Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LES SEPT PAROLES DU CHRIST EN CROIX

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Les témoins de la mort de Jésus ont gardé le souvenir de sept paroles prononcées sur la croix :


 Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font.
Luc 23, v. 34


Des soudards envoyés par le grand prêtre, sous la surveillance des soldats romains, ont étendu Jésus sur la croix; ils ont cloué ses mains; ils ont cloué ses pieds; ils ont dressé la croix tout ensanglantée; ils achèvent leur triste besogne.

Qui éprouverait à l'égard de ces Juifs crucifiant leur Messie un sentiment de pitié?
C'est la victime elle-même qui nous enseigne à voir en eux les instruments aveugles d'un décret qu'ils ne peuvent comprendre. « Ils ne savent ce qu'ils font. » Ils ne savent pas que celui qu'ils crucifient entre deux autres condamnés, Dieu le leur avait donné pour les sauver. Ils ne savent pas que la postérité parlera d'eux et que jusqu'aux extrémités du monde le souvenir de leur geste de bourreaux sera douloureusement évoqué de génération en génération. Ils font leur métier. Comme tant d'autres après eux qui font souffrir leurs semblables. Tant d'instruments dociles de la puissance des ténèbres ! Comme nous qui tant de fois faisons souffrir notre prochain par notre brutalité, mais aussi par nos paroles, notre égoïsme, notre manque d'amour.
« Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font ! »

Père, pardonne-moi tout ce mal que j'ai fait et je ne le savais pas, et je ne pensais pas aux conséquences de mes actes, et je faisais ce que tout le monde fait.

Mais il n'y a pas que des instruments dociles de ceux qui les mènent. Il y a ceux qui savent ce qu'ils font. J'ai maintes fois fait souffrir en sachant ce que je faisais. Je n'ai pas l'excuse que Jésus allègue en faveur de la soldatesque qui le crucifie. Mon Dieu, y aura-t-il pardon pour moi?
Au pied de la croix, je n'ose même pas me mettre au nombre de ceux qui « ne savent pas ce qu'ils font». Mon Dieu, ce pardon, demandé par ton fils pour les bourreaux de Golgotha, je l'implore; je m'en sens plus indigne encore que ces hommes représentés par les peintres comme des brutes sans intelligence.
Seigneur, aie pitié de moi !




L'un des malfaiteurs mis en croix lui dit: Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton règne. Jésus lui répondit: En vérité, je te le dis, aujourd'hui même tu seras avec moi dans le paradis.
Luc 23, v. 42-43


Seigneur, c'est un malfaiteur qui t'implore. Le « bon larron », comme on l'appelle parfois. Et pourquoi veut-on qu'il ait été bon? C'est assez d'une victime innocente en Golgotha. La justice des hommes ne fait pas mourir que des justes. C'est un malfaiteur qui paie sa faute. Voleur de grand chemin, brigand, assassin? La seule chose que nous savons de lui c'est qu'à l'heure de la mort cet homme sans aveu jette un regard plein d'espoir sur ce juste qui meurt avec lui. Il a entendu le Christ prier pour ceux qui le persécutent. Mais lui, lui le larron, lui qui savait ce qu'il faisait quand il frappait, quand il détroussait les voyageurs, comment peut-il attendre quelque pardon? Il n'a aucun droit au pardon des hommes: « Pour nous, c'est justice, dit-il, nous recevons la peine que nos actes ont méritée. » Quel droit aurait-il au pardon du Dieu saint dont il a violé les commandements? Il n'a aucun mérite si ce n'est le mérite de se savoir coupable, et c'est le seul qui permette à Jésus de le sauver; «Aujourd'hui même, tu seras avec moi dans le paradis.» Toi, le larron, toi qui meurs d'une mort méritée, toi, triste échantillon de l'espèce humaine, de cette race des hommes qui s'est révoltée contre Dieu, toi, « enclin au mal, né dans la corruption, incapable de faire le bien », tu t'es reconnu coupable, et tu as espéré: « Jésus, souviens-toi de moi! » Reçois le pardon aujourd'hui même, sans autre expiation que celle que les hommes te font subir. Une sainte victime expie pour toi et meurt pour que tu vives.

Que d'honnêtes gens, que de riches et de sages n'entendront jamais la parole libératrice adressée au brigand sur la croix ! Et pourtant aux yeux des hommes comme ils valent mieux que le brigand, comme ils ont plus de mérites que cet homme méprisable ! Si le brigand est entré au paradis, à combien plus forte raison y auront-ils part ! Non pas. Car aux yeux de Dieu une seule chose est nécessaire, aux meilleurs comme aux pires, c'est que nous ayons avoué notre péché, notre indignité, c'est que l'honnête homme, ou celui qui se croit tel, ait compris que pour Dieu il n'est rien de plus qu'un malfaiteur, il est de la race du brigand, il est le frère du larron, il est le larron lui-même.
À celui qui en face de la croix s'identifie avec le malfaiteur et demande avec lui le pardon, Jésus dit: « En vérité, je te le dis, aujourd'hui même tu seras avec moi dans le paradis. »




Voyant sa mère, et, près d'elle, le disciple qu'il aimait, Jésus dit à sa mère: Femme, voilà ton fils. Puis il dit au disciple: Voilà ta mère.
Jean 19, v. 26-27


Au pied de la croix une mère, muette, douloureuse. Elle est montée à Jérusalem avec son fils. Que va-t-elle devenir, seule? Et ce chemin du retour, avec ses risques et sa fatigue et tout cela qu'elle aura toujours devant les yeux, une couronne d'épines, une croix, du sang, et tout cela qui continuera à l'assourdir, tous ces cris de la foule : « Barrabas » « Qu'il soit crucifié ! »

Au pied de la croix un disciple, « celui que Jésus aimait », peut-être parce qu'il était le plus jeune, le plus émotif, le plus fragile, Jean. Un disciple prostré dans la poussière brûlante, incapable de se souvenir des prophéties et des paroles de Jésus annonçant ses souffrances et sa résurrection.

Jésus peut encore leur parler à tous deux, mais ce n'est pas pour les convaincre : il y a des heures où les paroles sont inutiles, où les discours ne font plus d'effet, où le silence seul établit une communion. Quelques mots seulement, une tâche que Jésus leur confie à l'un et à l'autre. « Femme, voilà ton fils. » « Voilà ta mère. » Ne reste pas inconsolable au pied de la croix, prends soin de mon disciple, prends ma place auprès de lui et appuie-toi sur lui comme tu t'appuyais sur moi. Et toi, Jean, tout ce trésor d'affection que tu m'as témoignée, reporte-le sur cette mère.

C'est ainsi que le Christ nous apprend à ne pas nous replier sur nous-mêmes dans nos deuils et nos dépouillements, mais à nous consacrer à une tâche nouvelle. Femme qui pleures auprès d'une tombe, fils arraché aux siens par la guerre, toi qui chemines tout seul, toi dont les yeux sont pleins de visions d'effroi, ne reste pas inerte au pied d'une croix. Va au-devant des tâches que Dieu te donne. Vois ton prochain qui souffre auprès de toi. Penche-toi sur sa douleur et mets un baume sur ses plaies comme si c'étaient celles de celui que tu pleures. « Voilà ton fils.» « Voilà ta mère.»




Vers la neuvième heure, Jésus cria d'une voix forte: Eli, Eli, lamma sabachtani, c'est-à-dire : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?
Matthieu 27, v. 46


Il fallait que le Christ bût toute la coupe de la souffrance humaine et' qu'il connût comme nous jusqu'à cette suprême détresse de ne plus se sentir soutenu par Dieu, suprême détresse du doute à l'heure où l'on aurait le plus besoin de croire. Il le fallait pour que le Fils de Dieu S'identifiât pleinement au pécheur, pour qu'il fût totalement solidaire de l'homme qu'il est venu sauver, pour qu'il fût vraiment notre frère.

S'il avait éprouvé seulement l'abandon des hommes, S'il avait été sans cesse porté sur la croix par le Dieu d'amour, sa douleur n'eût pas été totale et nous ne pourrions pas unir notre douleur à sa douleur. Car notre douleur, C'est d'être loin de Dieu, C'est de nous croire abandonnés. Il fallait que notre Sauveur connût aussi cette douleur, que le Fils se crût abandonné du Père et qu'une de ses paroles sur la croix fût un cri déchirant comme celui d'un homme qui, privé d'affection et tout seul en ce monde, est encore privé de la lumière d'en-haut, un homme qui sombre dans la nuit totale. Un cri. Si poignant, ce cri ! Ceux qui étaient au pied de la croix n'ont pu l'oublier; les évangélistes l'ont écrit en araméen, seule des paroles de la croix qui vienne jusqu'à nous dans la langue même de Jésus. Mais ce cri monte vers Dieu : « Mon Dieu, mon Dieu ... » Dans ta douleur, mon frère, dans tes heures de doute, crie ta détresse, mais, comme Jésus sur la croix, tourne ta face vers celui qui se cache au regard de ta foi: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi... ? »
Et celui qui t'aidera à faire monter vers Dieu ce cri de détresse, c'est Jésus qui, sur la croix, a connu le même abandon.
« Mon Dieu, mon Dieu... »




Après cela, Jésus dit : J'ai soif.
Jean 19, v. 28


Pour comprendre ce que devait être la soif d'un crucifié, il faudrait avoir vécu en Orient, au soleil brûlant du Midi. Peut-être dans une heure de fièvre, après une opération, avons-nous dit, la gorge desséchée : J'ai soif ? Mais Jésus est sur la croix, sur la colline inondée de soleil. Les gens ont coutume de se vêtir de grands manteaux et ne vont jamais tête nue au soleil. Jésus n'a rien qui le protège et sa tête comme son corps est nue ; le sang qu'a fait couler la couronne d'épines est coagulé dans ses cheveux en désordre ; il n'a rien bu depuis la veille, depuis le vin de la Sainte-Cène. S'il y avait un peu d'ombre comme au jardin des oliviers ! Mais il n'y a rien sur la colline du Crâne, rien que le grand ciel rouge, rien que la croix au bois brûlant, rien que la poussière soulevée par les passants, rien que le poids de nos péchés qui ploie ses épaules. Jésus dit : « J'ai soif. »

Moi aussi, qui contemple la croix, j'ai soif. Ce n'est peut-être pas la même soif, au sens propre, physique. Mais c'est une soif que Jésus a connue lui aussi, chaque jour, et surtout sur la croix.

« J'ai soif de sympathie profonde, écrit Elisabeth Leseur, de tendresse... mon âme a soif de se dévouer, de se donner, d'être comprise et aimée, de tout comprendre et de tout partager. Elle soupire après ce qui dure et voudrait parfois secouer le fardeau des incompréhensions, des hostilités, des étroitesses qui, du dehors, pèse sur elle et la blesse.
« J'ai soif d'infini, d'immortalité, de cet épanouissement de l'âme que nous connaîtrons seulement au delà de ce qui passe.
« J'ai soif de vie, de la seule Vie, pleine, éternelle, avec toutes nos tendresses retrouvées dans le sein de l'Amour infini !
« Mon Dieu, j'ai soif ! »
« Il y a des vents brûlants qui passent sur l'âme humaine et la dessèchent », dit Lamennais.

Quand mon âme est desséchée et que j'attends une délivrance qui ne vient pas, ce tourment me rapproche de celui qui a dit sur la croix : « J'ai soif. »




Quand Jésus eut pris le vinaigre, il dit : Tout est accompli !
Jean 19, v. 30


En Jésus toute l'Écriture s'accomplit. En sa vie et en sa mort.
Qu'il est doux d'accomplir la prophétie : « On l'appellera : Prince de la paix. »
Ou encore :
« Il ne brisera point le roseau cassé,
Il n'éteindra point le lumignon qui fume. »

Il est d'autres paroles de l'Écriture dures à accomplir :
« Méprisé et abandonné des hommes, homme de douleur et fait à la souffrance, il sera dédaigné, il sera méconnu...
... meurtri pour nos péchés,
brisé pour nos iniquités.
Il supportera le châtiment qui nous donne le salut
Et ses meurtrissures nous vaudront la guérison.
L'Éternel fera retomber sur lui notre crime à tous.
... Pareil à l'agneau qu'on mène à la tuerie,
à la brebis muette devant ceux qui la tondent, il n'ouvrira pas la bouche...
Il plaît à l'Éternel de le briser par la souffrance. »


Il faut que toutes ces choses arrivent. Il faut que l'Écriture s'accomplisse. Il faut accepter, tout accepter.
« Mon Dieu, non pas ma volonté, mais ta volonté ! » Sur la croix, « tout est accompli »

Heureux qui souffre et supporte tout parce qu'il a été fidèle, parce qu'il ne s'est pas dérobé à son ministère, parce qu'il n'a pas fui la croix.

Heureux qui va mourir avec la certitude que par sa souffrance saintement acceptée il a tout accompli, agneau de Dieu mourant pour le salut du pécheur.

« Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice » et qui par leurs souffrances acceptées comme un accomplissement, comme une obéissance, s'unissent aux souffrances du Christ en croix.

Heureux ceux qui, sans toujours comprendre le pourquoi de leur calvaire, l'acceptent comme un acquiescement à la volonté de Dieu, comme une conséquence de leur fidélité, comme l'accomplissement d'une destinée voulue de Dieu.

Heureux qui accomplit la volonté de Dieu dans la joie et la sérénité ; heureux aussi qui accomplit cette volonté dans la douleur et le dénûment. Cette obéissance dans la souffrance unit plus étroitement au Sauveur.

Heureux qui, soutenu par la grâce de Dieu et par la communion du crucifié, pourra dire à l'heure dernière : J'ai accompli la tâche que Dieu m'avait confiée. Je peux mourir : « Tout est accompli. »




Jésus s écria d'une voix forte : Père, je remets mon esprit entre tes mains. Ayant dit cela, il expira.
Luc 23, v. 46


Mon Dieu tu m'avais abandonné. Mais, maintenant que tout est accompli, tu es là. « Je remets mon esprit entre tes mains. » Mon esprit, c'est-à-dire ma vie - car il n'y a pas ici opposition entre le corps et l'esprit. Je me remets tout entier entre tes mains. Cette vie, Dieu me l'avait donnée, Dieu me la reprend. « Que le nom de l'Éternel soit béni ! »

Sur la croix où tes bras sont écartelés, Jésus, le Père n'a cessé d'être présent. Les mots que tu prononces me font oublier le bois maudit où tu pends tout meurtri et je vois au lieu de l'instrument du supplice des bras ouverts comme ceux d'une croix, un grand amour qui descend jusqu'à toi. Ce n'est pas à la mort que tu t'abandonnes, C'est à Dieu. « Père, je remets mon esprit entre tes mains. »
Mourir comme le Christ, quelle grâce !

Qui peut oser se présenter devant Dieu comme Jésus à l'heure de la mort ? Tout ceux qui ont accepté leur croix ; tous ceux qui ont demandé le pardon ; tous ceux qui dans la souffrance se sont unis aux souffrances du Christ ; tous ceux pour qui le sang du Christ a coulé sur la croix ; tous ceux-là qui, unis dans leur passion avec le Christ, seront unis avec lui dans la vie.

Tous ceux-là peuvent dire comme Marguerite, la reine de Navarre qui partageait la foi des premiers réformés de France :

« Unie à lui, je ne puis avoir peur,
Peine, travail, ennui, mal, ni douleur
Car avec lui, croix, mort et passion
Ne peut être que consolation.
Trop faible suis en moi, en Dieu très forte ;
Car je puis tout en lui, qui me conforte.
Mort, ni péché, qui tant me fait de guerre,
Ne me pourront séparer un seul jour
De la grande charité et amour
Que mon Père, par Jésus-Christ, me porte. »

C'est pourquoi, prosterné devant la croix, je vois en elle mon salut :


AVE CRUX SPES UNICA
« Je te salue, ô croix, mon unique espérance. »
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