appelle au secours, et qui peut encore être délivré par la puissance de la grâce. Heureux sommes-nous de ce que la main d'un libérateur éternellement fidèle et qui aide glorieusement les misérables, n'est point raccourcie, mais peut toujours délivrer ceux qui crient à lui dans leur détresse ! Et quand ils furent entrés dans la barque, le vent cessa. Alors ceux qui étaient dans la barque vinrent et l'adorèrent en disant : Tu es véritablement le Fils de Dieu.
Si les disciples avaient pu se scandaliser de ce que Jésus s'était soustrait aux poursuites d'Hérode, l'expérience de cette grande journée : la nourriture miraculeusement distribuée aux cinq mille hommes, la marche sur la mer avaient dû les convaincre que cette fuite n'était due ni à la crainte ni à la faiblesse. Ces expériences étaient de nature à fortifier la foi de ceux qui étaient dans la barque. Ils avaient vu la gloire de Jésus et l'avaient adoré. Et en effet, cette gloire divine du Sauveur ne pouvait guère se montrer plus éclatante que par cet apaisement de la tempête et par son entrée dans la barque. Sans Jésus, elle eût été bien impuissante à résister aux vents et aux flots. Mais dès que Jésus y est entré, elle s'affermit, et ceux qui s'y trouvent sont délivrés (Ps. XLVI, 2-4). Et ayant passé le lac, ils vinrent dans le pays de Génésareth. Quand les gens de ce lieu-là l'eurent reconnu, ils envoyèrent par toute la contrée d'alentour, et ils lui présentèrent tous les malades ; ils le priaient qu'ils pussent seulement toucher le bord de son vêtement, et tous ceux qui le touchèrent furent guéris.



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51. Jésus enseigne dans la synagogue de Capernaüm.

(Jean VI, 27-71.)


 Une partie du peuple ayant remarqué que Jésus n'était pas entré avec ses disciples dans l'unique barque qui se trouvait là, prit le parti de l'attendre, dans l'espoir de le voir revenir. Mais comme le lendemain il n'était pas de retour, et que ses disciples n'étaient pas venus le chercher avec des barques de Tibériade, ils montèrent dans la seule barque amarrée au rivage, pour se rendre à Capernaüm, afin d'en ramener Jésus. La majeure partie de la foule, sur l'indication de Jésus, s'était dispersée dans les villages environnants. Ceux qui étaient restés sur le bord du lac n'étaient pas disposés à se soumettre à sa parole. C'étaient en général ceux qui avaient été le moins touchés intérieurement, et qui avaient eu l'idée de le faire roi contre sa volonté. C'est à cette troupe animée de sentiments terrestres, que le Sauveur s'adresse maintenant. La grande majorité de ceux qui avaient été témoins de la multiplication des pains, était probablement tout autrement disposée, et se trouvait en état de comprendre la signification du miracle. Autrement le Seigneur aurait manifesté sa gloire sans trouver un seul coeur croyant, et, contrairement à sa propre défense, il aurait jeté ses perles devant les pourceaux.

Ceux qui cherchaient Jésus, l'ayant trouvé dans la synagogue de Capernaüm, lui dirent : Maître, quand es-tu arrivé ici ? Ils espéraient que le Seigneur ferait un nouveau miracle semblable à celui dont ils venaient d'être témoins. Si Jésus avait répondu à leur attente, il les aurait confirmés dans leurs idées charnelles. Ils auraient pensé que l'homme qui peut commander à la mer, peut aussi dominer les flots populaires. Ce doit être un roi qui ne laissera jamais ses sujets manquer de nourriture. Pour ne pas fournir un aliment à cette espérance terrestre, Jésus ne leur fait pas de réponse ; mais il cherche si, dans ces préoccupations matérielles, il n'y aurait pas quelque vestige de besoin spirituel, et dans ce but il leur explique la signification du miracle de la veille. Il leur enseigne qu'il est lui-même le pain de vie qui donne la vie au monde. Et d'abord il les rend attentifs à leurs propres dispositions. En vérité, en vérité, je vous le dis : Vous me cherchez, non parce que vous avez vu des miracles, mais parce que vous avez mangé des pains et que vous avez été rassasiés. Les miracles que Jésus opérait dans le monde visible étaient des signes destinés à diriger les esprits vers les biens invisibles et célestes, qu'Il offrait aux coeurs croyants ; tandis que les Juifs regardaient les miracles de Jésus comme les arrhes d'un règne futur, plein de gloire terrestre et de jouissances charnelles.

Il y a beaucoup de chrétiens qui pensent comme eux. Bien-être temporel, secours terrestres, voilà ce que la plupart cherchent auprès du Christ. Aussi longtemps que ces biens leur sont accordés, ils lui demeurent attachés. Viennent-ils à leur manquer, aussitôt ces étranges disciples se scandalisent et abandonnent leur Maître. Le Seigneur vent faire tomber un rayon de sa lumière dans cette obscurité, afin de voir s'il ne découvrira pas quelque soupir après le salut éternel. Travaillez non pour avoir la nourriture qui périt, mais celle qui demeure jusqu'à la vie éternelle, et que le Fils de l'homme vous donnera, car Dieu l'a marqué de son sceau. Il est impossible que la nourriture qui périt, donne la vie éternelle, car cette vie, la seule digne du nom de vie, est celle qui dure éternellement. Or, les efforts de la plupart des hommes ne tendent qu'à obtenir la nourriture qui périt, comme si l'homme n'était créé que pour ce monde visible.

Ces discours de Jésus sur la nourriture qui demeure jusqu'à la vie éternelle, rappellent étonnamment l'entretien qu'il eut avec la Samaritaine près du puits de Jacob. De même que là, il se donne comme l'eau qui jaillit jusqu'à la vie éternelle, de même il se présente comme la nourriture qui demeure jusqu'à la vie éternelle.

Toutefois, lorsque le Sauveur recommande de travailler pour avoir cette nourriture, il ne veut pas dire que nous devions nous la procurer nous-mêmes. Il est Lui-même la nourriture qu'il nous offre afin que nous en jouissions. Lorsqu'il parle de travail, il veut prévenir un malentendu qui consisterait à faire de la foi, - dont il est question au v. 29 - un oreiller de sécurité pour la commodité de la chair. La foi exige les plus grands efforts moraux dont l'homme soit capable ; et quiconque s'endormirait paresseusement, n'arriverait jamais à une foi vivante. On craint le sérieux de la repentance, sans laquelle aucune véritable foi n'est possible ; on craint l'effort qui est obligatoire pour concentrer sur la seule chose nécessaire ses pensées errantes pour se plonger dans la communion du Dieu vivant. Or, partout l'Écriture, bien loin de représenter la foi comme une douce oisiveté, en parle au contraire comme d'une vie active et se manifestant par une obéissance pleine d'amour. Et l'exhortation de saint Paul aux Philippiens : « Travaillez à votre salut avec crainte et tremblement » (Phil. II.12) concorde parfaitement avec ce commandement du Sauveur : Travaillez pour avoir la nourriture qui demeure éternellement.

Afin que personne ne pense pouvoir se procurer cette nourriture par ses propres forces, le Seigneur ajoute que le Fils de l'homme la leur donnera. Cette nourriture qui demeure jusqu'à la vie éternelle, est un don de la grâce du Fils de l'homme, du Seigneur du ciel, qui est apparu comme un serviteur, et qui, par sa mort et sa résurrection, la met à la portée des hommes. Il est prêt à la donner immédiatement à ceux qui viennent à lui en se repentant et en croyant. Car le Père l'a marqué de son sceau. Par les oeuvres qu'il a faites, Jésus a été scellé par le Père, c'est-à-dire marqué et préparé comme celui qui pouvait donner la vie éternelle au monde.

Alors ils lui dirent : Que ferons-nous pour faire les oeuvres de Dieu ? Les Juifs veulent savoir ce que Jésus entend par travailler, et quelle oeuvre agréable à Dieu ils pouvaient faire pour obtenir la vie éternelle. Jésus leur répond : C'est ici l'oeuvre de Dieu que vous croyiez à celui qu'il a envoyé. La foi, telle est l'oeuvre qu'ils doivent accomplir pour plaire à Dieu. Et c'est aussi l'oeuvre que Dieu opère en nous. Mais qu'elle était grande pour les Juifs ! Il fallait qu'ils rompissent avec la vaine manière de vivre qu'ils avaient apprise de leurs pères (1 Pierre I, 18), avec leurs espérances messianiques terrestres, avec l'influence qu'ils exerçaient sur le peuple et qui alors déjà revêtait un caractère d'hostilité marquée à l'égard de Jésus, avec l'opinion publique, avec la recherche de. la gloire qu'ils aimaient à recevoir les uns des autres (Jean V, 44). Croire en Christ, c'était pour eux l'oeuvre des oeuvres. C'était renoncer à tout ce à quoi ils étaient attachés : faveurs du peuple et joies de la famille. Les pharisiens étaient convaincus qu'ils accomplissaient les oeuvres les plus capables de leur mériter la vie éternelle. Et cependant toutes ces oeuvres étaient bien loin d'être aussi difficiles que celle que le Sauveur leur prescrit : croire en lui.

Alors ils lui dirent : Quel miracle fais-tu donc afin que nous le voyions et que nous croyions en toi ? Quelle oeuvre fais-tu ? Nos pères ont mangé la manne au désert, selon qu'il est écrit : Il leur a donné à manger le pain du ciel. Telle fut la réponse ironique des Juifs à l'exhortation de Jésus : « Travaillez pour avoir la nourriture qui demeure jusqu'à la vie éternelle. » Ils retournent la pointe contre lui et lui adressent cette question : « Quelle oeuvre fais-tu ? » Ils ont un pressentiment de la gravité de la parole par laquelle le Seigneur les met en demeure de croire en lui. Ils pensent qu'il n'est pas suffisamment légitimé comme Messie, pour avoir le droit de montrer une pareille exigence. Cet homme demande plus que Moïse et il donne moins que lui. Le pain terrestre qu'il leur a procuré une seule fois leur parait peu de chose en comparaison de ce pain du ciel, dont Dieu avait nourri leurs pères pendant quarante ans au désert. Ils exigent de Jésus qu'il surpasse le miracle de la manne, et dans leur prétendue finesse, ils veulent le ramener insensiblement à l'événement de la veille afin de lui faire comprendre quel Messie ils souhaitent, savoir un Messie qui leur donne le pain du corps, sans se préoccuper de « la vie éternelle ».

Jésus part du passage de l'Écriture qu'ils viennent de citer, pour leur expliquer ce qu'est le vrai pain de vie, en le comparant avec la manne. Ils demandent le pain du ciel, et voici, le vrai pain du ciel, qui donne la vie au monde, se trouve déjà au milieu d'eux. Et Jésus leur dit : En vérité, en vérité, je vous le dis : Moïse ne vous a point donné le pain du ciel ; mais mon Père vous donne le vrai pain du ciel. Ce n'est pas Moïse qui a donné le pain du ciel dans le désert, c'est Dieu. La manne du désert était une nourriture périssable qui alimentait seulement le corps. Ce n'était donc pas le vrai pain de vie. Elle était une prophétie du pain qui doit nourrir l'âme jusqu'à la vie éternelle. C'est maintenant seulement qu'est apparu le vrai pain du ciel, qui procure au monde la nourriture impérissable de l'âme.

Car le pain de Dieu est celui qui est descendu du ciel et qui donne la vie au monde. Le monde entier est devenu, par le péché, la proie de la mort. Il est complètement en la puissance de cet ennemi, dont le souffle le pénètre. Christ est la seule source de là vie véritablement pure et heureuse. Hors de lui, il n'y a plus qu'une apparence de vie. Cette pensée était pour les Juifs complètement nouvelle. Ils croyaient que le Messie était exclusivement destiné aux Juifs, et ils apprennent ici qu'il est le Messie du monde entier. Toutefois ils feignent de ne pas entendre, alléchés qu'ils sont par la perspective d'une nourriture plus excellente que la manne du désert. Ils lui dirent : Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là. On serait presque tenté de croire que le Sauveur a enfin réussi à tirer une faible étincelle de besoin spirituel du coeur de pierre de ses auditeurs. Cette demande nous reporte encore à celle que la Samaritaine adressait à Jésus près du puits de Jacob : « Seigneur, donne-moi de cette eau afin que je n'aie plus soif. » Cependant, ni dans l'un ni dans l'autre cas, nous n'avons l'expression d'un pareil besoin. Un bien inappréciable est offert : là un breuvage excellent, ici un précieux aliment. Mais c'est seulement lorsqu'on exprimera le désir d'en faire usage que le Sauveur pourra marquer la liaison qui existe entre ce bien incomparable et sa personne. Puisse l'expression de ce besoin : « Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là, » n'être jamais étouffée dans nos coeurs !

Et Jésus leur dit : Je suis le pain de vie ; celui qui vient à moi n'aura point de faim, et celui qui croit en moi n'aura jamais soif. Jésus est lui-même le pain qui donne la vie au monde, auquel il révèle toujours plus clairement sa gloire. Dans son amour de Sauveur, il invite d'une manière de plus en plus pressante les Juifs à venir à lui. Jusqu'alors ils ne l'avaient pas encore fait, parce qu'ils n'avaient ni faim ni soif. Ils étaient rassasiés et n'avaient besoin de rien (Apoc. III, 17). Jésus est le pain de vie, mais il est absolument inutile aux incrédules, car ils n'en veulent rien. C'est seulement lorsqu'on va à lui affamé, qu'on peut être rassasié de la plénitude de ses biens.

Mais je vous l'ai déjà dit, que vous m'avez vu et cependant vous ne croyez point. Les Juifs avaient vu Jésus guérissant des malades, nourrissant des milliers de personnes avec quelques pains ; ils avaient été illuminés des rayons de sa gloire, et cependant ils ne croyaient pas en lui. Tout ce que le Père me donne vient à moi. Le Père donne les âmes au Fils, mais non arbitrairement. Il ne choisit pas aveuglément de manière à donner les uns à son Fils pour être sauvés, tandis que les autres seraient abandonnés à la perdition. « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (I Tim. II, 4). Ceux qui se laissent attirer et éprouvent le besoin de sa grâce, il les donne à son Fils. Le Père ayant donné son Fils à tous, ne demande pas mieux que de les donner tous à son Fils. Mais ceux qui ne veulent pas, qui résistent à l'attrait du Père, il les abandonne à la puissance du péché et de la mort. Comme ils ne veulent pas croire pour être sauvés, ils ne doivent pas non plus l'être.

Et je ne mettrai point dehors celui qui viendra à moi. Souvenons-nous que Jésus a adressé ces paroles à des Juifs remplis de vues et de désirs charnels, et nous comprendrons quelle consolante invitation elles renferment, même pour ceux qui le méprisent encore et font une opposition hostile à ses enseignements. Quiconque vient à lui, fût-ce à la onzième heure, trouve en lui un Sauveur prêt à le recevoir. Aucun péché, quelque grand et horrible qu'il soit, fût-il rouge comme le vermillon (Ésaïe I, 18), ne fera rejeter le pécheur dans les ténèbres du dehors. Jésus accepte tous les pécheurs qui viennent à lui, sans faire aucune différence entre eux. Quelle douce consolation pour ceux qui, sous le poids de leurs iniquités et dans le sentiment de leur misère, sont tourmentés par les remords, et ne peuvent trouver la paix ! Nous n'avons pas à craindre que Jésus se présente comme un juge irrité, qui frappe du glaive. Il veut se faire connaître comme le Bon Berger, comme le fidèle ami des âmes qui seul peut les rendre heureuses. Seulement il faut que nous aillions à lui.

Car je suis descendu du ciel non pour faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé. Et c'est ici la volonté de celui qui m'a envoyé, que je ne perde aucun de ceux qu'il m'a donnés, mais je les ressusciterai au dernier jour. C'est ici la volonté de celui qui m'a envoyé, que quiconque contemple le Fils et croit en lui, ait la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour. Comment le Sauveur aurait-il pu rejeter ceux que le Père lui a donnés et qui viennent à lui pauvres, affamés et souffrants ? Il n'a d'autre volonté que celle du Père. Bien loin de les repousser, il veut les protéger, afin que personne ne les ravisse de sa main et qu'aucun ne se perde. Quiconque contemple le Fils des yeux de la foi, comme les Israélites mordus par les serpents brûlants regardaient le serpent d'airain, sera comme eux délivré de la mort et aura la vie éternelle. Sans doute la mort atteindra aussi les croyants et séparera leur âme de leur corps ; mais celui qui nourrit nos âmes pour la vie éternelle, qui a arraché son propre corps à la puissance du sépulcre, celui-là ressuscitera nos corps au dernier jour, afin que, semblables à son corps glorifié, ils aient aussi part à la vie éternelle.

Mais les Juifs murmuraient contre lui de ce qu'il avait dit : Je suis le pain descendu du ciel. Et ils disaient : N'est-ce pas là Jésus, le fils de Joseph, dont nous connaissons le père et la mère ? Comment donc dit-il : Je suis descendu du ciel ? Les Juifs comprenaient très bien les paroles du Sauveur. Leurs murmures ne sont pas provoqués par un malentendu, mais par le scandale que leur donnent ces paroles dont ils saisissent parfaitement le sens. Ils murmurent contre le Fils de Dieu fait homme, comme leurs ancêtres murmuraient continuellement contre lui dans le désert, lorsqu'Il se révélait à eux comme Jéhovah, le Dieu de l'alliance. Jésus a déclaré qu'il est le pain de vie, et les Juifs le comprennent si bien qu'ils l'accusent de vouloir, par ces paroles, prétendre à la participation de la gloire divine. S'il avait consenti à renoncer, à être égal à Dieu en puissance et en gloire, les Juifs l'auraient volontiers reconnu comme le Messie, et lui auraient rendu les plus grands honneurs. Mais sa prétendue descendance de Joseph semblait être en contradiction avec sa divinité. Les Juifs ne regardaient qu'à la bassesse de sa naissance et de sa condition, et fermaient les yeux sur les miracles qu'il opérait au milieu d'eux. La prétention de Jésus de descendre du ciel leur paraissait insupportable, et ainsi ils s'éloignaient obstinément de lui.

C'est ce qui arrive encore aujourd'hui. Le coeur naturel qui est orgueilleux, ne soupire pas après un Sauveur, s'éloigne avec indignation de Jésus, lorsqu'il l'entend déclarer qu'il est le pain de vie descendu du ciel, et qui donne la vie au monde. Le même fait, qui console et restaure l'humble croyant, aveugle l'orgueilleux incrédule.

Jésus leur répondit : Ne murmurez point entre vous. Personne ne peut venir à moi si le Père qui m'a envoyé ne l'attire, et je le ressusciterai au dernier jour. Les Juifs croyaient avoir des motifs suffisants pour se scandaliser de Jésus ; mais il leur montre que la vraie cause de ce scandale, c'est leur incrédulité. Le Père ne peut pas les attirer au Sauveur, parce que leurs coeurs sont trop aveuglés pour reconnaître les choses divines, et trop indifférents pour les recevoir. Comme l'aimant ne peut pas attirer toutes les substances, mais seulement le fer, de même le Père ne peut attirer au Fils que les coeurs affamés de salut. L'importance de cette attraction paraîtra seulement au dernier jour. Ceux qui se seront laissé attirer, participeront à la résurrection des justes, pour posséder la plénitude de la vie éternelle. Ceux qui auront résisté ressusciteront aussi, mais pour la condamnation, et leur partage sera la plénitude des souffrances réservées aux pécheurs impénitents.

Il est écrit dans les prophètes : Ils seront tous enseignés de Dieu. Quiconque a écouté le Père et a été instruit par lui, vient à moi. Le Père n'attire pas à Christ directement, mais il se sert de la Parole et des sacrements. En vain ceux qui méprisent ces moyens, compteraient sur l'attrait du Père. Tous sont instruits, mais ce sont seulement, ceux qui écoutent comme des pécheurs affamés de grâce, qui viennent à Jésus. Les Juifs ne se laissaient pas instruire par le Père, c'est pourquoi ils ne pouvaient pas reconnaître le Fils de Dieu. Ce n'est pas que quelqu'un ait vu le Père, si ce n'est celui qui vient de Dieu. Celui-là a vu le Père. Le Père n'attire pas les âmes sans la médiation du Fils. Il lui a donné toutes choses, et nul ne connaît le Père que le Fils et celui auquel le Fils aura voulu le faire connaître (Matth. XI, 27). Hors de Jésus, il n'y a point de communion avec Dieu. Ces paroles amènent le Sauveur à faire un nouvel exposé des biens célestes dont les croyants jouiront en Christ.

En vérité, en vérité, je vous le dis : Celui qui croit en moi a la vie éternelle. Je suis le pain de vie. Vos pères ont mangé la manne dans le désert et ils sont morts. C'est ici le pain descendu du ciel, afin que celui qui en mange ne meure point. La manne du désert, dont les Juifs étaient si glorieux, n'était qu'un pain périssable qui ne pouvait pas préserver de la mort. Le vrai pain du ciel ne préserve pas non plus de la mort corporelle, mais il la change en un sommeil pour ceux qui mangent de ce pain par la foi. « C'est en mangeant de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, que nos premiers parents ont introduit la mort dans l'humanité pécheresse ; c'est en mangeant du fruit céleste de l'arbre de vie qui est Christ, que la vie et l'immortalité sont rentrées dans l'humanité. » Vos pères, dit le Seigneur, et non : nos pères, expression par laquelle il témoigne encore une fois de son origine divine, et redresse les paroles des Juifs, v. 42 : « N'est-ce pas là Jésus, le fils de Joseph, dont nous connaissons le père et la mère ? » - Je suis le pain de vie qui est descendu du ciel. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement ; et le pain que je donnerai, c'est ma chair, que je donnerai pour la nourriture du monde. Jésus est un don que Dieu fait au monde. Il est la médecine de l'âme, qui doit la guérir de tous les ravages causés en elle par le péché, et de toutes les infirmités qui accompagnent la mort.

Jésus parle dans ce discours tout autrement qu'il ne l'a fait jusqu'ici. « Ce n'est pas seulement par ce que vous entendez de moi et voyez en moi, que vous pouvez parvenir à la vie éternelle. Il faut que je devienne moi-même une partie constitutive de votre être. » Ces paroles montrent toujours plus clairement qu'il faut qu'il meure, afin de devenir pour le monde la nourriture qui demeure éternellement. La vie de son Fils est le premier don que Dieu a fait au monde ; il faut qu'il lui fasse encore le second : la mort de ce Fils, par laquelle seulement le monde aura obtenu toute la plénitude des biens que Dieu veut lui donner en Christ. La Parole s'est faite chair. Le Fils de Dieu ne s'est pas contenté de prendre la nature humaine, il s'est fait homme. Et cette chair, c'est-à-dire son humanité, il la donne pour la vie du monde. Mais il ne peut donner son humanité au monde, que parce qu'elle est complètement pénétrée de sa divinité. La force vivifiante qu'il communique au monde, gît dans sa divinité ; mais la possibilité de communiquer au monde sa vie divine, gît dans son humanité, c'est-à-dire dans sa chair, parce qu'il ne pouvait accomplir l'oeuvre de notre rédemption que par son humanité. Quiconque pense à Dieu ou cherche Dieu en dehors de la personne de Jésus-Christ, l'a perdu et ne le trouve plus ; mais quiconque le cherche suivant les indications de Jésus, le trouve.

Les Juifs donc disputaient entre eux : Comment cet homme peut-il nous donner sa chair à manger ? On ferait tort aux habitants de Capernaüm si on leur reprochait d'avoir compris d'une manière grossière les paroles de Jésus. S'il en était ainsi, le Seigneur n'eût certainement pas manqué d'éclaircir ce malentendu. Au lieu de cela, il répète en les accentuant plus fortement ces mêmes paroles qui avaient choqué les Juifs. Aussi est-ce à la suite de ces discours, que plusieurs de ses disciples l'abandonnèrent, sans qu'il fît la moindre tentative pour leur expliquer les paroles qui les avaient scandalisés. Ceci montre que ce qui scandalisait, ce n'était pas la forme, mais bien le contenu de l'enseignement du Sauveur. Du moment qu'un homme veut être sauvé de la mort éternelle, il faut qu'il mange la chair de Jésus, c'est-à-dire qu'il s'approprie complètement sa personnalité divine et humaine, et la fasse demeurer en lui (v. 56, Ephés. III, 17). Tous les envoyés de Dieu ont détourné les regards du peuple d'eux-mêmes, pour les diriger sur le Dieu vivant, le seul qu'on doive servir. Quant à Jésus, il n'exige pas seulement qu'on accepte sa parole et son message, mais encore sa personne, comme seule capable de garantir la vie et le salut. « Les Juifs se scandalisaient de la chair du Fils de l'homme, mais le Seigneur veut que nous nous y attachions, si nous avons à coeur de vivre et d'être sauvés. »

Jésus leur dit : En vérité, en vérité, je vous le dis : Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez point la vie en vous-mêmes. Sans doute, celui qui voyait d'avance avec une parfaite clarté son oeuvre de rédemption, savait qu'à la prochaine fête de Pâques, il instituerait la sainte Cène ; sans doute la multiplication miraculeuse des pains, avec les discours qui la suivirent, était une indication anticipée et pleine d'expression de cette sainte cérémonie.

Toutefois, le repas sacré n'étant pas encore institué, il n'est pas encore expliqué dans ces paroles du Sauveur. Elles ne font que l'annoncer prophétiquement. Ainsi par les expressions manger et boire, la foi est ici admirablement caractérisée, non comme une opinion froide et morte, ou comme une simple adhésion de l'intelligence, mais comme une expérience vivante, comme une appropriation intime, comme une acceptation du Seigneur Jésus dans notre vie intérieure. La foi ne laisse pas Jésus dehors ; elle se l'approprie de telle sorte que nous soyons revêtus de lui (Rom. XIII, 14), trouvés en lui (Philip. III, 9), et le fassions habiter dans nos coeurs (Ephés. III, 17). La chair et le sang des hommes pécheurs n'hériteront point du royaume des cieux ; ils ont mérité la perdition éternelle. Mais un moyen de salut est préparé pour l'homme naturel, dans la chair et le sang de la Parole faite chair, afin que sa personne divine et humaine pénètre et sanctifie toute notre vie et la garde ainsi pour la vie éternelle.

Mais le point culminant de cette oeuvre d'assimilation est la sainte Cène que le Seigneur annonce ici. Celui qui mange ma chair et boit mon sang, a la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour. Ce que le Seigneur attribue à la foi au Fils de Dieu, v. 40, il l'attribue ici à sa chair qu'il faut manger, et à son sang qu'il faut boire. Car ma chair est véritablement une nourriture et mon sang est véritablement un breuvage. Quiconque n'est pas nourri et abreuvé de Christ, souffrira éternellement de la faim et de la soif. C'est en lui seul que l'âme est pleinement satisfaite. Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi en lui. S'il s'agit ici non d'une union apparente, mais d'une union réelle de l'homme avec Christ, il faut que le moi naturel soit éliminé, afin que le coeur puisse saisir Jésus. « Il faut qu'il croisse et que je diminue. » Cette parole est vraie aussi dans la vie intérieure des chrétiens. Comme le Père qui est vivant m'a envoyé, et que je vis par le Père, ainsi celui qui me mangera, vivra par moi.

Au début de l'histoire de l'humanité, il est dit : « Au jour que tu en mangeras, tu mourras de mort. » Maintenant, Christ est venu en chair, et il est dit au contraire : « Au jour que tu en mangeras, tu vivras. » Car, en Dieu est la source de la vie (Ps. XXXVI, 10), et cette vie est communiquée à l'humanité par Christ. Maintenant le Seigneur résume encore tout ce qu'il a dit jusqu'ici sur cette manière. C'est ici le pain qui est descendu du ciel. Il n'en est pas comme de la manne que vos pères ont mangée et ils sont morts. Celui qui mangera de ce pain vivra éternellement.

Jésus dit ces choses, enseignant dans la synagogue de Capernaüm. De cette synagogue, il dirigeait ses regards vers la chambre haute, où ses disciples lui préparèrent l'agneau pascal et où il institua le sacrement de la sainte Cène. Lorsque, pendant la célébration de la dernière fête de Pâques, les disciples entendirent ces paroles de la bouche de leur Maître : « Prenez, mangez, ceci est mon corps ; prenez, buvez, ceci est mon sang, » elles durent réveiller en eux le souvenir de ce qu'ils avaient entendu dans la synagogue de Capernaüm, et ils purent immédiatement savoir pourquoi Jésus instituait ce sacrement et ce qu'il offrait.

Plusieurs de ses disciples l'ayant ouï, dirent entre eux : Celle parole est dure ; qui peut l'écouter ? Ils trouvent cette parole dure, parce qu'elle leur parait incompréhensible. Jésus avait déclaré que tous ceux qui ne mangeraient pas sa chair pour avoir la vie éternelle, mourraient éternellement. Ce langage leur parait intolérable, parce qu'ils n'ont pas la clef indispensable pour le comprendre : la connaissance de leurs péchés et de la dignité divine de Christ. Et comme l'une et l'autre leur manquent, ils se révoltent à la pensée de ce dépouiller complètement d'eux-mêmes pour revêtir Christ. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que, en présence de ce doux témoignage de l'Évangile : « Dieu manifesté en chair (I Tim. III, 16) », l'aveugle déraison et le coeur endurci se scandalisent et se révoltent ; car ce qui plaît à l'aveugle raison et au sens terrestre des hommes ne se trouve assurément pas dans le coeur de l'Homme-Dieu. Mais Jésus, connaissant en lui-même que ses disciples murmuraient de cela, il leur dit : Ceci vous scandalise-t-il ? Que sera-ce donc si vous voyez le Fils de l'homme monter où il était auparavant ? L'ascension de Christ fournit aux disciples la preuve que cette faiblesse de la chair, qui les avait scandalisés, il ne l'avait revêtue que par une condescendance volontaire et pleine d'amour. « Car celui qui, contrairement à la nature humaine, peut rendre sa propre chair céleste, peut aussi faire de sa chair une nourriture vivante pour les hommes. » Celui qui domine dans les cieux veut habiter en nous.

C'est l'Esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous dis sont esprit et vie. En partant ainsi, le Sauveur n'a pas en vue sa propre chair, car il vient de dire que sa chair, à lui, est une nourriture qui demeure jusqu'à la vie éternelle. Il parle ici de la chair de l'homme pécheur, celle dont il est dit : « Ce qui est né de la chair est chair » (Jean III, 6). Si la chair de Jésus eût été telle que les Juifs le pensaient, elle ne servirait réellement de rien. Cette chair portant en elle-même le germe de la mort, ne saurait donner la vie. Mais la chair de Jésus était pénétrée de l'Esprit, pénétrée de Dieu, et pouvait par conséquent donner la vie. Car l'Esprit qui émane de la personne de Jésus et dont ses actions et ses paroles sont imprégnées, est la source de la vie pour l'humanité.

Mais il y en a quelques-uns d'entre vous qui ne croient point. Car Jésus savait dès le commencement qui seraient ceux qui ne croiraient point et qui serait celui qui le trahirait. Tout le scandale causé par l'abaissement de Christ, provient de l'incrédulité du coeur. Dès le commencement, c'est-à-dire dès le moment où les disciples avaient été mis en rapport avec lui, Jésus les avait connus, parce qu'il sonde les coeurs. Il n'avait pas besoin de vivre longtemps avec eux pour les pénétrer. La société de Christ n'est en bénédiction qu'à ceux qui se donnent à lui de tout leur coeur et sans condition, et qui persévèrent dans la vigilance et dans la prière. - Et il dit : C'est à cause de cela que je vous ai dit que personne ne peut venir à moi s'il ne lui a été donné par mon Père. Jusqu'alors, ils avaient été attirés à Jésus, non par Dieu, mais par leur appétit charnel. De cette heure-là, plusieurs de ses disciples se retirèrent et n'allaient plus avec lui.

Plusieurs, non pas tous. Ces plusieurs étaient du nombre de ceux qui avaient reçu la semence sur le roc. Ils avaient d'abord accepté la Parole avec joie, mais ils étaient vacillants, et bientôt ils se scandalisèrent (Matth. XIII, 21). Après avoir été rassasiés dans le désert, ils avaient conçu l'espoir que Jésus serait pour eux un Roi qui les conduirait à la puissance et à la gloire terrestres.

C'est dans cet espoir qu'ils l'avaient suivi. Jésus, connaissant de loin leurs pensées, leur explique que la nourriture miraculeuse qu'il leur a donnée, est un signe destiné à leur faire comprendre et rechercher une autre nourriture, également miraculeuse, mais spirituelle, qui consiste dans sa chair et son sang. Ils ne pouvaient demeurer avec lui. Ils avaient été désillusionnés quant à leurs espérances terrestres. Ils lui avaient offert, ce qui à leurs yeux, constituait le bien le plus excellent, la couronne royale, et Jésus l'avait refusée. Dès lors, leur enthousiasme pour lui devait promptement se refroidir.

Nous sommes arrivés à une époque décisive de la vie de Jésus. C'est la première séparation qui s'opère parmi les disciples qui l'avaient suivi en grand nombre. En résistant aux paroles par lesquelles il leur marquait la nécessité de manger sa chair et de boire son sang, ils manifestent leurs dispositions à son égard. Le Seigneur les laisse aller, car il ne regarde pas au nombre de ses disciples, mais à leur pureté.

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