Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

QU'ONT-ILS DONC VU À BETHLÉEM?

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Allons jusqu'à Bethléem pour voir ce qui est arrivé.
Luc 2, v. 15

Comme les bergers dans la nuit de Noël, allons à Bethléem, la petite bourgade de Judée, voir ce qui est arrivé.

Ce que nous voyons n'a rien de sensationnel; la multitude des anges qui célébraient les louanges de Dieu est remontée au ciel; il n'y a plus devant nous qu'une étable où l'on entre par une porte basse, et dans l'humble demeure, couché dans une crèche, l'enfant emmailloté.
Rien qu'un petit enfant, semblable à tous les autres enfants, tout petit, tout menu, frêle créature que berce une jeune maman, sur qui veille un père, le charpentier de Nazareth. Ce n'est qu'un petit enfant, pauvre et nu, qui vient de naître dans cette nuit.

Devant cet enfant les bergers se prosternent et, l'ayant contemplé, s'en retournent, glorifiant et louant Dieu.
Devant cet enfant les mages venus d'Orient déposeront leurs trésors, lui rendant hommage comme à un roi.
Devant cet enfant des générations et des générations viendront ployer le genou et adorer.

Et pourtant les hommes se lassent si vite de tout; toujours en quête de sensations nouvelles, si vite blasés, ils ne peuvent détacher leurs regards de la crèche de Bethléem.
Qu'on se représente l'étable où Jésus est né avec la naïveté des vieux Noëls, des Bibles enluminées d'autrefois, dans le décor splendide qu'ont imaginé les peintres italiens ou dans la Pauvreté d'une étable aux murs crépis de chaux, peu importe.

Que Rubens ait vu les bergers accourant en foule, comme un peuple fervent qui se presse avec des gestes passionnés; que Rembrandt les ait vus silencieux, groupés dans la nuit autour de l'enfant qui seul est en pleine lumière; que Dürer ait vu l'étable comme une vieille maison de Nuremberg, peu importe.

Vous voyez en ce moment la Nativité de bien des manières différentes ! Vous ne la voyez pas comme la voit votre voisin. Si l'on pouvait mettre les unes à côté des autres les images que nous nous faisons de la Nativité, quelle diversité! Mais au centre de chacune de ces visions particulières, au centre de toutes les Nativités des peintres de tous les temps, comme dans l'image que vous vous faites de la crèche, comme au centre du récit de l'évangéliste Luc, il y a un enfant.
C'est cet enfant que vous contemplez, c'est vers lui que convergent tous les regards, tous les regards chargés d'espérance et de foi, tous les regards des croyants.

Nous sommes à Bethléem. Nous sommes venus voir ce qui est arrivé. Voulez-vous que pour un moment nous fassions comme si nous ne savions pas encore ce qui est arrivé, que nous supposions que quelqu'un n'ait jamais entendu parler de Noël, et nous demande : Quel est donc cet enfant, et pourquoi cette joie dans vos coeurs de chrétiens?
Nous redirons ensemble ce qui est arrivé, comme une affirmation commune de notre foi, comme un credo qui unit toute la chrétienté:

Les ténèbres régnaient sur la terre, les ténèbres où les hommes se sont volontairement abîmés en secouant le joug de Dieu. Les avertissements n'ont pourtant pas manqué.

Dieu a suscité les prophètes; les hommes les ont repoussés. Le ciel s'est refermé sur eux. « Le salut s'est éloigné de nous, dit Esaïe, la justice ne parvient pas jusqu'à nous. Nous attendons la lumière, et voici les ténèbres; la clarté du jour et nous marchons dans l'obscurité. » Le souverain juge va-t-il condamner le monde révolté, le monde inhumain, belliqueux, égoïste ? Il en a le droit. N'aura-t-il pas pitié des pécheurs ? «Le peuple qui marche dans les ténèbres voit une grande lumière. Car un enfant nous est né, un Fils de Dieu, Rédempteur, Prince de la Paix, Emmanuel: Dieu au milieu de nous.»
Il est le gage de la miséricorde de Dieu. « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle.» La Parole est faite chair, elle habite parmi les hommes.

Dans ce petit enfant nous contemplons la gloire de Dieu. Le Fils de Dieu, dépouillé des splendeurs éternelles, a pris ce corps de misère et de souffrance pour nous sauver.
Dans ce petit enfant nous adorons Celui qui vient du ciel pour nous réconcilier avec Dieu.

Nous sommes des pécheurs. Il est venu pour sauver les pécheurs.
Nous sommes des enfants prodigues, nous avons perdu le chemin de la maison paternelle, nous avons dissipé l'héritage sacré. Il est venu pour nous ramener à la maison du Père.
Nous sommes des brebis errantes, sans berger, des brebis indépendantes, nous avons voulu agir à notre tête. Il est venu pour chercher la brebis perdue et la reconduire au bercail.
Nous sommes des rameaux coupés, des sarments qui se dessèchent, détachés du tronc. Il est venu pour nous rattacher. au cep, qui est Dieu, source de toute vie.
Nos âmes sont inquiètes, nous ne connaissons plus la paix. Il est venu pour nous donner la paix, une paix qui déborde et qui doit se communiquer au monde, au monde malheureux qui ne connaît pas la paix.
Nous sommes voués à la mort. Il est venu pour nous donner la vie éternelle.

Petit enfant que nous sommes venus adorer à Bethléem, tu es pour nous le salut, le pardon, l'amour de Dieu manifesté en chair.
«Mon Sauveur et mon Dieu! »

D'où les bergers sont-ils venus à Bethléem ? Des montagnes voisines, d'un pays malheureux, asservi par les Romains, gouverné par un roi capricieux et cruel, Hérode. Les bergers, petites gens sans protection contre les injustices, contre la rapacité des marchands de bestiaux, méprisés par les pharisiens. D'où sont-ils venus? D'une terre abreuvée d'angoisses. De cette terre que Dieu avait créée paradis et dont les hommes ont fait le monde actuel.

Ils sont allés à Bethléem. Ils ont vu. Et ils sont retournés dans leurs montagnes, glorifiant Dieu. Ils ne sont pas retournés chez eux tels qu'ils étaient auparavant. Car une certitude brûlait dans leur coeur : Dieu a pitié de nous. Dieu nous tend une main secourable. Il nous envoie son Fils. Il ne transformera pas le monde comme dans un conte merveilleux; il vient pour transformer nos coeurs, pour les recréer à la ressemblance du sien. Qui le suit, qui devient son disciple connaît la paix, et la répand autour de soi. Qui le suit connaît l'amour et peut aimer son prochain. Qui le suit connaît la justice et peut être juste. Dans la mesure où les coeurs se soumettent à lui, l'ordre renaît dans le désordre du monde.

Que sont-ils devenus, les bergers de Bethléem? N'ont-ils gardé de la nuit de Noël qu'un souvenir splendide? Cette certitude, cette joie se sont-elles dissipées pour ne plus rester qu'un beau rêve, une parenthèse lumineuse dans une vie d'ombre? Sont-ils devenus disciples du Christ, fidèles à leur premier mouvement? Nous ne le savons. Cependant, si plus tard ces bergers ont raconté ce qu'avait été pour eux cette nuit de Noël, n'est-ce pas qu'ils sont devenus des amis, des disciples du Christ, n'est-ce pas que, témoins de sa naissance, ils le furent aussi de ses souffrances et de sa résurrection?

D'où venons-nous, nous qui sommes placés en face de l'enfant de Bethléem? D'un monde plein d'injustices, de bruits de guerre, de révolutions, de ce monde où l'on souffre, où l'on meurt, où les mots de paix, d'amour, sonnent comme des mots étrangers, d'un monde qui n'est pas celui de Dieu, mais le monde de la révolte contre Dieu.

Bethléem, nuit de Noël, vision d'amour et de paix, n'es-tu pour nous, pauvres humains, qu'une trouée lumineuse dans un ciel sombre, bientôt dérobée à nos regards par des ténèbres plus épaisses? Ou seras-tu pour nous le signe de temps nouveaux, la lumière qui éclairera notre vie de tous les jours, lumière qui pénétrera jusque dans les vallées les plus profondes de ce monde?

Nombreux ceux qui, après s'être approchés du Christ, ont préféré les ténèbres à la lumière, se sont éloignés de l'Évangile. C'est ce qu'a fait notre monde moderne, même lorsqu'il se prétend chrétien. N'est-ce pas ce que j'ai fait moi-même?
Il ne faut plus qu'il en soit ainsi ! Il ne faut plus détacher nos regards de cet enfant que Dieu nous a donné.

Nous voulons le contempler chaque jour. Ayons sans cesse devant les yeux celui qui s'est penché sur les malheureux, celui qui est venu pour servir, le Saint et le juste, celui qui a souffert et qui est mort sur la croix, celui qui a vaincu la mort. «Ayons les regards fixés sur Jésus, le chef et le consommateur de la foi, qui a souffert la croix, méprisé l'ignominie et s'est assis à la droite de Dieu. » Recherchons sa présence. Il vit, non seulement devant nos yeux, mais dans nos coeurs.

Venus à Bethléem, pour voir ce qui est arrivé, nous continuerons, par la grâce de Dieu, à suivre le chemin de la vie éternelle, et nous pourrons dire comme l'apôtre : «Ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi. Christ est ma vie!»
Qu'ont-ils donc vu à Bethléem, les bergers de la Nativité? Il ont vu ce que nous-mêmes nous pouvons contempler de plus beau. Ils ont vu Dieu, l'invisible souverain des cieux et de la terre, dans un petit enfant. Et ils ont connu que Dieu avait pitié d'eux et venait à eux. Pour les sauver! Pour leur permettre de commencer une vie nouvelle! Pour changer leurs coeurs de pierre en des coeurs de chair ! Pour leur donner la vie éternelle. À eux, les bergers de Bethléem !

Et à nous, si comme eux, et avec leur foi, nous savons «voir ce qui est arrivé».


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ILS RETOURNÈRENT PAR UN AUTRE CHEMIN


Les mages d'Orient retournèrent dans leur pays par un autre chemin.
Matthieu 2, V. 12


 Splendeur d'avoir contemplé le Christ! Mais n'allons-nous pas nous retrouver demain tels que nous étions hier, sur un chemin de misère et de médiocrité?

Comme les mages, nous sommes venus...
Les mages sont venus d'Orient pour adorer l'enfant né à Bethléem; ils lui ont apporté leurs offrandes : de l'or, de l'encens et de la myrrhe. Le lendemain « ils retournèrent dans leur pays par un autre chemin ».

En venant, ils s'étaient arrêtés à Jérusalem; ils avaient consulté Hérode, les sacrificateurs, les scribes; ils étaient alourdis par les riches présents qu'ils apportaient. Divinement avertis de ne pas retourner auprès d'Hérode, ils regagnent leur pays par un autre chemin. Ils n'ont plus besoin d'une étoile pour les guider, ni des conseils de personne; car Dieu lui-même leur a montré le chemin.
Ils ont vu le Fils de Dieu né dans une étable. Ils se sont prosternés devant celui qui vient sauver le monde. Ils ont trouvé ce qu'ils cherchaient depuis de longues années, ce que les mages et tous les sages de ce monde cherchent depuis des millénaires. Ils ont cherché Dieu et l'ont trouvé. Ils savent que le Dieu tout-puissant qui remplit l'immensité des cieux et les a peuplés d'étoiles sait aussi se mettre au niveau des hommes, au niveau des bergers et des humbles, pour les sauver. Ils ne peuvent plus douter de l'amour de Dieu.

Nous aussi, nous sommes venus nous prosterner devant le Christ. Nous avons encore devant les yeux l'enfant en qui nous avons contemplé le Sauveur qui vient. Comme eux, nous avons été distraits des tristes réalités de la vie présente, émus au plus profond de nous-mêmes. Dieu était tout proche et il nous était facile de croire et d'aimer.

Maintenant, il faut retourner, comme les mages, dans notre pays, à notre place habituelle. Sera-ce par le chemin sur lequel nous sommes venus? ou par un autre chemin?

Mesure de l'homme
0 ces chemins sur lesquels nous avons cheminé tout au long d'une année ! Quand nous sommes venus à une fête de Noël, nous étions en vêtements de fête, nous paraissions venir par la grand'route, la route de la foi et de l'obéissance, mais Dieu sait par quels chemins nous sommes venus, chemins dont la boue est encore visible à nos chaussures, dont l'odeur imprègne nos vêtements, dont la poussière ternit nos parures. Dieu sait que nous n'étions pas les invités royaux venus par la grande porte, mais des chemineaux tout éblouis par tant de splendeurs, indignes de tant d'amour.

Chemins de luxure ou de mensonge, où nous avons traîné après nous comme un tombereau d'immondices tout notre passé, tout notre péché, les yeux salis par tout ce que nous avons contemplé avec trop de complaisance!
Chemins de l'orgueil et de la révolte, chemins du large, chemins battus des vents, où nous allions à l'aventure, heureux d'échapper au devoir et aux contraintes, chemins des plaisirs défendus, chemin de ces joies dérobées que l'on dévore goulûment et qui laissent un arrière-goût de mort.

Et ces chemins que nous avons crus honnêtes, parce que nous n'étions pas des révoltés, mais des résignés, chemins de la routine et de la médiocrité, où nous allions sans horizon, sans autre effort que celui de suivre l'ornière, marchant dans la boue d'une vie sans grandeur, sans utilité, dans la boue jaunâtre et gluante. Dire un peu de mal de notre voisin, envier le sort des autres, hurler avec les loups, siffler avec les serpents et se taire quand il aurait fallu parler. 0 ces chemins de notre médiocrité!
Et ce chemin au bord duquel nous avons laissé l'homme dépouillé par les brigands, ce chemin où nous n'avons pensé qu'à nous-mêmes, où nous n'avons pas su voir les blessures et la misère de ceux que nous avons rencontrés.
Et ces chemins de découragement, où la douleur n'a pas porté son fruit, où nous nous sommes laissé broyer par notre douleur, et nous nous sommes assis au bord du chemin, et nous étions à terre, un avec le sol, refusant de nous laisser consoler.

Ces chemins par lesquels nous sommes venus à l'étable de Bethléem, larges chemins ou chemins resserrés comme des cheminées, tous ces chemins que nous avons honte d'avoir pris. Qu'il faisait bon ne plus penser à ces chemins quand nous étions en face de l'enfant de Noël, agenouillés au seuil de l'invisible, enveloppés de l'amour de Dieu, illuminés par la lumière qui ne s'éteint point !

Mon Dieu! Faudra-t-il reprendre aujourd'hui ce chemin par lequel nous sommes venus? Sommes-nous condamnés à être comme le vent qui « souffle vers le sud, puis tourne vers le nord, tourne, tourne sans cesse et reprend les mêmes circuits»?
«Voici, dit l'Écriture, j'ai mis devant toi la vie et la mort. Choisis la vie! » Le chemin de la vie et le chemin de la mort. « Choisis! » Nous pouvons donc choisir notre chemin!

Comme les mages. Ils sont repartis par un autre chemin. Dieu veut que nous aussi nous repartions par un autre chemin.
En quoi le chemin du chrétien diffère-t-il de tous les autres chemins?
Ce n'est pas encore un chemin du ciel, un chemin sur lequel il n'y a plus ni larmes ni souffrances, ni les embûches perfides du tentateur, ni ces lourds nuages qui nous cachent l'amour de Dieu. Ce n'est pas encore un de ces chemins du ciel, promis à ceux qui auront été fidèles jusqu'à la mort.
C'est un chemin de la terre, de cette terre révoltée contre son créateur, de cette terre qui a préféré les ténèbres à la lumière, de cette terre qui a mis en croix son Sauveur, terre de Golgotha, terre des bûchers et des arènes où meurent les témoins de Jésus-Christ, terre cent fois ravagée par les guerres, terre des conquérants et des oppresseurs, terre sanglante, villes vouées à la destruction, terre des prisons et de l'exil, terre où l'homme se creuse des abris, où l'homme se terre parce qu'il a peur du ciel peuplé d'avions, ciel de péché, ciel des hommes. C'est un chemin de ce monde.

Sur ce chemin nouveau que les mages ont pris pour regagner leur pays, c'est encore le sable brûlant qui fait désirer l'oasis, ce sont les ossements de chameaux morts dans le désert le long de la piste et les tourbillons de sable.
Ce qui est nouveau, ce n'est pas tant le chemin lui-même. Ce sont les sentiments qui se pressent au coeur des voyageurs.

Sur ce nouveau chemin, il y a tout d'abord un grand souvenir. Le souvenir de ce que nous avons vu et entendu à Bethléem : Dieu a pitié des hommes. Il a donné son Fils. Et nous avons contemplé le don de Dieu. Sur le chemin du retour, notre coeur brûle au dedans de nous, comme celui des pèlerins d'Emmaüs, parce que nous savons nous souvenir. Et nous avons cet avantage sur les mages de Noël d'en savoir plus qu'eux. Ils n'avaient qu'une promesse; ils n'avaient vu qu'un petit enfant. Nous avons vu cet enfant devenir un homme, nous l'avons vu se pencher sur les souffrances de ses frères, nous l'avons vu sauver de la mort et de la perdition ceux qui ont tourné vers lui leurs regards douloureux, nous savons jusqu'où a été son amour rédempteur, nous savons à quel prix il nous a rachetés, nous avons vu la croix et le tombeau vide. C'est tout cela que nous avons vu quand nous nous sommes agenouillés dans la nuit de Noël.

Sur le chemin que Dieu nous trace, il y a un grand souvenir qui remplit nos coeurs.
Mais il y a plus qu'un souvenir. Celui que nous sommes venus contempler à Noël n'a pas disparu dans le passé. Il est vivant. Il est une présence et un amour. Il est un guide sur notre chemin. Il est un pain qui nourrit les pèlerins.

Si nous sommes résolus à prendre le chemin nouveau qui s'ouvre à nous au lendemain de Noël, chemin d'obéissance à Dieu, chemin de confiance, le Christ est avec nous sur ce chemin. Il nous protège; il combat avec nous; il ne permet pas qu'aucun de ceux qu'il aime meure dans la boue et le péché; à travers les larmes et le sang il les entraîne à la vie éternelle.
Sur ce chemin, il y a une présence. Et cette présence fait toutes choses nouvelles.

Richesse de l'homme
Les mages ont déposé aux pieds de Jésus leurs présents : de l'or, de l'encens et de la myrrhe.

Sur le chemin du retour, ils sont plus légers; ils n'ont plus cet or, qui était le signe de leur puissance et de leur richesse. Qu'ont-ils encore besoin de cet or, eux qui ont trouvé un trésor combien plus sûr, la certitude de l'amour de Dieu? Sur le chemin nouveau qui s'est ouvert pour nous, nous cheminerons plus gaîment, ne craignant plus pour nos biens matériels, pensant à d'autres richesses que ni la guerre, ni l'incendie, ni la prison ne peuvent nous ôter.

Les mages n'ont plus leur encens, cet encens qu'ils faisaient monter vers le ciel pour soutenir leurs prières incertaines. Qu'ont-ils encore besoin d'encens et de ces pauvres moyens extérieurs de rendre un culte à Dieu, eux qui savent maintenant comment l'on peut prier, avec des mots tout simples, avec les mots qu'ils ont dits à l'enfant de Bethléem? Pour nous aussi, Dieu n'est plus l'impitoyable fatalité, l'Être suprême lointain et redoutable, et nous disons « Notre Père » à celui que nous savons tout proche.

Les mages n'ont plus de myrrhe, cette substance qui sert à embaumer les morts, à prolonger la durée des corps, afin de les arracher pour quelque temps encore au néant. Qu'ont-ils besoin de myrrhe? Ils n'ont plus cette crainte superstitieuse de la mort, eux qui ont contemplé à Bethléem en Christ la vie éternelle. Nous n'avons plus besoin de myrrhe, et nous ne tremblons plus devant la mort, nous qui savons que pour Christ tous sont vivants. Plus de myrrhe, plus de deuils inconsolables, mais au travers de nos larmes un regard vers le ciel, le ciel de Dieu, où sont nos bien-aimés.

Itinéraire
Sur ce chemin nouveau, nous ne prendrons plus notre mot d'ordre auprès des hommes, fussent-ils puissants comme le roi Hérode ou savants comme les scribes de Jérusalem. Nous ne prendrons conseil que de Dieu seul et de sa Parole.
Au bord du chemin, que de misères ! Ces malheureux qui gisent auprès de nous, Dieu nous donnera de les voir et de les aider à reprendre courage.
Sur ce chemin, que de « pourquoi? » auxquels nous ne trouverons pas de réponse. Dieu nous apprendra qu'il vaut mieux se taire et accepter en silence jusqu'au jour où il nous dévoilera le pourquoi de tant de souffrances, de tant d'effroi.

Au bord de ce chemin que de sujets de reconnaissance ! Nous ne savions pas les voir et Dieu nous les fera voir, les lis des champs, et le lumignon qui fume encore là où nous n'avions vu que cendres et scories, et l'amour qui renaît dans les ruines, et la grâce qui surabonde là où le péché abonde.
Sur ce chemin, nous irons en chantant ou en pleurant, qu'importe ! Nous nous réjouirons avec ceux qui sont dans la joie ou nous pleurerons avec ceux qui pleurent, qu'importe ! Nous avancerons à grands pas sans craindre la fatigue, ou nous resterons couchés sur un lit de souffrance tandis que les autres avancent, nous serons libres ou en prison, entourés d'amis ou solitaires, fêtés ou persécutés, qu'importe ! Ce chemin est un chemin nouveau, parce que le Christ est sur ce chemin. Et c'est la seule chose qui compte. Chemin d'obéissance. Chemin de l'Église militante. Chemin sur lequel notre regard cherchera Dieu et son pardon. Chemin qui par la grâce de Dieu rejoindra d'autres chemins encore, ceux de l'Église triomphante, ceux que foule la grande nuée des témoins, les chemins où Dieu sera tout en tous, les chemins du ciel.
Seigneur, sois-nous en aide pour que nous ne quittions plus ce chemin.

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