Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE II

La maladie de « la mère de l'Armée » projetait ses premières ombres sur l'Armée du Salut. Notre Fondateur et le Chef d'État-Major vinrent habiter le tranquille faubourg de Hadley Wood, où Miriam passa la plus grande partie de sa vie. Unies si étroitement par l'affection et l'intérêt, Miriam et ses soeurs aînées, Catherine et Marie, restent inséparables, même dans la pensée de leurs parents, lorsqu'ils se reportent à ces années d'enfance. Le premier souvenir d'une action personnelle de Miriam a trait à sa conversion.

Les influences de son foyer, où Dieu tenait la première place, expliquent les aspirations religieuses de sa tendre enfance. À l'âge de cinq ans, le sentiment du péché provoqua en elle une profonde détresse et, nous raconte-t-elle plus tard, elle pleurait pendant la nuit, tellement elle se sentait indigne d'aller au ciel.

En 1894, à l'occasion du grand Congrès International, une grande manifestation eut lieu au Crystal Palace. Mme Booth ne jugeait pas sage de laisser de jeunes enfants assister à toutes les réunions. Elle permit aux trois fillettes de choisir l'une ou l'autre de ces grandes assemblées. Catherine et Marie se décidèrent pour le festival de musique, mais Miriam préféra la grande réunion solennelle. Elle essaya sérieusement de suivre le discours du vieux Général, et lorsque celui-ci invita à s'approcher quiconque désirait le salut, elle fut la première à répondre; elle s'avança résolument et s'agenouilla près de la chaise de son grand-père. Notre bien-aimé Fondateur se courba et dans un langage simple, à la portée d'une intelligence enfantine, il amena à Jésus la toute petite. À partir de ce jour, Miriam chercha à plaire à Dieu. Ce but, offert de bonne heure à sa vie, régla sa volonté, en canalisa les énergies dans une voie heureuse et sûre.


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La vie au foyer était pour « Mim chérie », comme on l'appelait en famille, pleine de joyeuse simplicité. Avec six frères et soeurs débordants de vie, bons camarades, faisant leurs délices des cadeaux de la Nature bien plus que des jouets manufacturés, elle ne désirait aucune autre compagnie, aucun autre amusement.

Les parents encourageaient chez leurs enfants l'amour des bêtes, et a Hadley Wood le jardin ressemblait à un jardin zoologique avec ses lapins, ses cobayes, ses rats, ses souris, ses tortues, ses chats et ses chiens. Chacun des enfants avait ses favoris et il devait en prendre soin. Miriam raconte comment, un soir, elle entendit le gravier de l'allée grincer sous les pas de son père. À ce bruit, elle se souvint qu'elle avait oublié de donner leur repas à ses cobayes. Elle s'échappa bien vite pour réparer cet oubli, de peur de rencontrer le regard réprobateur de papa.

Tout petits, les enfants aimaient à jouer à l'Armée, et ce jeu les intéressa jusqu'au moment où ils passèrent de la fiction a la réalité. Un jour que Miriam était chez des amis, son hôtesse la trouva dans la serre, organisant une réunion avec sa petite soeur et ses poupées. Elle finit par les faire tous s'avancer au « banc des pénitents » pour les rendre sages.

Au « Homestead » (1) c'est le nom de leur maison, la journée commençait par la prière en famille. On chantait un beau cantique accompagné au piano, puis le Chef lisait une portion de l'Écriture dans le Guide du Soldat, et il le commentait par quelques mots appropriés aux âges des enfants. La prière qui suivait n'était pas une vaine répétition de mots, mais une simple et respectueuse conversation avec Dieu, pour le louer, le remercier, le supplier. À l'autel familial, Miriam apprit le véritable esprit de prière.

Aucune femme de sa génération n'a fait autant que Mme Bramwell Booth pour ses soeurs souffrantes et pécheresses. Mais avant de servir dans cette grande oeuvre sociale, elle nous apparaît comme une véritable mère. Mme Booth n'est jamais aussi heureuse que parmi ses enfants. Dans leur tendre enfance, rien n'était laisse aux soins du hasard ou des étrangers. Elle s'occupait elle-même de tout ce qui concernait leur bien-être ou leur bonheur : nourriture, vêtements, dont elle confectionnait de ses propres mains la majeure partie, éducation et culture de leur âme.

Aux yeux des enfants, aucun portrait de Madone ne pouvait soutenir la comparaison avec le visage aimable de leur mère; la description des plus belles reines ne pouvait rivaliser de charmes avec cette mère si douce et si jolie. Heureuse mère! qui savait si simplement redevenir enfant avec ses enfants, tout en guidant leurs premiers pas dans le chemin de la vie. Lorsque la rougeole s'abattit sur la petite famille, Mme Booth en fut elle-même atteinte et s'installa dans leur chambre, à leur grande joie, Et, tous ensemble, ils passèrent le temps de leur maladie le plus agréablement du monde,

Quelques années après son mariage, Mme Booth fut aidée dans son travail par Mlle Marianne Asdell. Mlle Asdell se préparait à devenir infirmière quand, par hasard, semble-t-il, elle fut invitée par une amie à une réunion de sanctification de l'Armée du Salut. Dès le début, elle fut captivée par cette idée que l'entière sanctification est possible pour ceux qui se soumettent entièrement à la volonté de Dieu et mettent leur confiance dans le sang de Jésus. Les témoignages de gens tirés de profonds abîmes du péché la décidèrent tout à coup de s'offrir pour tout travail que l'Armée voudrait bien lui confier. Elle fut acceptée pour des fonctions dans le service social de l'Armée parmi les femmes. Elle aida Mme Booth dans son Oeuvre de Relèvement. Entre temps, elle venait soulager la jeune mère dans sa lourde tâche. Peu à peu, elle devint le guide, le professeur, l'amie bien-aimée du petit troupeau de Mme Booth. Ils lui trouvèrent vite un petit nom d'amitié « Zazzie ». Avec les soins de Zazzie. leur mère savait que tout était bien, car Mlle Asdell aimait les enfants et s'intéressait à tout ce qui les concernait, autant que Mme Booth elle-même. À la Brigadière Asdell (2) nous sommes redevables des détails sur l'enfance de Miriam.

Comme « la mère de l'Armée », Mme Booth pensait que l'école commune n'est pas un bon terrain d'entraînement pour des enfants appelés à consacrer leur vie au salut des âmes. Institutrice née, elle entreprit elle-même l'instruction de ses enfants. Tout de suite, Miriam montra un esprit studieux. La difficulté n'était pas de la pousser à l'étude, mais de l'en faire quitter. Une promenade quotidienne, d'une certaine longueur, leur était prescrite. Miriam et ses soeurs couraient souvent sur tout le parcours, afin de retourner plus tôt a leurs livres.
- Je crois inutile d'ennuyer Miriam avec la musique, confia un jour Mme Booth à Mlle Asdell, elle semble n'avoir aucune disposition, ses doigts sont si maladroits.

Mais Miriam avait d'autres idées sur ce sujet. Elle irait peut-être lentement, mais elle voulait apprendre. Elle travailla et devint une bonne et utile pianiste, capable d'accompagner les chants, solos et choeurs, avec ou sans l'aide de recueil de musique.

La couture était une véritable épreuve pour Miriam. Sa nature énergique et impétueuse trouvait ce travail lent et ennuyeux, mais son grand amour pour sa mère l'aida à vaincre cette aversion. Aux approches d'un anniversaire, on tenait d'importants conciliabules pour décider de ce que Miriam préparerait. jamais on ne choisit un objet acheté tout fait, mais plutôt quelque chose à faire, quelque chose qui, même sans élégance, prouverait de la persévérance et du soin.
Une fois Miriam fit une taie d'oreiller; une autre fois, elle aida Catherine et Marie dans la confection d'une chemise pour leur père. Un jour mémorable, Mlle Asdell dit :
- Mim chérie, je crois savoir ce que maman aimerait beaucoup, mais je ne sais trop si vous vous soucieriez de le faire.
- Qu'est-ce que c'est, Zazzie?
- Arranger un drap en réunissant les deux côtés par un surjet pour en faire le milieu.
- Pensez-vous que maman aimerait réellement cela? demanda Miriam d'une voix triste.
- J'en suis absolument sûre.

Et Miriam se mit résolument à cet ennuyeux surjet de plusieurs mètres.
La préparation d'un anniversaire était pleine d'attraits, car on la tenait secrète, mais justement, cette fois-là, Mme Booth entra inopinément dans la salle d'études. Miriam ramassa bien vite son drap dans son tablier et s'exclama effrayée :
- Oh ! maman, vous avez vu !
- Non, ma chérie, vraiment, je n'ai rien vu qu'un vieux drap!

Un vieux drap ! La mortification de Miriam était complète. Pour une fois, Zazzie s'était trompée. Pleurant à chaudes larmes, elle déclara :
- Cette vieillerie ne plaira pas à maman!

Et elle y avait consacré tous ses instants de loisir depuis des semaines. Il fallut bien des paroles d'encouragement pour persuader Miriam de continuer sa tâche. Pourtant le travail fut fini à temps, et les louanges de sa mère compensèrent largement les piqûres aux doigts et les crampes dans les mains. Ainsi elle devint habile à manier l'aiguille, et ses textes brodés et autres petits souvenirs constituent aujourd'hui des trésors conservés dans bien des coins du monde.

Le courage n'était pas une qualité naturelle chez Miriam : elle craignait le tonnerre et l'obscurité. Elle partageait la chambre de ses soeurs et, pourtant, elle aimait en laisser la porte ouverte pour entendre les bruits de la maison jusqu'à ce qu'elle s'endorme. Mais elle cultiva le sentiment du devoir jusqu'à ce qu'il devînt plus fort que la crainte, et ainsi elle surmonta sa timidité. Elle persévéra si bien, que plus tard son courage devint proverbial.

Certaines personnes se consoleront peut-être en apprenant que « la bosse de l'ordre » faisait totalement défaut à Miriam dans sa jeunesse, non pas qu'elle s'accommodât de choses malpropres, mais elle ne pensait pas à ranger ses affaires. Sur ce point elle était une épreuve pour sa mère. Enfin, elle s'en rendit compte: ce désordre était un véritable obstacle au service fidèle du Seigneur. Elle prit la ferme résolution de changer, elle s'imposa d'accomplir soigneusement même les taches ennuyeuses, au temps voulu, jusqu'à ce qu'elle devînt l'ordre personnifié. Quand Dieu l'appela, son bureau, son classeur, son tiroir à papier, son carnet de notes contenant la liste de ses correspondants, ses comptes, son tricot et sa couture, tout était dans l'ordre le plus parfait, comme si elle attendait l'inspection de son Maître.

Dans les alentours de la maison familiale se trouvaient plusieurs lieux historiques, d'accès facile et capables d'enflammer l'imagination d'un enfant impressionnable. Miriam aimait l'histoire. À quelques milles du « Homestead » une colonne marquait l'endroit de la bataille de Barnet, un peu plus loin c'était Whetstone (3) où l'on aiguisait les épées des armées du roi. Le chêne de Latimer, a l'ombre duquel le grand réformateur répandait son âme sur le peuple, se trouve à la lisière de Hadley Wood. La vieille église de Hadley date de plusieurs centaines d'années, et porte encore les traces des jours où on permettait aux lépreux de venir écouter le sermon et de recevoir les sacrements à travers une petite ouverture connue sous le nom du « regard du lépreux ». Les différents musées de Londres étaient pour les enfants. d'inépuisables sources de plaisirs dans les grandes occasions, telles que les anniversaires.

Après les heures d'études, les enfants du Homestead avaient la permission de faire de longues randonnées dans la campagne, à la seule condition qu'ils nettoient eux-mêmes leurs chaussures et leurs vêtements salis par la boue. En hiver, ils s'ébattaient dans la neige ou dans l'air vivifiant d'une claire journée de gel; l'été, ils partaient à la recherche de baies ou de fleurs sauvages; ils étudiaient les moeurs des oiseaux ou des insectes de chaque saison; ils jouaient et couraient, s'en donnant à coeur joie, glissant le long des talus, sautant les fossés, jouant à « Robinson Crusoë ». Ils laissaient libre carrière à leur imagination. Miss Asdell se souvient d'un jour où les enfants trouvèrent un talus parfait pour la glissade. Ils volaient jusqu'en bas, assis sur une planche ou une plaque de tôle ou, si plaque et planche ne glissaient pas à souhait, sur leur fond de culotte ! Un examen des vêtements, à la fin du jour, amena la défense de glisser encore.
- Oh! Zazzie, c'est si délicieux! supplia Miriam.

Plus tard, Mlle Asdell, après réflexion, pensa que les plaisirs des enfants étaient bien innocents, en vérité, et elle leur fit à chacun une sorte de caleçon dans un morceau de toile à matelas. Les jupes des fillettes, bien ramassées là-dedans, elles purent glisser tout à leur aise. Pendant quelque temps, les enfants furent accompagnés dans leurs randonnées par une enfant riche, mais sans mère et élevée par des domestiques. Elle aimait beaucoup jouer avec Miriam et les autres, mais ses gardiens cherchaient plutôt à s'épargner de la peine qu'à procurer à l'enfant un réel bonheur. Une fois ou deux, la fillette rentra chez elle quelque peu ébouriffée ou la robe chiffonnée; on ne lui permit plus de rejoindre ses petits camarades. Miriam eut pitié de cette petite amie dont les vêtements élégants et les jouets de prix étaient loin de valoir la joie saine que procure la vie à la campagne.

Au cours de leur promenade, par une froide après-midi d'hiver, la compassion des enfants fut excitée à la vue d'un pauvre cheval trop chargé. Tourmenté par un charretier coléreux, il se raidissait en vain pour traîner en haut de la colline un lourd tombereau de navets. Les enfants ne purent garder le silence
- Oh ! nous vous en prions, ne battez plus votre cheval! demandèrent-ils. Si vous voulez décharger quelques kilos de navets, nous les transporterons là-haut et il traînera le reste.

D'abord le charretier leur répondit rudement d'avoir à se mêler de leurs affaires, mais les fillettes tinrent bon, parlementèrent, raisonnèrent jusqu'à ce que l'homme accédât à leur désir. Elles trouvèrent leur tâche longue et ennuyeuse, mais lorsque la dernière brassée de navets eut été fidèlement déposée dans le tombereau qui attendait au' sommet de la colline, le visage de l'homme s'était adouci et reflétait la bonne volonté de ses jeunes aides.

Les fillettes, devenues trop grandes pour la nursery, furent transférées à la salle d'études; ce fut alors une grande joie pour elles de prendre leur repas du soir entre elles. Pourvu qu'elles nettoient et rangent tout, elles avaient la liberté de faire ce qu'elles voulaient. Leur grand-père leur avait rapporté du continent un petit fourneau à pétrole, elles avaient grand plaisir à s'en servir pour préparer le thé. Il leur était défendu de mettre du beurre et de la confiture sur la même tartine; Mais, afin de goûter quand même à ce luxe, elles mangeaient quelquefois une tranche de pain sec. Les seules soirées permises se passaient en famille. Les enfants prenaient grand plaisir à organiser une soirée musicale où père et mère étaient invités a leur retour d'une tournée de réunions de l'Armée.

De toutes les heures du jour, la meilleure, pour Miriam, était l'heure de maman. Mme Booth rentrait le soir, souvent très fatiguée, mais aucune considération personnelle ne la fit négliger la nursery. C'était son repos, ce moment où, assise sur une chaise basse, son bébé sur les genoux., les autres petits autour d'elle, elle causait ou écoutait leur babillage pendant que l'on mettait au lit les plus jeunes. Ensuite elle aidait les aînés occupés à peindre, à dessiner ou à quelque autre travail. Que de fois ils s'asseyaient sur des coussins à ses pieds et, tandis que sa main caressait légèrement leurs cheveux, elle leur faisait la lecture. Sa voix douce et mélodieuse charmait leur attention. Ils puisèrent dans les trésors de la meilleure littérature, grâce à la sagesse qu'elle mettait dans l'interprétation du sujet, et dans la mise en valeur des points importants du récit.

Les Paraboles de la Nature, de Mme Gatty, les Contes d'Andersen et autres belles histoires, que Mme Booth leur racontait comme des allégories, étaient parmi les préférées des jeunes enfants. Puis vinrent l'histoire, les voyages, les biographies, les découvertes et inventions, l'histoire naturelle. Tant que Miriam ne fut pas assez âgée pour assister aux réunions publiques du dimanche soir à l'Armée, ce fut pour elle une joie spéciale que d'avoir maman à la maison. Dans ces heures bénies trouva place la lecture du Voyage du Chrétien, de Bunyan; de la Guerre sainte et d'autres livres pieux, coupée parfois de libres discussions.

En ses premières années, lorsque sa mère lisait, il arrivait à Miriam de remuer jusqu'à ce qu'elle soit allongée sur le plancher, généralement à plat ventre. Lorsque le sujet était pathétique ou émouvant, la société était surprise par un profond sanglot de la fillette, dont la nature sympathique prenait part aisément aux tristesses et aux souffrances de toute créature vivante.

Mme Booth pensait que la vie est un dépôt sacré duquel nous sommes responsables devant Dieu, elle employait ces heures du soir à éveiller et développer chez ses enfants les qualités dont ils auraient besoin pour être fidèles à leur devoir dans le service des souffrants et le sacrifice à leur cause. Toute l'Armée sait à quel point eue réussit.




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(1) Le Foyer, qui se trouvait à Hadley Wood et où habitent encore le Général et Mme Booth. 
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(2) Grade supérieur dans l'Armée du Salut. 
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(3) Pierre à aiguiser. 
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