Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE XIII

MIRIAM ÉCRIVAIN

 BIEN qu'au seuil de sa carrière d'écrivain, Miriam avait déjà gagne un large cercle de lecteurs. Lecteurs et rédacteurs en chef des principales publications de l'Armée du Salut, regardaient l'avenir avec joie, dans l'attente des grandes choses qu'elle accomplirait par sa plume, croyaient-ils, pour la gloire de Dieu et pour le bien du monde. En plus d'une habileté marquée, et d'une facilité dans le maniement d'un riche vocabulaire, elle possédait plusieurs des qualités essentielles pour atteindre au vrai succès littéraire, le don descriptif, la touche sympathique et la plus importante de toutes les qualités : la faculté de se donner beaucoup de peine. Loin de ressentir la critique, elle l'accueillait avec plaisir et, si un auteur de l'Armée la visitait, elle lui disait :
- Contez-moi comment vous écrivez.

Si elle recevait une réponse générale, évasive, elle continuait :
- En réalité, j'ai besoin que vous me parliez de vos articles. Trouvez-vous leur rédaction facile ? Comment trouvez-vous les idées? Vous voyez, je ne suis qu'une débutante, et je suis saisie de terreur chaque fois que j'ai écrit quelque chose, tellement que je ne sais comment continuer.

Une fois, qu'elle avait induit un camarade à parler sur ce sujet, elle écoutait avec avidité et disait :
- Oh! merci! Quelle aide vous m'apportez. Maintenant que je sais que les vétérans aussi souffrent et se débattent contre les mêmes difficultés, je puis aller de l'avant sur la même route.

Comme beaucoup d'autres qui réussirent dans le travail littéraire, elle commença à écrire sans nulle idée de publication, mais plutôt pour causer un plaisir à sa mère en lui contant quelques-unes de ses expériences de cadette. Elle appela cette série de « camées »: « POURQUOI JE SUIS SALUTISTE » Ils parurent d'abord dans la revue salutiste : Le Monde entier (All the World). Nous en extrayons le passage suivant :
C'était une belle après-midi de gelée. Je marchais à pas pressés dans une des rues principales qui traversent le plus répugnant des quartiers de l'East End à Londres.
- Allô! ma soeur, dit une petite voix, au pur accent londonien, qui s'élevait à mes côtés.
- Allô ! petite, répondis-je.

Immédiatement, une petite main sale se glissa dans la mienne, et une fillette en haillons, toute frêle, se mit à trottiner à mes côtés, d'un air de parfaite sécurité et consciente du droit absolu qu'elle avait sur moi. Elle marcha ainsi un moment, puis, après un adieu familier, ma petite camarade s'en fut.
Mais bientôt j'entendis le bruit de petits pieds frappant le sol rapidement derrière moi, et ma petite bonne femme réapparut, traînant par la main son petit frère joufflu, mais comme elle en haillons et à demi-gelé :
- S'il vous plaît, ma soeur, dit-elle, tout essoufflée, vous ne lui avez jamais dit : Allô !
- Allô, petit homme, répondis-je sans me faire prier davantage.

Et je caressai de ma main va chevelure embroussaillée.
- Comment allez-vous cette après-midi ?

Cela suffit. Les enfants sourirent et, avec l'expression du triomphe, ils partirent en courant; ils se retournèrent pour me faire de la tête un signe de triomphe avant de se perdre dans la foule affairée.
Je continuai aussi ma route, mais mon coeur exultait : « 0 Seigneur, dis-je, quand ce ne serait que pour faire sentir aux enfants que l'Armée leur appartient et qu'ils appartiennent à l'Armée, je te remercie de ce que je suis salutiste. »

Je faisais des visites de maison en maison dans un quartier pauvre. Les rues avaient une apparence respectable, elles ne présentaient aucun signe de pauvreté abjecte.
Comme je frappais à une porte, on me répondit d'un ton amical:
- Qui est là?

Je pris courage et, entrant hardiment, je fis quelques pas dans un corridor.
Une femme vint à ma rencontre, elle était très corpulente et tordue par les rhumatismes, elle se bougeait très difficilement, mais elle avait une expression agréable et ne semblait nullement mécontente de voir le chapeau de l'Armée du Salut, si bien connu.
Nous entrâmes vite en conversation.
- Ainsi vous allez à la Mission ? lui dis-je.
- Oui, ma chère, je vais à l'église régulièrement... (appuyant fortement sur ce dernier mot).
M. X... dit que l'église ne serait plus la même, si je n'étais pas à ma place, et rien d'étonnant à cela après trente ans de présence.

Je lui exprimai tout mon plaisir de l'entendre parler ainsi, et mon approbation de sa conduite. Après quelques mots sur l'importance de la certitude du salut, je lui demandai la permission de prier. Mais il y avait des larmes dans les yeux de la vieille dame, et je voyais qu'elle avait dans l'esprit quelque chose qu'elle désirait me dire.
J'attendis un moment. Elle hésitait.
- J'ai une fille, commença-t-elle.

Puis vint toute l'histoire. La fille s'était mariée dernièrement, son mari était un être indigne, maintenant sans travail. Sa femme qui, la mère s'efforçait de m'en convaincre, était « une vraie brave fille, vous savez, ma soeur, une très bonne fille », dans son chagrin s'était mise à boire. Elle habitait dans les environs. Pouvions-nous, à l'Armée du Salut, faire quelque chose pour elle ?
- Prions pour elle! dis-je.

Nous nous agenouillâmes dans le sombre corridor, et demandâmes au Père céleste, toujours plein d'amour, de sauver la fille égarée.
Tout en lui promettant de faire de notre mieux, et m'efforçant de consoler cette mère en larmes, je pris l'adresse : « Mme N..., 82, rue de X... » Je m'empressai de regagner la maison.
Mes compagnes étaient en avant, rayonnantes de bonheur et empressées de me conter toutes leurs nouvelles.
- Un cas si magnifique, commença avec un peu d'incohérence l'une des cadettes.
- Si sincère, ajouta l'autre; oui, je crois qu'elle s'est réellement donnée à Dieu.
- Où est-ce ? demandais-je, nous ne devons pas la perdre de vue.
- Oh ! oui, répondirent-elles. C'est rue de X... une Madame N...
- Numéro 82... m'écriai-je.
- Mais oui, comment le savez-vous?

C'était la fille de ma vieille dame. Notre prière était exaucée.
« 0 Seigneur, quand ce ne serait que pour le privilège d'être au nombre des serviteurs que tu emploies pour ramener au bercail cette brebis égarée, cette fille prodigue, je te remercie de ce que je suis salutiste. »




Lui, avait quatre-vingt-deux ans; ces treize dernières années, les infirmités le retenaient au logis. Elle était âgée de soixante-dix ans et n'avait plus qu'un oeil.
Ils habitaient un logis d'une seule pièce et possédaient pour toutes ressources quatre shillings par semaine : deux pour le loyer, un pour le chauffage et un pour la nourriture.
- Il n'est pas si mal, n'est-ce pas, ma soeur? dit le vieillard.

Et il frappait sur la manche de son habit jadis noir, aujourd'hui verdâtre.
- Je l'ai porté douze ans et, après tout, il n'est pas en trop mauvais état.
- Certainement, répondis-je.

Et je complimentai vivement mon vieil ami sur les soins dont il avait entouré son vieil habit de clergyman qu'on lui avait donné douze ans passés.
Il sourit en écoutant mon compliment, un sourire fatigué, à demi-effacé, et il recommença sa plainte au sujet du temps froid. Leur petit feu fumait d'une façon pitoyable, il clopina vers lui, mais sa vieille femme lui adressa un gentil reproche.
- Nous avons tant de sujets de reconnaissance, John, dit-elle, et Dieu est si bon : Il nous a gardés l'un et l'autre ensemble. C'est déjà beaucoup, n'est-il pas vrai, Mademoiselle? Il y a eu un petit peu de soleil aujourd'hui, peut-être y en aura-t-il davantage demain.

Un chat maigre, à la robe sale, pelage imitant la carapace d'une tortue, sauta sur mes genoux, il se mit à ronronner et à brasser vigoureusement de ses pattes ma robe, pour manifester sa satisfaction.
Le vieillard sourit réellement cette fois :
- Il a toujours sa part de ce que nous avons, dit-il.

Avec une pointe de gaieté, il ajouta :
- Il fait partie de la communauté, vous savez.

Je pensai qu'il était temps de présenter mes petits cadeaux : un châle avec des raies roses et blanches pour la vieille dame; un peu de thé, du sucre et une boîte de lait condensé plurent particulièrement au vieillard.
Sa vieille femme m'expliqua qu'ils ne pouvaient se payer du thé et du sucre chaque jour, ce luxe était réservé aux occasions spéciales; la communauté ne pouvait se permettre un tel gaspillage sur un budget d'un shilling par semaine au compte alimentation.
Elle rayonna lorsque je l'enveloppai dans les plis du châle; elle rougit lorsque je la taquinai au sujet de la vanité, et que je demandai au vieillard s'il n'était pas fier de sa Jeannine.
Nous lûmes ensemble les paroles si connues :
« Que votre coeur ne se trouble point... » coupées des commentaires du vieux couple: « Oui... Amen...
C'est bien ainsi ... Ah ! oui, plusieurs demeures... » plusieurs demeures ... » Et ainsi de suite. Puis nous chantâmes :

Quel ami nous avons en Jésus !
Il vint se charger sur cette terre
De nos péchés et de nos misères.

Et ils joignirent leurs deux voix chevrotantes et fêlées à la mienne. Cette cacophonie composait pourtant une harmonieuse musique pour les anges.
Je priai et le vieillard versa quelques larmes comme je me relevais.
- Mais Il est bon pour nous, John, commença la vieille dame d'un ton encourageant où se cachait mal une pointe de reproche. Il nous a gardés l'un et l'autre ensemble, ne l'oublions pas.

Je dis au vieillard de regarder en haut et, après avoir rappelé à sa femme les « multiples demeures ». Je me penchai sur elle pour embrasser son pauvre visage tout ridé.
- Oh ! merci. mille fois merci, dit-elle. Revenez nous voir, revenez.


. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

C'était au milieu de la nuit, tout était calme. Le vieux avait froid et il se demandait s'il n'était pas temps de boire sa tasse de thé.
- Jeannine ! appela-t-il.

Mais Jeannine ne répondit point. Il la toucha et l'effroi le saisit. D'une main tremblante, il frotta une allumette et, à sa lueur, il contempla d'un regard désespéré cette figure figée par la mort et ce corps froid.

Jeannine était partie pour les multiples demeures. Il n'entendrait jamais plus sa voix disant: « Il nous a gardés l'un et l'autre ensemble. » Il était stupéfié, et, laissant tomber l'allumette, il s'effondra près du lit où il resta jusqu'à l'aube. Alors il demanda aux aimables voisins du rez-de-chaussée de courir chercher la Capitaine de l'Armée du Salut. Elle répondit à l'appel et rendit les derniers devoirs aux restes mortels de Jeannine, et elle consola John.
- Dieu est bon malgré tout dit-elle. et vous n'êtes point perdus l'un pour. l'autre. car n'y a-t-il point plusieurs demeures dans la maison de mon Père ? Il vous faut regarder en haut encore un peu de temps.
« Quand ce ne serait que pour apporter un moment de joie à un de tes saints, et consoler un de tes enfants en deuil, je te remercie, ô Seigneur, de ce que je suis salutiste.

Une énorme foule nous entourait à la porte de la taverne X... Elle était restée presque une heure sans bouger, sans que personne ne parte, formant un bloc solide. La conviction se lisait clairement sur plus d'un visage et, lorsque nous nous agenouillâmes sur le pavé et priâmes ardemment l'un après l'autre pour le salut des hommes, des larmes perlèrent à de nombreuses paupières, et un silence étrange plana sur cette rue habituellement bruyante.

Pendant un moment, j'insistai pour le don immédiat du coeur à Dieu, et je demandai à ceux qui désiraient se donner ainsi de s'agenouiller avec nous. Nous chantâmes notre vieux cantique favori : « Roc séculaire frappé pour moi... » afin de donner à chacun le temps et l'occasion de se prononcer. Cependant personne ne se décida. Nous terminâmes la réunion et la foule s'écoula.

Mes camarades se rangèrent pour retourner à la salle. À ce moment, je remarquai un monsieur bien habillé qui avait écouté attentivement toute la réunion et avait manifesté quelque émotion. Il n'avait pas esquissé le moindre mouvement pour partir, et il se tint debout à la place qu'il occupa toute cette heure. Son regard perdu dans le vide, la souffrance écrite sur ses traits, m'invitaient à lui parler. Je le priai de venir à la réunion et je lui dis quelques mots sur la nécessité du salut.
- Merci, me répondit-il, chaque parole que vous avez dite est exacte; j'aurais dû aller m'agenouiller avec vous ce soir.

Et alors, avec l'amertume d'un homme qui voit son manteau de propre justice réduit à l'état de répugnants haillons, il ajouta :
- Je le vois maintenant, j'ai tort, tout à fait tort.
- Dieu peut tout transformer, lui répondis-je rapidement.

Il souleva son chapeau
- Bonsoir.
La petite procession était en marche.

Oui, je puis croire,
Oui, je veux croire...,
Que Jésus-Christ est mort pour moi.

Et le chant, rythmé par les tambourins. résonnait joyeusement. Je courus pour rejoindre mes camarades, tout en me disant :
« Quand ce ne serait que pour éveiller une conscience sincère au sentiment de sa culpabilité, je te remercie, ô Seigneur, de ce que je suis salutiste. »

Ces portraits à la plume, si vrais et si pittoresques, reçurent le plus chaleureux accueil et, commentant le choeur d'approbation qu'ils soulevèrent, notre vieux Général écrivit ces mots d'avertissement, dans son style humoristique :
Je n'entends que des propos aimables au sujet de vos articles dans Le Monde entier (All the World). Aussitôt que vous irez mieux, vous serez assiégée et poursuivie par tous les rédacteurs qui s'efforceront de vous en soutirer d'autres du même genre. Fermez vos oreilles à tous leurs discours, tant que vous ne serez pas complètement guérie. Adieu. Regardez en haut.

Mais Miriam ne se laissa pas tourner la tête par ses succès dans ce nouveau champ de travail. Son humilité surpassait ses talents. En réponse à un appel pour une collaboration régulière, elle écrivait au secrétaire de la branche littéraire :
Bien des remerciements pour votre lettre me demandant d'écrire un court article d'édification mensuellement. J'aimerais beaucoup le faire, mais je crains de ne pouvoir continuer. Si je manquais une fois mon tour, ne vous mettrais-je pas dans un sérieux embarras? Puis, je me demande si j'ai assez de talent. Je sens que je puis décrire ce que je vois ou tirer une morale des incidents qui m'arrivent, mais je crains de ne point posséder l'imagination créatrice, vous me Comprenez. Et. dans les circonstances actuelles, je vis en dehors du monde, qui, en temps ordinaire, serait comme « l'étang où je jetterais mon hameçon », je suis donc à court de matériaux.
Cependant, voulez-vous me permettre d'essayer un article et me dire sincèrement s'il vaut quelque chose? Nous remettrons à plus tard la question de ma collaboration régulière. J'espère que cela ne vous ennuiera pas trop.

Bien des remerciements pour avoir pensé à moi.

Bien des gens, le coeur plein de gratitude, n'expriment pas leur reconnaissance pour l'aide et les services reçus, Miriam n'appartenait pas à cette classe. Elle avait conscience de la fausse impression que le silence peut créer. À ce sujet, elle écrivait à l'Adjudant Simpson :
Je trouve regrettable la réserve de tant de gens. Trop peu de sentiments se manifestent dans le monde. Peut-être cela provient-il de l'existence de trop nombreux hypocrites et de multiples simulateurs. Ceci n'en constitue pas moins une grave erreur. Nous devons tous les deux faire bien mieux que cela. Ma plus grande joie est de sentir que nous pouvons nous faciliter l'un à l'autre l'épanouissement de notre être spirituel. Je suis consciente de mon ignorance, de mon indolence et de mes imperfections... Oh ! puisse le Seigneur nous instruire, nous vivifier et nous fortifier tous les deux.

Une de ses lettres, adressée au Rédacteur en chef de l'Officier (1), montre ses dispositions à remercier pour les bénédictions. Elle avait joint à sa lettre un article sur les réunions de prière du dimanche matin :
J'espère, écrit-elle, que vous ne trouverez pas déplacé, ni prétentieux de ma part, la rédaction de cet article sur les réunions de prière matinales. Sans doute mes réunions de prière, depuis quatre ans et demi, se passent forcément dans mon lit; mais l'Esprit m'a poussée à écrire cet article. Bon, mauvais ou indifférent, je vous envoie le résultat.
Je crois à la réunion de prière et, même dans ma courte expérience, j'ai assisté à quelques réunions de prière bénies.
Je profite de l'occasion pour vous dire combien j'apprécie L'officier. Mon poste de combat à moi est particulièrement dur, mais les articles et les interviews de L'officier m'ont aidée, réjouie et réconfortée plus que je ne saurais le dire. Merci pour tout cela.
Votre sincèrement reconnaissante.

F. MIRIAM B. BOOTH.


C'était une lectrice enthousiaste de la littérature de l'Armée du Salut :
Quels écrits fascinants, déclare-t-elle. J'en suis frappée chaque fois que je prends l'un de nos journaux ; je ne puis le reposer avant de l'avoir lu en entier. Bien qu'infirme et condamnée à rester au lit, la gloire de faire partie de cette grande entreprise me fait tressaillir de joie cette après-midi. Combien je désire être à nouveau sur pieds et à l'oeuvre une fois de plus.

Elle aimait offrir de saines et salutaires lectures à ses relations :
Je suis si heureuse que vous ayez goûté le livre de Matheson : Études du portrait du Christ. Moi aussi je trouve ces écrits merveilleux. Avez-vous lu ses Grands hommes de la Bible... et aussi un livre composé de courts chapitres : Repos sur les rives du fleuve, tel est le titre, si je m'en souviens bien. Je trouve tous ses livres vraiment inspirateurs. Connaissez-vous Le procès et la crucifixion du Christ, par Stalker ? J'en ai grandement joui ces derniers temps, il est très clair et d'une lecture facile.

Ses livres d'édification, sa Bible, ses cantiques et un ou deux volumes de méditations quotidiennes sont soulignés presque à chaque page et pleins de remarques qui montrent l'importance qu'elle attachait à la prière et à la nourriture spirituelle; elle les considérait comme les conditions indispensables de la vie saine de l'âme. On trouve dans ses lettres d'innombrables références à ses lectures, telles les suivantes :
Mon texte dans mon « Pain Quotidien », hier soir, était « je te donnerai des trésors cachés. » (Esaïe 45 3.) N'est-ce pas magnifique ? Quand tout semble si difficile et trouble, ces paroles s'offrent à moi comme un message particulier pour mon coeur.

Un soir. après avoir écouté son infirmière qui lisait, dans un livre d'anniversaire, un ver, set des Saintes Écritures et une courte poésie, Miriam resta un moment silencieuse, réfléchissant. Un instant après, elle dit :
- Nurse, nous n'avons pas, à l'Armée du Salut, de livre d'anniversaire. Ne croyez-vous pas qu'un livre d'anniversaire d'inspiration salutiste, avec des citations extraites des oeuvres du Général (son père) serait le bienvenu? je lui demanderai si je puis en Préparer un.

La gaieté et la générosité, telles deux fées joyeuses joignant les mains pour une ronde, se dressèrent devant son imagination, et elle ajouta :
- Ne serez-vous pas contente de recevoir le livre avec cette dédicace : « Avec les compliments du compilateur » ? Surtout que vous saurez que vôtre petit livre m'a fourni l'idée inspiratrice du mien.

À partir de ce moment, tout au début de sa maladie, elle travailla à ce livre dans la mesure de ses forces. Pour une malade au lit, la tâche était difficile; mais elle y prit le plus grand plaisir, et le livre sera le bienvenu dans tous les foyers salutistes du monde entier. Il était prêt pour l'impression avant qu'elle ne soit promue à la gloire éternelle; mais les prix élevés des éditions risquaient de le placer hors de la portée des bourses salutistes, toujours modestes, pour qui elle l'avait spécialement préparé. Tout en confessant son désappointement, elle en remit la publication à des temps meilleurs. Le petit livre a paru depuis lors sous le titre : Miriam Booth's birthday book (2). C'est un vrai petit trésor.

Dans sa vie remplie et consacrée aux affaires pratiques, Miriam ne trouva que peu d'intérêt à la poésie tant qu'elle fut en bonne santé; mais dans l'isolement ou sa maladie la confinait, quelques poèmes choisis lui apportèrent la paix et le rafraîchissement de l'esprit. Comme elle errait de-ci de-là, dans le champ parfumé de le poésie, la pensée lui vint qu'elle pourrait rassembler quelques-unes des fleurs les plus rares de ces champs, et les envoyer non seulement pour fortifier ses camarades sur le Champ de Bataille, mais encore ceux qui, comme elle, étaient condamnés à la retraite prématurée. Le Général encouragea chaudement cette entreprise, et ainsi fut composé un livre de poèmes choisis intitulé : In Joy and Sorrow (3) .

La dernière année de sa vie, la Capitaine Miriam écrivit une série de courts articles sur la vie de sainteté qu'elle avait tant hésité de commencer. Ils furent abondamment bénis en divers pays. Le premier de ces articles que nous reproduisons ici est intitulé : La volonté de Dieu.
... « Comme des serviteurs du Christ qui font de bon coeur la volonté de Dieu. » (Éphésiens 6 : 6.)
« Mon Dieu, je prends plaisir à faire ta volonté. » (Psaume 40 : 9.)

Il est bien plus facile de travailler que de souffrir, de s'adonner à l'action que d'attendre patiemment. Cependant, quelle pensée merveilleuse : savoir que les circonstances de la vie ne peuvent pas empêcher l'accomplissement de la volonté de Dieu en nous et par nous. Quel réconfort et quelle joie apporte cette connaissance ! Accomplir l'oeuvre de Dieu, sans doute cela constitue une grande chose, mais faire sa volonté est bien plus grand encore.

Nous sommes souvent tentés de désirer un travail différent du nôtre, nous sentons parfois que nous sommes bien mieux doués pour un autre poste que celui où Dieu nous a placés. Nous ne sommes pas conscients que le point vital pour nous n'est pas tant de chercher à faire quelque grande oeuvre, mais de faire la volonté de Dieu, d'accomplir ainsi ses desseins à notre égard. Grâce à Dieu nous pouvons faire cela dans la position la plus humble et la plus effacée, aussi bien que dans la plus exaltée, dans les coulisses, invisibles à tous, aussi bien qu'aux lumières de l'avant-scène, du moment que nous occupons la place qu'il nous assigna.

Et vous, chers camarades, qui avez cru que vous n'étiez d'aucune utilité, ou que votre travail avait si peu d'importance, que n'importe qui pouvait le faire; vous qui êtes enfermés dans un bureau, peut-être, quand vous espériez être employés au travail de conquête des âmes; vous qui êtes enchaînés au pénible labeur de la cuisine, ou aux soins quotidiens des petits enfants ou même vous, pauvres malades faibles et impuissants, qui vous croyez uniquement un fardeau pour votre entourage, voici une petite oasis pour vous au milieu du désert de votre vie monotone : vous pouvez faire la volonté de Dieu. Et si vous avez au dedans de vous ce témoignage, alors vous lui êtes aussi utiles que ceux qui se tiennent sur le front de bataille pour hâter l'accomplissement de son plan de salut.
Souvenez-vous-en - Ce qui compte aux yeux de Dieu, ce n'est point où vous êtes, mais ce que vous êtes.

Car l'un agira et l'autre se résignera;
L'un boira la coupe amère de la vie et l'autre son nectar;
Mais Dieu balancera les deux comptes.
Prière et activité, vous êtes les deux pales d'un tout harmonieux.,
Celui qui ne peut combattre peut néanmoins accomplir
La tâche la plus difficile : se tenir tranquille...


Le ciel n'est le ciel que parce que la volonté de Dieu y est faite parfaitement. Dans ce sens, nous pouvons tous avoir notre petit paradis.
« Je suis plus que jamais décidée à faire de ce bureau, qui sent le renfermé et le moisi, un sanctuaire », m'écrivait une amie l'autre jour. Quel est son secret ? Certainement celui-ci : elle est résolue plus que jamais à accepter la volonté de Dieu; même si elle est différente de ce qu'elle aurait choisi elle-même. Avec ce sentiment dans son coeur, le tic tac de la machine à écrire se transformera en musique céleste.
Il peut en être de même pour vous. chers amis, quelle que soit la place que vous occupez ; la Cuisine. le bureau, la chambre des enfants, la couche du malade, peuvent devenir pour vous aussi un sanctuaire, le ciel sur la terre, parce que vous aurez fait la volonté de Dieu de tout votre coeur.

Oh ! la joie et la paix apportées en votre vie par l'accomplissement de la volonté divine ! Le mécontentement, les plaintes ne trouveront plus de place, même au milieu de souffrances et de la solitude ; vous pourrez dire constamment: « Je me réjouis de faire (ou dé souffrir) ta volonté, ô mon Dieu. »

Le dernier de ces articles fut écrit seulement quelques jours avant son départ pour l'au-delà. Il était intitulé : La joie dans la tristesse. Le voici :
« Personne ne vous ravira votre joie. » (Jean 16 : 22.)

Comme le temps fuit rapidement! Nous voici de nouveau au seuil de décembre, ainsi cet article doit être un message de Noël. Malgré le lourd fardeau de tristesse et de deuil qui écrase le monde aujourd'hui (4), je désire tourner vos regards vers une véritable et joyeuse fête, débordante de la joie de Noël, cette joie qui était dans le coeur de Dieu lorsqu'il envoya ce détachement de l'armée céleste pour chanter à notre terre ce message: « Une grande joie qui sera pour tout le peuple. »

Parce que Jésus porta les péchés et les misères du monde, nom sommes enclins à nous le représenter sous les traits de « l'homme de douleur » mais il est bon que nous nous souvenions aussi qu'il fut un « homme de joie ». Il nous révéla une religion joyeuse. Combien de fois nous l'entendons répéter : « Réjouissez-vous ! » Il aime nous voir heureux. La joie qu'il nous donne est une joie durable que rien ne peut détruire.

Tôt ou tard, le chagrin, les épreuves apparaissent dans une vie et, malheureusement, pour plusieurs, ces douloureuses expériences balaient toute leur joie, car elle est à la merci des vicissitudes de l'existence. Mais il n'en est pas ainsi de la joie que Jésus donne. Sa joie, nul homme et nulle douleur ne peuvent la ravir. L'infortune, l'adversité ne peuvent y toucher. C'est juste avant sa crucifixion, avec la perspective de l'agonie de Gethsémané, les humiliations du Prétoire et de la Voie douloureuse et, ce qui lui était peut-être bien le plus difficile à supporter, la connaissance parfaite des persécutions et des tribulations qu'endureraient ses disciples. qu'il déclare : « je vous ai dit ces choses, afin que ma joie demeure en vous, et que votre joie soit parfaite. » Et pour rendre cette belle promesse doublement certaine, il ajoute : « Nul ne vous ravira votre joie. »

J'ai entendu raconter l'histoire d'une mère qui fut plongée dans la fournaise de l'affliction. Sa fille, qui la voyait souffrir, une terrible agonie, lui disait :
- O mère, comment pouvez-vous endurer tout cela patiemment et avec une pareille sérénité ?
- Ah ! répliqua la mère, ma joie jaillit de sources plus profondes que ma souffrance.

En est-il ainsi pour vous ? Les sources de votre joie sont-elles plus profondes que les circonstances de la vie ? Pour certains, les sources de la joie ne semblent pas exister; ils possèdent tout au plus de petites mares, sans profondeur, desséchées par le plus léger ennui. Un manque d'égards de la part de leur entourage, un malentendu tarissent bien vite la source.

À beaucoup, ce Noël apportera de la tristesse, tristesse intensifiée par le souvenir des grands bonheurs des autres années. Des êtres aimés manquent au cercle de famille, quelques-uns pour toujours ici-bas. d'autres souffrent et beaucoup diront :
- Oh ! Noël ne sera plus pour moi ce qu'il était jadis.

Mais pour tous ceux qui veulent l'entendre, au milieu des ténèbres et de la solitude, de la souffrance et du deuil, ces paroles bénies retentissent : « Afin que ma joie soit parfaite », et « nul ne vous ravira votre joie ». Vous pouvez faire l'expérience que la joie du Seigneur est votre force, cette joie qui jaillit de notre certitude du sourire de Dieu et de son approbation de nos sacrifices pour lui, et de nos services du prochain.

Cette joie vous donnera la force et le courage, et nul au monde ne pourra vous la dérober. C'est une ancienne, très ancienne joie qui a subi victorieusement l'épreuve des siècles. Dans le lointain passé, aux jours d'Habacuc, nous la trouvons exprimée dans ces paroles triomphales : « Alors le figuier ne fleurira pas, et il n'y aura rien à récolter dans Ici vignes. Le fruit de l' olivier manquera, et les champs ne donneront point de nourriture, plus de brebis dans la bergerie, plus de boeufs dans les étables. Néanmoins, je veux me réjouir en l'Éternel et tressaillir de joie dans le Dieu qui me délivrera. »
À la lumière de cette pensée. du plus profond de mon coeur, je souhaite à tous les lecteurs du Libérateur Social (5) un heureux Noël.

À propos de cet article, une des humbles lectrices de la Capitaine écrivit à Mme Booth après la mort de Miriam :
Je suis si heureuse, dit-elle (nous donnons sa lettre dans toute sa naïveté), qu'elle nous ait souhaité à tous un heureux Noël ! Il semble qu'elle connût que nous allions avoir à souffrir une grande épreuve, et qu'elle eût désiré nous y préparer. Dieu vous bénisse et puisse-t-il mettre en vôtre coeur la paix et la joie qu'elle nous souhaitait à tous.




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(1) Une revue Mensuelle, destinée uniquement aux officiers de l'Armée du Salut. 
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(2) Livre d'anniversaire Miriam Booth. 
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(3) Dans la joie et dons la tristesse. 
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(4) La grande guerre. 
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(5) Revue mensuelle salutiste ayant trait à l'activité sociale de l'Armée du Salut. 
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