Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE V

SOLDAT A HIGH BARNET

 Le poste de High Barnet, où Miriam reçut le baptême du feu et son entraînement pour l'oeuvre future, n'était pas un poste puissant, à la vie facile, mais plutôt un petit poste à l'existence difficile, ayant besoin du concours de chaque soldat pour atteindre le succès.

Chacun des enfants du Homestead, lorsqu'il eut atteint l'âge de s'enrôler dans l'Armée, prit place dans ce poste; il était chargé de responsabilités qui entraînaient un travail régulier et soutenu. Miriam, tour à tour fut garde de compagnie, chef de choeur et trésorière. Sa compagnie de garçons de la jeune Armée comprenait autant d'esprits pétulants que n'importe quel instructeur pourrait aligner, mais pas une mère ne pourrait soigner plus sagement et patiemment sa famille que Miriam ses garçons, et aussi toute la jeunesse qui se trouvait dans la sphère d'influence du poste.

Le journal des dernières années de sa vie de soldat, nous fournit des traits révélateurs de l'amour abondant de Miriam pour ceux parmi lesquels elle passa sa bienfaisante vie. Sur la première page, à la date du mois d'octobre 1907, elle écrivit :
Je regrette réellement de n'avoir pas conservé quelque récit des événements de ma vie pendant ces dernières années, et j'ai l'intention maintenant d'écrire dans ce petit livre, sinon quotidiennement, au moins le récit des événements les plus importants capables d'influencer ma vie, ou qui m'intéressent.

Parmi les premiers faits mentionnés, nous trouvons les adieux de l'officière qui avait commandé le poste de High Barnet. Ce récit nous montre l'affection et l'intérêt de Miriam pour les officiers dévoués qui combattaient dans les postes de l'Armée :
Nous sommes tous désolés à la pensée que l'Adjudante est vraiment partie, écrit-elle. Elle a si bien réussi ici à Barnet, et elle était aimée des gens, même les voyous étaient absolument en colère à l'annonce de ses adieux. Elle a été pour nous une source continuelle de bénédictions et d'inspirations. Son esprit joyeux nous manquera, sa foi invincible, sa conviction que le droit a toujours le dessus nous a aidés considérablement. Quel privilège, la connaissance et l'amitié des officiers de l'Armée du Salut!

Plusieurs des notes de ce journal nous parlent d'une bande de jeunes ouvriers auxquels elle s'intéresse. Elle écrit :
Dimanche soir, nous avons eu une bonne réunion, magnifique auditoire, le nombre des salutistes en uniforme sur l'estrade était assez important. J'ai eu une longue conversation avec L..., il semble très malheureux. J'en suis peinée pour lui, il est absolument seul dans l'usine. La dernière fois qu'il fit profession d'être sauvé, les hommes profitèrent de l'obscurité de la pièce où ils se trouvaient pour lui jeter toutes sortes de choses à la tête, en criant :
- Amen! Alléluia!

Le pauvre garçon se fâcha et se découragea. Un grand combat s'est livré en lui dimanche; mais après tout il vint au banc des pénitents. Après qu'il eut triomphé, il s'exclama d'un ton de parfait soulagement :
- Je me sens tellement bien mieux maintenant!

Le Saint-Esprit seul peut l'aider dans des circonstances aussi difficiles. E... s'approcha du banc des pénitents après une longue conversation; brave garçon, plein de bons désirs, mais si faible par lui-même. Il me dit qu'il livre ses plus durs combats chez lui. S... était là, absolument ivre.

R... n'a pas travaillé aujourd'hui. Je suis inquiète pour lui. C'est aujourd'hui le terme, et je crains qu'il n'ait eu des ennuis avec son père. J'ai attendu deux trains et R... n'est pas apparu. Aussi après avoir feuilleté l'annuaire pour y chercher l'adresse du jeune homme, je partis pour Whetstone. Quelques difficultés pour trouver la maison. Je vis sa mère, nullement étonnée de ma démarche. R... s'est foulé la cheville. Je suis soulagée d'apprendre que ce n'est pas pire. Il vient juste de sortir en boitillant pour prévenir à l'atelier.

Je suis heureuse d'y être allée, car je puis me faire une idée des luttes que ce jeune homme doit soutenir à la maison, et de sa courageuse résistance. Sa mère est vraiment convertie. C'est une petite femme de quatre pieds de haut. Je me demande comment elle peut avoir un garçon comme R. qui mesure au moins six pieds. Je prie avec elle, elle ponctue ma prière d'amens respectueux. Lorsque nous nous relevons, elle me dit que R... prie avec elle tous les soirs. Il y a peu de temps, il lui demanda :
- Mère, pourquoi ne dites-vous pas « amen » quand je prie?

Elle lui répondit
- Vous savez, à l'église, nous avons la coutume de rester silencieux.

Mais il reprit :
- Mère, cela m'aiderait tant, et nous serions plus en communion comme cela.
- Et vous voyez, mademoiselle, me dit la petite femme, j'essaie.

Quel tendre tableau : je me représente ce grand garçon et sa petite mère à genoux, et dans la chambre voisine le père ivre écoutant leurs prières (comme Mme R... me le confie). Quel merveilleux changement la conversion opère! R... était un de nos pires garçons : joueur, batailleur et commençant à boire. Maintenant il est pour nous tous, et particulièrement pour moi, un grand encouragement. Il porte l'uniforme complet et il ne le déshonore point.
Suis allée voir 0... à l'hôpital de Moorfields; il a subi une opération à l'oeil. Attristée qu'il ne puisse assister au Conseil pour la jeunesse (1) ; il est dans les dispositions requises pour être béni.

Montée à Barnet où je vis le jeune bébé de Mme S.... il est malade. Été voir 0... rentré de l'hôpital. J'ai eu une bonne conversation avec lui; je lui ai mis la lotion dans l'oeil, affaire plutôt désagréable; mais sa mère ne sait pas s'y prendre. J'ai rencontré B.... Je me suis rendue avec elle chez sa mère que l'on suppose opposée à l'Armée, et hargneuse. Elle se montra cependant aimable et promit à demi de venir à la réunion dimanche.

En l'absence de l'Enseigne, la jeune Lieutenante était anxieuse et fébrile au sujet de la visite d'une brigade spéciale. Il fallait préparer des billets de logement, des programmes, et voir pour de multiples détails. Miriam écrit :
Jour brumeux et humide; je suis allée à Barnet ce matin pour distribuer quelques programmes pour dimanche. Trouvé la Lieutenante dans une grande anxiété au sujet du logement de ses chanteurs; plusieurs arrangements avortent au dernier moment. Je suis sortie et j'ai passé le reste de la matinée à la chasse aux billets de logements. Olive vint avec moi à la réunion ce soir; pas très encourageante, cette réunion, bien que l'auditoire fût satisfaisant. Il y avait là un vaurien ivre, L..., d'une humeur abominable. Le démon semble le tenir dans ses griffes; il était furieux contre lui-même et contre les autres. Je suppose que son état d'esprit montre combien il est misérable. Il essaie de nous prouver qu'il s'en moque, mais la débâcle viendra pour lui. R... était là, il s'occupa de l'ivrogne. W... et H... marchent bien. H... désire porter l'insigne de la ligue antitabagique. Je suis fière d'eux.

Miriam s'intéressait fortement aux Conseils que son père institua pour le bien spirituel de la jeunesse de l'Armée. Elle attendait les réunions de cette année, espérant qu'elles serviraient à amener à la victoire plusieurs des cas difficiles de Barnet. La journée terminée, elle écrivit :
Je souhaiterais trouver les mots qui exprimassent ce que je ressens au sujet des Conseils. Papa fut simplement merveilleux, et ses paroles pénétrèrent comme des flèches dans le coeur des jeunes gens. Je me suis sentie moi-même bénie et aidée puissamment. Ce fut une saison de rafraîchissement spirituel pour mon âme et ma foi en fut fortifiée. Le sujet de papa était : « La foi et les oeuvres »; il nous montra que l'une est nulle sans l'autre, et que toutes deux sont nécessaires pour recevoir les grâces de Dieu. « Seigneur, augmente ma foi! » Barnet avait envoyé une magnifique délégation : Plus de vingt jeunes gens.

Dix de nos plus incorrigibles étaient là. Ce fut une véritable victoire : avoir amené D..., surtout que sa mère avait fait tout son possible pour l'en empêcher. Papa s'intéressa particulièrement à notre jeunesse, et lorsque pendant la réunion de prières, il vint à eux en passant par-dessus les bancs (comme c'est sa coutume dans les réunions de jeunesse), il posa ses mains sur les épaules de D... et lui dit de sa voix tendre et aimante :
- Mon cher camarade, il vous faut laisser Dieu agir en vous.

D... éclata en sanglots comme un enfant. Pauvre garçon, il résista, mais il vint enfin au banc des pénitents. Il y eut d'autres grandes victoires ce soir-là. Quatorze de nos membres s'approchèrent du banc des pénitents. H... est certainement le plus grand triomphe de la journée. Il y a, je crois, trois ans que je m'efforce de gagner ce garçon à Dieu, et il semblait aussi dur que le granit; mais Je crois qu'il est bien converti cette fois. L....,lui, ne s'est pas décidé, mais il a promis de prier ce soir avant de se coucher.

Papa et maman m'ont donné une concertina (2). une vraie beauté, et je désire ardemment apprendre à en jouer; mais je crains de n'apprendre que lentement. Pourtant ça ne va pas trop mal jusqu'ici. Quelle assistance pour notre poste : je pourrai m'accompagner moi-même lorsque je chante un solo, particulièrement dans les réunions en plein air. Ce me sera un continuel souvenir de mes chers parents. Leur amour pour nous a dépassé toutes les choses humaines, et il ne serait pas ce qu'il est sans la flamme divine qui illumine leurs vies saintes. Serai-je jamais digne d'eux ?

En peu de temps, Miriam put jouer de la concertina avec succès. Elle n'était pas un de ces soldats qui ne marchent que par le beau temps ou dans les grandes occasions. Quand sa santé le lui permettait, elle était présente aux réunions aussi bien en plein air que dans la salle.
Son journal continue :
Mercredi soir, j'ai tenu la réunion de convertis et j'ai été utile, je pense, bien que E... et F... n'aient pas été en bonnes dispositions. Je suis convaincue que F... a quelque chose sur la conscience, qu'il doit confesser. Je n'ai pas mal réussi mon sujet sur : « Une porte est ouverte toute grande à mon activité et les adversaires sont nombreux. » J'ai employé ma concertina pour la première fois.

Encore :
Hier soir, j'ai tenu la réunion du groupe des tambourinaires. Nous nous sommes exercés de 7 heures à 8 heures. Les jeunes filles montrèrent un très boit esprit. Peu de personnes en dehors des membres de la société dans la salle; je suggère une réunion en plein air. Acceptée d'enthousiasme. Nous allons jusqu'au bout de la rue, minutes vraiment excitantes. Après une courte réunion, l'organise un défilé en zigzags avec mes jeunes filles. Une foule se rassemble et quarante personnes nous suivent dans la salle. Ma concertina me fut d'un grand secours. Comme les gens répondent rapidement à un appel et à une direction !

Quand on sut que cette jeune fille aimante et zélée, qui, pendant des années, s'était dépensée sans compter parmi les habitants de Barnet, partait en voyage en Allemagne, l'affection sincère et le respect des gens pour elle se manifesta de diverses manières. À son insu, une collecte avait été faite pour lui offrir un souvenir; mais, ayant eu vent de la chose. elle déclara qu'un tel acte ne s'accordait pas avec les règlements de l'Armée du Salut. Cependant, désireuse de plaire aux gens qu'elle aimait profondément, elle demanda que l'argent soit donné au poste, et qu'on lui permît de décider de son emploi. On accepta avec l'argent de cette collecte, elle fit fabriquer une banderole, portant en lettres blanches sur fond vert cette devise : « Quoi que ce soit Il vous commande, faites-le. » Aujourd'hui ce texte est suspendu au-dessus de l'estrade de High Barnet, rappelant silencieusement celle qui vécut parmi eux, pratiquant si bien ce qu'elle prêchait.
Mme la Brigadière Richards, de Corée, qui sous le nom d'Adjudante Kyle commanda le poste de High Barnet pendant que Miriam y était soldat, écrit :
J'ai plusieurs souvenirs d'elle. Le poste était si petit, qu'elle eut pour sa part plusieurs devoirs à remplir, ce dont elle se réjouissait. Bien qu'elle ne fût pas très forte, il nous était difficile de la retenir, tant elle était désireuse d'aider.

Parlant de son oeuvre parmi les garçons, Mme Richards continue :
Comme elle cherchait le bien en eux ! D'un d'entre eux elle disait :
- Caractère difficile parfois, mais il a si bon coeur pour sa mère malade; il me demandait, les larmes aux yeux, de bien vouloir la visiter.

Elle partit à bicyclette, et la visite amena des bénédictions éternelles pour la femme malade.
Miriam était aussi chef de chorale, elle arrangeait de telle façon la répétition hebdomadaire, que les chanteurs pouvaient assister à la réunion en plein air. Une fois, me rendant à la salle au lieu d'aller à la réunion en plein air, j'écoutais à la porte un moment. Le cantique en cours d'étude était :
« Quelqu'un frappe à la porte de ton coeur. »
Miriam arrêta soudainement le chant et, après quelques conseils sur l'exécution des diverses parties, elle rappela aux chanteurs le but principal de notre chant : le salut des âmes. Elle les engagea alors à mettre un peu plus de sentiments dans les paroles. Je restai pour les écouter chanter, et je vis que ses conseils avaient un effet sensible sur l'esprit du chant.

Un soldat rappelle avec plaisir comment Miriam, lorsqu'elle était trésorière, lui enseigna à donner ses cartouches (3) régulièrement. Il appartenait à la chorale, et, tandis qu'il était sorti pour chanter dans les rues les choeurs de Noël pendant la dernière semaine de l'Avent, elle lui dit :
- Savez-vous combien vous devez pour vos cartouches, frère ?
- Non, mademoiselle Miriam.
- Eh bien, vous devez sept shillings; je les ai payés pour vous. Mais je suis en ce moment un peu à court d'argent, je désirerais fort que vous m'en remboursiez au moins une partie.

Nous nous arrêtâmes sous un réverbère, et je comptai mes sous. Ah! elle avait une bonne manière de nous enseigner notre devoir!
Le Lieutenant-Colonel Langdon, qui était Commandant divisionnaire du Nord de Londres, pendant la plus grande partie du temps où Miriam fut soldat, nous dit à son sujet :
Je me la rappelle surtout intercédant auprès des âmes, sous la galerie de la salle de High Barnet. Ah ! comme elle se cramponnait à elles. Autant que je m'en souvienne, elle ne quitta jamais une réunion, de prière avant la fin. Elle restait pour combattre jusqu'au bout. Quand elle venait à la réunion de recensement, sa présence était réjouissante et lumineuse; lorsque le programme comportait la révision des noms proposés pour l'exclusion de notre liste, comme elle plaidait pour qu'une nouvelle occasion soit donnée aux trébuchants et aux faibles!
- Nous devons les revoir, nous attacher à eux, leur faire sentir que nous les aimons et les faire soupirer après Dieu, disait-elle.

Elle ne voulait pas abandonner même les pires, les plus désespérants.
Lorsque je vins présider son service commémoratif à son poste d'origine, je priais pour que Dieu me donne un message, et ces mots du Cantique des Cantiques vinrent à ma pensée : « Mon bien-aimé est descendu dans son jardin pour cueillir ses lis. » Je rappelai que seules les plus belles, les plus parfumées des fleurs sont cueillies pour orner les palais des rois. La famille du Général est vraiment un jardin du Seigneur. Tous, dans ce jardin, furent plantés par le Seigneur; tous servent son peuple et les pauvres perdus. Seulement, le Seigneur doit avoir une de ces fleurs pour son palais là-haut. Il est venu, et il a cueilli la plus pure, la plus douce fleur. Nous ne devons pas la refuser à Dieu, ni au grand et glorieux service qu'il a en réserve pour elle dans l'au-delà.




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(1) Réunions spéciales pour jeunes gens et jeunes filles. 
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(2) Instrument portatif qui a la sonorité d'un petit harmonium. 
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(3) La cotisation hebdomadaire pour le soutien de l'oeuvre. 
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