De ce qui vient d'être dit, il ressort que ces pages supposent
l'acceptation de certaines vérités religieuses non démontrées et
comptent sur des coeurs bien disposés.
Lorsque nous prenons à tâche d'étudier la Vie de Jésus,
le scepticisme nous demande de nous dépouiller de toutes nos
convictions religieuses. Il veut que nous oubliions qu'il existe un
Dieu personnel qui a créé les cieux et la terre, et qui exauce les
prières de ses enfants. Il nous demande d'oublier que nous avons un
Dieu qui vient à notre aide et qui, étant le Seigneur des seigneurs,
nous délivre de la mort (Ps.
LXVIII, 21). Il veut que nous regardions comme impossible que
Dieu ait créé des esprits purs, et se soit manifesté à nous par ses
paroles et par ses oeuvres, Il veut que nous admettions comme une
chose convenue, que la Bible est un livre semblable à tous les autres,
écrit par des hommes, et que nous rejetions absolument l'affirmation
de saint Pierre (2
Pierre I, 21) : Les saints hommes
de Dieu, étant poussés par le Saint-esprit, ont parlé.
Il veut que nous regardions comme une impossibilité que Dieu fasse des
miracles ; qu'enfin nous admettions comme une chose qui se
comprend d'elle-même, que Jésus-Christ était à la vérité un homme très
bon, très doux, un sage et pieux Docteur du peuple, mais qu'il n'était
rien de plus. Nous devons nous ôter de l'esprit qu'il est
véritablement Dieu, engendré du Père de toute éternité et en
même temps véritablement homme né de la vierge Marie. En un mot, à
chaque témoignage de l'Écriture, nous devons répéter la question de
l'ancien Serpent : Dieu aurait-il dit
cela ? (Gen.
III, 1) et croire à l'esprit qui répond : certainement
non ! et d'après lequel la vérité est précisément le contraire de
ce qu'enseigne l'Écriture sainte. Nous devons oublier tout ce que, dès
notre jeunesse, nous avons regardé comme saint. À ces conditions,
l'incrédulité nous prouvera qu'elle a raison.
Mais si nous abandonnons tout ce qui a fait jusqu'ici
notre consolation dans la vie et notre espérance dans nos combats, ce
serait peine perdue que de chercher à nous rendre incrédules, puisque
nous le serions déjà.
Aussi ne nous laisserons-nous pas troubler dans notre foi
par l'incrédulité ; au contraire, nous méditerons pleins de foi,
la vie de Celui qui, étant en forme de Dieu
(Philip.
Il, 6) a été poussé par son miséricordieux amour à revêtir notre
pauvre nature humaine, afin de faire de nous d'heureux enfants de Dieu
(2
Cor. VIII, 9). Nous admettons par conséquent, comme véritable et
parfaitement fondée, cette confession de Pierre : Tu
es le Christ, le Fils dit Dieu vivant (Matth.
XVI, 16). Ainsi, nous ne jugeons pas nécessaire de démontrer que
Jésus est venu en chair (2
Jean, 7), et que ce même Jésus est le vrai Dieu et la vie
éternelle (1
Jean V, 20) mais nous croyons au témoignage de l'Écriture
sainte, et nous espérons que les lecteurs qui, sans être encore unis à
Christ par une foi vivante, reconnaîtront, dès qu'ils s'approcheront
de sa sainte personne avec des coeurs altérés, que l'eau que Jésus
offre, apaise éternellement toutes les soifs, et qu'ils feront avec
nous la bienheureuse expérience qu'avait faite saint Jean, lorsqu'il
disait : Nous avons vu sa gloire, une
gloire telle qu'est celle du Fils unique venu du Père, pleine de
grâce et de vérité (Jean
I, 14). Soyez certains que Celui qui a promis de ne pas éteindre
le lumignon qui fume encore, est fidèle. Il ranimera ce lumignon par
le souffle de sa bouche, afin que vous puissiez vous écrier avec les
disciples d'Emmaüs : Notre coeur ne
brûlait-il pas en nous, lorsqu'Il nous parlait en chemin et qu'Il
nous expliquait les Écritures ? (Luc
XXIV, 32).
Lorsque nous parlons de Dieu, nous avons en vue le Dieu personnel
et, vivant, qui a créé les cieux et la terre, le Père de notre
Seigneur Jésus-Christ. Nous avons en vue, conformément à la simple foi
biblique, le Dieu qui fait des miracles, le Seigneur des Seigneurs,
qui, d'après nos conceptions, est infiniment élevé au-dessus de nous,
mais que nous nous représentons cependant comme un Moi personnel,
auquel nous pouvons nous adresser, avec une confiance filiale, lors
même que ce Dieu se révèle, dans les saintes Écritures et dans ses
oeuvres, en trois personnes : comme Père, comme Fils et comme
Saint-Esprit, il demeure cependant une seule et unique essence divine,
ainsi qu'Il le dit à son peuple : Écoute,
Israël, l'Éternel toit Dieu est le seul Éternel (Deut.
VI,
4).
Nous ne songeons pas non plus à prouver que non seulement
l'Écriture sainte contient la Parole de Dieu, mais qu'elle est
elle-même cette Parole ; nous en sommes convaincus et nous nous
inclinons humblement et avec foi devant elle. D'où savons-nous
cela ? - Celui qui est de Dieu écoute
les Paroles de Dieu (Jean
VIII, 47). Mes brebis entendent ma
voix (Jean
X, 27). Quiconque est pour la vérité,
écoute, ma voix (Jean
XVIII, 37). L'Écriture se prouve elle-même comme Parole de Dieu
à tout homme dans l'esprit duquel il n'y a
point de fraude (Ps.
XXXII, 2), par le témoignage immédiat du Saint-Esprit. Nous
croyons à la sainte Écriture, parce qu'en elle nous entendons la voix
d'un Père. Nous croyons à la sainte Écriture, parce que la conscience
intime que nous avons de Dieu lui rend témoignage, parce qu'elle nous
donne la clef de l'histoire de l'humanité et de l'antagonisme que nous
trouvons en nous-mêmes qu'elle nous fournit le mot de l'énigme de
notre existence et satisfait pleinement les aspirations et les
espérances de nos âmes.
Nous ne prouverons pas non plus que les miracles
rapportés dans les Évangiles ont été opérés réellement. Nous ne nous
laisserons pas ébranler dans notre foi à ces actes de puissance, par
les assertions d'une incrédulité subtile, d'après laquelle les
miracles seraient impossibles et répugneraient aux lois de la nature,
établies par le Créateur. Nous savons que rien n'est
impossible à Dieu (Luc
I, 37), que la main du Seigneur n'est
pas raccourcie pour ne plus pouvoir délivrer (Esaïe
LIX, 1), que notre Dieu est dans les cieux
et qu'il fait tout ce qu'il lui plaît (Ps.
CXV, 3). Nous savons que notre Dieu ne ressemble pas à un homme
qui, après avoir construit une machine et l'avoir mise en mouvement,
s'en va et abandonne à lui-même l'ouvrage de ses mains ; mais
qu'après avoir créé le monde par sa Parole puissante, Dieu le conserve
et le soutient par celle même Parole (Héb.
I, 3). Si Dieu l'abandonnait, son oeuvre serait bientôt
anéantie. C'est uniquement à la vertu toute-puissante de la Parole
divine que l'univers doit sa création.
La nature, avec ses lois organiques, n'est pas une
machine morte qui s'arrête dès que les rouages n'engrènent pas
continuellement les uns dans les autres. Au jour de la création,
l'Esprit de Dieu se mouvait sur les eaux. Cette incubation du
Saint-Esprit ne consiste pas dans une proximité matérielle, mais dans
une force qui domine, vivifie et féconde la matière ; cette force
divine, qui agit dans la nature, est la source vivante des puissances
et des lois naturelles. La nature n'est pas quelque chose d'isolé en
soi, un tout indépendant de Dieu ; elle est soumise toute entière
à sa puissance, qui trace leur route à l'air, aux nuages et aux vents
et les fait concourir à la sécurité et au bien de ses enfants sur la
terre.
On pourrait se demander si Dieu ne peut pas envoyer son
secours à ses enfants par les lois naturelles qu'il a établies. Si
Dieu recourt à des moyens extraordinaires, n'est-ce pas une preuve
qu'il y a des lacunes dans l'ordre de choses qu'il a créé ? Les
miracles eux-mêmes, ces moyens extraordinaires que Dieu emploie, ne
semblent-ils pas indiquer une imperfection dans les lois de la
nature ?
Ces questions seraient parfaitement fondées, si la
création était restée telle qu'elle est sortie des mains
toutes-puissantes de Dieu, c'est-à-dire très
bonne. L'homme n'aurait pas connu la souffrance, parce
qu'il n'aurait pas péché, et, dans une sainte communion avec son Père
céleste, il aurait dominé la nature, selon la volonté de son Créateur
(Gen. I,
28). Il n'y aurait eu aucun désaccord ni entre Dieu et l'homme,
ni entre l'homme et la nature. Mais la pureté et l'harmonie primitives
ont été troublées par la puissance du mal. À cause du péché de
l'homme, la malédiction de Dieu repose sur la terre (Gen.
III, 17), et la créature est assujettie à la vanité
(Rom.
VIII, 20, 21). Depuis sa révolte contre Dieu, la puissance sur
la création a été retirée à l'homme, afin qu'il sentît sa faiblesse et
sa misère. Toute la nature qui l'entoure le contraint à se livrer à un
travail pénible en vue de sa subsistance, afin que cette fatigue
l'humilie, lui fasse connaître son péché et le dispose à rechercher
volontairement la sainteté intérieure. Tout cela n'est pas seulement
la suite du péché, mais encore un châtiment et une sainte discipline
ordonnés de Dieu.
Ce nouvel ordre de choses n'est pas destiné à durer
toujours ; il doit être détruit avec le péché. Dieu a envoyé son
Fils unique dans ce monde, afin qu'il fit disparaître les conséquences
du péché et la funeste puissance de la mort. Dieu
manifesté en chair ( 1
Tim III, 16) ! Devant ce mystère, mon esprit s'incline et
adore. Vrai Dieu et cependant vrai homme ! c'est le miracle des
miracles, celui pour lequel tous les autres ont eu lieu. Quiconque
regarde les autres miracles comme impossibles, doit d'abord nier
l'incarnation du Fils de Dieu, mais que celui qui déclare qu'il est
impossible que Dieu se soit fait homme, nous indique une autre voie
pour parvenir à la délivrance du péché et de la mort ; ou bien,
qu'il ait le courage de nous dire ouvertement : Désespérez,
périssez dans vos péchés et devenez la proie de la mort corporelle et
éternelle !
Mais avec Christ est descendue dans notre misérable vie
terrestre la plénitude des puissances célestes, par lesquelles il
oppose sa vertu salutaire à l'action dévastatrice que le péché exerce
sur la terre. Par ses souffrances et par sa mort, il a vaincu la
puissance du péché et de la mort ; par ses miracles, il s'oppose
à leurs conséquences. Chaque miracle est une preuve, que Dieu ne veut
pas laisser le monde sous l'empire du péché et de la mort.
Dans sa communion personnelle avec Christ, le croyant
expérimente continuellement cette merveilleuse communication des
puissances de la vie céleste, car Il nous donne son Esprit et nous
attire à Lui par sa Parole. Par les sacrements, Il verse en nous la
vie de son corps glorifié. Par cette action merveilleuse et
surnaturelle, exercée sur notre vie personnelle et naturelle, Il veut
glorifier notre corps infirme pour le rendre conforme à son corps
glorieux (Philip.
III, 21). Celui dont le nom est l'admirable
(Esaïe
IX,
6) créera aussi, à la fin des jours, de nouveaux cieux et une
nouvelle terre où la justice habite (2
Pierre III, 13). Et lorsqu'Il aura détruit tous ses ennemis, y
compris la mort, Dieu sera tout en tous (I
Cor. XV, 24).
Comme nous lisons dans les Écritures, que Jésus et les
apôtres enseignent l'existence des anges, nous ne voyons aucun motif
raisonnable d'en douter. Les anges sont des esprits purs et bien
heureux, destinés à servir ceux qui doivent
avoir l'héritage du salut (Héb.
1,
4). Il est même extrêmement consolant pour nous de savoir qu'en
dehors et au-dessus de ce monde visible, il existe un royaume
invisible des esprits, dans lequel la volonté de Dieu est observée
avec joie, comme elle devrait l'être sur la terre. Les anges sont
envoyés par Dieu auprès des hommes pour leur porter ses messages et
pour exécuter ses desseins (Matth.
I, 20). Ils prennent la part la plus vive à l'établissement du
règne de Dieu sur la terre. Ce sont eux qui ont annoncé la naissance
du Seigneur (Luc.
Il, 9. 15) ; ce sont eux qui vinrent le servir après la
tentation (Matth.
IV. 11) ; c'est un ange qui vint le fortifier en Gethsémané
(Luc
XXII, 43) ; ce sont les anges qui annoncèrent sa
résurrection (Luc
XXIV, 4-7) et son retour lors de son ascension (Act.
I, 10). Ilsprendront part au jugement du monde (Matth.
XIII, 41 ; XXIV,
31). ils protègent et gardent les hommes pieux et se réjouissent
pour chaque pêcheur qui se convertit (Luc
XV, 10). Un des plus puissants de celte armée d'esprits célestes
n'a pas persévéré dans la vérité (Jean
VIII, 44). Abusant de sa liberté, il s'est séparé de Dieu et, en
compagnie d'autres anges qu'il a entraînés dans sa chute, il a fondé
un royaume sur lequel il règne comme prince des ténèbres et ennemi
déclaré de Dieu et des hommes.
Ainsi, lorsque l'incrédulité déclare péremptoirement
qu'il n'existe pas de Dieu personnel, qu'il n'y a ni anges, ni démons,
ni miracles ; que la Bible est un livre qui renferme des erreurs
comme tous les autres ; que Christ est bien véritablement homme,
mais non véritablement Dieu, nous confessons non moins péremptoirement
que nous croyons toutes les propositions contraires à ces
négations. Nous n'envions nullement la prétendue sagesse de
l'incrédulité, et nous savons que c'est une folie de dire qu'il n'y a
point de Dieu (Ps.
XIV, 1). Mais lorsque lés incrédules commenceront une fois à
concevoir des doutes sur la valeur de leur incrédulité, alors nous
souhaitons que le temps de la grâce ne soit pas passé pour eux. - En
face de la mort, et en général dans les heures d'angoisse, la
conscience se réveille, et dans les profondeurs du coeur luit d'en
haut un brillant éclair, à la lumière duquel tous les fondements de
l'incrédulité sont renversés.
Dans le nord de l'Amérique vivait un colonel incrédule
qui avait une femme pieuse. Une fille unique, qu'ils aimaient
tendrement, fut conduite au Seigneur par sa mère. L'incrédulité de son
père lui causait un profond chagrin. Le Seigneur la coucha sur un lit
de douleur. L'enfant fut entourée de soins. Mais bientôt les hommes de
l'art désespérèrent de la sauver, et les parents eux-mêmes virent que
la fin approchait rapidement. Alors la jeune fille appela près de son
lit son père désolé et lui dit : Père, je meurs. Dans quels
principes veux-tu que je meure, dans les tiens ou dans ceux de ma
mère ? Le père se détourna et se retira en sanglotant dans la
chambre voisine. La jeune mourante le rappela et lui adressa de
nouveau la même question. Cela brisa le coeur du père, mais il ne
répondit rien. Il murmurait contre Dieu, auquel il n'avait pas cru
jusqu'alors, et l'accusait de cruauté. L'enfant se mourait. Elle fit
encore signe à son père de s'approcher et, d'une voix éteinte, elle
répéta la même question. Alors le père, abîmé dans sa douleur, tomba à
genoux devant ce lit de souffrance, couvrit de baisers le pâle visage
de sa fille et s'écria : « Pour l'amour de Dieu, meurs
fidèle aux principes dans lesquels ta mère t'a élevée ! ».
L'enfant mourut, - mais l'incrédulité du père fut vaincue pour
toujours. À l'heure de la séparation, cet homme sentit très bien que
tout ce qu'il avait jusqu'alors nié et raillé était la vérité.
Mais la foi donne-t-elle une certitude élevée au-dessus
de tout doute ? - Assurément. La foi
est une vive représentation des choses qu'on espère et une
démonstration de celles qu'on ne voit point (Héb.
XI, 1). L'incrédulité tient un langage tout à fait
contraire ; elle regarde la foi comme une croyance à des choses
qui n'ont aucune certitude, tandis qu'elle tient pour parfaitement sûr
ce que le témoignage des sens lui présente comme tel. Aussi
l'incrédulité se glorifie-t-elle de son savoir et
regarde-t-elle orgueilleusement la foi, qu'elle considère comme une
manière de voir dépourvue de toute espèce de fondement. Mais ils sont
dans une profonde erreur, ceux qui regardent le savoir humain comme
une connaissance parfaite et raisonnée, et la foi comme une
acceptation aveugle de ce qui nous a été dit. Toutes deux
ressortissent à des domaines complètement différents. Si
l'intelligence humaine se livre à l'étude du monde visible et de ses
lois, elle peut, dans cette sphère qui lui appartient, parvenir à une
connaissance approximative des choses. Mais en dehors et au dessus de
ce monde visible, il est un monde des esprits dans lequel
l'intelligence humaine, privée de la lumière divine, ne pourra jamais
pénétrer, obscurcie comme elle l'est par le péché. L'homme
naturel ne comprend point les choses qui sont de l'Esprit de Dieu,
car elles lui paraissent une folie, et il ne peut les comprendre,
parce que c'est spirituellement qu'on en juge ( 1
Cor Il, 14).
Mais le pressentiment de ce monde invisible et
l'aspiration après le Dieu vivant, sommeillent dans le coeur de
l'homme. Ce sont les restes de l'image de Dieu qui a été formée en
nous. Même les païens ont exprime ce pressentiment lorsqu'ils ont
dit : « Nous sommes de la race de Dieu » (Act.
XVII, 28). Il y a dans notre âme une indestructible certitude
que nous sommes destinés à vivre en communion avec Dieu. Mais la
conscience de tout homme droit lui rend ce témoignage, que le péché a
creusé un abîme entre lui et Dieu. Ce témoignage fait naître en nous
le sentiment que nous avons contracté une dette envers Lui, et que
nous sommes sous le coup de sa colère, et malgré cela, le coeur humain
ne peut pas abandonner l'espoir que cette colère sera une fois apaisée
et que cette dette de l'homme sera payée. Les sacrifices sanglants,
offerts par tous les peuples païens, témoignent chez eux d'un vague
sentiment que le péché, auteur de la mort, peut être expié par
l'immolation d'une victime, et qu'ainsi l'accès de la divinité pourra
lui être rouvert. Ainsi naît, dans les profondeurs du coeur humain,
l'ardente aspiration à rentrer dans la communion de Dieu dont il s'est
éloigné. C'est cette aspiration impuissante que Dieu, dans son
miséricordieux amour, vient pleinement satisfaire par le sang de son
Fils, répandu en Golgotha. Et lorsque la nouvelle de ce sacrifice
divin pénètre le coeur de l'homme, alors il s'écrie
avec transport : « Voilà ce qu'il me faut ! »
Alors aussi il accepte l'Évangile avec joie, et se donne avec un
reconnaissant amour au divin Crucifié. C'est là la foi dont parle
saint Jean lorsqu'il dit : Celui qui
croit au Fils de Dieu, a le témoignage de Dieu en soi-même
(I Jean V, 10).
Mais quiconque a comprimé ou a peut-être complètement
détruit cette foi par quelque interdit ou par l'orgueil, ou la
sensualité, a perdu toute aspiration pour les choses invisibles et
éternelles. Car tous n'ont pas la foi
(2
Thess. III, 2). Dieu nous préserve d'un pareil malheur !
Amen !
Après l'emprisonnement de Jean-Baptiste, le Sauveur débuta dans son
activité publique, en disant : Le temps
est accompli, le règne de Dieu approche (Marc
I, 15). Et saint Paul écrit : Lorsque
les temps furent accomplis, Dieu envoya son Fils, né d'une femme,
et assujetti à la loi, afin qu'il rachetât ceux qui sont sous la
loi et que nous reçussions l'adoption des enfants (Gal.
IV, 4-5).
Le salut qui est en Christ n'est pas apparu
inopinément ; le sol lui avait été préparé des siècles à
l'avance, aussi bien au sein du peuple élu qu'au milieu des païens.
Immédiatement après la chute, Dieu annonçait que la postérité de la
femme écraserait la tête du serpent (Gen.
III, 15), et plus tard il promettait à Abraham que toutes les
familles de la terre seraient bénies en lui (XII,
3). Cette postérité d'Abraham devait être préparée, par l'amour
paternel de Dieu, à recevoir le salut Dieu se révèle à ce peuple comme
le Créateur du ciel et de la terre, comme le Tout-Puissant qui, revêtu
de sa divine majesté, parle et la chose arrive ; Il
ordonne et la chose existe (Ps.
XXXIII, 9) et devant lequel toute la création n'est que cendre
et poussière. Il se révèle comme le Dieu saint qui
ne prend point plaisir à la méchanceté et avec lequel le méchant
ne saurait habiter (Ps.
V, 5), comme celui qui est séparé des
hommes pécheurs par un infranchissable abîme (Esaïe
LIX, 2), et qui dit : Soyez saints, car je suis saint (Lév.
XI, 44). Mais ce Dieu promet aussi de faire grâce, afin
qu'Israël soit préservé du désespoir de Caïn qui
disait : Ma peine est plus grande que je
ne puis la porter (Gen.
4, 13). Tandis que les païens tournent tristement leurs regards
vers l'âge d'or du passé, Israël est le peuple de l'espérance, de
l'attente ardente, soutenue par une prophétie continuelle, toujours
plus précise et plus claire, et par des sacrifices, surtout par des
sacrifices sanglants. Ces sacrifices devaient rappeler sans cesse au
peuple, d'un côté, que l'homme a mérité la mort par ses péchés, et, de
l'autre côté, que Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il
sacrifie la victime, afin que le pécheur puisse trouver grâce.
Seulement, le sang des animaux en pouvait pas purifier la conscience,
ni réconcilier l'homme avec Dieu ; mais ces immolations devaient,
par leur constante répétition, diriger les regards et les espérances
sur l'avenir, sur le sacrifice expiatoire dont parle Esaïe (LIII,
4-6) ; sur la seule oblation parfaite, qui
a amené pour toujours à la perfection ceux qui sont sanctifiés
(Héb.
X, 14).
La loi devait donner la connaissance du péché et de la
culpabilité, le sacrifice et la promesse devaient faire naître
l'espérance de la grâce. La circoncision, comme signe de l'alliance,
était destinée à élever un mur de séparation entre le peuple de Dieu
et le monde, et à annoncer que l'on ne pouvait pas appartenir à ce
peuple en vertu de la seule naissance naturelle. Après la délivrance
de la servitude d'Égypte, Dieu institua la Pâque. Cette cérémonie
n'était pas seulement une fête commémorative de ce que Dieu avait fait
autrefois. Car pour le Dieu éternel, il n'y a point de passé. Jéhovah
est le même hier, aujourd'hui et éternellement. Il est immuable et
fait toutes choses nouvelles. Mais la Pâque est un signe permanent que
Dieu veut faire grâce à son peuple par le sang de la réconciliation,
une prédiction certaine de la Pâque parfaite, de Christ
immolé pour nous (I
Cor. V, 4) et par lequel Dieu nous accorde en effet et en vérité
ce qui nous était promis par des signes sous l'ancienne alliance.
Et lorsque ce peuple, dans les temps de sommeil moral,
courait le danger d'être séduit par son voisinage païen, Jéhovah, dans
sa miséricorde paternelle, lui envoyait des prophètes qu'Il armait de
la puissance extraordinaire de son Esprit ; afin de châtier et si
possible de ramener ceux qui étaient tombés, de fortifier les coeurs abattus,
et de consoler les fidèles affligés. Grâce à cette discipline
paternelle et à ce filial exercice de la foi, l'attention du peuple
élu était toujours de nouveau ramenée sur le Sauveur qui devait venir,
jusqu'à ce qu'enfin la période des prophètes fut close par l'avènement
de Jean-Baptiste qui, dans l'esprit et la vertu d'Elie, devait
convertir les coeurs des pères envers les enfants et le coeur des
enfants envers les pères ; et alors devait se lever le
soleil de justice qui porte la santé dans ses rayons (Mal.
IV, 2, 5).
Mais pendant quatre siècles, durant lesquels Dieu cessa
de parler à son peuple, Israël devait dès lors s'habituer à vivre des
révélations qui lui avaient été abondamment accordées dans la loi et
les prophètes, par les sacrifices et la circoncision, et se les
approprier de la manière la plus intime. Or, c'est ce qu'il ne fit
pas. L'immense majorité du peuple se nourrissait du souvenir de sa
grandeur passée. On ne vivait plus comme auparavant dans une confiance
filiale au Dieu toujours présent. Autrefois, lorsque Dieu, irrité
contre son peuple, le frappait de sa verge, Israël criait à
l'Éternel ; maintenant, comme les pensées et les coeurs ne sont
plus tournés vers Lui, on ne comprend plus ses dispensations. Dieu ne
répond plus à son peuple parce que son peuple ne l'invoque plus. On
espère bien encore un glorieux et brillant, avenir, mais cette
espérance n'a plus ses racines dans une communion personnelle avec le
Dieu de l'alliance, Jéhovah. On cherche à le satisfaire par des
oeuvres de piété, par une conduite extérieurement honnête, en
obéissant à la lettre de la loi. On se courbe sous l'oppression d'un
présent misérable, parce que le peuple de Dieu est tombé, à cause de
son incrédulité, sous la domination de puissances étrangères. Mais on
espère pour l'avenir un brillant dédommagement, dans l'orgueilleuse
persuasion d'avoir largement satisfait aux obligations qu'on a
contractées envers Dieu. On n'a plus aucune idée de la félicité qui
fait battre le coeur, lorsqu'on peut s'écrier avec David : Éternel,
qui es ma force, je t'aimerai d'une affection cordiale (Ps.
XVIII,
2). On ne comprend plus qu'un coeur qui possède le Seigneur
comme son souverain bien, soit indifférent à toutes les gloires du
ciel et de la terre. On ne se doute plus qu'on puisse être élevé
au-dessus de toutes les souffrances du corps et de tous les tourments
de l'âme, lorsqu'on peut dire :
Dieu est le rocher de mon coeur et mon partage à toujours (Ps.
LXXIII,
26).
Cependant, il y avait encore des âmes qui louaient Dieu
en silence dans Sion et qui méditaient jour
et nuit la loi de l'Éternel (Ps.
1,
2), tâchant de découvrir pour quels
temps et pour quelles conjonctures l'Esprit de Christ, qui avait
été dans les prophètes (1
Pierre I, 10-11) avait annoncé l'ère de prospérité qu'on
espérait, attendant avec un ardent désir la consolation d'Israël.
Quelques-unes de ces personnalités excellentes nous sont bien connues.
C'étaient Zacharie et Elisabeth, les bergers de Bethléem, Siméon et
Anne, et avant tous les autres, Joseph et celle qui est bénie entre
les femmes, la vierge Marie. Que ceux-là ne fussent pas les seuls qui
eussent soif du Dieu fort et vivant, c'est ce que nous apprend saint
Luc, lorsqu'il dit qu'Anne parlait de Jésus à tous ceux qui
attendaient la délivrance d'Israël (Luc
II, 38).
Quoique dans les temps passés, Dieu
ait laissé marcher toutes les nations (les
païens) dans leurs propres voies
(Act.
XIV, 16), afin qu'ils cherchent le
Seigneur et puissent comme le toucher de la main (Act.
XVII, 27), Il n'a pourtant pas cessé de
leur donner des témoignages de ce qu'il est. En
agissant ainsi, Dieu n'a pas rejeté les païens ; Il a seulement
voulu les préparer, par une autre voie, pour le salut qui est en
Christ. De même qu'Il a voulu conduire les Juifs à ce but par
l'abondance, Il a voulu y amener les païens par la disette ; et
cela afin qu'il fût évident que l'homme ne peut pas venir à Dieu par
ses propres forces, si Dieu, par une paternelle condescendance, ne
s'approche de son enfant. Le besoin de se rattacher à un être
supérieur, élevé au-dessus de la faiblesse humaine, est profondément
enraciné dans le coeur de l'homme. Mais, ne pouvant trouver Dieu
au-dessus de la nature, il l'a cherché dans la nature. Dans le
sentiment de son péché, et refusant de se laisser châtier par le
Saint-Esprit, l'homme avait peur du Dieu saint. Et c'est ainsi que les
forces de la nature, attirant son attention par leur beauté ou par les
avantages qu'elles lui procuraient, obtinrent de lui des hommages
divins.
D'où vient donc, demandait quelqu'un, que les païens
adorent les créatures au lieu du Créateur ? Il en est des hommes,
lui répondit-on, comme de ce jeune garçon qui alla pour la
première fois à la cour du roi. Dès qu'il rencontrait un homme
richement vêtu, portant des décorations, une épée et une écharpe, il
le prenait pour le roi. C'est ainsi que l'homme borné, privé de la
lumière de la vérité, prend tantôt le soleil, la lune, les étoiles,
tantôt quelque créature excellente pour Dieu lui-même. Sachant qu'il y
a un Dieu, et ne l'ayant pas glorifié comme Dieu et ne lui ayant pas
rendu grâces, les hommes se sont égarés dans
de vains raisonnements, et leur coeur destitué d'intelligence a
été rempli de ténèbres. Ils ont changé la gloire du Dieu
incorruptible en des images de l'homme corruptible (Rom.
1, 21. 23).
Chercher Dieu, telle est l'origine de toutes les
religions, et c'est aussi la portion de vérité que renferment les
religions païennes. C'est cette recherche de Dieu qui distingue des
animaux, l'homme créé à l'image de Dieu. Si même les dieux des païens
sont incapables d'étancher leur soif, le culte qu'ils leur rendent
témoigne cependant de l'existence de cette soif. Si le coeur altéré
refuse de se laisser remplir de Dieu, il cherche son bonheur et sa
jouissance dans les choses de la terre. « Mangeons et buvons.
demain nous mourrons ! » Cette sentence, éminemment païenne,
était le mot d'ordre de la grande majorité des peuples. Les nobles
âmes cherchaient à embellir leur vie et à la rendre de plus eu plus
agréable par les arts et toute espèce de connaissances. À travers les
siècles du paganisme, on remarque un puissant effort des esprits pour
parvenir à la connaissance de la vérité, mais, privé de la lumière
d'En haut, cet effort devait nécessairement aboutir à ce désolant aveu
« Il est certain qu'il n'y a rien de certain ».
Lorsque Christ apparut, la croyance aux dieux, qui
régnait dans le peuple, était raillée et tournée en ridicule par les
classes élevées. La question pleine de mépris, que Pilate adresse au
Sauveur, qui lui avait dit : « Je suis roi, je suis né et je
suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, cette
question : Qu'est-ce que la vérité ? » montre combien
le sens des choses spirituelles était étouffé chez les hommes cultivés
et haut placés. C'est comme s'il avait dit au Seigneur :
« Es-tu aussi de ces insensés qui s'inquiètent de la
vérité ? La vérité ne rapporte rien. » Le soupir secret dés
pauvres âmes qui aspiraient à une consolation durable et à une vérité
certaine, était comprimé, et le vide intérieur était rempli par ce
qu'on pouvait voir et toucher.
L'incrédulité et la superstition se disputaient l'empire
des esprits. Les guerres sanglantes, sans cesse renouvelées, les
horribles exactions des Romains, qui avaient subjugué presque tout le
monde connu, avaient détruit le bien-être des peuples. Le niveau moral
était tombé si bas qu'il approchait de l'animalité. Voici comment
Sénèque, écrivain romain, s'exprime sur les moeurs de son temps :
« Tout est rempli de crimes et de vices.
Ils sont si nombreux et si graves que le pouvoir est impuissant à
les réprimer. Une monstrueuse émulation d'infamie règne partout.
Chaque jour voit croître l'attrait du mal ; chaque jour la
pudeur diminue. Le vice ne se cache plus ; il s'étale
effrontément à tous les yeux. La corruption est devenue tellement
publique et elle enflamme tellement toutes les âmes, que l'honnêteté
n'est plus même une exception, elle a complètement disparu. »
Il est vrai que pour embellir cette vie, l'esprit humain
avait fait de grandes et magnifiques choses dans les arts et dans les
sciences. Mais toute cette grandeur était tombée en ruines et toute
cette magnificence avait pâli. La fin de toutes les recherches du
paganisme est celle-ci : « L'issue est ouverte ». La
suprême consolation du païen était le suicide.
Toute cette désolation est traversée par un obscur
pressentiment, on peut même dire un ardent désir d'une aide, d'un
libérateur. Les Perses, les Indiens, les Chinois attendaient
l'apparition de quelque personnage saint qui descendrait du ciel et
apporterait un remède aux misères de la terre. L'orient dirigeait vers
l'occident les regards de son espérance, et dans l'empire romain on
attendait en Judée l'avènement d'une royauté universelle.
Les coeurs étaient préparés, mais les circonstances
extérieures aussi avaient frayé la voie au Sauveur qui devait venir.
Il est très remarquable que le Seigneur soit né sous l'empereur
Auguste qui avait élevé l'ancienne Rome païenne à son plus haut degré
de puissance et de gloire. Tout le pouvoir politique était dans ses
seules mains. Tous les peuples vaincus, dans toutes les provinces de
cet immense empire, tremblaient devant ce seul maître. Les trésors de
l'art et des richesses immenses affluaient de toutes
les extrémités de la terre vers la grande Rome, qui était le centre du
monde alors connu. De magnifiques routes, artistement construites,
sillonnaient les différents pays qui composaient l'empire romain. Ici,
des messagers portaient avec une rapidité prodigieuse les ordres de
l'empereur jusqu'aux extrémités les plus reculées de ses vastes États.
Là, les légions marchaient avec la plus grande facilité pour tenir
dans l'obéissance les peuples soumis. Ailleurs, c'était un commerce
actif entre les provinces et la capitale, ou bien c'étaient des
Romains de haut rang qui voyageaient pour accroître leurs
connaissances.
Mais aussi ces belles routes furent parcourues plus tard
par les messagers de paix, qui portaient la Bonne Nouvelle du salut,
de ville en ville, de contrée en contrée. C'est ainsi qu'aujourd'hui
les chemins de fer servent à l'avancement du règne de Dieu. Construits
originairement dans un intérêt purement terrestre, ils hâtent
puissamment le travail qui s'accomplit en vue des intérêts spirituels
des âmes.
De ce centre unique partait un courant intellectuel de
pensées et un courant matériel de marchandises qui aboutissaient aux
provinces, et vice-versa, des provinces à la capitale. Déjà la seule
existence de cet empire, qui dominait le monde presque tout entier,
préparait les coeurs à l'établissement de l'Évangile qui devait
embrasser toutes les langues et toutes les nations.
La capitale installait ses dieux dans les provinces, et
celles-ci, à leur tour, envoyaient les leurs à Rome, qui devenait
ainsi le rendez-vous des idées de toute la terre. Cet échange et ce
mélange de dieux étaient un signe qu'ils avaient perdu la confiance de
leurs adorateurs. On cherchait sans cesse de nouveaux dieux, dans
l'espoir qu'ils seraient plus puissants que les anciens. Plus
l'adoration d'une nouvelle divinité paraissait aux peuples ancienne et
mystérieuse, plus on espérait trouver auprès d'elle ce qu'on avait
cherché en vain auprès des siens propres. Depuis que la Judée était
réduite en province romaine, la connaissance du vrai Dieu était aussi
parvenue à Rome.
Israël avait reçu de Dieu un double appel. D'abord il
devait être le berceau de l'Église chrétienne, et ensuite il devait
lui préparer l'accès du monde païen. Pour faire de ce peuple le
berceau de l'Eglise chrétienne, Dieu l'avait
strictement séparé de tous les autres peuples et lui avait confié ses
oracles, par lesquels Israël avait seul la connaissance du vrai Dieu
et de sa volonté. Pour être rendu capable de frayer les voies au
christianisme chez toutes les nations de la terre, il fallait qu'il
demeurât parmi les païens et fût en rapport avec eux. Or, Israël était
doué de manière à répondre à ce double appel. Aucun peuple n'a
conservé sa nationalité d'une manière aussi tenace, et ne s'est tenu
séparé des autres peuples avec autant de raideur que celui-là. Et
cependant il a su s'introduire partout et s'adapter à toutes les
situations. Alors comme aujourd'hui et aujourd'hui comme alors, le
Juif sait s'acclimater et se faire sa place partout, et il reste
cependant toujours Juif.
Lorsque Israël fut emmené en captivité, la conscience de
sa nationalité était déjà tellement développée qu'elle ne perdit rien
de sa force par la dispersion de ce peuple parmi les étrangers. Lors
du retour de la captivité, tous ne revinrent pas dans leur patrie. Un
grand nombre de Juifs demeurèrent à Babylone et dans les contrées
voisines. Ils fondèrent partout dans les villes des maisons de prières
et des synagogues. Ces établissements étaient les centres de la vie
juive et servaient aussi à familiariser les païens avec les Écritures
de l'Ancien Testament. Mais le Temple de Jérusalem était le point
central du Judaïsme dispersé sur toute la surface de la terre ;
et grâce à cette dispersion, la connaissance et l'adoration du seul
vrai Dieu étaient répandues parmi tous les peuples.
Même à Rome, sous le règne de l'empereur Auguste, il y
avait une colonie de 80,000 Juifs. Tout le commerce se trouvait
presque exclusivement entre leurs mains. L'intérêt commun de leur
industrie, et plus encore la communauté de leur foi, les liaient les
uns aux autres en face des païens, au milieu desquels ils habitaient.
La foi de ce peuple au Dieu unique et vivant, sa Parole révélée, le
culte symbolique qu'on lui rendait, la supériorité morale de sa loi,
les sacrifices, quelle attraction toutes ces choses ne devaient-elles
pas exercer sur les païens qui avaient reconnu le néant de leurs
anciens dieux et qui cherchaient quelque chose de meilleur !
Aussi, sans s'astreindre à la circoncision ni à l'observation de la
loi cérémonielle, beaucoup d'âmes altérées de salut se joignaient à la
synagogue pour servir le seul vrai Dieu, garder le
sabbat et prier avec les Juifs. C'étaient là les hommes et les femmes
« craignant Dieu », si souvent mentionnés dans les Actes des
Apôtres, Tous ces coeurs, qui avaient abandonné les idoles, dans
lesquels le sentiment du péché avait été réveillé par la loi, et le
besoin de salut excité par les prophètes, étaient ouverts à la
prédication de l'Évangile de Christ et disposés à le recevoir. Les
païens craignant Dieu, sont toujours les premiers à ouvrir leur coeur
à la prédication de saint Paul à Philippes (Act.
XVI, 14) et à Thessalonique (XVII,
4).
C'est ainsi que les voies étaient préparées à cet
Évangile, qui devait commencer sa
course victorieuse parmi tous les peuples de la terre. Les temps sont
accomplis pour recevoir le Christianisme.
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |