Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE II

suite

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L'activité publique de Jésus.

B. L'activité de Jésus en Galilée.

24. Emprisonnement de Jean-Baptiste.


Jean-Baptiste a été arrêté et enfermé dans la forteresse de Macherus (château fort, habité par Hérode Antipas) ! telle fut la nouvelle qui parcourut le pays comme un message de terreur. - Pour quel motif ? - Sans aucune crainte des hommes, Jean-Baptiste avait hardiment dit au roi Hérode : Il ne t'est pas permis d'avoir la femme de ton frère (Matth. XIV, 3. 4).
Le roi écoutait d'ailleurs volontiers le prédicateur du désert et suivait ses avis en beaucoup de choses. Mais il ne voulait pas être repris au sujet de l'adultère dans lequel il vivait, et il avait fait mettre sous les verrous le censeur importun.
C'est que Jean-Baptiste ne faisait aucune acception de personnes. Il ne considérait pas les hommes au point de vue de leur rang ou de leur position dans le monde ; mais uniquement au point de vue de leur situation vis-à-vis du Dieu saint et de leurs pêchés. C'est pourquoi il avait repris Hérode comme il aurait repris le dernier du peuple, et supportait avec une courageuse confiance les souffrances que cette conduite lui attirait.

Comme cette nouvelle dut effrayer ceux qui adoraient Dieu en silence dans Sion ! Plusieurs se dirent sans doute : « Maintenant tout est perdu ! » Cependant Jean-Baptiste n'était que l'avant-coureur du sauveur. Les choses se passent toujours ainsi dans l'histoire du règne de Dieu. Il n'y a jamais qu'un homme qui soit pour ainsi dire le fondé de pouvoirs du Dieu vivant auprès du peuple. Ainsi, lorsque Moïse eut accompli sa tâche, Josué prit sa place ; lorsqu'Élie eut fourni sa carrière, Élisée continua son oeuvre. On aurait pu croire que pour le Sauveur les choses auraient dû se passer autrement. Comme Fils de Dieu, n'aurait-il pas dû commencer son oeuvre, aussitôt après avoir été consacré par son baptême dans le Jourdain ? Mais son humilité ne lui permettait pas de se mettre en avant. Il remplissait sa mission, non pas sous Jean-Baptiste, mais à côté de lui. Il ne devait en prendre la direction unique que lorsque son heure serait venue. Or, cette heure vint avec la nouvelle de l'emprisonnement de Jean-Baptiste. Alors Jésus transporta son activité en Galilée, du moins pour le moment.

Le peuple de cette contrée n'était pas en grande estime à Jérusalem. et dans la Judée. À cause des rapports fréquents et du mélange des Galiléens avec les païens, on appelait leur province « la Galilée des Gentils (païens) ». Même dans le Sanhédrin on avait accueilli le préjugé qu'aucun prophète n'était venu de la Galilée, bien que ce préjugé fût contredit par l'histoire. Jonas et Nahum étaient Galiléens.

Ce mépris et ce préjugé provenaient de ce que le peuple de la Galilée s'était toujours montré libre et indépendant de la puissante influence du Sanhédrin de Jérusalem. Les Galiléens étaient des hommes plus simples, au coeur plus ouvert, et beaucoup moins soumis aux traditions humaines que la population de Jérusalem et de la Judée.

On peut déjà reconnaître cela à la manière différente dont Jésus parlait aux uns et aux autres. Lorsqu'il parle aux Galiléens, il s'exprime d'une façon plus simple et plus populaire. Il emprunte ses images aux lis des champs, au semeur, au filet jeté dans la mer. Tandis qu'à Jérusalem, il peut entrer toujours plus profondément dans le mystère de sa personne divine et humaine. On pourrait presque dire qu'il parlait là le langage théologique. D'un autre côté, le caractère galiléen avait aussi ses ombres. Le manque de sérieux et une capricieuse mobilité (Matth. XI), mettront Jésus dans le cas, malgré le bon accueil qu'ils lui avaient fait d'abord, de crier « malheur » précisément sur les villes où il avait fait le plus de miracles.

Jésus choisit Capernaüm pour son domicile fixe (Matth. IV, 13). C'est pour cela qu'on la nommait sa ville. C'est là qu'il acquittait l'impôt du temple ; c'est là qu'il revenait toujours après ses tournées de prédication dans toute la contrée. De Capernaüm, il se rendit d'abord à Nazareth, son lieu natal, où il avait passé sa jeunesse.



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25. Jésus à Nazareth.

(Luc IV, 16-30.)


 Jusqu'à présent, le Sauveur a trouvé partout des coeurs ouverts. Le bruit de ses miracles s'était répandu dans toute la contrée. Il était honoré de chacun (Luc IV, 15). Toutefois il ne fallut pas beaucoup de temps pour que sa personne et son Évangile devinssent l'objet d'une haine mortelle.
La douceur et les consolations de la Parole de Dieu plaisent à tous, mais on repousse aigrement ses censures. Ainsi Jésus vint à Nazareth où il avait été élevé, et il entra, selon sa coutume, le jour du sabbat, dans la synagogue et se leva pour lire.

Que de fois il avait été assis là, pour écouter la Parole de Dieu ! Aujourd'hui, il n'est pas venu pour écouter, mais pour prêcher. Lorsqu'il se fut levé pour montrer qu'il voulait lire et expliquer le passage de l'Écriture désigné pour ce jour, on lui présenta le livre du prophète Ésaïe, et l'ayant ouvert, il trouva l'endroit où il est écrit : L'Esprit du Seigneur est sur moi, c'est pourquoi il m'a oint ; il m'a envoyé pour annoncer l'Évangile aux pauvres, pour renvoyer libres ceux qui sont dans l'oppression ; pour publier l'année favorable du Seigneur (Ésaïe LXI, 1. 2). Ce texte était bien celui qui convenait à Jésus pour sa première prédication dans sa ville natale. Comme son coeur dut être ému en voyant assis devant lui ses amis, ses voisins, ses compatriotes qu'il avait fréquentés journellement, avec lesquels il avait échangé tant de paroles et de poignées de main ! Et les yeux de tous étaient arrêtés sur lui, dans l'attente de ce qu'il allait dire.

Que de paroles de consolation et d'exhortation ne leur avait-il pas adressées autrefois ! que de prières n'avait-il pas fait monter vers son Père en leur faveur ! Maintenant il est assis devant eux comme Sauveur. Son coeur plein d'amour brûle de leur donner ce qu'il a lui-même, sa paix, la joie du royaume de Dieu.

Cette parole de l'Écriture est accomplie aujourd'hui, et vous l'entendez. Comme son âme eût débordé d'allégresse si ses auditeurs étaient venus à lui pauvres, afin qu'il les enrichit ; aveugles, afin qu'il leur rendit la vue ; oppressés, afin qu'il les affranchit et les délivrât ! Oh ! comme il les aurait comblés de la paix, de la joie, de la félicité divines qu'il tenait en réserve pour eux !

Mais que faut-il entendre par l'année favorable du Seigneur ? Déjà le sabbat d'Israël était une promesse que l'histoire de ce peuple devait, comme la semaine, se terminer en Dieu et dans son Paradis. Au sabbat hebdomadaire, Dieu ajouta l'année sabbatique. Tous les sept ans, la terre ne devait pas être cultivée, mais jouir d'une espèce de repos d'Eden. Lorsque sept semaines d'années s'étaient écoulées, venait la cinquantième année, qui était l'année du grand « jubilé » et des restitutions, dans laquelle ceux qui s'étaient appauvris, rentraient en possession de leurs biens ; les dettes étaient remises aux débiteurs ; ceux qui avaient été réduits à l'esclavage recouvraient leur liberté. L'année du jubilé, l'année du Seigneur, signifiait qu'Israël devait être le peuple du Seigneur. Elle devait rappeler la future délivrance de tout péché et de tout mal, la restauration tant désirée de la félicité du Paradis, accordée par le fidèle Jéhovah, le Dieu de l'alliance, le médecin et le sauveur d'Israël.

L'année favorable du Seigneur était donc le temps où Dieu répandrait sur son peuple la plénitude de sa grâce et de sa miséricorde, et par son moyen, sur tous les peuples de la terre. C'est l'année que l'apôtre nomme « les temps de rafraîchissement de la part du Seigneur » (Act. III, 20). Ainsi, lorsque Jésus de Nazareth déclare que la prophétie d'Ésaïe est accomplie en sa personne, il témoigne par là qu'il est venu non seulement pour affranchir du péché, mais encore pour délivrer de toutes les conséquences du péché : des souffrances, des maladies, des misères de toute espèce, et que dans son règne, les différences entre le riche et le pauvre, entre le noble et l'homme de bas état, ne seront pas supprimées, mais que la haine et les rivalités des diverses classes, provoquées d'une part par l'envie et la jalousie, et d'autre part par l'orgueil et la dureté. seront vaincues par un esprit de généreux amour.

Quel résultat ont eu les paroles pleines de grâce qui sortaient de la bouche de Jésus ? L'étonnement. De cette manière le Sauveur n'aurait eu aucun succès, et ses auditeurs, aucun avantage. Il n'est pas venu pour exciter l'étonnement, mais pour chercher et sauver ce qui était perdu. Peu à peu, au contraire, l'envie et la haine s'éveillèrent dans le coeur de ses auditeurs. Dans sa jeunesse, ils avaient aimé l'aimable et doux charpentier. Mais comme on considère toujours dans le monde ceux qui prennent au sérieux la foi au Dieu vivant, comme des gens manquant d'intelligence et de capacités, de même on avait regardé Jésus comme un bon, mais insignifiant jeune homme, qui ne ferait pas son chemin d'une manière bien brillante. Sans doute, ils s'étaient grandement étonnés de le voir jouir d'une telle réputation hors de leur pays. Mais maintenant il est au milieu d'eux et leur annonce la Parole de Dieu. Ils sentent que sa parole pleine de grâce fait impression sur leur coeur et leur conscience, c'est un moment décisif. La porte du royaume des cieux s'ouvre devant eux. - Mais ils ne veulent pas y entrer. N'est-ce pas le fils de Joseph, disent-ils ? Peut-il nous apporter ce que le prophète nous a promis ? Et s'il est réellement ce qu'il prétend être, pourquoi ne s'est-il pas hâté d'accomplir parmi nous les oeuvres qui, ailleurs, lui ont acquis tant de gloire ?

Mais avant qu'ils aient exprimé ces pensées, Celui qui sonde les coeurs les devance. Vous me direz sans doute ce proverbe : Médecin guéris-toi toi-même ; fais dans ta patrie tout ce que nous avons ouï dire que tu as fait à Capernaüm. - Je vous dis en vérité que nul prophète n'est reçu dans son pays. Ah ! certainement, que l'on admire un jeune compatriote qui s'entend à faire fortune, ou qui se distingue par sa force et son intelligence, cela se comprend, mais qu'on le reconnaisse comme un prophète, c'est-à-dire comme un homme auquel Dieu s'est révélé une manière toute particulière, cela est inadmissible.

Les prophètes Élie et Élisée ont aussi expérimenté l'amère vérité de ce proverbe. Eux aussi furent méprisés du peuple corrompu au milieu duquel ils vivaient. C'est pourquoi les puissances divines dont ces prophètes étaient dépositaires, ne se déployèrent pas en faveur des veuves et des lépreux qui étaient alors en Israël ; mais en faveur d'une veuve païenne de Sarepta, et d'un officier païen : Naaman le Syrien. Les Israélites de ce temps-là auraient aussi pu dire aux prophètes : Faites aussi les mêmes choses dans votre pays. Mais ces hommes de Dieu ne le pouvaient pas à cause de l'incrédulité qui régnait parmi le peuple. C'est pourquoi Jésus ne s'étonne nullement d'être ainsi traité dans sa ville natale.

Ces exemples tirés de l'histoire d'Israël, montrent aux Nazaréens que la défaveur avec laquelle un prophète est reçu dans sa patrie, est préjudiciable, non pas au prophète, mais à ses compatriotes. La confusion dont le Sauveur les couvre, en les comparant aux païens, leur va au coeur. « Il tient avec les païens ! il nous préfère les païens ! » Cette pensée excite leur colère. Et comme leur religion consiste principalement dans la conviction d'être le peuple préféré de Dieu, les paroles de Jésus, qui plaçait les païens au-dessus d'eux, étaient à leurs yeux un blasphème. C'est pourquoi, s'étant levés, ils le mirent hors de leur ville, et le menèrent jusqu'au sommet de la montagne sur laquelle leur ville était bâtie pour le précipiter. Mais, l'heure de mourir n'était pas encore venue pour lui - et humble comme un enfant, mais en même temps avec une majesté divine, il s'en alla au travers de cette foule furieuse, et personne n'osa mettre la main sur lui. Nazareth a méconnu le temps auquel elle a été visitée. Il est venu, chez les siens, et les siens ne l'ont point reçu !



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26. Puissance de Jésus sur les esprits malins.

(Marc I, 21 ; Luc IV, 31.)


L'incrédulité a osé nier la réalité des possessions, malgré les témoignages des saintes Écritures. On prétend que Jésus s'est accommodé aux illusions des malades, pour les guérir comme on le fait pour les fous. Cette assertion n'a aucun fondement, attendu que Jésus n'a pas traité ces malades comme des possédés seulement en leur présence, mais aussi lorsqu'il en parlait au peuple et même à ses disciples. On a dit aussi que Jésus aurait adopté les idées qui régnaient alors sur ces maladies, pour ne pas heurter l'opinion reçue. De telles concessions à des vues qu'il reconnaissait comme fausses, ne s'accordent guère avec sa véracité. D'ailleurs, le Sauveur n'a jamais craint de s'élever contre les erreurs et les préjugés populaires. D'autres, poussant l'incrédulité plus loin, prétendent que Jésus était tout à fait sincère en parlant des possessions, qu'il y croyait réellement, parce que, comme enfant de son siècle, il partageait cette erreur. Vraiment, on ne sait si l'on doit s'indigner à l'ouïe d'un pareil blasphème, ou sourire à la pensée que le Fils unique du Père doive aller à l'école des savants du dix-neuvième siècle pour se faire examiner sur ses erreurs. Nous laissons volontiers un tel Sauveur aux libres penseurs.

Que les démoniaques se rencontrent beaucoup plus fréquemment à l'époque de Jésus que dans les temps postérieurs, cela s'explique par le caractère particulier de cette époque. C'était un temps de décomposition, de détresse spirituelle et corporelle. L'ordre ancien s'écroulait et l'attente de quelque chose de nouveau remplissait les esprits, qui avaient reconnu le néant de la foi aux anciens dieux, et qui, ayant été induits en erreur de tant de manières, ne savaient plus quelle croyance adopter. C'est ainsi que la place était préparée à l'entrée des esprits malins. Il est très facile de comprendre que le prince des ténèbres, après avoir échoué dans sa tentative de détruire l'oeuvre de la Rédemption en gagnant le Rédempteur, fasse maintenant les plus grands efforts pour réduire, sous sa puissance, les âmes et les corps des individus. Mais il ne parvient pas à opérer une union durable entre lui et la nature humaine. Il ne peut qu'habiter par ses suppôts dans les hommes, sur lesquels il exerce un pouvoir temporaire, que le Fils de Dieu détruira par la puissance de son commandement. Et il le détruit réellement partout où il rencontre, au fond de l'âme des possédés, une aspiration à la délivrance.

Là où un homme, parvenu à la connaissance de son état de perdition, et cependant alléché par le péché, résiste à l'impulsion du Saint-Esprit, et, malgré des lumières suffisantes, s'adonne, le sachant et le voulant, à son penchant favori, là le coeur est ouvert à l'entrée de l'esprit malin. D'abord l'homme se livre volontairement à la puissance des ténèbres ; ensuite il y est peu à peu asservi malgré lui. Grâce au violent combat intérieur contre les progrès de ces ténèbres, combat qui tiraille l'âme et qui est de nouveau suivi d'une rechute aveugle dans le tourbillon du plaisir, le corps lui-même est désorganisé. C'est ainsi que les esprits impurs, qui cherchent leur repos dans la chair (Luc XI, 24), prennent possession du corps des malheureux. Les possédés étaient donc des hommes dans l'organisme corporel desquels un esprit malin avait pris place et demeurait comme un second « moi », et qui, enchaînant pour un temps l'activité morale des malades, parlait par leur bouche et agissait par leurs membres.

Y a-t-il aujourd'hui des possédés ? - Sans nul doute. Cependant il faut nous garder de prendre trop facilement la folie, le délire, la mélancolie, pour une possession. Il est vrai que la plupart des possédés sont aussi aliénés ; mais tous les aliénés ne sont pas des possédés. Le Sauveur a donné à ceux-là seulement qui croient en lui le pouvoir de chasser les démons. Mais le seul nom de Jésus n'est pas une garantie contre les possessions. Cette garantie nous est accordée seulement par ces paroles : « Résistez dans la foi », et par celles-ci : « Veillez et priez ».

On sait comment le bienheureux Blumhardt, cet homme si richement béni, d'abord pasteur à Moetlingen, puis aux bains de Roll, qui menait une vie de prière comme peu le font, a délivré des possédés de la puissance des esprits impurs, et comment, à la suite de ces délivrances, beaucoup d'âmes de sa paroisse se sont converties au Sauveur.

Aussitôt après son retour à Capernaüm, Jésus commença à enseigner dans la synagogue de cette ville, les jours de sabbat. Et ils étaient étonnés de sa doctrine, car il parlait avec autorité. Quelle puissance ne devait pas avoir la parole de Jésus, discourant des choses religieuses, à propos desquelles on se contente trop souvent de probabilités ou d'opinions, lui qui en parlait avec une assurance, une conviction qui calmaient immédiatement le coeur de ses auditeurs, et en même temps avec une fermeté et une force qui arrachaient les âmes à leur lourde paresse et les forçaient à prendre une décision. Ce qu'il disait, ce n'étaient pas seulement des paroles, c'était une puissance. Voilà pourquoi ses discours ne laissent personne indifférent. Il faut qu'on les accepte ou qu'on les repousse.

C'est ce qu'expérimenta un homme possédé d'un esprit impur, qui se trouvait dans la synagogue, où il s'était Introduit secrètement. Effrayé par la puissante lumière que les paroles de Jésus jetaient dans le royaume des ténèbres, cet esprit s'écria à haute voix : Ah ! qu'y a-t-il entre nous et toi, Jésus de Nazareth ; es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es ; tu es le saint de Dieu. Satan est prêt - aujourd'hui comme alors - à confesser le nom de Christ en paroles, pourvu qu'on le laisse tranquille possesseur de sa proie (Luc XI, 22), et beaucoup de chrétiens suivent son exemple. De bouche, ils confessent le nom de Jésus ; mais par leur conduite, par leur vie de tous les jours, ils lui disent : « Qu'avons-nous à faire avec toi, Jésus ? laisse-nous en repos ! »
Mais le Seigneur n'accepte aucun témoignage du royaume des ténèbres, qu'il est au contraire venu détruire. Et Jésus le menaçant, lui dit : Tais-toi et sors de cet homme ! Il tient le même langage aux chrétiens mondains : Est-ce à toi de réciter mes statuts et de prendre mon alliance dans ta bouche, puisque tu hais la correction ? (Ps. L, 16. 17.) Seulement, le Sauveur ne parle jamais aux hommes aussi impérieusement qu'à cet esprit impur. Ceux-ci peuvent encore être sauvés par la foi en se donnant librement à lui. C'est pourquoi il les engage à penser aux choses qui appartiennent à leur paix. C'est seulement lorsque toute sa patience et son généreux amour sont épuisés, et que le temps de la grâce est écoulé, que les hommes tombent en la puissance du Roi de l'éternité. Et le démon, l'ayant jeté au milieu de l'assemblée, sortit de lui. Mais en présence de Jésus, il n'osa lui faire aucun mal.



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27. Jésus annonce le royaume des cieux.


De retour à Capernaüm, Jésus parcourt les villes et les bourgades, prêchant et disant : Amendez-vous, car le royaume des cieux est proche. Évidemment, Jésus veut continuer l'oeuvre interrompue par l'emprisonnement de Jean-Baptiste. C'est ainsi qu'il agit comme il l'avait fait auparavant, lorsqu'il avait commandé à ses disciples de baptiser simplement à la manière du précurseur. C'est aussi de cette manière que, dans son entretien nocturne avec Nicodème, il s'en était référé au baptême de Jean et à la promesse du Saint-Esprit faite par lui, lorsqu'il avait indiqué à ce docteur la régénération par l'eau et l'Esprit ; comme la condition de l'entrée dans le royaume des cieux.

Le changement du coeur est indispensable pour entrer dans le royaume des cieux. Changez de coeur et non de vêtements ; changez de coeur et non de lois ; changez de coeur et non d'organisation politique ou religieuse. L'homme naturel est orgueilleux, égoïste, jaloux, mondain, éloigné de Dieu et des choses célestes ; de plus, rempli de ténèbres et d'illusions, tellement que nul ne connaît l'état de son propre coeur, et ne veut voir le profond abîme qui sépare le pécheur du Dieu saint. Le royaume des cieux est quelque chose d'intérieur, un règne spirituel, qui ne s'établit pas par des moyens extérieurs. C'est pourquoi l'homme ne peut y entrer en restant tel qu'il est. Un changement de sentiments est indispensable. L'esprit de Jésus doit aussi être l'esprit de tous ses disciples. Sans cet esprit on est et l'on demeure exclu du royaume des cieux.

Tu cherches le bien-être, les jouissances matérielles, les honneurs terrestres, pauvre coeur ! Aucune de ces choses ne se trouve dans le royaume des cieux. En les poursuivant, tu fais complètement fausse route. Tu n'as pas le véritable esprit. Le royaume des cieux est le règne de Dieu, dans lequel les moeurs obéissent à sa Parole et à sa volonté avec une sainte joie. Trouves-tu ton plaisir dans les commandements de Dieu ? Sa Parole est-elle la règle de tes pensées et de ta vie ? Est-elle pour toi plus précieuse que l'or, plus douce que le miel ? La nourriture de ton âme consiste-t-elle à faire la volonté de Dieu ? S'il n'en est pas ainsi, que cherches-tu dans le royaume des cieux ? Il n'a rien à offrir à ton esprit ni à tes goûts terrestres. Il faut que tu changes de coeur.

Une des lois du royaume des cieux est que celui qui s'abaisse sera élevé et que celui qui s'élève sera abaissé. T'abaisses-tu volontiers ? Te plais-tu dans la petitesse et dans l'humilité ? Lorsque le monde ne t'estime peu, te dis-tu : Je veux m'estimer moins encore ? S'il en est ainsi, tu es déjà dans le royaume des cieux. Oui bien es-tu orgueilleux ? Aspires-tu aux choses élevées ? Es-tu vain et ambitieux ? Aimes-tu à occuper les premières places ? Ce n'est pas là l'esprit du royaume des cieux. Amende-toi !

Le royaume de Dieu est un règne de vérité. Jésus, le Roi de ce royaume, a dit : Je suis né et je suis venu au monde pour rendre témoignage à la vérité ; quiconque est pour la vérité écoute ma voix. Eh bien ! aimes-tu la vérité ? Parles-tu et agis-tu selon la vérité ? Es-tu sincèrement reconnaissant envers tous ceux qui te disent la vérité sur toi-même, même lorsqu'elle te blesse et t'humilie ? Si tu aimes à rester dans l'obscurité sur l'état réel de ton coeur, si tu aimes à te faire illusion à toi-même, à être flatté, tu n'as pas l'esprit du royaume de Dieu, amende-toi ! sinon tu en seras toujours éloigné.

Le royaume de Dieu est le règne de l'amour ; il ne cherche pas son propre avantage, il pardonne volontiers, ne s'aigrit point, supporte tout, croit tout, espère tout. Es-tu partisan de la maxime d'après laquelle chacun est son propre prochain, ou encore de celle-ci : « Chacun pour soi et Dieu pour tous » ? Dans ce cas, tu n'as pas l'esprit du royaume de Dieu. Amende-toi fais habiter ton Sauveur dans ton coeur par la foi, et tu auras l'esprit du royaume de Dieu.

Le royaume de Dieu annoncé par Jésus-Christ, c'est-à-dire la domination de Dieu établie sur toutes choses, ne sera parfait que lorsqu'il aura acquis son plein développement à la fin des temps. Mais ce royaume existe déjà en germe dans la personne du Sauveur. C'est de ce germe que doit sortir le royaume qui croîtra et s'étendra jusqu'aux extrémités de la terre. Il n'y avait dans cette sainte personne que béatitude ; communion d'amour avec le Père, humble soumission à Dieu. Autour de lui, au contraire, il ne voyait que péché, remords, coeurs brisés, malédiction et corruption. Ramener à Dieu ces rebelles, guérir ces coeurs blessés, apaiser la colère de Dieu et changer la malédiction en bénédiction ; voilà ce qui, dès le commencement, est clairement apparu au Seigneur comme le but de son travail, comme la tâche de son règne, qui n'est que lumière et vie, paix et joie. Cette tâche, il veut l'accomplir dans ce monde de péché et de mort, jusqu'à ce qu'enfin toutes les ténèbres soient vaincues et que la mort elle-même soit anéantie. Ce dernier but de son oeuvre, le Sauveur l'a toujours eu clairement devant les yeux ; mais ce qui ne lui était pas moins clair, c'est que le chemin qui conduit à ce but serait un long développement à travers des travaux et des combats.

La considération de ce but final du règne de Dieu, où le péché, la maladie, la détresse, la mort seront vaincus, jette une vive lumière sur les miracles opérés par Jésus lui-même et par ses disciples. Ils sont les signes avant-coureurs des temps futurs, d'un glorieux avenir, et annoncent la lutte de deux ordres de choses dans le monde : le règne de la lumière et de la vie, combat contre le règne des ténèbres et de la mort. Partout où les puissances du siècle à venir sont actives dans une âme se montre aussi l'action de ces puissances, en ce qu'elles attaquent énergiquement les lois du royaume du péché et de la mort.

Dans cette prédication du règne de Dieu, nous remarquons avec admiration la divine sagesse que le Sauveur déploya dès le commencement. Si nous comparons les discours qu'il prononça dans les premiers temps de son enseignement public, avec ceux des derniers temps, nous trouvons partout la même perfection, la même plénitude, la même simplicité, la même profondeur. Nulle part il n'y a trace d'embarras ou d'obscurité, comme on le rencontre chez les commençants. Nulle part le moindre signe d'un développement progressif dans la doctrine. Dès le début de son enseignement public, il montre que ses pensées sont l'expression des choses divines, qu'il sait être son bien. De là vient que ses paroles, au commencement comme à la fin de son activité publique, sont si claires et si lumineuses, si mystérieuses et si profondes, si précises et si expressives. Elles sont en même temps si simples, qu'un enfant peut les comprendre, et si pleines de sagesse, que l'esprit le plus éclairé ne saurait les sonder, et que l'éternité ne suffira pas pour en épuiser le contenu.

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