Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LE POUVOIR DES CLEFS

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Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux ; tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux ; ce que tu délieras sera délié dans les cieux.
Matthieu 16, v. 18

 

À qui le Christ attribue-t-il ce pouvoir ?
Trois fois l'Évangile parle des clefs qui ouvrent ou ferment le ciel.

La première fois, Jésus s'adresse à Pierre, qui vient de confesser sa foi. « je te donnerai les clefs du Royaume des cieux ; tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux ; ce que tu délieras sera délié dans les cieux. »
Si l'on isole ce texte des deux autres, on peut penser qu'il s'agit là d'un privilège accordé exclusivement à Pierre, mis à part comme chef de l'Eglise.
Mais il faut bien constater que Jésus, parlant aux disciples (Matthieu 18, v. 18), leur dit exactement la même chose : « En vérité, je vous le déclare, tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel. » Cette parole s'adresse « aux disciples ». Quels disciples ? - Les douze, dit-on, alors que l'Évangile ne le précise pas et que le terme de disciple s'applique à tous ceux qui ont suivi Jésus. Le mot disciple peut donc être pris dans un sens restreint, et ce que Jésus leur dit ne concerner de nos jours que les ministres de la Parole de Dieu. Mais il peut être pris au sens large. Que de paroles dites « aux disciples » sont comprises comme si elles s'adressaient à toute la chrétienté. Tout le Sermon sur la montagne (Matthieu 5, 6, 7), dit « aux disciples », est considéré comme nous concernant tous.

On oublie trop souvent que Jésus a parlé une fois encore de ce mystérieux pouvoir des clefs lorsqu'il dit, mais cette fois aux scribes et aux pharisiens : « Malheur à vous ! Car vous fermez à clef le Royaume des cieux devant les hommes ; vous n'y entrez pas vous-mêmes, et ceux qui veulent y entrer, vous les en empêchez » (Matthieu 23, v. 13). Le mot clef ne se trouve pas dans toutes les traductions françaises. Mais dans le texte grec, il y a bien kleîete, vous fermez à clef. C'est le verbe d'où vient le mot clef, employé dans le premier de nos textes, « je te donnerai les clefs », tas kleîdas. Ainsi les scribes et les pharisiens, ces ennemis de l'Évangile, possèdent eux aussi le redoutable pouvoir des clefs, ou du moins, s'ils n'ont pas les clefs qui ouvrent le Royaume des cieux, ils ont celles qui le ferment.

Le pouvoir des clefs n'appartient pas au seul Pierre, ni aux douze apôtres, ni à la multitude des disciples ; tout homme - même les adversaires de la foi - possède le redoutable pouvoir d'ouvrir ou de fermer les portes des cieux.

Quel est donc ce pouvoir des clefs ?
Chaque fois que Jésus parle des clefs du Royaume des cieux, ne veut-il pas dire tout simplement que tout ce que nous faisons sur la terre peut avoir des conséquences éternelles ? Par nos actes, comme par nos paroles, nous pouvons aider quelqu'un à trouver le chemin du ciel ou nous pouvons lui barrer la route.
Les pharisiens, par leur hypocrisie, peuvent dégoûter de la vraie piété ; ils éloignent de Dieu ceux qu'ils devraient conduire à lui ; ce sont des « guides aveugles », dit Jésus. « Ils disent et ne font pas ; ils lient de pesants fardeaux et les mettent sur les épaules des hommes ; mais pour eux, ils ne veulent pas seulement les remuer du doigt. » Ils ont fait de la religion un moralisme sec et sans joie. « Ils ferment à clef le Royaume des cieux ; ils n'y entreront pas, et ceux qui veulent y entrer, ils les en empêchent. »

« Lier », ce n'est pas seulement jeter quelqu'un en prison ou le maintenir dans l'esclavage, c'est empêcher une âme de parvenir à la vraie liberté, c'est maintenir dans les liens de la mort et du péché ceux qui voudraient parvenir jusqu'à Dieu. Prends garde, disciple du Christ, de ne point faire comme les pharisiens, car les hommes regardent à toi ; si tu les déçois, si tu leur es en scandale, tu les repousses, tu les enchaînes dans les liens de l'incrédulité ou de la révolte, tu les éloignes de Dieu pour la vie présente, et - redoutable conséquence de ton attitude - pour toujours. Car celui qui se tient loin de Dieu et du pardon sur cette terre, comment peut-il espérer parvenir aux cieux ? Malheur à ceux qui lient « ces petits qui croient en moi » ! « Si quelqu'un fait tomber dans le péché l'un de ces petits qui croient, dit Jésus, mieux vaudrait pour lui qu'on lui mit au cou une meule de moulin, et qu'on le jetât à la mer »
Si les hommes ont le redoutable pouvoir de lier, ils ont aussi celui de délier. Ils peuvent au sens propre comme au sens figuré briser les chaînes qui retiennent les hommes captifs.

« Voici le jeûne auquel je prends plaisir, dit l'Éternel
C'est de briser les chaînes injustes,
De dénouer les liens de tous les jougs,
De renvoyer libres ceux qu'on opprime,
De rompre tout lien de servitude. »
(Esaïe 58, v. 6)

Quelle chaîne plus cruelle que celle du péché, qui tient les hommes liés, fermés au ciel, incapables de faire le bien, incapables d'espérer ! Qu'il est beau de pouvoir, avec l'aide de Dieu, aider une âme à trouver le chemin du pardon et de la vie nouvelle ! Briser les liens de la superstition, de la peur, de l'incrédulité, des passions mauvaises, du doute, faire ce que Jésus a fait pour cette femme qui depuis dix-huit ans était « possédée par un esprit ». « Cette fille d'Abraham, que Satan tenait liée depuis dix-huit ans, ne fallait-il pas la délivrer de ce lien ? »

Lorsque nous avons aidé quelqu'un à dénouer le lien qui empêchait l'épanouissement de son âme, ce que nous avons fait pour lui aura des conséquences bien au delà de la mort ; nous lui avons ouvert le chemin du ciel. Nous avons en nous la clef qui ouvre, comme nous avons aussi celle qui ferme.

Redoutable alternative
Jésus nous a placés devant cette redoutable alternative : Par tes paroles, par ton exemple, tu dénoues des liens ou tu en formes, tu brises des chaînes ou tu en forges, tu ouvres les portes du ciel ou tu les fermes.

Pourquoi tant de personnes s'éloignent-elles de Dieu et meurent-elles lentement dans les liens de l'incrédulité ? Parce qu'elles ont rencontré sur leur chemin des chrétiens qui leur ont été en scandale. M. François Mauriac, dans le « Noeud de vipères », parle d'une âme qui s'est fermée à la foi. « ... Au long de sa morne vie, de tristes passions lui cachent la lumière toute proche, dont un rayon parfois le touche, va le brûler ; ses passions... mais d'abord les chrétiens médiocres qui l'épient. Combien d'entre nous rebutent ainsi le pécheur, le détournent d'une vérité qui, à travers eux, ne rayonne plus. »

Dans la mesure où nous avons pris parti pour Dieu et où nous avons une fonction dans l'Eglise, notre attitude et notre exemple peuvent lier des âmes, et les lier pour toujours. C'est pourquoi, au moment où Jésus confère à Pierre une mission à part, une mission excellente entre toutes, celle de paître le troupeau, d'être le pasteur des brebis, il lui rappelle le redoutable pouvoir qu'il détient. Plus que quiconque il est placé devant l'alternative : lier ou délier.
Il est bon que les pasteurs se souviennent qu'ils ont ce pouvoir des clefs, qu'ils peuvent fermer des coeurs, jeter dans l'impiété ceux qu'ils auront scandalisés, abandonner à la mort les brebis blessées qu'ils n'auront pas pansées.

Mais il faut que tous nous soyons conscients des conséquences de nos actes. Vinet dit : « Les chrétiens sont les arguments décisifs pour ou contre le christianisme. » Prenons garde de n'être pas des arguments contre notre foi ! Il y a de notre part des silences coupables. Il y a aussi des paroles maladroites, dites sans amour et des témoignages démentis par nos actes.
Redoutons le péché, redoutons la paresse spirituelle, redoutons l'égoïsme, redoutons d'être de ces demi-chrétiens, de ces mauvais chrétiens qui ferment le chemin du ciel à ceux qui veulent y entrer.
Mais ne pensons pas seulement à l'aspect négatif de notre texte. Notre désir n'est pas seulement de laisser libre le chemin qui mène au ciel. Nous voulons, puisque Dieu nous en a confié le pouvoir, user de la clef qui ouvre la porte des cieux.

Splendide responsabilité
Pasteurs, qui avez reçu comme saint Pierre la vocation de « paître les brebis », vous détenez les clefs du Royaume, vous déliez ceux à qui vous annoncez le pardon, la rédemption, la vie éternelle. Redoutable et splendide mission que le Seigneur nous a confiée ! Qui est suffisant pour cet apostolat ? Qui n'éprouve le besoin d'implorer sans cesse le secours du Christ, sans lequel nous sommes incapables de nous servir des clefs qui nous ont été remises ?

Parents, vous avez fait à vos enfants le don de la vie sur cette terre, mais vous avez en vos mains les clefs qui ouvrent ou qui ferment, qui aident à trouver les portes de l'éternité ou qui en éloignent. Dans la cérémonie du baptême, on vous a dit quand vous présentiez vos enfants : « Souvenez-vous que c'est une créature immortelle, un dépôt dont vous aurez un jour à rendre compte. » Ayant appelé vos enfants à la vie de la chair, vous efforcez-vous de leur ouvrir les portes du Royaume des cieux ?

Chefs, patrons, maîtres, membres du corps enseignant, vous avez autour de vous des hommes et des femmes qui regardent à vous, qui savent que vous faites profession d'être chrétiens. Votre attitude, votre sens de la justice, votre bonté, comme aussi votre injustice ou votre indifférence à leur égard, tout cela peut ouvrir ou fermer une porte, lier ou délier, faire tomber ou relever. Sans même que vous ayez ouvert la bouche, vous avez déjà usé des redoutables clefs du Royaume. Mais Dieu vous demandera sans doute davantage ; il vous fera souvenir que vous avez charge d'âmes et que dans certaines circonstances il faut savoir dire les quelques mots qui feront naître la foi, qui délieront celui qui est lié par le péché, courbé par l'incrédulité. Redoutable pouvoir des clefs que vous avez reçu en assumant une responsabilité ici-bas.

Membres de notre Église, fils de la Réforme, héritiers d'un riche patrimoine religieux, nous avons reçu des clefs dont nous devons nous servir. Il fut un temps où nul ne venait dans notre pays sans y découvrir autre chose que de belles montagnes et des sites merveilleux, sans y trouver la foi qui délie, l'Évangile qui fait vivre. Nous avons à l'égard des étrangers qui viennent à nous, des réfugiés et des visiteurs, souvent liés par trop de souffrances, par trop d'injustices subies et de haines implacables, le pouvoir des clefs ; par notre mépris ou notre indifférence, nous pouvons les maintenir dans les liens de la méfiance et de la révolte à l'égard de Dieu et des hommes ; par notre bonté, par un témoignage inspiré par l'amour de Dieu et des âmes, nous pouvons délier ceux qui sont liés.

Le pouvoir des clefs n'a pas été donné à tous dans une même mesure. Comme le montre la parabole des talents, les uns ont reçu plus que les autres et les responsabilités ne sont pas égales. Mais tous ont reçu quelque don, tous ont reçu une clef. Il sera beaucoup demandé à celui qui a beaucoup reçu.. Mais celui qui n'a reçu qu'un seul talent, celui-là ne doit point mépriser le don de Dieu. Nul ne pourra dire au jugement dernier : Seigneur, tu ne m'avais confié aucune clef.

Tout chrétien, en recevant le don de la foi, a en même temps reçu le pouvoir d'aider son prochain à parvenir à la lumière de Jésus-Christ, la clef qui ouvre les portes du ciel.
Il faut nous en souvenir.
Et ne pas commencer une journée sans penser que nous allons dans ce jour de grâce lier ou délier, sans demander à Dieu de nous permettre d'user des clefs, guidés par son Esprit, conduits par sa main. Il faut que nous soyons tout illuminés de la présence du Christ pour que nous sachions nous servir de ces clefs. Il faut que Christ vive en nous, non pas seulement parce que c'est notre bonheur qui est en jeu et notre destinée éternelle, mais parce que sa seule présence peut faire de nous des âmes fortes et rayonnantes de foi et d'amour, qui rompent des liens, qui brisent des chaînes, qui ouvrent des portes que nul ne pourra jamais fermer.
Seigneur, me voici pour faire ta volonté !

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