Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE II

suite

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28. Le Sermon sur la montagne.

(Matthieu V -VI-VII.)


Le sermon sur la montagne ne met pas sous nos yeux la loi de Dieu aggravée et renforcée, comme la condition à remplir pour entrer dans le royaume des cieux. Il nous montre les devoirs imposés à ceux qui sont déjà membres de ce royaume. Le proverbe « Noblesse oblige », a une signification plus juste dans le royaume des cieux que dans le monde. La plus haute noblesse sont les enfants de Dieu, qui sont le sel de la terre et la lumière du monde. Voilà pourquoi le sermon sur la montagne commence par nous parler de la félicité et de la gloire des enfants de Dieu. Les béatitudes sont leurs lettres de noblesse. Ces paroles sont adressées aux disciples, mais de manière cependant à être entendues par le peuple.


a) Les béatitudes.

Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux ! Heureux ! Quelle douce introduction ! Ce n'est pas une nouvelle loi, ni une nouvelle exigence, c'est un message venant du coeur de Celui qui s'appelle Jésus, c'est-à-dire Sauveur. Et cependant, si aimables, si suaves que soient les béatitudes, elles n'en ont pas moins un effet puissant, parce qu'elles sont diamétralement opposées à l'esprit et à la manière de voir du monde. Celui qui ne saurait pas encore que le christianisme est en scandale au monde, pourrait l'apprendre ici. On peut comprendre comment un vieux couple catholique fut si fort ému par ces suaves paroles. Le mari avait acheté chez un bouquiniste un Nouveau Testament sans avoir l'idée que ce livre fût la Parole de Dieu. « C'est un si beau livre ! » lui avait-on dit. Ils le lisaient un soir d'hiver. Quand le mari eut achevé les béatitudes, il devint pensif, lut une seconde et une troisième fois, et, courbant la tète, il revenait sans cesse à ces mots, dont il ne pouvait détacher les yeux. À la fin il regarda sa femme et lui dit : Femme, ou bien ce livre ment, on bien nous n'avons pas été de vrais chrétiens jusqu'à présent.

C'est qu'il est plus facile à un homme de distribuer tous ses biens aux pauvres que de devenir pauvre en esprit. Ceux que le Seigneur appelle heureux ne sont pas les pauvres en argent on en biens de la terre ; mais ceux qui ne voient en eux-mêmes aucun mérite, aucune justice, et qui ne trouvent dans le monde ni consolation ni paix ; ceux qui viennent à Dieu avec un coeur pauvre et vide, afin qu'il le remplisse. Les mendiants spirituels, voilà les seuls qui soient heureux. Cela semble si facile et cependant cela coûte tant ! Cela ne coûte pas moins que le renoncement à soi-même, le renoncement à l'orgueil naturel. Depuis que l'homme a ajouté foi aux paroles du père du mensonge : « Vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal », son coeur n'a plus besoin de lumière sur les choses de Dieu, il sait tout ; il comprend tout ; il est plein de lui-même, de sa propre sagesse. Dès lors, le royaume des cieux ne trouve plus aucune place dans son coeur.

Pauvres en esprit ! Ce sont ceux qui ne trouvent rien de bon en eux-mêmes et qu'un tel sentiment tourmente. Si tu es heureux de posséder la grâce de Dieu, et que cependant tu te demandes : À quoi dois-je cette faveur ? » Si, malgré la salutaire action de l'Esprit de Dieu en toi, tu aspires cependant à la grâce, comme le brigand sur la croix, c'est là la pauvreté en esprit. Si lé Seigneur se sert de toi comme instrument de son amour, s'il te fait expérimenter qu'il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir, nourrissant par ton moyen ceux qui ont faim, désaltérant ceux qui ont soif, vêtant ceux qui sont nus et consolant les affligés, et que cette conduite t'attire des louanges, si tu crois véritablement que tu n'en mérites aucune, parce que ta main gauche ignore ce que ta droite a fait, c'est la pauvreté en esprit.

Et les pauvres en esprit sont heureux. Ils ne doivent pas seulement le devenir. Ce sont des vases préparés pour recevoir la grâce du royaume des cieux, qui comme les eaux terrestres, se répandent seulement dans les profondeurs. La pauvreté en esprit est en un mot l'état d'un homme qui a la conscience d'être un pauvre pécheur, précisément le contraire du pharisaïsme.

Heureux ceux qui sont dans l'affliction, car ils seront consolés. Où sont les hommes qui traversent la vie sans verser des larmes ? Doivent-ils tous être consolés ? Oui ! qu'ils viennent tous, ces coeurs courbés sous leurs fardeaux, brisés par la douleur. Qu'ils viennent tous à Jésus. Il ne met dehors aucun de ceux qui viennent à Lui. Même si tu ne souffres que de maux corporels, viens aussi à Jésus, mais viens véritablement, personnellement. Auprès de lui, ta douleur sera sanctifiée, en sorte que tu deviendras accessible à ses consolations.

Cependant ces paroles ne signifient pas que tous ceux qui ont des afflictions ici-bas doivent nécessairement être consolés dans l'éternité. Ceux qui auront souffert ici-bas sans Jésus, ne seront pas consolés dans la vie future ; mais ils subiront une peine sans fin. Lorsque le Seigneur proclame heureux, déjà sur la terre, ceux qui sont dans l'affliction, il a en vue la tristesse selon Dieu, qui produit une repentance à salut dont on ne se repent jamais. La tristesse du monde qui produit la mort, ne considère que les conséquences matérielles du péché. La tristesse selon Dieu est causée par le péché lui-même, non pas seulement dans quelques-unes de ses manifestations, mais dans sa source, dans le coeur qui veut toujours suivre sa propre voie. Cette affliction, qui contient déjà le salut, est née en Golgotha. Sur la croix, Jésus te dit : « Voilà ce que j'ai fait pour toi ; et toi, qu'as-tu fait pour moi ? » Si cette question te fait baisser les yeux et que tu éprouves une véritable douleur de ne pas aimer assez Celui qui t'a tant aimé ; c'est là l'affliction qui rend heureux. De plus, le Fils de Dieu a apporté sur la terre la faculté de souffrir pour les péchés des autres. En voyant l'endurcissement de Jérusalem, il pleura sur elle ; il a été affligé de l'incrédulité de ses ennemis, parce qu'ils ne voulaient pas penser aux choses qui appartiennent à leur paix. Quiconque a l'Esprit de Jésus connaît par expérience ces larmes, cette douleur. Il ne juge pas ; il ne condamne pas le monde à cause de son incrédulité ; il prie pour lui et porte sa douleur.

Être dans l'affliction et pourtant être heureux ! L'homme naturel ne peut pas comprendre cela. Et cependant, même dans les souffrances terrestres, il en est une qui ronge le coeur, et qui ne se conçoit néanmoins pas sans un certain bonheur mélancolique. C'est la nostalgie. Quiconque est atteint de ce mal, languit et dépérit peu à peu. La vue d'une telle souffrance fait pitié. Toutefois un coeur atteint de nostalgie peut se dire estimé heureux, comparé, à ces êtres infortunés qui n'ont point de chez-soi, pas de maison paternelle, qui n'ont pas un lieu où l'on pense à eux, où ils soient attendus. Tous ceux-là ignorent la douleur rongeante de la nostalgie. Combien ne seraient-ils pas plus heureux s'ils la connaissaient ! Le monde ignore aussi la douleur que causent à l'homme ses propres péchés et les péchés des autres, mais cette ignorance ne le rend pas heureux. S'il la connaissait, il ne serait plus le monde ; il compterait parmi les enfants de Dieu qui aspirent, dès ici-bas, à entrer dans la demeure céleste. Celte béatitude du Seigneur pourrait donc se traduire ainsi : Heureux ceux qui ont la nostalgie, car ils verront la maison paternelle !

Heureux les débonnaires, car ils hériteront la terre. Ce qui est promis au Psaume XXXVIle, aux croyants de l'Ancien Testament : que les débonnaires hériteront la terre, Jésus l'applique ici aux citoyens du royaume des cieux, et leur donne l'assurance que ceux qui sont ici-bas méprisés et opprimés par le monde, remporteront cependant la victoire. Le coeur des pauvres en esprit, qui mènent deuil sur leurs péchés, ne se plaint pas en disant : « En quoi l'ai-je mérité ? » Il se tait. et se laisse châtier. Nous avons, disent-ils, ce que nous avons mérité. Un coeur ainsi disposé s'humilie sous la puissante main de Dieu, et apprend à dire avec David : Je le rends grâces, ô Dieu, de ce que tu m'as fidèlement châtié ! C'est ainsi que nous recevons avec douceur la Parole qui est plantée en nous. Même lorsque les hommes nous font tort et nous offensent, notre coeur demeure calme et ne s'irrite point. La vraie humilité et l'affliction supportées de bon coeur, tuent l'ambition et l'égoïsme, et se manifestent extérieurement sous les traits de cette débonnaireté à laquelle l'héritage de la terre est promis. La promesse de l'héritage a aussi pour objet les biens à venir. Dans le royaume de la gloire, les débonnaires hériteront de la nouvelle terre et de la domination avec Christ. Tout est à vous le présent et l'avenir, la terre et le ciel, et ici-bas déjà, une vie paisible, que l'agitation du monde ne saurait troubler. Quand l'Éternel prend plaisir aux voies d'un homme, il apaise même envers lui ses ennemis. Cela est vrai, surtout des débonnaires.

Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés. Assertions qui paraissent des contradictions, problèmes qui pour l'esprit mondain, sont obscurs et insolubles. La faim est un tourment, la soif est une souffrance pour le coeur humain, aussi longtemps qu'il n'a pas été brisé par la repentance. Et ici le Sauveur parle d'une faim et d'une soif qui portent en elles la félicité ! Tout coeur d'homme a faim et soif. Le coeur mondain a soif de biens terrestres, de bien-être, d'honneurs. Mais on peut dire de ces choses, ce que Jésus disait à la Samaritaine : « Quiconque boira de cette eau, aura encore soif. » Ces objets sont incapables d'étancher la soif du coeur. Ils sont plutôt une eau salée, qui augmente la soif.

Il arrive à l'incrédule, ce qui arrive à l'homme qui, ayant faim, rêve qu'il mange, mais quand il est réveillé, son âme est vide ; et à celui qui, ayant soif, rêve qu'il boit, mais quand il est réveillé, il est las et son âme est altérée (Esaïe XXIX, 8). Après de courts moments d'un rassasiement illusoire, vient l'indigence éternelle et la soif inextinguible du mauvais riche. Les enfants de Dieu ont soif de Dieu, du Dieu vivant lui-même. Ils aspirent à voir sa face en justice (Ps. XLII, 3 ). Ils ont faim et soif de l'aliment du royaume de Dieu qui s'appelle la Justice.

Ils seront rassasiés. Naturellement il n'est pas question ici de la satiété du Laodicéen, qui disait : « Je suis riche, je me suis enrichi et je n'ai besoin de rien. » Il y a un rafraîchissement fortifiant, qui n'éteint pas la soif de la communion d'amour avec le Seigneur, car il demeure toujours vrai que plus on aime le Sauveur, plus on sent combien on devrait l'aimer. C'est la bienheureuse expérience de cette promesse du Seigneur : « Je suis venu, afin que mes brebis aient la vie et qu'elles l'aient même avec abondance (Jean X, 10).

Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. Il convient de remarquer ici que les béatitudes se rattachent l'une à l'autre comme les anneaux d'une chaîne tiennent l'un à l'autre. Chacune ne peut être bien comprise, que si on l'étudie dans sa liaison avec l'ensemble. La miséricorde qui est proclamée bienheureuse n'est pas une disposition du coeur inconverti. On ne peut la trouver que chez ceux qui ont obtenu miséricorde, chez les pauvres en esprit ; chez ceux qui sont affligés ; chez ceux qui ont faim et soif de justice, et dont la faim et la soif ont été apaisées par le pardon de leurs péchés. Le coeur impénitent est égoïste, et, croyant n'avoir besoin d'aucune grâce, il est froid et indifférent aux besoins du coeur et de l'âme de son prochain. Tous les coeurs animés des sentiments de Caïn disent comme lui : « Suis-je le gardien de mon frère ? » C'est pourquoi aussi les sacrificateurs et les anciens d'Israël repoussèrent durement Judas, qui était dévoré de remords, en lui disant : « Que nous importe ? tu y pourvoiras. » Mais celui à qui il a été beaucoup pardonné, aime beaucoup et a pitié de ceux qui souffrent. On n'apprend la miséricorde, qu'auprès de Celui qui, ému de compassion envers nous, a souffert pour nous jusqu'à la mort.

Car ils obtiendront miséricorde. Le serviteur auquel le Roi du ciel avait remis toute sa dette, accepta la miséricorde comme une proie ; mais il n'en fit point bénéficier son compagnon de service. Il voulait bien jouir de la miséricorde, mais il refusait de l'exercer. C'est pourquoi la miséricorde lui fut retirée et le paiement intégral de sa dette, fut exigé de lui. Mais ceux qui usent de compassion obtiendront miséricorde dans le temps et dans l'éternité. La foi égoïste, qui ne cherche la miséricorde de Dieu que pour elle-même, et qui refuse de l'exercer envers les autres, est funeste et sans paix. Mais les miséricordieux obtiennent déjà dès ici-bas l'effet de la promesse : Si tu partages ton pain avec celui qui a faim, que tu fasses venir dans ta maison les étrangers qui sont errants, et que quand tu vois celui qui est nu, tu le couvres et que tu ne te caches point de ta propre chair, alors la lumière éclora comme l'aube du jour, et la guérison germera incontinent ; la justice ira devant toi, et la gloire de l'Éternel sera ton arrière-garde (Ésaïe LVIII, 7. 8).

Ici se trouve la solution d'un problème de la vie chrétienne : c'est que beaucoup de croyants ne jouissent pas d'une véritable paix et ne parviennent pas à une joie réelle, en sorte qu'ils n'appartiennent pas à ce peuple heureux, qui a sujet de jeter des cris de réjouissance à l'Éternel (Ps. LXXXIX, 16). Leur foi est une lumière qui est placée sous le boisseau, et ne projette aucun rayon de miséricordieux amour. Si leur vie était une manifestation éclatante de cet amour miséricordieux, leur lumière éclorait comme l'aurore, et leur coeur apprendrait à jeter des cris de joie.

Heureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu. C'est là une parole sérieuse, qui a bien souvent rempli d'inquiétude et d'angoisses le coeur de chrétiens fidèles. Cependant il est évident que le Sauveur ne proclame pas heureux le coeur naturellement pur. car parmi les impurs nul, n'est pur ; et tous sont obligés de s'écrier : Je suis un homme souillé de lèvres et j'habite parmi un peuple souillé de lèvres (Ésaïe VI, 5).

Quel chrétien oserait se joindre aux enfants du monde, qui, lorsque leurs péchés sont ostensiblement châtiés, se consolent en disant : « Il y a sans doute des taches dans ma vie, mais mon coeur est pur. » Erreur ! Non seulement la conduite est pleine d'impureté ; mais aussi le coeur est entaché de mauvaises convoitises, d'égoïsme, d'ambition, sans véritable crainte de Dieu, sans amour pour le prochain, amateur de vanités.

Le coeur proclamé heureux est donc, non celui qui serait pur de sa nature, mais celui qui a été purifié par la grâce de Dieu et par l'action bien édifiante du Saint-Esprit. C'est le coeur des pêcheurs reçus en grâce qui ont éprouvé les effets de la miséricorde divine par le pardon de leurs péchés, et qui, remplis d'un ardent désir de se purifier, répètent avec ferveur cette supplication du Psalmiste : « Oh ! que mes voies soient bien réglées pour garder tes statuts (Ps. CXIX, 5) ! »
Cet ardent désir pousse chaque jour l'âme à rechercher la sanctification, sans laquelle nul ne verra le Seigneur (Héb. XII, 14). Mais c'est une douleur journalière pour tout coeur chrétien, de sentir que, malgré nos combats, le péché est toujours attaché à nous, nous rend paresseux pour toute espèce de bien, et que nous sommes si souvent vaincus par lui. D'un autre côté, cette connaissance nous entretient dans l'humilité et nous préserve de l'illusion qui nous persuaderait que nous avons déjà atteint la perfection. Elle nous force de purifier toujours de nouveau, par la foi, nos coeurs, dans le sang du Fils de Dieu.

Oui, heureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu. Le coeur pur, c'est-à-dire le coeur qui cherche et trouve chaque jour le pardon de ses péchés dans le sang de l'Agneau et qui y lave ses vêtements, - le coeur pur est l'oeil qui contemple Dieu. Chaque péché non pardonné, rend le coeur aveugle et trouble la joie de la prière. Le coeur humain, impénitent et impur, ne voit autour de lui que la poussière de la terre, et au-dessus de lui que vapeur et brouillard. Si le coeur est comme la mer agitée, dont les flots ne jettent que de la vase et du limon, il ne peut ni contempler ni connaître Dieu, malgré toute sa science et toute sa connaissance.
Tandis que le coeur purifié par l'amour de Dieu, devient un miroir qui reçoit les rayons de la face de Dieu en Jésus-Christ.

Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés enfants de Dieu. Lorsque le Seigneur nous console dans les afflictions que nous causent nos péchés, et nous fait expérimenter les effets de cette parole : La paix soit avec vous, c'est déjà réellement une béatitude. Mais il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir. Les biens du ciel ne nous rendront jamais véritablement heureux, si nous ne pouvons les communiquer à d'autres.

La grande joie pour l'enfant de paix, c'est de pouvoir apporter et établir la paix parmi les hommes. Là où des coeurs ont été divisés et irrités par de mauvaises langues, les enfants de paix répandent leur semence de paix par de bonnes paroles, et réparent autant que possible le mal qui a été fait. Mais ils ont mieux à faire que d'amener les hommes à se supporter les uns les autres avec douceur. Ils s'efforcent de faire connaître la paix de Dieu aux coeurs qui en sont privés. C'est là un saint et bienheureux effort. C'est pourquoi ceux qui le font sont appelés enfants de Dieu. Ils sont engendrés par la divine semence de la nouvelle naissance, une étincelle de la flamme divine. Leurs divins traits de famille doivent être reconnus déjà sur la terre, par tous ceux qui ont les yeux sains. Mais c'est dans le ciel que leur nom d'enfants de Dieu brillera sur leur front comme une étoile divine. Les saints anges et les bienheureux les salueront comme enfants de Dieu, et on verra la réalisation de ces paroles de l'Apocalypse (XXII, 3. 4.) : Ses serviteurs le serviront, ils verront sa face et son nom sera écrit sur leurs fronts.

Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des cieux est à eux. Le monde ne veut pas faire sa paix avec Dieu. Il repousse loin de lui les messagers de paix. Lorsque les pécheurs ne veulent pas se laisser déranger dans leur funeste manière de vivre ; lorsqu'ils refusent de se rendre aux invitations des enfants de paix, d'être justifiés devant Dieu par la repentance et par la foi au Prince de la paix, ils répondent à ces exhortations pleines d'amour, par la persécution. Malgré cela, lorsque les martyrs ont eu à souffrir pour la justice, ils étaient cependant heureux. Les consolations du royaume des cieux restauraient leur âme au milieu des plus horribles tourments corporels, en sorte qu'ils purent non seulement rester fidèles jusqu'à la mort, mais encore chanter joyeusement des cantiques de louanges. Ici le Sauveur a surtout en vue les disciples, qui subiront les premiers le choc de l'inimitié du monde.

Vous serez heureux lorsqu'à cause de moi on vous dira des injures, qu'on vous persécutera et qu'on dira faussement contre vous toute sorte de mal. Réjouissez-vous alors et tressaillez de joie, parce que voire récompense sera grande dans les cieux, car ils ont ainsi persécuté les prophètes qui ont été avant vous. On a dit que la haine du monde est la marque distinctive du chrétien. Elle est le sceau que le monde appose sur leur vocation et leur élection célestes. Cependant, ce ne sont pas les souffrances et les persécutions en elles-mêmes qui font les martyrs, ce sont les causes de ces persécutions et de ces souffrances. Lorsque les hommes disent de nous un mal qui est vrai, et qu'à cause de cela nous sommes injuriés et persécutés, ceci n'est assurément pas une béatitude. Mais lorsque le mal qu'ils disent de nous est faux ; lorsque le motif de leurs injures et de leurs persécutions n'est autre que la confession que nous faisons du nom de Christ, par nos paroles et par notre conduite, ceci est en tout cas une béatitude. Les injures que nous souffrons pour Christ, constituent le plus grand honneur qu'un chrétien puisse obtenir et une précieuse garantie de sa foi. Ceux qui sont persécutés pour le nom de Jésus, voient entre les pierres d'un monde qui les lapide, le ciel ouvert et le Fils de l'homme assis à la droite de Dieu. Ce regard jeté sur la gloire de Dieu, les rend en toutes choses plus que vainqueurs. Grâce à ces persécutions, les disciples se trouvent en communion avec les prophètes, qui ont eu à souffrir pour le même témoignage.

Lorsque l'impératrice Eudoxie cherchait à mettre à mort le vénérable père de l'Eglise, Chrysostôme, il disait : « Si l'impératrice veut me faire scier, qu'elle le fasse. » La même chose est arrivée au prophète Esaïe. Veut-elle me faire jeter à la mer ? je penserai au prophète Jonas. Veut-elle me faire brûler dans une fournaise ? je souffrirai avec les trois hommes de Dieu. Veut-elle me jeter aux bêtes ? je me souviendrai de Daniel dans la fosse aux lions. Veut-elle me faire décapiter ? j'aurai pour compagnon Jean-Baptiste. Veut-elle me faire lapider ? Qu'elle le fasse ; saint Étienne n'a pas été mieux traité. »

On peut reconnaître dans les béatitudes un ordre, une gradation qui nous montre le commencement, les progrès et la consommation de la Justice chrétienne. Le commencement est opéré par une humble connaissance de soi-même et une sainte tristesse dans nos rapports avec Dieu et avec les hommes (v. 3-5). Le progrès consiste dans un effort sérieux pour réaliser la justice devant Dieu, dans l'exercice de la miséricorde, dans la pureté du coeur et dans la tendance à procurer la paix (v. 6-9). La consommation se caractérise par la patience sous la croix pour l'amour de Jésus (v. 10-12). L'ensemble est une chaîne d'or de béatitudes, depuis le premier anneau jusqu'au dernier. C'est une véritable échelle de Jacob, dont le premier échelon s'appuie sur la terre, et dont le dernier touche le ciel. Aucun degré ne doit être négligé ; aucun échelon ne doit manquer. C'est pourquoi ces béatitudes ne sont pas au fond différentes l'une de l'autre; c'est une seule et même béatitude considérée sous différentes faces. Seulement, il ne faut pas regarder les premiers degrés comme un simple passage. La pauvreté en esprit et la tristesse selon Dieu, sont les traits fondamentaux du caractère chrétien.

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