HIGH Barnet est le poste de l'Armée du
Salut le plus proche de Hadley. Sur ce champ de
bataille-là, Miriam, ses frères et
ses soeurs firent leurs premières armes.
Toute petite, Miriam accompagnait Miss Asdell et
ses soeurs aux réunions à Barnet. Les
plus lointains souvenirs de l'activité
publique de Miriam nous offrent l'image d'une
petite fille, en chapeau salutiste, chantant
à une réunion sur la place
gazonnée de Hadley, près de la ligne
du chemin de fer.
Sauver les âmes, rendre heureux
les gens, à l'imitation de ses parents,
telle était l'ambition de Miriam lorsqu'elle
commença à édifier ses projets
d'avenir. La « Ligue militaire et navale » lui
permit de
travailler de bonne heure à la seconde
partie de son plan. Notre Fondateur avait
organisé cette Ligue pour le bien des
salutistes servant sous le drapeau anglais dans les
diverses parties du monde. Ces militaires, ces
marins devenaient ligueurs et correspondaient
régulièrement avec le Quartier
Général de Londres.
Miriam et ses soeurs
s'intéressèrent vivement aux
ligueurs. Elles demandèrent les noms de
plusieurs d'entre eux. Elles se chargèrent
particulièrement de correspondre avec eux,
leur envoyant des lettres jusqu'aux
extrémités de la terre. Elles leur
expédiaient aussi les journaux hebdomadaires
dès leur arrivée. Si le paquet de Cri
de Guerre (1)
arrivait en retard, une des jeunes filles
commençait à les plier, une autre
rédigeait les adresses, la troisième
mettait vite son chapeau et son manteau pour courir
porter les journaux à la boîte
voisine. Miriam courait le plus souvent
possible.
La Colonelle Marie rappelle un incident
survenu pendant leur séjour à
Plymouth, chez leur
grand-père, le docteur Soper. Le trio
était alors âgé respectivement
de douze, dix et huit ans.
Elles s'intéressaient
profondément à quelques marins
inconvertis, rencontrés à la salle de
l'Armée du Salut. Ils allaient partir pour
les pays lointains. À la dernière
réunion, les fillettes s'efforcèrent
de les amener à Jésus, mais ne
parvenant point à les décider, elles
les invitèrent à venir les voir chez
leur grand-père.
Lorsque les visiteurs arrivèrent,
la petite Miriam était couchée, mais
elle entendit leurs voix. Alors, s'enveloppant
par-dessus sa chemise de nuit dans une couverture,
elle descendit sans bruit les escaliers; elle
s'agenouilla sur le paillasson, à la porte
de la chambre où Catherine et Marie
parlaient du Sauveur à ces hommes. Les
marins partis, les soeurs découvrirent
Miriam les yeux remplis de larmes, elle chevrotait
:
- Et je n'étais pas là
pour vous aider!
Mais les soeurs
s'ingénièrent à la consoler,
en l'assurant que le coté de la porte
où elle se trouvait importait peu; Dieu
avait entendu ses prières et il les avait
exaucées.
La participation a l'effort de la
Semaine de Renoncement (2)
constitua une
des premières activités de Miriam. Il
y a vingt-cinq ans, l'Armée du Salut
n'était pas si bien comprise et
appréciée que maintenant. En
vérité, le faubourg conservateur de
Hadley Wood ne regardait pas d'un bon oeil
l'établissement de cette famille salutiste
parmi les vieilles familles. Lorsque Miriam et ses
soeurs commencèrent leur tournée de
collecte, elles découvrirent qu'il existait
des gens qui n'aiment pas l'Armée et qui se
montrent tout le contraire d'aimables envers les
salutistes. En riant de ces expériences, des
années plus tard, elle dira :
- Ah ! je ne pense pas que j'oublierai
jamais cette maison où une vieille femme
nous poursuivit avec un balai. Ce fut dans notre
bande un beau sauve-qui-peut.
Réflexion faite, les fillettes
décidèrent qu'elles étaient
trop nombreuses pour se présenter toutes
ensemble à chaque porte. Ainsi, tandis que
deux d'entre elles collecteraient, la troisième
resterait dehors
en prière. Elles prirent à tour de
rôle cette dernière place. On
inscrivait l'argent reçu au crédit de
celle qui priait dehors. Miriam, toujours
très active, préférait de
beaucoup collecter que prier. Parfois on faisait
entrer les enfants, on leur posait des questions
embarrassantes pour se rendre compte de la valeur
de leurs convictions. Mais les difficultés
de ces premiers temps sont passées depuis
longtemps; maintenant la jeunesse du «
Homestead » est estimée, et elle est
aimée par un cercle toujours croissant de
voisins.
Le premier travail bien défini de
Miriam consista à aider la Ligue de
l'Amitié de poste. Sa soeur Catherine
dirigeait la Ligue de l'Amitié, et Marie et
Miriam l'aidaient à réunir de pauvres
enfants à la salle de Barnet. Elles
s'efforçaient de persuader à des
garçons et des fillettes de signer
l'engagement de ne point consommer de boissons
alcooliques, de ne faire aucun usage de tabac, de
ne pas jurer ou voler, ou jouer à des jeux
de hasard, d'être bons envers les animaux, de
s'efforcer de dire toujours la vérité
et de prier matin et soir. Les enfants de la Ligue
étaient divisés en classes, on leur
enseignait des mouvements de gymnastique, la
couture, le
dessin, le découpage du bois et d'autres
petits travaux.
Une soirée par mois était
consacrée aux jeux ou à un programme
de réjouissances avec des
rafraîchissements, Miriam aimait
préparer ces rafraîchissements et le
programme de cette soirée. Cette Ligue la
mit pour la première fois en contact avec
les vrais pauvres. Elle vit de ses propres yeux les
effets du péché occasionnant les
souffrances des innocentes victimes, Elle
découvrit que les vieillards, les malades,
les enfants, manquaient souvent de nourriture et de
vêtements, qu'ils ne pouvaient
s'ingénier à tirer de la vie le
meilleur parti et que beaucoup ignoraient tout de
la joie et de l'espérance. Ses sympathies
les plus profondes furent éveillées,
et un grand amour des nécessiteux jaillit
des sources les plus cachées de son
âme.
Une officière, en ce
temps-là à Barnet, déclare
:
Lorsque je connus pour la
première fois celle qui devint la Capitaine
Miriam, c'était une charmante fillette de
quatorze ans environ. Je me rappelle un jour
où elle visitait les enfants de sa Ligue et
découvrit un pauvre vieux couple
miséreux et sale. Elle était
terrifiée à la pensée que
certaines personnes puissent vivre dans un tel
dénûment. Elle vint à
bicyclette au logis des officières, sa belle
chevelure flottant sur ses épaules et ses
yeux étincelant de pitié et
d'enthousiasme :
- Vous les visiterez,
n'est-ce
pas, Capitaine? Ils ont tant besoin d'être
aidés.
Elle fut consolée par
l'assurance que la Lieutenante et moi-même
nous irions les voir et ferions de notre mieux pour
les secourir. Nous nettoyâmes la maison et
rendîmes tous les services que nous
pûmes à ces pauvres vieux. Un certain
temps après, l'homme se convertit et sa
vieille femme fut réconfortée
spirituellement dans la mesure où sa faible
intelligence pouvait saisir les lumières
éternelles. Miriam les visita maintes et
maintes fois, comme elle le faisait d'ailleurs pour
d'autres maisons du voisinage, tel un ange qui
aurait cependant le rire et le toucher des
humains.
Beaucoup de soldats du poste de Barnet
sont les heureux possesseurs de la photographie de
la Capitaine Miriam; elle occupe la place d'honneur
a leur foyer. Mais, qui dira la place qu'elle tient
dans leur coeur? On la découvre lorsqu'on
mentionne le nom de la Capitaine Miriam. Mme Moore,
une des plus anciennes salutistes, véritable
mère du poste, vint demeurer à Barnet
lorsque Miriam n'était qu'une fillette en
jupes courtes. À ce moment, la famille Moore
traversa
une
période de sévères et rudes
épreuves; le mari frappé de paralysie
et le plus jeune enfant était aussi infirme
:
Oh! Miss Miriam, elle était
toujours si aimable, dit Mme Moore. Elle apportait
un rayon de soleil à notre foyer, dans ces
jours si sombres. Notre garçon, le petit
Robert, était étendu immobile pour de
longs mois, et il ne parlait que de devenir
capitaine de l'Armée du Salut, lorsqu'il
serait grand. Miss Miriam riait avec lui et
l'égayait. Elle lui procura un vieux cornet
à pistons, tout bossué, pour jouer
à l'Armée. Pendant des mois, ce
cornet le rendit heureux. Elle prêtait
à tout ce qu'elle touchait un
véritable charme. Robert plaçait
au-dessus de tout une vieille poupée de
chiffons qu'elle lui avait apportée. Il est
aujourd'hui officier de l'Armée du Salut et
Miss Miriam est un ange à ses yeux. Ces
temps si difficiles sévissaient sur notre
famille au moment de l'excursion annuelle des
enfants de la jeune Armée. Je ne pouvais
laisser partir les miens. Miss Miriam en devina la
cause, elle paya pour eux de son argent de
poche.
Quelle salutiste elle
faisait!
J'étais convertie depuis longtemps, mais je
ne pouvais souffrir l'idée de revêtir
l'uniforme. Quand elle m'en parlait, je disais
:
- Mademoiselle, je sais
que je
suis sauvée, qu'importent les habits?
- Ils importent
beaucoup,
répondait-elle. Nous pouvons prêcher
d'une façon silencieuse, si nos habits
forcent les gens à penser à
Dieu.
Oui, je porte
l'uniforme
maintenant.
Elle ne dépensait pas
toute son amabilité chez nous, croyez-m'en;
elle était partout la même. Une
vieille femme, tordue et estropiée par les
rhumatismes, demeurait près de chez nous. Le
dimanche après-midi, Miriam apportait son
souper avec elle; elle conduisait sa classe de
garçons à la salle, puis venait chez
la vieille dame. Elle nettoyait tout, dressait la
table pour le souper qu'elles prenaient ensemble.
Puis elle chantait, lisait, priait jusqu'à
ce qu'elle parte directement de cette maison pour
la réunion du soir. Les gens l'aimaient
tous.
Oh! oui; elle savait si
bien
encourager. Lorsque je commençai à
collecter pour la Semaine de Renoncement, je me
sentais si effrayée et si
timide.
- Je sais ce que vous
ressentez,
Madame Moore, me dit-elle, mais quand je collecte
ainsi, je mets un tel masque de bravoure que
personne, sinon moi, ne sait combien je suis
poltronne.
Si elle vous voyait
arrêté et dans l'impossibilité
d'atteindre votre cible (3),
elle vous
aidait sans bruit. Au moment de la Fête de la
Moisson, habillée en costume de campagne,
équipée de pied en cape, elle s'y
mettait de tout coeur avec nous.
Le sergent-major Knight, un
magnifique trophée de la
grâce, habita Barnet pendant l'adolescence de
Miriam :
- Miss Miriam!
s'exclama-t-il...
Eh ! elle me rappelle sa tante Eva (4)
à son
âge. Son amour pour les pauvres surpassait
toutes choses. Je l'ai vue batailler pour
conquérir cette famille-ci, puis encore
celle-là, conduisant les enfants à la
Jeune Armée. Quand elle apparaissait dans
les rues, ces petits êtres tout
barbouillés couraient après elle et
elle tournait vers eux son visage rayonnant.
Pendant mon séjour à Barnet, la foire
arriva. Vous avez entendu parler de la foire de
Barnet. Eh bien ! Miss Miriam décida de
tenir une réunion sur le champ de foire. Le
poste s'aligna et nous nous rendîmes à
la foire où nous eûmes trois
réunions. Peut-être connaissez-vous le
bruit d'un champ de foire : les marchands hurlant
leurs réclames, la parade des
théâtres forains, les marchands de
nougat, les cris : « Essayez votre force...
» et mille autres bruits. Nous nous
arrêtâmes juste en face d'une baraque
de boxeurs. Quatre hommes lançaient un
défi aux passants, se déclarant
prêts à boxer avec n'importe quel
amateur. Miss Miriam était terriblement
troublée en voyant ces marques du
péché tout autour d'elle; je revois
encore son visage où se lisait
l'anxiété : Saurait-elle faire
pénétrer son message dans le coeur de
ces gens si distraits? Ah! c'était une
magnifique personnalité, une magnifique
personnalité.
Et le vieillard secoua sa
tête, perdu dans une affectueuse
rêverie. Parmi les nombreuses lettres que
reçurent le Général et Mme
Booth au moment de la promotion à la Gloire
éternelle de Miriam, pas une ne toucha
davantage les parents que celle du frère
Knight, maintenant rappelé aussi a la maison
du Père.
La voici dans toute sa
naïveté :
Ma chère Madame la Générale,
Je suis sûr que vous me pardonnerez de vous écrire. Je ne puis pas m'en empêcher; je fus si content de lire dans ce cher vieux Cri de Guerre que vous acceptiez comme la volonté de Dieu qu'il ait repris à lui notre chère Mlle Miriam. Dieu la bénisse, vous ne pouviez pas voir autrement. Mais considérez combien ce sera gentil, pour vous et pour moi, de l'avoir là pour nous accueillir et nous souhaiter la bienvenue dans ce magnifique palais. Dieu vous bénisse; il me semble que je puis encore vous revoir maintenant nous parlant, juste à quelques-uns, dans votre salle à manger, quand vous nous avez reçus pour nous offrir une tasse de café et quelques gâteaux comme nous sommes venus vous chanter des cantiques de Noël. Vous nous avez fait un discours si aimable, si maternel, quand nous étions assis, les coudes sur la table, et Mlle Miriam était alors âgée d'environ seize ans, je pense. Il me semble la revoir nous introduisant tous. Tout ce que vous nous dites pénétra jusqu'au fond de nos coeurs et nous fit du bien à tous :
Le monde est plein de cupidités et de vaines chimères. Une chose demeure ferme comme le roc :
La sympathie avec les affligés dans leurs peines amères.
Et le courage pour nous de supporter le choc.
Je n'oublierai jamais comment Mlle Miriam travailla pour gagner ce joueur d'orgue de barbarie, l'Italien, sa femme et sa famille. Dieu la bénisse, il me semble la voir encore le dimanche après-midi, avec son petit sac de provisions, traversant la place de Hadley, elle se rendait chez le joueur d'orgue; elle laissait là son sac et les aliments qu'il contenait et elle emmenait les enfants à l'école du dimanche à la Jeune Armée; puis elle prenait le thé avec eux de manière à les gagner. Et je me souviens bien du premier soir où Mlle Miriam amena le joueur d'orgue de barbarie à la réunion. Son coeur, à notre chère Mlle Miriam, débordait; elle fit asseoir l'homme auprès d'elle au piano. Elle semblait réellement un ange, aussi nous ne pouvons pas nous étonner que le Père l'ait reprise pour sa véritable maison. Oh! combien il vous est doux de sentir et de savoir que Dieu vous l'avait confiée; quel honneur pour vous d'avoir eu à soigner une de ses douces créatures. Car elle s'en est allée chercher sa récompense et, Dieu vous bénisse, vous serez bientôt avec elle, n'est-ce pas?
Votre fidèle à la croix et au drapeau,
S.-M. P. (5) H. KNIGHT.
Des mères furent humiliées et
attristées lorsque leur fille
bien-aimée leur confia son désir
d'obéir à l'appel de Dieu et de
devenir salutiste. Il leur semblait que passer sa
vie parmi des gens comme ceux que l'Armée du
Salut cherche à relever, c'était
gaspiller l'instruction qu'elle avait reçue
et risquer de se gâter par le contact avec le
mal.
Mais l'exemple de Miriam Booth
nous
montre que la présence de l'Esprit du Christ
en nous nous protège de toute contamination
morale ou spirituelle. Le feu de l'amour garde le
temple pur. Le Fils de Dieu lui-même fut
heureux de passer sa vie parmi les plus ignorants
et les plus dégradés, ne l'oublions
pas, et il a dit : « Là où je
suis, là aussi sera mon serviteur. »
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