Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE XII

DANS LA FOURNAISE DE L'AFFLICTION

 UNE fois l'excitation du retour apaisée, on crut que Miriam allait glisser insensiblement dans l'éternité, à la suite des fatigues du voyage. Mais les mois passèrent et elle était toujours là. Elle avait envisagé, en Suisse, l'éventualité de la mort. Peu de personnes aimèrent la vie aussi intensément qu'elle, ou la désirèrent davantage dans un but désintéressé; mais elle ne se révolta point; si Dieu voulait qu'elle l'abandonne, que sa volonté soit faite! Au lieu d'un prompt départ pour le ciel, une épreuve plus grande l'attendait. Espérant que cette histoire pourra aider ceux qui passent par le feu de l'épreuve, nous insistons sur certains détails négligeables aux autres points de vue.

Peu a peu, Miriam comprit qu'elle pourrait bien être condamnée à rester couchée pendant des années. Avec sa promptitude de jugement, elle en vit immédiatement les conséquences. Premièrement en rangeant les choses selon un ordre croissant de leurs valeurs, commençant par les moins importantes, elle comprit qu'elle serait la cause de grandes et continuelles dépenses. Déjà, dans ses efforts pour guérir sa fille, MME Booth avait pris sur ses ressources personnelles plus qu'elle ne le pouvait raisonnablement. Puis, la vie de souffrances de Miriam serait une perpétuelle douleur pour sa famille. Mais, conséquence la plus triste, sa maladie entraînait l'abandon des espérances caressées par elle et par son bien-aimé. Ils s'étaient écrit quotidiennement, et leurs lettres respiraient la plus tendre affection. Maintenant, son âme désintéressée la poussait à bander toutes ses énergies pour consommer le sacrifice que le devoir demandait. Dieu seul sait ce qu'il lui en coûta pour écrire à son Adjudant et lui dire, très tendrement, mais très fermement que, puisqu'il n'y avait pour elle aucun espoir de guérison immédiate, elle sentait que, par amour, pour son avenir dans l'Armée, elle devait lui rendre sa parole.

Quiconque a pu lire, si peu que ce soit, de leur correspondance, ne saurait entretenir le moindre doute sur la réponse de l'Adjudant. Se détourner d'elle, abandonner son amour et cette amitié si précieuse, parce qu'elle souffrait, il ne saurait y penser. Dans les termes les plus affectueux, il lui répondit que son choix ne saurait changer. Lorsqu'un peu plus tard, il visita Miriam, elle revint sur ce sujet, le pressant de considérer sa proposition de tous les points de vue. Cependant, en découvrant la ferme décision de l'Adjudant de partager ses joies et ses tristesses jusqu'à ce que la mort les sépare, l'amour de Miriam s'exprima plus librement et mieux qu'auparavant.

Quelques jours avant sa dernière opération, Miriam, une fois de plus, insista auprès de l'Adjudant pour qu'il réfléchisse à nouveau. Sa maladie pouvait être pour lui une épreuve qui serait au-dessus de ses forces, et nul ne pouvait dire si l'avenir apporterait la moindre amélioration. N'était-ce pas son devoir de reprendre sa parole ? L'Adjudant répondit que, si l'avenir ne lui appartenait pas, le présent était à lui et qu'il considérait comme une joie et un privilège de partager ses tristesses, tout en espérant que leur patience serait récompensée.

L'avenir semblait s'assombrir, mais Miriam n'étouffa jamais l'espoir dans son coeur, ne permit à aucun nuage terrestre de ternir sa vision spirituelle. Son esprit vif et alerte se tenait continuellement en présence du Seigneur et, dans la plus complète soumission, demandait : « Que veux-tu que je fasse, ou que je souffre? » Comme le dit très bien la Colonelle Lawrance : « Elle était toujours prête à s'incliner devant le Seigneur et à obéir à toute nouvelle révélation. »
Elle marchait au milieu de la fournaise, mais, c'était pour elle comme pour les trois jeunes Hébreux : elle ne portait sur elle « aucune odeur de feu », et plusieurs adorèrent, conscients de la présence à ses côtes, du Fils de Dieu.
Sa tante, la Commandeur Eva Booth, écrit avec raison :
Sa religion ne lui manqua point dans cette lutte quotidienne; mise à l'épreuve, sa foi ne révéla aucun défaut. Ce n'était pas à une épave qu'elle s'était fiée aux jours des grandes vagues, mais à un immuable rocher. Sa religion était pour elle un port sûr. Pendant de longues années de souffrances, elle semblait portée sur des ailes puissantes qui l'élevèrent au-dessus des petites et des grandes afflictions, et enfin la portèrent dans le sein de Dieu.



Travailler pour Dieu est une grande chose, mais accomplir la volonté de Dieu est bien plus grand encore.
Miriam BOOTH.

La maladie de Miriam était excessivement pénible. Au début, un abcès se forma dans la région de l'appendice. Après l'opération, il fallut garder la plaie ouverte par un système de drains. Puis une espèce d'empoisonnement du sang confondit la science et l'habileté des plus célèbres docteurs; une série d'abcès se forma, qu'il fallut à leur tour ouvrir et drainer. Les médecins se décidaient-ils à laisser la plaie se refermer et enlevaient-ils les drains, immédiatement le poison s'accumulait à nouveau, causant une élévation de la température et d'autres symptômes dangereux et désespérants. À la fin, elle avait cinq plaies profondes toujours ouvertes, horribles et douloureuses à l'excès. Il fallait les sonder et les nettoyer deux fois par jour. Outre cela, elle dut subir plus de trente ponctions dans le but de soulager l'organisme.

J'ai demandé à Mme Booth la permission de donner ces détails, car le lecteur, sans une idée de ses souffrances, ne peut comprendre ce miracle de la grâce, qui lui permit pendant six longues années de peines et de fatigues, coupées de fréquentes heures d'intense agonie, de conserver un esprit calme, confiant et joyeux. Une de ses infirmières, qui n'était pas salutiste, déclare :
Mon expérience me permet d'affirmer que, pendant des années, elle n'avait jamais été un moment, sans souffrir. Sa douceur, sa patience, son oubli d'elle-même étaient vraiment merveilleux. Je n'ai jamais vu personne qui atteigne ainsi mon idéal du parfait chrétien.

Personne, connaissant la nature et l'étendue, de ses souffrances, ne pouvait vivre avec elle sans s'étonner de la puissance de Dieu révélée dans ce corps fragile. Une amie lui écrit :
Je pourrais être une malade patiente et affectueuse, si j'étais condamnée à ne jamais m'asseoir à cause de mon dos, ou si mes jambes se refusaient à me porter; mais souffrir, et souffrir constamment comme vous, et néanmoins triompher constamment de l'impatience et des récriminations, m'obligent à adorer la grâce divine. Ne pensez jamais que vous ne faites rien : vous témoignez devant toute l'Armée du pouvoir de Dieu pour sauver et garder au travers des plus rudes épreuves.

Souventes fois, la douleur était si forte que les docteurs voulaient la soulager par une piqûre à la morphine. Miriam les pria de n'en rien faire. Elle savait que bien des femmes, dans la bataille de la maladie ou de la solitude, sombrèrent victimes de la drogue. Bien que ne craignant pas pour elle rien de pareil, elle se refusait à chercher le soulagement à la source où tant d'âmes faibles trouvent leur mine.
Une preuve de la patience, avec laquelle elle considérait les symptômes qui lui présageaient une période de souffrances extraordinaires, nous est fournie par le bref extrait suivant :
Un nouvel abcès se forme, température très élevée et grande faiblesse. Je jouis cependant de la paix intérieure. Je crois que le Seigneur m'enseigne plus que jamais ce que c'est que « la paix qui surpasse toute intelligence ».

Jamais d'exigences comme certains malades qui se plaignent, s'ils ne reçoivent pas les attentions qu'ils se croient dues. Miriam s'intéressait de tout coeur ci tout ce qui se passait autour d'elle et saisissait avec empressement la plus petite occasion de rendre service.

Elle n'avait rien de la nature de l'anachorète. Certaines personnes sont écrasées par les foules; elles inspiraient Miriam. La compagnie de personnes de conditions diverses, fatigue les gens habituellement repliés sur eux-mêmes; pour elle, cela constituait le vin de la vie. Les gens aimables, adroits, contrefaits, stupides, supérieurs et inférieurs, riches ou pauvres, tous l'intéressaient. Comme son grand-père, elle aimait le monde entier. Chaque type national était un nouveau sujet d'études. Cependant, la vaillante petite guerrière, meurtrie, reposait dans sa chambre à Hadley Wood dans la peine et la fatigue, sans un murmure, tandis que le Congrès des Nations de l'Armée du Salut se réunissait jour après jour, pendant l'été de 1914, au Strand Hall, à l'Albert Hall, ou au Crystal Palace, pour les assemblées solennelles, les festivals de musique, les réunions missionnaires, les services d'actions de grâces, ou les Conseils d'officiers.

L'infirmière Davis, qui ne la quitta que pour se marier, nous dit :
Parfois, elle était très calme; et parfois, très rarement, je m'apercevais qu'une larme coulait le long de son cher visage; mais, même devant moi, elle ne proféra jamais une parole de regrets ou une plainte. Et le soir, quand la famille rentrait, vous auriez pensé, à l'accueil qu'elle leur réservait, à son intérêt aux faits du jour, à sa crainte que ses bien-aimés ne soient trop fatigués par les longues réunions, que c'était elle qui avait eu tout le plaisir.

Miriam était très heureuse d'avoir, à cette occasion, les visites de ses tantes qu'elle aimait tendrement : la Commandeur Eva Booth, des Etats-Unis d'Amérique, et la Commissaire Lucie Booth-Hellberg, du Danemark, et aussi de voir le Commissaire et Mme Booth-Tucker et quelques autres amis de l'étranger.

Sa description de l'oeuvre de l'Armée, au moment de l'explosion de Silvertown (dans les premiers jours de 1917), nous montre le vif intérêt qu'elle prenait à toutes les activités de l'Armée :
Ne vous alarmez pas à la vue du papier; mais je me propose de vous écrire une longue lettre, et mon autre bloc n'a plus que quelques feuillets. Vendredi soir, l'infirmière était avec moi quand on entendit la terrible explosion. Mon lit trembla littéralement, et le bruit fut semblable à un roulement de tonnerre. Je compris tout de suite que c'était une explosion, et mes premières paroles furent: « Maintenant, nurse, nous devons être prêtes pour la suite. » Je me souviens que Bernard nous avait dit : « Si Enfield saute, il ne restera plus rien de Hadley Wood. »

Je pensais que c'était probablement le commencement. Le facteur qui faisait la levée de la boîte, dit, qu'il avait vu une grande langue de feu dans la direction d'Enfield. Un peu plus tard, on nous dit, que c'était North Woolwich, mais nous pensâmes que ce n'était que l'écho d'une vague rumeur et rien de certain. Alors, de l'École Militaire, on nous dit que c'était Silvertown. Ils en avaient été informés par la police, et la Capitaine d'Etat-Major Colbourne et quelques sergentes étaient déjà en route.

Les nouvelles, que nous reçûmes depuis, sont désespérées. Cinq rues complètement démolies, des familles entières ont péri, les amis et les parents se cherchent au milieu des ruines. Des parents ont perdu leurs enfants, et des enfants leurs parents. Un officier de l'Armée du Salut, célibataire, tout jeune, est seul dans ce poste, et Cath dit qu'il a été magnifique. Il fut sur les lieux immédiatement, et il aida à sauver, des édifices en flammes, les trois premières personnes. Notre salle, juste au milieu de la ville, est peu endommagée. On dit que les gens adorent cet officier : il resta debout la nuit de vendredi et de samedi, travaillant autant qu'il put. Notre salle de Silvertown est transformée en restaurant où l'on sert le thé et des repas aux pauvres gens qui viennent identifier les cadavres. Cath dit que les gens sont si reconnaissants; c'est touchant de voir combien ils sont heureux d'avoir l'Armée du Salut pour les aider.

Le chef de l'ambulance de Londres (j'oublie le nom), sonna ce matin au Quartier Général pour dire qu'il avait été à Silvertown. Il était saisi par la tristesse de ce spectacle, mais en même temps il se réjouissait de voir « les femmes de l'Armée du Salut » déjà sur les lieux, bien organisées et accomplissant une oeuvre magnifique. Il envoyait dix livres sterlings pour sa part, et une dame, à qui il avait parlé de sa visite, voulait envoyer une automobile pleine de vivres, et elle demandait à qui l'envoyer. Le Brigadier Freeman lui dit que la fille aînée du Général était à la tête de la brigade de secours. Ainsi tout cela fut envoyé à Cath à Silvertown, aujourd'hui. Cath dit que l'officier de Silvertown doit recevoir une médaille spéciale. Je ne sais pas qui c'est. Vingt des grands carreaux plats du toit du « Congress Hall » furent brisés en morceaux. Heureusement il n'y avait personne dans la salle.

La fidélité au drapeau et le sens de l'honneur de sa profession, chez Miriam, étaient vraiment pathétiques et magnifiques. En plusieurs occasions, elle eut près d'elle une infirmière de notre Maternité. Une fois que l'infirmière Mann était venue remplacer son infirmière habituelle partie en vacances, elle lui dit :
O ma chère infirmière, je suis heureuse que vous soyez venue. Vous comprendrez, maintenant, je puis prendre mes vacances et pousser un vrai gémissement quand j'en aurai envie. Il ne convient pas de se laisser aller devant les gens qui ne connaissent pas l'Armée. Ils penseraient que je ne suis nullement soldat.

L'infirmière Mann continue :
Elle était si habile et intelligente, elle aurait brillé en public; mais plusieurs de ceux qui brillent aux lumières de la scène se ratatinent et disparaissent dans la fournaise; mais elle, elle croissait en grâce et en gentillesse. Elle exprimait sa reconnaissance si gracieusement pour ces légers services que la plupart des gens accueillent d'un merci prononcé du bout des lèvres.

Sa maladie fit hésiter ses jeunes soeurs, Olive et Dora, à entrer à l'École Militaire.
- Nous ne pouvons pas quitter la maison, tant que Miriam est malade, disaient-elles à leur mère.
Mais Miriam devina leur pensée, et elle se montra très énergique sur ce point.
- Si vous ne voulez pas me faire de la peine, vous devez entrer à l'École. C'est déjà bien assez que je sois inutile, tandis qu'il y a tant à faire; si j'allais encore entraver votre consécration, je serais réellement triste. Allez, chéries, plaida-t-elle.

Ainsi, un par un, elle vit Bernard, puis les deux soeurs qui restaient, et le dernier de tous, Wycliffe, le plus jeune de la famille, quitter la maison pour la carrière d'officier dans son Armée bien-aimée. Le Homestead devint très calme et, sauf son infirmière et les servantes, Miriam était souvent seule. Seule? mais non, elle ne l'aurait jamais admis. N'avait-elle pas le Champ de Bataille de ses bien-aimés pour l'occuper, ne devait-elle pas prier pour eux et se réjouir de leurs victoires ? Avec Catherine et Dora à l'École Militaire, Marie en France, Bernard à son poste, ou accompagnant le Général, Olive et Wycliffe dans leurs postes, et le « cher père », comme elle aimait à appeler le Général, et sa « chérie et précieuse maman » en voyage, elle trouvait de nombreuses occasions de prières et de louanges. Et, ajoutée à ses intérêts particuliers, n'avait-elle pas la fortune universelle de l'Armée à suivre par l'esprit, pour se glorifier de ses succès? Elle pouvait s'en donner ainsi à son plein contentement.

La garde de nuit de Miriam était une personne qui avait failli sombrer sous les vagues du chagrin, avant de trouver un refuge en Dieu. Elle raconte :
Je n'ai jamais vu quelqu'un souffrir comme elle et rester si doux. Certains matins, je lui disais :
- Chère mademoiselle Miriam, vous avez eu une mauvaise nuit, je ne saurais pas être patiente comme vous.
- Oh! si, vous le pourriez, répondait-elle avec un sourire,

Elle ne pensait jamais avoir accompli quelque chose d'étonnant. C'était la femme la plus oublieuse d'elle-même que j'aie connue.

Cette garde avait une mémoire remarquable pour apprendre les cantiques de l'Armée. Lorsque Miriam ne pouvait pas dormir la nuit, elles chantaient souvent à demi-voix ensemble. La Commissaire Catherine se rappelle s'être réveillée, une nuit, et avoir entendu cantique après cantique prendre son essor dans le calme nocturne. Au matin, elle demanda à sa soeur si elle ne se sentait pas fatiguée :
- Oh! non, répliqua-t-elle joyeusement, je ne pouvais pas dormir, aussi X. et moi, nous avons eu une bonne réunion de prières.

La Capitaine Mason et la soeur Butt, les aides de Mme Booth à la maison, gardent de doux souvenirs de la patience joyeuse de Miriam et de son intérêt continuel à l'oeuvre du poste de Barnet. La Capitaine était la Sergente-Major du Poste des Oeuvres de jeunesse, et Miriam s'enquérait auprès d'elle des progrès de l'oeuvre parmi les enfants. La soeur Butt était membre de la chorale.
- Quand nous avions appris un nouveau chant, dit-elle, je devais toujours le chanter à Mlle Miriam, et après, elle le chantait avec moi.

Le chant des oiseaux causait une grande joie à Miriam. Elle écrivit pendant le dernier printemps qu'elle passa sur la terre :
Les alouettes ont chanté merveilleusement bien aujourd'hui; l'une après l'autre elles montèrent dans le ciel, leurs notes tombaient sur la terre comme une pluie étincelante. Je crois que du chant de tous les oiseaux, c'est celui de l'alouette que je préfère. Il sonne des notes débordantes d'espoir, d'émerveillement et de joyeuse liberté et, le dirai-je, pleines de la saveur de la vie, de louanges et d'adoration. En vérité, je l'avoue, l'interprétation de leur chant dépend de l'humeur de l'auditeur. Les alouettes sont une des joies de mes mauvais printemps et de mes étés de souffrance. Après une nuit fatigante, vient l'aube grise et froide qui amène ce sentiment d'exténuement, que connaissent si bien les malades, et alors l'alouette s'élève.

Plus tard dans l'année, elle écrit dans un mouvement d'indignation :
Je suis profondément attristée d'apprendre que j'ai mangé des alouettes. Quelqu'un me les envoya et je crus que c'étaient des cailles. Cela paraît si méchant! Je croyais que la loi anglaise défendait de tuer et de manger les oiseaux chanteurs.

Une des angoisses de Mme Booth au sujet de Miriam, pendant les deux dernières années de sa vie, ce furent les raids aériens, souvent particulièrement graves dans les environs du Homestead. Une fois, alors que le Général et Mme Booth étaient absents, Miriam permit qu'on la transporte en bas, parce que, quand le danger semblait imminent, elle ne pouvait pas persuader à son infirmière de l'abandonner. Après cela, d'un commun accord, toute la maison s'assemblait dans la chambre de Miriam pendant les raids nocturnes. Miriam était peut-être la moins affectée par ces événements :
Les canons de la défense ont tonné magnifiquement, écrit-elle à une amie; j'étais heureuse que le Général et maman ne fussent pas à la maison. Je suis toujours anxieuse à leur sujet, mais réellement il n'importe guère que quelque chose arrive à mon pauvre corps déjà abîmé.

Miriam écrivit à sa mère, en décembre 1916, cette description d'un raid de zeppelins :

Mère chérie,
Nous avons eu, la nuit dernière, la plus palpitante expérience de zeppelins. Nous entendîmes le bruit des machines du zep, juste avant deux heures, la nuit était brumeuse, nous ne pouvions rien voir; mais le ronflement des machines retentissait au-dessus de nous, cela dura au moins vingt minutes. Je pense qu'il y avait deux ou trois zeppelins. À un moment, pendant quelques secondes, nous entendîmes un étrange crissement, un pétillement suivi du bruit semblable à un battement d'ailes ou le bruit d'une voile qui claque contre le mât, je ne puis mieux le comparer qu'au bruit d'un bateau qui se met en route. Le son était parfaitement distinct; nous nous dîmes : qu'est-ce que cela ? Je commençais à me demander s'ils ne tombaient pas. Cependant, cela passa, et il y eut quelques minutes de silence complet.

Nous pensions le danger passé, et nous étions très soulagés, après la fatigue d'écouter le bruit des machines, pendant ces minutes qui nous semblaient avoir duré une éternité. Nous allions manger quelque chose, quand un terrible bombardement commença. Nous attendions, la respiration suspendue et, séparés par des intervalles de quelques secondes, retentissaient de terribles « boums », très nets et très distincts. Chaque boum se rapprochait, je compris que c'était des bombes que les zeppelins laissaient tomber.

Ils se rapprochèrent de plus en plus, jusqu'à ce que nous entendions à nouveau l'effrayant ronflement des machines; toutes les cinq secondes, j'ose dire, une bombe tombait. Alors nous entendîmes, ce que je trouve le plus effrayant de tout, l'étrange bourdonnement ou sifflement des bombes avec, à la fin, le terrible bou-ou-oum. J'avais lu des descriptions de ces bombardements, mais je ne pensais pas devoir les entendre. Cela ressemble à un gémissement commençant par les notes les plus élevées et descendant toute la gamme, le boum de la fin devenant de plus en plus fort a chaque fois. Je pense que ce fut mon pire moment. On pouvait entendre les machines qui s'approchaient de plus en plus, il semblait que nous devions nous préparer à être touchés.

Nous mimes nos masques contre les gaz, je demandai aux autres de descendre, parfaitement prête à rester seule, mais ils ne voulurent point en entendre parler. Je priais tout le temps et, une fois ou deux, je prononçai une phrase à haute voix. Je pensai que je devais vous laisser un message d'une manière quelconque, au cas où nous serions broyée, et alors, juste après un de ces sauvages gémissements, une lueur formidable éclaira la chambre. Tout le ciel visible de la fenêtre du pignon de ma chambre semblait en feu. Zazzie regardait à la fenêtre. Je lui dis:
- Qu'y a-t-il

Mais elle était si fascinée qu'elle ne pouvait parler. Alors je lui dis :
- Voyez-vous le zeppelin ?
- Oui, répondit-elle.

Cela me soulagea, je compris qu'il n'était pas juste au-dessus de nous. Alors Zazzie dit :
- Je puis le voir, dressé sur une extrémité; il doit être en feu.

Je dis :
« Merci, ô mon Dieu ! »

Alors il y eut de terribles clameurs, des voix d'hommes auprès et au loin. Zazzie sentit qu'elle ne pouvait continuer à regard", et elle me dit après qu'il lui avait semblé que nous ne pouvions échapper à l'incendie, et elle s'était demandé avec angoisse comment elle me tirerait de là. Il y eut un dernier boum, et l'arrêt des machines, et le silence - hors le bruit de la course des gens au dehors - nous convainquirent que c'était tout.

Dieu m'aida merveilleusement à me confier à lui.
Je ne me suis pas sentie aussi mal que j'aurais craint de l'être.

Parfois, la souffrance devenait si intense, qu'à une amie intime comme Miss Asdell Miriam confiait:
- O Zazzie, je me sens presque comme si je devais lâcher pied, et je souhaite que tout soit fini.
- Mais, Mim chérie, pensez à la grande bénédiction que vous êtes pour chacun de nous, lui répondait tendrement son amie.
- Ah! parfois je suis si fatiguée, si lasse de mes douleurs, lasse d'essayer d'être patiente, lasse de tout...

Alors, en un moment, elle recouvrait son merveilleux contrôle sur elle-même et terminait sa phrase par :
- Mais, j'ai tant de choses pour lesquelles je dois être reconnaissante.

Et elle détournait résolument la conversation d'elle-même et de ses souffrances.
L'épreuve la plus sévère pour la Capitaine, ce fut la question de la guérison par la foi, et, sur ce point, bien des malades sympathiseront avec elle. Le sujet la préoccupait beaucoup, et elle l'étudiait avec soin. Elle désirait vivre pour s'offrir à Dieu en vivant sacrifice. Certainement, la promesse: « Tout ce que vous demanderez à Dieu avec foi, vous sera accordé », était écrite dans la Bible. Elle savait qu'il est tout-puissant et qu'il a guéri beaucoup de malades. Elle possédait, cela restait hors de doute, la foi sincère, brûlante d'amour. Alors, elle demandait à Dieu de la guérir aussi. Elle le fit, mais elle ne fut pas guérie. Elle réétudia toute la question très soigneusement, avec révérence, et demanda à nouveau, pour la gloire de Dieu, sa guérison. Sa supplique ne fut pas exaucée. Dans sa perplexité spirituelle, elle se demanda si elle ne manquait pas de lucidité spirituelle. Ne contristait-elle pas Dieu de quelque manière? Sinon, pourquoi refuserait-il d'étendre vers elle sa bonne main guérissante? Ses souffrances continuelles. son inutilité, quand elle pourrait être debout et travailler pour le Seigneur, tout cela n'était-ce pas un reproche adressé à l'Armée et à l'Église de Dieu ? Pendant quelque temps, Miriam endura de grands troubles à ce sujet, mais à la fin, Celui qui parvint à la perfection par ses souffrances, l'introduisit dans le calme et le repos d'une parfaite résignation.

Alors elle écrivit à l'Adjudant Simpson:
Je sens que Dieu m'enseigne, que la plus haute expression de la foi est de se fier à sa volonté et à son amour et de se soumettre à lui. C'est le chemin qui conduit à la vraie paix, la paix qui surpasse toute intelligence. Je dois en rester là, sur ce sujet.

Huit jours après avoir écrit ces mots, elle entrait dans le pays où tous les mystères sont révélés.
Si Christ doit conquérir le monde, pensaient les disciples, Il doit de toute nécessité fonder un royaume terrestre. Mais, au lieu du royaume attendu, ce fut l'agonie de Géthsémané, son Père approchant de ses lèvres la coupe amère, qu'Il but jusqu'à la lie. Quelques membres de l'Armée croyaient que la gloire de Dieu se montrerait mieux dans la guérison de Miriam, qui lui permettrait de consacrer sa vie à une activité bénie pour le monde; mais le Royaume de Dieu ne vient pas avec éclat, et le Père seul savait que sa chère enfant montrerait mieux les merveilles de sa paix et de sa puissance, en vidant la coupe qu'Il lui donnait.
Parmi ceux qui comprirent les premiers cette vérité, se trouvait la Commissaire Ouchterlony, à l'acuité de vision spirituelle surprenante, la première officière de l'Armée du Salut en Scandinavie. Elle écrivit à Mme Booth, à la mort de Miriam, les lignes suivantes:
Je pensais que par ses grandes souffrances, elle était préparée à un service magnifique dans ce monde, mais quand je priai pour son rétablissement, je ne reçus nulle assurance que ma prière serait exaucée. Maintenant, la chère Capitaine est entrée dans la gloire de Dieu. Ce qu'elle ne pouvait accomplir par le travail, elle l'a accompli par sa soumission à la révélation que Dieu lui accorda. Certainement, il faut plus de grâce pour suivre Jésus dans la souffrance, que pour endurer les fatigues et les privations en travaillant pour Jésus! Je crois que son influence aidera beaucoup à se charger de leur croix et à faire l'oeuvre qu'elle ne pouvait accomplir.

Miss Sarah Robinson, dont le travail parmi les soldats est si connu, une vieille et intime amie de Mme Booth et de Miriam, écrivit en ce moment-là :
Penser à elle dans la nuit, quand il me semble que j'approche plus près du trône de la Grâce et que je cite les noms de mes amis, me rend particulièrement heureuse. Je mentionne encore son nom avec joie et reconnaissance. Vous ne pouvez dire la raison des actions de Dieu, mais vous pouvez, et vous le faites, accepter sa volonté « bonne, agréable et parfaite ». Il a agi envers vous sans doute pour le bien des autres, les myriades de myriades de l'Armée du Salut. Je me souviens combien je sentis fortement cette vérité pendant la dernière maladie de Mme Booth. Quelle angoisse pour tous nos coeurs; nous nous demandions pourquoi il en était ainsi. Il y en avait plusieurs qui affirmaient qu'elle serait guérie en réponse à la prière et par ce qu'ils pensaient être de la foi. Nous vîmes plus tard que, si le Seigneur avait guéri cette chère sainte. l'Armée du Salut se serait lancée dans la guérison par la foi, elle se serait ainsi écartée de son but réel et son utilité aurait été enrayée.

Dans la chambre de Miriam se trouvait un petit écriteau : « Dans Sa volonté se trouve notre paix. » Ces mots parlaient à son coeur chaque jour, et sa vie parle à toute l'Armée d'un miracle plus grand que la guérison du corps malade. Elle parle d'une créature où pétillait la vie, l'énergie, les talents, mais, contrainte de reposer, immobile et souffrante, et se réjouissant dans le Seigneur. Les expériences de la vie religieuse se ressemblent à travers les siècles. Miriam pouvait dire, avec Habacuc, qui écrivit, il y a plus de vingt siècles : « Toutefois... (même si tous présages de satisfaction et de réconfort viennent à manquer), je veux me réjouir en l'Éternel, je veux me réjouir dans le Dieu de mon salut. »

Il est impossible d'énumérer les noms des docteurs qui apportèrent à Miriam, pendant sa longue maladie, leurs soins et leur affection, mais nous devons mentionner au moins le Docteur Elam, de Barnet; le Docteur Ede, de Molesey; le Docteur Russell, de Finchley, et Lady Barratt.




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