Comme les bergers dans la nuit de Noël,
allons à Bethléem, la petite bourgade
de Judée, voir ce qui est
arrivé.
Ce que nous voyons n'a rien de
sensationnel; la multitude des anges qui
célébraient les louanges de Dieu est
remontée au ciel; il n'y a plus devant nous
qu'une étable où l'on entre par une
porte basse, et dans l'humble demeure,
couché dans une crèche, l'enfant
emmailloté.
Rien qu'un petit enfant, semblable
à tous les autres enfants, tout petit, tout
menu, frêle créature que berce une
jeune maman, sur qui veille un père, le
charpentier de Nazareth. Ce n'est qu'un petit
enfant, pauvre et nu, qui vient de naître
dans cette nuit.
Devant cet enfant les bergers se
prosternent et, l'ayant contemplé, s'en
retournent, glorifiant et louant Dieu.
Devant cet enfant les mages venus
d'Orient déposeront leurs trésors,
lui rendant hommage comme à un roi.
Devant cet enfant des
générations et des
générations viendront ployer le genou
et adorer.
Et pourtant les hommes se lassent si
vite de tout; toujours en quête de sensations
nouvelles, si vite blasés, ils ne peuvent
détacher leurs regards de la crèche
de Bethléem.
Qu'on se représente
l'étable où Jésus est
né avec la naïveté des vieux
Noëls, des Bibles enluminées
d'autrefois, dans le décor splendide qu'ont
imaginé les peintres italiens ou dans la
Pauvreté d'une étable aux murs
crépis de chaux, peu importe.
Que Rubens ait vu les bergers accourant
en foule, comme un peuple fervent qui se presse
avec des gestes passionnés; que Rembrandt
les ait vus silencieux, groupés dans la nuit
autour de l'enfant qui seul est en pleine
lumière; que Dürer ait vu
l'étable comme une vieille maison de
Nuremberg, peu importe.
Vous voyez en ce moment la
Nativité de bien des manières
différentes ! Vous ne la voyez pas comme la
voit votre voisin. Si l'on pouvait mettre les unes
à
côté des autres les images que nous
nous faisons de la Nativité, quelle
diversité! Mais au centre de chacune de ces
visions particulières, au centre de toutes
les Nativités des peintres de tous les
temps, comme dans l'image que vous vous faites de
la crèche, comme au centre du récit
de l'évangéliste Luc, il y a un
enfant.
C'est cet enfant que vous contemplez,
c'est vers lui que convergent tous les regards,
tous les regards chargés d'espérance
et de foi, tous les regards des croyants.
Nous sommes à Bethléem.
Nous sommes venus voir ce qui est arrivé.
Voulez-vous que pour un moment nous fassions comme
si nous ne savions pas encore ce qui est
arrivé, que nous supposions que quelqu'un
n'ait jamais entendu parler de Noël, et nous
demande : Quel est donc cet enfant, et pourquoi
cette joie dans vos coeurs de
chrétiens?
Nous redirons ensemble ce qui est
arrivé, comme une affirmation commune de
notre foi, comme un credo qui unit toute la
chrétienté:
Les ténèbres
régnaient sur la terre, les
ténèbres où les hommes se sont
volontairement abîmés en secouant le
joug de Dieu. Les avertissements n'ont pourtant pas
manqué.
Dieu a suscité les
prophètes; les hommes les ont
repoussés. Le ciel s'est refermé sur
eux. « Le salut s'est éloigné de
nous, dit Esaïe, la justice ne parvient pas
jusqu'à nous. Nous attendons la
lumière, et voici les
ténèbres; la clarté du jour et
nous marchons dans l'obscurité. » Le
souverain juge va-t-il condamner le monde
révolté, le monde inhumain,
belliqueux, égoïste ? Il en a le droit.
N'aura-t-il pas pitié des pécheurs ?
«Le peuple qui marche dans les
ténèbres voit une grande
lumière. Car un enfant nous est né,
un Fils de Dieu, Rédempteur, Prince de la
Paix, Emmanuel: Dieu au milieu de
nous.»
Il est le gage de la miséricorde
de Dieu. « Dieu a tant aimé le monde
qu'il a donné son Fils, afin que quiconque
croit en lui ne périsse point, mais qu'il
ait la vie éternelle.» La Parole est
faite chair, elle habite parmi les hommes.
Dans ce petit enfant nous contemplons la
gloire de Dieu. Le Fils de Dieu,
dépouillé des splendeurs
éternelles, a pris ce corps de misère
et de souffrance pour nous sauver.
Dans ce petit enfant nous adorons Celui
qui vient du ciel pour nous réconcilier avec
Dieu.
Nous sommes des pécheurs. Il est
venu pour sauver les pécheurs.
Nous sommes des enfants prodigues, nous
avons perdu le chemin de la maison paternelle, nous
avons dissipé l'héritage
sacré. Il est venu pour nous ramener
à la maison du Père.
Nous sommes des brebis errantes, sans
berger, des brebis indépendantes, nous avons
voulu agir à notre tête. Il est venu
pour chercher la brebis perdue et la reconduire au
bercail.
Nous sommes des rameaux coupés,
des sarments qui se dessèchent,
détachés du tronc. Il est venu pour
nous rattacher. au cep, qui est Dieu, source de
toute vie.
Nos âmes sont inquiètes,
nous ne connaissons plus la paix. Il est venu pour
nous donner la paix, une paix qui déborde et
qui doit se communiquer au monde, au monde
malheureux qui ne connaît pas la
paix.
Nous sommes voués à la
mort. Il est venu pour nous donner la vie
éternelle.
Petit enfant que nous sommes venus
adorer à Bethléem, tu es pour nous le
salut, le pardon, l'amour de Dieu manifesté
en chair.
«Mon Sauveur et mon Dieu!
»
D'où les bergers sont-ils venus
à Bethléem ? Des montagnes voisines,
d'un pays malheureux, asservi par les Romains,
gouverné par un roi capricieux et cruel,
Hérode. Les bergers, petites gens sans
protection contre les injustices, contre la
rapacité des marchands de bestiaux,
méprisés par les pharisiens.
D'où sont-ils venus? D'une terre
abreuvée d'angoisses. De cette terre que
Dieu avait créée paradis et dont les
hommes ont fait le monde actuel.
Ils sont allés à
Bethléem. Ils ont vu. Et ils sont
retournés dans leurs montagnes, glorifiant
Dieu. Ils ne sont pas retournés chez eux
tels qu'ils étaient auparavant. Car une
certitude brûlait dans leur coeur : Dieu a
pitié de nous. Dieu nous tend une main
secourable. Il nous envoie son Fils. Il ne
transformera pas le monde comme dans un conte
merveilleux; il vient pour transformer nos coeurs,
pour les recréer à la ressemblance du
sien. Qui le suit, qui devient son disciple
connaît la paix, et la répand autour
de soi. Qui le suit connaît l'amour et peut
aimer son prochain. Qui le suit connaît la
justice et peut être juste. Dans la mesure
où les coeurs se soumettent à lui,
l'ordre renaît dans le désordre du
monde.
Que sont-ils devenus, les bergers de
Bethléem? N'ont-ils gardé de la nuit
de Noël qu'un souvenir splendide? Cette
certitude, cette joie se sont-elles
dissipées pour ne plus rester qu'un beau
rêve, une parenthèse lumineuse dans
une vie d'ombre? Sont-ils devenus
disciples du Christ, fidèles à leur
premier mouvement? Nous ne le savons. Cependant, si
plus tard ces bergers ont raconté ce
qu'avait été pour eux cette nuit de
Noël, n'est-ce pas qu'ils sont devenus des
amis, des disciples du Christ, n'est-ce pas que,
témoins de sa naissance, ils le furent aussi
de ses souffrances et de sa
résurrection?
D'où venons-nous, nous qui sommes
placés en face de l'enfant de
Bethléem? D'un monde plein d'injustices, de
bruits de guerre, de révolutions, de ce
monde où l'on souffre, où l'on meurt,
où les mots de paix, d'amour, sonnent comme
des mots étrangers, d'un monde qui n'est pas
celui de Dieu, mais le monde de la révolte
contre Dieu.
Bethléem, nuit de Noël,
vision d'amour et de paix, n'es-tu pour nous,
pauvres humains, qu'une trouée lumineuse
dans un ciel sombre, bientôt
dérobée à nos regards par des
ténèbres plus épaisses? Ou
seras-tu pour nous le signe de temps nouveaux, la
lumière qui éclairera notre vie de
tous les jours, lumière qui
pénétrera jusque dans les
vallées les plus profondes de ce monde?
Nombreux ceux qui, après
s'être approchés du Christ, ont
préféré les
ténèbres à la lumière,
se sont éloignés de
l'Évangile. C'est ce qu'a fait notre monde
moderne, même lorsqu'il se prétend
chrétien. N'est-ce pas ce que j'ai fait
moi-même?
Il ne faut plus qu'il en soit ainsi ! Il
ne faut plus détacher nos regards de cet
enfant que Dieu nous a donné.
Nous voulons le contempler chaque jour.
Ayons sans cesse devant les yeux celui qui s'est
penché sur les malheureux, celui qui est
venu pour servir, le Saint et le juste, celui qui a
souffert et qui est mort sur la croix, celui qui a
vaincu la mort. «Ayons les regards
fixés sur Jésus, le chef et le
consommateur de la foi, qui a souffert la croix,
méprisé l'ignominie et s'est assis
à la droite de Dieu. » Recherchons sa
présence. Il vit, non seulement devant nos
yeux, mais dans nos coeurs.
Venus à Bethléem, pour
voir ce qui est arrivé, nous continuerons,
par la grâce de Dieu, à suivre le
chemin de la vie éternelle, et nous pourrons
dire comme l'apôtre : «Ce n'est plus moi
qui vis, c'est Christ qui vit en moi. Christ est ma
vie!»
Qu'ont-ils donc vu à
Bethléem, les bergers de la Nativité?
Il ont vu ce que nous-mêmes nous pouvons contempler
de
plus
beau. Ils ont vu Dieu, l'invisible souverain des
cieux et de la terre, dans un petit enfant. Et ils
ont connu que Dieu avait pitié d'eux et
venait à eux. Pour les sauver! Pour leur
permettre de commencer une vie nouvelle! Pour
changer leurs coeurs de pierre en des coeurs de
chair ! Pour leur donner la vie éternelle.
À eux, les bergers de Bethléem
!
Et à nous, si comme eux, et avec
leur foi, nous savons «voir ce qui est
arrivé».
Matthieu 2, V. 12 |
Splendeur d'avoir contemplé le
Christ! Mais n'allons-nous pas nous retrouver
demain tels que nous étions hier, sur un
chemin de misère et de
médiocrité?
Comme
les
mages, nous sommes venus...
Les mages sont venus d'Orient pour
adorer l'enfant né à Bethléem;
ils lui ont apporté leurs offrandes : de
l'or, de l'encens et de la myrrhe. Le lendemain
« ils retournèrent dans leur pays par
un autre chemin ».
En venant, ils s'étaient
arrêtés à Jérusalem; ils
avaient consulté Hérode, les
sacrificateurs, les scribes; ils étaient
alourdis par les riches présents qu'ils
apportaient. Divinement avertis de ne pas retourner
auprès d'Hérode, ils regagnent leur
pays par un autre chemin. Ils n'ont plus besoin
d'une étoile pour les guider, ni des
conseils de personne; car Dieu lui-même leur
a montré le chemin.
Ils ont vu le Fils de Dieu né
dans une étable. Ils se sont
prosternés devant celui qui vient sauver le
monde. Ils ont trouvé ce qu'ils cherchaient
depuis de longues années, ce que les mages
et tous les sages de ce monde cherchent depuis des
millénaires. Ils ont cherché Dieu et
l'ont trouvé. Ils savent que le Dieu
tout-puissant qui remplit l'immensité des
cieux et les a peuplés d'étoiles sait
aussi se mettre au niveau des hommes, au niveau des
bergers et des humbles, pour les sauver. Ils ne
peuvent plus douter de l'amour de Dieu.
Nous aussi, nous sommes venus nous
prosterner devant le Christ. Nous avons encore
devant les yeux l'enfant en qui nous avons
contemplé le Sauveur qui vient. Comme eux,
nous avons été distraits des tristes
réalités de la vie présente,
émus au plus profond de nous-mêmes.
Dieu était tout proche et il nous
était facile de croire et d'aimer.
Maintenant, il faut retourner, comme les
mages, dans notre pays, à notre place
habituelle. Sera-ce par le chemin sur lequel nous
sommes venus? ou par un autre chemin?
Mesure
de
l'homme
0 ces chemins sur lesquels nous avons
cheminé tout au long d'une année !
Quand nous sommes venus à une fête de
Noël, nous étions en vêtements de
fête, nous paraissions venir par la
grand'route, la route de la foi et de
l'obéissance, mais Dieu sait par quels
chemins nous sommes venus, chemins dont la boue est
encore visible à nos chaussures, dont
l'odeur imprègne nos vêtements, dont
la poussière ternit nos parures. Dieu sait
que nous n'étions pas les invités
royaux venus par la grande porte, mais des
chemineaux tout éblouis par tant de
splendeurs, indignes de tant d'amour.
Chemins de luxure ou de mensonge,
où nous avons traîné
après nous comme un tombereau d'immondices
tout notre passé, tout notre
péché, les yeux salis par tout ce que
nous avons contemplé avec trop de
complaisance!
Chemins de l'orgueil et de la
révolte, chemins du large, chemins battus
des vents, où nous allions à
l'aventure, heureux d'échapper au devoir et
aux contraintes, chemins des plaisirs
défendus, chemin de ces joies
dérobées que l'on dévore
goulûment et qui laissent un
arrière-goût de mort.
Et ces chemins que nous avons crus
honnêtes, parce que nous n'étions pas
des révoltés, mais des
résignés, chemins de la routine et de
la médiocrité, où nous allions
sans horizon, sans autre effort que celui de suivre
l'ornière, marchant dans la boue d'une vie
sans grandeur, sans utilité, dans la boue
jaunâtre et gluante. Dire un peu de mal de
notre voisin, envier le sort des autres, hurler
avec les loups, siffler avec les serpents et se
taire quand il aurait fallu parler. 0 ces chemins
de notre médiocrité!
Et ce chemin au bord duquel nous avons
laissé l'homme dépouillé par
les brigands, ce chemin où nous n'avons
pensé qu'à nous-mêmes,
où nous n'avons pas su voir les blessures et
la misère de ceux que nous avons
rencontrés.
Et ces chemins de découragement,
où la douleur n'a pas porté son
fruit, où nous nous sommes laissé
broyer par notre douleur, et nous nous sommes assis
au bord du chemin, et nous étions à
terre, un avec le sol, refusant de nous laisser
consoler.
Ces chemins par lesquels nous sommes
venus à l'étable de Bethléem,
larges chemins ou chemins resserrés comme
des cheminées, tous ces chemins que nous
avons honte d'avoir pris. Qu'il faisait bon ne plus
penser à ces chemins quand nous
étions en face de l'enfant de Noël,
agenouillés au seuil de l'invisible,
enveloppés de l'amour de Dieu,
illuminés par la lumière qui ne
s'éteint point !
Mon Dieu! Faudra-t-il reprendre
aujourd'hui ce chemin par lequel nous sommes venus?
Sommes-nous condamnés à être
comme le vent qui « souffle vers le sud, puis
tourne vers le nord, tourne, tourne sans cesse et
reprend les mêmes circuits»?
«Voici, dit l'Écriture, j'ai
mis devant toi la vie et la mort. Choisis la vie!
» Le chemin de la vie et le chemin de la mort.
« Choisis! » Nous pouvons donc choisir
notre chemin!
Comme les mages. Ils sont repartis par
un autre chemin. Dieu veut que nous aussi nous
repartions par un autre chemin.
En quoi le chemin du chrétien
diffère-t-il de tous les autres
chemins?
Ce n'est pas encore un chemin du ciel,
un chemin sur lequel il n'y a plus ni larmes ni
souffrances, ni les embûches perfides du
tentateur, ni ces lourds nuages qui nous cachent
l'amour de Dieu. Ce n'est pas encore un de ces
chemins du ciel, promis à ceux qui auront
été fidèles jusqu'à la
mort.
C'est un chemin de la terre, de cette
terre révoltée contre son
créateur, de cette terre qui a
préféré les
ténèbres à la lumière,
de cette terre qui a mis en croix son Sauveur,
terre de Golgotha, terre des bûchers et des
arènes où meurent les témoins
de Jésus-Christ, terre cent fois
ravagée par les guerres, terre des
conquérants et des oppresseurs, terre
sanglante, villes vouées à la
destruction, terre des prisons et de l'exil, terre
où l'homme se creuse des abris, où
l'homme se terre parce qu'il a peur du ciel
peuplé d'avions, ciel de
péché, ciel des hommes. C'est un
chemin de ce monde.
Sur ce chemin nouveau que les mages ont
pris pour regagner leur pays, c'est encore le sable
brûlant qui fait désirer l'oasis, ce
sont les ossements de chameaux morts dans le
désert le long de la piste et les
tourbillons de sable.
Ce qui est nouveau, ce n'est pas tant le
chemin lui-même. Ce sont les sentiments qui
se pressent au coeur des voyageurs.
Sur ce nouveau chemin, il y a tout
d'abord un grand souvenir. Le souvenir de ce que
nous avons vu et entendu à Bethléem :
Dieu a pitié des hommes. Il a donné
son Fils. Et nous avons contemplé le don de
Dieu. Sur le chemin du retour, notre coeur
brûle au dedans de nous, comme celui des
pèlerins d'Emmaüs, parce que nous
savons nous souvenir. Et nous avons cet avantage
sur les mages de Noël d'en savoir plus qu'eux.
Ils n'avaient qu'une promesse; ils n'avaient vu
qu'un petit enfant. Nous avons vu cet enfant
devenir un homme, nous l'avons vu se pencher sur
les souffrances de ses frères, nous l'avons
vu sauver de la mort et de la perdition ceux qui
ont tourné vers lui leurs regards
douloureux, nous savons jusqu'où a
été son amour rédempteur, nous
savons à quel prix il nous a
rachetés, nous avons vu la croix et le
tombeau vide. C'est tout cela que nous avons vu
quand nous nous sommes agenouillés dans la
nuit de Noël.
Sur le chemin que Dieu nous trace, il y
a un grand souvenir qui remplit nos coeurs.
Mais il y a plus qu'un souvenir. Celui
que nous sommes venus contempler à Noël
n'a pas disparu dans le passé. Il est
vivant. Il est une présence et un amour. Il
est un guide sur notre chemin. Il est un pain qui
nourrit les pèlerins.
Si nous sommes résolus à
prendre le chemin nouveau qui s'ouvre à nous
au lendemain de Noël, chemin
d'obéissance à Dieu, chemin de
confiance, le Christ est avec nous sur ce chemin.
Il nous protège; il combat avec nous; il ne
permet pas qu'aucun de ceux qu'il aime meure dans
la boue et le péché; à travers
les larmes et le sang il les entraîne
à la vie éternelle.
Sur ce chemin, il y a une
présence. Et cette présence fait
toutes choses nouvelles.
Richesse
de
l'homme
Les mages ont déposé aux
pieds de Jésus leurs présents : de
l'or, de l'encens et de la myrrhe.
Sur le chemin du retour, ils sont plus
légers; ils n'ont plus cet or, qui
était le signe de leur puissance et de leur
richesse. Qu'ont-ils encore besoin de cet or, eux
qui ont trouvé un trésor combien plus
sûr, la certitude de l'amour de Dieu? Sur le
chemin nouveau qui s'est ouvert pour nous, nous
cheminerons plus gaîment, ne craignant plus
pour nos biens matériels, pensant à d'autres
richesses que ni la guerre, ni l'incendie, ni la
prison ne peuvent nous ôter.
Les mages n'ont plus leur encens, cet
encens qu'ils faisaient monter vers le ciel pour
soutenir leurs prières incertaines.
Qu'ont-ils encore besoin d'encens et de ces pauvres
moyens extérieurs de rendre un culte
à Dieu, eux qui savent maintenant comment
l'on peut prier, avec des mots tout simples, avec
les mots qu'ils ont dits à l'enfant de
Bethléem? Pour nous aussi, Dieu n'est plus
l'impitoyable fatalité, l'Être
suprême lointain et redoutable, et nous
disons « Notre Père » à
celui que nous savons tout proche.
Les mages n'ont plus de myrrhe, cette
substance qui sert à embaumer les morts,
à prolonger la durée des corps, afin
de les arracher pour quelque temps encore au
néant. Qu'ont-ils besoin de myrrhe? Ils
n'ont plus cette crainte superstitieuse de la mort,
eux qui ont contemplé à
Bethléem en Christ la vie éternelle.
Nous n'avons plus besoin de myrrhe, et nous ne
tremblons plus devant la mort, nous qui savons que
pour Christ tous sont vivants. Plus de myrrhe, plus
de deuils inconsolables, mais au travers de nos
larmes un regard vers le ciel, le ciel de Dieu,
où sont nos bien-aimés.
Itinéraire
Sur ce chemin nouveau, nous ne prendrons
plus notre mot d'ordre auprès des hommes,
fussent-ils puissants comme le roi Hérode ou
savants comme les scribes de Jérusalem. Nous
ne prendrons conseil que de Dieu seul et de sa
Parole.
Au bord du chemin, que de misères
! Ces malheureux qui gisent auprès de nous,
Dieu nous donnera de les voir et de les aider
à reprendre courage.
Sur ce chemin, que de « pourquoi?
» auxquels nous ne trouverons pas de
réponse. Dieu nous apprendra qu'il vaut
mieux se taire et accepter en silence jusqu'au jour
où il nous dévoilera le pourquoi de
tant de souffrances, de tant d'effroi.
Au bord de ce chemin que de sujets de
reconnaissance ! Nous ne savions pas les voir et
Dieu nous les fera voir, les lis des champs, et le
lumignon qui fume encore là où nous
n'avions vu que cendres et scories, et l'amour qui
renaît dans les ruines, et la grâce qui
surabonde là où le
péché abonde.
Sur ce chemin, nous irons en chantant ou
en pleurant, qu'importe ! Nous nous
réjouirons avec ceux qui sont dans la joie
ou nous pleurerons avec ceux qui
pleurent, qu'importe ! Nous avancerons à
grands pas sans craindre la fatigue, ou nous
resterons couchés sur un lit de souffrance
tandis que les autres avancent, nous serons libres
ou en prison, entourés d'amis ou solitaires,
fêtés ou persécutés,
qu'importe ! Ce chemin est un chemin nouveau, parce
que le Christ est sur ce chemin. Et c'est la seule
chose qui compte. Chemin d'obéissance.
Chemin de l'Église militante. Chemin sur
lequel notre regard cherchera Dieu et son pardon.
Chemin qui par la grâce de Dieu rejoindra
d'autres chemins encore, ceux de l'Église
triomphante, ceux que foule la grande nuée
des témoins, les chemins où Dieu sera
tout en tous, les chemins du ciel.
Seigneur, sois-nous en aide pour que
nous ne quittions plus ce chemin.
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |