Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Pasteur et homme de douleur (suite 3)

-------

À Genève, après s'être reposée chez Duvilard, Anne Durand prit pension dans la maison de M. Pie qu'elle estimait fort. Elle souffrait de violentes migraines et craignait de ne pas être assez bien remise pour aller rendre à Court, en avril suivant, une visite projetée depuis longtemps.

Les mois passèrent. La première lettre que nous possédions depuis ces événements est datée du 17 février 1731. Durand avait ralenti son activité. La saison rigoureuse l'y contraignait. Sa petite Anne se portait mieux mais son frère avait été malade lui aussi. À présent il était guéri. « Il se fait puissant homme et sera bientôt en état d'entrer en philosophie ! »

Le pasteur faisait contre mauvaise fortune bon coeur, car les embarras d'argent venaient s'ajouter aux autres. Les Églises ne lui payaient pas toujours son traitement. Il acceptait toutes ces épreuves
« Dieu y pourvoira, et peu de chose suffit quand on a le louable mais rare secret de se contenter du simple nécessaire ». Il affirmait ensuite son dessein d'aller demander quelques secours à Isabeau: Sautel; mais il n'osait pas trop compter sur les résultats de sa démarche. Il annonçait aussi les efforts tentés en faveur de son père. Marie de son côté « reconnaissait maintenant le tort qu'elle avait eu de ne pas suivre le conseil de ses amis ». Il faut sans doute voir là son regret du mariage qu'elle avait payé de sa liberté.

Anne ne resta pas longtemps à Genève. Elle s'installa bientôt à Lausanne où elle reçut un accueil affectueux. La notoriété de son mari l'y avait précédée. Elle y retrouva Court et Jacques Boyer. Une importante colonie de réfugiés lui rappelait la France; mais tout ceci ne suffisait pas à dissiper ses inquiétudes. La pauvre femme, sans ressources régulières, était rongée de soucis. Elle songeait à son compagnon toujours exposé, à ses enfants qui pouvaient être d'un moment à l'autre enlevés et menés au couvent. Ses nuits étaient troublées et son mari qui s'en rendait compte s'efforçait en vain de la rassurer par ses lettres, essayant tour à tour du badinage et des exhortations les plus pressantes. Ces feuillets jaunis en disent long sur les déchirements intérieurs qui furent le prix habituel de son apostolat.

Ce n'était pas assez de cette somme de douleurs, et de Bernage mit le comble à la mesure. Ses troupes étaient arrivées trop tard pour arrêter l'exilée, mais elles se saisirent de sa mère le 18 mars 1731. Elle en avait été menacée peu de temps auparavant par le curé de Saint-Fortunat. À présent son gendre reste absolument seul. Toute sa famille est dans les cachots : son vieux père à Brescou, où Matthieu Serres l'a retrouvé. Son beau-frère Pierre Rouvier, à Marseille où, depuis 1718, il rame sur la galère La Brave. Sa belle-mère gémit dans les geôles de Tournon, en attendant d'aller rejoindre Marie dans la Tour de Constance. Quatre de ces malheureux sur cinq sont arbitrairement détenus par lettres de cachet, sans condamnation légale. La justice, au siècle des lumières, était singulière. Mais la persévérance du proscrit l'était plus encore.
Il s'employa à calmer les alarmes de sa femme, sans oser toutefois lui faire part de ce coup suprême. L'hiver avait été rigoureux. Dans quelles misérables conditions de confort l'avait-il affronté ? « Dieu pourtant l'avait conservé dans un temps plus rude et plus difficile que ceux-ci. On devait s'attendre à sa grâce ». La commère Nanon, l'honnête huguenote chez qui grandissait Jacques-Étienne, se préparait à conduire jusqu'à Lausanne, au premier moment favorable, les deux petits, dont l'aînée logée chez Chambon se portait « là-haut » mieux qu'à l'ordinaire. Son hôte habitait sans doute le Haut-Vivarais nu, le plateau de la Haute-Loire.

Cependant Isabeau Sautel comparut devant La Devèze et se défendit avec énergie d'avoir jamais pris part aux assemblées. Si sa fille s'était mariée avec un ministre, c'est contre son gré, bien qu'elle n'eût finalement pas réussi à l'en empêcher.

Tous ces arguments ne convainquirent pas le commandant militaire qui fit partir la prévenue pour Aigues-Mortes, à peu près au moment où son gendre se voyait contraint de reprendre sa fillette à ses hôtes. Ils l'avaient fort mal soignée. Elle avait été si maltraitée « qu'elle ne se soutenait pas plus qu'un enfant de deux jours... ». Elle ressemblait fort à la petite disparue de juillet 1730, dont, à défaut des traits, elle possédait la voix « et à peu, près les manières ». Malheureusement il fallait craindre « qu'elle portât à l'avenir la jambe un peu de travers ». « Elle est éveillée, que c'est une merveille, et d'assez bon naturel, béni soit Dieu ! » achevait le pasteur. Les nouvelles de Marie étaient assez inquiétantes. La prisonnière venait d'être victime d'un accès de paludisme, le premier d'une longue série, provoqué par le climat insalubre de cette région du littoral méditerranéen.

Un synode se tint encore près de Saint-Agrève le 10 mai. Ce fut le dernier que présida Durand. On y rappela les Églises à plus de sévérité dans le choix de leurs anciens, car certains d'entre eux venaient de commettre des fautes graves et notoires contre la moralité. Le pasteur fit part de ces événements à Court. Dans une discussion très subtile et coupée de jeux d'esprit il s'enquérait ensuite de l'opinion de son correspondant sur le séjour d'Anne à Lausanne.

Court aurait-il voulu que son collègue rappelât sa femme auprès de lui ? On ne sait. Quoi qu'il en soit Durand le remerciait des, démarches entreprises en faveur de l'exilée puis il s'engageait à fournir certains mémoires concernant l'histoire de la Réforme en Vivarais. Le réfugié de Lausanne avait toujours eu un goût très vif pour les travaux historiques et il profitait de sa sécurité retrouvée pour recueillir les documents dont il avait besoin pour ses études. Il cherchait en particulier à continuer l'ouvrage d'Elie Benoît sur le siècle de l'édit de Nantes et la Révocation de 1685. C'est à ces efforts que nous devons de posséder à Genève cette magnifique collection de manuscrits sans lesquels rien de complet ne peut être écrit sur le protestantisme français au dix-huitième siècle. Avec une admirable persévérance il se faisait prêter des mémoires ou des papiers précieux qu'il ne rendait pas, réunissant ainsi des lettres de pasteurs sous la Croix ou de réfugiés, voire même des extraits de jugement ou des déclarations officielles. En écrivant à Durand il poursuivait donc méthodiquement son entreprise.

Un dernier paragraphe assez mélancolique terminait la réponse du pasteur vivarois. L'un des deux frères Rouvier laissés à Craux se conduisait mal et « semblait n'avoir point de religion ». Il faut sans doute rapprocher cette affirmation de certains articles du testament d'Isabeau Sautel se rapportant aux emprunts contractés « auprès de divers particuliers » par le jeune Marc qui était sans doute le coupable.

Durand portait le souci de la capture de sa belle-mère, mais il n'en avait toujours pas avisé Anne, de peur qu'elle se tourmentât à l'excès. Il ne lui en dit rien encore dans la lettre qu'il lui écrivait ce jour-là et dans laquelle il se bornait à regretter « de n'avoir guère eu de repos depuis quelque temps ». Aurait-il éprouvé, devant les épreuves répétées, la tentation d'abandonner la tâche ? Un mot le laisserait penser. Il affirma qu'il ne saurait, en conscience, se résoudre à la désertion. Il n'en formait pas moins le projet d'aller à Lausanne l'hiver suivant. Enfin il entretenait sa femme de leurs intérêts en Ardèche. La veuve du notaire de Craux avait, nous l'avons dit, fait établir des contrats par lesquels elle déshéritait ses enfants inquiétés pour « délit de religion ». Son gendre s'en montrait assez affecté, moins pour lui-même que pour les siens qu'il croyait lésés. Il souffrait toujours du manque d'argent et fit vendre la vaisselle de la maison paternelle restée vide après les arrestations.
Il terminait sur une note d'espérance : ses jeunes auxiliaires, Duvernet, Ladreyt et Lafaurie étaient, selon lui, « pleins d'avenir ».




Et les courses reprennent, de Gluiras à Saint-Agrève. Là-haut, sur le plateau, une mission rassemble pendant plusieurs soirs de nombreux auditoires. Onze mariages sont bénis le 18 juin, sept le 20. Pas un jour ne se passe sans que Durand ne célèbre quelque acte pastoral. Pourtant il souffre d'étouffements pénibles qui le fatiguent fort. Le 24 il reçoit d'un voyageur revenu du Languedoc des nouvelles d'Isabeau Sautel et de Marie que cet homme est allé voir dans leur prison. Anne avait appris l'épreuve qui atteignait sa" mère. Elle s'en plaignit à son mari et regretta qu'il ne l'en eût pas avertie. Le pasteur répondit vigoureusement. S'il s'était conduit ainsi, c'était par crainte de trop inquiéter l'exilée. Il discernait du reste le châtiment de Dieu, dans les malheurs de la veuve. Celle-ci n'avait pas hésité à sacrifier la sécurité de sa fille à la sienne en voulant la faire partir trop tôt du logis de Craux, puis en la rappelant ensuite auprès d'elle au Pont de Dunières pour donner le change et laisser croire que le mariage avec le ministre n'avait pas eu lieu. Dieu voulait, à n'en pas douter, donner à la coupable un solennel avertissement.

Cependant les Puissances s'émouvaient de plus en plus de l'activité du proscrit. Elles donnèrent des ordres précis, prescrivant à tous, prêtres, fonctionnaires ou soldats, de s'emparer Coûte que coûte du séditieux qui osait contrevenir aux ordonnances royales. Des amendes furent infligées un peu partout, mais sans régularité. Certaines régions étaient épargnées et d'autres férocement tracassées. Dans l'ensemble la situation des Églises n'en demeurait pas moins généralement satisfaisante et l'union s'affermissait sans cesse entre elles. On pouvait donc avoir confiance en dépit des épreuves.

Les enfants de Durand grandissaient, et bientôt leur mère réclama leur retour en Suisse. Mais le père jugea ce voyage dangereux. Anne et Jacques-Étienne étaient plutôt souffreteux. Il fallait attendre, malgré les risques d'enlèvement possible. Il en fit part à l'exilée dont on devine sans peine les émois après cet avis.
Il entreprit vers cette époque et « sur le conseil d'un homme de loi », de recopier les procès-verbaux des actes pastoraux accomplis depuis le début de son ministère. Il les avait consignés auparavant en caractères grecs sur des brouillons fort résumés. Désormais, il les noterait sur un registre composé de feuilles de papier timbré. Ce n'était pas un petit travail; mais Durand était scrupuleux et précis. Il mena l'entreprise à bien, sans toutefois aller au delà du trois centième procès-verbal. Après sa capture Fauriel compléta le recueil à l'aide des notes provisoires de son ami, rédigées au fur et à mesure de ses courses et aussitôt mises en lieu sûr. Le prédicant se donna la peine d'en avertir par une note détaillée les futurs lecteurs du registre ainsi remis à jour. Celui-ci, détail curieux, porte la trace de la poudre d'or dont on se servait alors pour sécher l'écriture. Il n'est pas douteux qu'il ait été établi chez quelque notable muni de tous les accessoires nécessaires au travail de bureau : Durand l'avait lui-même pratiqué jadis et il s'en souvint.

Pourquoi prit-il le soin de donner une apparence officielle à des actes dont il connaissait parfaitement le caractère de nullité juridique ? Il espérait toujours que le moment de la tolérance reviendrait. Il fallait donc tout préparer en prévision des jours meilleurs, et pour permettre de procéder alors à la légalisation d'un état-civil établi hors de la loi. Le jeune ministre était scrupuleux jusque dans les moindres détails. Il ne pouvait négliger de prendre des mesures aussi importantes, et, ce faisant, il restait l'homme de l'espérance et de l'avenir, autant que du présent douloureux.
Il apporta moins d'empressement à répondre aux sollicitations de Court. Il lui semblait que pour écrire l'histoire de la persécution en Vivarais on ne disposait pas encore d'un recul de temps suffisant. Monteil n'en devait pas moins envoyer pour sa part la relation aussi complète que possible des événements auxquels il avait été mêlé.

Court était en deuil lorsqu'il reçut la missive de son collègue. Il venait de perdre une fillette morte en quelques jours. Dans ces douloureuses circonstances il reçut de partout les témoignages de sympathie dont il avait besoin. Anne Durand joignit le sien à ceux des professeurs suisses et des amis du réfugié de Lausanne

« Je n'ai pas voulu laisser partir cette lettre, ajoutait-elle dans un post-scriptum, sans vous témoigner la part sincère que je prends à la perte que vous avez faite de vos chers enfants. je ne doute pas que vous n'y aviez été bien sensible, connaissant la tendresse que vous aviez pour eux, mais comme je suis persuadée que vous êtes de bons chrétiens, je crois que vous avez reçu cette épreuve comme venant de la main de Dieu, et que vous vous soumettez sans murmurer à sa volonté, et que vous adorez cette divine Providence qui a jugé à propos de tirer ces chers enfants de cette vallée de misère. Le bonheur dont ils jouissent doit modérer votre douleur. Personne n'y prend plus de part que moi. »

On voudra bien se souvenir que la pauvre femme avait elle-même connu l'épreuve et qu'elle vivait de la générosité de quelques amis compatissants, la situation précaire de son mari ne permettant pas à l'exilée de recevoir les subsides nécessaires à son entretien.




Des événements plus importants pour la vie du protestantisme se déroulaient en Languedoc.

Le pasteur Boyer - qu'il ne faut pas confondre avec le jeune vivarois Jacques Boyer, alors étudiant à Lausanne - n'avait jamais eu la sympathie de Court, ni surtout de Corteiz. Ancien dragon, il s'était mis à prêcher; et quelques Églises avaient réuni les sommes nécessaires pour le libérer de ses engagements militaires. Rendu à la vie civile, il s'était mis à la Lâche avec un zèle que beaucoup de ses collègues trouvaient exagéré, voire importun ou téméraire. Autoritaire et violent, il restait vivement discuté lorsque, en mai 1731, il fut tout à coup accusé d'immoralité. L'énergique Corteiz venait d'arriver à Zurich auprès de sa femme. Il n'hésita pas et, surmontant sa fatigue, il repartit aussitôt pour le Languedoc, non sans rencontrer Durand au passage, Puis il procéda à une enquête qui révéla les faits suivants : Boyer, au cours de ses tournées, avait rencontré dans une auberge, près de Saint-Jean-du-Gard, une jeune fille, Suzanne Février, à laquelle il parla mariage. Elle se trouva enceinte quelques mois après et elle accusa le pasteur. Celui-ci nia, mais ses collègues appuyèrent la déposition de Suzanne Février, heureux de donner la confirmation de leur antipathie pour l'ancien dragon. On prit fait et cause pour l'un ou l'autre des deux partis et Boyer entraîna derrière lui les Églises de son quartier. Le schisme commençait.

On résolut en Languedoc de porter l'affaire devant un synode national, seul capable de prendre les décisions énergiques qui s'imposaient. Auparavant on pria les provinces de choisir les députés chargés de les représenter à cette assemblée générale. Au début d'octobre, les Églises de l'Ardèche désignèrent Durand et trois prédicateurs qui reçurent aussitôt les pouvoirs réguliers exigés des délégués.

D'autres questions furent agitées au cours de cette réunion préparatoire. Le procès-verbal n'y fait aucune allusion mais une lettre du futur martyr donne sur elle des détails hélas fort précis :

« Notre synode fut peu argenté, déclarait-il à Jacques Boyer quelques jours plus tard. Les amendes ont épuisé notre pauvre Vivarais. Nos prédicateurs ne reçurent en argent que 53 sols chacun. M. Lassagne a été chargé de procéder à la revue et à la taxe des Églises, pour trouver un moyen de nous entretenir, sans quoi il nous faudra bientôt faire banqueroute... »

Et dans ces pénibles conjonctures, le héros concluait :

« Comme vous savez que je suis d'une humeur à ne me chagriner pas pour le temps à venir, je me suis retiré du synode aussi content de mes huit livres deux sols que si j'avais reçu les cinq cent quarante livres trois sols d'arrérage que l'on me doit de mes gages. Et diriez vous que... (ici les noms sont effacés) en furent à peu près de même, et que le frère Bernard est le plus gai. »

Les accusations étaient bien mal fondées, selon lesquelles les pasteurs du Désert agissaient par intérêt, et les faits ne confirment que trop notre affirmation.
« ... je suis d'une humeur à ne me chagriner pas... » Et pourtant Durand passait par les angoisses les plus déchirantes. Ses lettres suivantes le diront assez. À la suite d'une erreur d'adresse il n'avait pas reçu de nouvelles de sa femme depuis deux mois. Ses nuits étaient troublées par d'incessants cauchemars. Le jour il pensait à elle « autant et même plus qu'en songeant ». Il ne savait à quelle cause attribuer le retard de sa correspondance. Anne était-elle morte ? Court ou Boyer l'en auraient averti. Il affirmait en termes touchants son amour pour elle et protestait de sa fidélité, comme si ses sentiments avaient pu éloigner les événements sinistres qu'il appréhendait. Il n'avait jamais douté de l'affection de sa compagne, mais il demandait qu'elle le rassurât au plus vite. Il avait beaucoup souffert de son départ en Suisse et plus encore de ne pouvoir l'y rejoindre. Il se tourmentait au point d'écrire le 11 août :

« Ignorez-vous les funestes ravages que les inquiétudes font à votre santé ? Croyez-vous de pouvoir vous laisser mourir de chagrin sans crime envers Dieu aux ordres duquel vous vous rebellez ? envers votre mari auquel votre perte serait si sensible et envers vos enfants à qui vous devez vos soins ? Mais de grâce, je vous en supplie, étudiez la Providence, de dogme si consolant de la religion. Apprenez à vous soumettre aux ordres qu'elle vous adresse... »

Anne aussi n'avait rien reçu de son compagnon depuis fort longtemps, et elle ne se montrait pas moins inquiète que lui. Elle passait par les mêmes ~transes et ses voisins l'entouraient de leur affection sans parvenir à la rassurer ou même à la ramener à plus de patience. On imagine quelle délivrance fut pour elle l'arrivée de la lettre tant attendue. Celle-ci renfermait en outre de la missive du pasteur un mot de celui-ci pour son ami Boyer.

Les événements se précipitaient en Languedoc. L'ancien dragon convoqué devant le synode provincial voulait que le procès fût porté devant les professeurs de Lausanne. Ceux-ci jouissaient d'une très grande autorité sur les populations huguenotes de France qui les consultaient dans les circonstances graves. Mais la Suisse était loin. On craignit que le scandale ne discréditât les Églises renaissantes auprès de leurs amis et de leurs protecteurs étrangers. De son côté Boyer comprit qu'il aurait beaucoup de peine à plaider sa cause en présence d'accusateurs tels que Corteiz ou, Court dont la notoriété était très grande là-bas. Il se rallia donc aux vues de ses adversaires, mais avec des motifs très différents, et il refusa de quitter les Cévennes.

Durand partit le 22 octobre pour le synode national convoqué dans cette région. Les prédicants Ladreyt et Lafaurie l'accompagnaient. Il n'avait pas à ce moment de nouvelles de sa femme et il pria Lassagne de retirer son courrier pour le lui renvoyer ou y répondre directement, suivant le cas. En quelques fortes étapes il atteignit ensuite Anduze, ayant mis moins de quatre jours pour franchir cent cinquante kilomètres. Il y retrouva ses collègues, et ceux-ci, devant l'impossibilité d'être à la fois juges et partis dans cette affaire, firent appel à lui pour qu'il apportât une solution équitable. Mais il importait avant tout de poursuivre l'enquête entreprise par Corteiz, puis confiée à Jonquières (le prédicant Claris) qui s'était récusé et l'avait laissée en. suspens.

Durand qui avait autrefois fréquenté le barreau recourut à son habituelle perspicacité. Il vit Boyer seul à seul, dans un mas cévenol, et lui proposa de porter le débat devant un arbitre indépendant. Lorsque celui-ci aurait formulé ses conclusions, il ne resterait plus qu'à les soumettre aux professeurs suisses. On réunirait ainsi toutes les garanties d'impartialité désirables, et la discrétion: serait gardée vis-à-vis du public lausannois, puisque quelques hommes seulement auraient en mains les rapports compromettants.

Boyer, surpris, se déclara séduit par l'habileté de ce programme, et ne put faire autrement que de l'accepter. Tout joyeux son interlocuteur « courut en porter la bonne nouvelle aux frères qui se trouvaient dans une autre chambre ». Mais ceux-ci, dans leur enthousiasme, firent immédiatement de lui le juge prévu par le projet. Le jeune pasteur ne pouvait directement, suivant le cas. En quelques fortes étapes il atteignit ensuite Anduze, ayant mis moins de quatre jours pour franchir cent cinquante kilomètres. Il y retrouva ses collègues, et ceux-ci, devant l'impossibilité d'être à la fois juges et partis dans cette affaire, firent appel à lui pour qu'il apportât une solution équitable. Mais il importait avant tout de poursuivre l'enquête entreprise par Corteiz, puis confiée à Jonquières (le prédicant Claris) qui s'était récusé et l'avait laissée en. suspens.

Durand qui avait autrefois fréquenté le barreau recourut à son habituelle perspicacité. Il vit Boyer seul à seul, dans un mas cévenol, et lui proposa de porter le débat devant un arbitre indépendant. Lorsque celui-ci aurait formulé ses conclusions, il ne resterait plus qu'à les soumettre aux professeurs suisses. On réunirait ainsi toutes les garanties d'impartialité désirables, et la discrétion: serait gardée vis-à-vis du public lausannois, puisque quelques hommes seulement auraient en mains les rapports compromettants.

Boyer, surpris, se déclara séduit par l'habileté de ce programme, et ne put faire autrement que de l'accepter. Tout joyeux son interlocuteur « courut en porter la bonne nouvelle aux frères qui se trouvaient dans une autre chambre ». Mais ceux-ci, dans leur enthousiasme, firent immédiatement de lui le juge prévu par le projet. Le jeune pasteur ne pouvait pas se dérober à cette mission. Il avertit seulement ses compagnons de voyage et les pria de donner à leur retour en Vivarais toutes les explications nécessaires sur la cause de son propre retard. Puis il se mit à la tâche. On convint qu'il visiterait les Églises et recevrait les dépositions des divers témoins, en présence de deux anciens « pris sur le lieu de ces témoins ou de l'accusant ». Si les professeurs de Lausanne refusaient ensuite de trancher le débat, le Synode national prendrait, en dernier ressort, les décisions nécessaires.

L'enquêteur, dont l'absence temporaire était déjà connue de, La Devèze, parcourut les Églises du Bas-Languedoc et recueillit, après serment, les témoignages qui devaient lui permettre de se faire une opinion. Cette longue et pénible information l'éclaira sur la mentalité de Boyer, jaloux et indiscipliné, sinon peut-être franchement immoral, ce qui ne put jamais être formellement prouvé. L'attitude de Suzanne Février restait en effet équivoque. Elle avouait puis se rétractait d'un jour à l'autre. Durand fut à Anduze le 28 octobre et le lendemain à Lasalle où le père de la suspecte témoigna contre l'ancien dragon. Le 3 novembre il gagnait Le Vigan. Le prédicant languedocien Maroger le guidait dans ces régions inconnues de lui, et se chargeait sans doute de trouver les abris et les ressources nécessaires à la poursuite de leur voyage commun.

Quatre jours après le jeune vivarois arrivait à Aulas, où il écrivit à Court. L'affaire à laquelle il se trouvait mêlé l'ennuyait fort. Il ne songeait pas à se soustraire à ses responsabilités, mais il aurait préféré « s'occuper de meilleures choses ».

Surtout il était torturé par l'absence de nouvelles reçues d'Anne Durand; il en demandait instamment les raisons et suppliait qu'on les lui donnât toutes, si cruelles fussent-elles. Quant à, lui, il jouissait d'une parfaite santé, et les détails reçus du Vivarais sur le sort de ses deux enfants étaient en somme pleinement rassurants. Enfin il déclarait avoir écrit à sa soeur et à sa belle-mère, toujours en prison.

Le temps pressait. Il fallait poursuivre l'enquête et l'on rassembla les anciens du Vigan, de Valleraugues et de Ganges. Ils étaient tous des partisans résolus de Boyer mais ils durent reconnaître qu'ils avaient offert et remis une somme de 300 livres à Suzanne Février, à la condition qu'elle niât se trouver enceinte des oeuvres de leur ami. Les présomptions de culpabilité s'accumulaient donc contre celui-ci. On voulut compléter l'information et l'on revint au Vigan. Là Durand fut le témoin des fiançailles de son guide Maroger avec une jeune noble, Lydie, fille de François de Caladon, seigneur de Bréau. Deux jours après il baptisa la petite Suzanne Février qui venait de naître au mas de Campelle. L'enfant était elle la fille du schismatique ? On n'y fit aucune allusion sur le procès-verbal, qui nous est parvenu.

Les 17, 18, 20 et 21 novembre furent employés à des interrogatoires, confus et souvent délicats. L'avant-dernière de ces dates fut, il est vrai, marquée par une assemblée tenue à Durfort, dont les « anciens » se plaignirent à Boyer; et la dernière par le passage de Durand à Sauve où il reçut encore quelques dépositions.

Une lettre du professeur Pictet arriva sur ces entrefaites. Cet homme, qui prenait un grand intérêt aux choses de France exprimait le voeu que l'affaire restât ignorée de ses collègues de Lausanne. Sa divulgation pouvait entraîner là-bas de très fâcheux commentaires, et mieux valait que les Églises persécutées prissent le parti de régler elles-mêmes la question.
Curieuse coïncidence - A quelques kilomètres de là Isabeau Sautel établissait presque en même temps son testament dans l'étude d'un notaire d'Aigues-Mortes. Elle y confirmait les dispositions déjà prises après le mariage de sa fille et léguait à Marc la succession de son père le notaire royal. Elle « déshéritait » enfin - nous avons dit pourquoi - ses enfants accusés de crime de religion.

Durand revint à Nîmes où il fut, rue de la Ferrage, l'hôte de Madame de Ribot, huguenote courageuse chez laquelle il arriva le lundi 26 dans la soirée. Il y retrouva Corteiz qui, sous la foi du serment, répéta les menaces qu'il avait reçues de l'ancien dragon. Durand se préparait à se rendre à Vauvert lorsqu'il apprit que sa visite serait sans but : les jeunes filles auxquelles Boyer avait fait des promesses de mariage s'étaient rendu compte de l'imposture du personnage, et « elles en avaient eu rapidement confusion ».
Le voyageur eut, ce soir-là, une joie immense. Il trouva, enfin ! à son logis une lettre de sa femme, que Lassagne lui avait fait suivre. La missive était datée du 25 octobre et faisait suite à celle que lui-même avait rédigée le 12. Ainsi tout motif de crainte sérieuse devenait vain, mais il n'en devait pas moins s'avouer qu'il était passé par de terribles angoisses.

Les nouvelles qu'il recevait de Lausanne restaient d'ailleurs assez inquiétantes : Anne était sans ressources :

« Je ne sais pas si j'oserai vous demander quelque chose pour passer mon hiver, écrivait-elle. Ce qui m'afflige... c'est de penser que je vous mettrais ainsi encore en peine... »

Elle souffrait de penser qu'elle allait traverser un hiver sans avoir pu revoir « son cher enfant ».

« Que je trouve le temps long! Grand Dieu, veuille l'abréger ! Toutefois, je vous laisse agir comme vous le trouverez à propos, pourvu que vous me donniez assez souvent de vos nouvelles, et que vous, tâchiez de m'envoyer quelque chose. Vous savez que je ne suis pas une personne à faire connaître mes besoins... J'ai fait assez de connaissances qui me font assez de caresses, mais je ne me produis qu'avec peine... Adieu, mon cher enfant ; le Seigneur te veuille conserver ! te remplir de courage, te garantir de tout danger. Adieu encore une fois. Je suis sans aucune réserve, toute à toi... »

Durand jouissait d'un peu de repos puisque la course de Vauvert devenait inutile. Il répondit aussitôt en se déclarant enfin rassuré, d'autant plus que Fauriel venait de lui donner de bonnes nouvelles des deux enfants. Sans doute l'hiver ne s'achèverait-il pas sans que leur père se rendît à Lausanne, afin de proposer à l'examen des professeurs le dossier si laborieusement composé sur l'affaire Boyer. Les scrupules de l'apôtre et sa délicatesse éclatent dans ces lignes, où il fait allusion aux angoisses maintenant passées :

« ... J'avoue de bonne foi que tu as tout lieu d'être choquée de, voir que j'ai pu te croire capable d'inexactitude à me donner des nouvelles, mais tu peux bien me pardonner si tu veux faire attention à l'état où m'avait mis le manque de nouvelles... En effet... tu es le seul objet après lequel je soupire, à part celui qui doit faire notre éternelle félicité. Et pourvu que Dieu me donne, dans ce monde, le moyen de te voir contente auprès de moi, je ne souhaite plus rien. »

Il donnait enfin à sa compagne le conseil de s'ouvrir à Court des difficultés de sa vie matérielle, à propos desquelles il écrirait bientôt lui-même. Tout espoir d'une amélioration ne devait d'ailleurs pas être perdu puisque M. De Trey, pasteur à Berne, s'occupait de faire attribuer par les magistrats de cette ville une pension à l'exilée. Les motifs de crainte et de confiance se suivent ici sans aucune transition.

Le 29 novembre on assemblait le Consistoire de Nîmes qui reprocha vivement à Boyer sa conduite trop libre avec des jeunes filles de la cité. L'ancien dragon se borna à répondre que Roux, intervenu dans la discussion, se mêlait de ce qui ne le regardait pas. Diverses dépositions confirmèrent les accusations du Consistoire, mais on n'arrivait toujours pas à confondre l'imposteur. Anne Durand, au loin, déplorait ces incidents. Elle le fit savoir à son mari dans une lettre où elle se plaignait de la réponse évasive donnée par Court, après ses démarches. Celui-ci et sa femme, avertis maintenant de la situation précaire de l'exilée, ne semblaient pas s'en mettre en souci. Anne en conçut une vive tristesse dont elle s'ouvrit dans sa missive. Heureusement la « commère Nanon » chez qui logeaient ses deux enfants l'avait rassurée sur le sort des petits pensionnaires.

Leur mère venait de quitter la maison de Mademoiselle Blanc et s'était établie chez le conseiller d'Etras, où elle devait être mieux logée pendant un hiver dont elle s'effrayait un peu. Elle souffrait de la solitude et se sentait loin de son pays : « Elle n'avait que Boyer avec qui elle pût s'entretenir de ses soucis et de ses espérances ». Le jeune homme poursuivait ses études avec beaucoup de succès et venait de prêcher son premier 'sermon, fort remarqué. Il ajouta quelques mots sur la lettre d'Anne. Durand avait gardé ce billet dans ses bagages lorsqu'il fut arrêté deux mois plus tard, et ces pages jaunies figurent parmi les pièces de son procès.
Il resta quelque temps encore en Languedoc. Il fallait mettre au net tout le long rapport préparé ici et là. En outre on annonçait le prochain passage à Nîmes de l'infant d'Espagne, et le jeune pasteur ne voulait pas se priver du plaisir d'y assister lui aussi :

« Ce prince est un homme fait comme les autres, écrivit-il, si ce n'est qu'il est un peu plus fier que moi. je ne l'aurais pas cru si riche, car il ne porte aucun galon, si je n'avais pas vu entrer par la porte de la Couronne, trente-deux mulets chargés d'or et d'argent, qui lui appartiennent. »

Il était toujours chez Madame Ribot et ne souffrait pas trop de l'hiver quoiqu'il n'eût sur lui que des vêtements d'été. Lors de son départ d'octobre il ne comptait s'éloigner que quelques jours seulement, et les événements avaient démesurément prolongé son absence. Il s'amusait de sa tenue et rassurait sa femme :

« Gare en m'en allant en Vivarais ! Cependant, ne t'alarme point. J'ai un bon manteau qui me couvrira, et un bon cheval qui ne me fera pas languir en chemin. Je jouis d'une santé d'athlète. »

Boyer écrivit vers ce moment au professeur Polier pour se justifier des accusations portées contre lui. Il se plaignit de n'avoir pas obtenu la communication des dossiers. Devant ces faits les Églises de son quartier, « auxquelles les autres pasteurs étaient devenus odieux », lui avaient expressément adressé vocation ainsi qu'à son ami Gaubert. Ces incidents avivèrent naturellement encore le débat et bientôt Court recevait contre l'ancien dragon un long réquisitoire de Maroger. Celui-ci était constamment resté hors des salles où avaient eu lieu les dépositions et n'avait pas eu communication des mémoires dressés par Durand dont il était le guide, et qui devait prochainement achever la rédaction de son long procès-verbal. L'affaire pourrait être ainsi bientôt portée devant des arbitres qualifiés.

Le pasteur vivarois qui ne pouvait rien faire de plus quitta le Languedoc le 19 décembre et remonta vers l'Ardèche. Le 24 il arrivait à Tauzuc, près de Pranles, et se préparait à aller en Dauphiné pour y conférer avec Roger. Il fallait prendre les dispositions nécessaires à la réunion du prochain Synode national qui serait appelé à délibérer sur ces récents événements. Mais le jeune ministre, gêné par d'abondantes chutes de neige, dût retarder son départ. Sans doute mit-il à profit ce délai pour se reposer et rester auprès de ses enfants qu'il avait retrouvés en bonne santé chez la mystérieuse et diligente commère Nanon.

Corteiz, Roux et Maroger avaient eux aussi demandé à Polier s'ils pouvaient compter sur le concours des professeurs de Lausanne. Il serait inutile dans la négative de leur envoyer des procédures dangereuses et susceptibles au surplus « de faire découvrir les relations qu'il y avait entre les prédicants ». Durand ne pensait pas autrement. Il venait de remercier M. de Beaulieu, un de ses amis suisses qui avait appuyé les démarches récemment faites à Berne pour obtenir une pension en faveur de sa compagne. Les affaires des Églises allaient leur train et les amendes diminuaient peu à peu de fréquence et d'importance. Cependant l'ancien clerc gardait une arrière-pensée dont il avait beaucoup de peine à se défaire : Pourquoi Court, dont la présence aurait été si nécessaire auprès des Églises du Languedoc désolées par le schisme, restait-il à Lausanne ?

Avant d'entrer dans la nouvelle année, le jeune pasteur envoya quelques sommes à Duvilard, réglant ainsi les comptes restés pendants. Vers ce moment La Devèze signala sa présence chez le religionnaire Bravais, de Lion, près de Vernoux; et crut même qu'il y avait laissé ses papiers dont en réalité Fauriel connaissait seul la cachette.

L'année 1732 survint. Elle trouva Durand en compagnie de son collègue et près de ses enfants. Les deux pasteurs étaient encore immobilisés par les neiges. Elles avaient durci et rendaient toute marche impossible. Chacun en profita pour régler ses propres affaires et sa correspondance. Le 5 janvier le premier écrivit à sa femme. Il espérait alors la libération de la vieille Isabeau Sautel, à laquelle il avait, par une lettre partie de Nîmes quelques jours auparavant, offert d'aller à Lausanne dès sa sortie de prison pour y finir ses jours auprès de sa fille. Il attendait l'autorisation du greffier, toujours à Brescou, pour vendre une partie des biens restés à la maison du Bouchet, et que personne ne pouvait plus désormais mettre en valeur. Le vieillard gardait toujours en effet la disposition de ses propriétés dont aucun jugement régulier ne l'avait encore privé.
Lui-même et son fils comptaient tirer de cette opération quelques sommes dont ils avaient le plus urgent besoin. La pension des deux enfants venait d'être payée et le pasteur avait laissé là presque tout son argent. Jacques Étienne, il est vrai, devenait « gros comme une arche » et ramenait ainsi malgré tout la joie au coeur de son père.

Janvier se passa. Durand, bloqué dans le Haut-Vivarais, ne pouvait toujours pas suivre les chemins effacés sous la neige. Et Polier répondit sur ces entrefaites aux lettres de ses collègues français. Il valait mieux, selon lui, ne traiter des incidents Boyer que devant quelques hommes dont la discrétion était certaine. Ils se réuniraient officieusement et prendraient les décisions nécessaires, pourvu qu'on leur attribuât pleins pouvoirs. Rendre juge du débat l'Académie toute entière serait donner à celui-ci la plus fâcheuse publicité, dont Berne pourrait être averti à son tour. Ses magistrats ne manqueraient pas d'être défavorablement impressionnés; et peut-être faudrait-il craindre le retrait des pensions accordées aux réfugiés. Il n'y avait pas à hésiter sur la méthode à suivre.

Au reçu de cette note Durand pria Polier de prendre l'affaire en mains et de la poursuivre selon les vues ainsi exposées. On lui remettrait à cet effet les pièces nécessaires; le jugement d'amis étrangers possédant en tout état de cause plus de poids que celui du Synode national lui-même, difficile à convoquer dans une telle saison, et dont les membres n'étaient pas tous exempts du reproche de partialité.

Ce furent là les dernières démarches du courageux voyageur. Pendant près de treize ans il avait parcouru les montagnes et les vallées vivaroises, apôtre infatigable et jamais découragé. Peu à peu son autorité s'était établie sur ses collègues plus âgés. À présent, ministre régulier et chef incontesté des Églises qu'il avait relevées, il se voyait chargé d'une mission délicate qu'aucun autre ne pouvait accomplir. Mais tous ces résultats n'avaient pas été acquis sans peines ni sans larmes. Les drames intérieurs avaient été fréquent et les souffrances aiguës. Il fallait aller désormais plus avant encore dans la voie douloureuse. Après le labeur passionnant et difficile les épreuves étaient survenues. Le martyre allait maintenant couronner l'oeuvre et la vie d'abnégation du pasteur sous la Croix.

Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant