Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE II

suite

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44. Jésus et la pécheresse.

(Luc VII, 36-50.)


Le nom de la pécheresse mentionnée dans ce récit, ne nous est pas connu d'une manière certaine. On croit que c'était Marie de Magdala. Dans cette période de la vie de Jésus, nous voyons les pharisiens chercher plus fréquemment qu'auparavant à se mettre en rapport avec lui. Ils avaient probablement un sentiment plus clair de l'antagonisme qui les séparait de lui, et l'opposition hostile qu'ils lui faisaient s'accentuait de plus en plus. Toutefois le pharisien Simon, qui a invité le Seigneur à sa table, ne semble pas partager ces mauvais sentiments à son égard. Il l'a souvent entendu et a vu ses miracles, et il ne sait pas encore quelle position il doit prendre vis-à-vis de lui. Une telle personnalité lui parait trop puissante et trop grande pour ne devoir pas être prise en sérieuse considération. D'un autre côté, il y a dans la conduite de Jésus beaucoup de choses que Simon ne peut faire accorder avec les idées qu'il s'est faites du Messie. C'est pourquoi il désire s'entretenir tranquillement avec lui, dans sa propre maison. De là l'invitation qu'il lui adresse, et que Jésus accepte. Il reconnaît en lui le pharisien. Il ne voit dans le coeur de Simon aucun besoin du salut ; mais il n'y remarque non plus aucun sentiment hostile. Il espère donc pouvoir placer quelques paroles salutaires dans le coeur de son hôte et des autres convives.

Simon reçoit le Sauveur d'une manière qui répond parfaitement ses sentiments. Cette réception n'est ni grossière ni impolie ; mais elle n'est pas cordiale. L'usage exigeait que Simon saluât Jésus par un baiser, qu'il lui offrit de l'eau pour se laver les pieds, de l'huile pour s'oindre la tète ; mais évidemment il ne veut pas faire à Jésus un accueil trop empressé. Il le traite avec une politesse de grand seigneur, qui est de nature à le tenir à distance plutôt qu'à l'attirer.

Et une femme de la ville, qui avait été de mauvaise vie, ayant su qu'il était à table dans la maison du pharisien, elle y apporta un vase d'albâtre, plein d'une huile odoriférante. Et se tenant derrière, aux pieds de Jésus, elle se mit à pleurer ; elle lui couvrait les pieds de ses larmes et les essayait avec ses cheveux, et elle lui baisait les pieds et les oignait de cette huile. Cette femme était désignée dans toute la ville par l'épithète de pécheresse, parce que ses péchés étaient généralement connus. Peut-être s'était-elle attiré cette honte par une vie de débauches. Mais ses péchés pèsent sur sa conscience comme un lourd fardeau. Elle est confuse et éprouve le besoin de la grâce de Dieu. Elle avait ouï parler de Jésus ; elle savait comment il consolait les coeurs angoissés. Elle croit fermement qu'il peut lui enlever le fardeau qui pèse sur sa conscience. Elle l'a peut-être entendu lui-même, et elle veut qu'il lui dise, à elle en particulier, ce qu'il a si souvent proclamé devant les multitudes. Elle s'approche de lui et se tient à ses pieds. Elle le voit et reconnaît en lui la bonté et l'amour de Dieu. Ce regard, joint à celui qu'elle jette dans son propre coeur souillé, fait couler ses larmes, qui tombent sur les pieds de Jésus. Comme elle doit être intimidée ! Que doit-elle faire ? Quel service peut-elle lui rendre ? Promptement décidée, et n'avant rien d'autre sous la main, elle dénoue ses cheveux et en essuie les pieds du Seigneur. Et comme elle remarque qu'il ne s'irrite point, qu'il ne se montre nullement choqué, mais qu'au contraire il lui laisse entendre qu'il a compris le désir de son coeur, elle lui baise les pieds et les oint avec l'huile qu'elle a apportée.

À la vérité, cette conduite est déplacée dans cette société aristocratique. Aussi Simon la prend-il en mauvaise part. N'y aurait-il pas dans notre coeur des sentiments semblables à ceux de Simon ? N'aurions-nous pas adressé à cette pauvre pécheresse quelques paroles sévères ? Ne lui aurions-nous peut-être pas montré la porte en lui disant : « Nous ne voulons avoir aucune communication avec des gens comme toi » ? Mais Jésus, plein de cet amour qui cherche les pécheurs, reconnaît le coeur brisé qui cherche le pardon en toute sincérité. Le pharisien qui l'avait convié, voyant cela, se dit en lui-même : Si cet homme était prophète, il saurait sans doute qui est celle femme qui le touche et qu'elle est de mauvaise vie. Ici, c'est le pharisien qui a la haute main dans le coeur de Simon. Jusqu'à présent il était encore dans le doute si Jésus était un prophète ; mais maintenant il est parfaitement au clair. Si Jésus était prophète, pense-t-il, il saurait quelle espèce de femme le touche, et il ne souffrirait par ce contact impur.

Il est tiré de ces réflexions par cette question de Jésus : Simon, j'ai quelque chose à te dire : Et il dit : Maître, dis-le. - Un créancier avait deux débiteurs, dont l'un lui devait cinq cents deniers, l'autre cinquante. Et comme ils n'avaient pas de quoi payer, il leur quitta à tous deux leur dette. Dis-moi donc lequel des deux l'aimera le plus. - Simon lui répondit : J'estime que c'est celui auquel il a le plus quitté. Jésus lui dit : Tu as bien jugé. Alors, se tournant vers la femme, il dit à Simon : Vois-tu celle femme ? Je suis entré dans la maison, et tu ne m'as point donné d'eau pour me laver les pieds ; mais elle a arrosé mes pieds de ses larmes et les a essuyés avec ses cheveux ; tu ne m'as pas donné de baiser, mais elle, depuis qu'elle est entrée, n'a cessé de me baiser les pieds ; tu n'as pas oint ma tête d'huile, mais elle a oint mes pieds d'une huile odoriférante. En parlant ainsi, Jésus prouve à Simon qu'il connaît sa pensée, et que par conséquent il est prophète. Mais il ne l'est pas seulement pour Simon, il l'est aussi pour toi et pour moi, cher lecteur. Puissions-nous donc, en tout temps, faire sérieusement attention à ce qu'il a à nous dire !

Cette parabole est parfaitement claire et transparente. Simon a bien jugé, absolument comme David devant le prophète Nathan, sans le moindre pressentiment qu'en parlant ainsi, il se jugeait lui-même. Car le créancier, c'est le Seigneur, et les deux débiteurs, c'est lui-même et la femme. Cette femme a ardemment témoigné son amour au Seigneur. Chez Simon, au contraire, bien qu'il eût invité Jésus à sa table, ce sentiment fait complètement défaut : il n'a pas même été poli envers lui. D'où vient à cette femme cet ardent amour ? D'où vient qu'il est totalement absent du coeur de Simon ? Le pardon des péchés est la source de l'amour. C'est pourquoi je te dis que ses péchés, qui sont en grand nombre, lui sont pardonnés ; et c'est à cause de cela qu'elle a beaucoup aimé ; mais celui à qui on pardonne moins, aime moins. L'amour de cette femme est le fruit, c'est-à-dire le signe, et non la cause, du pardon qu'elle a obtenu..
Comme Jésus invite amicalement Simon, et par lui, nous tous, à chercher auprès de lui le pardon de nos péchés, afin que nous apprenions à beaucoup aimer ! Lors donc que nous nous surprenons le coeur froid et vide d'amour, ce récit doit être pour nous une preuve que nous n'avons pas éprouvé la joie du pardon, que quelque péché non pardonné pèse encore sur notre conscience.

Ce que cette femme avait espéré dans la foi, Jésus le lui déclare clairement : Tes péchés te sont pardonnés, ta foi t'a sauvée ; va-t'en en paix. Le Seigneur a rendu Simon attentif à l'amour de la femme et à la source de cet amour. Mais il ne faut pas qu'elle s'imagine avoir mérité le pardon de ses péchés par son amour. Voilà pourquoi le Seigneur lui déclare qu'elle l'a obtenu seulement par la foi. Et ainsi son âme est délivrée et son coeur est en paix. Cependant, examinons plus en détail la situation de cette femme. Lorsque la douleur causée par ses péchés l'amène baignée de pleurs aux pieds de Jésus, ses larmes parlent assez haut, mais elle n'articule pas une parole, pas une plainte. Lorsqu'elle se voit traitée avec mépris par le pharisien, elle ne dit pas un mot pour se justifier. Même lorsque le Seigneur la regarde avec tendresse et lui parle de consolation et de paix, aucune expression de joie ou de reconnaissance ne sort de sa bouche, mais son coeur est en repos dans l'amour de Jésus. Puissions-nous, nous aussi, être en état de dire en tout temps Quoi qu'il en soit, mon âme se repose en Dieu qui est ma délivrance (Ps. LXII, 2).



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45. Jésus guérit un possédé aveugle et sourd. Le péché contre le Saint-Esprit.

(Luc XI, 15-28 ; Matth. XII, 15-45.)

 

Jésus continue à déployer une infatigable activité à guérir les malades, tandis que les pharisiens tiennent conseil pour le faire mourir. Mais il leur échappe toujours, parce que son heure n'est pas encore venue. Au surplus, il ne se laisse pas intimider. Il défend à ceux qu'il a guéris de le faire connaître ; car il ne recherche pas la popularité. Ésaïe a très bien décrit son caractère lorsqu'il a dit de lui : Il ne contestera point, il ne criera point, et on n'entendra point sa voix dans les rues. Il ne rompra pas tout à fait le roseau froissé, et n'éteindra pas le lumignon qui fume encore. Ce qui importe à Jésus, ce n'est pas d'être loué et glorifié, mais de soulager ceux qui sont travaillés et chargés, de guérir les consciences troublées, et de consoler les coeurs brisés. Ne dit-il pas qu'il est venu non pour juger, mais pour sauver ? Le marteau de la loi a-t-il frappé et blessé un coeur ? Aussitôt le Sauveur vient avec une sainte joie guérir et consoler. Une conscience est-elle alarmée ? Lui semble-t-il en se jugeant elle-même douloureusement, que tout est perdu, qu'elle est sous le coup d'une condamnation sans miséricorde ? Voici le Seigneur qui vient, se fait connaître comme le Sauveur qui délivre son peuple de ses péchés. La source de la vie intérieure nous paraît-elle tarie, la lumière de la foi éteinte, ou couve-t-elle tout au plus comme une faible étincelle sous la cendre ? Ne nous décourageons pas, regardons à Jésus ; il sait qu'une goutte d'eau est encore de l'eau, qu'une faible étincelle est encore du feu et qu'une foi tremblante et courbée dans la poussière est encore de la foi. Le souffle de ses lèvres divines rallume le lumignon qui fume encore, et lui fait jeter une joyeuse flamme.

Jésus chassa aussi un démon qui était muet. Matthieu ajoute un détail à la parole de Luc, en nous apprenant que ce malheureux était non seulement muet, mais encore aveugle. Jésus le guérit, en sorte que celui qui avait été aveugle et muet, parlait et voyait. Le démon n'use pas de sa puissance envers tous les hommes de la même manière. Il rend les uns muets, afin qu'ils ne puissent pas reprendre le pécheur, ni confesser le nom de Jésus, ni faire entendre ses louanges dans la famille, ni faire monter des prières communes au trône de la grâce. Il rend les autres verbeux et loquaces, tellement que leur langue est comme enflammée du feu de la géhenne (Jacq. III, 6). Lorsque le Seigneur guérit ces malades, on peut dire que Satan sort, et alors le muet parle, et le babillard devient silencieux.

Ce pouvoir de Jésus sur les malins esprits, les pharisiens ne pouvaient le nier. D'innombrables faits parlaient trop haut. Alors, pour ne pas être obligés de reconnaître le Sauveur comme le dépositaire de la puissance du Dieu vivant, et pouvoir cependant expliquer les expulsions de démons qu'il opérait, ils disaient : Cet homme ne chasse les démons que par Béelzébul le prince des démons, comme s'il était lui-même en relation avec ces anges de ténèbres. C'est ainsi que la haine furieuse, que les pharisiens avaient contenue jusqu'ici, éclate publiquement. À partir de ce moment, ils se déclarent devant tout le peuple comme les ennemis de Jésus. Et Jésus profite de cette occasion pour s'expliquer plus clairement sur le règne de Satan. Le diable a sous sa domination un royaume organisé, qu'il gouverne comme prince des ténèbres. Depuis qu'il s'est écarté de la vérité, il est, lui et ses sujets, en lutte incessante avec Dieu et son royaume. Cette lutte se continue à travers les siècles, et constitue la véritable trame de l'histoire de l'humanité. Elle prendra fin avec la défaite définitive de Satan, lorsqu'il sera plongé avec la mort et le sépulcre, dans l'étang ardent de feu et de soufre (Apoc. XX, 14). C'est pour cela que le Fils de Dieu est apparu. Il est venu pour détruire les oeuvres du diable. Dès lors, quelle chose insensée de dire que le Fils de Dieu peut aider à l'accomplissement des oeuvres de Satan ! Le Fils de Dieu au service du diable ! Il faudrait d'abord admettre que le diable a vaincu le Fils de Dieu, l'a soumis à son autorité et qu'il veut détruire son propre règne pour mieux le faire fleurir.

Le Sauveur fait justice de cette absurde calomnie lorsqu'il dit : Tout royaume divisé contre lui-même sera réduit en désert, et toute maison divisée contre elle-même tombera en ruine. Si donc Satan est divisé contre lui-même, comment son royaume subsistera-t-il ? puisque vous dites que c'est par Béelzébul que je chasse les démons ? Les disciples vinrent un jour à Jésus et lui dirent : « Maître, nous avons vu un homme chasser les démons en ton nom et nous nous y sommes opposés, parce qu'il ne nous suit pas. » Et Jésus leur dit : « Ne vous y opposez pas, car il n'y a personne qui fasse des miracles en mon nom, et qui puisse en même temps parler mal de moi. Celui qui n'est pas contre nous est pour nous. » Ceci semble être arrivé plus d'une fois. Et les pharisiens étaient heureux de pouvoir dire que leurs disciples avaient la même puissance que ceux de Jésus sur le royaume des ténèbres. C'est à ces faits que le Sauveur en appelle lorsqu'il dit : Si je chasse les démons par Béelzébul, vos fils, par qui les chassent-ils ? C'est pourquoi ils seront vos juges. Mais si je chasse les démons par le doigt de Dieu, il est dont, vrai que le règne de Dieu est venu à vous. Les pharisiens tenaient pour des oeuvres de Dieu les expulsions de démons opérées par leurs disciples, tandis qu'ils attribuaient à Béelzébul les mêmes actions lorsqu'elles étaient accomplies par Jésus. C'est ce qu'on appelle résister volontairement à la vérité.

Alors le Seigneur, qui cherche aussi avec une infinie compassion les âmes des pharisiens, se voit forcé de les avertir sérieusement du danger auquel ils sont exposés. C'était le but de ces paroles : Quand un homme fort et bien armé garde l'entrée de sa maison, tout ce qu'il a est en sûreté. La maison, la résidence du diable, c'est le monde d'après cette parole de St-Jean : Nous savons que tout le monde est plongé dans le mal (I Jean V, 19). Cependant, celte résidence est plus particulièrement le coeur du pécheur, aussi longtemps qu'il ne s'est pas donné au Seigneur Jésus par la foi et par un amour plein de reconnaissance. L'homme fort et bien armé a un grand intérêt à ce que sa maison soit en repos. Car alors, sa domination n'est pas menacée. C'est pourquoi le diable veille avec le plus grand soin à ce que le coeur du pécheur ne fasse aucune réflexion sérieuse sur la sainte loi de Dieu, et repousse continuellement la pensée de l'éternité. Il maintient cet état de sécurité des coeurs, afin qu'ils soient toujours satisfaits d'eux-mêmes, et ne reconnaissent que quelques fautes ou quelques faiblesses, mais jamais des péchés qui puissent attirer la colère de Dieu. Dès lors, il n'y a ni inquiétudes ni soucis relativement au salut, ni recherches , ni méditation de la Parole de Dieu, ni aspiration à la grâce et au pardon des péchés.

Une telle paix est la paix du cimetière, la mort dans le péché, qui ne peut être détruite que par Celui qui est plus fort que l'homme fort. Cela arrive lorsque l'amour de Jésus passe de la croix dans un coeur, l'arrache à son sommeil et lui fait connaître son état. L'homme de douleur exerce sa puissance par le bras de son amour, qui est plus fort que le pouvoir de celui qui est à la fois le tentateur et l'accusateur. Mais s'il en vient un plus fort que lui, qui vainque, il lui ôte toutes les armes auxquelles il se confiait, et partage ses dépouilles. Ces armes sont les péchés non confessés et non pardonnés. Le Sauveur ôte à Satan ses armes, en pardonnant les péchés. Il affranchit ainsi l'âme asservie et la place dans la lumière du royaume de Dieu. Telle est l'oeuvre du Sauveur dans les possédés et les autres pécheurs.

Hors de Jésus, il ne peut pas plus être question de fonder le royaume de Dieu ou de recueillir les âmes pour lui, que de détruire le royaume de Satan. « Celui qui n'est pas avec moi est contre moi ; celui qui n'assemble pas avec moi dissipe. » Vis-à-vis de Jésus, on ne peut rester neutre. Il est mis, pour être aux uns une occasion de chute et aux autres une occasion de relèvement. Dans son royaume, il n'y a de place ni pour l'indifférence ni pour l'indécision. Quiconque ne se donne pas à lui, montre par cela même son inimitié. Les pharisiens croyaient, à la vérité, servir Dieu et fonder son royaume sans Jésus ; mais le Sauveur leur déclare de la manière la plus sérieuse que leur prétendue piété n'apporte aucune bénédiction, mais ne fait au contraire que les séparer et les éloigner de Dieu pour l'éternité. La maxime qui reconnaît le juste milieu, peut avoir sa valeur dans les choses de la terre ; mais dans celles de la foi, elle est désastreuse. En présence du règne de Dieu, il faut se décider : Christ ou Satan, l'amour ou l'inimitié, le ciel ou l'enfer, la vie ou la mort, la lumière ou les ténèbres, le salut ou la condamnation !

En rapportant le même discours, saint Matthieu reproduit cette parole de Jésus touchant le péché contre le Saint-Esprit, dont il exhorte les pharisiens à se garder : C'est pourquoi je vous dis que tout péché et tout blasphème sera pardonné aux hommes; mais le blasphème contre le Saint-Esprit ne leur sera point pardonné. Et si quelqu'un a parlé contre le Fils de l'homme, il pourra lui être pardonné ; mais celui qui aura parlé contre le Saint-Esprit, n'en obtiendra le pardon ni dans ce siècle ni dans celui qui est à venir. Le péché contre le Saint-Esprit ne consiste pas dans un certain acte ou dans une certaine parole, mais dans la résistance intérieure à l'action qu'il doit exercer. C'est le péché des incrédules, qui, comme Caïphe, ferment leur coeur à la foi en Jésus, et qui résistent obstinément à l'impulsion du Saint-Esprit. Mais c'est aussi le péché de ceux qui ont goûté et connu combien le Seigneur est bon, qui ont été remplis des puissances du siècle à venir, mais qui ont cessé de veiller et de prier, et dans lesquels le péché a ressaisi son pouvoir comme dans Judas ; de ceux qui, au mépris de leur expérience intime, repoussent le Seigneur Jésus volontairement et en pleine connaissance de cause, et refoulent les gracieux attraits de l'Esprit de Dieu.

D'après cette explication, on peut comprendre que tout péché, même le blasphème contre Dieu puisse être pardonné, mais que le péché contre le Saint-Esprit soit irrémissible. On a voulu voir dans cette déclaration de Jésus, contrairement aux données de l'Écriture, une suprématie du Saint-Esprit sur le Père et sur le Fils. Elle ne renferme absolument rien de pareil. Si quelqu'un prononçait une parole blasphématoire contre la personne du Saint-Esprit, elle pourrait lui être, pardonnée tout aussi bien qu'un blasphème contre la personne du Père ou contre celle du Fils, si le blasphémateur se convertissait à Jésus. Si donc le blasphème contre le Saint-Esprit ne peut être pardonné, ce n'est pas que cet Agent divin soit plus excellent que le Père et le Fils, mais parce que l'oeuvre du Saint-Esprit est d'une telle nature, qu'elle met nécessairement l'âme en demeure de se décider définitivement, soit pour la vie, soit pour la mort.

La révélation du Père et du Fils témoigne sans doute de l'insondable amour de Dieu pour les pécheurs ; mais, sans le Saint-Esprit, elle demeure hors de nous, tandis que le Saint-Esprit glorifie Jésus en nous, en ce que d'un côté, il nous montre nos péchés dans toute leur effrayante gravité, et de l'autre, nous donne l'assurance qu'ils sont pardonnés par la mort sanglante et la résurrection de Christ. Ce n'est pas là une connaissance qui nous vienne du dehors ; c'est une expérience que nous faisons nous-mêmes dans les plus intimes profondeurs de notre être moral. Sans la repentance et sans la foi au Sauveur, il n'y a point de rémission de péché : c'est ce que proclame toute l'Écriture. Mais lorsqu'un coeur s'attache à Jésus, c'est là l'oeuvre du Saint-Esprit. Si donc quelqu'un résiste à son action, il s'exclut lui-même du bénéfice du pardon, pour cette vie, et pour l'éternité. Cependant, chaque résistance à l'action de l'Esprit ne constitue pas le péché dont Jésus parle ici. Si le coeur est attiré et alléché par la convoitise et succombe à la tentation, cela ne peut sans doute avoir lieu sans une résistance aux sollicitations de l'Esprit. Cependant, ce coeur n'a fait encore que contrister l'Esprit. Ce n'est pas encore le péché contre le Saint-Esprit. Ceci est une consolation pour ceux qui croient avoir commis ce péché.

Là où il y a encore une trace de tristesse selon Dieu, et un sincère désir d'aller au Sauveur, la porte du coeur n'est pas encore fermée au Saint-Esprit. Toutefois que chacun se garde de l'attrister à la légère ! Car chaque désobéissance, chaque acte de résistance à ses impulsions, éloigne du Sauveur et est un pas de plus dans la voie qui, par l'endurcissement et l'incrédulité, sépare l'âme de Dieu pour l'éternité.

La sévère parole de Jésus avait pénétré comme une épée à deux tranchants dans le coeur des pharisiens. Ils étaient là confus devant celui qui sonde les coeurs, d'autant plus que le peuple avait tout entendu. Afin d'affaiblir les paroles du Seigneur et d'inspirer des doutes sur le droit qu'il s'arrogeait de prononcer contre eux une pareille sentence de condamnation, ils lui demandent de justifier ce droit par quelque prodige. Alors quelques-uns des scribes et des pharisiens lui dirent : Maître, nous voudrions te voir faire quelque miracle, comme s'ils ne venaient pas d'être témoins du miracle accompli sur le possédé ! ou comme si ce miracle était le premier que Jésus eût fait ! Que ne demandaient-ils un miracle pour fortifier leur foi ! Alors Jésus n'eût certainement pas manqué de le faire. Mais le désir qu'ils manifestent, n'est que l'expression de leur incrédulité. Aussi le Seigneur les appelle-t-il une race méchante et adultère parce que, par leur incrédulité, ils ont rompu le lien qui les rattachait au Dieu vivant, et il les renvoie au miracle du prophète Jonas. Car comme Jonas fut dans le ventre d'un grand poisson trois jours et trois nuits, de même le Fils de l'homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits. Les trois jours sont mentionnés pour désigner l'événement qui s'accomplit dans trois jours, savoir le séjour de Jésus dans le tombeau. Sa résurrection est le plus éclatant de tous les miracles, une confirmation de tous les autres, et le sceau de la mission qu'il a remplie de la part de Dieu. Sans doute, les miracles ne produisent pas toujours la foi ; mais ils montrent à ceux qui ont déjà cru oui qui sont disposés à croire, que leur foi repose sur un bon fondement. Quant aux incrédules, lorsqu'ils verront ce à quoi ils ont refusé de croire, le signe du Fils de l'homme sera pour eux le signe de la condamnation. En attendant, le Ressuscité n'apparaîtra pas à tout le peuple, mais la résurrection sera annoncée à tous les hommes, afin que tous puissent parvenir à la foi.

Les Ninivites s'élèveront au jour du jugement contre cette nation et la condamneront, parce qu'ils s'amendèrent à la prédication de Jonas, et il y a ici plus que Jonas. La reine du Midi s'élèvera au jour du jugement contre celle nation et la condamnera, parce qu'elle vint d'un pays éloigné pour entendre la sagesse de Salomon, et il y a ici plus que Salomon. Chaque âme convertie est pour l'âme inconvertie un exemple qui la juge et la condamne. Beaucoup de chrétiens seront un jour confondus et condamnés par des païens convertis. Lorsqu'un esprit impur est sorti d'un homme, il va par des lieux déserts, cherchant du repos et il n'en trouve point. Alors il dit : Je retournerai dans ma maison d'où je suis sorti, et étant revenu, il la trouve vide et ornée. Alors il s'en va et prend avec lui sept autres esprits plus méchants que lui, lesquels y étant entrés, habitent là, et la dernière condition de cet homme est pire que la première : il en arrivera ainsi à cette méchante race. Une rechute est tout ce qu'il y a de plus funeste. Les pires ennemis de la croix de Christ et du règne de Dieu, sont toujours ceux qui ont été une fois arrachés à la puissance des ténèbres, qui s'étaient donnés au Seigneur Jésus dans la foi, et qui sont retombés. Alors on ne retourne pas seulement à l'indifférence où l'on était précédemment, mais on tombe dans un état beaucoup pire. On est rempli d'une haine mortelle et d'une fureur persécutrice contre le Sauveur et contre tous ceux qui croient en son nom. Seigneur, ne nous induis pas en tentation !

Et comme Jésus parlait encore au peuple, sa mère et ses frères qui étaient dehors, demandèrent à lui parler. Et quelqu'un lui dit : Voilà, ta mère et tes frères sont là dehors et demandent à te parler. Les frères de Jésus ne croyaient pas en lui. Ils ne reconnaissaient pas en lui le Fils unique de Dieu. Toutefois, l'amour pour lui, comme membre de la même famille, leur inspirait des inquiétudes à son sujet. Ils craignaient qu'il ne se fatiguât trop. C'est pourquoi ils viennent, accompagnés de Marie, l'engager à se ménager.

Nous trouvons ici pour la première fois les frères de Jésus. L'Église romaine n'admet pas que le Seigneur ait eu des frères consanguins. Elle enseigne que ceux qui sont mentionnés dans l'Écriture comme frères de Jésus, n'étaient que ses cousins. Cette doctrine a pour but d'exalter la gloire de Marie et d'établir sa virginité. Cette Église croit qu'il ne convenait pas à la mère du Sauveur de s'être mariée après la naissance de Jésus et d'avoir vécu avec un homme. D'après elle, Marie est réellement restée vierge. Mais ceci ne s'accorde pas avec la Sainte-Écriture. Les évangélistes nomment l'enfant Jésus nouvellement né le premier-né de Marie (Luc II, 7). Il résulte de cette expression que les évangélistes ont connu d'autres enfants de Marie. Autrement ils l'auraient appelé son fils unique ou tout simplement son fils. L'expression son premier-né indique évidemment qu'elle eut d'autres enfants. De plus, saint Matthieu dit que Joseph ne connut point sa femme jusqu'à ce qu'elle eut enfanté son fils premier-né (Matth. I, 25). Cette expression : jusqu'à ce que n'aurait pas de sens, si Joseph n'eût pas connu sa femme, après la naissance de ce fils. Au surplus, soutenir que le célibat est un état plus excellent devant Dieu que la vie conjugale, c'est se mettre en contradiction avec l'Écriture sainte. Saint Paul appelle la doctrine de ceux qui défendent de se marier, une doctrine des démons (1 Tim. IV, 1. 2).

Mais Jésus répondit à celui qui lui avait dit cela : Qui est ma mère et qui sont mes frères ? Et étendant sa main vers ses disciples, il dit : Voici ma mère et mes frères. Car quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, c'est celui-là qui est mon frère, ma soeur et ma mère. Le Sauveur avait un ardent amour et un profond respect pour sa mère. Il l'a maintes fois prouvé, et encore en dernier lieu, lorsque, sur la croix, il lui donne un soutien dans la personne de son disciple bien-aimé. Mais, dans les travaux de sa vocation, il ne se laisse déranger ni par sa mère ni par ses frères. Car il faut qu'il soit occupé aux affaires de son Père. Ce ne sont pas ses parents terrestres qui sont le plus près de son coeur de Sauveur. Ce sont ceux qui font la volonté de son Père céleste en se donnant à lui dans la foi (Jean VI, 40). Ainsi Jésus veut se tenir près de nous comme un enfant près de sa mère, comme un frère près de son frère ! Oh ! quelle précieuse consolation ! Mon ami est à moi !

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