Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE XIV

LE MINISTÈRE D'UNE MALADE

UNE des infirmières de Miriam déclarait, parlant de la religion de la Capitaine : « C'était une vie d'amour », et cet amour actif s'exprimait constamment dans les formes les plus variées de services.
Elle s'intéressait toujours à l'état spirituel de ses docteurs et infirmières. De l'un d'eux elle écrit :
J'ai eu une assez longue conversation avec le docteur sur la religion, l'autre soir. Pauvre homme ! Plein de doutes et de théories. J'ai fait de mon mieux, mais il est difficile d'aider tes sceptiques. Je remercie Dieu du fond de mon coeur pour la lumière qu'il nous a donnée et pour notre foi et notre confiance. Je suis certaine que le pauvre docteur désire, lui aussi, les posséder. Il est parti ce matin emportant ma brochure (1).

Plus tard :
Le docteur semble réellement content de mon petit traité; il l'a passé à ses servantes qui, maintenant. désirent avoir le Cri de Guerre; aussi me taquine-t-il en m'accusant de révolutionner sa cuisine.

Un de ses ministères les plus fructueux fut la correspondance. Ce n'est qu'après son départ que l'on connut l'étendue de ses relations. Elle recevait des lettres de gens de milieux les plus différents : de filles de millionnaires ou d'humbles petites servantes, de savants ou de matelots. Une cadette, sa compagne, maintenant officière, écrit :
Elle semblait connaître le moment favorable pour envoyer une lettre. Je me souviens d'un jour de fatigues et dé déceptions; j'avais eu à livrer un rude combat, et je rentrais au logis abattue. Mais je trouvai quelques jolies roses et une aimable lettre de la Capitaine Miriam qui m'attendaient, et j'en fus rafraîchie et vivifiée.



Chambre de Miriam (fenêtre donnant sur le toit)
« The Homestead » à Hadley Wood.

Une autre jeune débutante dans le service de Dieu, raconte :
Je n'ai jamais craint de me montrer à elle telle que j'étais. Si j'étais malheureuse, je lui écrivais une lettre triste et maussade; si j'étais heureuse, une lettre pétillante de joie, si j'étais embarrassée, je lui demandais avis, et si j'étais révoltée, je lui racontais tout. Elle aimait ce qu'il y avait de bon en moi, et se montrait patiente pour supporter ce qu'il y avait de mauvais. Elle me répondait toujours les paroles nécessaires, paroles de sympathie. d'encouragement ou de réprimande. Une fois, j'étais très surexcitée, j'avais été traitée injustement. J'exprimai mon point de vue en termes assez vifs à mon patron; puis j'écrivis ce qui s'était passé, à la Capitaine Miriam. Elle me répondit avec douceur, mais me dit très nettement que j'avais agi d'une manière peu sage, qu'une méthode conciliante (paisible était son mot favori) était la manière la plus sage, aussi bien que la plus juste. Il est toujours imprudent de prononcer la première des paroles irrémédiables. J'aurais dû dire : « Ne pensez-vous pas qu'il y a. sur ce point, une erreur?... » plutôt que de bondir d'indignation.

Dans le flot de messages de condoléances qui vinrent de tous les pays après sa mort, ces paroles reviennent constamment : « Je conserverai pieusement la lettre qu'elle m'a écrite. »

Ses infirmières racontent les peines qu'elle prenait pour répondre à ceux qui se trouvaient dans un embarras quelconque. Elle possédait une écriture nette, jolie, facilement lisible même par les plus illettrés; avec cela, le don d'exprimer en peu de mots une pensée qui faisait vibrer les cordes du coeur, et, apportait un conseil, une inspiration ou une consolation.

Elle écrivit à des officiers qui passaient par des moments de joie ou de douleur, à des étrangers isolés et à des gens en deuil qui avaient été encouragés par ses écrits, à ses anciennes camarades de l'École Militaire, aux garçons de sa classe à Barnet, maintenant des jeunes gens au service militaire, à des veuves désolées, et aux enfants de troupe de l'Armée du Salut. À tous, ses lettres, telles des messagères aux ailes blanches, apportaient quelques bénédictions.

Une officière, de service à l'étranger, écrivait à Mme Booth, après la mort de Miriam :
Ce qu'elle fut pour moi, seul le Père céleste le sait. Elle m'empêcha de tout abandonner dans un moment d'épreuve. J'étais tentée de me croire incomprise, je pensais qu'il valait mieux laisser l'oeuvre à d'autres, mais alors m'arriva son message : « Persévérez et ne vous relâchez point, le bon droit finit toujours par triompher. » Combien je l'aimais pour ce message !

Ce n'était pas uniquement par sa propre plume qu'elle s'efforçait de faire du bien. Dans une lettre à une amie, elle dit :
X... passe par un très grand chagrin, et je crains que peu de personnes ne s'en inquiètent. Ne pourriez-vous pas lui envoyer quelques lignes aimables et inspirer à d'autres de le faire aussi? je suis sûre que cela la réconforterait.

Il n'était pas toujours facile à Miriam d'écrire, comme le montre l'extrait ci-dessous :
J'avais l'intention de vous écrire, il y a longtemps, mais, en vérité, mon temps est pris par de si nombreuses obligations d'écrire par devoir, qu'il me reste très peu de loisirs pour écrire pour mon plaisir. Comme je le dis parfois, la vie d'une malade est une vie ardente, et la brièveté de mes journées est vraiment étonnante.

J'ai été plusieurs fois interrompue aussi tout dernièrement. Une après-midi, que j'avais le dessein d'écrire, un de mes garçons en congé vint me voir. Il appartenait à ma compagnie de Barnet, il est maintenant sergent dans l'armée britannique, dans la Garde. Pendant cette visite, j'ai remporté une victoire - j'ai obtenu qu'il prie à haute voix près de mon lit. D'abord, il refusa énergiquement en secouant la tête, mais après que j'eus prié moi-même, il prit courage et commença d'une voix basse et tremblante, mais si douce. Ainsi mes lettres, encore une fois, furent remises; mais je sentais qu'il en valait la peine. Une autre après-midi. un spécialiste vint au moment inattendu pour une consultation, et les deux autres jours où je me proposais d'écrire, je souffrais tellement que je n'ai pu faire quoi que ce soit.

Mais des interruptions, dans le genre des visites des anciens membres de sa classe de garçons, revenus du front en permission, étaient toujours bienvenues. Elle écrit à sa tante Lucie, au sujet de l'un d'entre eux, qui avait été blessé et qui vint la voir avant de retourner au front :
Il était si grand qu'il dut se courber pour franchir la porte de ma chambre. Agenouillé près de mon lit, il me dit comment il avait dû affronter la mort, maintes et maintes fois, et comment il avait été sauvé. Oh ! petite tante, c'était jadis un de mes plus mauvais garnements ! J'étais si heureuse, qu'après son départ, si mon pauvre corps me l'eût permis, j'aurais sauté du lit et j'aurais dansé tout autour de ma chambre.

Le cercle de famille avait tout naturellement les premiers droits sur sa plume. Elle correspondait régulièrement avec sa soeur Marie. Les deux soeurs formaient un couple d'âmes jumelles. Depuis leur enfance jusqu'au départ de Marie pour l'École Militaire, les deux soeurs avaient mis tout en commun : pensées, projets et travail. L'impossibilité d'entrer ensemble à l'École Militaire leur causa une profonde déception, néanmoins elles restèrent en communion d'esprit, malgré la séparation matérielle exigée par les besoins de la guerre du Salut. La Colonelle Marie écrivait après la mort de sa soeur :
J'aimais Miriam beaucoup plus et mieux qu'une soeur. J'étais l'aînée, cependant elle fut mon chef et mon inspiratrice depuis notre plus tendre enfance.

Devenue officière, lorsque je remportais une victoire, mon plus grand plaisir était de songer à la joie de Miriam, sa sympathie dans mes heures de tristesse et de défaite me consolait et me réconfortait. Dans les difficultés, je me demandais : « Comment Miriam agirait-elle? » Considérer toutes choses à cette lumière m'aidait réellement.

La pensée qu'il n'y a plus de Miriam à la maison à qui confier mes joies et mes tristesses, créerait un vide intolérable, si je ne savais que Celui qui l'a prise nous aime toutes deux. Je garderai toujours l'inspiration de son amour et de son exemple, et un jour nous serons réunies.

Miriam était fière du travail de sa soeur Marie. Celle-ci lui donna un jour un drapeau de l'Armée; il fut suspendu à la tête de son lit pendant toute sa maladie. Lorsqu'elle était obligée de quitter la maison pour suivre un traitement spécial, elle emporta chaque fois son drapeau, comme témoin silencieux aux yeux de tous ceux qui viendraient en contact avec elle; il proclamait les principes de l'Armée, principes qu'elle aimait et avait fait siens: salut par la foi en Jésus-Christ, pureté du coeur et de la vie, service du prochain par la puissance de l'Esprit.

Un ami lui donna une certaine somme à employer à son gré pour l'oeuvre de sa soeur, elle put ainsi, pour son plus grand plaisir, envoyer à la Colonelle Marie (2) un grand drapeau de l'Armée du Salut.
- Vous savez, confiait-elle à une camarade, plusieurs militaires, dans les cantonnements, se sont convertis avant de monter en premières lignes, et je désire que Marie les enrôle sous les plis de notre drapeau.

Elle fit préparer aussi deux grands textes pour les baraquements. La Colonelle Marie choisit elle-même les paroles de l'un des deux : Jésus, le même, hier, aujourd'hui et éternellement. L'autre, choisi par Miriam, portait : Faites tout ce qu'il vous dira. Elle eut la joie d'apprendre la conversion d'au moins un grand pécheur par le message silencieux de son texte. Une grande partie des succès de la Colonelle sur le front en France sont dus aux prières de sa soeur qui gisait malade et blessée « à l'arrière ».
Après leur dernière séparation, en été, Miriam écrivit à sa mère une lettre d'où nous extrayons quelques passages :
Ma chère Marie est partie hier. Nous nous sentions très tristes toutes les deux, je ne sais pourquoi. Je n'ai jamais souffert de la sorte à nos précédentes séparations. Elle a été si bonne pour moi, je ne sais ce que je ferai sans elle.
Papa vint déjeuner avec Marie et moi; lui-même nous l'avait suggéré. Ce fut si aimable de sa part. Marie partit à 12 h. 30, papa l'accompagna à la gare. J'ai été heureuse d'avoir la chère Zazzie ici pour la fin de la semaine.




Papa est venu prendre le thé à la maison cette après-midi; il semblait tout gai; il parla beaucoup de vous, il me dit qu'il devait aller ce matin chercher votre photo, qu'il porte toujours sur lui; il sentait qu'il devait jeter un regard sur votre visage. Je pense qu'il soupire après votre retour.
Ma température s'est maintenue normale ; mais j'ai souffert d'autres façons. Des maux de dos très pénibles toute la nuit et aujourd'hui encore, aussi je ne me sens pas en très bon état, et je suis un peu abattue. Il tonne et pleut à torrents ici; cela contribue à m'assombrir un peu. Mais je me confie au Seigneur, il me donnera la grâce nécessaire. Ma force et ma patience sont à bout, et parfois je désire m'en aller au ciel.
Ma plus tendre affection.

Votre MIRIAM.


Elle écrivit aussi à une amie sur le même sujet :
Je me sentais mortellement seule après le départ de Marie. Mais. inutile de vous le dire, je ne voudrais à aucun prix la retenir et la ravir à ces magnifiques occasions d'aider nos soldats. Comme vous le dites, je suis si fière d'elle.

Miriam n'était pas seulement l'inspiratrice de ses bien-aimés sur le champ de bataille; elle était aussi la joie de ceux qui restaient à la maison. Sa chambre était vraiment le soleil du foyer. La famille s'y assemblait; chacun y contait ses joies; personne n'était aussi gai qu'elle, et son coeur était assez vaste pour contenir toutes les tristesses et pour prier pour tous les éprouvés.
- Elle préparait notre Noël et nos anniversaires, déclare Mme Booth; bien des semaines à l'avance, elle préparait tout, personne n'était oublié.

Ses infirmières racontent avec quel plaisir elle cachait toute trace de ses préparatifs. Une broderie succédait à la plume et constituait un agréable délassement. Le mélange et l'association des plus belles couleurs sous son pinceau était une véritable merveille; mais elle ne se permettait des ouvrages de fantaisie que pour sa mère. Pour Mme Booth, elle exécuta ainsi plusieurs jolis cadeaux.

Miriam attendait impatiemment chaque année la Semaine de Renoncement. Son activité devait se borner à écrire des lettres à des amis. L'année qui suivit la mort du Général fondateur, se souvenant que le poste de Barnet perdait le don habituel de son grand-père, dix livres sterling, elle résolut d'y. remédier et elle y parvint. Année après année, elle se fixait à elle-même sa propre cible; souvent elle eut la joie de pouvoir encore aider ses connaissances qui avaient de la peine à atteindre le but et à réunir lu sommes désirées. Miriam croyait en un renoncement pratique, personnel; une petite note à une amie le prouve.
Les oranges sont délicieuses. J'en ai pris une pour le thé, je l'ai particulièrement appréciée, car autrement, mon thé sans sucre et mon pain sans beurre n'aiguisent pas l'appétit. Mais la Semaine de Renoncement est presque terminée. Je suis heureuse des dix shillings que rapporta ma carte. Ce fut une agréable surprise. Je n'ai pas atteint complètement le montant de l'année précédente, mais je m'attends encore à recevoir d'autres sommes en réponse à mes lettres.

Les fleurs du printemps et de l'été causaient une joie profonde à Miriam. Elle tenait à faire participer à cette joie d'autres personnes, aussi des bouquets de son jardin partaient dans les différentes directions, accompagnés de messages aussi agréables et réjouissants que les fleurs elles-mêmes.

Ses anis, de leur côté, se rappelaient à son souvenir de cette manière. Dans une lettre à sa mère, elle ajoute un post-scriptum.
Les pavots de Lady Whitla furent magnifiques. Ils s'épanouirent tous d'une manière merveilleuse.

Une lettre accompagnait les pavots. Lady Whitla écrivait, faisant allusion aux affaires du monde et à l'état de santé de la Capitaine :
Ma chère Miss Booth, j'ai pensé à vous en regardant notre corbeille de pavots; j'ai pris une boîte pour vous en envoyer rapidement quelques-uns. Aussitôt qu'ils vous parviendront, placez-les dans un verre d'eau et vous aurez la joie de les voir s'ouvrir. J'espère que vos forces augmentent. Sir William est parti à Dublin. Un seul mot résume nos difficultés actuelles, je le trouve dans la confession de foi d'Athanase : « Incompréhensible. »
Avec mes amitiés pour votre mère.
Votre amie sincère,

ADA WHITLA.


Sir William Whitla est un éminent docteur qui vint visiter Miriam, en qualité d'ami, et en plusieurs occasions mit sa grande expérience au service de la Capitaine.
Par cette heureuse combinaison de dons faits aux autres et de cadeaux reçus, Miriam mit un peu de bonheur dans de nombreuses existences.

Elle faisait circuler entre plusieurs personnes les journaux, les magazines et les livres qui lui causaient quelque plaisir. Elle mettait de côté les timbres et les cartes postales pour les envoyer à des enfants; même une enveloppe de Kodak servit à enclore quelques jolies babioles pour un enfant.

Un des aspects du ministère de Miriam, qui laissa un aimable souvenir à plusieurs, ce furent ses visites. Miriam ne pouvait visiter les gens, mais elle les recevait dans sa chambre de malade, et personne ne sortait sans en rapporter quelque bénédiction. Elle ne pouvait porter l'uniforme, mais au col de son linge étaient brodés les S rouges, et au-dessus de sa tête flottait le drapeau de l'Armée; des emblèmes de l'Armée dans les divers pays étaient disséminés dans les différentes parties de la chambre. À peine tourné l'angle du paravent, qui abritait le lit de la Capitaine du courant d'air de la porte, le visiteur était immédiatement saisi par le visage fin et pâle, éclairé par les yeux bruns, brillants, où se jouaient les lumières et les ombres d'une grande âme. Ses mains se tendaient en avant pour un chaleureux accueil, et son bonjour retentissait clair et doux. Elle était « si heureuse de vous voir » !

La maladie ne gâta point la chère Miriam, écrit sa tante, la Commissaire Booth-Hellberg. La souffrance est une fournaise ardente, et beaucoup n'en sortent pas brillants comme l'or raffiné. S'ils étaient égoïstes auparavant, ils deviennent encore cent fois plus égoïstes, et ils ne peuvent parler que de leurs maux et de leur isolement, et de leurs épreuves. Il n'en était pas ainsi de Miriam. Aussitôt que nous étions dans sa chambre, nous oubliions que nous visitions une malade; vous auriez cru que c'était elle qui nous visitait. Elle s'intéressait tellement à tout ce qui concernait nos oeuvres ou notre vie, et pas un mot sur elle et sur son état.

Lorsque j'étais en Angleterre, pendant les dernières semaines de la vie du Général fondateur, j'avais coutume souvent de me glisser au Homestead pour faire la causette avec Miriam, dans le jardin près de sa chaise-longue, ou dans sa jolie chambrette, et bien qu'elle ne parlât jamais de sa maladie, qui interrompit dès le début son service dans l'Armée, je sentais qu'elle savait que je la comprenais. Cette sympathie silencieuse fortifia les liens qui nous unissaient. Dans une de ses lettres, elle écrivait : « Oh ! si cette terrible guerre était terminée et que vous puissiez revenir, chère petite tante. Quels bons moments nous passerions dans ma chambre ! Quelles conversations intimes ! Peut-être verserions-nous quelques larmes? Mais il y aurait tant de bons sourires pour les faire oublier. Combien j'aimerais entendre de votre bouche le récit de vos batailles dans votre petit Danemark. »

Un enfant passait-il une heure dans la chambre de Miriam, elle aussi devenait enfant, découvrant tout de suite les leçons, les jeux et tout ce qu'il aimait. L'enfant s'en allait à regret, rempli d'admiration pour la Capitaine et décidé à tout pour lui plaire. Un petit homme des plus turbulents, le désespoir de sa mère, se conduisait comme un ange dans la chambre de Miriam. Très gentiment, quand elle eut gagné sa confiance, elle lui demanda pourquoi il ne lui disait pas de paroles grossières. Il la regarda étonné et répliqua :
- Parce que vous ne m'en dites pas!

La Capitaine d'État-Major Olive Booth découvrit, parmi les membres de son poste, une pauvre femme qui se mourait d'un cancer. Le mari de cette femme était allemand, interné dans un camp de prisonniers. La malade était dans une grande détresse, ne sachant à qui elle pourrait laisser sa petite fille. La Capitaine d'État-Major Olive intéressa sa mère à cette enfant; après la mort de la pauvre femme, Mme Booth reçut la petite orpheline au Homestead, jusqu'à ce qu'elle pût prendre les dispositions pour assurer l'avenir de cette enfant. Miriam consola la petite fille qu'elle chérit de tout son coeur. Après la mort de la Capitaine, un os, sculpté par le père de l'enfant, arriva à l'adresse de Miriam, le seul hommage de reconnaissance que le prisonnier ait pu se procurer.

Elle avait une grande confiance en l'avenir des.. cadettes de corps; elle s'inquiétait surtout des soins qu'elles apportaient à leur santé, afin qu'elles puissent servir Dieu et l'Armée longtemps. Celles qui la visitaient s'en retournaient désireuses de lui ressembler.

Quelques-unes des personnes qui la visitèrent se rappelaient avec difficulté qu'elle avait ses propres peines. L'une d'entre elles commença un interminable récit de désolation à propos d'un unique incident malheureux de sa vie.
Comme on parvient à cacher ses sentiments ! écrit Miriam au Brigadier Simpson. Je riais, parlais, sympathisais, tandis que mon coeur était tout triste, transi, malade, en comparant sa vie à la mienne. Elle possédait les joies de la vie et maintes occasions de servir, et cependant une seule épreuve assombrissait tout son horizon. Je pensais : si nous pouvions changer de place, je ne trouverais guère de raison de murmurer.

D'une personne qui n'aimait pas son travail, elle écrit :
Si elle avait dû passer par mon expérience, elle serait peut-être bien heureuse d'avoir des chiffres à écrire ou d'être nommée à l'étranger, ou à n'importe quel autre poste qui lui fournirait l'occasion d'aider dans la guerre du Salut. Qu'en pensez-vous? L'idée de la consécration, chez certaines personnes, me semble étrange : il s'agit pour elles de choisit leur travail, de se consacrer à l'oeuvre qui leur plaît, plutôt que d'aller où elles sont envoyées.

Un des plus grands services que Miriam rendit à l'Armée, fut d'inciter sa mère à la quitter pour répondre à tous les appels du devoir :
- Va, mère chérie, tout ira bien, chuchotait-elle.

Et Mme Booth quittait la chambre de sa fille pour accomplir quelque mission importante, ou elle partait pour un long voyage, ne sachant pas si tout ne serait pas fini avant son retour. Tout ce que ces séparations signifiaient pour la mère et pour la fille, seul le coeur débordant d'amour de notre Père céleste peut le connaître et le mesurer.

J'eusse aimé rester davantage avec vous, ma chérie, écrit Mme Booth un peu avant le Congrès International de 1914... J'espère avoir quelques heures de liberté avant la réunion du Congrès. Si vous êtes un peu mieux à ce moment-là, je pourrai peut-être vous lire mes notes.

Nous n'avons que peu parlé dans ces pages du triple lien de tendre sympathie, de mutuelle compréhension et de confiance qui unissait Mme Booth et Miriam. Nous ne pouvons faire à ce sujet aussi sacré qu'une rapide allusion. Pourtant, sans exagération, nous pouvons dire que jamais Mme Booth ne cessa de penser à Miriam et de porter sur son coeur le fardeau des souffrances de sa fille.
Une des nombreuses lettres de Mme Booth, qu'elle avait conservée précieusement, commence ainsi :
Ma précieuse Miriam,
Je remercie Dieu pour votre message de ce matin m'annonçant que vous avez eu une bonne nuit. Papa se met au travail, aussi je ne dois pas penser trop à vous, car alors je m'inquiète.

Et encore :
Merci pour votre cher billet. Vos vaillantes paroles : « je sais que je dois guérir », m'ont fait du bien et je prie Dieu pour qu'il nous guide. Je ne puis m'empêcher de sentir que votre situation s'améliore. Le docteur semble penser que la nature chez vous l'emporte peu à peu sur la maladie...

À chaque appel du devoir, Miriam se séparait courageusement de Mme Booth, mais elle l'accueillait à son retour avec la joie la plus intense. Avant même de défaire son manteau de voyage et son chapeau, Mme Booth accourait dans la chambre de Miriam, sachant avec quelle impatience elle était attendue. jusqu'à la fin, un des plus grands plaisirs de Miriam consistait à écouter sa mère lire quelques pages des livres qu'elle étudiait. Pendant ses derniers mois sur la terre, elle s'intéressa particulièrement à la Chine : elle trouvait plaisir à y suivre l'oeuvre des pionniers de l'Armée du Salut, et elle jouissait d'écouter la lecture de la biographie du pasteur Hsi, le saint et le lettré chinois.
Je suis profondément intéressée par ce livre, écrit-elle, et je désire ardemment, maintenant, pouvoir aller en Chine. Mais je suis plus que jamais consciente de l'importance de la prière. Prier pour la Chine, c'est un service que je puis rendre.

Il se peut que les prières de la Capitaine aient constitué le plus grand service de Miriam. Lorsque le travail tombait de ses faibles mains, elle restait immobile, priant avec ardeur pour l'Armée en général et pour chaque salutiste en particulier. L'éternité seule nous révélera les fruits de cette intercession sanctifiée par la souffrance.

Citons la Commandeur Eva Booth :
Son ministère fut court, mais il fut fécond et vaste. Son esprit s'élevait bien au-dessus de ses souffrances physiques, si grandes fussent-elles, s'oubliant elle-même, dans son zèle pour le service d'autrui. Nous sommes privés de la bénédiction de sa présence, mais l'influence de sa vie consacrée ne passera jamais.




.
(1) « Les Camées » déjà cités et édités sous forme de brochure. 
.
(2) La Colonelle travaillait à ce moment-là parmi les troupes anglaises. en France. 
Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant