Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE VIII

LA GRÂCE DE LA SANCTIFICATION

 De sa conversion jusqu'à sa quinzième année, Miriam ne connut ni choc, ni arrêt dans son expérience spirituelle; constamment, comme un fleuve augmente de volume et de force en coulant, ainsi sa vie spirituelle progressait, sa foi ne connut aucun nuage. Cependant, le moment vint où Miriam fut assaillie par des doutes sérieux au sujet des vérités fondamentales de la religion. « Comment puis-je être certaine de l'existence de Dieu ? Qui est-il ? Que signifie être sauvé du péché ? Puis-je être sûre de mon salut ? » Ces questions et d'autres semblables se posèrent à son esprit, jusqu'à ce qu'elle se sente ensevelie dans l'ombre et l'incertitude. Terrifiée et désespérée, elle confia ses sentiments à sa soeur Catherine qui lui dit avoir passé par les mêmes expériences, mais elle avait triomphé : la religion est une question de foi, et la foi est en dehors du domaine de la raison pure. Il y a des aides à la foi, mais l'âme ne se trouve en parfaite sécurité que lorsqu'elle croit en Dieu, et accomplit la volonté divine comme elle est révélée dans la Bible, sans s'occuper des sentiments du moment.

Ainsi Miriam se débarrassa, une fois pour toutes, de ses doutes et de ses incertitudes; elle ne leur permit plus de la troubler, de gâter sa joie ou d'amoindrir la force de son âme. Dans la terrible fournaise de la souffrance où elle fut plongée les dernières années de sa vie, pas une seule fois, la certitude du pardon de Dieu, la confiance absolue en son amour et en sa puissance, ne furent ébranlées. La victoire de Miriam fut en proportion de sa foi.

Ce triomphe de la confiance sur le doute marque une deuxième importante étape de la vie de Miriam. Elle franchit la troisième peu de temps après son entrée à l'École d'Officiers. Suivant ses lumières, elle avait toujours dit « oui » à la volonté divine qui lui était révélée.
Lorsqu'elle arriva à l'École Militaire, elle avait conscience qu'il n'y avait aucun désaccord entre son esprit et l'Esprit de Dieu. Mais elle n'y était pas depuis longtemps, qu'elle fut rendue attentive à un certain état de faiblesse sur quelques points où elle n'avait pas, jusqu'alors, été éprouvée.

Au foyer paternel, Miriam ne souffrit jamais de frictions ou d'oppositions, mais à l'École Militaire, entourée de deux cents jeunes filles de tempéraments et d'éducation les plus divers, elle sentit vite la nécessité d'une expérience spirituelle plus profonde.

Bien qu'elle ne nourrît que de bons et généreux sentiments envers toutes ses compagnes, elle découvrit bientôt que les autres pouvaient être jalouses d'elle. Ce défaut lui semblait la marque d'un petit esprit, qu'il faut supporter; cependant, elle fut contrariée de rencontrer de tels esprits. Elle aurait donné joyeusement sa vie pour les plus pauvres et les plus déchus, hommes, femmes ou enfants. Le travail? Elle l'aimait par-dessus tout. Mais maintenant elle comprenait que cette consécration ne suffisait pas, son impatience envers lès gens ignorants, étroits, sans générosité, et sa forte volonté personnelle de servir, pouvaient gâter sa consécration et obscurcir son âme.

Elle se confia de nouveau à sa soeur Catherine. Alors seulement lui apparut le sens de l'entière sanctification. Elle comprit que Dieu lui demandait une offrande plus difficile à consentir que ce service où elle se complaisait. Il lui demandait de s'abandonner complètement, d'être prête à rester ou à s'en aller, à être silencieuse ou à parler; à patienter ou à agir, à souffrir ou à servir. Personne dans son entourage ne soupçonna l'étendue de sa consécration. Néanmoins, sa soeur constata qu'à ce moment elle expérimenta définitivement la sanctification. Elle connut le sentiment de George Fox, écrivant : « Il ôta de mon coeur tout ce qui n'était point doux et aimable, puis Il ferma la Porte. »

À partir de ce moment, Miriam marchait avec Dieu. Elle avait été touchée du rayon qui illumina la vie des saints de toutes les générations. Si les autres lui montraient quelque froideur ou de l'inimitié à cause de sa popularité, popularité qui n'était que la conséquence de son heureux esprit, elle ne se départait point de sa douceur, tellement que les spectateurs se demandaient parfois si elle remarquait ou ressentait les dédains. Une camarade dit d'elle : « Elle était toujours prête à abandonner tout honneur ou toute marque de préférence pour elle-même, mais elle défendait les autres contre toute injustice. »

Le souvenir du passage de Miriam à l'École Militaire est toujours vivace parmi les officiers. La Colonelle Lawrance, la Principale de la branche féminine a l'École déclare :
Elle possédait à un degré remarquable l'esprit de notre ancien Général. Parmi toutes les brigades rentrant à l'École, je reconnaissais toujours, sans la voir, celle de la sergente Miriam. Le pas des cadettes de cette brigade sonnait la victoire. Partout où elles passaient, elles faisaient croire aux gens que la grâce de Dieu est salutaire pour tous les hommes.
Oh! son amour pour le peuple! À l'entendre parler, vous auriez cru que Shoreditch (1) était le lieu le plus beau de la terre.
Elle avait toujours en main quelques cas particuliers : la recherche d'une fille égarée; le soin d'une mère malade ou d'un vieillard solitaire; le placement d'un mari ou d'un chef de famille momentanément sans travail. Elle ne se lassa jamais d'aider, d'aimer et d'introduire dans le Royaume de Dieu. Si j'avais été une pauvre pécheresse perdue, qu'elle se soit mise à mes trousses, elle m'aurait sûrement capturée. Dans sa vie spirituelle, aussitôt qu'elle recevait une révélation de la volonté divine, elle s'inclinait et se mettait en devoir de l'accomplir.
Elle suivait toujours le chemin tracé par Dieu, et elle échappa ainsi aux difficultés et aux misères dont souffrent les rebelles. Mon seul regret au sujet de Miriam, c'est de n'avoir pas insisté davantage pour qu'elle ménageât sa santé et ses forces pendant son séjour à l'École Militaire. Mais l'entreprise eût été aussi vaine que d'essayer d'arrêter le Niagara.

La Brigadière (2) Marie Jordan, qui fut le chef direct de Miriam pendant son séjour à l'École Militaire, se la rappelle avec la plus affectueuse estime. Elle déclare :
Parfois, après la rentrée de Miriam et de sa brigade, le soir, elle frappait à ma porte et me demandait si elle pouvait entrer. Assise sur une chaise basse en face du feu, elle repassait avec enthousiasme les faits de l'après-midi et de la soirée; elle me demandait conseil sur les situations embarrassantes. Et regardant sa jolie figure empreinte de pureté, d'intelligence et de zèle, je l'aimais.

Nous eûmes plus d'une conversation intime pendant cette demi-heure du souper. Je savais qu'elle deviendrait très populaire lorsqu'elle serait livrée à ses propres responsabilités, et je sentais le besoin de la sauvegarder des pièges de la popularité.
- Il faudra vous tenir en garde contre la tentation du succès, Booth, lui répétais-je souvent. S'il vient à vous, ne vous en laissez pas enivrer au point d'en perdre la tête. Mettez toujours Dieu à la première place. Si vous amusez les gens, ils vous flatteront et c'est tout ce que vous obtiendrez ici-bas, et rien de plus dans le ciel; mais si vous cherchez les âmes, vous les gagnerez à Dieu, et les gens vous aimeront.

Ses grands yeux levés vers moi, elle me répondait d'un hochement de tête approbatif. C'était l'âme la plus humble et la plus docile. Son tact était merveilleux. En une minute, elle envisageait une situation, même la plus embarrassée, et gouvernait de manière à éviter toute collision. Je me souviens que, lorsqu'une des cadettes était sa rivale dans une branche d'étude, elle s'arrangeait pour travailler en commun avec elle et maintenait ainsi les bonnes relations.

Rien de la froide austérité dans la religion de Miriam; elle pouvait participer à quelques plaisanteries avec les plus joyeuses, et elle en goûtait toute la saveur. La Brigadière Jordan était célèbre parmi les cadettes, pour sa riche collection d'anecdotes et d'incidents empruntés à sa longue carrière; ces histoires prêtaient à sa classe un charme particulier. Miriam n'était pas une de ses élèves; elle demanda la permission d'assister à son cours. Laisser choisir à deux cents jeunes filles leur professeur préféré était chose absolument impossible. On ne pouvait faire exception même pour Miriam; sa requête fut rejetée.
- Je viendrai à votre cours malgré tout, répliqua-t-elle malicieusement.

Mais la Brigadière tint ferme. Dispensée des travaux de la journée pour une légère indisposition, Miriam s'arrangea pour se glisser avant l'heure de la classe de la Brigadière dans la salle où elle avait lieu, et elle se cacha entre les chaises. La leçon commença, mais cette figure espiègle qui apparaissait au niveau des sièges était plus que n'en pouvaient supporter les cadettes. Des signes indubitables de distraction se manifestaient. Deux fois elles furent rappelées à l'ordre, la troisième fois la Brigadière demanda fermement:
- Mais qu'y a-t-il, enfin ?

Et Miriam, se dressant sur ses deux s'écria :
- Je suis venue à la leçon, Brigadière.

Un moment, le professeur contempla en silence, stupéfaite, la coupable; puis, saisissant un plumeau, elle fit un pas vers elle en commandant:
- Sortez !

Et, parmi les éclats de rire, Miriam s'enfuit.
Elle était si joyeuse que très peu de personnes soupçonnèrent qu'elle puisse avoir aussi ses moments d'écrasante solitude, d'ennui et de nostalgie. Dans une lettre à une amie, elle déclare :
Je suis tombée récemment sur ces mots qui me touchent vraiment :
« Le Christ ne nous conduit jamais dans des lieux sombres où il ne nous ait précédée. Celui qui veut entrer dans le Royaume de Dieu doit entrer par la porte. »

Sûrement, la solitude et l'isolement sont un de ces lieux sombres. Il l'a connu. Il est réconfortant de me le dire, car il est des moments où je me sens terriblement seule.

Dans son journal, nous pouvons lire entre les lignes les preuves de son affection pour le foyer familial et pour ses bien-aimés.
Elle écrit :
À la maison aujourd'hui. J'ai rencontré maman à la gare de Finsbury Park. Il est si bon de se trouver avec elle, ne serait-ce que pour un moment. Je sentais que je ne désirais plus bouger.
Réellement à la maison. Voyagé avec Catherine. Que c'est doux! Acheté des fleurs pour l'anniversaire de papa. Il s'est arrangé pour revenir à temps, afin que nous puissions prendre le thé ensemble. Que c'est délicieux d'être à la maison! Chacun pense que j'ai vraiment une mine merveilleuse.

Ses yeux étaient toujours aux aguets pour découvrir une occasion d'aider quelqu'un dans le besoin. En revenant d'une course à Hadley Wood, elle remarqua, à la gare de Finsbury Park, un homme qui chancelait comme s'il était sous l'influence de la boisson. S'approchant, elle découvrit qu'il souffrait terriblement, un insecte s'étant introduit dans son oeil. Elle le débarrassa de ses paquets, le fit asseoir, et avec son mouchoir mouillé à une fontaine, elle enleva la cause de souffrance. Puis, après quelques paroles de réconfort, elle reprit sa route.

La Semaine de Renoncement à l'École Militaire fut une cause de grande joie pour Miriam. Peu de temps avant que l'appel ne commençât, elle eut une attaque de rougeole.

Me sentis très mal cette nuit, écrit-elle dans son journal; et ce matin une éruption couvre ma figure. L'infirmière a diagnostiqué une attaque de rougeole. Elle ne pouvait réellement venir à un plus mauvais moment. Toute ma Semaine de Renoncement perdue. Mais je ne puis rien y faire, je dois rassembler toutes mes affaires et me rendre au pavillon d'isolement. Je suppose que me voici ici pour trois semaines!

Un peu plus tard, elle écrit :
Bénie abondamment et aidée par ma lecture de ce matin (Psaume 24:4). Sentie réellement délivrée de mes terreurs de la nuit dernière. Journée calme : écrit des lettres et lu. Préparé des notes pour mon usage personnel.

Un peu plus loin :
Retraite spirituelle aujourd'hui, et je ne puis y être. À peine si je puis retenir mes larmes; je n'y arrive pas complètement. J'attendais ce jour avec tant de joyeuses espérances. Je disais à papa : « C'est une oasis dans le désert de mes expériences. » Les heures semblent longues, mais je lis et je dors. Me suis glissée sur le palier pour écouter les chants dans la salle de conférences.

Convalescente, elle écrit :
Commencé la désinfection aujourd'hui. Je me suis tenue dans le jardin et j'ai entendu une grande partie de la conférence du commissaire.

Miriam fut jugée assez bien pour prendre part à la collecte en ville pendant la Semaine de Renoncement. Jour après jour elle se tenait, la tirelire à la main, à la Bourse, à la gare de Liverpool street ou ailleurs. Elle n'était pas si pressée par le désir d'obtenir des dons qu'elle en oubliât le but principal de sa vie : elle cherchait le but principal de sa vie: elle cherchait les occasions de bénir les âmes et de dire une parole réconfortante. Un vieux marchand de fruits et de fleurs renversa sa charrette près de l'endroit où elle se tenait, elle s'élança à son secours.

Plus tard, parlant de ses expériences à une amie, Miriam déclarait:
Il y avait un monsieur qui ne croyant pas que je fusse réellement la petite-fille de Général fondateur; il semblait terriblement excité contre l'Armée. IL disait que c'était une de nos ruses pour soutirer l'argent des poches, car certainement la petite-fille du Général ne se tiendrait pas debout aux carrefours de la ville pour quêter. Cependant, lorsque je me fus éloignée un peu, un autre monsieur lui dit:
- Vous savez que c'est vraiment la petite-fille du Général Booth.

Et convaincu enfin, il me suivit, s'excusa de son impolitesse, et mit deux souverains dans ma tirelire. À la Bourse, un juif, qui m'avait connue à Hadley Wood, me dit:
- Venez ici; vous pouvez vous tenir à mes côtés.

Il commença à crier ses actions en vente, tout un cercle de banquiers et de boursiers nous entoura. Chaque fois que l'un d'eux s'approchait pour acheter, cet agent de change montrait la tirelire et disait:
- La petite-fille du Général Booth!

Et il lui fallait verser quelque argent dans ma tirelire, car il avait tout l'air de s'y attendre. Lorsque je quittai cette place, ma tirelire s'était alourdie du poids de vingt livres sterling (500 francs or).
Je me tins une fois à la porte d'un restaurant. De nombreux étrangers entraient et sortaient. J'écoutais attentivement, chaque fois que j'entendais parler français ou allemand, je secouais ma tirelire et je demandais un don dans la langue entendue. Règle générale, la joyeuse surprise du passant le poussait à porter la main à sa poche et à me donner quelque chose. Un agent de change vint à moi et glissa quelques sous dans ma tirelire. Il me parla de ses ennuis. Il semblait très abattu; il avait mal à la gorge; pour se guérir il avait dépensé une centaine de livres (2.500 francs or), il avait entrepris un long voyage, tout cela sans résultat.
- Avez-vous essayé la prière? lui demandai-je.
- La prière ? Vous ne prieriez pas pour un mal de gorge, sûrement? Voyons, pourquoi priez-vous?

Je m'efforçai de lui faire comprendre que nous prions pour ce qui nous semblait le plus important.
- Par exemple, monsieur, nous avons prié toute cette semaine pour avoir de l'or dans nos tirelires, lui dis-je.

Il sourit d'un air incrédule comme pour dire :
« J'espère que vous en aurez; priez toujours. » Et il s'en alla.

Presque aussitôt, un vieux monsieur de l'autre côté de la rue me fit signe de la main, et il envoya un messager porteur d'un souverain en or.
L'agent de change repassa un peu plus tard, il me cria d'un ton de moquerie :
- Les prières ont-elles été exaucées?
- Oui, lui répondis-je immédiatement.

Il traversa la rue pour venir se rendre compte. Je crois qu'il était réellement ému. Des larmes brillaient dans ses yeux :
- Moi aussi, je vais prier, dit-il. Je crois que vous avez raison.

Cette place était des plus intéressantes. J'y étais le vendredi, et un pauvre homme vint à passer, poussant une voiture de marchand ambulant. Il me fit signe et j'allai à lui.
- Quand cela se termine-t-il ? me dit-il.

Je compris tout de suite qu'il me parlait de la Semaine de Renoncement.
- Demain, lui répondis-je.
- Bien, me confia-t-il, j'ai épargné pour vous, toute la semaine. Je vous donnerai demain ma petite part.

Et il partit poussant toujours sa charrette.
Oh ! mais il faut que je vous conte ceci. J'étais à la gare de Liverpool street, un gros homme passa. Il avait une figure rubiconde, l'air en colère et, lorsque je secouai ma tirelire, il accéléra le pas en criant :
- Non, j'ai déjà été sollicité mille fois aujourd'hui.

J'étais effrayée lorsque je le vis revenir un peu plus tard. Mais je pensai qu'il valait mieux saisir le taureau par les cornes; aussi j'agitai de nouveau ma tirelire et je lui dis d'un ton désespéré
- Une mille et unième fois.

Il sourit et glissa deux shillings dans ma tirelire, en me disant d'un ton rogue :
- J'espère que vous ne dépenserez pas tout au cabaret !

J'eus avec lui une longue conversation sur la façon dont nous dépensions notre argent, et il partit l'esprit plus tranquille.

Une cadette de sa promotion nous raconte:
Je me rappelle les dernières soirées de la Semaine de Renoncement. La figure de Miriam était couverte d'éclaboussures quand elle rentra à l'École Militaire, mais elle rayonnait d'enthousiasme, et sa tirelire rompait presque sous le poids. Dans son excitation pour voir le contenu de nos tirelires, elle sauta sur la table derrière laquelle la Colonelle se tenait pour ouvrir les tirelires. Elle insistait pour partager l'argent qu'elle avait collecté avec celles d'entre nous qui avaient de la peine à atteindre leur but.

Quelques semaines plus tard, Miriam accompagnait Mme Booth à Berlin pour la campagne de Pâques. Elle écrivit à une amie :
En réalité, je ne désirais nullement quitter ma brigade, mais le Commissaire Howard me suggéra de me rendre à Berlin; il me parla d'un horizon plus vaste et du besoin de nous garder de toute étroitesse, aussi je n'osai rien dire de Shoreditch. Et puis. il serait si doux de me trouver plusieurs jours avec maman et de rencontrer à nouveau les camarades allemands. Je crains d'avoir à parler en allemand dans les réunions.

Pendant le voyage de retour, elle écrivit dans le train :
Nous avons eu une merveilleuse campagne. Temps magnifique comme en été; nous craignions de ne réunir que de faibles auditoires. Mais les foules se pressèrent aux réunions; nous vîmes environ cent cinquante personnes cherchant le Seigneur. Magnifique. Naturellement, j'ai dû me lancer en plein allemand et je me suis surprise moi-même. Chacun a été si aimable et les compliments au sujet de mon accent, si nombreux que je me sens réellement encouragée. Ma chère mère a travaillé d'une manière merveilleuse et elle ne semble pas trop fatiguée. Et maintenant nous sommes en route pour le retour. Dans quatre semaines nous dirons adieu à l'École taire. Mon espérance est en Dieu. Sûrement, il doit nous donner sa grâce et sa force pour nous rendre, en dépit de nos faiblesses, capables d'accomplir la grande mission de ses ambassadeurs parmi les hommes. L'épouvante me saisit rien que d'y penser : « Laisse emporter par le Vent tes craintes », voilà ce que je me répète continuellement.

Comme la session approchait de sa fin, le souvenir de ses deux heureuses années à l'École Militaire pousse Miriam à qu'examiner avec plus de soin. Nous trouvons dans son journal :
Journée de retraite. Et la dernière. Chaque minute semble précieuse. Heures vraiment merveilleuses. Ce soir, engagements solennels. J'ai dit au Seigneur que j'étais prête à tout abandonner, si cela valait mieux pour son royaume.

Personne ne songeait que cette consécration allait être exigée d'elle dans toute sa plénitude.
Pendant quelques semaines, la santé de Miriam n'avait pas été satisfaisante. Une douleur dans son côté, et parfois de la température élevée incompréhensible au docteur, causaient une certaine inquiétude à son entourage. Dans son journal, en mai 1911, il y a trois brefs paragraphes :
Le docteur est venu; il semble prendre mon mal au sérieux.
Commencement du Congrès Social International. Thé pour l'Etat-Major à la Salle du Congrès. Les cadettes servent à table. Je fus autorisée à me rendre à la salle à l'heure du thé. Réjouissant de voir les délégués des Territoires d'au delà des mers.
Je pensais me rendre à la maison aujourd'hui, mais le docteur est venu, et il n'a point voulu en entendre parler. Attristée qu'il soit venu, car maintenant je ne verrai plus papa et maman avant de recevoir ma commission d'officière.

Malgré ces conditions peu satisfaisantes, on ne redoutait rien de très sérieux, jusqu'au jour où les cadettes devaient recevoir leur commission, jour que Miriam avait désiré plus que tout autre jour. Dans quelques heures, son brevet de capitaine de l'Armée du Salut et sa nomination à l'oeuvre de jeunesse en Allemagne lui seraient donnés par le Commissaire Howard. Mais des symptômes alarmants apparurent soudainement, et au lieu de se rendre avec les autres cadettes au « Congress Hall », elle fut transportée dans une clinique. C'est dans cette occasion que se manifesta sa sanctification. Toutes ses espérances déçues, obligée de lutter pour ne point pleurer, elle sourit et agita sa main en signe d'adieu à la Colonelle Lawrance, lorsque, accompagnée de sa soeur Catherine, elle quitta l'École.
- Tout est bien, Colonelle, tout est bien, cria-t-elle.

Comme l'ambulance passait devant le Congress Hall, elle dit à sa soeur, en considérant les gens qui attendaient l'ouverture des portes:
- Quelle grande foule, Cath.

Ce jour-là, la plus grande habileté humaine ne servit de rien, et la Capitaine Miriam entra dans la fournaise de l'affliction. Pendant dix-huit mois, elle fit tout pour retrouver la santé et reprendre son service. Elle sembla un moment avoir triomphé de la maladie, et les espérances et les prières de ceux qui l'aimaient semblaient devoir être exaucées.




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(1) Un des plus misérables quartiers de Londres.
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(2) Grade dans l'Etat-Major. 
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