Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE III

LES DÉBUTS DANS L'ARMÉE

HIGH Barnet est le poste de l'Armée du Salut le plus proche de Hadley. Sur ce champ de bataille-là, Miriam, ses frères et ses soeurs firent leurs premières armes. Toute petite, Miriam accompagnait Miss Asdell et ses soeurs aux réunions à Barnet. Les plus lointains souvenirs de l'activité publique de Miriam nous offrent l'image d'une petite fille, en chapeau salutiste, chantant à une réunion sur la place gazonnée de Hadley, près de la ligne du chemin de fer.

Sauver les âmes, rendre heureux les gens, à l'imitation de ses parents, telle était l'ambition de Miriam lorsqu'elle commença à édifier ses projets d'avenir. La « Ligue militaire et navale » lui permit de travailler de bonne heure à la seconde partie de son plan. Notre Fondateur avait organisé cette Ligue pour le bien des salutistes servant sous le drapeau anglais dans les diverses parties du monde. Ces militaires, ces marins devenaient ligueurs et correspondaient régulièrement avec le Quartier Général de Londres.

Miriam et ses soeurs s'intéressèrent vivement aux ligueurs. Elles demandèrent les noms de plusieurs d'entre eux. Elles se chargèrent particulièrement de correspondre avec eux, leur envoyant des lettres jusqu'aux extrémités de la terre. Elles leur expédiaient aussi les journaux hebdomadaires dès leur arrivée. Si le paquet de Cri de Guerre (1) arrivait en retard, une des jeunes filles commençait à les plier, une autre rédigeait les adresses, la troisième mettait vite son chapeau et son manteau pour courir porter les journaux à la boîte voisine. Miriam courait le plus souvent possible.

La Colonelle Marie rappelle un incident survenu pendant leur séjour à Plymouth, chez leur grand-père, le docteur Soper. Le trio était alors âgé respectivement de douze, dix et huit ans.
Elles s'intéressaient profondément à quelques marins inconvertis, rencontrés à la salle de l'Armée du Salut. Ils allaient partir pour les pays lointains. À la dernière réunion, les fillettes s'efforcèrent de les amener à Jésus, mais ne parvenant point à les décider, elles les invitèrent à venir les voir chez leur grand-père.
Lorsque les visiteurs arrivèrent, la petite Miriam était couchée, mais elle entendit leurs voix. Alors, s'enveloppant par-dessus sa chemise de nuit dans une couverture, elle descendit sans bruit les escaliers; elle s'agenouilla sur le paillasson, à la porte de la chambre où Catherine et Marie parlaient du Sauveur à ces hommes. Les marins partis, les soeurs découvrirent Miriam les yeux remplis de larmes, elle chevrotait :
- Et je n'étais pas là pour vous aider!

Mais les soeurs s'ingénièrent à la consoler, en l'assurant que le coté de la porte où elle se trouvait importait peu; Dieu avait entendu ses prières et il les avait exaucées.
La participation a l'effort de la Semaine de Renoncement (2) constitua une des premières activités de Miriam. Il y a vingt-cinq ans, l'Armée du Salut n'était pas si bien comprise et appréciée que maintenant. En vérité, le faubourg conservateur de Hadley Wood ne regardait pas d'un bon oeil l'établissement de cette famille salutiste parmi les vieilles familles. Lorsque Miriam et ses soeurs commencèrent leur tournée de collecte, elles découvrirent qu'il existait des gens qui n'aiment pas l'Armée et qui se montrent tout le contraire d'aimables envers les salutistes. En riant de ces expériences, des années plus tard, elle dira :
- Ah ! je ne pense pas que j'oublierai jamais cette maison où une vieille femme nous poursuivit avec un balai. Ce fut dans notre bande un beau sauve-qui-peut.

Réflexion faite, les fillettes décidèrent qu'elles étaient trop nombreuses pour se présenter toutes ensemble à chaque porte. Ainsi, tandis que deux d'entre elles collecteraient, la troisième resterait dehors en prière. Elles prirent à tour de rôle cette dernière place. On inscrivait l'argent reçu au crédit de celle qui priait dehors. Miriam, toujours très active, préférait de beaucoup collecter que prier. Parfois on faisait entrer les enfants, on leur posait des questions embarrassantes pour se rendre compte de la valeur de leurs convictions. Mais les difficultés de ces premiers temps sont passées depuis longtemps; maintenant la jeunesse du « Homestead » est estimée, et elle est aimée par un cercle toujours croissant de voisins.

Le premier travail bien défini de Miriam consista à aider la Ligue de l'Amitié de poste. Sa soeur Catherine dirigeait la Ligue de l'Amitié, et Marie et Miriam l'aidaient à réunir de pauvres enfants à la salle de Barnet. Elles s'efforçaient de persuader à des garçons et des fillettes de signer l'engagement de ne point consommer de boissons alcooliques, de ne faire aucun usage de tabac, de ne pas jurer ou voler, ou jouer à des jeux de hasard, d'être bons envers les animaux, de s'efforcer de dire toujours la vérité et de prier matin et soir. Les enfants de la Ligue étaient divisés en classes, on leur enseignait des mouvements de gymnastique, la couture, le dessin, le découpage du bois et d'autres petits travaux.

Une soirée par mois était consacrée aux jeux ou à un programme de réjouissances avec des rafraîchissements, Miriam aimait préparer ces rafraîchissements et le programme de cette soirée. Cette Ligue la mit pour la première fois en contact avec les vrais pauvres. Elle vit de ses propres yeux les effets du péché occasionnant les souffrances des innocentes victimes, Elle découvrit que les vieillards, les malades, les enfants, manquaient souvent de nourriture et de vêtements, qu'ils ne pouvaient s'ingénier à tirer de la vie le meilleur parti et que beaucoup ignoraient tout de la joie et de l'espérance. Ses sympathies les plus profondes furent éveillées, et un grand amour des nécessiteux jaillit des sources les plus cachées de son âme.

Une officière, en ce temps-là à Barnet, déclare :
Lorsque je connus pour la première fois celle qui devint la Capitaine Miriam, c'était une charmante fillette de quatorze ans environ. Je me rappelle un jour où elle visitait les enfants de sa Ligue et découvrit un pauvre vieux couple miséreux et sale. Elle était terrifiée à la pensée que certaines personnes puissent vivre dans un tel dénûment. Elle vint à bicyclette au logis des officières, sa belle chevelure flottant sur ses épaules et ses yeux étincelant de pitié et d'enthousiasme :
- Vous les visiterez, n'est-ce pas, Capitaine? Ils ont tant besoin d'être aidés.

Elle fut consolée par l'assurance que la Lieutenante et moi-même nous irions les voir et ferions de notre mieux pour les secourir. Nous nettoyâmes la maison et rendîmes tous les services que nous pûmes à ces pauvres vieux. Un certain temps après, l'homme se convertit et sa vieille femme fut réconfortée spirituellement dans la mesure où sa faible intelligence pouvait saisir les lumières éternelles. Miriam les visita maintes et maintes fois, comme elle le faisait d'ailleurs pour d'autres maisons du voisinage, tel un ange qui aurait cependant le rire et le toucher des humains.

Beaucoup de soldats du poste de Barnet sont les heureux possesseurs de la photographie de la Capitaine Miriam; elle occupe la place d'honneur a leur foyer. Mais, qui dira la place qu'elle tient dans leur coeur? On la découvre lorsqu'on mentionne le nom de la Capitaine Miriam. Mme Moore, une des plus anciennes salutistes, véritable mère du poste, vint demeurer à Barnet lorsque Miriam n'était qu'une fillette en jupes courtes. À ce moment, la famille Moore traversa une période de sévères et rudes épreuves; le mari frappé de paralysie et le plus jeune enfant était aussi infirme :

Oh! Miss Miriam, elle était toujours si aimable, dit Mme Moore. Elle apportait un rayon de soleil à notre foyer, dans ces jours si sombres. Notre garçon, le petit Robert, était étendu immobile pour de longs mois, et il ne parlait que de devenir capitaine de l'Armée du Salut, lorsqu'il serait grand. Miss Miriam riait avec lui et l'égayait. Elle lui procura un vieux cornet à pistons, tout bossué, pour jouer à l'Armée. Pendant des mois, ce cornet le rendit heureux. Elle prêtait à tout ce qu'elle touchait un véritable charme. Robert plaçait au-dessus de tout une vieille poupée de chiffons qu'elle lui avait apportée. Il est aujourd'hui officier de l'Armée du Salut et Miss Miriam est un ange à ses yeux. Ces temps si difficiles sévissaient sur notre famille au moment de l'excursion annuelle des enfants de la jeune Armée. Je ne pouvais laisser partir les miens. Miss Miriam en devina la cause, elle paya pour eux de son argent de poche.
Quelle salutiste elle faisait! J'étais convertie depuis longtemps, mais je ne pouvais souffrir l'idée de revêtir l'uniforme. Quand elle m'en parlait, je disais :
- Mademoiselle, je sais que je suis sauvée, qu'importent les habits?
- Ils importent beaucoup, répondait-elle. Nous pouvons prêcher d'une façon silencieuse, si nos habits forcent les gens à penser à Dieu.
Oui, je porte l'uniforme maintenant.

Elle ne dépensait pas toute son amabilité chez nous, croyez-m'en; elle était partout la même. Une vieille femme, tordue et estropiée par les rhumatismes, demeurait près de chez nous. Le dimanche après-midi, Miriam apportait son souper avec elle; elle conduisait sa classe de garçons à la salle, puis venait chez la vieille dame. Elle nettoyait tout, dressait la table pour le souper qu'elles prenaient ensemble. Puis elle chantait, lisait, priait jusqu'à ce qu'elle parte directement de cette maison pour la réunion du soir. Les gens l'aimaient tous.
Oh! oui; elle savait si bien encourager. Lorsque je commençai à collecter pour la Semaine de Renoncement, je me sentais si effrayée et si timide.
- Je sais ce que vous ressentez, Madame Moore, me dit-elle, mais quand je collecte ainsi, je mets un tel masque de bravoure que personne, sinon moi, ne sait combien je suis poltronne.

Si elle vous voyait arrêté et dans l'impossibilité d'atteindre votre cible (3), elle vous aidait sans bruit. Au moment de la Fête de la Moisson, habillée en costume de campagne, équipée de pied en cape, elle s'y mettait de tout coeur avec nous.

Le sergent-major Knight, un magnifique trophée de la grâce, habita Barnet pendant l'adolescence de Miriam :
- Miss Miriam! s'exclama-t-il... Eh ! elle me rappelle sa tante Eva (4) à son âge. Son amour pour les pauvres surpassait toutes choses. Je l'ai vue batailler pour conquérir cette famille-ci, puis encore celle-là, conduisant les enfants à la Jeune Armée. Quand elle apparaissait dans les rues, ces petits êtres tout barbouillés couraient après elle et elle tournait vers eux son visage rayonnant. Pendant mon séjour à Barnet, la foire arriva. Vous avez entendu parler de la foire de Barnet. Eh bien ! Miss Miriam décida de tenir une réunion sur le champ de foire. Le poste s'aligna et nous nous rendîmes à la foire où nous eûmes trois réunions. Peut-être connaissez-vous le bruit d'un champ de foire : les marchands hurlant leurs réclames, la parade des théâtres forains, les marchands de nougat, les cris : « Essayez votre force... » et mille autres bruits. Nous nous arrêtâmes juste en face d'une baraque de boxeurs. Quatre hommes lançaient un défi aux passants, se déclarant prêts à boxer avec n'importe quel amateur. Miss Miriam était terriblement troublée en voyant ces marques du péché tout autour d'elle; je revois encore son visage où se lisait l'anxiété : Saurait-elle faire pénétrer son message dans le coeur de ces gens si distraits? Ah! c'était une magnifique personnalité, une magnifique personnalité.

Et le vieillard secoua sa tête, perdu dans une affectueuse rêverie. Parmi les nombreuses lettres que reçurent le Général et Mme Booth au moment de la promotion à la Gloire éternelle de Miriam, pas une ne toucha davantage les parents que celle du frère Knight, maintenant rappelé aussi a la maison du Père.
La voici dans toute sa naïveté :

Ma chère Madame la Générale,

Je suis sûr que vous me pardonnerez de vous écrire. Je ne puis pas m'en empêcher; je fus si content de lire dans ce cher vieux Cri de Guerre que vous acceptiez comme la volonté de Dieu qu'il ait repris à lui notre chère Mlle Miriam. Dieu la bénisse, vous ne pouviez pas voir autrement. Mais considérez combien ce sera gentil, pour vous et pour moi, de l'avoir là pour nous accueillir et nous souhaiter la bienvenue dans ce magnifique palais. Dieu vous bénisse; il me semble que je puis encore vous revoir maintenant nous parlant, juste à quelques-uns, dans votre salle à manger, quand vous nous avez reçus pour nous offrir une tasse de café et quelques gâteaux comme nous sommes venus vous chanter des cantiques de Noël. Vous nous avez fait un discours si aimable, si maternel, quand nous étions assis, les coudes sur la table, et Mlle Miriam était alors âgée d'environ seize ans, je pense. Il me semble la revoir nous introduisant tous. Tout ce que vous nous dites pénétra jusqu'au fond de nos coeurs et nous fit du bien à tous :

Le monde est plein de cupidités et de vaines chimères. Une chose demeure ferme comme le roc :
La sympathie avec les affligés dans leurs peines amères.
Et le courage pour nous de supporter le choc.

Je n'oublierai jamais comment Mlle Miriam travailla pour gagner ce joueur d'orgue de barbarie, l'Italien, sa femme et sa famille. Dieu la bénisse, il me semble la voir encore le dimanche après-midi, avec son petit sac de provisions, traversant la place de Hadley, elle se rendait chez le joueur d'orgue; elle laissait là son sac et les aliments qu'il contenait et elle emmenait les enfants à l'école du dimanche à la Jeune Armée; puis elle prenait le thé avec eux de manière à les gagner. Et je me souviens bien du premier soir où Mlle Miriam amena le joueur d'orgue de barbarie à la réunion. Son coeur, à notre chère Mlle Miriam, débordait; elle fit asseoir l'homme auprès d'elle au piano. Elle semblait réellement un ange, aussi nous ne pouvons pas nous étonner que le Père l'ait reprise pour sa véritable maison. Oh! combien il vous est doux de sentir et de savoir que Dieu vous l'avait confiée; quel honneur pour vous d'avoir eu à soigner une de ses douces créatures. Car elle s'en est allée chercher sa récompense et, Dieu vous bénisse, vous serez bientôt avec elle, n'est-ce pas?

Votre fidèle à la croix et au drapeau,

S.-M. P. (5) H. KNIGHT.

Des mères furent humiliées et attristées lorsque leur fille bien-aimée leur confia son désir d'obéir à l'appel de Dieu et de devenir salutiste. Il leur semblait que passer sa vie parmi des gens comme ceux que l'Armée du Salut cherche à relever, c'était gaspiller l'instruction qu'elle avait reçue et risquer de se gâter par le contact avec le mal.
Mais l'exemple de Miriam Booth nous montre que la présence de l'Esprit du Christ en nous nous protège de toute contamination morale ou spirituelle. Le feu de l'amour garde le temple pur. Le Fils de Dieu lui-même fut heureux de passer sa vie parmi les plus ignorants et les plus dégradés, ne l'oublions pas, et il a dit : « Là où je suis, là aussi sera mon serviteur. »




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